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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 6 juin
1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Rapports sur des pétitions relatives à l’application de la convention
commerciale avec les Etats-Unis, à une demande de construction de route d’Aerschot à Waterloo,
aux inondations de la Meuse dans le Limbourg
3) Motion d’ordre relative aux
mesures envisagées par le gouvernement français quant à l’industrie linière, convention commerciale (Delehaye, Rodenbach, Dumortier, Rodenbach, Nothomb, Delehaye, Dumortier, Nothomb, Rodenbach, Desmet, Delehaye, de Mérode, Delehaye, Nothomb)
4) Projet de loi de loi tendant à apporter des modifications à la loi
communale. Droit de révocation et de suspension du bourgmestre (Nothomb, Dumortier, Verhaegen, Nothomb, Dumortier, Nothomb, Cogels, Orts, d’Huart,
Nothomb, Verhaegen, d’Hoffschmidt, d’Huart, d’Hoffschmidt, Dumortier, Verhaegen)
(Moniteur
belge n°158, du 7 juin 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse fait l'appel nominal à 2 heures.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est
adoptée.
M. de Renesse fait connaître l'analyse de la correspondance :
PIECES ADRESSEES A
« Des habitants de Nivelles et de Braine-Lalleud
demandent la révision des lois concernant les barrières et les ponts à
bascules. »
« Le sieur Jean Emouts, fondé de pouvoirs du
sieur Mottard, propriétaire à Tongres, expose que le
sieur Mottard a fait, il y a 12 ans, une demande en
concession de mines de houille sous ses propriétés, que toutes les formalités
ont été remplies depuis longtemps et qu’il ne peut obtenir de décision ; il
réclame à cette fin l'intervention de la chambre. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Zoude. - Je viens présenter à la chambre le prompt rapport qu'elle a demandé sur
les pétitions suivantes :
« Le sieur Retsen, armateur à Anvers, se plaint
des droits que la douane des Etats-Unis a imposés à son navire, commandé par le
capitaine Verseleht, partant de Buenos-Ayres. »
Le pétitionnaire vous entretient d'un fait d'une haute gravité, c'est que
son navire, contrairement à nos conventions avec les Etats-Unis, y aurait été
frappé d'un droit de douane de 1360 fr., qui, pour tout autre pavillon,
n'aurait été que de 160 fr.
Toutefois, une partie de cette énorme différence disparaîtrait, si le
tonneau de mer, qui, chez nous, est de 1 ½ mètre, n'était que d'un mètre aux
Etats-Unis. Et votre commission serait portée à croire qu'il pourrait y avoir
eu quelqu'erreur de ce chef, parce que le pétitionnaire dit que le jaugeage de
son bâtiment n'a pas été fait aussi équitablement qu'en Belgique, mais hors
d'une proportion raisonnable.
Quoi qu'il en soit, il n'en reste pas moins avéré qu'en admettant une
erreur dans la vérification du tonnage, la surtaxe serait encore assez
considérable pour légitimer le recours à la voie de représailles ; mais un
pareil extrême ne peut être tenté qu'après avoir épuisé tous les autres moyens
de redressement qui sont dans le pouvoir comme dans le devoir du gouvernement.
C'est pour que cette pétition soit soumise à son attention sérieuse, que
votre commission a l'honneur de vous proposer son double renvoi à MM.. les
ministres de l'intérieur et des relations étrangères.
M. Rogier. - Je demanderai si le pétitionnaire, avant de s'adresser à la chambre, a
fait d'abord une réclamation auprès du gouvernement.
M. Zoude. - Il n'en est rien dit dans la pétition, mais son objet est assez important
pour être soumis au gouvernement, soit directement, soit par l'intermédiaire de
la chambre.
M. Rogier. - C'est parce que l'objet de la pétition est important que je demande si le
pétitionnaire s'est adressé au gouvernement.
M. Zoude. - La pétition ne le mentionne pas.
- Les conclusions de la commission sont adoptées.
_______________________
M. Zoude. - Les conseils communaux de Hersselt
et d'Aerschot demandent que l'on construise une route
pavée d'Aerschot à Waterloo, passant par le centre de
la commune de Hersselt.
Le besoin de communication généralement senti est éprouvé d’une manière
plus pressante dans les provinces où l'ingratitude du sol réclame davantage la
puissance des engrais.
L’Etat est toujours largement indemnisé des dépenses que ces constructions
entraînent, mille voies indirectes les font rentrer au trésor ; il est donc de
l'intérêt général de favoriser la création des routes ; votre commission,
dirigée par ces principes, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette
pétition à M. le ministre des travaux publics.
- Ces conclusions sont adoptées.
______________________
M. Zoude. - « Les conseils communaux d'Ophoven et de
Zesseniet demandent que le gouvernement fasse
principalement exécuter les travaux de défense nécessaire pour empêcher les
débordements de
Cette
pétition est très importante. La commission en propose le renvoi au ministre
des travaux publics..
- Ces conclusions sont adoptées.
MOTION D’ORDRE RELATIVE AUX MESURES ENVISAGEES PAR LE GOUVERNEMENT FRANCAIS
QUANT A L’INDUSTRIE LINIERE
M. Delehaye. - Je
comptais ne pas interrompre la discussion actuelle et laisser marcher les
travaux de la chambre, jusqu'à ce qu'elle ait pris une décision sur tous les
projets modificatifs de la loi communale qui lui sont soumis ; alors seulement
je me proposais de faire une interpellation au gouvernement sur nos relations
commerciales. Cependant je vois qu'il pourrait encore y avoir quelque retard et
que plusieurs jours au moins s'écouleront avant que le dernier de ces projets
ne soit voté. Aujourd’hui mes devoirs me forcent à rompre le silence.
Il est certain, d'après les nouvelles arrivées de France que le
gouvernement de ce pays est sur le point de prendre une disposition très grave
à l'égard d'une des principales industries des Flandres. Je demanderai à la
chambre la permission d'adresser au gouvernement quelques interpellations sur
ce projet et de renouveler quelques-unes de celles que j’ai faites à l’une de
vos précédentes séances. Mais attendu que M. le ministre des affaires
étrangères n'est pas présent, je prierai la chambre de me permettre de fixer à
demain mes questions. D'un autre côté, j'apprécie toute la circonspection que
le gouvernement doit mettre dans ses réponses, j’indiquerai dès à présent quels
sont les points sur lesquels je me propose de provoquer des explications.
Mes interpellations porteront surtout sur les dispositions que le
gouvernement français est sur le point de prendre à notre égard et sur
le résultat des négociations diplomatiques entamées avec
M. Rodenbach.- Je
crois que tout en voulant favoriser l'industrie linière, l'honorable préopinant
pourrait lui faire plus de mal que de bien, par les interpellations qu'il se
propose d'adresser demain au gouvernement.
Je partage l'opinion que si le gouvernement français prend des mesures
hostiles à votre industrie, il nous faudra prendre des mesures de représailles.
Mais il faut attendre que des actes aient été posés par le gouvernement
français.
Il a été question parmi plusieurs députés des deux Flandres de se réunir et
de présenter un projet de loi, tendant à prohiber les vins par voies de
terre. C'est une mesure que le ministre pourrait prendre en vertu de la loi de
douane de 1842. Nous voudrions atteindre aussi le commerce de Paris, de Lyon et
de Rheims. Je pense que si un projet de loi était
déposé dans ce but, l'honorable préopinant s'empresserait de le signer. Mais
pour le moment toute proposition semblable pourrait nuire aux négociations
entamées entre
Pour ne pas nuire à ces négociations, je m'entendrai avec
l'honorable membre qui se propose de faire des interpellations.
On vient de dire que, par une ordonnance, le gouvernement français doit
augmenter les droits sur les fils et sur les toiles. Si cela a lieu, nous
prendrons des mesures de représailles efficaces.
Le temps sera venu quand nous verrons qu'on veut anéantir notre industrie,
d'avoir recours à des mesures de rigueur. Mais je prierai l'honorable membre d'attendre que des mesures aient été prises en France.
M. Dumortier. - Je
suis au regret de l'incident qui vient d'être soulevé. Il est imprudent de
parler de mesures de représailles aussi longtemps qu’on ne sait pas positivement ce qu'on fera.
M. Rodenbach. - On
le sait, ce qu'on fera, cela a été dit en pleine chambre.
