Accueil
Séances plénières Tables
des matières Biographies
Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du lundi 22 août 1842
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Proposition relative aux réclamations des négociants en vins, à l’occasion de
la convention conclue avec la France. Principe de non-rétroactivité fiscale (Zoude, Delehaye, Osy,
Vandensteen, Osy, Smits, Verhaegen, Savart-Martel, de Brouckere, Vandenbossche, Desmet, Smits, Mercier)
(Moniteur belge n°235, du 23 août 1842)
(Présidence
de M. Dubus
(aîné))
M.
de Renesse fait l’appel nominal à 2 heures un
quart.
M.
Scheyven donne lecture du procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse présente l’analyse des pièces adressées
à la chambre :
PIECES
ADRESSEES A
« Les
sieurs Jean-Cornil Kulun,
né à Eisden (Pays-Bas), et Henri-Guillaume Bietz, né à Salsgotten (Prusse),
tous deux musiciens gagistes au 8ème régiment de ligne, demandent la
naturalisation. »
-
Renvoi à M. le ministre de la justice.
____________________
Les sieur Besseliers,
Cogels et autres prient la chambre de statuer sur une pétition en date du 5
janvier 1839, par laquelle l’administration communale de Cappelen
a réclamé pour eux le remboursement de prestations militaires qu’ils ont faites
à l’armée française en 1832. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
PROPOSITION RELATIVE AUX
RECLAMATIONS DES NEGOCIANTS EN VINS, A L’OCCASION DE LA CONVENTION CONCLUE AVEC
LA FRANCE
M. le
président. - La discussion est ouverte sur la
proposition présentée par MM. Verhaegen, David, Maertens, Delehaye, Orts,
Fleussu, Lange et de Villegas, sur la proposition de M. Coghen et sur celle de
la section centrale.
M. Zoude, rapporteur. - Le principe de rétroactivité
devant être souvent invoqué dans le projet de loi qui vous est soumis, je me
permets de dire quelques mots à la chambre.
La
rétroactivité admise sous le gouvernement précédent, qui interprétait les lois
par arrêtés, avait été flétri, non seulement par le pays, mais au sein même des
états-généraux.
Voici
comment s’exprimait, à ce sujet, l’honorable M. Gendebien dans la séance du 6
décembre 1816, en qualité de rapporteur des pétitions, sur une réclamation des
marchands de fer et de sel de Liége.
« Les
lois, disait-il, qui établissent des impôts indirects, statuent qu’ils sont dus
au moment de l’importation.
« Ainsi
le droit ne sera payé que sur les marchandises à innover.
« La
loi n’ordonne que pour l’avenir.
« Donc,
ce qui se trouve importé avant l’introduction des droits nouveaux, ne doit plus
être frappé.
« Une
marchandise qui a satisfait aux lois existantes est une propriété sacrée qui ne
peut être enlevée au possesseur ; prétendre l’imposer d’un nouveau droit, c’est
ravir une partie de sa valeur.
« Le
rapporteur ajoute que la mesure qui donnerait à la loi un effet rétroactif
serait injurieux à la représentation nationale, qui se serait permis de la
sanctionner.
« Les
expressions me manqueraient, continue l’honorable M. Gendebien, pour énumérer
les maux et les injustices qu’amènerait l’exercice d’un effet rétroactif.
« Le
négociant, le simple citoyen qui a acquis des denrées sujettes à des droits, et
qui y a satisfait d’après le prescrit des lois alors existantes, on est devenu
propriétaire sans aucune réserve.
«
Revenir sur le droit en vertu d’une législation postérieure qui commanderait à
en augmenter le paiement, ce serait ouvertement élever d’autant le prix de
cette propriété, ce serait la violer dans ses mains. »
Aussi,
depuis la révolution, le gouvernement et les chambres se sont gardées
soigneusement de donner lieu au renouvellement de ce grief de rétroactivité si
justement reproché au régime précédent.
Le
gouvernement provisoire, en réduisant le droit sur le genièvre né en 1830 n’a
pas rétroagi, il a respecté ce qui était fait, il n’a rien diminué sur les
droits qui restaient dus.
C’est à
tort qu’on a voulu inférer de ce que la législature avait fait en 1833 sur les
distilleries, que la rétroactivité avait été admise ; le rapport s’explique
suffisamment à ce sujet.
On a
invoqué ce qui avait été fait sous le régime du crédit permanent pour les
eaux-de-vie étrangères. Nous ne croyons pas que l’exemple soit plus
heureusement choisi.
Sous
l’empire du crédit permanent, la marchandise reste sous la main du fisc, elle
est chez le marchand comme dans un entrepôt fictif, il n’en a la libre
disposition que moyennant paiement.
Si le
vin était encore sous le régime du crédit permanent, le marchand réclamerait à
juste titre la réduction du droit sur tout ce qui ne serait pas livré au
commerce, comme il en jouira sur tout ce qui est à l’entrepôt ; mais réclamer
aujourd’hui la faveur d’un crédit permanent qui a été supprimé sur la demande
et dans l’intérêt des marchands de vin, serait chose infiniment commode parce
que ce rappel leur serait occasionnellement profitable, mais il serait
souverainement injuste : celui qui a le bien doit en supporter les charges, qui
sentit commodus,
sentiat et incommodas : ce serait rétroagir
encore.
Et
puis, je doute que, si les commerçants avaient pu prévoir que, dans un temps
plus ou moins éloigné, la suppression du crédit permanent aurait pu leur porter
le faible préjudice tel que celui dont ils se plaignent, ils n’auraient pas
préféré en courir la chance que de continuer à en supporter les inconvénients
qui parfois doivent nécessairement être un peu vexatoires.
Que
serait-ce, messieurs, d’un régime qui rétrograderait chaque fois qu’il y a
réduction de droit, c’est-à-dire, lésion pour le trésor, tandis qu’il n’en
serait pas fait usage dans le cas de majoration.
C’est
ainsi, qu’on n’a pas fait de rappel sur le café lorsque le droit a été doublé.
Cependant il en existait peut-être alors 20 millions de kil. dans
les magasins.
Il en a
été de même lorsque le droit sur le tabac a été triplé.
Et l’an
dernier on a considérablement augmenté le droit sur les fruits étrangers, les
épiceries.
Très
récemment encore celui sur le genièvre a été porté de 60 centimes à 1 franc, et
l’idée de rétroagir n’est entrée dans la tête de personne.
Un
journal de ce matin portait que, s’il y avait justice à accorder restitution de
droit aux marchands de vin, il serait également juste de réclamer des
possesseurs de fils et toiles d’Allemagne et d’Angleterre la différence entre
les anciens et les nouveaux droits.
Si la rémunération envers l’un est chose absurde, la
restitution envers l’autre l’est également.
Je
maintiens les conclusions de la section centrale sur les deux premières
questions proposées par son président.
M.
Delehaye. - Si la chambre pouvait adopter
l’opinion du conseil des ministres, indiquée dans le rapport que vous avez sous
les yeux, le commerce des vins qui se fait aujourd’hui au profit de quelques
négociants belges se ferait exclusivement au profit des négociants français. Ce
résultat ne peut être douteux pour vous qui savez de quelles manière ce
commerce est fait par les négociants français et par les négociants belges. Les
premiers ne paient en Belgique aucun frais de loyer ; ils envoient ici des
commis voyageurs, ils ont leurs vins dans des dépôts en France, et les envoient
par petites quantités : les frais de douane sont à la charge de celui qui les
reçoit ; ils n’ont pas à supporter de frais d’entrepôt ; ils sont loin de payer
des droits de patente aussi élevés que ceux que payent les négociants belges.
Ceux-ci reçoivent de France tous leurs vins ; ils sont obligés de payer leurs
droits de douanes ; dans les villes où il y a un entrepôt particulier, où ils
n’ont accès qu’accompagnés d’un employé du gouvernement qu’ils doivent payer.
Ils sont soumis à un droit de patente considérable, enfin ils n’échappent à
aucune des tracasseries du fisc.
Si la
position des uns et des autres est telle que je viens de le dire, personne ne
le contestera, pourrez-vous adopter l’opinion du conseil des ministres ?
J’insiste sur cette expression : le conseil des ministres, parce que je ne
conçois pas qu’un conseil des ministres fasse une proposition tendant à
détruire le commerce au profit du commerce étranger. Je vois que je n’ai pas
l’assentiment de M. le ministre des finances car il fait un signe négatif ; eh
bien, je citerai la position des négociants français et des négociants belges.
La différence de 25 p.c. sur les droits, par suite de la convention conclue
avec la France va peser sur les négociants belges et nullement sur les
négociants français qui, n’ayant pas de vins entreposés en Belgique, auront
surtout sur les premiers un avantage de 25 p.c. Ces faits sont tellement
patents qu’on a peiné à croire que la mesure proposée puisse émaner d’un
conseil des ministres de Belgique. Sa proposition ainsi que celle de la section
centrale sont fondées sur le principe de la non-rétroactivité ! Mais veuillez
remarquez qu’il s’agit d’un droit d’accise, d’un droit de consommation et non
pas d’un droit de douane. Jamais pour ces droits le principe de la
non-rétroactivité n’a été admis.
En 1816
on a établi des droits d’accise. Un recensement a été fait ; les négociants en
vins ont payé les droits sur les vins qu’ils avaient en magasin.
En 1822
modifications à la loi des accises ; nouveau recensement et nouvelle imposition
sur les vins qui étaient dans les magasins.
En
1830, lorsque nous étions sous le régime des Pays-Bas, nouveau recensement et
trois échéances fixées pour le payement des droits modifiés. La troisième
échéance avait lieu sous l’empire du régime actuel ; les marchands de vins ont
réclamé, et leur réclamation n’a pas été accueillie.
En
1833, réclamation à propos des distilleries ; cette réclamation est accueillie,
et l’on fait aux distillateurs la restitution à laquelle ils avaient droit,
d’après la loi antérieure.
