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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 16 juin
1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative au traitement des
membres de l’ordre judiciaire (de Theux), aux travaux
sur l’Amblève (Raikem)
2)
Projet de loi accordant la grande naturalisation au général Chazal.
Rapport
3) Rapport sur une pétition relative aux travaux à faire pour éviter les inondations de la Meuse à Liége
4)
Projets de loi relatifs à la législation sur le sel et sur les eaux-de-vie
étrangères
5) Projet de loi tendant à modifier la loi communale, en ce qui concerne le
fractionnement des collèges électoraux et la durée du mandat des conseillers,
du bourgmestre et des échevins. Second vote des articles. Fractionnement des
collèges électoraux (Vandenbossche, de Theux, Verhaegen, de Theux, Vandenbossche, Verhaegen, Desmet, Devaux, Verhaegen, Dubus (aîné), Devaux, Dumortier, Devaux, de Theux, Devaux, Verhaegen, Dumortier, Dubus (aîné), Devaux, Dumortier, Devaux, de Theux, Nothomb, Devaux, de Theux, Nothomb, de Theux, Devaux, Nothomb, Verhaegen, Nothomb, Vandenbossche, Verhaegen, Nothomb, David)
6)
Projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à réduire les péages sur les
canaux et rivières (notamment pour la houille) (Nothomb,
de Theux, Nothomb, Dumortier, Nothomb, Delehaye, de La Coste, Nothomb)
7) Projets de loi portant modification des limites communales entre Esneux et
Ougrée d’une part, et entre Ecckeren et Capelle,
d’autre part
(Moniteur
belge n°169, du 18 juin 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. Kervyn fait l'appel nominal à midi et quart.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction
en est adoptée.
M. Kervyn présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Durant, ancien gendarme, réclame
l'intervention de la chambre pour obtenir du ministère de la guerre le paiement
d'un mois de solde.»
- Renvoi à la commission des pétitions.
_____________________
« Le sieur Vercruysse
réclame l'intervention de la chambre pour obtenir du ministre des travaux
publics la réintégration des 136 employés da chemin de fer qui, par mesure
d'économie, ont été congédiés le 31 mai. »
- Même renvoi.
_____________________
« Les membres du tribunal de
Hasselt demandent que ce tribunal soit élevé à la seconde classe. »
- Sur proposition de M. de Theux,
renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet de loi relatif aux
traitements de l'ordre judiciaire.
____________________
« Le sieur de Lens, entrepreneur de casernement
de la ville de Liége, rappelant sa demande du 15 novembre dernier, prie la chambre d'examiner
le contrat fait par le gouvernement avec la société Legrand pour la fourniture
des lits militaires.»
- Renvoi à la commission des pétitions.
____________________
« Des habitants de Liége
réclament l'intervention de la chambre pour que le gouvernement s'occupe des travaux
nécessaires pour faciliter la navigation sur l'Emblève.
"
M. Raikem. - Je demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions
avec demande d'un prompt rapport. L'objet est assez intéressant. Il s'agit,
d’après la demande des pétitionnaires, d'examiner quels sont les moyens propres
à améliorer la rivière qu'ils indiquent et qui transporte des objets
nécessaires à l'industrie. Si M. le ministre des travaux publics était présent,
j'appellerais son attention, même dans l'intervalle du rapport, sur l’objet de
cette pétition, à laquelle je ne doute nullement qu'il ne porterait le plus
grand intérêt.
- La pétition est renvoyée à la commission des
pétitions avec demande d'un prompt rapport.
____________________
Message du sénat faisant connaître l'adoption du
projet de loi tendant à conférer la grande naturalisation à M. Grand-Ry et plusieurs projets de loi tendant à accorder la
naturalisation ordinaire à différentes personnes.
PROJET DE LOI ACCORDANT
M. Lejeune, au nom de la commission des naturalisations dépose le rapport sur la
demande de grande naturalisation du général Chazal.
M. Zoude, rapporteur. - Plusieurs habitants des faubourgs de Liége ont l'honneur d'exposer a la
chambre que depuis 1795 on a complètement abandonné le système que leurs
ancêtres avaient constamment suivi pour préserver la ville de Liége des
malheurs que pourrait occasionner une crue d'eau extraordinaire.
Le canal de
Ceci, soit dit en passant, prouve que le siècle de
lumières n'a pas été, sous tous les rapports, celui de la prévoyance.
Enfin les fautes de l'administration, accumulées
pendant près de 50 ans ont amené les choses à tel point qu'on ne connaît plus
d'autre moyen de prévenir les désastres qu'amènerait une inondation que dans la
rectification du fleuve ; et on doit se hâter, car le retour d'inondations,
telles que celles qui ont signalé les années 1643 et 1740, amènerait les
catastrophes les plus effroyables, et on doit d'autant plus les appréhender que
leur date ancienne en rend le retour prochain plus probable.
Il est d'ailleurs des malheurs journaliers auxquels
il est urgent de porter remède. Chaque hiver, disent les pétitionnaires, des
bateaux ont sombré, des bateliers ont péri.
Nous sommes avertis du danger ; ne nous exposons pas
aux regrets de voir une partie considérable d'une ville des plus populeuses et
des plus industrielles du royaume subir, par les eaux, une catastrophe aussi
terrible que celle qu'Hambourg a éprouvé par le feu.
Votre commission a l'honneur de vous proposer le
renvoi de cette pétition à M. le ministre des travaux publics, en la
recommandant à toute sa sollicitude.
-
Les conclusions de la commission sont
adoptées.
PROJETS DE LOI RELATIFS A
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Le Roi m'a chargé de présenter à la
chambre deux projets de loi : Le premier portant révision de la législation sur
le sel ; le deuxième portant révision de la
législation sur les eaux-de-vie étrangères. Ces projets de loi ont spécialement
pour but de faire cesser quelques abus, d'améliorer les revenus du trésor en
remplaçant le système des crédits permanents, par celui des crédits à terme.
Nous les présentons aujourd'hui, messieurs, pour que les intéressés puissent
faire leurs réclamations avant la reprise des travaux de la chambre. Les
projets de loi seront insérés au Moniteur ; de cette manière, l'examen
pourra être activé.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution
de ces projets de loi et les renvoie à l'examen de la section.
PROJET DE LOI TENDANT A MODIFIER
Second vote des articles
Article premier
M. le président. - La discussion est ouverte sur le premier alinéa des additions à l'art. l, ainsi conçu :
« Dans les communes de 12,000 habitants et
au-dessus, les élections se font par sections ; la répartition des conseillers
à élire est faite d'après la population. »
L'amendement introduit dans cette disposition, sur
la proposition de MM. de Mérode et Rodenbach, consiste à substituer au chiffre
de 5,000 habitants celui de 12,000 habitants.
M. Vandenbossche vient de déposer
un amendement tendant à substituer au chiffre de 12,000 habitants celui de
25,000 habitants. Il a la parole pour développer cet amendement.
M. Vandenbossche. – Messieurs, j'ai toujours regardé la proposition des honorables MM.
Rodenbach et de Mérode pour un amendement ; de sorte que j'ai aussi toujours
cru pouvoir y revenir au second vote et présenter utilement un sous-amendement
que je m'étais proposé d'y faire.
Je ne l'ai pas proposé avant le premier vote, parce
que je ne partageais pas le principe du fractionnement.
Je l'ai rejeté, parce que les avantages que l'on
croit pouvoir en résulter, ne seront, à mes yeux, jamais en état de compenser
les inconvénients qu’il doit nécessairement entraîner.
Je l'ai encore rejeté parce que je ne le trouvais
pas en harmonie avec le projet que la majorité de la chambre venait d'adopter
relativement aux bourgmestre et échevins. Suivant moi, quand on ne modifie
qu'une partie d'une disposition, on approuve et confirme l'autre.
Par l'adoption du premier projet, la chambre avait
donc, suivant moi, adopté et itérativement confirmé la première partie de
l'art. 2. « Les conseillers sont élus directement par l'assemblée des
électeurs de la commune. » L'article ne suppose qu'une seule
assemblée, la réunion de tous les électeurs de la commune ; telle est la règle,
sauf les exceptions de l'art. 22, qui porte :
« Les électeurs se réunissent en une seule
assemblée, si leur nombre n'excède pas 400.
« Lorsqu'il y aura plus de 400 électeurs, le
collège se divise en sections, dont chacune ne peut-être moindre de 200, et
sera formée par les sections ou fractions de sections de la commune les plus
voisines entre elles.
« La division des électeurs en sections
se fait par le collège des bourgmestre et échevins, qui en donne connaissance
dans les lettres de convocation. Chaque section concourt directement à la
nomination des conseillers.
« Les électeurs ne peuvent se faire
remplacer. »
D'après toutes ces dispositions il ne peut y avoir
qu'un seul collège électoral par commune. Ce collège, si le nombre des
électeurs dépasse 400, se trouve divisé en sections ou bureaux séparés, et
chacun de ces bureaux séparés ne peut être moindre de 200 électeurs.
En outre, chaque section, chaque bureau, chaque électeur concourt
directement à la nomination de tous les conseillers à être dans la commune.
Or toutes ces dispositions on les conserve, on les
maintient, elles continuent à former loi !
Je le demande, toutes ces dispositions ne sont-elles
pas en contradiction manifeste avec le projet dont on nous propose l'adoption
définitive ?
D'après la loi, il ne peut y avoir qu'un seul
collège électoral dans une commune, et il ne peut y avoir qu'une seule
assemblée, ou bureau, s'il n'y a pas plus de 400 électeurs. D'après le projet,
il doit y avoir au moins trois collèges électoraux différents, n'y eût-il même
pas 400 électeurs. D'après la loi, on ne peut former trois bureaux ou section
que pour autant qu’il y ait au moins 600 électeurs ; d'après le projet, on aura
ses trois collèges distincts, quand même, d'après la loi, la commune ne
pourrait pas former deux bureaux. D'après la loi, chaque électeur concourt
directement à nommer tous les conseillers à élire dans la commune ; d'après le
projet chaque électeur ne peut plus concourir qu’à la nomination des
conseillers à élire dans son quartier ou section, n'y a-t-il pas là antinomie
ou contradiction évidente ?
Messieurs, si vous voulez persister dans votre
principe de fractionner les collèges électoraux, dans les grandes villes, vous
devez nécessairement modifier la première partie de l'art. 2 et tout l'article
22 de la loi communale, sinon vous allez créer, non une loi, mais une
monstruosité législative qui rendrait notre chambre ridicule aux yeux de
l’Europe entière. Les honorables MM. Dubus et de Theux ont voulu justifier le
projet qui nous est soumis en présence de ces deux articles, et prouver qu'il
était en harmonie avec ces dispositions. Je n'ai rencontré, dans tous leurs
arguments à ce sujet, que des subtilités dialectiques, subtilités que je
voudrais voir bannies, quelles qu'elles soient, d'une chambre législative ; je
n'y répondrai pas, parce que je ne trouve que le silence à y opposer, je ne
peux que les abandonner au bon sens de l'assemblée.
Dans les circonstances où nous nous trouvons, en
présence du maintien des dispositions de la loi communale, que je vous signale,
j'ai peine à croire à l'adoption définitive du principe de fractionnement.
Cependant, comme tout est possible dans ce siècle de lumières, je dois dire à
la chambre que l’on a par trop étendu le cercle des fractionnements ; si on
veut assimiler des quartiers de commune à des communes entières, des collèges
électoraux à des bureaux, au moins ne pourrait-on pas multiplier les collèges
dans une commune au-delà du nombre des bureaux qu'on pourrait actuellement y
établir.
Pour former trois bureaux, la commune doit
nécessairement avoir 600 électeurs. Il faudrait donc aussi qu'elle eût 600
électeurs avant que l'on puisse penser à y établir trois collèges électoraux
distincts.
L'amendement des honorables MM. Rodenbach et de
Mérode étend le fractionnement aux communes qui n'ont que 12,000 habitants.
Or, suivant les statistiques électorales on trouve
que l'on ne peut compter au plus que trois électeurs sur 100 habitants. D’après
ces statistiques, une commune de 12,000 habitants ne pourrait donc avoir au
plus que 360 électeurs. On ne pourrait, par conséquent, pas même y former deux
bureaux, et on veut y établir trois collèges !
Suivant les mêmes statistiques, pour pouvoir diviser
le collège électoral en trois sections ou bureaux, il faut que la commune
possède au moins 20,000 habitants. On ne pourrait donc, dans l'application du
principe, descendre au-dessous de ce chiffre, et cela encore au risque de se
tromper pour beaucoup de localités. D'ailleurs, quels sont les motifs que l'on
allègue pour appuyer le principe de fractionnement ? On dit, entre autres, que
dans les cités populeuses les habitants ne se connaissent pas, et par suite les
électeurs ne savent pas à qui ils donnent leur vote. Je répondrai que ce motif
ne peut s'appliquer à des communes qui n'ont que 25,000 habitants ; dans toutes
ces villes tout le monde se connaît et s'apprécie. Je proposerai donc pour
sous-amendement à celui des honorables MM. Rodenbach et de Mérode, le suivant :
« Dans les communes de 25,000 habitants et au-dessus
les élections se font par sections : le nombre des sections ne pourra être
inférieur à trois ni supérieur à huit. »
Un autre motif semble occuper les partisans du
fractionnement. Comme je l'ai déjà dit, dans une autre occasion, on s'est
malheureusement plu à partager le pays en libéraux et en catholiques. On paraît
aussi avoir pour motif, qu'il y a des conseils communaux où le parti catholique
se trouve exclu, et que chaque parti doit y avoir ses organes ; mais si chaque
parti doit être représenté dans le conseil communal, on pourrait répondre qu'il
y a une infinité de communes où le parti libérai est complètement exclu du
conseil, on verrait ainsi appliquer le fractionnement à toutes les communes du
royaume, si le fractionnement d’ailleurs est un moyen pour parvenir à ce but,
ce dont je doute fort.
Au surplus si on disait aux membrés d'un conseil
communal quelconque : vous n'êtes pas catholiques, je pense que l'on
ferait injure à la plupart d'entre eux, peut-être à tous.
Avant de finir, je dois vous parler du chef-lieu du
district qui m'a envoyé dans cette enceinte. Alost a 15,000 ou près de 15,000
habitants, mais Alost possède deux sections ou hameaux séparés, qui ont chacun
deux représentants au conseil communal, et qui contiennent ensemble 5000
habitants, de sorte que le centre de la ville n'a que 10,000 habitants. Ces
deux hameaux restent maintenus et conservent leurs conseillers, conformément à
l'article 5, qui reste maintenu. La ville d'Alost tomberait-elle sous
l’amendement de MM. Rodenbach et de Mérode, s'il était maintenu ? Tout le monde
le dit. Or dans ce cas ce ne serait que le centre de la ville, qui ne contient
que 10,000 habitants qui se trouverait partagé en trois collèges distincts.
Alost aurait donc, à chaque renouvellement trois élections pour l'intérieur et
une élection générale pour chaque hameau séparé, ensemble cinq élections ;
trois collèges séparés et deux collèges généraux, et on veut éviter le nombre
des élections ! Le tout démontre que l'auteur du projet n'a en aucune manière
réfléchi aux conséquences de sa proposition, ni même les
honorables MM. Rodenbach et de Mérode en présentant leur amendement.
M. de Theux,
rapporteur. - L'honorable préopinant propose de
substituer le chiffre de 25,000 habitants à celui de 12,000 adopté par la
chambre. Ce chiffre me paraît absolument trop élevé. Vous savez que l'on a
adopté, pour base du fractionnement en France, le chiffre de 2,500 habitants et
en Angleterre le chiffre de 12,000 habitants. La chambre craignant d'aller
aussi loin que l'Angleterre même, a fixé le chiffre de 12,000 habitants. Une
commune de 12,000 habitants est une grande commune, qui peut être très
facilement fractionnée en sections.
Ce ne sont pas les motifs allégués par l'honorable
préopinant qui ont dicté la proposition. Il y a une base de justice ; c'est la
représentation des diverses parties des grandes communes qui ont souvent des
intérêts divergents. D’autre part, on a aussi fait remarquer que le projet de
loi en discussion rendrait plus facile le choix du bourgmestre par le Roi dans
le sein du conseil, en ce que le conseil ne serait plus formé par une même
pensée, et que, par suite, il n'y aurait plus ces coalitions qui empêcheraient
l'exercice du choix royal dans le conseil, en ce qui concerne le bourgmestre.
L'honorable membre a pensé que la disposition
exceptionnelle de l'art. 5 resterait encore en vigueur pour les communes de
12,000 habitants. C'est une erreur. Ces communes seront fractionnées d'après la
disposition du projet de loi.
En ce qui concerne l'article 2, ainsi que j'ai eu
l'honneur de le dire il ne fait que rappeler la disposition de l'art. 108 de la
constitution. Cette opinion est confirmée par les termes du rapport du 23 juin
1834. Ce rapport, présenté par M. Dumortier au nom de la section
centrale, porte qu'il a paru utile de rappeler la disposition de l'art. 108 de
la constitution. Ainsi l'article n'a pas pour objet de déterminer qu’il n y
aura qu’un seul collège électoral.
D’ailleurs, ainsi que l'a démontré l'honorable M.
Dubus, les modifications que nous apportons par le projet de loi sont claires,
précises et ne peuvent laisser subsister aucun doute.
Je répète que la loi municipale de France contient
les mêmes termes que la loi de 1836 ; cependant cette même loi consacre le
fractionnement. On ne peut supposer que des législateurs qui connaissent aussi
bien leur langue aient fait une antinomie.
Un motif de plus, c'et que la loi
que nous faisons est postérieure à la loi de 1836. Ainsi, il n'y aurait pas
antinomie, mais dérogation implicite et suffisante.
M. Verhaegen. -
L'amendement de l'honorable M. Vandenbossche, quelque pures que soient les
intentions de son auteur, présente les mêmes inconvénients que celui des
honorables MM. de Mérode et Rodenbach. En effet, la guerre déclarée aux grandes
villes se trouve encore mieux caractérisée par le nouvel amendement, toutefois,
et j'en suis convaincu, contrairement au vœu de l'honorable M. Vandenbossche.
Ce n'est pas pour attaquer cet amendement que je prends la parole, car le
chiffre m’importe peu. Je désire seulement fixer votre attention sur les
quelques paroles que vient de prononcer M. de Theux. Cet honorable membre,
répondant à l'honorable M. Devaux, a prétendu que le but de son projet était de
représenter dans le conseil les diverses parties d'une commune ayant des
intérêts distincts.
Je m'empresse de prendre acte de cette assertion, et je dis à M. de
Theux : Si tel est votre but, vous ne devez pas tenir à votre
proposition telle qu’elle a été adoptée. Si le motif que vous alléguez n'est
pas un simple prétexte, vous devez vous borner à appliquer la
disposition de l'article 5 aux communes en général ayant un certain nombre
d’habitants. Si vous voulez représenter dans le sein du conseil les diverses
sections d'une commune qui ont des intérêts distincts, vous devez à chacune de
ces sections donner des représentants spéciaux pris dans son sein, vous devez
leur appliquer la disposition de l'art. 5.