M. Dumortier. - De ce qu'on l'a dit en pleine chambre il n'est pas certain qu'on le fera.
Qu'on attende au moins les événements avant de s'expliquer. L'intérêt
de notre commerce et de notre industrie nous commande de garder le silence
jusqu'à ce que nous sachions ce qu'on fera dans un pays voisin.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il est vrai que le gouvernement français se
propose d'élever, par ordonnance à la suite de la clôture de la session, le
droit sur les fils et les toiles. (Mouvement
et exclamation). Ce fait est constaté aujourd'hui par les débats même de la
chambre des députés où des interpellations ont été adressées au ministère. Le
gouvernement belge est instruit de ces intentions depuis plus d'un mois. Le
gouvernement français désire pouvoir ne pas appliquer à
D'ici là, il faut l'espérer, il aura été conclu un arrangement tel que
M. Delehaye. - Depuis quelques jours, je me suis entendu avec quelques collègues pour
préparer un projet de loi ayant pour objet des mesures de réciprocité à prendre
contre les produits français. Mais, partageant l'avis émis par M. Dumortier,
j'ai engagé mes honorables collègues à attendre, pensant qu'il valait mieux
adresser au ministère des interpellations sur ce qui s'est passé en France et
en Espagne, les deux pays qui constituent nos principaux débouchés.
Nous venons d'apprendre que le gouvernement négocie sur un point, celui de
savoir s'il y a une possibilité d'excepter
Messieurs, pour peu qu'on ait des notions de droit international, qu'on
sache ce qui se passe de nation à nation, on trouvera inconcevable l'espoir que
Comme j'ai déjà
eu l'honneur de vous le dire, mon intention n'était pas de provoquer, de la
part du gouvernement, une réponse dangereuse, car j'ai dit que, par
circonspection et par prudence, j’indiquais dès aujourd'hui les points sur
lesquels je me proposais d'adresser des interpellations. C'était bien là agir
de manière qu'on pût me répondre, sans qu'aucune parole pût être mal
interprétée.
Messieurs, dans une séance mémorable du sénat, M. le ministre des affaires
étrangères, faisant alors partie de l'opposition, disait que l’un des motifs
qui le forçaient à retirer sa confiance au précédent ministère, c’était
l’impossibilité où était le gouvernement de tirer notre commerce et notre
industrie de la position mauvaise dans laquelle se trouvent ces deux branches
de notre richesse.
C'est là, disait-il, le motif le plus puissant. Eh bien, tout le monde a
applaudi à ces motifs ; ceux même qui avaient vu arriver au pouvoir des hommes
tout a fait nouveaux se sont réjouis de cette déclaration, On s’en prenait à
l'ancienne administration qui n'avait pas, disait-on, une majorité suffisante
pour améliorer notre position
commerciale et industrielle. Depuis 14 mois que la nouvelle administration est
aux affaires, nous ne sommes guère plus avancés. Des négociations sont entamées
depuis longtemps avec
Messieurs, il n'y a pas de pays constitutionnel où le commerce et
l'industrie soient dans une position aussi déplorable qu'en Belgique : elle me
défend, messieurs, de provoquer quelque explications qui puisse embarrasser la
marche du gouvernement ; que s'il avait été fidèle à la déclaration qu'il vous
a faite dans le principe, il aurait cherché par des moyens efficaces et énergiques
à relever notre commerce et notre industrie. Dans ce cas, je lui aurais donné
mon appui.
Mais, puisque depuis qu'il est au pouvoir il n' a absolument rien fait, que
toutes ses promesses ont été des déceptions, et que nous sommes à la veille
d'être frappés dans notre industrie la plus vitale, il serait incompréhensible
que la chambre ne m'eût point permis de faire au ministère les interpellations
que je me proposais de lui adresser. Je le répète, ces explications n'auraient
eu rien de dangereux, et je me serais comporté avec toute la réserve que le
sujet comporte.
Messieurs, député des Flandres, j'ai pu apprécier la misère qui règne
aujourd'hui dans cette province ; cette situation malheureuse qui vous a été
également signalée par d'autres honorables collègues, est le résultat du défaut
d'énergie de notre gouvernement vis-à-vis des pays qui nous entourent.
Or, je le répète, cette industrie va recevoir un nouveau coup qui
l'anéantira complètement. J'ai cru de mon devoir d'appeler l'attention du
gouvernement sur ce point, et le gouvernement aurait, d'après moi, le plus
grand tort de ne pas se prêter à mes explications. Cette faute serait d'autant
plus grande qu'alors que l'on s'apprête à sacrifier une partie notable de nos
prérogatives communales, le pays apprendrait avec plaisir qu'il va trouver une
compensation dans ses intérêts matériels.
Au reste, messieurs, la réponse de M. le ministre de l'intérieur me fera
ajourner toute nouvelle interpellation, bien convaincu d'ailleurs que ce qu'il avance ne se réalisera pas plus que ses précédentes
promesses.
M. Dumortier. -
Messieurs, sans doute, on ne peut contester à un membre de cette chambre le
droit de faire des interpellations au gouvernement, surtout dans une matière
aussi grave que celle qui est soulevée en ce moment ; mais je répète ce que
j’ai dit tout à l'heure, il faut s'exprimer avec beaucoup de réserve sur un
pareil sujet. L'on comprend que, lorsque nous discutons les rapports
commerciaux avec une nation aussi puissante, aussi susceptible, aussi jalouse
de ses droits que l'est
Messieurs, j'ajouterai maintenant quelques mots.
Comment,
dit l'honorable M. Delehaye, voulez-vous que
L'Angleterre a, il est vrai, apporté quelques légères réductions sur
certains produits français, mais de son côté
Depuis quelques années, les variations du tarif français ont eu lieu de
telle manière que l'importation en France des produits manufacturés anglais a
quadruplé au lieu que les produits manufacturés de Belgique se sont vus frappés
de droits de plus en plus élevés. C'est là un excellent argument que le
gouvernement belge peut faire valoir auprès du gouvernement français, et l'on
est trop juste et trop éclairé en France pour ne pas l'apprécier. On répondra
que
Il me semble que le gouvernement doit insister sur ce que
chaque année
Je me résume. Il est nécessaire d'apporter une
extrême réserve dans ces discussions. J'engage mes honorables collègues, dans
l'intérêt de l'industrie qu'ils défendent avec tant de chaleur et de vérité, à
mettre un terme à cette discussion.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne puis laisser sans réponse certaines observations de l'honorable M.
Delehaye. A en croire cet honorable membre, on devrait supposer que le sort du
commerce et de l'industrie aurait empiré depuis l'avènement et en quelque sorte
par l'avènement du ministère actuel. Ce n'est pas une question de personnes, ni
de ministère. Nos relations avec l'Espagne ont subi une grave altération. Si je
voulais être injuste à mon tour, je dirais que ce fait ne date pas de
l'administration actuelle. La loi du 6 mai 1841, qui a rendu aussi favorables nos
relations commerciales avec
Je regrette que mon honorable collègue des affaires
étrangères ne soit pas présent. Il vous aurait soumis les mêmes réflexions que
j'ai eu l'honneur de vous soumettre. Il vous aurait dit comme moi que le
gouvernement s'efforce de faire en sorte que l'ordonnance qui doit être rendue
ne soit pas appliquée à
M. Rodenbach. - Je
partage l'opinion de l'honorable M. Dumortier, qu'il faut beaucoup de réserve
dans cette discussion. Mais puisque l'ordonnance va paraître, comme vous l'a
dit M. le ministre de l'intérieur, s'il n'est pas fait une exception pour
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Si la session est close en Belgique.
M. Rodenbach. -
Oui. Je la suppose close ; car sous peu de jours la chambre ne sera plus en
nombre ; il lui sera difficile de terminer les lois dont elle a commencé
l'examen. Je ne suppose pas que la chambre reste réunie au-delà du 15 ou du 20
de ce mois. (Ce que j'en dis n'est pas pour moi-même ; car je ne suis jamais un
des premiers à partir). Je dis donc que lorsque les chambres se seront
séparées, le gouvernement, armé de la loi du tarif de 1822, pourra recourir à
des mesures de représailles, si
M. Desmet. - Je
suis de l'opinion de l'honorable M. Dumortier qu'il faut agir avec réserve pour
tout ce qui concerne le tarif des douanes, surtout peut-être quand il s'agit
d'un pays voisin avec lequel nous avons des liaisons de commerce assez
étendues. Mais je ferai cependant observer que notre réserve dure un peu
longtemps, puisqu'elle n'a pas eu d'effet favorable pour nous. Depuis quelques
années, nous avons fait de grandes concessions en faveur de
Et quand on espère que dans la mesure que le gouvernement français va
prendre comme il l'a promis à la chambre des députés,
Plusieurs membres. - L'ordre du jour !