La
section centrale n’a pas invoqué cette dernière majoration comme contraire à sa
proposition d’aujourd’hui, parce que, dit-elle, il n’y avait aucune
rétroactivité, attendu que ces conditions étaient imposées. Mais ces conditions
sont telles qu’elles confirment les précédents que je viens de rappeler. Que
faut-il pour qu’il n’y ait pas rétroactivité ? Il faut que, quelle que soit la
modification apportée aux droits d’accise, aux droits de consommation, il n’y
avait augmentation, ni diminution pour les droits sur les vins en magasin. Si
vous établissez un pareil système, je dis que vous portez atteinte au principe
de la non-rétroactivité.
Je défie
de citer un seul fait qui ne confirme pas ce que je viens le dire. L’honorable
rapporteur fait un signe négatif. Mais je le prie de citer un exemple
contraire.
En
Angleterre, dit-on, lorsqu’il y a eu modification dans les droits, jamais il
n’y a eu de recensement ; mais la loi anglaise statue positivement que, pour
les droits de consommation, jamais il n’y a lieu à restitution. Y a-t-il en
Belgique une disposition semblable ? Non. Je dis donc que ce serait méconnaître
les droits et les usages qu’adopter le système du gouvernement.
J’ai
été plus étonné encore lorsque j’ai vu que c’est réellement par respect pour le
principe de non rétroactivité, principe qui, j’ose le dire, n’est pas
applicable à l’espèce, qu’on cherche à ruiner nos négociants en vins. Au
contraire, ce principe est favorable à mon système. Mais je le répète, la loi
consacrât-elle le principe de non rétroactivité, comme j’ai eu l’honneur de le
dire, vous devriez encore faire fléchir la loi dans l’espèce qui nous occupe.
Messieurs,
si la chambre rejetait aujourd’hui la mesure que je propose, quelle serait la
position où se trouveraient nos marchands de vins ?
Il
existe actuellement dans le pays une opinion que, pour ma part, j’ai contribué
dans cette enceinte à accréditer ; toutes les fois qu’il s’est agi de prendre
des dispositions relatives au commerce, j’ai soutenu la nécessité, pour notre
pays, d’une réunion douanière à la France ; je vois dans cette seule mesure le
salut commercial de
Mais il
est encore une autre circonstance, l’objet qui nous occupe est le résultat de
la convention que nous avons conclue avec
Vous
voyez donc que si vous adoptez le principe soutenu par le gouvernement, il est
impossible que le commerce des vins se fasse par des maisons belges ; ce
commerce se fera exclusivement par
Je ne
comprends pas, je le répète, qu’un pareil système soit préconisé par un
ministère qui a déclaré, en entrant au pouvoir, que pour lui les affaires
marchaient avant tout. C’était là une déclaration excellente. En effet, on
commerce à être fatigué des questions politiques ; il est temps qu’on s’occupe
d’affaires matérielles. Mais commencer par détruire complètement une de nos
branches de commerce, c’est donner un démenti aux promesses que l’on avait
faites. Messieurs, en débutant, j’ai dit que j’avais un amendement à présenter à
la proposition que j’avais signée avec l’honorable M. Verhaegen et
quelques autres membres ; cet amendement est ainsi conçu :
« La
réduction des droits d’accise établi par la loi du 6 août 1842, sera appliquée
aux vins d’origine française et de qualité marchande qui se trouveraient dans
les magasins des négociants en vins à l’époque de la mise à exécution de la
présente loi.
« Cette
réduction ne sera pas accordée à ceux qui ne pourraient pas présenter plus de
40 hectolitres de vin dans leurs magasins.
« Une
quantité de 40 hectolitres sera déduite de celle qui sera reproduite par les
autres négociants pour l’application de la réduction.
« Une
somme de 350,000 francs sera affectée à la dépense à résulter de cette
indemnité qui sera réduite au marc le franc les quantités de vins constatées,
dans le cas où elle serait insuffisante pour couvrir entièrement la réduction
de 25 p.c. de l’accise.
« Cette
indemnité sera répartie en trois termes à échoir aux 1er janvier, 1er juillet
1843 et 1er janvier 1844.
« Le
gouvernement prendra les mesures nécessaires, etc. » (Le reste comme au
projet de la section centrale.)
Messieurs,
il me reste à justifier un des paragraphes de la proposition ; c’est celui qui
déclare qu’il ne sera pas accordé de réduction à ceux qui ne pourrait pas
présenter plus de 40 hect. Vous remarquerez que ceci
est applicable aux petits marchands qui prennent leurs vins chez ceux qui font
le commerce en gros. D’un autre côté une même quantité de 40 hectolitres sera
déduite de celle qui sera reproduite par les négociants. Je me suis soumis au
principe rappelé par la section centrale et en vertu duquel on n’avait accordé
en 1833 la remise sur les genièvres que pour des quantités supérieures à 20
hectolitres. D’ailleurs, la mesure est égale pour tous ; car vous remarquerez
que ceux qui ont de fortes quantités de vins en magasin, ne recevront pas la
remise sur une partie de ces quantités égales à 40 hectolitres.
D’un
autre côté, en bornant à 350,000 fr. le maximum de la restitution, j’obvie à
l’argument que fait valoir la section centrale, que la restitution obérerait le
trésor de 700,000 fr.
Enfin, j’atténue les effets de la réduction en accordant au gouvernement
trois terme différents, le 1er janvier, le 1er juillet
1843 et le 1er janvier 1844.
-
L’amendement de M. Delehaye est appuyé.
M. Osy. - Je regrette de ne pouvoir me
rallier à l’opinion de la section centrale, d’accorder la moitié des 25 p.c.
dont nous venons de grever les vins français ; je trouve que nous devons dans ces
cas accorder toute la réduction ou nous refuser à tout dégrèvement, car ce
n’est pas une question que nous pouvons trancher par voie de conciliation.
Par
principe général je suis contre toute rétroactivité et j’aurais désiré que
l’ancien gouvernement n’aurait pas introduit ce système ; mais d’aller, comme
fait M. le ministre, jusqu’à dire que c’est un véritable grief, je ne puis
nullement partager cette opinion, d’autant plus que si c’était un grand grief,
la révolution n’aurait pas dû en profiter. La moralité du nouveau gouvernement
devait pousser le scrupule jusqu’à celui de ne pas en profiter et pour tous les
termes non échus lors de la révolution, on aurait dû restituer aux marchands de
vins les augmentations dont ils étaient encore grevés en vertu de la loi de
1829, mise en exécution au 1er janvier 1830.
Vous
savez que les marchands de vins ont trois termes de paiement, 6, 12 et 18 mois
; les derniers n’étaient pas échus lors de la révolution, et cependant on a
fait payer l’augmentation de ce dont on était encore débiteur lors des
événements de 1830, nonobstant les réclamations du commerce, et ainsi il était
facile de tenir compte de l’augmentation dont on avait grevé le compte des
marchands de vins pour les termes non échus, et c’est justement cet objet qui
m’a convaincu que la réclamation est des plus fondée et que nous devons cette
fois, sans nous lier pour l’avenir, accorder tout le dégrèvement auquel nous
avons consenti, bien à regret, en vertu de la convention du 16 juillet.
J’ai
commencé par vous dire que je suis contre le système de rétroactivité et jamais
je n’accorderai ce système pour tout ce qui regarde la douane, mais pour les
accises il peut et il doit y avoir des exceptions à la règle et le gouvernement
actuel l’a si bien senti qu’en 1833, on a accordé un grand dégrèvement sur les
genièvres en magasin et à terme de crédit et c’est certainement un grand
antécédent en faveur de la réclamation actuelle.
Certainement,
ce qu’on a fait avant 1838 ne doit pas servir de règle au gouvernement actuel,
mais comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, notre trésor a profité de ce que
M. le ministre veut appeler un grief contre l’ancien gouvernement, et comme
c’est depuis 8 ans la branche de commerce qui a le plus souffert, par les
changements le législation, je trouverais une injustice, qu’ayant accepté comme
contraint et forcé une convention, dans le seul but de relever une branche
d’industrie si intéressante que les toiles, de faire peser sur une seule
branche de commerce les concessions que nous avons à regret dû faire à la
France, et il serait injuste de faire du bien à une industrie et de faire peser
sur une autre la compensation.
Ainsi, comme les marchands de vins, en 1814, 1822 et 1830
ont dû payer par rétroactivité les augmentations de droits, il n’est que juste
que nous leur accordions le dégrèvement demandé ; d’autant plus que le trésor
actuel a profité des augmentations de 183, tandis qu’après la révolution, il
était si facile de leur tenir compte pour les termes non payés et non échus,
des augmentations en vertu de la loi de 1829.
Ensuite,
le gouvernement actuel, en
Je ne
suis pas non plus d’accord avec la section centrale que la diminution actuelle
ne fait que 6 à 7 p.c. de la valeur.
Le
droit d’accise sur une barrique bordelaise est de fr. 73 28 c.
Le
droit de douane est de fr. 5 17 c.
Total :
fr. 78 45 c.
Ainsi
la recette est de fr. 22 22 c.
C’est 10
francs par hectolitre et non 8 francs 22 centimes comme le dit la section
centrale ; ensuite on calculé la diminution sur la valeur du vin avec tous les
droits d’accise et d’octroi, tandis qu’il faut faire le calcul sur la
marchandise en entrepôt, et certainement en commun les vins qu’on consomme dans
le pays ne reviennent guère à au-delà de fr. 150 la barrique en entrepôt ;
ainsi la diminution de 22 fr. 20 centimes fait au moins 15 p.c. et près de 20
p.c. sur le prix d’achat sur les lieux, de manière que c’est un objets
important, et les marchands de vins devront baisser le prix s’ils veulent
concourir avec les offres que font la nué de commis voyageurs de tous les
points de production de
Certainement,
je n’accorderai rien pour les vins qui ont payé les droits, mais les négociants
ont besoin d’avoir longtemps leurs vins en terme de
crédit ; recevant les vins sur lit, ils ont besoin d’être soignés pendant assez
longtemps, sur tout les vins blancs dont on fait une si grande consommation
dans le pays, et c’est la raison pourquoi on accorde ces termes de crédit avec
cautionnement.