Je tenais, messieurs, à vous soumettre cette observation, que je
considère comme très importante dans l'ordre, de mettre à découvert la
marche de la réaction.
Si l'on vous proposait d'étendre la disposition de l'article 5 de la loi de
1836 à toutes les communes de plus de 12,000 âmes les auteurs du projet mis en
discussion n'auraient, certes, aucun prétexte pour s'y opposer, car alors les
diverses parties de commune ayant des intérêts distincts, seraient représentés.
Si quelques-uns de mes honorables collègues partagent mon avis, car je ne
veux pas m'isoler sur une question si importante, je serai disposé à faire
cette proposition par forme d'amendement. M. de Theux et ses amis ne pourraient
pas reculer ; car ils vous ont dit qu'ils n'avaient d'autre but que de faire
représenter les diverses parties d'une commune, ayant des intérêts distincts,
au sein du conseil communal ; en effet, si tel est leur but, s'ils n'ont pas un
but caché, si ce qu'ils disent n'est pas un simple prétexte, ils doivent
adopter ce système.
Mais je m'attends à un refus. Car le motif que l’on donne n'est pas le
véritable ; ils en ont un autre ; on vous l'a dit et démontré à satiété ;
impossible de rien ajouter au discours qu'a prononcé dans la dernière séance
l'honorable M. Osy ; ce discours sera compris, par le pays et par l'étranger,
et fera époque dans l'histoire.
Si l'honorable M. de Theux veut se soustraire à nos objections, s'il veut
rester dans le vrai et ne pas user de prétextes, il doit se rallier à la
proposition que je viens d'indiquer.
Voyez d'ailleurs à quelles absurdités nous donnerions lieu en adoptant le
projet de M. de Theux, amendé par MM. de Mérode et Rodenbach.
A des sections ou hameaux séparés d'une lieue et demie à deux lieues,
peut-être, nous appliquerions l'art. 5 de la loi communale ; c'est à-dire qu’à
chacune de ces sections ou hameaux séparés nous donnerions des représentants
distincts ; toutefois les électeurs voteraient ensemble pour ces représentants
distincts, Au contraire, quand les électeurs seront réunis, quand il y aura
agglomération, on les séparera et on leur dira : « Vous ne ferez pas comme
font ceux qui sont éloignés d'une lieue et demie à deux lieues, vous ne voterez
pas ensemble, parce que vous êtes sur les lieux ; nous allons vous
séparer. » Et pourquoi cela ? Parce qu'il faut que les différentes parties
de commune ayant des intérêts distincts soient représentées au sein du conseil
communal, tout comme on a fait dans l'art. 5, en assignant à des fractions de
commune des représentants séparés dans le sein du conseil communal.
Vous voyez que c'est juste le contraire de ce qui sert de
base ou plutôt de prétexte à la proposition de M. de Theux.
Je ne suis pas fâché, puisque l'occasion s'en présente ici, de répondre à
une observation qui a été faite dans une précédente séance par l'honorable M.
Dubus, et qui a paru faire impression.
L'honorable M. Dubus a dit qu'il y a un principe dans la
constitution d’après lequel la représentation est calculée sur la population. ;
il n'y a rien d'extraordinaire, vous a-t-il dit, que dans une section d'une
ville, où il n'y aurait, pour ainsi dire, que des prolétaires, il y eût
plus de représentants et moins d'électeurs que dans une autre, car il faut
donner aux masses, au peuple proprement dit, les avantages que l'on donne aux
classes aisées ; le peuple en général a droit à autant d'égards que ceux
qui se trouvent dans des positions exceptionnelles.
Mais cette observation vous conduirait bien plus loin que vous ne le pensez
; elle vous conduirait, ni plus ni moins, au vote universel, et vous ne voulez
certes pas arriver là. Pour que votre argumentation fût juste, il faudrait que
ce peuple, dont vous soignez les intérêts, pût jouir, comme les autres, de ses
droits politiques, et eût une part égale dans les élections, Quand on vous a
dit que dans les quartiers les plus populeux il y avait moins
d'électeurs et plus de représentants, on a eu parfaitement raison, et c'est un
inconvénient grave ; car, qu'est-ce qui arrive ? C'est que quelques riches ou
quelques privilégies dans ces quartiers pauvres, font seuls l'élection, et que
les pauvres, les prolétaires n'y concourront pas. Ne parlez donc plus du peuple
dont vous semblez défendre les intérêts, car vous ne lui donnez rien ; vous lui
refusez tout.
Pour être d'accord avec vous-mêmes, vous devriez proclamer le suffrage
universel, vous devriez donner à tous un droit égal dans les élections. Et
certes, c'est ce que vous ne voulez pas.
Ainsi, il restera vrai que dans des quartiers populeux où par exemple, il
n'y aurait que 40 ou 50 électeurs, il pourrait y avoir, en calculant le
nombre de représentants d'après la population, cinq ou six représentants, que
dans une autre section ou il y aura 4, 5 ou 6 cents électeurs, il n'y
aurait que trois ou quatre conseillers. Cc serait là établir pour la commune
des bourgs pourris dans toute la force du terme ; et ce n'est que ce but qui
peut guider M. de Theux et ses amis, s'ils ne veulent pas de la proposition que
j'annonce. Car s'ils veulent seulement que les intérêts distincts de diverses
sections d'une commune soient représentés dans le sein du conseil, ils doivent
donner des représentants distincts à ces sections, en les faisant nommer par
tous les électeurs.
On parle toujours des dispositions de la loi française ; mais on laisse de
côté tout ce qui ne convient pas et qui peut contrarier le but qu'on se propose
; ainsi quand la loi française prend des mesures pour qu'il n'y ait pas
d'inégalité dans le nombre des électeurs des divers quartiers, pour que les
sections soient établies d'après le voisinage, ou laisse tout cela de côté. On
veut établir un état de choses tel qu'on puisse faire entrer dans le sein des
conseils communaux tels individus dont on croira avoir besoin.
Je me résume, messieurs ; je n'ai voulu autre chose que prendre note des
paroles prononcées par l'honorable M. de Theux, en réponse à l'honorable M.
Vandenbossche. Le but de sa proposition, vous a-t-il dit, et je vous prie de
fixer votre attention sur ce point, est de donner une représentation aux
différents quartiers qui ont des intérêts distincts. Si cela est, ce n'est pas
votre disposition qu'il faut adopter, mais la disposition de l'art. 5.
Si quelques membres partagent mon opinion, je crois
qu'il serait convenable de formuler un amendement dans ce sens.
M. de Theux. -
L'honorable M. Verhaegen a mal compris le sens de mes paroles. Je n'ai
nullement entendu parler des sections ayant des intérêts distincts, en ce sens
que ce seraient des propriétés distinctes ; ce n'est pas du tout cela, mais
j'ai entendu parler des sections qui ont des intérêts distincts, comme il en a
toujours existé dans les diverses parties d'une grande commune.
D'ailleurs, j'ai toujours cité dans la discussion l'analogie entre ma
proposition et ce qui se passe pour les élections provinciales. Mais,
messieurs, les cantons qui envoient des conseillers au conseil provincial n'ont
aucune propriété distincte ; ils n'auraient donc, suivant l’honorable M.
Verhaegen, aucun intérêt distinct, et il n'y aurait, dès lors, aucun motif pour
le faire représenter séparément au conseil provincial. Cependant, messieurs, si
quelqu'un venait faire dans la chambre la proposition d'abolir les élections
distinctes dans les conseils provinciaux, je crois qu'on le considérerait comme
fou dans cette assemblée. Ainsi, vous voyez que notre système reste en parfaite
harmonie avec la loi électorale pour la chambre et pour les conseils provinciaux.
La disposition exceptionnelle de l'art. 5 n'a pas, comme je l'ai déjà dit,
pour objet d'assigner des représentants particuliers à des sections ou à des
hameaux séparés, pour le cas où ces sections ou ces hameaux auraient des
propriétés distinctes. Non, messieurs, ce n'est pas cela du tout, et l'usage
l'a parfaitement démontré. On a considéré comme ayant un intérêt distinct une
section extra muros, parce que généralement cet intérêt ne se confond
pas avec ceux de la population urbaine. Mais la loi de 1836 n'a pas fait assez
; c'est ce que nous devons tous reconnaître.
L'honorable préopinant est encore revenu sur ce que nous ne reproduisons
pas dans notre loi les dispositions de la loi française, d'après lesquelles on
donne à chaque section électorale la même population, le même nombre
d'électeurs. Mais veuillez, messieurs, remarquer les motifs de cette
différence. En France, on divise les sections d'après une population égale. Que
résulte-t-il de là ? C'est que l'on a dû nécessairement changer les limites des
anciennes sections. La commune est formée de nouvelles divisions purement
électorales. Nous n'avons pas voulu prescrire ceci ; nous avons laissé cela à
l'examen des conseils communaux, à l'examen des députations permanentes des
conseils provinciaux et du gouvernement.
En France, le nombre des électeurs des diverses sections ne dépend pas du
cens payé par ces électeurs, parce qu'en France le nombre des électeurs est
toujours en rapport avec la population. La loi française porte que, dans les
communes de 1,000 habitants, il y a autant d'électeurs dans les communes de
2,000, autant, dans les communes de 3,000, autant, et ainsi de suite. La
population est donc la seule base du nombre des électeurs, elle est aussi la
seule base du nombre des conseillers assignés à chaque section. En ce qui
concerne les électeurs, ce système est tout à fait différent de ce qui existe
chez nous, et je ne pense pas que l'honorable M. Verhaegen soit désireux de
voir introduire ce système en Belgique ; car si vous consacriez, par exemple,
ce système dans la loi communale, ce serait poser un précédent pour les
élections provinciales et pour les élections aux chambres. A coup sûr, si une
semblable proposition était faite, l'honorable M. Verhaegen la combattrait de
toutes ses forces ; il dirait que ce qui existe en France ne doit pas être
introduit en Belgique. Cependant si l'on voulait absolument que le nombre des
électeurs fût toujours proportionné à la population, il n'y aurait pas d'autre
règle à suivre que de dire que les habitants les plus imposés, à raison de tant
par mille, forment le collège électoral ; c'est là la disposition libérale de
la loi française. Chez nous, ce système n'a pas été adopté pour les élections
aux conseils provinciaux, ni pour les élections aux chambres ; nous ne devons
donc pas l'adopter non plus pour les élections communales. Tous les électeurs
d'une même section, payant le cens fixé par la loi, formeront le collège
électoral, ni plus ni moins, c'est absolument le même système que celui qui
existe déjà pour les chambres et pour les conseils provinciaux ; il n'y a aucun
motif de le changer.
L'honorable M. Verhaegen dit que nous nous intéressons aux quartiers
populeux, et par conséquent aux prolétaires , que cependant nous ne proposons
pas de faire élire les prolétaires au conseil communal ; mais, messieurs, les
prolétaires ne sont pas non plus élus aux conseils provinciaux, ni aux chambres
: les mandataires des localités populeuses, en défendant aux chambres et dans
les conseils provinciaux les intérêts de ces localités, défendent
nécessairement les intérêts de toute la population de ces localités ; il en
sera de même aux conseils communaux : les conseillers nommés par ces quartiers
populeux, en soignant les intérêts de ces quartiers, soigneront naturellement
les intérêts des classes pauvres qui habitent ces quartiers.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par l'honorable M. Verhaegen sur
la vivacité de ces débats ; nous savons par expérience que chaque fois qu'il
s'agite dans cette enceinte une question de politique extérieure ou
d'organisation intérieure, de quelque importance, cela excite toujours des
débats longs et animés ; ce n'est pas une raison pour laisser sans solution des
questions qui intéressent réellement l'ordre social ou la bonne administration
du pays ; sans cela il suffirait que quelques membres fissent une opposition
vive contre telle ou telle proposition, pour que toute solution devînt
impossible. Il faut examiner les propositions qui sont faites et les motifs sur
lesquels elles sont appuyées ; si ces motifs sont fondés, il faut admettre les
propositions ; s'ils ne le sont pas, il faut les
rejeter ; je ne connais point d'autre règle à suivre.
M. Vandenbossche. - Messieurs, à entendre l'honorable M. de Theux,
lorsqu'il a parlé de la ville d'Alost, il faudrait supprimer et nos hameaux et
leurs intérêts ; il ne serait plus question de ces hameaux, qui seraient
amalgamés avec l'intérieur de la ville, ce que la loi a stipulé en faveur de
ces hameaux se trouverait entièrement détruit par les principes de l'honorable
M. de Theux. Il faudrait donc bouleverser la disposition de l'art. 5, qui
concerne ces hameaux ; car une fois que les députations permanentes ont
prononcé sur une question de ce genre, les hameaux ont un droit acquis qu'on ne
peut plus leur enlever qu'en renversant complètement l'art. 5 de la loi. Si les
hameaux dont il s'agit et qui ont chacun 2 ou 3,000 habitants, sont amalgamés
avec l'intérieur de la ville, ils n'auront plus aucune représentation
quelconque.
L'honorable M. de Theux dit que son projet est en harmonie avec le système
des élections pour les chambres et pour les conseils provinciaux cela est
possible ; mais à coup sûr, il n'est pas en harmonie avec les règles établies
pour les élections communales. Il prétend que son projet n'est pas en
opposition avec l'art. 2 ; mais pour bien comprendre l'art. 2, il faut le
combiner avec l'art. 22, qui y est relatif. Or, dira-t-on que le projet de M.
de Theux n'est pas en opposition avec l'art. 22 ?
L'honorable M. Verhaegen désapprouve mon
amendement. Mais je n'ai pas présenté cet amendement dans le but de faire
adopter la loi, je l'ai présenté comme étant de nature à rendre la loi moins
mauvaise qu'elle ne l'est actuellement. Avec cet amendement on ne préviendra
pas toutes les contradictions que l'honorable Verhaegen a signalées,
mais au moins on en préviendra quelques-unes. On empêchera au moins, par
exemple, qu'on n'établisse dans une commune plus de sections que la loi ne
permet d'établir de bureaux.
Je crois, messieurs, que les honorables MM. de Theux
et Verhaegen n'ont pas détruit l'utilité de ma proposition, ni son opportunité.
M. Verhaegen. - Je
crois que l'honorable M. de Theux ne m'a pas compris ou qu'il n'a pas voulu me
comprendre, ce qui est plus probable.
L'honorable M. de Theux (et je le prie de répondre catégoriquement),
l'honorable M. de Theux a dit que le but de sa proposition était la
représentation des diverses parties d'une commune ayant des intérêts distincts
au sein du conseil communal, c'est-à-dire, d'après l'honorable M. de Theux, que
chacune des sections d'une commune doit avoir ses défenseurs au sein du conseil
communal pour ses intérêts distincts. Tel est le but ostensible de la
proposition de l'honorable M. de Theux. Eh bien, messieurs, ce but est aussi
celui de l'art. 5 de la loi communale ; alors qu'il y a des sections ou des
hameaux séparés, l'art. 5 de la loi communale veut que ces sections ou hameaux
séparés aient des conseillers distincts, pris dans leur sein, qu'ils aient des
représentants qui puissent défendre leurs intérêts distincts dans le conseil
communal ; mais dans le cas même de l'art. 5, la nomination de ces
représentants distincts se fait par tous les électeurs de la commune.
Eh bien, puisque tel est le but de l'honorable M. de Theux, et que ce but
est en tous points conforme au but de l'art. 5, pourquoi l'honorable M. de
Theux ne voudrait-il pas se contenter de l'application de l'art. aux communes auxquelles sa proposition doit s'appliquer ? A
moins que l'honorable membre n'ait un but autre que celui qu'il annonce, il est
impossible que l'extension de la disposition de l'art.5 ne lui suffise point.
Puisque l'art. 5, en ce qui concerne les sections ou hameaux détachés, a
précisément le résultat que vous dites vouloir obtenir, l'extension de cet
article doit vous suffire, et il n'est pas nécessaire de bouleverser de fond en
comble les principes de la loi. « Oh, mais, dites-vous, j'entends la
représentation d'une autre manière : les sections seront représentées au sein
du conseil communal par le résultat des élections qui seront faites
partiellement dans ces sections, » c'est-à-dire que ces intérêts seront
représentés par les électeurs et non par les élus ; mais si vous l'entendez
ainsi, soyez donc d'accord avec vous-mêmes ; si la représentation doit avoir
lieu par les électeurs et non pas par les élus, détruisez donc l'art. 5, qui
concerne les sections et hameaux détachés ! A moins de dire qu'on veut parce
qu'on veut, et qu'on ne se donne pas la peine d’écouter les raisons, quelque bonnes qu'elles puissent être, je défie de répondre à cette
observation. Si, comme vous venez de le dire maintenant, la représentation doit
se faire, non par les élus pris dans les sections détachées, mais par les
électeurs de ces sections, détruisez donc l'art. 5, qui concerne les sections
et hameaux séparés, car les raisons sont les mêmes, elles sont même plus
fortes.
Vous ne les faites pas représenter par des échevins électeurs, alors que
dans le sens de l'article 5, il y aurait à cela des raisons plausibles, des
raisons de convenance ; vous ne voulez pas du maintien de l'art. 5. Mais quand
il s'agit de sections qui se touchent, quand il s'agit d'agglomération, vous
fractionnez les électeurs. Ou le but que vous avez assigné d'abord à ces
propositions n'existe pas, et dites-nous alors le but que vous avez en vue, ou
bien vous voulez la représentation dans le choix des électeurs. Si vous voulez
la représentation dans le choix des électeurs, votre proposition doit avoir le
même résultat que l'art. 5 ; si vous voulez, au contraire, la représentation
dans les opérations des électeurs, détruisez alors l'article 5 pour les
sections ou les hameaux séparés, comme vous le voulez dans votre proposition.
Ce sont là des principes tout à fait contradictoires ; l'honorable M. de
Theux me dit qu'il n'en est rien ; ce n'est pas une réponse à un argument. Je
prie l'honorable membre de ne pas tourner la difficulté, mais de la rencontrer
en face.
J'ai dit à l’honorable M. de Theux qu'il était inconcevable qu'il voulût
faire proclamer ce principe, qu'une section qui aura beaucoup moins
d'électeurs, quelquefois le dixième des électeurs d'une autre section, aura le
double ou le triple des représentants de celle-ci. On a répondu que c'était
pour favoriser les classes inférieures qui avaient des droits comme les autres,
ce qui était, comme je le disais tout-à-l'heure, vouloir admettre le vote
universel, tandis qu'au fond, il n'en est rien, puisque les électeurs de cette
section, exerçant les droits politiques, concourront seuls à cette élection.
Répondant à cette objection, l'honorable M. de Theux, si je l'ai bien compris,
n'est pas éloigné de diviser les sections par voisinage, et de faire en sorte
que le nombre des électeurs soit égal pour chaque section.