M. Delehaye. - Je conçois très bien que la chambre désire aborder son ordre du jour. Je
me bornerai donc à dire que je crois que, par considération pour l'Angleterre,
le gouvernement français ne nous accordera pas l'exception que nous demandons,
parce que, pour obtenir ces concessions nous aurions dû prendre des mesures
préliminaires à toute négociation. Je tiendrai compte au gouvernement de sa
bonne volonté, mais cela ne suffit point. Quoi qu’il en soit, comme je ne veux
pas qu'on me reproche de ne pas avoir prévu le résultat de nos négociations, je
tiens à déclarer qu'elles n'amèneront rien de favorable. Ce que dit M. le
ministre ne tend qu'à nous éblouir sur notre position el à ajourner toute
explication. L'exception qu'on veut demander à
Il n'y a pas d'exemple de pareille mesure. En parler est une duperie de
plus. Comme je veux y rester étranger, je suis fort aise de faire cette
déclaration. Il y avait un moyen de réussir. C'était d'admettre vis-à-vis de
l'Angleterre des mesures à peu près analogues à celles que
M. de Mérode. - Je
ne puis concevoir à quoi servent les interpellations de l'honorable M.
Delehaye. Il dit que le gouvernement ne peut rien obtenir. Alors que
demandez-vous ? Vous concevez que
M. Delehaye. -
J'ai dit que vous n'obtiendriez rien de
Je crois que l'avenir de
S'il en était ainsi, je ne désespérerais
pas de l'avenir de
Messieurs, que
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La seule mesure douanière dénotant quelque énergie, pour me servir de
l'expression de l'honorable M. Delehaye, a été prise par le ministère actuel ;
c'est l'arrêté du 26 juillet dernier, convertie en disposition législative par
la loi du 25 février de cette année.
Quoi qu'il en soit, il est possible que l'ordonnance soit prise, sans
exception en faveur de
M. d’Huart. - Il
y a des précédents pour l'exception.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La tentative n'est pas un leurre de la part du gouvernement belge. La
possibilité de l'exception a été supposée par le gouvernement français
lui-même. C'est dans cette supposition que nous avons ouvert avec lui une
négociation spéciale.
M. Dubus (aîné)
remplace M. Fallon au fauteuil.
PROJETS
DE LOI TENDANT A APPORTER DES MODIFICATIONS A
Discussion
des articles
Article premier
M. le président. - La
discussion continue sur l'art. 2 ainsi conçu :
« Art. 2. (Projet du gouvernement). La mention du bourgmestre est
retranchée de l'art. 56, et il est placé en tête de cet article la disposition
suivante :
« Le Roi peut suspendre ou révoquer le
bourgmestre. »
« Art. 2. (Projet de la section centrale). La
disposition suivante est placée en tête de l'art. 56. « Le Roi peut
suspendre ou révoquer le bourgmestre. » La mention du bourgmestre est
retranchée du même article.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - En déposant l'amendement dont il s'agit, j'ai déjà fait connaître à la
chambre quels sont ce qu'on peut appeler les précédents de la question.
Néanmoins, je crois devoir en peu de mots y revenir.
On a paru croire dans la séance de
samedi que cet amendement se rattachait si intimement au système de M. Malou,
que ce système étant maintenant rejeté, l'amendement vient à tomber, c'est là
une erreur.
Cette proposition ne se rattache pas aussi intimement au système qu'avait
proposé l'honorable M. Malou ; il n'en fait pas partie intégrante, si je puis
m’exprimer ainsi.
Je vais maintenant, messieurs, considérer la proposition dans ses rapports
avec la seule proposition à laquelle cet amendement se rattache.
Il y a eu, messieurs, dans les longues discussions qui ont précédé
l'adoption de la loi du 30 mars 1836, deux phases. Dans la première phase on
avait adopté la proposition accordant au Roi le choix du bourgmestre, soit dans
le conseil, soit hors du conseil. On avait également adopté la proposition
accordant au Roi le droit de révocation du bourgmestre. Dans la seconde phase
de la discussion, la proposition qui accordait au Roi le droit de nommer le
bourgmestre hors du conseil a été rejetée ou abandonnée, et c'est dans cette
seconde phase de la discussion que l'on a adopté l'art. 56 actuel. Je vais,
messieurs, entrer dans quelques détails sur ces faits.
Le droit de choisir le bourgmestre hors du conseil a été deux fois adopté
par la chambre, le 13 mars 1835, et le 17 mai
Le premier projet présenté par le gouvernement en 1835, consacrait le
principe de la révocation des bourgmestres et des échevins par le Roi. On
mettait, remarquez-le bien, messieurs, le bourgmestre et les échevins sur la
même ligne quant à la révocation ; on ne faisait aucune distinction. La section
centrale a adopté la proposition sans faire de distinction. Toutefois elle
faisait remarquer dans son rapport que la proposition n'avait été adoptée quant
aux échevins qu'après de vives discussions et à la majorité, je crois, de
quatre voix contre deux.
Je le répète donc, aucune distinction n'était faite
jusque-là ; quant à la révocation on plaçait le bourgmestre et les échevins sur
la même ligne, les uns et les autres étaient à la révocation du Roi.
La distinction a été proposée pour la première fois dans
la séance du 29 juillet
Cette distinction, messieurs, a été à cette époque vivement combattue par
MM. les ministres de la justice et de l’intérieur d'alors ; ils ont pensé qu'il
ne fallait pas faire de distinction : que le Roi devait avoir la révocation du
bourgmestre et des échevins, et qu'il fallait placer ces agents sur la même
ligne. La distinction a été néanmoins admise, et la chambre a adopté à la
majorité de 52 voix contre 15, un amendement accordant au Roi la révocation
du bourgmestre et réservant à la députation celle des échevins.
Ainsi, messieurs, si nous rapprochons les deux questions que je posais tout
à l'heure, l'une qui concerne la nomination, l'autre la révocation, voilà
quelle était, après ce vote, la situation où nous nous trouvions : le Roi avait
le droit de choisir le bourgmestre soit hors du conseil, soit dans le conseil ;
il avait la révocation du bourgmestre, et on réservait celle des échevins à la
députation.
Eh bien, messieurs, c’est à cet état de choses qu'il s'agit aujourd'hui de
revenir.
Au commencement de février 1836, la faculté accordée précédemment au Roi de
nommer le bourgmestre hors du conseil a été rejetée ou abandonnée ; on s'est
placé dans le système d'après lequel le bourgmestre devait être choisi
exclusivement dans le conseil. C'est alors, messieurs, c'est dans ce second
système, dans cette seconde phase de la discussion, que l'honorable M.
Gendebien a proposé l'amendement qui est devenu l'art. 56 de la loi du 30 mars
1836. On a supposé, messieurs, que le bourgmestre et les échevins étant placés
sur la même ligne quant à la nomination, il fallait aussi qu'ils le fussent
quant à la révocation ; et ne voulant pas donner au Roi la révocation des
échevins, on a été amené à dénier également au Roi la révocation du
bourgmestre. Voilà, messieurs, comment les choses se sont passées.
La marche des discussions a donc été celle-ci : D'abord le gouvernement a
réclamé le droit de révoquer les bourgmestres et les échevins ; on luttait
alors pour la conservation de ce double droit. Une discussion a été proposée
par l'honorable M. de Theux, le 20 juillet 1834 ; cette discussion, bien que
combattue par M. le ministre de l'intérieur et M. le ministre la justice
d'alors, a été admise par la chambre. Il a été décidé à une majorité imposante,
52 voix contre 15, que le Roi aurait la révocation du bourgmestre et que la
députation aurait celle des échevins. Quand la chambre s'est trouvée placée
dans un autre système, celui d'après lequel le Roi doit nécessairement choisir
dans tous les cas le bourgmestre dans le conseil, quand cette nouvelle phase a
été ouverte, la chambre a admis l'article 56. Celte nouvelle phase, nous
en sommes sortis par le vote de samedi et nous sommes rentrés dans la première
phase de la discussion.
Nous ne vous demandons pas autant ce que demandaient M. le ministre de
l'intérieur et M. le ministre de la justice en juillet 1834 ; nous vous
demandons de rétablir la distinction faite à cette époque et d'accorder de
nouveau au gouvernement, comme on l'accordait alors, le droit de révocation du bourgmestre, en laissant subsister quant aux échevins
l'art. 56.