Je
propose donc d’accorder la diminution entière au lieu de la moitié, pour tous
les vins à terme de crédit, et qui se trouvent encore dans les magasins des
marchands de vins, et je proposerai un amendement de ce sens.
Nous
ferons un acte de justice, sans pour cela adopter le principe de rétroactivité,
mais parce qu’en 1830 nous avons profité du principe qui existait dans la
législation ancienne, et parce que nous sommes dans un cas tout spécial et de
nécessité, ayant fait une convention onéreuse pour venir au secours d’une
grande branche d’industrie, je ne veux pas que nos décisions retombent
entièrement sur une autre branche très importante de commerce, d’autant plus
qu’il ne s’agit que de 280,000, somme peut être aussi élevée que celle que vous
avez touchée en 1830 et 1831, sur les termes non échus en vertu de la loi de
1829.
On me
dira peut-être, si vous dégrevez les marchands de vins, il faudra aussi
dégrever les cabaretiers, aubergistes, débitants et commerçants qui, en vertu
de l’article 4 du règlement pour l’exécution de la loi du 25 décembre 1829, ont
été appelés à faire la déclaration de ce qu’ils avaient en cave ; mais on a
oublié de citer l’article 5, d’après lequel il était laissé à chaque des
détaillants un approvisionnement particulier, non soumis au recensement et fixé
avec une telle latitude qu’aucun d’eux ne s’est vu exposé à la mesure de
l’inventaire ; ainsi cette exception a de fait fait
disparaître les plaintes des détaillants ; ainsi vous n’avez reçu aucune
réclamation de cette classe de contribuables.
Certainement,
tous les vins qu’on ne représente pas lors du recensement et qui sont encore au
débit des marchands de vins à leur terme de crédit, ne devront pas jouir de la
présente loi, mais comme les marchands de vins ne peuvent pas soigner leurs
vins dans les entrepôts ni même dans des entrepôts particuliers, qu’on ne peut
ouvrir qu’avec le consentement de l’administration, on a dû, dans l’intérêt du
commerce, accorder la libre disposition des vins avec des termes de payements
et sous caution.
Pour
moi, je trouve que si nous n’accordons pas le dégrèvement, nous violons le
principe de non rétroactivité, puisque le gouvernement a perçu l’augmentation
des droits en vertu de la loi du 25 décembre 1829, et a donné l’exemple de
diminution en 1833 pour les genièvres ; convenez donc que les marchands de vins
devaient croire que la restitution demandée était, de droit, le principe adopté
par le nouveau gouvernement ; et ensuite cette malheureuse convention est venue
si inattendue, tandis qu’on aurait plutôt pu croire à une augmentation du vin,
si nous avions pris des mesures de représailles contre la France ; que
certainement les marchands de vins n’ont rien pu vendre aux anciens prix, les
commis voyageurs français étant déjà sur les lieux, pour offrir des vins à un
grand rabais.
Aussi,
pour moi, sans nullement adopter le principe de rétroactivité, je trouve tant
de raisons de justice dans ce cas spécial, que j’insiste d’accorder cette fois
tout le dégrèvement et non la moitié, car l’un est le principe et l’autre une
transaction dont je ne veux pas.
Il est vrai que la somme de 280,000 fr.
est dans la situation de nos finances un nouveau sacrifice pénible ; mais il
faut être équitable avant tout, et considérons que ce que nous faisons pour
l’industrie linière nous a été dicté dans l’intérêt de 3 à 400.000 habitants et
la tranquillité du pays, et pour ne pas nous exposer aux malheurs que nous
voyons dans un pays voisin. et ainsi ne faisons pas
retomber nos sacrifices obligés sur une antre classe de commerce et
d’industrie.
M.
Vandensteen. - Je m’associe volontiers aux
honorables membres qui ont pris la parole dans d’autres séances et dans celle
d’aujourd’hui pour appuyer les réclamations des négociants de vins.
Une
industrie importante pour le pays, l’industrie linière, menacée dans son
existence par l’ordonnance française du 26 juin 1842, vient par suite de la
convention qui a été conclue avec la France d’acquérir quelque chance
d’existence ; mais on n’a pu atteindre, comme vous le savez, ce résultat qu’au
prix de certains sacrifices au nombre desquels figure l’abaissement des droits
de douanes et d’accises en Belgique pour les vins provenant de
On
comprend combien dans un tel état de choses serait pénible la position des
négociants en vins, si l’on ne prenait aucune mesure à leur égard, forcés
qu’ils sont de livrer à la consommation à 25 p. c. en-dessous du prix des vins
pour lesquels ils ont eu à payer des droits élevés. Ils sont conduits à ce
résultat par la force des choses, s’ils veulent soutenir la concurrence
étrangère.
La
convention livre le marché intérieur à l’étranger au détriment du négociant
indigène. Il y arrive sans frais et avec la faveur d’un droit protecteur, car
le commerce des vins favorise plus spécialement que tout autre le placement
fait par l’étranger. En envisageant la position du négociant en vins, il sera
facile de se convaincre que cette position est tout exceptionnelle.
Dans ce
commerce, le consommateur ne se déplace point, au contraire, c’est le négociant
qui se rend à domicile, et qui conclut avec son acheteur. Cet état de choses
est si vrai, qu’il suffit de voir combien
L’étranger
n’expédiant qu’au fur et à mesure qu’il effectue ses placements, ne peut être
atteint par les résultats de la convention, il n’aura à payer pour ses produits
que le nouveau droit sans chance de perte et fera une concurrence très
préjudiciable au négociant belge, le placement des vins se faisant, comme je le
disais tout à l’heure, sans être obligé de passer par l’intermédiaire des
négociants indigènes.
La
réclamation qui est faite ne peut être admise, dit-on, car si l’on adoptait un
tel système, ce serait consacrer des abus qui, dans le temps, avaient été le
sujet de griefs nombreux. Je crois, messieurs, qu’en faisant aujourd’hui
quelque chose pour les réclamants, nous n’ouvrons point la porte aux abus, car,
comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, le commerce en vins fait exception :
la position du négociant, dans ce cas, est toute différente.
Une
autre considération que l’on ne doit point perdre de vue est celle qui résulte
de la force même des choses, et qui est tout à fait indépendante, dans bien des
localités, de la volonté du négociant : c’est la position inégale qui existe
entre les négociants qui se trouvent dans les villes qui ont de entrepôts et
celles qui n’en ont point, et vous le savez, fort peu de nos villes possèdent
des entrepôts
Par ce
fait, je dis que les négociants ne sont plus placés sur la même ligne et ne
peuvent être traités de même. Les vins qui se trouvent en entrepôt sont
envisagés comme en pays neutre. Eh bien, ces vins, quoique se trouvant dans le
cœur du pays, lorsqu’ils seront extraits de l’entrepôt, pour être livrés à la
consommation, seront soumis aux nouveaux droits, quoiqu’ayant été introduits
sous le système du droit ancien. Or donc, faveur pour le négociant qui se
trouve dans une ville où il y a un entrepôt, défaveur pour celui qui se trouve
dans une localité qui n’en a point et qui aurait été oblige de déclarer en
consommation des quantités qu’il ne vendra peut-être pas avant un an ou deux
ans. Il sera obligé de supporter cette perte, parce qu’il aura payé le droit ou
que son terme de crédit sera expiré. Eh bien, je dis, messieurs, qu’une telle
mesure, si elle était adoptée, ne serait pas juste, surtout que, dans bien des
cas, elle ne résulterait point de la libre volonté de celui auquel elle
s’appliquerait.
Nous
n’avons pu prévoir une semblable mesure, nous n’avons pu nous y soustraire ; si
nous avions pu soupçonner ce qui nous menace, nous ne nous serions point
chargés de tant de marchandises en consommation, nous n’aurions point
contracté, si nous avions pu penser qu’une diminution de droits, improbable à
l’époque de nos entreprises, serait venue nous atteindre. Voilà, messieurs, ce
que pourrait dire et avec raison les réclamants.
« Le
système de rétroactivité n’a point été admis, dans aucun cas, depuis 1830, dit
la section centrale, et la preuve en est que lorsque l’on a accordé une
restitution aux distillateurs lors de la mise en vigueur de la loi de 1833, on
n’a fait cette restitution qu’après avoir posé des
exceptions. » Soit, je le veux bien, on qualifiera cet acte de
justice, de restitution ou de transaction comme on le voudra, mais je dis
toujours qu’on a pris en considération la position du distillateur, et que tout
en adoptant une mesure que je regarde comme très juste à leur égard, il y a eu
restitution et que ceci prouve plutôt en faveur des réclamants actuels que
contre. Qu’on fasse donc aujourd’hui pour les négociants en vins ce que l’on a
fait en 1833 pour les distillateurs, en adoptant l’une ou l’autre proposition
qui pourra être présentée. Je prie la chambre de remarquer qu’elle ne créera
pas plus un précédent dans cette question, qu’elle ne l’a fait en 1833, que la
position des réclamants toute d’exception, comme je l’ai démontré, tant sous le
rapport d’entreposage que sous le rapport du placement des vins, mérite que
l’on prenne en considération la demande qu’ils ont adressée à la chambre.