M. de Theux. - Il
faudrait abolir le cens électoral.
M. Verhaegen. - Il
ne s'agit pas de cela ; vous voulez changer ce qui est, quant aux opérations
électorales ; vous voulez fractionner les électeurs, tandis qu’aujourd’hui ils
votent tous ensemble ; vous voulez diviser une ville en dix parties
différentes, par exemple, quant aux opérations électorales. Eh bien, n'est il
pas rationnel dans ce cas, que vous fassiez les divisions de manière qu'il ne
soit pas permis de prendre une rue dans un quartier et une rue dans un autre
quartier, pour en faire un amalgame, selon vos convenances ?
Si vous voulez une division ? Si vous devez faire une division égale ; si
vous ne voulez pas l'égalité, c'est que l’inégalité a pour vous un avantage, et
quel avantage peut-il y avoir pour vous dans l'inégalité, si ce n'est d'établir
dans les villes de véritables bourgs pourris.
Il n'y a pas de raison plausibles qui puissent renverser ces observations ;
on parviendra à faire décider le contraire, je le conçois, mais enfin le bon
sens fera justice et des observations que j'ai faites et
des réponses qui y ont été données. .
M. Desmet. -
Messieurs, quand on veut réellement, sincèrement, s'intéresser aux villes qui
ont banlieue étendue, je crois qu'il
faut adopter le fractionnement des collèges électoraux.
Que demandons-nous ? Nous demandons l'exécution vraie de l’art. 5,
c'est-à-dire que chaque section, chaque hameau sera réellement représenté ; et
ce par des personnes que les électeurs connaîtront avant de les élire.
Qu'arrive-t-il aujourd’hui ? Il arrive que, grâce à l'élection unique, il y
a quelquefois des électeurs qui sont éloignés de deux ou même de trois lieues
de ceux qu'ils doivent élire et qu'ils ne connaissent nullement. Il en résulte
que les banlieues sont très souvent mal représentées. Je connais une ville
assez importante où la banlieue est tellement mal représentée au conseil
communal, que les représentants excitent les rires de leurs collègues quand ils
entrent dans l'assemblée.
On ne doit pas appréhender les divisions irrationnelles ; je ne concevrais
pas que l'administration pût faire des divisions irrationnelles, elle fera sans
doute voter par voisinage. Par là vous resterez dans vos mœurs, vous serez
fidèle à vos anciens usages ; car la coutume ancienne dans toute
Il me semble donc que si l’on veut une exécution
vraie, réelle de l’art. 5, il faut adopter absolument le fractionnement.
M. Devaux. -
Messieurs, avant de présenter mes observations, je désirerais être fixé sur la
marche de la discussion. La chambre a-t-elle l'intention de discuter chaque
amendement séparément ? ou bien veut-elle discuter à
la fois tous les amendements ?
M. le président. -
J'avais annoncé au commencement que la discussion aurait lieu sur chaque
amendement séparément, et que le premier amendement
était relatif au chiffre ; c'est sur cet amendement que le débat a été ouvert,
mais la discussion s'est un peu égarée.
M. Verhaegen a fait
parvenir au bureau l'amendement suivant, qui remplacerait celui de MM. de
Mérode et Rodenbach :
« L'art. 5 de la loi communale est applicable à toutes les communes de
plus de 12,000 habitants, alors même que les sections ou les hameaux dont elles
sont composées ne seraient pas détachés. »
- L’amendement qui a été développé tout à l'heure
est appuyé.
M. Dubus (aîné). - Je
demande la parole pour un rappel au règlement.
Messieurs, on propose, par voie d'amendement, le rejet d'une disposition
qui a été admise au premier vote. Je ne crois pas qu'on puisse, au second vote,
présenter tous les amendements qu'on aurait dû produire au premier vote. Nous
avons dans le règlement des dispositions que nous devons observer ; sinon, nous
aurons des discussions interminables ; le second vote donnera lieu à des
discussions tout aussi prolongées que celles du premier vote, et les
résolutions premières seront considérées comme non avenues.
Le système de la proposition a été formellement admis au premier vote : il
n'y a eu d'amendement que sur le chiffre de la population ; quant au reste, le
système a été admis, et dès lors il me paraît qu'un amendement qui renverse
tout le système, ne peut pas être introduit au second vote. Je crois que nous
devons tenir à exécuter le règlement, en cette circonstance comme en toute
autre.
Or, il est évident que la proposition de l'honorable M. Verhaegen ne vient
pas s'appliquer à l'amendement qui a été admis au premier vote, et qui a
substitué le chiffre de 12 mille habitants au chiffre primitif de 5 mille ;
mais il renverse entièrement la disposition qui a été admise au premier vote.
C'est ce qu’on ne peut pas faire par voie d'amendement.
J'irai plus loin ; je dirai que, d'après la manière dont je comprends la
disposition du règlement, j'ai été étonné que l'honorable M. Vandenbossche ait
produit son amendement, car il me semble que son amendement n'est pas la
conséquence de ce qui a été admis au premier vote ; cet amendement est, au
contraire, virtuellement exclu par la disposition qui a été admise au premier
vote ; si l'on avait admis au premier vote la disposition primitive,
l'amendement de l'honorable M. Vandenbossche était exclu ; mais le chiffre même
qu'on a admis par amendement exclut déjà la proposition de l'honorable M.
Vandenbossche.
M. Devaux. - Je
demande la parole.
M. Dubus (aîné). - En prenant
comme amendement la disposition qui a été admise au premier vote, quoique
l'honorable auteur de la proposition s'y fût rallié, nous sommes dans cette
position que l'article primitif, qui fixait le chiffre à 3,000 habitants, a été adopté, à la suite
d'un amendement, avec le chiffre de 12,000, et d'après les dispositions du
règlement, on peut revenir à la proposition principale ; si l'on peut revenir à
la proposition principale, on peut en conclure qu'on peut produire tel chiffre
intermédiaire qu'on voudra ; mais on ne peut pas en conclure qu'on pourra aller
même au-dessus du chiffre qui a été admis par amendement, et renverser en
quelque sorte la disposition qui a été admise au premier vote. Je ne comprends
pas de cette manière le règlement ; mais quand il en serait autrement sur ce
point, il demeure toujours manifeste que sauf l'amendement qui porte sur le
chiffre, l'article a été admis au premier vote, et que dès lors l'amendement
présenté par l'honorable M. Verhaegen, qui emporte le rejet de l'article et qui
y substitue un système tout différent, ne peut pas être admis au second vote ;
c'est au premier vote qu'il aurait dû le produire ; cet amendement n'est
aucunement fondé sur ce qui a été admis au premier vote. Or, d'après le
règlement, on ne peut admettre, au second vote, que les nouveaux amendements,
qui seraient motivés ou sur l'adoption d'un amendement au premier vote, ou sur
le rejet d'un article.
Or, au lieu de rejeter l'article, on l'a admis ; et l'amendement qu'on a
adopté au premier vote n'a fait que changer le chiffre de la population ; et la
chambre a admis pour le reste la disposition présentée par
son honorable auteur.
M. Devaux.- Je
suis peu désireux de prolonger inutilement cette discussion, et si je pourrais
croire que la majorité entend ne rien changer à ce qu'elle a admis au premier
vote, je me rassiérais. Mais j'ai fait observer à la dernière séance qu'il y
aurait nécessité d'apporter des modifications au projet adopté ; ne fût-ce même
que pour le rendre exécutoire : quelques
personnes, qui s'étaient d'abord opposées au renvoi du second vote à la séance
d'aujourd'hui, ont paru ensuite partager cette opinion ; je crois qu'on s'est
aperçu que le projet est tellement défectueux qu'on redoute de le présenter au
sénat dans l'état où il est. La majorité elle-même va probablement nous
présenter quelques modifications.
Dans cette position, il semble qu'on voudrait bien faire discuter la
chambre sur certains amendements et non sur certains autres. je répète que je suis
très peu disposé à prolonger cette discussion, et que si la majorité a son
opinion tellement faite qu'elle ne veut rien changer a son projet primitif,
qu'elle le déclare, je ne prendrai plus la parole.
Mais prétendre qu'on ne peut plus discuter l'amendement dans toutes ses
parties, c'est ce que je ne comprends pas. Nous pourrons le discuter à d'autant
plus forte raison que la proposition de M. de Theux lui-même est un amendement,
Si ce n'était pas un amendement, vous n'aviez pas le droit de suivre la marche
que vous avez suivie. Il fallait une discussion sur la prise en considération
et un renvoi en sections.
On veut aujourd’hui nous priver d'un second vote ; et on avait commencé par
nous priver d'une discussion préalable sur la prise en considération du
principe de la proposition. Quand un projet nous est présenté par le
gouvernement, il est censé avoir été mûrement élaboré. Mais quand il est
présenté par un membre et au milieu d'une discussion, c'est d'ordinaire un
projet beaucoup moins mûri. Alors, que veut le règlement ? Il veut qu'on
examine la proposition en principe, qu'il y ait une discussion sur la prise en
considération. Si cela avait eu lieu, ou aurait vu quel était le sentiment
général de la chambre ; et si elle avait été d'avis de fractionner les collèges
électoraux, après la prise en considération, la proposition eût été renvoyée
dans les sections où on aurait examiné en détail les moyens d'opérer ce
fractionnement ; on aurait tâché d'améliorer, d'amender la proposition. On n'a
rien fait de tout cela. La section centrale a adopte la proposition telle
qu'elle a été présentée, sans lire la loi communale, sans voir que la
proposition nécessitait d'autres changements indispensables. Après cela,
aujourd'hui c'est bien le moins que vous nous accordiez la faculté de discuter
l'amendement de MM. Rodenbach et de Mérode.
Quant à moi, je le répète encore, je ne suis pas d'avis de prolonger la
discussion. Si la majorité prétend adopter la loi sans y rien changer, qu'on
l'adopte. Si je prends la parole ultérieurement, c'est parce que je pense que
la majorité sentira elle-même la nécessité de quelques modifications à ce qui a
été adopté au premier vote.
M. Dumortier. - Je
prendrai la confiance de rappeler les précédents. Dans la séance d'avant-hier,
on avait demandé à aller aux voix et à voter d'urgence la loi présentée.
J'avais appuyé cette proposition me fondant sur cette considération que le
temps était arrivé de nous ajourner. A cet égard, l'honorable M. Devaux est
venu présenter cette observation, que dans le sens même de la disposition
votée, il y aurait des modifications à introduire pour la rendre applicable
dans l'intérêt même des partisans du projet. Cette observation m'a paru
tellement judicieuse, que je me suis empressé d'y rendre hommage et de retirer
ma motion.
Qu'on reste dans cette position, je le veux bien ; mais si on veut revenir
sur ce qui a été décidé, recommencer toute la discussion, il n'y a pas de motif
pour que nous ne restions pas encore huit jours à discuter.
M. Devaux. - On
devra rejeter la loi.
M. Dumortier. -
Rejetez-la, moi je veux la voter.
M. Devaux. –
Laissez-la discuter.
M. Dumortier. -
Nous l'avons déjà discutée huit jours. C'est vouloir nous retenir ici
inutilement. Restons dans la position prise sur la proposition de M. Devaux,
c'est-à-dire, que s'il y a des modifications à introduire dans la loi pour la
rendre exécutable, qu'on le fasse, si c'est nécessaire, mais qu'on ne vienne
pas de nouveau discuter le principe d'une loi adoptée. Aux termes de notre
règlement, je ne comprends pas qu'on puisse remettre aux voix la question du
fractionnement.
L'honorable M. Verhaegen propose un amendement qui bouleverse tout ce nous
avons fait. Aux termes de l'amendement, il s'agirait d'appliquer l'art. 5 de la
loi à toutes les communes de plus de 12,000 habitants. Qu'en résulterait-il ? que le fractionnement serait écarté, puisque tous les
électeurs prendraient part au même scrutin. C'est ce que la majorité n'a pas
voulu. La majorité a voulu le fractionnement des élections. L'amendement de M.
Verhaegen renverse donc tout le système que nous avons voté.
Ainsi, vous le voyez, nous remettons tout en question. S'il y a des membres
qui veulent encore discuter huit jours, qu'ils le fassent, mais qu'ils ne nous empêchent pas de voter et de nous retirer. Je demande à la
chambre de s'en tenir à la proposition faite par M. Devaux.
M. Devaux. - Je
n'ai pas fait de proposition. J'ai dit, comme une des raisons pour lesquelles
il fallait remettre le vote, le fait l'a prouvé, que la majorité devrait
modifier la loi pour la rendre exécutable, mais je n'ai pas exclu la minorité
de la faculté de discuter l'amendement et de le modifier. J'ai seulement dit que la majorité pourrait améliorer dans son
sens, le projet de loi qui, s'il restait tel qu'il était, serait inexécutable.
M. de Theux. - Les
observations de mon honorable ami M. Dubus sont sans réplique sérieuse. Il est
évident que quand vous avez admis au premier vote, sans amendement, la
disposition qui porte que les élections se feront par sections, vous ne pouvez
plus admettre que les élections se feront par tous les électeurs réunis de la
commune. Cette proposition est diamétralement opposée aux motifs que j'ai
donnés à l’appui de ma proposition. Maintenant on dit que des amendements sont
déposés qui sont également contraires à la proposition adoptée. J'en ai pris
connaissance, et je puis affirmer que ce ne sont pas des changements à ce qui a
été adopté, mais des conséquences du premier vote. Ils sont basés sur ce qui a
été adopté. Quant à moi, je pense que ces amendements n'étaient pas
nécessaires. Mais puisqu'on croit qu'ils rendent le sens de la loi plus clair,
je ne m'y opposerai pas.
Quant à celui proposé par M. Verhaegen, il substitue un autre système à
celui qui a été adopté. Si la chambre ne veut plus du système que j'ai proposé,
il faut qu'elle le rejette, mais elle ne peut pas lui substituer un autre
système qui n'a pas même été discuté au premier vote.
Quoi qu’en ait dit M. Verhaegen, rien n'est plus facile que de lui
répondre. Je ferai une simple observation. Il faudrait consacrer huit jours aux
élections, parce que tous les électeurs se réuniraient au premier jour pour
élire les représentants de la première section, au second jour pour élire les
représentants de la seconde section, et ainsi successivement pour toutes les sections.
Vous voyez qu'il y a une impossibilité pratique à l'admission de ce système.
Ensuite je ferai observer à l’honorable membre que ce que la chambre a voulu
pour les grandes communes, c'est que les sections de ces communes
fussent représentées par des mandataires élus par les électeurs de ces mêmes
sections et non pas ceux de la commune entière.
M. Devaux. -
Vous prétendez que l'amendement ne peut pas être présenté, et vous le discutez.
M. de Theux. - Je
répondais à l'invitation de M. Verhaegen, mais je retire bien volontiers les
quelques paroles que j'ai prononcées. Je renonce à la réponse que je pourrais
faire à tous les arguments de l'honorable membre, je m'en tiendrai à la
question préalable.
M. Devaux. - Je
ferai remarquer que M. de Theux a pris deux fois la parole sur le fond et qu'il
soutient qu'il n'y a pas lieu de discuter.
M. le président. - Il
est d'usage d'accorder la parole au rapporteur quand il la demande.
M. Devaux. - J'ai fait observer que M.de Theux, en demandant la question préalable, avait deux fois discuté
l'amendement au fond.
M. Verhaegen. -
C'est ce que je me proposais de faire remarquer à l'assemblée.
J'ai fait mes observations et déposé un amendement, et M. de Theux, auteur
et rapporteur de ce qu'il appelle la proposition principale l'a combattu au
fond. Il ne lui est pas entré dans l’idée de soutenir qu'il n'y avait plus à
cet égard matière à discussion. C'est l'honorable M. Dubus, qui siège à ses
côtés et qui trouvait la question trop difficile, qui a jugé à propos de nous
écarter par une fin de non-recevoir.
C'est alors que M. de Theux, reprenant l'idée de M. Dubus a soutenu que,
d'après le règlement, nous ne pourrions plus présenter noire amendement. Pour
repousser d'abord le moyen qu'on nous oppose et qui est appuyé sur le
règlement, nous resterons pour le moment dans la discussion de cette question
de règlement.
A en croire l'honorable M. Dumortier, le règlement n'est
opposable qu'à nous, mais il ne l'est pas à ceux qui nous combattent.
M. Dumortier. - Je
n'ai pas dit cela !
M. Verhaegen. -
C'est le résultat de ce que vous avez dit, et je vous le prouve.
L'honorable M. Devaux vous a fait remarquer qu'il y avait
inconséquence à proposer une fin de non recevoir contre la discussion de notre
amendement, alors que d'autre part on avait proposé aussi des amendements et
des amendements tout à fait nouveaux. Sur quoi l’honorable M. Dumortier s’est
levé et a fait observer qu’à la fin de la dernière sénace nous aurions pris
l’engagement de faire d’une loi inexécutable et absurde quelque chose d’exécutable
et de passable. Nous aurions pris l’engagement d’indiquer les modifications à
faire et de concourir avec la majorité à améliorer cette loi mauvaise et
inexécutable. Ce qui veut dire (je ne veux pas aller trop loin) que quand nous
proposons quelque chose d’utile et bon, le règlement nous repousse, mais que
quand vos amis proposent quelque chose qu’ils croient utile et bon, le
règlement ne les repousse. Voilà de la justice distributive !
M. Dumortier. - Je demande la parole.
M. Verhaegen. - Quant à moi, je n'ai jamais pris, je ne prendrai jamais d’engagement de
cette espèce. Je ne donnerai jamais les mains à ce que ceux dont je ne partage
pas les opinions aient, eux, les coudées franches, et que, quant à nous, on
nous mette dans l’impossibilité complète de rien proposer.
L’honorable M.
Dumortier, qui veut s’en aller, dit que la discussion a déjà duré 8 jours. Je
ne m’oppose pas à ce que cet honorable membre prenne un congé. Chacun est libre
de faire à cet égard ce qu’il veut. Mais dans une affaire aussi importante, on
a tort d’objecter qu’il y a eu huit jours de discussion, alors que pour la loi de 1836, on a discuté
pendant 3 ans. L’honorable M. Dumortier a eu dans cette discussion une bonne
part. Nous ne sommes pas au-delà des limites d’une discussion importante, quand
nous n’avons employé jusqu’ores que huit jours. C’est une loi qui peut avoir
les plus graves conséquences. L’expérience vous l’apprendra.
Quoi qu’il en soit, voyons si les moyens qu’on
nous oppose ont quelque apparence de fondement.
Vous prétendez qu’on présente un système nouveau, et qu’il ne s’agit plus
que d’un chiffre. L’honorable M. de Theux avait proposé le chiffre. D’abord de
3,000 et ensuite de 8,000 habitants. Les honorables MM. de Mérode et Rodenbach
ont proposé le chiffre de 12,000 habitants. Il ne s'agit, d'après vous, que de
discuter là-dessus. Avons-nous quelque chose à proposer sur ce chiffre, nous le
pouvons, dites-vous ; si nous demandons autre chose, ajoutez-vous, le règlement
vous repousse.