M. Dumortier. -
Messieurs, M. le ministre vient de vous exposer l'historique des votes de la
chambre, relativement à la question de la suspension et de la révocation des
bourgmestres. Mais il n'a traité qu'une partie, à mes yeux assez minime, de
cette question, celle de savoir quelle est l’autorité qui révoquera le
bourgmestre et les échevins.
Pour mon compte, si l'on veut aujourd'hui modifier la loi communale
en ce sens que c'est le Roi qui prononcera la révocation ou la suspension du
bourgmestre dans les termes de l'art. 56, je suis prêt à y donner mon
assentiment ; dès l'instant que vous admettez que c'est le Roi qui nomme, je
veux bien également que ce soit le Roi qui révoque ou suspende le bourgmestre.
Mais là, messieurs, n'est pas la question. A mes yeux la question est de
savoir quelles seront les conditions imposées à la révocation ou à la
suspension. Faut-il que la révocation ou la suspension ait lieu de plein droit
sans devoir la justifier par aucun motif ? Faut-il, au contraire, que la loi
désigne les motifs pour lesquels la révocation ou la suspension peut être
prononcée ? Là, messieurs, est toute la question à mes yeux.
Or, remarquez-le bien, la chambre a toujours décidé que la révocation ou la
suspension ne pourraient être exercées que pour inconduite notoire ou pour
négligence grave. Voilà, messieurs, ce que portaient les anciens règlements du
roi Guillaume ; voilà ce que porte l'art. 56 de la loi communale. Si, messieurs,
vous jetez les yeux sur les anciens règlements des villes du plat pays sous le
roi Guillaume, vous verrez que c'est ainsi que la révocation était donnée au
gouvernement ; les expressions que nous avons employées, c'est dans ces
règlements que nous les avons prises. Je pense qu'il n'est pas dans l'intention
de la législature de faire ici une loi qui pressure les fonctionnaires
davantage qu’ils ne l'étaient sous le roi des Pays-Bas, alors que les
réclamations de tout le pays s'élevaient contre les mesures de
compression d'alors.
Messieurs, remarquez, je vous prie, la différence de système.
Sous le système de l'honorable M. Malou, je concevrais
que l'on demandât la révocation ou la suspension pure et simple du bourgmestre.
Car alors le bourgmestre était nommé à vie ; il était en dehors du conseil et
par conséquent il n'y avait pas pour lui de sortie périodique. Dès lors il
était nécessaire que le gouvernement pût mettre un jour un terme à ses
fonctions ; car on ne peut prétendre qu'un homme qui a 70, 80 ou 90 ans, reste
bourgmestre. Dans ce cas il n'y avait qu'un seul moyen : la révocation ou la
suspension par le gouvernement.
Mais ce système a été écarté ; il ne peut plus se présenter. Vous êtes
rentrés, sauf une modification, dans les termes de la loi communale elle-même.
Aujourd'hui le bourgmestre sera pris dans le sein du conseil ; il pourra être
pris en dehors ; mais comme l'a dit M. le ministre de l'intérieur, ce sera une
très rare exception ; il s'agit bien plutôt ici d'une menace adressée aux
électeurs qui voudraient éliminer un bourgmestre.
En général donc le bourgmestre aura un mandat limité, il ne durera que six
années ou huit années dans la supposition de l'adoption de l'amendement de M.
de Theux. Dès lors, je ne puis comprendre pour quel motif nous irions donner au
gouvernement un droit de révocation ou de suspension qui ne serait justifié par
rien, qui ne serait pas en harmonie avec la loi que vous faites et qui serait
une violence bien plus grande que celle qui existait sous le gouvernement
précédent.
Je le répète, et j'appelle l'attention de la chambre sur ce point, d'après
les règlements du roi Guillaume, règlements que le pays avait réprouvés, le
bourgmestre ne pouvait être révoqué de ses fonctions que pour les cas indiqués
par l'art. 56 de la loi communale. Cependant alors il y avait de la police et
l'administration marchait.
Pourquoi
donc voulez-vous maintenant aller beaucoup au-delà du système du roi Guillaume
lui-même ? Remarquez que l'on ne peut citer aucune espèce de motif pour changer
ce qui existe. Si vous consultez l'histoire du pays, vous voyez qu'on n'a
jamais, comme en Belgique, de système semblable à celui qu'on propose. C'était
un axiome en Belgique, que quand le souverain nommait un simple sergent, il nommait
son maître. Pourquoi ? Parce que dès qu'il l'avait nommé, il n'avait plus le
droit de le révoquer ou de le suspendre, si ce n'est conformément aux
prescriptions de la loi. Et l'on propose ici une disposition qui permettrait au
gouvernement de révoquer ou de suspendre les bourgmestre sans aucune espèce de
motif, avec l'arbitraire le plus grand, le plus illimité !
Messieurs, dans une séance précédente, M. le ministre de l'intérieur, en
répondant au discours, que j'avais prononcé, a dit que dans le temps, j'avais
été prophète et que mes prophéties ne s'étaient pas réalisées. Si M. le
ministre de l'intérieur entend appliquer ce que j'ai dit dans la première
discussion à ce qui concerne la nomination des bourgmestres, alors je ne
conteste pas que je me serais trompé, mais lorsqu'en 1834 j'ai dit que le
système proposé mettrait les élections entre les mains du gouvernement, j'ai
surtout parlé du droit de révocation et de suspension, qui serait l'épée de
Damoclès suspendue constamment sur la tête des magistrats municipaux. Eh bien,
la chambre a toujours repoussé ce droit comme une chose anti-nationale ; ce
droit n'a pas même existé sous l'ancien gouvernement avec l'extension qu'on
veut lui donner aujourd'hui. En vérité, ce serait l'épée de Damoclès suspendue
en permanence sur la tête des magistrats municipaux. Lorsque le jour des
élections viendrait et qu'on ne trouverait pas les agents communaux assez
complaisants, on aura soin de faire usage de ce droit ; on menacera alors de la
révocation ou de la suspension tous les bourgmestres qui ne voudront pas se
montrer dans les élections les agents serviles du gouvernement, qui ne voudront
pas consentir à fausser la représentation nationale.
J'avais donc raison de dire, messieurs, que l'article qui nous occupe est
de la plus haute importance, de la plus haute gravité. J'insiste sur ces
considérations et je vous adjure de ne pas accueillir la disposition qui nous
est soumise. Cette disposition est d'ailleurs inutile aujourd'hui, puisque la
proposition principale à laquelle elle se rattachait a été rejetée et ne peut
plus être représentée. Nous ne pouvons maintenant accorder au gouvernement que
le droit de révoquer ou de suspendre les bourgmestres qui seraient pris en
dehors du conseil ; mais quant aux autres, nous devons maintenir la législation
actuelle. Je ne donnerai donc pas mon assentiment à la proposition qui nous
consacrerait un arbitraire inconnu en Belgique, même sous l'ancien
gouvernement.
(Moniteur belge n°159, du 8 juin
1842) M. Verhaegen. - Je partage l'avis de 1'honorable M. Dumortier quant à la nécessité de
donner les motifs à la révocation ou à la suspension, dans les limites tracées
par l'art. 56 ; cela est en tous points conformes aux anciens règlements
hollandais, mais en même temps je suis d'avis (et je pense que l'honorable
membre partage mon opinion sur ce point ; du moins la dernière phrase de son
discours me le fait croire) que le droit de révocation et de suspension sans
l'avis conforme de la députation ne peut être donné au gouvernement qu'autant
que le bourgmestre aura été pris en dehors du conseil. C'est là, messieurs, la
véritable thèse, et cette thèse, je vais l'établir, est celle de M. le ministre
de l'intérieur, non pas de M. le ministre de l'intérieur dans ce qu'il a dit
aujourd'hui et à quelques séances précédentes, mais de M. le ministre de
l'intérieur dans ce qu'il a dit à la séance du 14 mai. Pour le prouver, je
prendrai le Moniteur. Messieurs, j'attache fort peu d'importance dans le
moment à ce qui s'est passé en 1834 et en 1835, et je ne reviendrai pas
maintenant à ces discussions ; nous en avons fait emploi dans d'autres instants
lorsqu'il s'agissait de la question principale. Nous avons succombé alors dans
notre système, et aujourd'hui que nous avons succombé on invoque contre nous
ces mêmes discussions ; c'est trop commode d'en user ainsi. Sur le point
principal, M. le ministre de l'intérieur ne voulait pas qu'on invoquât la
discussion de 1834 et de 1835, et aujourd'hui qu'il a obtenu ce point
principal, il revient, lui, à cette discussion de 1834 et de 1835 pour y puiser
des arguments relativement à une question secondaire. Je sais bien du reste
qu'en 1834 et 1835 il y a eu, à cet égard, différence d'opinion, mais en 1836,
on a compris que l'on avait eu tort et l'on a accueilli à une assez grande
majorité aussi, puisque l'on parle de grande majorité, l'amendement de
l'honorable M. Gendebien ; c'est cet amendement qui fait l'art. 56 de la loi,
et c'est cet amendement qui doit encore suffire ; mais aujourd'hui, en mettant
à côté de la règle, une exception commandée par le vote de l'amendement dont
nous devons subir les conséquences, je m'efforcerai, moi, à vous représenter
les phases de la discussion actuelle, et quoique M. le ministre de
l'intérieur attache fort peu d'importance au Moniteur, c'est encore au Moniteur
que je vais avoir recours.