M. le président. -
L’amendement de M. Osy tend à substituer dans le premier paragraphe de la
proposition de la section centrale aux mots : au lieu d’une remise égale à la moitié de la réduction, ceux-ci : une remise égale à la réduction.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, vous êtes en présence de trois propositions différentes, la
première celle de l’honorable M. Verhaegen, qui veut faire porter cette
réduction de 25 p.c., sur tous les vins déclarés à terme de crédit, y compris
même les droits de douanes.
M. Verhaegen. - C’est une erreur, j’ai supprimé cette disposition de mon amendement.
M. le ministre des finances (M. Smits). - Je l’ignorais, cette proposition se réduit donc à demander une remise de
25 p.c. pour tous les vins délivrés à terme de crédit, mais à charge pour le
gouvernement de faire un recensement général.
La
seconde proposition qui vous a été faite est celle que vient de développer
l’honorable M. Delehaye ; celle-ci tend non seulement à accorder une
restitution sur les vins en général déclarés à la consommation. Comme
l’honorable membre ignore les quantités qui existent, il a proposé d’ouvrir un
crédit de 300,000 fr., qui seront répartis entre les ayants droit, d’après, je
le suppose, un recensement et la règle proportionnelle des quantités trouvées
en magasin.
Enfin
une troisième proposition est celle de l’honorable M. Osy, qui demande de
restituer 25 p. c. du droit sur les quantités déclarées à terme de crédit et qui
ont été constatées par l’administration.
Voilà,
messieurs, les trois propositions qui vous ont été soumises.
M. Pirson. - La section centrale en a aussi présenté une.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Celle-là est connue. Je ne parle que des trois propositions nouvelles
qui ont surgi dans la séance de ce jour.
Eh bien
! messieurs, le gouvernement croit devoir repousser
ces trois propositions ainsi que celle de la section centrale, non pas par une
idée de fiscalité, mais par une idée plus élevée. Nous voulons, messieurs,
maintenir un grand principe de progrès financier et commercial ; nous ne
voulons pas qu’on infiltre en Belgique le système détestable de la
rétroactivité. C’est par des idées de haute économie politique que nous
repoussons ces propositions.
L’honorable
M. Delehaye vous a dit que le principe de la non
rétroactivité ne se trouve pas écrit dans les lois ; que ce principe se trouve
dans les lois anglaises, et que n’ayant pas été formulé dans les nôtres, nous
ne pouvons pas l’invoquer.
Mais,
messieurs, le principe de la non rétroactivité résulte
des faits. Jamais depuis 1830 on n’a fait rétroagir les lois en matière d’impôt
; jamais lorsqu’on a élevé des droits, on n’a réclamé l’augmentation sur les
marchandises en magasin ; il y a toujours eu fait accompli dés le moment où la
marchandise était déclarée en consommation ; jamais non plus les négociants ne
sont venus offrir au gouvernement l’augmentation de la taxe que la matière
imposée avait subie. C’est qu’il y a en effet entre le gouvernement et les
négociants une espèce de contrat aléatoire. Si le droit augmente, le négociant
en profite ; si le droit diminue il doit supporter le léger dommage qui peut
quelquefois en résulter et qui est le fait de son contrat ; car s’il n’avait
fait déclarer la marchandise en consommation, il ne supporterait pas la perte
qui résulterait de la diminution du droit.
L’honorable
M. Delehaye a cité un autre fait. Il vous a dit qu’en 1833 la législature a
accordé une remise aux distillateurs. Mais cet exemple me paraît mal choisi. En
1833, le droit sur les genièvres était de 36 fr. par hectolitre ; On l’a réduit
à 22 c. par hectolitre de macération, mais pourquoi ? Uniquement pour favoriser
les distillateurs. Il était donc rationnel de tenir compte aux distillateurs de
cette diminution, car sans cela on aurait ruiné précisément ceux qu’on voulait
faire prospérer. La réduction résultait ici de l’économie même de la loi ; sans
la réduction, 1a loi ne pouvait pas exister.
Si l’on
avait voulu citer un fait applicable, il aurait fallu prouver que, quand il y a
eu augmentation de droits, le trésor a réclamé pour les marchandises déclarées
en consommation. Or, cette preuve, on ne saurait l’administrer. Mais que
fait-on ? On renverse la thèse et l’on dit : « Vous avez restitué en 1833,
donc vous devez restituer aujourd’hui. » C’est précisément comme si l’on disait
: « Le trésor public n’a jamais rien perçu dans le cas d’augmentation,
donc il faut restituer aujourd’hui qu’il y a diminution. » Evidemment, la
chambre ne peut admettre une pareille logique.
Il y a
quatre ans, messieurs, les droits sur les soieries ont été réduits de 8 francs
à 5 francs, et récemment encore on a réduit ces droits sur les provenances
françaises de 5 à 4 francs. Eh bien ! les marchands de soieries ont-ils
réclamé ? Non, messieurs, et cependant ils eussent eu peut-être plus de titres
à faire valoir que les marchands de vins. Car en définitive, ou tient une
quantité considérable de soieries en magasin et les négociants auraient pu dire
avec quelque raison :
« Je
dois obtenir la restitution, parce que non seulement la concurrence pour moi
est impossible avec ceux qui vont importer des soieries nouvelles, mais parce
que les objets que j’ai en magasin sont déjà plus ou moins passés de
mode. » Il y avait donc plus de motifs à invoquer par les marchands de
soieries que par les marchands de vins, pour obtenir la restitution de la
différence des droits.
Depuis
quatre ans aussi, messieurs, vous avez augmenté notablement les droits sur le
café, sur les huiles, sur les fruits, sur les bois, sur les tabacs, sur les riz
et beaucoup d’autres denrées coloniales. Le trésor public a-t-il jamais exercé
un droit de reprise sur les matières imposées ? A-t-on jamais fait de
recensements d’entrepôts ? est-on venu réclamer des
négociants un supplément de droits ? Jamais, messieurs, on ne l’a fait, et j’en
félicite le commerce et le pays, et veuillez remarquer, messieurs, que chaque
fois qu’il y a eu augmentation de droits un peu considérable, le commerce a
fait des importations majeures entre la présentation et la mise à exécution de
la loi ; or, toutes ces importations ont échappé au droit supplémentaire ; et
le trésor, fidèle aux principes de non rétroactivité, n’a point réclamé.
On a
cite un autre fait. On a dit qu’en 1829, on avait exigé une augmentation du
droit sur les vins, que tous les termes de crédit n’étaient pas encore
acquittés, et qu’en 1830 le trésor belge a reçu le montant de ces augmentations
; si donc, ajoute-t-on, l’on veut maintenir le principe de non rétroactivité,
il ne fallait pas exiger alors l’augmentation du droit. Je suis bien aise qu’on
ait rappelé ce fait, car il me fournit l’occasion d’en citer un autre ; c’est
que dans la prévision de la présentation de la loi de 1829, on a importé, peu
de temps avant cette présentation, la quantité énorme de 53,000 hectolitres de
vins, tandis que, dans les années précédentes, les quantités importées
n’avaient jamais excédé 30 à 35,000 hectolitres. Ainsi une masse de vins qui
auraient dû payer l’augmentation du droit y a échappé.
Messieurs,
dans d’autres pays la loi est inexorable pour le commerce, tandis qu’ici elle
est pleine de sollicitude pour lui. C’est par suite de cette sollicitude que
les termes du crédit ont été établis. Ailleurs, du moment où la marchandise est
déclarée en consommation, les droits doivent être acquittés ; ici au contraire
on donne des facilités au commerce et on lui permet de payer en différents
termes de 6 à 18 mois suivant les quantités déclarées.
Eh
bien, messieurs, c’est précisément à cause de ces avantages accordés au
commerce, que l’on vient dire aujourd’hui : « vous me restituerez les
droits, parce que je ne les ai pas encore payés. » Ce serait, messieurs,
une chose vraiment extraordinaire ; car je vous prie de remarquer que les vins
déclarés au terme de crédit le sont en grande partie depuis 12 mois et même
depuis une date plus ancienne. Or, je ne fais pas une supposition gratuite en
disant qu’une grande partie de ces vins a été livrée aux consommateurs, et que
conséquemment le négociant a été remboursé des droits ; si donc vous restituiez
aujourd’hui les 25 p.c. qu’on demande, ce serait évidemment faire un double
emploi, ce serait faire jouir le négociant d’une double restitution, puisqu’il
en a déjà obtenu une du consommateur. Le trésor public ne peut point faire de
pareilles largesses.
M. Duvivier et d’autres membres. - Il ne s’agit que des vins qui restent en magasin.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je suis bien aise, messieurs, de cette interruption, puisqu’elle me
fournit l’occasion de faire remarquer à la chambre que rien ne serait plus
facile au négociant que de produire des quantités de vins doubles et triples à
celles qui sont déclarées sous terme de crédit et dont le droit ne serait pas
encore entièrement acquitté.
Voici,
messieurs, ce qui arrivera : Quand il s’agira de restituer les droits, des
quantités aussi considérables qu’on le voudra se trouveront, dût-on se le prêter ; mais quand il s’agira, par suite du
principe de la rétroactivité qu’on aura posé, quand il s’agira, dis-je, de
demander aux négociants la production des quantités en magasin pour y appliquer
une augmentation de droits, alors on ne trouvera plus rien ou peu de chose.
Voilà, messieurs, la différence des positions. (Assentiment.)
Messieurs,
il faut s’en tenir aux principes. Le droit est dû dès le moment de
l’importation. C’est un contrat entre le négociant et le trésor, c’est une
espèce de contrat aléatoire ; si les droits augmentent, le négociant en profite
; si, au contraire, le droit diminue, il doit supporter le léger dommage qui
peut en résulter ; que, si l’on veut le principe contraire, alors il faut au
moins que les conditions soient égales, que le trésor public, en cas
d’augmentation, puisse à son tour, faire rétroagir la loi. Or, s’il en était
ainsi, c’est le fisc qui aurait à se féliciter, et non le commerce.