L'honorable M. Vandenbossche est repoussé ; il propose 25,000 habitants.
C'est cependant un chiffre. Mais je conserve le chiffre ; je propose le même
chiffre que les honorables MM. de Mérode et Rodenbach. Je ne fais qu'un petit
changement ; quant au moyen, je ne rejette pas, par mon amendement, le
fractionnement pour les communes de 12,000 habitants. Ceci est important. J'en
appelle de nouveau à M. de Theux et à tous mes collègues qui l'ont entendu ; et
l’honorable membre a dit que c'est parce que les communes de 12,000 habitants
et plus ont des intérêts distincts, qui doivent être représentés au sein du
conseil, qu'il faut admettre le fractionnement. Pour ces communes, je conserve
le fractionnement ; mais je propose le fractionnement pour les élus, et non
pour les électeurs. Je conserve le système du fractionnement pour la
représentation des intérêts divers. Je maintiens le chiffre de l'amendement. Je
ne fais qu'un petit changement, quant au moyen, je dis : Vous pourrez
fractionner quant aux opérations électorales, puisque vous croyez un
fractionnement nécessaire. Mais je propose le fractionnement quant aux élus ;
c'est-à dire que, pour représenter les intérêts distincts, je donne à chaque
section un nombre déterminé de conseillers. Chose remarquable, ce changement
est le seul moyen d'échapper à une absurdité. Le mot n'est pas trop fort.
Plusieurs membres. - C'est le fond.
M. Verhaegen. -
Non. Je ne fais, je le répète, que proposer un petit
changement, quant au moyen. Le projet, avec ce changement, tend toujours au but
qu'on s'en propose. Mon amendement consacre le système de l'art 5 de la loi de
1836, qui admet un fractionnement à raison des intérêts distincts, et c'est le motif
que vous avez allégué.
Il faudra 8 jours d'élections à Bruxelles, a dit l'honorable M. de Theux.
Mais, dans le cas de l'art. 5, il faut que les électeurs viennent de 2 ou 3
lieues et se rendent au chef lieu ; comment se faisaient les opérations électorales
? Dans la même journée. Il ne faudra donc pas 8 jours d'élection à Bruxelles,
vous n'aurez pas là plus de difficultés que dans les communes qui ont 6 ou 7
sections.
En dernière analyse (il faut bien réduire la question à cela) ; je me
rallie à l'observation de l'honorable M. Devaux. Il faut être juste pour tout
le monde. Si la chambre veut décider qu'il n'y a plus à revenir sur la loi
telle qu'elle est votée, soit ; mais que cette décision soit aussi bien contre
ceux que nous combattons que contre nous-mêmes. Mais vouloir décider que nous
ne pourrions vous présenter d'amendement en laissant le champ libre à ceux que
nous combattons, ce serait une injustice révoltante.
M. Dumortier (pour
un fait personnel).- Je ne puis souffrir que l'honorable préopinant me prête
des paroles tout à fait contraires à celles que j'ai prononcées. Si j'avais dit
les paroles qu'il me prête, assurément j'aurais dit chose éminemment injuste,
mais je n’ai rien dit de semblable. Il prétend que j'aurais voulu que les
partisans du projet de loi pussent présenter des amendements et que ce fût
interdit aux autres. Je n'ai, je le répète, jamais rien dit de semblable. Je
proteste contre une pareille interprétation donnée à mes paroles. Ce serait une
injustice criante, et vous auriez droit de m'en faire un reproche, par la même
raison je suis en droit de vous reprocher de m'attribuer à tort cette injustice. Qu'ai-je dit ? que nous devions rester dans les termes du règlement ; qu'on
ne devait s'occuper que des amendements qui seraient la conséquence du système
adopté. Si vous en avez à présenter dans ce sens, vous pouvez les présenter,
mais je dis qu’aux termes du règlement vous ne pouvez présenter des amendements
qui tendent à bouleverser le système du
premier vote. Eh bien, je dis que l'amendement de M. Verhaegen n’a cette
portée, et par suite que la chambre ne peut pas s'en occuper. Qu'avons-nous
voulu ? Le fractionnement des collèges électoraux : l'amendement de M.
Verhaegen tend à détruire ce fractionnement.
Je n'ai point, comme l'a supposé le préopinant, divisé la chambre, quant
aux amendements qui pourraient être présentés, en partisans et en adversaires
de la loi. Nous sommes tous libres de présenter des amendements, mais pourvu
qu'ils soient, comme l'exige le règlement, la conséquence d'amendements adoptés.
M. Dubus (aîné). -
C'est moi qui ai invoqué le règlement. L'honorable député de Bruxelles en
conclut que j'ai trouvé la question extrêmement difficile et que j'ai voulu l'écarter
par une fin de non recevoir. Il est commode d'interpréter ainsi le rappel au
règlement. Il ne me serait pas difficile d’établir que la question n'est pas
difficile, qu'elle est au contraire des plus simples ; mais l'honorable député
de Bruges m’interromprait, en me disant : puisque vous avez soulevé une
question de règlement, vous ne devez pas discuter le fond. Il a reproché à M.
de Theux d’avoir dit quelques mots sur le fond, ce à quoi il avait été provoqué
par un défi que lui avait jeté M. Verhaegen ; vous voyez que, grâce à cette
manière d'argumenter, je suis condamne à reconnaître que j'ai présenté cette
fin de non-recevoir, parce que la question était difficile : je suis condamné à
m’abstenir de présenter les moyens que je pourrais présenter pour prouver que
cette question n’est nullement difficile.
L’honorable M. Verhaegen prétend qu'il résulte des observations produites
dans la discussion, que nous trouvons la disposition du règlement bonne, quand
nous la lui opposons, et que nous ne voulons pas qu'on nous l'oppose : cela
parce que nous croyons qu’il y a des amendements que l'on peut adopter et
d'autres que l'on ne peut mettre en discussion ; ce que nous croyons, le
règlement nous le fait croire. Je réduis la question à cette proposition. Il a
été décidé qu'il y aurait un second vote sur les amendements adoptés au
premier vote, s'ensuite -t-il de là qu'on puisse remettre aux voix au second
vote tout ce qui a été décidé au premier. Je ne crois pas qu'il y ait un seul
membre qui ose le dire. Il faut donc distinguer, d'après la nature des
amendements présentés, ceux qui peuvent se mettre en délibération au second
vote et ceux qui sont rejetés d'avance parce que la chambre a décidé au premier
vote. L'honorable M. Verhaegen veut-il que je lui cite un exemple d'amendements
qui incontestablement seraient admis au second vote ? Je lui citerai deux
amendements qui ont été admis au premier vote : vous avez modifié l'art. 54, en
substituant le terme de 8 ans, à celui de 6 dans le 1er §, le terme de 4 ans à celui
de 3 dans le 2ème § ; comme conséquence de ce changement, il a fallu modifier
l'art. 20, en substituant le terme de 4 ans à celui de 3.
Mais si on ne l'avait pas fait au premier vote, évidemment, on pourrait le
faire au second. Car ce serait une conséquence nécessaire des dispositions
adoptées au premier vote. Et même j'ajouterai que si l'on n’introduisait pas
cet amendement dans le projet mais pour l'exécution de la loi, ce serait
nécessairement comme si on l'y avait introduit.
Je citerai encore un autre amendement introduit au premier vote, aussi
comme conséquence de l’adoption de la première proposition. C’est l’amendement
de l’art. 60, où les mots renouvellement
par moitié ont été substitués à ceux de renouvellement. Ici, encore, si on
n’avait pas présenté l’amendement au premier vote, on le pourrait au second.
Cela ne peut être contesté par personne. Ce serait là une conséquence
nécessaire des dispositions adoptées au premier vote.
Mais en est-il ainsi de l'amendement de l'honorable M. Verhaegen ? Il se
fonde, pour le proposer, sur l'amendement qui a été introduit au premier
vote. Voyons, messieurs, quelle est la nature de cet amendement. Cet amendement
consiste uniquement à substituer, dans l'article proposé par l'honorable M. de
Theux, le chiffre de 12,000 habitants au chiffre de 3,000 habitants. Ainsi,
sauf la hauteur du chiffre, la proposition principale a été admise dans
toutes ses parties.
Or, messieurs, comparez maintenant le système que propose l'honorable M.
Verhaegen avec le système proposé par l'honorable M. de Theux et adopté au
premier vote. La proposition de M. de Theux fractionne le collège électoral par
sections qui ne peuvent être en nombre inférieur à 3 ni supérieur à 8, dans les
communes de 12,000 habitants et au-dessus, et chacune de ces sections élit
directement un nombre de conseillers proportionné à sa population. Voilà la
proposition principale, voila son principe.
La proposition de l'honorable M. Verhaegen, au contraire, ne fractionne aucunement
le collège électoral. Il le fait procéder à une élection toute d'une pièce par
le collège tout entier. Seulement ce collège élit d'abord des représentants
pour une section ; puis il élit des représentants pour une seconde section,
puis pour une troisième, et ainsi de suite jusqu'à la fin.
Mais ne sont-ce pas là deux systèmes diamétralement
opposés ?
Le premier a été admis, et admis de manière à ce qu'il
n'y ait plus à reculer, à ce qu'il n'y ait plus à le mettre aux voix. Car il
n'y a plus que l'ensemble du projet à mettre aux voix. Vous n'avez qu'à
délibérer sur l'amendement ; vous ne pouvez admettre d'amendement nouveau qui
renverse l'esprit du projet, qui fasse crouler le projet tout entier et qui y
substitue un projet ayant une base diamétralement opposée, ou, si l'on peut
faire cela, il est vrai de dire que l'on peut, par voie d'amendement, faire au
second vote tout ce qu'on a pu faire au premier, et que la disposition du
règlement, qui porte qu'on ne discutera au second vote que les amendements qui
seraient motivés ou sur l'adoption d'un amendement ou sur le rejet d'un article
au premier vote, est considérée comme non écrite.
Sur quoi se fonde l'honorable M. Verhaegen pour prétendre qu'il peut
présenter son amendement ? II se fonde sur ce qu'un amendement a été admis au
premier vote. On sait en quoi consiste cet amendement ; c'est uniquement à
substituer le chiffre de 12,000 habitants à celui de 5,000 habitants. Ainsi on
a décidé au premier vote que le système serait admis, mais seulement pour les
communes de 12,000 habitants. Et l’honorable M. Verhaegen en conclut qu’il ne
doit être admis pour aucune commune. Vous voyez que c'est le renversement de la
loi qu'il propose et non un amendement.
On a dit : mais la proposition elle-même n'est qu'un amendement.
Messieurs, cette proposition a été mise en délibération comme projet de
loi, et cela en vertu d'une décision formelle de la chambre. La chambre a
toujours le droit de séparer d'une proposition principale soit un article, soit
un amendement, et de décider qu'on en fera un projet de loi séparé. Et du
moment que la chambre l'a décidé, cet amendement, cet article devient un projet
de loi. On le met en discussion comme tel, et vous n'avez pas à vous enquérir
du point de savoir si ce projet a été introduit comme amendement.
Ce n'est pas la première fois qu'une proposition, admise en définitive par
la chambre, a été introduite de cette manière ; j'ai vu maintes fois des
amendements proposés ainsi dans une discussion, être séparés, par une décision
de la chambre de la loi à discuter et former une loi séparée, malgré qu'elle
n'eût été examinée que par la section centrale, comme cela a eu lieu au cas
actuel. Je crois qu'en recherchant dans les précédents de la chambre, on en
trouverait un assez grand nombre.
Ainsi, il s'agit d'une véritable proposition de loi. Cette proposition de
loi a été admise dans son principe et dans toutes ses parties au premier vote.
II n'y a eu d'amendement que quant au chiffre de la population des villes
auxquelles s'appliquait la disposition et c'est cet amendement qui est mis en
délibération, ainsi que les autres amendements qui se rattachent à la
disposition. Mais celui de l'honorable M. Verhaegen ne s'y rattache aucunement,
il y est totalement étranger. Au lieu d'être fondé sur le
projet adopte, il renverse le principe même de la loi et toutes ses
dispositions.
M. Devaux. - Je désire que cette discussion finisse, et il me semble que, pour la
terminer, nos honorables contradicteurs devraient poser la question préalable.
J'ajouterai toutefois deux mots. Si on
écarte l'amendement de l'honorable M. Verhaegen, qui n'est pas, dit-on, le
système adopté, il faudra écarter tous les autres amendements par la même
raison. Car vous ne pouvez pas décider quel est ici le système adopté. Vous
dites : notre système, c'est le fractionnement des collèges électoraux. Mais ne
peut-on vous répondre : ce système, c'est la représentation spéciale par
quartiers dans le conseil. De sorte que si vous admettez que dans le système adopté
on peut changer les moyens, l’honorable M. Verhaegen peut demander qu'on
substitue un moyen de représentation spéciale à un autre.
Messieurs, quand l'honorable M, Trentesaux a demandé que la proposition de
l'honorable M. de Theux passât par la filière des projets ordinaires présentés
par des membres de la chambre, on a dit que c'était un amendement. Aujourd'hui
qu'il s'agit de lui faire subir le sort d'un amendement, on dit que ce n'en est
pas un, que c'est un projet de loi.
Messieurs, le projet du gouvernement, qui a été admis, conservait la
disposition de la loi qui veut que les électeurs communaux élisent tous les
conseillers dans une seule réunion. L'honorable M. de Theux a présenté son
amendement à ce projet. Cet amendement vous l'avez adopté modifié dans
l'avant-dernière séance. Maintenant l'auteur d'un autre amendement ne peut-il
dire : la chambre a déclaré qu'elle voulait changer la loi communale, qu'elle
voulait la représentation par quartiers ; je propose mon amendement, me fondant
sur le vote même de la chambre qui propose un mode de représentation par
quartiers, mais autre que celui qu'on a adopté.
Je viens de lire, au bureau, des amendements présentés par l'honorable M.
Henot ; ces amendements ne sont pas plus admissibles, d'après le raisonnement
des honorables MM. Dubus et Dumortier, que celui de l'honorable M. Verhaegen.
Vous dites : Nous ne considérons comme amendement que la proposition de MM.
de Mérode et Rodenbach ; Or, il n'y a là d'amendement que quant au chiffre ; le
seul changement, c'est qu'on a adopté le chiffre de 12,000 habitants au lieu de
celui de 4,000 que proposait l'honorable M. de Theux ; on ne peut donc admettre
que les amendements qui se fondent sur cette différence. Mais si votre
raisonnement vaut quelque chose, il a cette conséquence qu'on ne peut plus
présenter aujourd'hui que les amendements qui reposent sur la différence de
chiffre entre la proposition de MM. de Mérode et Rodenbach et celle de
l'honorable M. de Theux. L'honorable M. Henot propose une disposition pour le
cas où un conseiller serait élu par deux collèges. Cet amendement
pouvait être présenté sous le système de l'honorable M. de Theux comme sous
celui des honorables MM. de Mérode et Rodenbach. Il devra donc être également
écarté par la question préalable que propose l'honorable M. Dubus. Et si
d'autres membres veulent présenter des amendements qui ne se rapportent pas au
chiffre, ils seront aussi écartés ; il n'y a que celui de M. Vandenbossche qui
se rapporte au chiffre.
Du reste, je demande qu'on en finisse de cette discussion
et que la question préalable qu'on soulève soit mise aux voix.
M. Dumortier. - Je demande la parole pour un fait personnel.
Messieurs, on a invoqué mes paroles, je désire pouvoir les expliquer. J'ai
eu, dès l'origine de cette discussion, l'honneur de rappeler à la chambre
comment les faits s'étaient passés. C'est l'honorable M. Devaux lui-même qui a
demandé que le projet fût soumis à un second vote, pour qu'on eût le temps
d'examiner s'il ne fallait pas y introduire quelque changement pour faire
marcher le système que vous aviez adopté. Maintenant on vient vous dire que
vous devez discuter tous les amendements que l'on voudra présenter ; mais
lorsqu'on nous proposera des amendements qui ont pour objet de faire marcher le
système, nous les examinerons. Lorsqu'au contraire, on propose un amendement
qui a pour but de le renverser, le règlement s'oppose à ce qu'il soit discuté.
Comment,
vous ne voulez pas de la loi ; et pour cela vous voulez nous empêcher de la
rendre possible. Vous voulez nous mettre dans une impossibilité. Eh bien ! la chambre n'admettra pas cette impossibilité, et elle aura
raison.
- La question préalable, proposée par M.
Dubus, est mise aux voix par appel nominal :
83 membres répondent à l'appel nominal ;
1 (M. Osy) s'est abstenu.
48 votent pour la question préalable ;
34 votent contre.
La question préalable est adoptée.
Ont voté pour : MM. de
Ont voté contre : MM. Coghen, Cools, David, de Brouckere, Delehaye,
Delfosse, Devaux, de Villegas, d'Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Donny, Dumont,
Duvivier, Fleussu, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lys, Maertens, Manilius,
Mercier, Orts, Pirmez, Puissant, Raymaeckers, Rogier, Sigart, Trentesaux,
Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Verhaegen.
M. Osy. - Messieurs. Je me suis abstenu
parce que d'une part, comme je l’ai annoncé, je ne veux aucun changement à la
loi communale, autre que celui qui est relatif aux bourgmestres et que
d'un autre côté, comme il est possible que la loi soit adoptée, je ne veux pas
empêcher qu'on y introduise les améliorations qu'il serait possible d’y
introduire.
-
L'amendement de M. Vandenbossche est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
___________________
M. le
président. - Le deuxième amendement qui a été
introduit dans le projet est celui-ci :
« Le nombre des sections ne pourra
être inférieur à 3, ni supérieur à 8. »
M. Devaux. - Messieurs, je me propose également de présenter a la chambre une
modification à ce qui a été adopté, mais d’après ce qui vient de se passer,
j'ignore si on ne m'écartera pas aussi par quelque fin de non-recevoir,
cependant elle suppose le fractionnement des communes en plusieurs collèges
électoraux.
Je commence par dire, messieurs, qu'une
fois le principe de ce système conservé, quelques modifications qu'on y
introduise, la loi n'aura pas mon approbation ; je la regarderai toujours comme
devant être rejetée, parce que je considère le fractionnement comme une
déclaration d'hostilité contre les grandes villes, comme une tentative de
changer, au moyen d'une disposition législative, l'esprit électoral dans les
villes, ce qui est une mesure extrême et violente ; dans tous les cas, la loi
aura pour effet de créer des divisions locales dans les villes, de rétrécir,
d'abaisser l'esprit de l'administration communale ; elle mettra, dans tous les
cas, les administrations communales dans la plus fausse position, enfin elle
aura l'inconvénient le plus grand de tous, de donner à la minorité électorale
le moyen de triompher dans le conseil.