Vous vous rappelez, messieurs, le projet primitif de M. le ministre de
l’intérieur. Ce projet était excessivement simple, car ses motifs portaient
qu'il ne fallait faire qu'un très petit changement à la loi communale, que tout
le reste était maintenu ; d'après ce projet il ne s'agissait tout bonnement que
de donner au Roi la nomination du bourgmestre en dehors du conseil pour des
motifs graves et la députation permanente du conseil provincial entendue.
C'était là la seule modification que demandait M. le ministre de
l'intérieur ; il n'en voulait point d'autre. La section centrale s'occupe de ce
projet et elle aussi, y attache fort peu d'importance, comme j'ai déjà eu
l’honneur de le faire remarquer, d'après le rapport de l'honorable M. de Theux,
que je tiens ici en main ; la section centrale adopte le projet sauf qu’elle
retranche les motifs graves et l'avis de la députation. Voilà la deuxième phase
de la discussion. M. le ministre de l'intérieur se rallie au projet de la
section centrale ; il avoue qu'il ne pense plus qu'il faille des motifs graves
ni qu'il faille entendre la députation du conseil provincial ; on lui a fait
voir qu'il avait tort, il renonce à son projet et adopte le projet de la
section centrale.
Mais cette observation qui avait été faite dans la section centrale fit
faire des réflexions à M. le ministre ; on avait proposé beaucoup plus que ce
qu'il avait demandé, et de son côté il voit le moyen de renforcer encore
davantage le pouvoir central. C'est alors qu'ouvrant la discussion sur le
projet de loi dont nous nous occupons, M. le ministre de l’intérieur, en nous
disant qu’il se rallie au projet de la section centrale, nous fait connaître
l’intention qu'il a de proposer encore un petit article quant à la révocation
et à la suspension des bourgmestres ; mais remarquez-le bien, l’article qu'il
nous propose n’est que pour le cas ou le principe de la nomination, tel qu’il
vient d'être adopté par la section centrale, sera définitivement accueilli par
la chambre.
Je sais bien que l’on me répondra encore que le Moniteur ne fait
rien, que ce que l’on a dit précédemment ne fait rien. Qu'on s'éclaire tous les
jours de plus en plus. Je sais bien que c'est là l’observation banale de M. le
ministre de l'intérieur, mais il m'importe à moi messieurs, de vous faire voir
ce que M. le ministre a voulu, ce qui était dans son intention et de quelle
manière il avait circonscrit la question ; dans la séance du 12 mai, M. le
ministre de l'intérieur s'explique ainsi :
« M. le président, je me rallie à la rédaction de la section centrale,
je proposerai cependant une addition en ce qui concerne la révocation du
bourgmestre. Le bourgmestre pourra être révoqué par le Roi si le principe de
la nomination par le Roi est admis ; cette addition est donc subordonnée
à l’admission du principe.»
Divers
amendements furent alors présentés par des membres de la chambre. Tout cela est
renvoyé a la section centrale, et dans la séance du 14 mai, deux jours après,
M. le ministre s'exprime de la manière suivante :
« Le
Roi peut suspendre ou révoquer le bourgmestre ; je regarde, messieurs, cet
article comme une conséquence de l’adoption du principe de la nomination du
bourgmestre par le Roi. »
Ainsi, ce n'était qu'hypothétiquement, pour le cas où la
proposition principale serait admise, que M. le ministre de l'intérieur,
proposait un nouvel article, ayant pour objet de donner au Roi la révocation et
la suspension des bourgmestres.
Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur si l’art. 1, relatif à la
nomination, avait été rejeté, quel serait le sens de son article relatif à la
révocation et à la suspension ? D'après ce qu'il a dit, il aurait dû, dans ce
cas, le retirer, car si le principe qui avait été posé n'avait pas été admis,
la révocation, qui n'était qu'une conséquence de ce principe, devait
nécessairement tomber. Cela m'avait frappé. Je me rappelle fort bien avoir fait
une interpellation. J'ai demandé : Est-ce pour tous les cas que vous faites
cette proposition ou bien le droit que vous voulez donner au Roi ne lui
sera-t-il accordé que si le principe de la nomination est admis ? Je pense que
M. le ministre m'a répondu : Je ne présente l’article, quant au droit de
révocation, que pour autant que le principe passe. D'où la conséquence que si
le principe avait été écarté, le ministre ne pouvait plus insister sur la
révocation ou la suspension.
Eh bien, il est tout aussi logique de dire au ministre qu'alors que le
principe de la nomination lui échappe dans un cas, la révocation doit aussi lui
échapper dans ce cas. Si le principe entier n'avait pu été admis, le principe
entier, quant à la révocation, disparaissait. Maintenant le principe subsiste
que le ROI peut nommer en dehors du conseil. J’admets la
révocation et la suspension dans ce cas. Mais lorsque le Roi nomme dans le
conseil, alors, d'après votre propre raisonnement, vous ne pouvez plus
appliquer le principe de la révocation, car vous n’avez demandé ce principe que
comme un corollaire du principe de la nomination.
Messieurs, les choses doivent se défaire de la même
manière qu'elles se sont faites. Je comprends fort bien qu'alors que le Roi
nomme hors du conseil, c’est sa seule volonté qui fait le bourgmestre ; je
comprends, dis-je, que ce soit aussi sa seule volonté qui le révoque. Mais
quand le principe électif concourt, quand le Roi nomme le bourgmestre, et que
le bourgmestre nommé dans le conseil est le résultat de l'élection du peuple et
de la nomination du Roi, ce bourgmestre, qui, si je puis m'exprimer ainsi, a
reçu un double baptême électoral, celui des électeurs et celui du pouvoir exécutif,
il faut que l'un et l'autre élément concourent pour sa révocation ; il faut
donc que la députation permanente du conseil provincial soit entendue, et que
la révocation ne puisse être prononcée que sur l'avis conforme de la
députation. Voilà comment les choses doivent se passer, si vous voulez qu'elles
se passent régulièrement ; et voilà surtout comment elles doivent se passer,
pour que M. le ministre de l'intérieur ne soit pas en contradiction avec
lui-même.
Je ne m'inquiète nullement, je le répète, de ce qui
a été fait en 1834 et 1835 ; je m'en tiens, quant aux discussions antérieures à
l'amendement de l'honorable M. Gendebien ; je pense qu'à cette époque, M. Gendebien
a fait valoir les raisons que je viens de développer, et que la chambre s'est
rendue à ces raisons et a adopté le principe que notre ancien collège désirait
voir proclamer.
Voyez, d'ailleurs, messieurs, les inconvénients
graves qui résulteraient d'un système contraire.
Un bourgmestre est nommé dans le conseil ; il est
nommé dans le conseil, parce que le gouvernement aura voulu subir le principe
général qu’il nous annonçait encore samedi devoir être sa règle de conduite ;
il n'aura pas voulu froisser le conseil, froisser le principe électif ; et il
viendra révoquer ce bourgmestre, sans que le principe électif y soit pour
quelque chose. Mais ce sera là un motif d'irritation continuelle, et qui fera
que la position du nouveau bourgmestre ne sera pas tenable. Vous destituerez le
bourgmestre que vous aurez pris dans le conseil, sans consulter la députation
permanente ; vous le destituerez, et vous ne pouvez pas faire que ce
bourgmestre destitué ne reste au sein du conseil ; il demeurera là comme une protestation
contre l'acte posé par le gouvernement ; cet homme, auquel vous aurez ôté le
caractère de bourgmestre, ne cessera pas d'être le bourgmestre de fait dans le
sein du conseil communal, et celui que vous aurez placé à côté de lui recevra,
comme je l'ai déjà dit, le nom d'anti-bourgmestre. Mais si la révocation ne se
prononce que sur l'avis conforme de la députation permanente, cette mesure
inspirera du respect au conseil.