Par ces motifs, messieurs, et non pas pour des idées
de fiscalité, je le répète, nous devons persister à repousser les propositions
qui nous sont faites.
M. Savart-Martel. -
C’est avec peine, messieurs, que je ne puis adopter l’opinion que vient
d’émettre l’honorable ministre des finances.
Le vin,
en somme, a deux droits qui ne peuvent être confondus 1° au droit d’entrée qui
s’appelle droit de douane : il est dû par le seul fait de l’entrée de la
marchandise en Belgique, quels que soient les événements futurs ; 2° au droit
d’accise qui n’est qu’un simple impôt de consommation. Ce dernier droit est dû,
à proprement parler, lors de la consommation ; c’est la consommation qui donne
naissance au droit, à tel point que ce droit ne serait exigible qu’au moment
même où on boit le vin, si des règles administratives pour la perception de
l’impôt ne s’y opposaient.
Si donc
le droit est aboli, avant la consommation, la justice commande qu’il ne soit
plus exigé et même que ce qui l’auraient payé d’avance soit restitué suivant la
maxime qui veut que ce qui a été payé sans être dû soit sujet à répétition.
La
circonstance, qu’en faisant sortir le vin de l’entrepôt, l’administration ouvre
un compte-courant au commerce, a pour cause une fiction de la loi qui répute livré à la consommation le vin qui n’est
plus sous la main de l’Etat ; mais cette fiction doit céder à la vérité,
lorsque l’Etat change la loi et que la vérité peut la saisir. Dès lors il ne
représente point ici une question de rétroactivité, mais une question d’équité.
Cette
fiction a pu devenir nécessaire, comme nous le disons, pour la régularité du
service, mais elle n’a rien changé au principe que la consommation est la cause
de l’impôt.
L’homme
politique, comme le magistrat, doit être juste avant tout. Le magistrat a même
cet avantage qu’il n’est pas lié par des lois positives dont le magistrat
souvent ne peut s’écarter.
La
question actuelle est plus grave qu’on le pense.
Pour
les marchands de vins il ne s’agit pas seulement de la déférence du droit, mais
il s’agit aussi de leur clientèle qui va passer aux voyageurs français, qui
parcourent notre pays dans tous les sens, Vous savez, messieurs, qu’en commerce
une clientèle compromise, est une clientèle perdue.
La
chambre remarquera que le vin est peut-être la seule marchandise que le producteur
vienne vendre directement dans notre pays. Il n’en est point ainsi des
épiceries, des aunages, etc.
Je ne
m’expliquerai point en ce moment, comme quelques préopinants, sur l’utilité
d’une union douanière avec la France, question grave et controversée.
L’honorable M. Delehaye vient de vous expliquer clairement comment se fait le
commerce de vin, et il vous a prouvé jusqu’à l’évidence que, si nous n’y
prenons garde, nous allons faire aux commerçants de notre pays un tort presque
irréparable an profil des marchands français, dont le gouvernement ne nous
traite pas avec cette faveur que nous devions attendre d’un peuple ami. Je vous
rappellerai, messieurs, ce que vous disait avec beaucoup d’énergie, il y a peu
de jours, notre honorable collègue, M. de Burdinne : « Nous grevons trop
souvent nos concitoyens, et pas assez l’étranger. » On ferait de gros
livres avec cette seule pensée.
Notre
prédilection pour le commerce français est d’autant plus impolitique, qu’il se
présente une année de prospérité pour les vins de toute espèce : Je le répète,
nous devons envisager cette question sous le rapport de l’équité.
Mais
fallût il rencontrer la question sur le terrain de la rétroactivité, elle
devrait être encore résolue en faveur des réclamants.
L’application
du grand principe de droit : « la loi ne rétroagit pas » n’est pas
toujours facile ; il faut beaucoup de perspicacité pour ne pas s’égarer. Mais
si l’on conçoit quelques doutes dans l’espèce, c’est qu’on confond le droit de
douane avec le droit d’accise.
« Sous
l’ancien gouvernement, dit-on, le principe de la rétroactivité des impôts de
consommation a toujours prévalu ; l’opinion publique a condamné ce système,
c’était un véritable grief, » soit ; mais il n’est pas raisonnable d’en tirer
la conséquence qu’il faut sacrifier au nouveau principe une partie de nos
concitoyens.
En
effet, l’argument se réduit à ceci : « A diverses époques on a eu tort avec les
commerçants, on leur a infligé grief, en exigeant un supplément d’impôt. Or,
pour éviter que par la suite on ne renouvelle cette injustice, il faut
aujourd’hui les sacrifier encore. » Présenter l’argument c’est presque y
répondre.
Nous
n’avons point à nous occuper ici de la législation néerlandaise ; c’est un
malheur si elle fut injuste.
L’injustice
irrite toujours les peuples, parce que chacun craint d’en être frappés. Hodie mihi, eras
tibi.
L’établissement
de l’application de l’impôt sont dans le domaine de la
législature. Nous serions juste aujourd’hui sans nous inquiéter du passé ni du
futur, et quand de nouvelles circonstances se présenteront, nous serons juste
encore.
Exiger
que nous arrêtions notre décision dans des vues d’avenir et non pour la
circonstance, serait nous exposer à l’injustice. Ce serait une espèce de
machiavélisme financier, qui ne peut entrer dans la volonté du ministre, ni
d’aucun membre de cette assemblée.
D’ailleurs
serait-il bien prudent de proclamer, d’une manière absolue le principe de non
rétroactivité en matière d’impôt ? J’en doute ; peut-être ne serions nous pas
longtemps sans nous en repentir. J’ajouterai, que ce principe n’étant pas un
point constitutionnel ne saurait lier nos successeurs.
On
parle de la stabilité nécessaire au commerce. Je désire aussi cette stabilité ;
mais il me semble que le commerce ne souffre pas plus dans une des hypothèses
que dans l’autre. Je pense au contraire qu’en donnant ici un grand exemple
d’équité, nous rassurerons complètement le commerce.
Quelques
autres objections ont été faites, mais il y a été répondu suffisamment par
l’honorable M. Osy.
Je pense donc que la demande de ne payer qu’au taux du nouveau tarif le droit
d’accise sur les vins en magasin est fondé en équité. Par conséquent la
restitution à due concurrence de ce qui aurait été payé pour droit de
consommation sur les vins qui seront représentés, doit également être admise,
sauf telles modifications qui résulteraient de la discussion.
M. de Brouckere. -
Messieurs, les chambres ont tout récemment autorisé le gouvernement à ratifier le
traité qui a été conclu avec la France et qui avait pour objet de protéger
l’industrie linière.
Ce
traité, vous le savez, messieurs, entraîne de grands sacrifices pour le trésor
public. Les chambres étaient bien en droit de consentir à ces sacrifices, dont
chaque habitant du pays paiera sa quote-part ; mais à coup sûr il ne peut être
entré dans l’intention des chambres, il ne peut être entré dans l’intention
d’aucun de vous de sauver une industrie au détriment d’une autre industrie,
alors que cette dernière est également souffrante. Je dis que l’industrie des
marchands de vins est souffrante, et très peu de mots me suffiront pour le
prouver.
Messieurs,
que chacun de vous veuille faire un retour sur lui-même, et qu’il me dise s’il
n’est pas vrai que depuis plusieurs années la mode s’est singulièrement
augmentée pour les consommateurs, de faire venir les vins directement des pays
de production. Cela est vrai à tel point, que la plupart des grandes maisons
n’achètent plus leurs vins qu’à l’étranger ; cela est vrai à tel point qu’un
maître de maison croit avoir fait suffisamment l’éloge de son vin, quand il
vous a dit : Je l’ai reçu directement. Ce mot est dans la bouche de tout le
monde, cc mot paraît très bien faire le compte des maîtres de maison, mais à coup
sûr, il ne fait pas celui des marchands de vin. La mode dont je parle est
devenue tellement générale, que l’industrie des marchands de vin n’est presque
plus aujourd’hui qu’un commerce de détail. J’en appelle, messieurs, à chacun de
vous, et personne, je pense, ne contestera la vérité de ce que j’avance.
Eh
bien, lorsqu’il est établi que l’industrie des marchands de vins est souffrante
aussi, vous voudriez porter à cette industrie un dernier coup dont elle ne se
relèverait pas, et cette dernière allégation, je m’en vais encore la prouver,
Vous
croyez, messieurs, qu’il ne s’agit peut-être ici que d’une somme de 3 à 400,000
fr. pour tous les marchands de vins du royaume. Il est vrai qu’avec 3 ou 400000
fr. nous empêcherions les marchands de vins de supporter un très grand
préjudice ; mais si on n’accorde pas de réduction, l’effet moral de cette
décision sera terrible pour les marchands de vins, parce que, pendant des
années, les marchands étrangers se présenteront chez les consommateurs, on leur
faisait voir l’avantage de leur position en comparaison de celle des marchands
; ils prouveront aux consommateurs qu’ils peuvent fournir leurs vins à beaucoup
meilleur compte, puisqu’eux n’ont pas à supporter les mêmes droits de douane
que les marchands indigènes, et à l’aide de ces arguments, dans lesquels il y
aura quelque chose de vrai, vous allez encore ôter aux marchands de vins du
pays le peu de clientèle qui leur reste. Messieurs, nous ne pouvons prendre sur
nous la responsabilité de donner le coup de mort à une industrie qui est
répandue sur toute la surface du pays.
J’avoue
que si pour sauver, autant qu’il dépend de nous, l’industrie des marchands de
vins, il fallait consacrer aujourd’hui et pour toujours un principe qui
pourrait avoir plus tard des conséquences fâcheuses pour le pays, j’hésiterais.