C'est assez dire, messieurs, ce que je pense de la loi, même avec les
amendements que l'on pourrait y introduire ; cependant, si la chambre veut à
toute force le fractionnement, je pense que peut-être tout le monde ne veut pas
toute la loi telle qu'elle a été adoptée au premier vote, et je crois qu'il est
du devoir, même de ceux qui ont combattu la loi, même de ceux qui se proposent
de la rejeter, de faire tous leurs efforts pour l'améliorer, si la chose est
possible.
Il me semble, messieurs, que les inconvénients de la loi, qu'on peut
diminuer tout en laissant subsister le fractionnement, sont ceux-ci : On peut
d'abord diminuer l'arbitraire sans limites que la loi laisse au gouvernement,
quant a la division des sections ; à cet égard, il n'y a point la moindre
précaution dans la disposition adoptée au premier vote ; on peut diviser toutes
les communes de plus de 12,000 h. de la manière qu'on voudra, pourvu que l'on
n'aille pas au-dessous de trois et au-dessus de 8 sections ; on pourra composer
ces sections de tous les éléments que l'on voudra y faire entrer, réunir
en une seule section les parties de la ville les plus éloignées, séparer les
plus rapprochées ; la disposition adoptée au premier vote n'y met pas le
moindre obstacle.
En second lieu, on peut empêcher la formation de collèges électoraux trop
peu nombreux, de ce qu'on appellera probablement les bourgs-pourris de la
commune ; d'après la proposition telle qu'elle a été adoptée au premier vote,
ainsi que je l'ai dit antérieurement, il y aura des quartiers supérieurs
par leur population pauvre, mais très inférieurs par le nombre des électeurs ;
il y aura des villes où 50 électeurs décideront de la majorité du conseil
communal, tandis qu'à côté, 4, 5 ou 600 électeurs seront impuissants pour
changer cette majorité contre la minorité de
L'amendement porte sur 20 villes, il donne au gouvernement le droit de
diviser 20 villes comme il l'entendra, pourvu qu'il n'aille pas au dessous de 3
ni au-dessus de 8, c'est-à-dire que, s'il le veut, il pourra introduire 8
sections dans les moindres villes et n'en faire que 3 dans les plus grandes.
Pour diminuer cet inconvénient, il faut préciser dans la loi le nombre des
sections suivant les villes ; de plus, établir que les élections se feront par
quartiers voisins, composés d'un même nombre d'électeurs et nommant un même
nombre de conseillers ; vous empêchez ainsi la formation de collèges électoraux
trop peu nombreux, vous empêchez qu'une minorité d'un dixième ne l'emporte sur
les neuf autres dixièmes, qu'une minorité d'un quinzième ne l’emporte sur les
quatorze autres quinzièmes. La chose est très simple à faire, il suffit
d'introduire la disposition de la loi française. On a pris une partie du
système français, on a pris une partie d'un article de la loi française, et on
en a abandonné une autre partie, précisément celle qui établit quelques garanties
contre les inconvénients que je viens de signaler. Il n'y a pas de raison pour
ne pas emprunter à la loi française l'obligation de former les sections de
quartiers voisins.
Je crois qu'il n'entre dans les intentions d'aucun d'entre nous, ou au
moins, qu’il entre dans les intentions de très peu d'entre nous que l'on puisse
réunir dans une même section des quartiers éloignés l'un de l'autre. Un
honorable membre vient encore de dire qu'il voulait des élections par
voisinage, dites donc cela dans la loi, comme le dit en propres termes la loi
française ; il n'y aucune raison pour le passer sous silence.
En second lieu, messieurs, pour empêcher qu'une très petite minorité
triomphe d'une majorité six ou dix fois plus grande, ce qu’il y a à faire,
c'est encore ce que fait la loi française, c'est de déclarer que les sections
seront réparties de telle sorte qu'il y ait un nombre égal d'électeurs dans
chaque section, et que chacune nomme un nombre égal de conseillers.
La loi française que notre Moniteur du 17 mai dernier,
a reproduite, porte : « La division en sections se fera par quartiers
voisins et de manière à répartir également le nombre des votants, autant que
faire se pourra, entre les sections. » Adopter une semblable disposition,
ce serait appuyer à la loi une deuxième amélioration
On peut d'abord préciser le nombre des sections pour chaque ville, ou au
moins pour certaines classes de villes. Ainsi, en ce qui concerne le nombre des
sections, je proposerai de dire :
« Dans les communes de 12,000 habitants et au-dessus, les élections se
font par sections. Le nombre des sections sera de :
« 6 à Bruxelles,
« 5 à Anvers,
« 4 à Liége et à Gand,
« 3 dans les autres communes de 20,000 habitants et au-dessus, 2 dans
les communes de 12 à 20,000 habitants.
« On
suivra, à cet effet, le tableau de la population des communes annexe à l'arrêté
royal du 12 avril 1836. »
Voici, messieurs, quel seront les résultats du fractionnement tel que je
propose de le déterminer. Car, à la différence de nos contradicteurs qui dans
cette discussion semblent négliger complètement les faits, c'est sur les faits
précis et sur les chiffres que j’aime à m’appuyer.
A
Bruxelles, il y aura six sections, chaque section se composera de 569
électeurs.
A Anvers, il y aura 5 sections qui
seront composées chacune de 474 électeurs.
A Gand, il y aurait 4 sections, composées de 438 électeurs.
A Liège, 4
sections de 350 électeurs.
A Louvain, 3 de 332 électeurs
A Bruges, 3 de 286 électeurs
A Tournay, 3 de 239 électeurs
A Namur, 3 de 189 électeurs
A Malines, 3 de 196 électeurs
A Alost, 2 de 294 électeurs
A Verviers, 2 de 293 électeurs
A Ypres, 2 de 277 électeurs
A Courtray, 2 de 261 électeurs
A Saint-Nicolas, 2 de 205 électeurs
A Lierre, 2 de 128 électeurs
A Lokeren, 2 de 124 électeurs
A Renaix, 2 de 156 électeurs.
Je
ne connais pas le chiffre exact des électeurs communaux de Turnhout et Ostende
; mais comme ce sont des villes de 12 à 13,000 habitants, elle doivent en avoir
2 à 300, ce qui ferait deux sections de 100 à 150 électeurs chacune.
Je
crois, messieurs, que l'on ne trouvera pas que cette division donnerait lieu à
une trop grande agglomération d’électeurs.
M. Mast de Vries. - Vous vous êtes trompé en citant le nombre des
électeurs de Lierre, le nombre des électeurs de Lierre est de 356.
M. Devaux. - Vous avez raison, c'est une erreur de chiffre, j'avais dit 128 par
section ; 356 divisé par deux donne 178 et non 128. Mais je ne crois pas que
l’on trouve que ce soit trop. Ainsi, je pense qu'on peut descendre au-dessous
du chiffre de trois sections ; je pense aussi que dans les grandes villes le
nombre d’électeurs dans les sections ne paraîtra pas non plus trop
considérable, et remarquez toujours qu'il faut encore retrancher de ce nombre
les électeurs qui ne votent pas. Je crois encore que de cette manière il y aura
partage pour les intérêts différents des villes qu'on prétend exister entre les
quartiers ; ccs intérêts seront représentés, car vous conviendrez, messieurs, que
c'est un peu arbitrairement qu'on déclare qu'a Bruxelles, par exemple, il a 8
intérêts différents, ni plus ni moins ; je crois que si l'on disait qu'il y a à
Bruxelles 2 ou 3 intérêts différents, ce serait beaucoup ; dans beaucoup de
cas, il n'y aura pas d'intérêts différents ; mais à coup sûr le nombre de ces
intérêts n'est pas celui qu'on a indiqué.
Messieurs, j'emprunte à la loi française une disposition qui dit que chaque
collège est composé du même nombre d'électeurs et nommera un même nombre de
conseillers. On s'est appuyé, pour justifier le projet de loi et l'amendement,
sur ce que les électeurs étaient appelés à nommer un très grand nombre de
conseillers.
Eh bien, messieurs, si vous adoptez la disposition que je propose, quel
sera le nombre des conseillers que chaque collège de section aura à élire
chaque fois qu'il y aura une élection, c'est-à-dire tous les quatre ans ? le voici : Je crois que vous trouverez que les électeurs
n'ont pas à élire un trop grand nombre de conseillers.
A Bruxelles (je cite le chiffre normal, car il y aura des circonstances où
il y aura un conseiller de plus à nommer, à cause que le nombre des conseillers
est impair et qu'il n'est pas exactement divisible par le nombre des sections)
; à Bruxelles, dis-je, chaque section, d'après mon amendement, aura à élire, à
chaque renouvellement par moitié, 2 conseillers ; à Anvers, 3 ; à Gand, 3 ; à
Liége, 3 ; à Louvain, 3 ; à Bruges, 4 ;.
à Tournay, 2 ; à Namur, 3 ; à Malines, 3 ; à Alost, 3 ; à Verviers, 3, à Ypres
3, et dans toutes les autres villes, 3. Je ne pense pas qu’on puisse trouver ce
nombre de conseillers trop grand ; en général le nombre de conseillers sera de
3, et il y aura deux villes où il sera de 2, et une ville où il sera de 4. Il y
aura les circonstances exceptionnelles, comme je l’ai dit, où, quand le nombre
des sections ; où une section ou
plusieurs sections auront à élire un conseiller de plus ; mais comme
vous le voyez, même alors le nombre des conseillers que chaque section aura à
nommer sera peu considérable.
Messieurs, les raisons pour lesquelles il faut que chaque section ait un
nombre égal d'électeurs, et chacune le même nombre de conseillers, sont très
graves, ainsi que je l’ai déjà dit. Car de cette question dépend celle de
savoir dans quelle proportion la minorité pourra l'emporter sur la majorité.
Je citerai d'abord la loi française, Il me semble que si l'on s'autorise de
la loi française, pour en emprunter une partie du système, on peut s’autoriser
de la même loi, pour lui emprunter l'autre partie du système qui est
inséparable de la première, et sans laquelle le principe est complètement
dénaturé.
L'honorable M. de Theux dit qu'en France la population seule sert de base
au nombre des électeurs, puisqu’en France, ce sont les plus imposés, dans une
proportion donnée de la population, qui forment le collège électoral.
D'abord cela n'est pas tout à fait exact. En France, il y a deux listes,
les censitaires et les capacités. Les censitaires sont à la vérité en
proportion de la population ; mais les capacités sont en nombre bien défini et
la liste en est très nombreuse d'après la loi municipale. Mais si l'on comptait
cette seconde liste pour rien, il faudrait encore dire qu'en France, on adopte
pour la commune entière le système du nombre des électeurs proportionné à la
population, mais que ce système, on ne l'applique pas à des électeurs, soit au
moyen du cens, soit par quantité, de manière qu'il réponde plus ou moins à la
population, Je le veux bien ; mais entre les quartiers des villes il ne faut
pas adopter le même principe, il faut faire comme la loi française, il faut que
l'électeur d'un quartier ait le même droit, la même proportion d'influence que
l'électeur d'un autre quartier.
Je citerai une autre autorité qu'on a invoquée dans cette discussion, c'est
la dernière loi anglaise. Un honorable membre a eu la bonté avant-hier de me
communiquer cette loi, et je l'ai rapidement parcourue ce matin. J'en dirai un
mot en passant.
La loi anglaise est, comme je l'avais dit, une loi très partielle ; c'est
une loi qui ne concerne pas 200 communes. Et dans ce nombre ne sont pas
comprises des communes très importantes, telles que Londres, Manchester et
Birmingham, etc.
Aux termes de la loi anglaise, les conseillers des villes qu'elle concerne
sont élus par quartiers, mais il y a cette remarque à faire, c'est que les
aldermen ne sont pas élus par les électeurs, mais par le conseil tout entier ;
les aldermen doivent aussi recevoir le baptême de la commune entière ; ce qu'on
peut appeler le collège échevinal en Angleterre dépend à la fois du quartier et
de la commune entière.
Il y a une observation plus importante à faire sur cette loi et qui ôte
tout moyen de conclure de cette législation à la nôtre, pour le fractionnement
des collèges électoraux, elle porte sur le nombre des électeurs. En Angleterre,
presque tous les citoyens sont électeurs communaux. Voilà pourquoi il faut
diviser. En Angleterre, tous les bourgeois sont électeurs communaux, et pour
être bourgeois, d'après cette loi, il faut seulement occuper une maison ou une boutique,
payer exactement ses contributions, ne pas être secouru comme indigent.
Ainsi, avec la loi anglaise, à Bruxelles, où il y a, je crois, 12,000
maisons, vous auriez 1,200 électeurs, car cette loi anglaise admet toute espèce
de maisons, même les boutiques. Là on n'a donc pas à craindre des
bourgs-pourris dans la commune. Si tous les tenant maison étaient admis à
l'exercice du droit électoral, la subdivision des grandes communes, même en
huit sections, offrirait de bien moindres inconvénients.
Mais il y a plus, la loi anglaise n'admet pas la proportion du nombre des
conseillers de chaque quartier à la population ; la loi anglaise veut que ce
nombre soit en proportion avec celui des électeurs ; elle veut que, pour la
division des sections, on ait égard non pas à la population globale, mais au
nombre des contribuables et en outre à la somme des cotes payées par tous les
électeurs du quartier pris ensemble.
Ainsi la loi anglaise n'a pas posé le principe que les quartiers les plus
pauvres, et qui ont le moins d’électeurs, nommeront le plus de conseillers ;
elle a voulu, au contraire, que le nombre de conseillers fût plus grand dans
les quartiers où il y a le plus d'électeurs et où l'on paie le plus de
contributions.
Pour justifier l'inégalité des collèges électoraux, on nous a encore cité
le principe de la constitution, Je voudrais bien, messieurs, vous démontrer
clairement combien on s'est trompé, et en fait et en droit, sur la portée de la
constitution et de notre système électoral.
La constitution a dit que pour les arrondissements le nombre des députés
aux chambres serait proportionné à la population. Mais la loi constitutionnelle
ne parle pas des élections communales, ni des subdivisions intérieures des
villes ; mais le même principe qui veut qu’il en soit ainsi pour les
arrondissements, veut qu’il n’en soit pas ainsi pour les quartiers de villes.
En effet, la population des arrondissements n’est jamais en raison inverse de
leurs richesses, et par conséquent, du nombre des électeurs. Quand un
arrondissement est plus peuplé, c’est qu’il est plus riche. Dans l’intérieur
des villes, au contraire, quand un quartier est plus peuplé, c’est qu’il est
plus pauvre. Voilà la grande différence qui empêche que le principe de la
constitution sur la population des arrondissements ne puisse être applicable
aux divisions des quartiers des villes.
D'ailleurs, qu'avons-nous fait par la loi électorale ? S'il peut y avoir
quelque inégalité à cet égard, à la défaveur de quelques arrondissements, nous
avons corrigé cette inégalité par l’inégalité du cens. Par l’inégalité du cens,
nous avons voulu augmenter le nombre des électeurs là où il y en avait eu trop
peu.
Messieurs, lorsque nous avons dit que, dans les conseils communaux, la
minorité triompherait de la majorité, puisque dans tel quartier les conseillers
seraient élus par 30 électeurs, tandis que dans tel autre un nombre égal ou
supérieur serait élu par 200 ou 300 par exemple, on nous a répondu ; mais cela
arrive pour les élections aux chambres ; il y a des collèges électoraux de
1,000 électeurs, qui élisent plus de députés que d’autres collèges composés de
2,000 électeurs.
Cela est une erreur complète. Le principe dont nous demandons, dont je
demande l’exécution pour les quartiers, est celui qui existe en fait pour les
chambres. Qu’est-ce qui a lieu pour les chambres ? Je tiens le tableau des
électeurs de chaque arrondissement électoral pour les élections aux chambres.
En voici les résultats :
Il y a en Belgique de 46 à 47 mille électeurs, et il y a 95 députés à élire
: la moyenne est donc à peu près de 500 électeurs par représentant. Eh bien ! cette proportion est exactement observée en fait dans les
arrondissements électoraux. Partout 500 électeurs nomment un représentant ;
partout mille électeurs nomment deux représentants.
M. Demonceau. - A Verviers, cette proportion n'existe pas !
M. Devaux. - A Verviers, il y a 1482 électeurs, et deux représentants. Cela
fait 741 électeurs pour un représentant, ce n'est pas bien loin de la moyenne.
M. Demonceau. - Mais 1482 électeurs devraient en nommer trois.
M. Devaux. - Verviers
s'éloigne quelque peu de la moyenne, ainsi que Philippeville, Dinant et un très
petit nombre d'autres arrondissements. Comme le nombre de représentants est
limité et le nombre des arrondissements très grand, qu'il y a 95 représentants
à répartir entre 40 collèges électoraux, vous sentez que quelques petites
déviations de la moyenne sont inévitables. Malgré ces obstacles, elle est
exactement observée, en ce sens que nulle part 500 électeurs ne nomment
deux représentants, nulle part 1000 électeurs ne sont réduits à n'en nommer
qu'un seul. Ainsi, l'arrondissement d'Anvers nomme 1 représentant sur 563
électeurs, l'arrondissement de Malines 1 sur 457, celui de Turnhout 1 sur 448,
celui de Bruxelles 1 sur 639, celui de Louvain 1 sur 476, celui de Nivelles 1
sur 502, celui de Bruges 1 sur 426, etc.
Si on avait confié à un mathématicien le soin de répartir les 95
représentants entre les 40 arrondissements administratifs, en proportion du
nombre de leurs électeurs, il aurait eu beaucoup de peine à établir un partage
plus exact.
Messieurs, on a dit aussi : ce qui arrivera pour les quartiers des villes,
arrive également pour les élections provinciales ; que pour ces élections, tel
canton d'une province avec un moindre nombre d'électeurs, élit plus de conseillers
provinciaux que tel autre canton de la même province qui a un collège électoral
plus nombreux.
L'honorable M. Brabant, à la séance d'avant-hier, vous a cité sa province ;
il a dit qu'un certain nombre de membres du conseil provincial était nommé par
un grand nombre d'électeurs, tandis que d'autres plus nombreux étaient nommés
par un nombre d'électeurs plus restreint ; que dans les cantons aussi le petit
collège nommait souvent plus de conseillers provinciaux que le grand collège.
J'ai fait des recherches sur les collèges électoraux des cantons, j'ai
choisi la province de l'honorable membre et la mienne, et je suis arrivé au
même résultat que pour la chambre. Dans la province de Namur, 3420 électeurs de
cantons nomment 43 conseillers provinciaux : moyenne, 1 conseiller provincial
sur 79 électeurs cantonaux. Cette moyenne, comme on le pense bien, ne
s'applique pas exactement à chaque canton, mais je n'ai pas trouvé un seul des
cantons de la province de Namur, où 79 électeurs, nomment 2 conseillers provinciaux,
aucun où le double de ce nombre ne nomme qu'un conseiller.
Pour
Ainsi, messieurs, même pour la composition des conseils provinciaux, on
peut dire qu'il y a proportion dans les cantons, proportion entre les élus et
les électeurs.