Il y a d'ailleurs cette considération sur laquelle
je ne puis me dispenser de revenir encore. Dans le système du gouvernement sur
la question actuelle, ce n'est déjà plus au principe électif communal seul
qu’on fait la guerre, on s'attaque déjà au principe électif provincial, car
maintenant on n'a plus de confiance dans la députation permanente, on rejette
l'avis de la députation, et quoique, dans une séance précédente, l'on ait
protesté contre l'idée d'envahissement, en réduisant tout ce dont il s'agit à
la commune ; voilà qu'on est déjà arrivé à la province, et cependant, messieurs,
nous ne pouvons nous dispenser de le dire encore, toutes nos institutions sont
basées sur le principe électif ; non seulement la commune, non seulement la
province, non seulement les chambres, mais le congrès, mais la constitution,
mais le pouvoir royal lui-même est basé sur le principe électif, et c’est au
principe électif qu'on fait la guerre.
Autre considération : on ne veut pas même que le
gouvernement soit obligé de donner des motifs ; il aura son libre arbitre. Eh
bien, de cette manière, non seulement le bourgmestre sera, dans des
circonstances spéciales, un agent actif d'élection, mais il pourra arriver,
messieurs, que la représentation nationale elle-même soit faussée dans son
principe. Ainsi, si des bourgmestres qui siégent dans cette enceinte ne
suivaient pas aveuglément l'impulsion gouvernementale, le gouvernement pourrait
les révoquer ou les suspendre, sans donner aucun motif de cette révocation ou
de cette suspension.
Mais, messieurs, je vois arriver le moment, je suis
au regret de le dire, où il n'y aura plus dans cette chambre et dans l'autre
que des fonctionnaires révocables par le gouvernement ; nous y verrons non
seulement des gouverneurs et des commissaires de district, mais toute cette
masse de bourgmestres révocables d'après le bon plaisir du gouvernement. Autant
vaut dire qu'il n 'y aura plus de représentation nationale.
Je vous annonce dès à présent que, pour autant qu'il
puisse y avoir doute sur une disposition constitutionnelle, avant de finir, je
proposerai une disposition additionnelle, pour que les membres de cette chambre
qui seraient nommés bourgmestres soient soumis à la réélection. C'est une
disposition nécessaire, si on ne veut pas que la représentation nationale soit
anéantie.
En terminant, je déclare m'en tenir à l'art. 56 dans
le cas où le bourgmestre serait pris dans le sein du conseil. J'ajoute à cet
égard l'opinion du ministre lui-même qui a déclaré qu'il n'a présenté la
disposition additionnelle dont il s'agît que pour autant que le principe posé
de la nomination du bourgmestre en dehors du conseil serait adopté. Or, ce qui
est vrai pour le tout est vrai pour la partie. Je demande donc que la
révocation ne puisse être prononcée que conformément à l'art. 56, quand le
bourgmestre est pris dans le sein du conseil. C'est dans ce sens qu'avait parlé
mon honorable ami, M. Orts, et c'est probablement dans ce
sens aussi qu'il formulera son amendement.
(Moniteur
belge n°158, du 7 juin 1842) M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb). - Il est très vrai que j'ai dit
que l'addition que je proposais n'était que dans la supposition de l'adoption
de la proposition principale, mais je crois que l'honorable préopinant a été
trop loin en scrutant mes intentions au point de supposer que la révocation du bourgmestre
ne pourrait être accordée au Roi que pour le seul cas où le bourgmestre serait
choisi en dehors du conseil. C’est donner à mes paroles une portée qu'elles
n'avaient pas. D'ailleurs, l'explication de ma pensée se trouve dans ma
proposition telle que je l'ai formulée. J'ai demandé pour le Roi la révocation
du bourgmestre dans tous les cas. Je n'ai pas limité cette faculté au
seul cas du bourgmestre nommé hors du conseil. Si l'honorable membre a pu être un
jour dans l'incertitude sur mes intentions, il a dû être détrompé quand le 14
de ce mois, j'ai soumis mon amendement à la chambre.
Je ne crois donc pas être en contradiction avec
moi-même. J’ai eu le soin d'expliquer le sens de mes paroles. L'honorable membre
pense que dans le système du vote de samedi dernier, la révocation ne peut être
accordée que pour le cas où le bourgmestre est choisi hors du conseil. Je dis
qu'il faut ou revenir à l'art. 56 tel qu'il est rédigé, ou accorder au Roi la
révocation du bourgmestre dans tous les cas. C'est ce que je vais chercher à
établir.
L'honorable membre vous a rappelé, que d'après les
déclarations que j'ai faites, il n'entrait pas dans les intentions du ministère
d'user d'une manière générale de la faculté de choisir le bourgmestre hors du
conseil, que ce ne serait que pour des circonstances particulières, pour des
cas graves.
Voyez, messieurs, ce que vous faites, si vous
accordez un droit extraordinaire au Roi pour le seul cas où le gouvernement
aura fait usage de la faculté extraordinaire que vous avez accordée quant à la
nomination. Mais c'est vraiment dire au gouvernement : Il faut autant que
possible choisir hors du conseil, parce que chaque fois que nous nommons le
bourgmestre hors du conseil, vous vous procurez l'usage d'un droit nouveau qui
est la révocation. Si vous le choisissez dans le conseil, si vous usez avec
modération du droit de le choisir hors du conseil, vous ne pouvez pas le
révoquer. Choisissez hors du conseil, dès lors vous obtenez le droit de
révocation. Je dis que c'est exposer le gouvernement à la tentation d'user le
plus souvent qu'il pourra de la faculté de choisir le bourgmestre hors du
conseil. C’est l'exposer à cette tentation, puisque pour ce cas vous lui
accordez un droit extraordinaire, celui de la révocation.
Ainsi limiter le droit de révocation, en cas où le
bourgmestre est choisi hors du conseil, c'est dire indirectement au gouvernement
: Choisissez-le hors du conseil, car pour ce cas et ce cas seul, vous aurez le
droit de révocation.
Il y a, messieurs, une autre considération qui ne
doit pas vous échapper. On nous a dit sans cesse dans cette discussion que la
nomination du bourgmestre hors du conseil rendrait sa position fausse, très
fausse. C'est pour la rendre plus fausse encore qu'on veut soumettre le
bourgmestre choisi hors du conseil à un droit extraordinaire de révocation.
Vous aurez, dit-on, beaucoup de peine à trouver des hommes qui, n'étant pas
membres du conseil, voudront être bourgmestre. C'est probablement pour qu'il
soit impossible d'en trouver qu'on veut créer deux genres de bourgmestre par
la révocation : les uns, nommés dans le conseil, révocables par la députation
permanente, les autres nommés hors du conseil, révocables par le gouvernement.
Je ne sais de quel côté sera la crainte la plus
grande. Je ne crois pas que le gouvernement, depuis 1830, ait été bien prodigue
de destitutions. Mais je dois pour le moment me placer dans l'ordre d'idées qui
domine les préopinants. La crainte d'être destitué par le gouvernement est bien
grande ! C'est l'épée de Damoclès suspendue sur la tête de tous les
fonctionnaires. Je répète la figure favorite.
S'il en est ainsi, ne placez pas le bourgmestre
nommé hors du conseil dans une position extraordinaire quant à la révocation ;
créez un nouveau droit commun pour tous les bourgmestres, ou maintenez
l'article 56, placez dans la même position tous les bourgmestres nommés soit
dans le conseil, soit en dehors ; il n'y a pas de milieu. Si l'amendement de M.
Dumortier devait être adopté, j'aimerais mieux qu'on s'en tînt purement et
simplement à l'article 56. Mais la conséquence est immense. Cette disposition
est en contradiction avec le système dans lequel nous nous trouvons. Elle
pouvait se justifier jusqu'à certain point dans le deuxième système adopté en
février 1836, système d'après lequel le gouvernement devait, dans tous les
cas, choisir le bourgmestre dans le sein du conseil ; mais elle ne peut plus se
justifier, maintenant que nous en sommes revenus au premier système, celui qui
a été adopté samedi dernier, et qui donne plus de latitude au gouvernement que
les votes de 1834 et 1835.