Mais il n’en est pas ainsi. J’ai écouté attentivement tout ce qu’a dit M. le
ministre des finances ; M. le ministre des finances n’a fait valoir pour ainsi dire aucun argument qui s’adaptât particulièrement à
la question que nous traitons. Il s’est borné à ce qu’il a appelé des
considérations de haute politique, des considérations d’économie sociales ;
moi, je traite la question d’une manière un peu moins abstraite. Je dis que
s’il était question de trancher à tout jamais un principe dont l’application
pût avoir de fâcheuses conséquences dans l’avenir, j’hésiterais à me prononcer
; mais il n’en est pas ainsi. Ce n’est pas la première fois qu’on discute et
qu’on adopte le principe de la rétroactivité, mais s’en suit-il pour cela que
la rétroactivité doive être en tête de toutes nos lois qui augmenteront ou
diminueront les impôts ? En aucune manière. Chaque fois que nous serons appelés
à nous prononcer sur une loi augmentant ou diminuant l’impôt, le gouvernement
et les chambres auront le droit d’examiner s’il y a lieu d’adopter la
rétroactivité, et en cas d’affirmative, dans quelle limite il faut l’adopter.
Or, je dis que jamais il n’aura été plus juste d’adopter le principe de la
rétroactivité que dans le cas actuel.
Messieurs,
trois fois, on vous l’a dit, l’on a créé des accises, ou l’on a augmenté le
droit d’accise, et chaque fois on a exigé des marchands de vin qu’ils payassent
le supplément. Il y a quelques années, nous avons diminué le droit sur les
genièvres, et l’on a de nouveau consacré le principe de la rétroactivité, et
l’on a restitué aux fabricants de genièvre. Je vous demande, messieurs, si les
marchands de vin n’ont pas dû croire que, dans le cas où l’on diminuerait
l’impôt sur les vins, on agirait vis-à-vis d’eux et à leur avantage, comme on a
agi vis-à-vis d’eux et à leur détriment, lorsqu’on a augmenté l’impôt ; ils ont
dû le croire ; et au lieu de dire comme M. le ministre des finances, qu’il y a
un contrat entre le gouvernement et les marchands de vin, et qu’en vertu de
toutes les règles de la justice, les marchands de vin doivent payer, je dis que
ce serait une profonde injustice de les faire payer. Je dis plus, on aurait
tendu un véritable guet-apens aux marchands de vin.
Comment
! chaque fois qu’on augmente l’impôt sur les vins, on
leur fait payer le supplément, qui s’élève parfois à des sommes si
considérables que je pourrais citer une maison qui seule a payé 400,000 fr. de
ce chef. Et quand on diminuerait l’impôt, ce serait encore au détriment des
marchands de vins !
Je le
répète, c’est un guet-apens et un guet-apens d’autant plus condamnable que,
quand vous adoptez le principe de la rétroactivité dans le moment où vous
augmentez un impôt, vous blessez très peu les marchands de vins. Puisqu’ils ont
payé un supplément, ils le retrouvent sur les consommateurs ; mais je prierai
le gouvernement de me dire sur quoi les marchands de vins récupéreront ce
qu’ils ont payé en trop sur les vins en cave ? Sur personne. Messieurs, c’est
une perte réelle, c’est une perte qu’ils ne peuvent récupérer sur personne, une
perte qui, comme je l’ai déjà dit, tue leur commerce.
M. le
ministre des finances vous a dit, messieurs, que les marchands de vins
n’auraient qu’à être plus prudents, qu’ils ne devaient pas faire des approvisionnements
trop considérables. Mais,, je le répète, les marchands
de vins n’ont pas pu s’attendre à ce que le gouvernement fît à leur égard ce
qu’il veut faire. D’ailleurs, ce traité que nous avons adopté, est venu en
quelque sorte fondre sur
En
vérité, messieurs, je crois que ce serait abuser des moments de la chambre que
d’en dire davantage sur une question aussi simple que celle-là. Je n’ajouterai
qu’un seul mot, c’est que, d’après l’amendement proposé par M. Delehaye et
auquel je me rallie, vous n’avez à craindre aucun abus dans l’exécution de la
loi. En effet, vous limitez d’avance le sacrifice que fera le trésor. Ce sera
350 mille fr. Ce n’est pas là une somme si exorbitante qu’on puisse se récrier
alors que pour une autre industrie on a imposé un sacrifice de plus d’un
million. Vous n’avez pas d’abus à craindre non plus de la part des marchands de
vins, car la somme qui sera rendue disponible par la décision que vous
prendrez, devra être partagée entre eux au marc le franc, de sorte qu’ils
auront soin de se surveiller réciproquement, pour empêcher les fraudes
partielles que pourraient être tentés de faire quelques marchands de vins.
Je crois qu’on pourrait introduire une
autre modification dans la loi, ce serait d’adopter le principe, qu’aucune
restitution n’aurait lieu en argent. On tiendrait compte au marchand de vin des
sommes qu’il aurait droit de récupérer et le montant serait déduit sur les
impôts à payer plus tard : De cette manière le trésor ne débourserait rien, la
remise se répartirait sur un plus grand laps de temps, et le trésor s’en
apercevrait moins. Je crois qu’une semblable modification serait bonne à
introduire dans la loi.
M. Vandenbossche. - Messieurs, lorsque les
réclamations des marchands de vin ont été introduites pour la première fois à
la chambre, chacun les trouvait équitables et je pense que la proposition de M.
Verhaegen eût été directement adoptée, si M. le ministre des finances n’avait
pas voulu préalablement s’enquérir de la somme à laquelle aurait monté la
restitution de droits réclamée. Pour moi, il me suffit que la demande soit
juste, pour que je l’admette, sans m’inquiéter des sommes que cela pourrait
coûter au trésor. Déjà trois fois comme on l’a dit, ce principe a été invoqué
contre les marchands de vins ; cette fois, je crois, nous devons l’admettre en
leur faveur.
La
section centrale ou le ministre, a calculé que la somme à restituer devrait
s’élever, à 610 mille fr. si on adoptait complètement la proposition de M.
Verhaegen. Messieurs, quand il s’agit d’un acte de justice, la somme, dût-elle monter
au double, nous devons nous y refuser.
On a
dit : on a réclamé dans le temps quand on a augmenté les droits, contre le
supplément demandé aux marchands de vins. Ceci était assez juste et assez
rationnel. Ce que nous devons faire, c’est soigner les intérêts du peuple après
avoir pourvu aux besoins du gouvernement. Et je trouve qu’un pareil principe
doit toujours être adopté quand il s’agit de l’intérêt du contribuable, de
soutenir le commerce et l’industrie, tandis qu’on pourrait très souvent le repousser
quand il s’agit seulement de l’intérêt du trésor.
Lorsque le pays est en position de pourvoir à ses
dettes, et ici, selon moi, il s’agit d’une dette, je crois qu’alors on ne peut
rien considérer autre chose que l’intérêt de l’industrie et du commerce, Pour
cela, je voterai en faveur de la plus grande restitution qui pourra être faite
aux marchands de vins. Quand il s’agit d’une perte, il vaut mieux que la
généralité du pays la supporte, que quelques particuliers
M. Desmet. - Si j’envisage la question sous le rapport du droit, je suis de
l’opinion de M. le ministre des finances. Je crois qu’en droit il n’est rien dû
aux marchands de vins. En effet, la loi de 1822 dit que le droit d’accise sur
les vins est dû à l’importation. On le met sur le même
rang que le droit d’accise sur les eaux-de-vie indigènes, la bière et le sel.
Quant à la distillation des eaux-de-vie indigènes, quand la déclaration des
vaisseaux de macération est faite, il faut payer le droit, on n’attend pas que l’eau-de-vie soit livrée à la consommation ; il en est de
même de la bière, il en est de même aussi pour le sel, dont le droit est
supérieur à la valeur de l’objet. Quand le sel brut est entré, il doit être
pris en charge. Sous le rapport du strict droit, rien n’est dû à ceux lui ont
un crédit à terme ; c’est une lettre de change qu’on a signée, et qu’on doit
payer.
Si je
considère la question sous le rapport de l’équité, je suis plus ou moins
embarrassé. Voici le motif.
Les
négociants en vin, sous le rapport de la manière d’opérer les comptes
d’accises, se divisent en deux classes : ceux qui jouissent d’un entrepôt et
ceux qui ont des crédits à terme. Il est constant que ceux qui ont dans leur
ville un entrepôt, ne doivent rien payer pour le droit d’accise, que quand ils
livrent à la consommation. C’est un grand avantage pour ceux qui ont chez eux
un entrepôt. Mais les négociants qui habitent les villes où il n’y a pas
d’entrepôt, sont obligés d’avoir recours au crédit à terme quand le vin arrive,
de sorte qu’ils sont chargés du droit d’accise c’est ce qui m’embarrasse
beaucoup. Cette classe de négociants qui a l’avantage d’avoir des entrepôts,
ne, doit rien payer avant l’entrée en consommation, tandis que les autres
doivent payer dès que le vin est arrivé.
Quand
la loi de
La loi
de 1822 avait établi deux catégories de marchands de vins, ceux qui
entreposaient et ceux qui avaient des crédits à terme. Par l’art. 8, il était
sous-entendu que ceux qui avaient des crédits permanents étaient envisagés,
comme entreposants, et le droit était dû seulement
quand ils livraient à la consommation.
En
équité il me semble qu’il y a quelque chose à faire pour les marchands de vins.
Mais je dois vous le dire, si vous êtes équitables envers les marchands de
vins, vous devez l’être envers les consommateurs ; l’industrie des négociants
en vins souffre, je le reconnais, mais si vous leur faites une remise, vous
devez la faire aussi à ceux qui ont des vins dans leur cave.
On
ferait très sagement d’accepter la proposition de la section centrale. C’est un
terme moyen ; et tout le monde doit reconnaître qu’on ne peut pas tout rendre.
Quant à l’amendement de M. Delehaye, je ne puis y donner mon assentiment.