Vous vous étonnez que cela soit ainsi, alors qu'il semble que par la loi ce
soit à la population et non au nombre des électeurs qu'on ait proportionné le
nombre des conseillers.
Mais réfléchissez à une chose. Pourquoi y a-t-il plus
d'électeurs dans les grandes que dans les petites communes ? Qu'est-ce qui fait
la population des communes ? C'est la richesse, si une campagne plus peuplée
qu'une autre, c'est qu'elle est plus riche, et si elle est plus peuplée, elle a
plus d'électeurs. Mais dans les villes entre les divers quartiers, c'est le
contraire. Le quartier le plus peuplé, c'est le plus pauvre. Comme les maisons
des pauvres tiennent peu de place et contiennent plus d'habitants, il arrive
que le quartier pauvre est le plus peuplé et celui qui a
le moins d'électeurs.
Voilà pourquoi en France, où le nombre des électeurs de la commune, prise
dans son ensemble, est basé sur la proportion de la population ; on a senti
qu'il serait déraisonnable d'appliquer ce système aux collèges électoraux des
quartiers ; on a senti que ce serait donner la prépondérance aux sections qui
ont le moins d'électeurs, le moins de lumières, et, en quelque sorte, le moins
d'intérêts communaux. Ce que je demande pour la commune, c'est donc ce qui existe
en fait pour les élections aux chambres et pour les élections provinciales. Je
demande qu'il y ait proportion entre le nombre des électeurs et celui
des élus. Cela n'existât-il pas pour les chambres et pour la province, ce ne
serait pas une raison pour ne pas l'admettre pour les subdivisions intérieures
de la commune ; car les motifs sont tous différents.
J'ai dit qu'il pourrait se présenter des villes où
deux quartiers pauvres, avec une majorité de 52 électeurs, pourraient triompher
d'un quartier ayant 600 électeurs. En adoptant le système français, que
je propose, vous prévenez ce résultat, vous empêchez qu'une si petite minorité
triomphe de la majorité. La minorité pourra toujours faire la loi à la
majorité, mais elle sera condamnée au moins à être un peu plus forte. Quant à
l'exécution de ma proposition, elle ne présente pas de difficulté.
Elle est même en pratique en France. Si une section
a trop peu, on y ajoute quelques rues voisines, on en retranche quelques-unes
si le nombre des électeurs est trop étendu. Quand on a sous les yeux la carte
de la ville et le tableau des électeurs par rues, ce n'est pas un travail de
deux heures.
Je ne crois pas qu'on tienne beaucoup à conserver
dans leur intégrité les anciens quartiers, les sections d'aujourd'hui. Elles
ne représentent rien dans nos villes.
Ce n'est pas comme les communes elles-mêmes, qui ont
leurs liens et leurs souvenirs. Nous, qui passons la moitié de l'année à
Bruxelles, nous ne savons pas la plupart, j'en suis bien sûr, dans quelle
section nous y sommes logés. Ce n’est que depuis la discussion de cette loi
que je sais que je loge dans la première section.
La division actuelle en sections n'a d'autre
avantage qu'une certaine facilité pour les agents de police et le numérotage
des maisons, mais elles ne représentent rien.
Ce sont surtout les quartiers industriels qui
pourront souffrir du fractionnement des collèges électoraux, surtout si on
permet les subdivisions trop petites et l'inégalité du nombre des conseilleurs
élus par chaque section. Aujourd'hui, dans les conseils communaux, quand on
adresse des réclamations au nom de l'industrie, elles sont accueillies avec une
faveur générale. Il n'en est pas qui éveille plus de sympathie. Mais si vous
faites des quartiers industriels, si vous faites, par exemple, à Bruxelles un
quartier du canal, se composant de la section actuelle qui comprend le canal,
elle aura trois conseillers à élire. A raison du commerce qui s'y fait,
il faut y faire de grandes dépenses, pour l'entrepôt, pour les bassins et pour
le curage des canaux. Ce seront toujours ces trois conseillers qui devront
mettre les réclamations en avant.
Au lieu d'être accueillies avec faveur, ces
réclamations, qui aujourd'hui seraient appuyées par tout le conseil, seront
considérées comme un intérêt de quartier ; on accueillera avec défiance, avec
défaveur ces prétentions locales qui n'auront plus que trois défenseurs en
titre.
L'honorable M. Brabant avait cité, dans une des
dernières séances, un exemple de la ville de Namur. Tout ce que je lui
répondrai, c'est que si on avait adopté l'amendement de M. Verhaegen, on aurait
obvié aux inconvénients signalés par cet honorable membre ; chaque quartier
aurait eu ses représentants. Mais puisque vous avez écarté, par la question
préalable, l'amendement de M. Verhaegen, je n'y reviendrai pas.
Je répète en finissant que je voterai contre la loi,
quand même vous adopteriez le changement que je propose. Car la loi a un
caractère de réaction et de parti, que rien ne peut effacer. Depuis douze ans,
que je siège dans cette enceinte, il est peu de votes de la chambre qui m'aient
fait une aussi pénible impression que celui d'avant-hier.
Voici l'amendement tel que je le propose :
« Dans les communes de 12,000 habitants et
au-dessus les élections se font par sections.
« Le nombre des sections sera de six à
Bruxelles, de cinq à Anvers, de quatre à Liége et à Gand, de trois dans les
autres communes de 20,000 habitants et au-dessus, et de deux dans les communes
de 12 à 20,000 habitants.
« On suivra à cet effet le tableau de la
population des communes annexé à l'arrêté royal du 12 avril 1836.
« La division en sections se fera par quartiers
voisins et de telle manière que le nombre des électeurs d'aucune section ne
dépasse de plus d'un sixième celui d'une autre section.
« Chaque section nommera un nombre égal de
conseillers. Si le nombre des conseillers n'est pas exactement divisible par
celui des sections, le sort désignera celles qui, la première fois, auront à
nommer un conseiller de plus et déterminera l'ordre dans lequel chacune, dans
la suite, sera appelée à son tour à exercer le même droit. »
Ces dispositions sont empruntées
à la loi française, sauf de très légers changements, qui sont plutôt des
changements de rédaction.
M. de Theux,
rapporteur. - Je ferai remarquer que la
disposition principale de l'amendement de l'honorable M. Devaux est tout à fait
contraire au premier vote de la chambre et a la loi française qu'il a invoquée
à l'appui de sa proposition. .
Je dis que l'amendement est contraire au premier
vote de la chambre ; en effet, le premier paragraphe est ainsi conçu :
« Dans les communes de 12,000 habitants et
au-dessus, les élections se font par sections ; la répartition des
conseillers à élire est faite d'après la population. »
La population est donc la seule base de la
répartition du nombre des conseillers. D'après l'amendement de M. Devaux, ce
n'est plus la population, c'est le nombre des électeurs qui sert de base à la
répartition des conseillers. L’honorable membre invoque à l'appui de son
système la disposition de la loi française ; mais cette disposition, que j'ai
déjà citée, est dans un sens différente de sa proposition. J'ai dit qu'en
France la répartition des conseillers se fait d'après la population. Cette
assertion est justifiée par l'art. 9 de la loi municipale de France, qui porte
:
« Art. 9. Chaque commune a un conseil municipal
composé, y compris les maire et adjoints :
« De 10 membres dans les communes de 500
habitants et au-dessous.
« De 12 dans celles de 500 à 1,500 ;
« De 16 dans celles de 1,500 à 2,500 ;
« De 21 dans celles de 2,500 à 3,500 ;
« De 23 dans celles de 3,500 à 10,000 ;
« De 27 dans celles de 10,000 à 30,000
« Et de 36 d’une population de 30,000 et
au-dessus. »
L'art, 44 porte :
« Art. 44. Dans les communes qui ont 2,500 âmes
et plus, les électeurs sont divisés en sections.
« Le nombre des sections sera tel que chacune
d'elles ait au plus huit conseillers à nommer dans les communes de 2,500 à
10,000 habitants ; six dans celles de 10,000 à 30,000 ; et quatre dans celles
dont la population excède ce dernier nombre.
« La division en sections se fera par quartiers
voisins, et de manière à répartir également le nombre des votants, autant que
faire se pourra, entre les sections. »
Mais remarquez qu'en France le nombre des votants
est toujours en raison de la population. Telle est la disposition formelle de
l'article 11. « Sont appelés à cette assemblée : 1° les citoyens les plus
imposés aux rôles des contributions directes de la commune, âgés de 21 ans
accomplis, dans les proportions suivantes : pour les communes de 2,000
habitants et au-dessous, un nombre égal au dixième de la population de la
commune.
« Ce nombre s'accroîtra de cinq par cent
habitants en sus de mille jusqu'à cinq mille,
« De quatre par cent habitants en sus de cinq
mille jusqu'à quinze mille
« De trois par cent habitants au-dessus de
quinze mille ;
« 2° Les membres des cours et tribunaux, les
juges de paix et leurs suppléants ;
« Les membres des chambres de commerce, des conseils
de manufactures, des conseils de prud'hommes ;
« Les membres des commissions administratives,
des collèges, des hospices el des bureaux de bienfaisance ;
« Les officiers de la garde nationale ;
« Les membres et correspondants de l'institut,
les membres des sociétés savantes instituées ou autorisées par une loi ;
« Les docteurs de l'une ou de plusieurs des
facultés de droit, de médecine, des sciences, des lettres, après trois ans de
domicile réel dans la commune ;
« Les avocats inscrits au tableau, les avoués
près les cours et tribunaux, les notaires, les licenciés de l'une des facultés
de droit, des sciences, des lettres, chargés de l'enseignement de quelqu'une
des matières appartenant à la faculté où ils auront pris leur licence, les uns
et les autres, après cinq ans d'exercice et de domicile réel dans la commune ;
« Les anciens fonctionnaires de l'ordre
administratif et judiciaire jouissant d'une pension de retraite de 600 fr. et
au-dessus ;
« Les élèves de l'école polytechnique qui ont
été, à leur sortie, déclarés admis ou admissibles dans les services publics,
après deux ans de domicile réel dans la commune.
« Toutefois les officiers appelés à jouir du
droit électoral, en qualité d'anciens élèves de l’école polytechnique, ne
pourront exercer dans les communes où ils se trouveront en garnison qu'autant
qu’ils y auraient acquis leur domicile civil ou politique avant de faire
partie de la garnison ;
« Les officiers de terre et de mer jouissant
d'une pension de retraite ;
« Les citoyens appelés à voter aux élections
des membres de la chambre des députés ou des conseils généraux des
départements, quel que soit le taux de leurs contributions dans la
commune. »
Ce n'est pas comme en Belgique où le nombre des votants
dépend du nombre de ceux qui paient le cens. En France, ce sont les plus
imposés qui composent le collège. Vous voyez que le nombre des votants, comme
celui des conseillers est en rapport avec la population.
Il est vrai que, comme l'a dit M. Devaux, il y a
l'adjonction des capacités. Mais le nombre de ces électeurs n'est considérable
que dans quelques grandes villes ; il est nul dans les petites communes.
D'ailleurs la loi française dit que le nombre des votants sera réparti
également, autant que possible ; elle ne pose pas de règle absolue. Dans
tous les cas, le nombre des conseillers est déterminé en France par la
population. D'après l'amendement de M. Devaux, le nombre des conseillers ne
serait plus en rapport avec la population, mais avec le nombre des électeurs
qui, en Belgique, est indéterminé et variable, tandis qu'en France il est
toujours déterminé d'après la population.
Vous voyez qu'il y a là renversement du premier
vote, renversement du système de la loi française.
Je dis en outre que si l'on admettait l'amendement
de M. Devaux, il n'y aurait plus d'harmonie dans notre système électoral ; en
effet, le nombre de représentants et de conseillers provinciaux n'est pas
réparti entre les arrondissements du royaume, entre les cantons de la province,
d'après le nombre des votants, mais exclusivement d'après la population, peu
importe le nombre des votants.
L'honorable M. Devaux dit que, quand on a fait la
loi électorale on a cherché à mettre en harmonie le nombre des votants avec le
nombre des députés à élire pour chaque arrondissement. Il y a erreur. Voici ce
qu'a voulu la loi électorale : maintenir un certain équilibre entre les
habitants des villes et les habitants des campagnes. Voilà pourquoi l'on a fixé
un cens différent pour les villes et pour les campagnes, et un cens différent
pour les campagnes des diverses provinces. On comprend facilement quel a été
le but de la loi électorale. Si l'on avait admis un cens uniforme pour les
villes et pour les campagnes, alors qu'on faisait concourir à la même élection
les habitants des villes et des campagnes, il est certain que l'on serait
arrivé à ce résultat, que dans certains arrondissements la population urbaine
aurait écrasé la population des campagnes, et que dans d'autres les électeurs
des campagnes auraient écrasé les électeurs des villes. Par exemple, pour
l'arrondissement de Bruxelles, si le cens de la ville de Bruxelles avait été
égal à celui des campagnes, pas un électeur des campagnes ne se serait déplacé
; l'élection aurait évidemment appartenu à la ville. Je pourrais citer tel
autre endroit, où les électeurs des campagnes auraient écrasé les électeurs
des villes, si l'on n'avait pas fixé le cens comme il l'a été par la loi
électorale.
Vous voyez que tout le système de la loi électorale
repose sur un certain équilibre qu'on a voulu établir entre les
habitants des villes et des campagnes pour l'élection d'un même district.
Si l'honorable M. Devaux avait voulu proposer
quelque chose de semblable dans la loi communale, il aurait dû varier le cens
dans les différentes sections, mais il n'y avait pas le moindre intérêt. En
effet, puisque chaque section forme un collège électoral complètement
indépendant, peu importe à une section que est le nombre des électeurs dans une
autre section.
Vous voyez donc que la comparaison que l'on a
cherché à établir avec les lois électorale et provinciale ne repose sur rien
et que la proposition de l'honorable membre est contraire au but que le
législateur s'est proposé en établissant un cens inégal pour l'élection des chambres.
L'honorable M. Devaux propose d'établir une
répartition légale des sections. Cette répartition est pleine de difficultés.
Si vous l’établissez, vous bouleverser nécessairement les anciennes divisions
en sections ou quartiers qui existent dans la commune. Pour moi, je pense qu'il
faut, au contraire, les maintenir autant que possible. En second lieu, la
proposition de M. Devaux ne peut pas faire droit à un intérêt qui peut se
présenter, par exemple, si on veut faire une section séparée des habitants extra muros.
Voilà encore une objection contre cette proposition.
On propose de n'accorder à certaines communes que
deux sections. Il pourrait y avoir à cela du danger. Le nombre des conseillers
est nécessairement impair. Dès lors, vous aurez une section contre une autre
dans certaines villes ; tandis qu'avec trois sections, vous aurez deux collèges
électoraux en présence d'un collège. Ce sera la majorité des collèges qui
prononcera, ce ne sera pas un collège qui l'emportera sur l’autre.
En ce qui concerne l'Angleterre, je n'ai pas grand’chose à ajouter à ce qui a été dit. Les aldermen sont
élus par le conseil, a dit l’honorable membre ; eh bien, le bourgmestre et les
échevins seront nommés par le Roi, qui tâchera de maintenir l’harmonie entre
les divers quartiers. Nous n’avons pas voulu du système de l’élection par le
conseil communal.
Je n'ajouterai rien à ces observations, parce que la
première partie de l'amendement de l'honorable M. Devaux est non recevable,
d'après le premier vote et d’après la loi française qu'il invoque. Les autres
parties présentent des difficultés d'exécution. Il vaut mieux laisser
l'exécution au gouvernement sur l'avis de la députation permanente el du
conseil communal. Vous serez plus sûrs ainsi de faire chose agréable à la commune
qu'en établissant des divisions de quartiers d'une manière
arbitraire et peut-être opposées aux vœux de la commune.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - J'ai toujours pensé que la
division des sections se ferait par quartiers voisins. Veut-on l'introduire
dans la loi ? je ne m’y oppose pas.
Quant à la proposition de l'honorable membre, qui
consisterait à introduire un tableau dans la loi, je ne pense pas que la
chambre doive l'admettre.
M. Devaux. - Ce n'est pas un tableau.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - C'est une espèce de tableau,
c'est une énumération des villes.
Je crois, messieurs, qu'il est presque impossible
que la chambre examine cette question. Voici, par exemple, des objections qui
se présentent naturellement au premier abord.
A Bruxelles, il existe de tout temps une division en
huit sections. L'honorable auteur de l'amendement propose la division en six
sections. Jusqu'à quel point s'expose-t-on à changer ici les habitudes déjà
adoptées dans la capitale ? Voilà, messieurs pour le maximum.
Pour le minimum, l'honorable M. Devaux le réduit à
deux sections. Ce minimum ne me semble pas sans danger. Il y a beaucoup de nos
villes où il y a malheureusement des divisions en deux sections : la ville
haute et la ville basse ; et on remarque généralement qu'il y a lutte
dans ces villes entre les deux sections. Moi j'ai insisté pour que le minimum
fût fixé à trois sections ; et je persiste à croire qu'il ne faut pas le fixer
à deux sections, parce qu'il pourrait donner lieu à des luttes très
dangereuses. Voilà une objection qui doit frapper chacun de nous.
Je le répète, si l'on veut insérer dans la loi que
la division se fera par quartiers voisins, je le veux bien. Mais je ne
crois pas qu'il faille admettre les autres dispositions, que j'appellerai
réglementaires, de l'amendement de l’honorable M. Devaux. Je ferai néanmoins
mon profit des observations de l'honorable membre.
M. Devaux. - L'honorable M. de Theux dit que ce que je propose est le contraire de
la loi française. Messieurs, voici la loi française :
« La division en sections se fera par quartiers
voisins, et de manière à répartir également le nombre des votants, autant que
faire se pourra, entre les sections. »
Voilà ce que dit la loi
française. Si vous voulez insérer cela textuellement dans votre loi, je ne m'y
oppose pas.
M. de Theux. - Je demande la parole pour un fait personnel. Il semblerait, d'après ce
que dit l’honorable préopinant, que j'aurais tronqué le texte de la loi
française. Je ne conteste pas la disposition qu’il vient de lire ; mais j'ai
dit qu'il y a dans cette loi une autre disposition qui rend clair le sens de
l'article qu'il vient de citer.
« Art. 11. Sont
appelés à cette assemblée :1° les citoyens les plus
imposés aux rôles des contributions directes de la commune âgés de vingt et un
ans accomplis. »
Je dis que d'après cet art. 11, les électeurs sont
en raison de la population, et que dès lors les conseillers sont aussi en
rapport avec la population.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'amendement de M. Devaux.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - On pourrait le mettre aux voix
par division ; il y a une de ses dispositions qui peut être adoptée.