L'honorable M. Verhaegen vous dit : le gouvernement
révoquera le bourgmestre choisi dans le conseil ; il le révoquera au risque de
faire naître de l'irritation dans le conseil, au risque de voir le bourgmestre
de fait, le bourgmestre nommé hors du conseil, qualifié d'anti-bourgmestre et
de voir l'ancien bourgmestre, le bourgmestre destitué, devenir le chef de
l'opposition et en quelque sorte du conseil. C'est là supposer que le
gouvernement exerce ses droits d'une manière déraisonnable, c'est supposer que
le gouvernement, de gaieté de cœur, révoquera le bourgmestre pris dans le
conseil, dût-il s'exposer à créer une situation violente, situation qu'un gouvernement
ne doit jamais rechercher.
La proposition n'a pas non plus l'immense intérêt
que l'honorable membre suppose. Au mois d'octobre prochain, tous les
bourgmestres se trouvent arrivés au terme de leur mandat de six années. Tous
peuvent être destitués par la simple prétérition. Vous voyez que le
ministère actuel est désintéressé dans la question, puisqu'au mois d'octobre
prochain il aura toutes les ressources suffisantes pour faire disparaître tous
les bourgmestres qui peuvent lui déplaire.
Un membre. - La loi n'est pas faite pour un jour.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - On raisonne cependant comme si
la loi était faite pour un jour et même pour certaines personnes données.
Je dis que l'amendement de M. Dumortier et qu'appuie
M. Verhaegen, qui ne donne au Roi le droit de révoquer que le bourgmestre
choisi hors du conseil n'est pas admissible. C'est faire d'une part aux
bourgmestres nommés hors du conseil une position fâcheuse et d'autre part,
dire au gouvernement : pour avoir le droit de révocation il faut choisir les
bourgmestres hors du conseil. C'est, je le répète, exposer le gouvernement à la
tentation de ne pas user de la loi avec la modération que nous devons attendre
du gouvernement, n'importe quels sont les hommes qui peuvent se trouver à la
tête des affaires publiques.
M. le président. - M. Dumortier vient de déposer l'amendement suivant :
« Lorsque le bourgmestre sera nommé en dehors
du conseil la révocation et la suspension seront exercées de la même manière
par le Roi. »
M. Dumortier. - L'amendement que je viens de déposer satisfait pleinement à
l'observation fondamentale du gouvernement, que, puisque vous donnez au Roi le
pouvoir illimité de nommer le bourgmestre dans la commune, vous devez lui
donner également le droit de révocation et de suspension. Sous ce rapport mon
amendement donne pleine et entière satisfaction non seulement au gouvernement,
mais aussi à ceux qui pensent que dans aucun cas la révocation et la suspension
ne peuvent être accordées dans des termes illimités, qu'il faut toujours qu'il
y ait des causes, indépendamment de l'avis conforme de la députation
permanente.
Messieurs, en vous parlant tout à l'heure, j'ai
commis une erreur que je dois m'empresser de rectifier. Je disais que par les
anciens règlements de 1825, le roi avait le droit de révoquer ou de suspendre
les bourgmestres. Cela n'est pas complètement exact. Il en était ainsi dans le
plat pays pour négligence grave et pour inconduite notoire. Mais dans les
villes, il n'avait aucune espèce de droit de révocation ou de suspension, il
devait attendre l'expiration du mandat. Voilà comment les choses se passaient
avant la révolution dans ce pays. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de
personnes dans cette enceinte qui veuillent faire aux administrateurs communaux
des conditions pires que sous le gouvernement précédent. Voilà un fait
bien constant. Dans les villes, qui étaient bien nombreuses, c'est-à-dire ce
qu'on appelait villes en Belgique, le roi n'avait aucune espèce de droit de
révocation ou de suspension. Cependant il avait le droit de nommer le
bourgmestre et les échevins en dehors du conseil.
Le gouvernement hollandais, qui tendait vers
l'absolutisme depuis 1825, n'avait pas cru faire une inconséquence en faisant
cela ; et M. le ministre de l'intérieur prétend que si nous n'accordons pas le
droit qu’il réclame, nous ferons une inconséquence législative. Ce qui
suffisait au roi Guillaume, ne suffirait-il plus au gouvernement actuel
! où veut-on marcher ? On veut assimiler les
bourgmestres aux procureurs du roi et aux commissaires de district. Il n'y a
cependant aucune similitude. Les procureurs du roi et les commissaires de
district ont un mandat illimité, il faut bien qu'ils puissent être
révoqués. Le bourgmestre, au contraire, reçoit un mandat à terme. Il faut le
laisser courir.
D'un autre côté, les procureurs du Roi et les
commissaires de districts sont amovibles, tandis que les bourgmestres et les
échevins sont de leur nature inamovibles. Vous ne pouvez pas déplacer un
bourgmestre, le faire passer d'une commune dans une autre. Pour les procureurs
du Roi et les commissaires de district, vous avez un autre moyen que la destitution,
c'est le déplacement ; vous pouvez le faire passer d'une ville dans une autre,
ou d'un arrondissement dans un autre. Pour les bourgmestres, au contraire, vous
n'avez que la destitution ou révocation, vous n'avez que cet acte brutal que
On n'a, je le répète, aucun motif pour demander ce
que demande aujourd'hui. D'ailleurs remarquez-le bien, l'article 56 porte la
possibilité de la révocation ou de la suspension pour négligence grave ou
inconduite notoire. Je demanderai au ministre qu'il me signale un cas où l'administration
puisse exiger le droit de destitution, qui soit autre chose qu'une négligence
grave ou une inconduite notoire. Je pose le défi formel qu'on m'en cite un seul
!
Vous ne pouvez articuler aucun motif pour destituer
un agent communal, si ce n'est qu'il se soit rendu coupable de négligence
grave, ou d'inconduite notoire. Hors de là il n'y a que des préoccupations
politiques. Eh bien, pour ces motifs, la loi nous suffit ; si un bourgmestre se
rend coupable de négligence grave ou d'inconduite notoire, vous pouvez le
destituer ou le suspendre, sur l'avis conforme de la députation permanente.
Pourquoi cela ? Parce qu'on n'a pas voulu que le gouvernement pût éluder
les conditions mises au droit de suspension ou de révocation, parce qu'on n'a
pas voulu que le gouvernement pût jamais faire des bourgmestres et des échevins
des agents purement électoraux, s'il voulait tendre à l'arbitraire ; et il y
tendrait, si en stipulant que la révocation et la suspension ne pourront avoir
lieu que pour négligence grave et inconduite notoire, vous n'aviez pas mis la
garantie de l'avis conforme de la députation. La députation est au-dessus des
administrations communales ; elle a comme nous intérêt à la bonne
administration du pays. Pensez-vous qu'il y ait une députation permanente qui
refusât son concours au gouvernement pour la négligence grave d'un bourgmestre
! Jamais pareille chose ne peut se produire. Il est impossible qu'une
députation permanente refuse son concours au gouvernement pour la révocation
d'un bourgmestre qui se serait rendu coupable d'une pareille faute.
A aucune époque, si ce n'est pendant la courte
période de la domination française, le gouvernement n'a eu sur les bourgmestres
un droit illimité de suspension et de révocation, et après une révolution faite
au non de la liberté, vous voudriez abandonner les bourgmestres, je ne dirai
pas aux caprices du gouvernement, mais aux caprices d'un commissaire de
district qui souvent les noircira, parce qu’ils n’auront pas voulu être ses
agents dans les élections ! Ce serait l’arbitraire qu’on introduirait dans le
pays. Je n’y donnerai jamais mon assentiment.
Mais, dit M. le ministre, pour avoir un droit sans
limites de suspension et de révocation, le gouvernement prendra toujours le
bourgmestre en dehors du conseil. Messieurs, cela est inadmissible. D’abord, je
dirai qu’il faudrait supposer un gouvernement d’une perversité peu commune pour
croire qu’il eût de telles intentions. Je crois trop de
sagesse à M. Nothomb pour les lui supposer.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) – C’est vous qui supposez
gratuitement cette perversité.
M. Dumortier. – Je dis que nous ne faisons pas une loi pour un jour. Pour moi je
n’accorderai ni au ministère actuel ni à aucun ministère le droit illimité de
révocation et de suspension. Quant à la supposition que le gouvernement
nommerait en général le bourgmestre en dehors du conseil pour avoir sur lui un
droit illimité de suspension et de révocation, je dis qu’elle n’est pas
admissible. Au reste, d’après mon amendement, le bourgmestre choisi en dehors
du conseil ne pourra être suspendu ou révoqué que pour inconduite notoire ou
pour négligence grave, et d’après l’avis conforme de la députation permanente.