Je ne vois que deux catégories de marchands de vin, ceux qui jouissent des
entrepôts et ceux qui ont des crédits à terme. Pour ceux qui ont tiré leurs
vins des entrepôts pour les mettre en cave, je ne puis en aucune façon admettre
leur réclamation. Ils doivent être considérés comme ayant livré leurs vins à la
consommation. Je repousserai donc cet amendement, mais je voterai pour celui de
la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Smits) - L’honorable préopinant a eu parfaitement raison à son point de départ.
D’abord il a dit que le droit d’accise n’était pas dû lors de la consommation,
comme le pense M. Savart-Martel, mais lors de l’introduction des vins dans le
pays. Voici ce que porte l’art. 2 de la loi de 1822.
« L’accise
sur les vins étrangers sera due au moment de l’importation. »
Maintenant,
si par un bienfait de la loi, on a permis au négociant de payer à terme, cela
ne détruit nullement le principe. Du moment que le vin est importé, le droit
est acquis à l’Etat, le trésor est censé l’avoir reçu ; le négociant ne peut
pas en réclamer la restitution. Voilà la règle. Et remarquez que si on décidait
le contraire, si on décidait qu’on restituera les droits sur les vins pour
lesquels on a accordé un crédit à terme, on contreviendrait à la loi existante.
M. de Brouckere. - Une
loi en abroge une autre !
M. le ministre des finances (M. Smits) - Alors vous ne pouvez pas alléguer de la loi existante, car d’après la
loi, le droit n’est pas acquis au moment de la consommation, mais au moment de
l’importation.
M. de
Brouckere vous a dit tantôt : mais c’est un guet-apens que la convention avec
la France a tendu au commerce ; on a adopté tout à coup une réduction de droits
sur les vins ; cette réduction est tombée à l’improviste sur la Belgique ; si
le négociant en vins avait pu la prévoir, il n’aurait pas retiré ses vins de
l’entrepôt. Mais, messieurs, il y avait donc aussi guet-apens envers le trésor
quand le négociant, ayant eu connaissance de projets tendant à augmenter
l’impôt, s’est empressé d’importer des masses considérables de marchandises.
Je le
demande, n’était-ce pas aussi un guet-apens contre le trésor ? Evidemment oui ;
le raisonnement est le même. Car, encore une fois, si l’on déclare des quantités
considérables en consommation en vue d’un projet de loi qui doit être présenté,
je vous demande si ce n’est pas frauder les droits du trésor.
Je me
bornerai pour le moment à ces observations pour répondre à ce que viennent de
dire les honorables préopinants (MM. Savart et Desmet).
Maintenant je comprends très bien la sympathie que
l’on a pour les réclamations des marchands de vin. Croyez-vous que le
gouvernement ne l’a partage pas ? Il les partage, messieurs ; et il ne manquera
pas de faire tout ce qui est en lui pour favoriser, pour améliorer leur
commerce. Mais la législation n’est pas basée sur des sentiments, sur des
sympathies ; elle est basée sur le strict droit et les principes. Ces principes
nous les défendons, parce que nous les croyons utiles aux intérêts commerciaux
du pays, utiles aux transactions, et c’est pour cela que nous repoussons les
propositions qui vous sont faites.
(Moniteur belge n°236, du 24 août 1842) M.
Mercier. - Je viens appuyer la réclamation des négociants
en vin ; dans mon intime conviction elle est fondée en équité ; il serait
injuste de ne pas l’accueillir, injuste si l’on consulte les précédents,
injuste surtout si l’on considère les circonstances qui se rattachent
spécialement au commerce des vins. Des considérations puisées dans l’intérêt du
trésor public, auraient pu seules me faire hésiter, si la cause des réclamants
était de nature à laisser quelque doute dans mon esprit ; quant aux
considérations de principe qu’on a essayé de faire valoir, elles n’existent pas
; c’est ce que je vais chercher à démontrer.
Est-il
vrai, comme on l’a prétendu, que si on accorde aux négociants en vins la
réduction qu’ils réclament, « on posera un principe qui devra être appliqué
désormais dans tous les cas où il y aura réduction de droite d’accise ou de
douane ? »
Est-il
utile, est-il prudent d’arrêter un principe rigoureux et absolu sur la question
de rétroactivité en matière d’impôts ?
Je
n’hésite pas à répondre négativement à ces deux questions. Quant à la première,
je dis qu’en faisant droit à la réclamation des marchands de vins, on ne posera
pas plus un principe invariable qu’on ne l’a fait précédemment en diverses
occasions, en prenant tantôt des mesures de rétroactivité, tantôt des mesures
de non rétroactivité ; c’est ce qui a eu lieu plusieurs fois depuis
L’un
des premiers actes du gouvernement provisoire fut de poser un fait de rétroactivité
en matière d’impôt. Par son décret du 1er octobre 1830, tous les impôts
existants furent maintenus à l’exception de l’accise sur l’abattage qui fut
supprimé ; en même temps il fut décidé que les contribuables seraient libérés
de tons droits et amendes résultant de procès-verbaux et même de condamnations
judiciaires.
La
mesure n’avait pas une très grande portée, mais c’était bien là un effet
rétroactif, puisque la loi ne se bornait pas à disposer pour l’avenir. Le
gouvernement provisoire a-t-il cru consacrer un principe ? Il a tout simplement
posé un acte de politique sage et de bonne administration ; c’est sous ce point
de vue que la question doit être résolue chaque fois qu’elle se présente. Je
citerai un autre exemple. Le 17 octobre 1830, le gouvernement provisoire décida
que le taux de production des distillations serait réduit à
On
objectera peut-être : Mais pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas fait restituer
la différence entre les anciens et les nouveaux droits ? Je pourrais m’abstenir
de m’expliquer sur ce point, car là n’est pas la question ; il m’a suffi de
signaler un nouvel exemple de rétroactivité, cependant je ferai remarquer qu’il
y avait des motifs graves pour ne pas faire cette remise. La confusion qui
avait régné en Belgique pendant les mois d’août et de septembre n’avait pas
permis à l’administration d’exercer une bonne surveillance sur les distilleries
; beaucoup d’établissements avaient été en activité sans être soumis aux droits
; d’un autre côté, sur une partie de la frontière, toute
Le
troisième exemple de rétroactivité, c’est celui résultant de la loi du 18
juillet 1833. Il est vrai que la remise d’une partie des droits n’a porté que
sur les crédits à terme et que la mesure a été accompagnée de certaines
restrictions ; mais cela n’empêche pas que la réduction ait été accordée sur la
totalité des prises en charge, sauf pour les quantités inférieures à 20
hectolitres ; si l’on consulte les débats auxquels cette disposition a donné
lieu, on reconnaîtra que l’exception n’a été motivée que par les difficultés
insurmontables qu’il y aurait en à faire des recensements dans une foule de
petits établissements ; un honorable membre de cette chambre, M. Rodenbach, a
même fait l’observation qu’il eût fallu dix mille employés pour les effectuer ;
mais ce qu’il importe de constater, c’est que la loi de
On a
agi alors comme dans les autres circonstances par des considérations d’équité
et de bonne administration. Ces considérations sont encore celles qui doivent
nous guider aujourd’hui.
Une autre
loi, celle du 20 mai 1838, ne renferme pas à la vérité de disposition
formellement rétroactive ; cette loi apporte une réduction aux droits sur les
eaux-de-vie étrangères. Mais comme les négociants intéressés se trouvaient sous
le régime du crédit permanent, ils ont réellement joui de la réduction sur les
eaux-de-vie qu’ils possédaient dans leurs magasins. Aucune autre disposition ne
devait être prise dans leur intérêt, car l’eau-de-vie ne sortait de leur
magasin de crédit permanent qu’en petite quantité et pour être livrée de suite
à la consommation. M. le ministre des finances nous disait tout à l’heure que
les négociants en vins ayant déjà l’avantage de posséder des crédits à termes
au lieu d’être tenus à acquitter l’accise au comptant, ne devaient pas obtenir
une seconde faveur, celle de jouir de la réduction des droits. Mais on oublie
qu’avant d’avoir des crédits à termes, ces négociants se trouvaient sous le
régime du crédit permanent ; que s’ils avaient été maintenus dans cette
position, la réduction des droits serait appliquée aux vins qu’ils auraient en
magasin ; c’est dans l’intérêt du commerce de vins que ce changement a été
opéré, et aujourd’hui on voudrait tourner contre les négociants une mesure
qu’ils ont accueillie avec reconnaissance. Je ne reviendrai pas sur
l’observation déjà faite par plusieurs de mes honorables collègues sur l’effet
rétroactif que la loi du 24 décembre
On a
dit aussi : Les négociants peuvent laisser leurs vins en entrepôt ; mais
le commerce des vins ne se fait pas ainsi. Le négociant doit avoir ses vins
chez lui, parce que pendant plusieurs années, il y a des soins à prendre pour
les conserver et les améliorer. Dans les petites villes, d’ailleurs, il n’y a
pas d’entrepôts, là les négociants sont obligés de recourir immédiatement aux
crédits à termes.
J’ai
cité quelques cas de rétroactivité, il y a également des exemples de non
rétroactivité depuis 1830. Le gouvernement a-t-il par cela posé le principe de
non rétroactivité ? Pas plus qu’il n’a posé le principe de rétroactivité dans
les circonstances dont j’ai parlé précédemment. Du reste, les augmentations de
droits portés depuis 1830, ne concernent guère que les droits de douane ; ils
ne sont pas ici en cause ; les réclamants ne demandent que la réduction de
l’accise. En fait d’accise, le droit sur les eaux-de-vie indigènes a seul été
augmenté. Le supplément de droit n’a pas à cette occasion été exigé des
distillateurs qui pouvaient avoir des genièvres en magasins. La loi n’a donc
pas eu d’effet rétroactif ; mais il n’est entré dans la pensée d’aucun membre
de cette chambre, de fixer le principe de non rétroactivité. Je ne chercherai
pas à scruter les intentions de ceux qui ont concouru au vote de la loi ; mais
on a pu être arrêté par des difficultés d’exécution qui étaient en effet très
grandes ; on savait très bien que l’augmentation effective du droit qui allait
être perçu, ne serait pas en rapport avec l’augmentation nominale de l’accise ;
on savait, et c’est ce qui est arrivé, on savait que par une forte accélération
des travaux, le distillateur pouvait se soustraire à une partie de la
majoration du droit ; dès lors on manquait de base pour exiger un supplément
d’accise sur les genièvres qui étaient en magasin ; d’un autre côté on
n’ignorait pas qu’un recensement général chez les distillateurs eût été fort
difficile à opérer, et n’eût probablement amené que de faibles résultats.