M. de Theux. - Si M. le ministre de l'intérieur veut ajouter que les divisions se
feront par quartiers voisins, je le veux bien. Mais l'amendement de M. Devaux
forme un ensemble, je crois qu'il ne faut pas procéder par division.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - En ce cas, je demande qu'à la
fin du § 2 on ajoute les mots : « La division se fera par quartiers
voisins.» Je ne veux pas qu'on puisse supposer dans nos grandes villes
qu'on va maintenant réunir en section des agglomérations de maisons éloignées
l'une de l'autre.
M. Devaux.- Les mots que propose d'ajouter M. le ministre de l'intérieur ne
présentent, seuls, aucune garantie. Insérez dans la loi que la division se fera
par quartiers voisins, cela n'empêchera pas qu'on pourra créer des quartiers où
il n'y aura que 20, 30 ou 40 électeurs. Tant que vous n'avez pas l'égalité du
nombre des électeurs dans chaque section, vous n'avez pas de garanties.
- L'amendement de .M. Devaux est mis aux voix par
appel nominal :
83 membres prennent part au vote.
48 votent contre l'amendement.
35 votent pour.
L'amendement n'est pas adopté.
Ont voté pour l'amendement : MM. Coghen, Cools, de
Baillet, de Brouckere, Delehaye, Delfosse, de Renesse, Devaux, de Villegas,
d'Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Donny, Dumont, Duvivier, Fleussu, Jadot, Jonet,
Lange, Lebeau, Lys, Manilius, Mercier, Orts, Osy, Pirmez, Puissant,
Raymaeckers, Rogier, Sigart, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche,
Verhaegen.
Ont voté contre : MM. de
- L'amendement de M. le ministre, de l'Intérieur
tendant à terminer le deuxième paragraphe par les mots : La division se fera
par quartiers voisins, est mis aux voix et adopté.
L'amendement adopté au premier
vole, et consistant dans les mots : « Le nombre des sections ne pourra
être inférieur à trois, ni supérieur à huit » est définitivement adopté.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Il a toujours été entendu, et
aujourd’hui encore, l'honorable auteur de la proposition, M. de Theux, l'a
répété, que la disposition que nous venions de voter étant définitivement
adoptée, l'art. 5 de la loi de 1836 n’est plus applicable aux communes d'une
population inférieure à 12,000 habitants. Mais il n'y a pas de mal qu'on le
dise dans la loi. Je propose donc que le 1er § de l'article 5 soit rédigé ainsi
qu'il suit : « Dans les communes d une population inférieure à 12,000
habitants, composées de plusieurs sections ou hameaux détachés… » Le
reste comme dans la loi.
Dès lors il ne peut plus y avoir le moindre doute
dans l'exécution. Je sais que ce doute n'existe pas, mais quand on peut, à
l'aide d'un mot, rendre un texte plus clair, il faut le faire.
M. le président. - Voici l'amendement que propose M. le ministre de
1'intérieur :
« Modification à l'article 5. Paragraphe
premier, les mots d'une population inférieure à 12,000 habitants sont
ajoutés à ceux dans les communes.
M. Verhaegen. - M. le ministre vient de proposer un changement ; nous l'avions prévu,
et nous allions faire la même observation que lui. Le changement qu'il propose
n'est pas inutile ; car il eût été absurde d'avoir la proposition de
l'honorable M. de Theux à côté de l'art. 5.
Mais puisque M. le ministre propose ce changement,
je voudrais bien qu'il me dît par quel motif il faut diviser les électeurs,
alors qu'ils sont réunis, et pourquoi il faut les réunir quand ils sont séparés
d'une ou deux lieues.
Ainsi, lorsqu'il y aura des hameaux séparés, on fera
venir de deux lieues loin les électeurs pour se réunir au chef-lieu de la
commune, et quand tous les électeurs seront assemblés, il faudra les diviser.
Comme M. le ministre de l'intérieur veut ôter à la
loi l'absurdité qu'elle présente, je le prie de m'expliquer cette différence.
Si M. le ministre ne juge pas à propos de s'expliquer, le
public s'en chargera.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - On a
déjà répondu.
Messieurs, il y a deux remèdes dans la nouvelle loi
combinée avec l'ancienne, pour arriver à une représentation réelle des intérêts
dans la commune. Pour les communes d'une population inférieure à 12,000
habitants, le remède est dans l'ancienne loi ; pour les communes d'une
population supérieure à l2,000 habitants le remède est
dans la nouvelle loi. Et voici la différence :
Dans les communes de moins de 12,000 habitants,
composées de plusieurs sections ou hameaux détachés, il se trouve cependant que
le nombre d'électeurs n'est pas assez considérable pour qu'ils ne soient pas à
même d'apprécier les intérêts de ces sections ou hameaux détachés. Il n'en est
pas de même dans les communes d'une population supérieure à 12,000 habitants.
Ici on peut, à cause de l'étendue de la commune, très bien admettre que
l'assemblée générale des électeurs n'est pas à même d'apprécier les intérêts
spéciaux des diverses sections ou quartiers.
Voilà, messieurs, ma réponse, et je ne trouve pas
que la législation nouvelle, qui résultera de la combinaison de la disposition
dont il s'agit en ce moment et de l'ancien art. 5, je ne trouve pas du tout que
cette nouvelle législation soit absurde.
M. Verhaegen. - Mais vous faites voyager les électeurs des sections séparées ; vous
leur faites faire une lieue et demie ou deux lieues, el ceux qui sont réunis vous les séparez.
M. Vandenbossche. - Je pense qu'il faudrait mettre dans la loi que, dans les communes de
plus de 12,000 habitants, les hameaux détachés de ces communes constitueront
une section séparée.
Un membre. - Cela est dans la loi.
M. Vandenbossche. - Je voudrais que cela fût dans la loi actuelle, parce que l'honorable M.
de Theux semble vouloir supprimer ces hameaux.
- La proposition de M. le ministre de l'intérieur
est mise aux voix et adoptée.
Les autres amendements qui ont
été introduits dans le projet, au premier vote, sont mis aux voix et adoptés
sans discussion.
M. Verhaegen. - Avant que l'on aille aux voix, je dois messieurs, faire une
observation. L'observation que j'ai à présenter pourra, au premier abord, vous
étonner, mais j'ai un devoir à remplir.
D'après tous les journaux, même ceux qui sont les
organes du ministère, quelques-uns de nos honorables collègues auraient été
nommés à des fonctions qui tombent directement sous la disposition de l'art. 36
de la constitution. Avant de procéder à un vote qui doit être des plus
solennels (car la loi dont il s'agit en ce moment est une des lois les plus
importantes dont nous nous soyons occupés), je désire que M. le ministre de
l'intérieur nous dise si ces bruits ont quelque fondement. Ce n'est pas,
messieurs, que je veuille faire une exception ou imposer à ces honorables
membres une obligation, mais en cas d'affirmative je me bornerai à faire un
appel à leur délicatesse et à leur demander si, étant nommés à des fonctions
importantes et résolus à accepter ces fonctions, ils ne se
trouvent pas dans la même position où ils seraient s'il y avait nomination et
acception officielle.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je croirais me
manquer à moi-même si je répondais à la question de l'honorable préopinant. Je
ne pense pas qu'il ait le droit de poser cette question, et dès lors je crois
avoir celui de ne pas y répondre.
M. Verhaegen. – Quant à moi, je ne crois pas manquer à moi-même, ni au pays ; le pays
jugera ; dans quelques jours on verra si j'avais raison.
M. David. - M. le président, je suis sorti pendant 5 minutes, et pendant ce temps
on a voté sur l'amendement de M. Devaux ; je vous prie de bien vouloir me
comprendre parmi ceux qui ont voté pour cet amendement.
Plusieurs membres. - C'est impossible.
M. David. - Il me suffit d'avoir constaté que j'aurais voté pour l'amendement. Je
n'en demande pas davantage.
Vote
sur l’ensemble du projet de loi
Il est procédé au vote par appel nominal sur
l'ensemble du projet.
86 membres prennent part au vote.
48 adoptent.
38 rejettent.
En conséquence, le projet est adopté.
Ont répondu oui : MM. de
Ont répondu non : MM. Cogels, Coghen, Cools, David,
de Baillet, de Brouckere, Delehaye, Delfosse, de Renesse, Devaux, de Villegas,
d’Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Dumont, Duvivier, Fleussu, Jadot, Jonet, Lange,
Lebeau, Lys, Maertens, Manilius, Meeus, Mercier, Orts, Osy, Pirmez, Puissant,
Raymaeckers, Rogier, Sigart, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche,
Verhaegen.
M. Puissant. - Je demanderai que mon vote négatif soit inséré au procès-verbal.
M. de Sécus. - Je demande, moi, que mon vote approbatif soit inséré au procès-verbal.
M. le président. - Il sera fait droit à la demande de MM. Puissant et de Sécus.
Discussion
générale
M. le président. - L'ordre du jour appelle maintenant la discussion du projet de loi
tendant à autoriser le gouvernement à réduire les péages sur les canaux et
rivières. Je prierai M. le ministre de déclarer s'il se rallie au projet de la
section centrale.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je crois devoir maintenir le
projet du gouvernement. De plus, j'annoncerai dès à présent une modification
que je propose et qui s'applique à l'un projet comme à l'autre.
Vous vous rappellerez, messieurs, que la proposition
était comprise dans le projet de budget des voies et moyens, et que le
gouvernement demandait l'autorisation de faire cet essai pendant une année,
c'est-à-dire depuis le premier janvier jusqu'au 31 décembre 1842. Il a été
décidé que la proposition ferait l'objet d'une loi spéciale. La section
centrale a très bien senti à l'époque de l'année où nous sommes arrivés, on ne
peut plus arrêter les effets de la loi au 31 décembre prochain ; l'expérience
serait évidemment insuffisante, elle n'aurait que six mois de durée ; la
section centrale a proposé de porter le terme de la loi au 31 mars prochain ;
d’après cette proposition, l'essai se ferait pendant neuf mois ; mais
j'appellerai l'attention de la chambre sur deux circonstances qui ont peut-être
échappé à la section centrale ; d'abord il y a six semaine ou deux mois
de chômage ; en second lieu, il y a trois mois d'hiver, c'est-à-dire de gelée
et d'impossibilité de navigation ; il faut donc défalquer à peu près cinq mois
de ces neuf mois d'essai, de sorte qu'il ne resterait que quatre mois ; je dis
que cela est absolument insuffisant et je propose de déclarer que les pouvoirs
donnés au gouvernement expirent le 1er juillet 1843. Si la chambre adopte le
projet, il pourra aussi être adopté par le sénat avant le 1er juillet prochain,
et dès lors, nous aurons l'expérience d'une année, comme le gouvernement l'a
demandé, lorsqu'au mois de novembre dernier, il a fait la proposition.
N'admettre que le terme du 31 mars prochain, ce serait de fait réduire
l'expérience à quatre mois, et alors il serait impossible au gouvernement de
vous apporter de véritables résultats.
M. le président. - M. le ministre ne se ralliant pas à la proposition
de la section centrale, la discussion est ouverte sur le projet proposé par le
gouvernement, sauf la modification que vient d’indiquer M. le ministre de
l'intérieur.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, le gouvernement
demande l'autorisation dont il s'agit pour deux genres d'objets indiqués dans
la proposition : 1° la loi s'appliquerait aux productions du sol ou de
l'industrie du pays qui sont exportées.
La section centrale propose de nous arrêter là, de ne faire porter
l'autorisation que sur cette première partie de la loi ;
Elle retranche la deuxième partie relative aux matières
premières exotiques servant à l'industrie nationale ; la section centrale a
pensé que cette question n'était pas suffisamment instruite, et elle trouve que
la proposition est un peu insolite.
J'ai indiqué à la section centrale, d'après la
demande qui m'en avait faite, et je n'avais à répondre qu'à la question telle
qu'elle était posée ; j'ai indiqué à la section centrale les matières premières
auxquelles la faveur pourrait s'appliquer ; la section centrale ne demandait
pas davantage, je n'ai pas cru devoir aller au-delà des renseignements qu'elle
réclamait.
La proposition, messieurs, n'a rien d'insolite, rien
qui puisse étonner.
Pour le chemin de fer, il est accordé une réduction
de 20 p. c. pour les matières premières, telles que le sucre brut, le sel brut,
les cotons en laine, etc. Voilà un précédent que je trouve dans le tarif du
chemin de fer.
Il y a un autre précédent pour justifier cette
proposition : ce sont les nombreux exemples de droits peu élevés qu'offre le
tarif des douanes, en ce qui concerne les matières premières. Ouvrez le tarif
général de douanes, et vous verrez que les matières premières sont très peu
imposées. Il est inutile que je vous fasse l'énumération de ces matières, et
que je vous indique le chiffre des droits à l'entrée.
Vous voyez donc, messieurs, que pour le chemin de
fer et pour notre système de douanes, nous avons admis le principe qu'il faut
traiter d'une manière favorable les matières premières exotiques nécessaires à
notre industrie. J'ai pensé que les mêmes motifs existaient pour traiter d'une
manière particulière les mêmes matières, lorsqu'elles sont transportées par la
navigation. C'est ce qui a engagé mes honorables collègues et moi à proposer le
second projet de loi. Nous avons trouvé que c'était, en quelque sorte, être
conséquent avec le tarif des péages du
chemin de fer, et même avec le tarif des douanes. Mais laissant de côté la
question des douanes, il suffisait de dire que la proposition est une
conséquence du tarif du chemin de fer. Pour le chemin de fer, on accorde une
réduction en faveur de certaines matières premières exotiques ; nous demandons
de même qu'une réduction puisse être accordée aux mêmes matières, lorsqu'elles
sont transportées par une autre voie que le chemin de fer, c'est-à-dire par les
canaux et les rivières.
Ce sont là les raisons qui nous engagent à prier la
chambre de ne pas restreindre la loi au § 1er. D'après les pièces qui ont été
distribuées, la chambre aura vu quel est le système que le gouvernement se
propose de suivre dans l'exécution de la loi.
Le gouvernement cherchera à avoir des résultats
semblables à ceux qu'il a déjà obtenus. Il agira dans certaines limites, el
avec beaucoup de circonspection ; il cherchera à résoudre ce problème que nous
nous posons tous, problème qui consiste à augmenter le mouvement sans diminuer
le chiffre total de la recette. C'est un problème que les différents ministres
qui ont eu le chemin de fer à exploiter se sont posé, qu'on a cherché a résoudre, qu'on n'a pas toujours résolu par un premier
essai et qu'on ne peut quelquefois résoudre que par des tâtonnements
successifs. C’est dans ces limites que la loi sera restreinte dans l'exécution.
Les intentions du gouvernement sont exposées en
détail aux pages 16 et 17 du travail qui vous a été distribué. La chambre
trouvera dans ces explications une garantie contre les abus qu'on pourrait
avoir à craindre. Le gouvernement n'exagérera pas les réductions. Il ne fera
pas même immédiatement usage de tous les pouvoirs qui lui seront conférés. Il
est très probable qu'en même temps que la loi sera promulguée, il se bornera à
prendre une disposition pour appliquer la loi à l'exportation des houilles, par
exemple, et même à l’exportation des houilles vers
Il n'y aura donc pas, comme paraît le craindre un
honorable membre dont les paroles arrivent jusqu'à moi, il n'y aura donc pas
diminution du total de la recette. Le gouvernement procédera de manière à
conserver le total de la recette des rivières et des canaux, tout en augmentant
le mouvement. C'est en effet ce qui est arrivé sur
C'est d'après ces idées que le gouvernement se
conduira. J'ai dit que très probablement la loi recevrait d'abord son application,
quant aux houilles destinées à être exportées en Hollande. Et ici je suis forcé
de répondre à l'objection qui nous a été très souvent présentée par l'honorable
M. Delehaye. L'honorable M. Delehaye nous a dit : « Vous cherchez à placer
dans des conditions plus favorables les industries similaires d'autres
pays. »
D’abord, en Hollande, il ne s'agit pas d'industries
similaires aux industries belges :
Voilà les observations que je crois devoir
présenter, en réponse aux objections qui ont été plusieurs fois produites par
l'honorable M. Delehaye et qui ne reçoivent pas leur application, et cela pour
deux motifs ; c'est d'abord qu’en Hollande il ne s'agit pas d'industrie
similaire aux industries belges, et en second lieu, que quand même il s'agirait
d’industrie similaire, il ne nous importerait pas moins d’arriver sur le marché
hollandais ; car à défaut de la houille belge, ce sera la
houille anglaise qui sera vendue sur' ce marché, à des conditions avantageuses.
M. de Theux. - Messieurs, je ferai d'abord une observation sur la durée de la
loi. Cette durée, si je ne me trompe, est fixée au 1er juillet. Cette époque me
paraît assez mal choisie, parce qu'il est probable qu'avec le renouvellement de
la moitié de la chambre, il sera difficile de s'occuper de cet objet avant le
1er juillet. Je crois qu'il vaudrait mieux adopter une autre époque.
Je ferai maintenant une objection sur le fond.
Nous avons appris qu'en Angleterre on discute des
modifications de douanes très importantes ; il s'agit notamment d'y imposer un
droit à l'exportation du charbon. Je désire que si la chambre accorde au
gouvernement la faculté qu'il sollicite, le gouvernement prenne en grande
considération la taxe qui sera établie en Angleterre. Quant à moi, je souhaite
vivement que nos charbons arrivent sur les marchés où ils ne peuvent avoir
accès aujourd'hui, mais je ne désire cependant pas que le gouvernement perde le
revenu des canaux, alors que le trésor éprouve des besoins et que les revenus
des canaux nous sont nécessaires pour la création d'autres travaux qu'il est
urgent de faire dans d'autres parties du pays.
Je désire donc que le gouvernement n'use de
l'autorisation qui lui serait accordée que dans les limites d'une stricte
nécessité ; qu'il essaie de maintenir autant que possible les revenus du
trésor. Je crois que la disposition qui sera prise prochainement en Angleterre,
favorisera l'exportation de nos houilles ; mais jusqu'a présent il est
impossible de prévoir si cette disposition ne suffira pas pour obtenir le
résultat. C'est ce que le gouvernement aura à examiner,
quand la loi aura passé en Angleterre.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je trouve les observations de
l’honorable préopinant très justes. Je crois même que le gouvernement pourra
prendre cette précaution-ci. Le gouvernement n'est pas tenu d'accorder une
autorisation pour toute la durée de la loi ; le gouvernement peut dire que
pendant trois mois, six mois, jusqu'au premier janvier prochain. par exemple, les houilles qui seront transportées en
Hollande jouiront de telle ou telle réduction. A l'expiration de ce dernier
terme, le gouvernement verra si, par suite du tarif qui aura été adopté en
Angleterre, il faut accorder la même réduction pour l’exportation.
J'ajouterai cependant qu'outre la
concurrence anglaise, nous avons à soutenir en Hollande la concurrence
prussienne.
M. Dumortier. - Messieurs, la question qui est soumise actuellement à vos délibérations
est d'une extrême importance.
Pour ma part, je ne pense pas que nous devions voter
aussi légèrement une pareille loi.
Il s'agit d'abord de déléguer le pouvoir législatif,
Il s'agit, en second lieu, de la possibilité d'une réduction de nos recettes.
En troisième lieu, il s'agit de faire naître de graves conflits entre les
produits du chemin de fer et les produits des canaux. Vous avez pu voir par la
discussion d'hier jusqu'à quel point il est possible que cette dernière
alternative se réalise.
Messieurs je ne pense pas qu'on puisse à la légère
voter la loi. En règle générale, je suis fort opposé à la délégation du pouvoir
législatif. Les représentants du pays ne peuvent pas alors se faire entendre.
Il me semble que si l'on veut faire un essai, on peut le faire aussi bien par
une loi que par une ordonnance, Nous ne devons pas vouloir, messieurs, que le
gouvernement puisse réduire les impôts de l'Etat ; oui, ce qu'on vient
proposer, c'est d'autoriser le gouvernement à réduire les impôts de l'Etat ;
mais si vous autorisez le gouvernement à réduire les impôts de l'Etat, pourquoi
ne l’autoriserait-on pas à les augmenter ? Mais alors votre présence ici est
inutile, et on n'a plus qu'à fermer les portes du parlement.
On dit que la mesure n'est demandée que pour un
certain temps. Mais je ferai remarquer combien il est difficile, pour ne pas
dire impossible, de revenir sur des dispositions qui ont été une fois prises ;
une fois que vous avez réduit les péages sur les canaux et rivières, il est d'une
immense difficulté d'augmenter de nouveau ces droits. De nombreux précédents
sont là pour le prouver.
Messieurs, cette question est d'une très haute
gravité. Dans l'état actuel des choses, il existe, entre les chemins de fer et
les canaux, une pondération telle qu'elle laisse à chaque bassin houiller
l'exportation dont elle était précédemment en possession. Au contraire,
aujourd'hui, on vous demande l'autorisation de réduire les péages sur les
canaux. Mais le ministre va être assailli de toutes parts de demandes de
réduction. Il est impossible que le ministre n'y succombe pas, fût-il un Dieu.
Tous les intéressés l'assailliront, il lui est impossible de résister. Comment
les choses se passeront-elles ? Le jour où vous aurez admis une réduction de
péages sur les canaux pour les charbons de Mons et de Charleroi, vous devez
admettre une réduction de péage sur les chemins de fer pour les houilles de
Liége, afin de contrebalancer la première mesure, Cela est incontestable ; et
ce ne sera que justice, car si vous réduisez les droits sur les canaux de
Plusieurs voix. - Il ne s'agit que de l'exportation.
M. Dumortier. - J'avoue que, s'il ne s'agit que de l'exportation, mon argument perd de
sa force. Mais il subsiste toujours, car les autres exportent aussi, Il
arriverait que Liége voudrait exporter par Anvers, et par cela demanderait la
réduction du péage sur les chemins de fer. Et vous arriveriez à ce résultat
fâcheux de réduire sans avantage pour le pays les recettes du trésor.
Laissez à chaque bassin les avantages que la nature
lui a données, et tout est pondéré, la valeur des propriétés, la valeur des
mines et la valeur des produits. Tout est pondéré sur les avantages qui
existent dans l'état actuel des choses. Si vous admettez la possibilité d'un
mouvement dans cette pondération, vous allez bouleverser toutes les industries.
On dit : Il faut favoriser les exportations de houille, mais nous avons
déjà fait beaucoup pour l’exportation des houilles ; avant la révolution, sous
le roi Guillaume, qui s'entendait fort bien en industrie, il en a donné
beaucoup de preuves, la houille était soumise à un droit de sortie. Elle ne
pouvait sortir sans payer un droit. Et ce droit, pendant l'année qui a précédé
la révolution, avait rapporté un demi-million de florins. Si ce droit avait
continué à être perçu, nul doute que
J'éprouve une grande peine à devoir le dire, cette reconnaissance a été une
série de mesures de plus en plus prohibitives, désastreuses pour votre
industrie. On ne vous en a su aucune espèce de gré de cette mesure. Vous avez
donc déjà fait ce que vous deviez faire, vous avez supprimé les droits de
sortie sur les houilles ; et vous iriez encore réduire les droits sur les
transports ! Mais comment allez-vous marcher ? Tel bassin houiller est situé à
une grande distance des frontières de France et tel autre, le bassin du
couchant de Mons, est situé dans le voisinage des frontières françaises.
Admettez-vous une réduction uniforme ? alors vous
ne faites rien pour l’un ou pour l'autre, mais vous ruinez le trésor public.
Admettez-vous un droit différentiel ? vous donnez un
avantage à un bassin au préjudice de l’autre. Je vois un grand nombre de
difficultés attachées à la mesure qu’on nous propose, et en présence de ces
difficultés, je ne suis pas disposé à déléguer le pouvoir qu’on nous demande,
parce que, quelque discrétion qu’y mette M. le ministre de l'intérieur, les
mesures qu’il prendra en vertu de cette délégation, il lui sera plus tard
impossible d’en revenir. Vous ne pouvez pas donner au gouvernement le pouvoir
de prendre des mesures dont il sera impossible de revenir.
L'honorable M. de Theux disait avec raison : vous voulez construire des
canaux, conservez pour cela les produits des canaux.
On répond : mais depuis qu'on a baissé
les péages sur le canal de
Jamais il n'y a eu empêchement de transport à cause des
frais de transport. Les transports sont aussi considérables que la consommation
le permet.
Ce qui est arrivé pour les canaux de ... et de
Un membre. - Pour l'étranger.
M. Dumortier. - Pour
l'étranger, j'ai répondu. Je parle des péages. J'ai dit que nous avions fait
tout ce que nous pouvions faire en supprimant les droits à la sortie. Voyez ce
qui se passe en Angleterre ; là où il existe une richesse houillère pour
plusieurs siècles, sir Robert Peel vient de proposer d’élever à 4 shilling le
droit sur la houille à la sortie. En Angleterre, il y a toujours eu un droit de
sortie sur la houille. C'est parce que l'on veut que la houille soit à meilleur
marche à l'intérieur qu'à l'étranger. Et c'est le contraire que l'on va créer
ici. Vous arriverez à ce résultat, que l'industriel de Lille et de Roubaix aura
la houille à meilleur marché que l'industriel de Gand et de Tournay. Vous
faites l'inverse de ce que prescrivent les lois les plus vulgaires de
l'économie politique. Vous donnez à l'exportation de la houille une prime
déguisée, au préjudice de notre industrie manufacturière.
En Angleterre, comme je viens de vous le dire, il y a toujours eu un droit
de sortie, pourquoi ? premièrement parce qu'on voulait
que l'industrie nationale eût un privilège sur l'industrie étrangère, ensuite
parce qu'on disait : si l'industrie nous prend nos houilles, c'est parce
qu'elle ne peut pas s'en passer ; alors rien de plus juste que de lui faire
payer ce sacrifice que nous faisons en sa faveur, car c'est un sacrifice que
nous faisons en lui livrant nos houilles. Les mines ne sont pas inépuisables.
On a calculé le temps qu'elles pourraient durer. Les houillères d'Angleterre
ont plus de durée que celles de
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Cette question est extrêmement
simple quand on veut s’attacher aux faits. Nos exploitants de houillères
viennent vous dire ; il y a sur tel marché de
Une voix. – Pourquoi dix francs ?
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le chiffre ne fait rien, il suffit que je signale un exemple. Dès lors
nous ne pouvons pas aller sur le marché de
Passons au second objet. Des industriels viennent dire : Il y a entre la
matière première dont telle ou telle industrie a besoin, quand nous la faisons
venir ici, et la même matière qu’emploient nos concurrents étrangers une
différence de 10 fr. Faites disparaître cette différence. J’indique encore ce
chiffre comme exemple. Il n’y a pas d’autre moyen de faire disparaître cette
différence que par une réduction toujours proportionnellement calculée sur la
partie des frais de transport que le gouvernement reçoit sous le nom de péages.
Je ne dirai pas combien d’industries se rattachent à celle-ci et tous les
profits directs et indirects qui peuvent provenir d’une réduction sagement
calculée, d’après les faits. Je pourrais, parmi ces produits, citer les
patentes des bateliers, etc.
J’avoue que je n’ai pas été médiocrement surpris en entendant M. Dumortier
regretter la suppression du droit de sortie sur les houilles. Je conçois les
droits de sortie sur la matière première que le pays fournit seulement en
quantité suffisante pour ses besoins. Mais quand il en produit tellement en
surabondance qu’on doit en désirer l’exportation, les idées de M. Dumortier ne
peuvent plus recevoir d’application. Comment ! regretter
l’abolition du droit de sortie sur les houilles lorsque nous implorons des
gouvernements étrangers des réductions de droit, des droits très minimes pour
l’entrée de nos houilles ! Mais si vous aviez maintenir le droit de sortie sur
les houilles, qu’aurait répondu le gouvernement français à qui vous demandiez
le maintien des zones pour vos houilles et contre les houilles anglaises. Il
aurait répondu : Commencez pas abolir les droits de sortie sur vos houilles et
par favoriser ainsi la sortie de vos houilles. Comment voulez-vous que
j’admette un système de zones où il y a un droit minime sur vos houilles, si,
lorsque je vous ouvre les portes, vous fermez les portes d’un autre côté. C’est
une position que le gouvernement français ne pouvait accepter, c’était une
conduite contradictoire.
Les idées de l’honorable M. Dumortier sur les droits de sortie ne
s’appliquent qu’aux matières premières que le pays fournit en quantités
tellement minimes qu’on doit les conserver pour l’industrie nationale. Nous
avons des droits de sortie semblables sur plusieurs matières premières ; je
vous citerai les chiffons et les os. Mais je le répète ces idées ne peuvent
s’appliquer à une matière première que le pays fournit en abondance et qui
constitue une grande industrie, une industrie qui existe par elle-même.
Je suis loin de regretter l’abolition du droit de sortie sur les houilles ;
mais je trouve notre tarif actuel irrationnel, en ce qu’il maintient des droits
de sortie sur beaucoup d’autres objets. Comment ! nous
mettons des droits de sortie sur les fers et nous sollicitons du gouvernement
français la diminution des droits sur les fers belges, et nous demandons à
l’Allemagne la diminution des droits d’entrée ou le maintien du tarif sur nos
fers. Je dis que c’est irrationnel ; je suis même au regret de devoir le dire.
M. Dumortier. –
Vous n’aviez qu’à proposer une modification au tarif.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je vous dirai pourquoi le gouvernement ne l’a pas proposé.
Il y a dans le tarif plus de trente objets pour lesquels les droits de
sortie devraient être réduits à un simple droit de balance ; si le gouvernement
ne l’a pas proposé, c’est parce qu’il en résulterait une diminution
considérable dans les recettes et que le gouvernement cherche une compensation
à cette diminution ; mais il vous proposera dans cette session ou dans la
session prochaine l’abolition des droits de sortie sur plus de trente articles.
Il ne faut pas donner à cette disposition la portée qu’y donne l’honorable
M. Dumortier. Il faut voir les faits. Il vous les a fait connaître dans le
travail assez étendu qui vous a été distribué ; il n’ignore pas la
responsabilité qui pèse sur lui ; personne plus que mon honorable collègue des
finances n’a intérêt à maintenir les recettes aussi élevées que possible. Dès
lors, vous avez des garanties suffisantes que le gouvernement se renfermera
dans de sages limites. Je crois donc que la chambre peut, sans danger, voter le
projet de loi. Si elle ne le fait pas, l’hiver prochain les exploitants des
houillères du Hainaut diront : Nous ne pouvons pas travailler ; nous sommes
obligés de renvoyer nos ouvriers ; la houille est amoncelée sur nos rivages,
dès lors, il est inutile d’en extraire de nouvelles. Débarrassez
les rivages du Hainaut et les exploitants des houillères ne pourront plus vous
tenir ce langage l’hiver prochain.
M. Delehaye. – Les
principes que vient de professer M. le ministre sont aussi les miens. Je pense,
comme lui, que c’est une hérésie que d’établir des droits de sortie sur des
objets qui excèdent les besoins de l’industrie, comme de ne pas en admettre
pour les objets qui nous manquent ; ce principe, j’en réclamerai l’application
lorsque nous en viendrons à l’industrie linière. Je m’entendrai à cet égard
avec mes collègues des Flandres.
J’ai dit que je ne concevais pas ces modifications au tarif des péages tant
pour la navigation que pour le chemin de fer, alors qu’il s’agit d’objets qui
doivent servir à nos rivaux en industrie et en commerce. M. le ministre a dit
qu’il n’appliquerait la loi qu’à
J’ai cité Commines (France), il est certain que les houilles qui ont cette
destination pourraient être d’après le projet de loi, transportées à meilleur
marché pour la partie française que pour la partie belge.
Il est vrai que M. le ministre a fait un correctif en disant qu’il
n’appliquerait pas la loi à
Le projet a pour but de faire arriver nos houilles sur le marché hollandais
à meilleur marché que les houilles anglaises. Je donne mon assentiment à cette
mesure. Cependant, il ne faut pas dire que
Vous savez que nous allons chercher les cotons sur les marchés de France et
d’Angleterre. Nous avons donc de plus que
Je ne conçois pas qu’on n’admette pas une réduction pour le transport des
cotons bruts, alors que nous avons à lutter non seulement contre les pays qui
n’ont pas cette matière première, mais encore contre l’Angleterre et
Pour revenir à la houille, je pense qu’on fera très bien de la transporter
au plus bas prix possible ; c’est le moyen de s’emparer du marché hollandais et
d’arriver à une consommation telle qu’on pourra livrer la houille à bien
meilleur marché, non seulement à l’étranger, mais encore dans l’intérieur du
pays. En effet, plus vous fournirez de houille à l’étranger, plus vous recevrez
des droits de navigation et plus aussi vous serez à même de faire des
concessions en faveur de l’industrie nationale.
Pour ces motifs, et eu égard surtout à la déclaration de M. le ministre,
que la loi ne saurait s’appliquer aux exportations en France, je donnerai mon
assentiment à la loi.
M. de La Coste, rapporteur. – La section centrale a eu en grande partie pour but de faire ce que
demande l’honorable M. Delehaye, c’est-à-dire : que le ministre examine à tête
posée les divers produits utiles à l’industrie nationale, et qu’après avoir
examiné ces projets, il propose quelque chose de définitif. En un mot nous
avons été dominés par cette idée que le pouvoir législatif devait être le moins
possible délégué au gouvernement et qu’il fallait ne laissait à la discrétion
du ministre que ce qui était urgent et le mettre en demeure d’arriver le plus
tôt possible avec un projet définitif. Nous avons voulu que cet objet fût
définitivement réglé par la chambre, et que le ministère restât exposé le moins
possible aux réclamations des intéressés.
C’est entièrement dans cette vue que nous avons agi ; c’est encore dans
cette vue que nous avons fixé le terme de la loi au 31 mars, parce que nous
avons pensé que le ministère serait ainsi amené à présenter un projet de loi
définitif dans le cours de la session, au lieu que si l’on fixe le terme de la
loi au 1er juillet, le projet de loi ne sera peut-être présenté qu’à la fin de
la session, et nous serons peut-être dans la nécessité de nous hâter comme dans
la discussion actuelle. Du reste, nous proposons déjà plus que M. le ministre
n’a demandé ; nous ajoutions les trois mois qui se sont écoulés depuis la
présentation du projet de loi.
C’est toujours en vue d’arriver à quelque chose de définitif que nous avons
écarté la seconde partie de la proposition. Nous n’y avons pas vu d’urgence.
(Erratum,
Moniteur belge, n°170 du 19 juin 1842) Quant aux sucres, l’observation
de l’honorable M. Delehaye ne semble pas s’appliquer à la question. Il ne
s’agit pas ici de l’impôt sur les sucres, une autre section centrale de la
chambre s’en occupe en ce moment. Le but que M. le ministre des finances
assigne au projet qu’elle examine est de concilier les intérêts, d’assurer la
coexistence des deux industries. Si maintenant, tout en cherchant à atteindre
ce but, nous accordions, d’un côté une faveur à l’une des deux industries, nous
romprions l’équilibre que nous nous efforçons d’établir.
Sans doute, il y a utilité pour favoriser les eaux-de-vie indigènes, de
faciliter l’exportation ; mais dans le même intérêt, il faut pour que le
combustible puisse arriver aux lieux de consommation, ou plutôt d’emploi
intérieur, dans des conditions aussi favorables qu'aux lieux d'emploi
extérieur.
C'est parce que toutes ces questions nous ont paru fort graves, et parce
que nous n'avons pas cru qu'il y eût urgence, que nous avons proposé à la chambre de différer sa
résolution sur cette seconde partie du projet ; et puis, comme je l'ai dit, il
ne faut pas, sans y avoir mûrement réfléchi, sans avoir balancé tous les
intérêts, déléguer au gouvernement un pouvoir qu'il vaut mieux exercer
vous-même.
En ce qui concerne la première partie du projet, relative à l'exportation,
il nous a paru qu'il y avait urgence, en présence des réclamations très vives
qui avaient lieu ; il y a, entre autres, une pétition qui a été adressée à la
chambre et où l'on insiste sur la nécessité de la mesure, pour pouvoir lutter
sur le marché hollandais. Ces motifs nous ont paru graves.
Je n'entrerai pas dans tous les détails où j'aurais pu entrer, parce qu'il
me semble que la chambre a hâte de terminer. Je crois, du reste, que les
observations que je viens de présenter, jointes à celles qui se trouvent dans
le rapport, suffisent pour que la chambre soit en état de voter.
Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je propose la remise de la discussion à demain. Messieurs, nous
discutons une loi de dégrèvement ; mais nous avons pour demain une loi de
recette. Si, d'une part, le gouvernement consent à voir certaine recette
compromise, il faut que, par compensation, il obtienne des ressources
nouvelles.
- La chambre décide que la discussion est continuée à demain.
M. Delfosse. -
Messieurs, l'honorable M. David m'a prié d'informer la chambre que des motifs
graves le forcent à retourner chez lui, il demande un congé.
- Le congé est accordé.
PROJETS
DE LOI PORTANT MODIFICATION DES LIMITES COMMUNALES ENTRE ESNEUX ET OUGREE D’UNE
PART, ET ENTRE ECCKEREN ET CAPELLE, D’AUTRE PART
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter à la chambre deux projets de loi
: il s'agit de fixer les limites entre les communes d'Esneux et d'Ougrée
(province de Liége) et entre Ecckeren et Capelle
(province d'Anvers). Si je présente maintenant ces projets, c'est pour éviter
les discussions qui pourraient s'élever dans les conseils provinciaux à cette
occasion.
- Ces projets seront imprimés et distribués. Ils sont
renvoyés à l'examen d'une commission qui sera nommée par le bureau.
M. le président.- Les
sections sont convoquées pour être consultées sur une proposition déposée par
M. Zoude, et pour examiner si elles en autoriseront la lecture.
- La séance est levée à 5 heures.