Et
d’ailleurs si à l’égard des distillateurs la loi n’a pas eu d’effet rétroactif
lorsque les droits ont été augmentés, c’est que le gouvernement ne l’a pas
voulu, ne l’a pas demandé dans ce cas spécial ; c’est que les chambres n’ont
pas jugé convenable de l’établir. Mais jamais il n’a été question de poser un
principe général. Aujourd’hui on voudrait faire pâtir les marchands de vin de
ce qu’en raison d’obstacles matériels ou d’autres considérations particulières
on n’a pas soumis les distillateurs à l’augmentation des droits ; ainsi tous
les précédents jusqu’à ce moment sont en faveur du commerce ou de l’industrie ;
on a fait remise des droits lorsqu’il y a eu diminution de l’accise ; on n’a
pas rétroagi lorsqu’il y a eu augmentation ; donc il ne faut pas accorder de
remise aux négociants en vin ; voilà le singulier raisonnement qu’on nous
présente pour repousser les réclamations d’un commerce qui trois fois a
supporté par effet rétroactif des augmentations de droit d’accise.
Messieurs,
j’ai dit qu’il serait dangereux, qu’il serait imprudent de poser un principe
d’une manière absolue. L’honorable M. Delehaye vous a fait une observation très
juste à cet égard. Supposez un traité de commerce sur une grande échelle, une
réunion douanière avec la France, et que le gouvernement de ce dernier pays
vienne vous demander de supprimer totalement les droits sur les vins ou sur
d’autres objets quelconques ! ne tiendrez-vous pas
compte aux négociants belges de droits acquittés sur les quantités qu’ils
auraient en magasin ? Mais ce serait une criante injustice. Cependant vous ne
pourriez opérer cette restitution, si vous aviez posé le principe rigoureux
qu’on voudrait consacrer.
Un
principe semblable, s’il devait être respecté, serait un obstacle à une réunion
douanière avec
D’ailleurs,
messieurs, la chambre n’est pas compétente pour décréter un principe. Il n’y a
de principe qui ait force de loi que ceux établis par la constitution. Car
posez aujourd’hui un principe ; qui empêchera une chambre nouvelle, après une
élection, ou même la chambre actuelle, de revenir sur ce principe ? Ce serait
donc chose inutile que de poser ce principe.
Messieurs,
il me reste à faire quelques observations. Le travail de la section centrale
étant extrêmement urgent, notre honorable rapporteur n’a pu, dans son rapport,
entrer dans de longs développements. Il y a beaucoup de choses qui ont été
dites à la section centrale et qu’à défaut de temps il a été impossible de
comprendre dans le rapport. Ainsi, par exemple, le rapport renferme les
observations que je vais citer : « En faveur de la restitution, on a
invoqué le principe qui déjà aurait été appliqué plusieurs fois en matière
d’accise. On a répondu qu’il était vrai que la rétroactivité avait été exercée
plusieurs fois sous le gouvernement précédent, notamment en 1816-1822 et 1829,
mais que ç’avait été en violation de la loi qui ne
dispose que pour l’avenir ; que cette violation avait excité un mécontentement
général, et avait donné lieu aux réclamations les plus vives » ; mais des
membres de la section centrale ont répondu à cette observation, et ont fait
remarquer d’abord que ce principe avait été appliqué depuis la révolution ;
qu’en outre on n’avait fait un grief, au gouvernement, de la rétroactivité, que
lorsqu’elle avait été déclarée par arrêté royal, au lieu d’être décrétée par la
loi elle-même.
Et en
effet, en 1829, les membres belges des états généraux se sont peu opposés à
l’article de la loi qui établissait la rétroactivité.
En ce
qui concerne le vin, le rapport de la section centrale évalue la réduction à 6
ou 7 p. c. du prix. Cette évaluation n’est juste que pour autant que l’on fixe
à 300 fr. la valeur moyenne de la pièce de vin, et que l’on ne tienne pas
compte de la réduction du droit de douane également onéreux aux négociants en
vins. Des observations contradictoires sur ce point ont aussi été présentées
dans la section centrale. A cet égard nous ne pouvons puiser de meilleurs
renseignements que dans les relevés du commerce formés par le gouvernement. Un
particulier ne peut apprécier la moyenne du prix des vins qui s’introduisent
dans le pays ; mais le gouvernement a établi cette valeur à 60 fr. par
hectolitre. Voici d’après ce chiffre quelle serait la proportion de la perte
que ferait le négociant en vin :
La
réduction est de 75 p. c. sur les droits de douane et de 25 p. c. sur les
droits d’accise. Ces deux réductions réunies forment une diminution de 40
francs par hect. L’hect. étant évalué à 60 fr., c’est
une perte pour le négociant de 16,66 fr. C’est donc plus que 6 ou 7 p. c ; les
pièces de vin de Bordeaux contiennent ordinairement
Messieurs,
je ne veux pas répéter les différentes observations qui vous ont été présentées
par d’autres orateurs. Cependant j’appellerai particulièrement l’attention de
la chambre sur cette considération que pour aucun autre objet de consommation,
il n’existe de motif aussi pressant d’accorder une restitution de droit ; le
commerce de vin se trouve dans une position toute spéciale. Pour le vin
seulement le marchand étranger va s’adresser directement au consommateur.
Ainsi,
alors même qu’il n’y aurait pas de précédent, je serais encore d’avis que, par
mesure d’équité, par mesure de bonne administration, il faudrait accorder la
réduction du droit d’accise aux négociants en vin. J’insiste aussi sur cette
observation que le commerçant belge n’aura pas seulement à souffrir du montant
de la réduction, mais qu’une fois que le marchand français se sera fait une
clientèle en offrant son vin à 22 fr. meilleur marché que le négociant belge,
cette clientèle lui restera. Ainsi se perpétuerait le dommage causé à un commerce
important du pays, par suite d’une mesure dont on n’aurait pas assez prévu les
conséquences. Je ferai valoir encore cette considération qu’il est à craindre
que le commerce des vins en bouteille n’échappe en grande partie à nos
négociants ; je crois que le gouvernement a été dans l’erreur sur ce point, et
que la convention frappe le commerçant belge bien plus qu’on ne l’a pensé.
Par ces
considérations j’appuierai la proposition de l’honorable M. Delehaye, parce
qu’elle me paraît juste et rationnelle. Je ne vois guère de motif pour accorder
plutôt la remise du droit aux négociants qui ont des crédits à terme qu’à ceux
qui ont acquitté l’accise, et qui ont leurs vins en magasins. Je dirai que,
sous ce rapport, le négociant des petites villes se trouverait dans une
position extrêmement défavorable, je citerai, par exemple, Namur, Huy, où il
n’y a pas d’entrepôt ; dans ces villes, les négociants prennent
immédiatement leurs vins à crédit à terme, de sorte qu’ils ont dans leurs
magasins de fortes quantités de vin dont les droits sont acquittés ; si donc
vous n’appliquez pas la mesure à tous les vins qui sont en magasin, vous ne
ferez qu’une demi-justice. J’aime mieux limiter le chiffre, comme le propose M.
Delehaye, et que chaque négociant reçoive une indemnité inférieure à 25 p. c,
que de ne faire justice qu’à une partie de nos commerçants. Je crois d’ailleurs
que la somme de 350,000 francs sera à peu près suffisante et que dans les
renseignements demandés par M. le ministre des finances il y a de doubles emplois.
On a
dit : « Mais ces vins qui sont en magasin ont-ils payé les droits ? »
Messieurs, il ne peut pas y avoir de doute à cet égard, car lorsque l’accise a
été augmentée en 1829, tous les vins en magasin ont été soumis au droit établi
par loi du 24 décembre, dès lors je ne vois pas pourquoi l’on refuserait la
remise du droit pour les vins qui sont en magasin plutôt que pour ceux qui sont
à crédit à terme. J’adopte d’autant plus volontiers la proposition de
l’honorable M. Delehaye, qu’elle atteint le double but de limiter le maximum de
la somme à laquelle le trésor public peut être engagé, et qu’en même temps elle
tend à empêcher les abus par cela même que les négociants en vin seront
intéressés à les prévenir.
Messieurs,
je ne prolongerai pas mes observations ; cependant je dirai encore deux mots
sur un article cité par M. le ministre des finances, l’article
« soierie », bien qu’il se rapporte aux droits de douane qui ne sont
pas en question.
Nous
nous rappelons tous par quel motif principal on a diminué les droits sur les
soieries ; si ces droits ont été réduits, c’était parce que la fraude se
pratiquait sur une grande échelle et qu’on n’acquittait pas les droits sur la
moitié des importations ; cela a été dit cent fois dans cette chambre, je puis
donc le répéter. Vous concevez dès lors qu’on ne pourrait rembourser des droits
qui n’avaient pas été perçus.
D’ailleurs,
les marchands de soieries ne se trouvaient pas dans la circonstance
exceptionnelle où se trouvent les marchands de vins. Le négociant étranger ne
va pas s’adresser directement au consommateur pour débiter des soieries.
- La
séance est levée à quatre heures et demie.