Ainsi le gouvernement n’aura aucun intérêt à prendre le bourgmestre en dehors
du conseil.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne comprends plus
l’amendement.
L’honorable membre propose d’ajouter à l’art. 56 un
paragraphe additionnel, d’après lequel le Roi pourra suspendre ou révoquer le
bourgmestre choisi en dehors du conseil, sur l’avis conforme de la députation,
pour inconduite notoire ou négligence grave. Je dis que cet amendement est
inutile ; car le gouvernement ou le Roi, c’est ici exactement la même chose.
Dans le dernier cas, il y aura un arrêté royal ; dans l’autre cas, il y aura un
arrêté du gouvernement. C’est la même chose, puisque l’arrêté royal, comme
l’arrêté du gouvernement, sera rendu sur l’avis conforme de la députation.
Je pense même, si j’ai bien compris, que cet
amendement n’est pas d’accord avec celui de l’honorable M. Verhaegen.
Quand même on accorderait au Roi la révocation ou la
suspension du bourgmestre en dehors du conseil, si l’on exige pour le droit de
suspension ou de révocation l’avis de la députation
permanente, je préfère que l’on maintienne l’art. 56. L’amendement de M.
Dumortier n’est pas autre chose.
M. Cogels. – Après ce qui vient d’être dit par M. le ministre de l'intérieur, je
n’abuserai pas longtemps de vos moments.
Je concevrais les arguments de MM. Verhaegen et
Dumortier, si le deuxième projet de la section centrale avait été rejeté par la
chambre, et qu’elle se fût ralliée au premier projet, adopté par le
gouvernement, je crois qu’on n’a pas fait suffisamment attention à la grande
différence qu’il y a entre ces deux projets.
Le premier porte :
« Néanmoins le Roi peut nommer le bourgmestre
hors du conseil, parmi les électeurs de la commune. »
Ainsi, d’après le projet, la nomination en dehors du
conseil était tout à fait une exception ; seulement on avait supprimé les
circonstances graves Mais cependant la nomination dans le sein du conseil
restait la condition générale.
Le deuxième projet de la section centrale porte, au
contraire :
« Il (le Roi) nomme le bourgmestre, soit dans
le sein du conseil, soit parmi les électeurs de la commune âgés de 25 ans
accomplis. »
Ici liberté d’action pleine et entière pour le
gouvernement. Il ne doit faire aucune attention à la condition première, c’est-à-dire à la condition que le
bourgmestre soit déjà membre du conseil. Je ne sais si les honorables membres
qui, comme moi, après avoir résolu affirmativement la première question, ont
rejeté le 4ème paragraphe, se sont mépris sur la porté
de ce vote. Pour moi, si j’avais cru par là ôter la moindre action au
gouvernement, je regretterais ce rejet ; je regretterais sincèrement mon vote.
Ce que j’ai voulu, ce qu’ont voulu, je suppose, mes
honorables collègues, ç’a été de ne déranger en rien l’action du gouvernement,
de ne pas imposer seulement cette condition que le bourgmestre cessât de faire
partie du conseil, par le fait même de sa nomination.
Après mûre réflexion, car j’ai hésité longtemps,
j’ai pensé qu’il était plusieurs circonstances où il serait utile que le
bourgmestre fût membre du conseil. J’ai pensé que par là nous aurions évité un
des inconvénients signalés par l’honorable M. Verhaegen pour la nomination
générale des bourgmestres, qui aurai dû se faire avant les élections
communales, ou que dans le cas où elle aurait eu lieu après les élections, elle
aurait nécessité de nouvelles élections dans toutes les communes, pour nommer
un membre du conseil en remplacement du bourgmestre. Et si j’ai bien compris
l’honorable M. Verhaegen, il y aurait eu aussi un grand retard dans la
nomination des échevins : voilà la seule portée qu’on puisse donner à ce vote.
Dès lors, on voit que les arguments des honorables
MM. Verhaegen et Dumortier par lesquels ils veulent établir que le rejet de ce
paragraphe entraîne la nomination dans le conseil, viennent à tomber. Puisque
le gouvernement a une liberté pleine et entière pour la nomination du
bourgmestre, il doit avoir la même liberté pour sa
révocation.
M. Orts. – Je renonce à la parole. Je me range à l’avis de mon honorable collège
M. Dumortier.
Il faut qu’il y ait pour la révocation la même
distinction que pour la nomination.
Le bourgmestre nommé dans le conseil a un double
mandat ; il est conseiller communal.
Le bourgmestre nommé en dehors du conseil a voix
consultative dans le conseil, et il le préside. Outre cela, une prérogative
plus grave, c’est qu’il a voix délibérative dans le collège échevinal.
Il est de règle que les choses doivent se défaire de
la même manière qu’elles se sont faites. Lorsque le Roi nommera le bourgmestre
dans le sein du conseil, il ne pourra le dépouiller du mandat qu’il a reçu des
électeurs. Voyez quels inconvénients il y aurait à donner le droit de révoquer
ou de suspendre sans aucun motif, sans qu’on ait entendu la députation
permanente. Les échevins qui sont les collègues du bourgmestre dans le collège
échevinal ne pourraient être révoqués ou suspendus, si ce n’est pour inconduite
notoire, ou pour négligence grave, et sur l’avis conforme de la députation permanente.
Et il n’en serait pas de même pour le bourgmestre. Ce serait une misérable
anomalie ; cela est inconséquent, et il me paraît qu’il est impossible de ne
pas reconnaître un défaut d’harmonie dans le système.
Je pense donc, messieurs, qu’il y a lieu, d’abord,
de rejeter tout à fait la distinction et de maintenir l’art. 56, aussi bien
pour le bourgmestre nommé hors du conseil que pour le bourgmestre nommé dans le
conseil. Et subsidiairement, si cette proposition n’était pas admise, je me
rallierais à l’amendement que mon collègue, l'honorable M. Verhaegen, est
d'intention de formuler, et en vertu duquel, lorsque le bourgmestre serait pris
en dehors du conseil, le Roi aurait le droit de le révoquer sans avoir l'avis
de la députation permanente.
Qu'il me soit permis maintenant de vous dire que,
selon moi, c'est un véritable non-sens, lorsqu'on a entendu les protestations
du ministère, de voir dans la seconde partie de la proposition admise samedi,
autre chose qu'une exception à la première.
Le ministère vous l'a dit : L'intérêt du
gouvernement, l'intérêt des administrés, l'intérêt de tout le monde est que la
première partie de cette proposition demeure constamment la règle.
Pour moi la proposition admise samedi et qui dit :
« le Roi nomme le bourgmestre soit dans le sein du conseil, soit parmi les
électeurs de la commune âgés de 25 ans accomplis, » est à peu près la même
chose, quant au fond, que le premier projet ministériel qui disait :
« Néanmoins le Roi peut nommer le bourgmestre hors du conseil communal
parmi les électeurs de la commune. » Car il est clair que le gouvernement,
comme il l'a annoncé lui-même, n'usera que très rarement de la faculté de
nommer le bourgmestre hors du conseil ; et comme l'a dit l'honorable M.
Dumortier, il est impossible de supposer que le gouvernement voudrait de
préférence prendre le bourgmestre en dehors du conseil, pour se ménager le
droit de pouvoir de suspendre ou de révoquer sans motifs. Jamais, je le crois,
le gouvernement n'agira ainsi ; ce serait un acte odieux, et, je ne crois pas
que le gouvernement soit capable de commettre un pareil
abus.
M. d’Huart. – L’honorable préopinant, ainsi que l'honorable M.
Verhaegen, ont reconnu qu'il y avait quelque chose de fort extraordinaire
d'exiger que lorsqu'un bourgmestre est nommé librement par le gouvernement, et
en dehors du conseil, il ne peut être révoqué ou suspendu que sur l'avis
conforme de la députation permanente ; l'honorable M. Verhaegen a même annoncé
un amendement à cet égard. Je crois cependant que, pour être tout à fait
logique, il faudrait admettre le système de l'honorable M. Dumortier ; car
entre ces deux bourgmestres, celui nommé directement par le Roi, et celui où
vous trouvez le mandat électif mêlé au mandat du gouvernement, il n'y a
aucune espèce de différence. Car sur quoi la révocation prononcée par le
gouvernement porte-t-elle ? Mais elle porte sur les fonctions de bourgmestre,
et nullement sur le mandat électif.
Le mandat qui confère les électeurs n'est pas supprimé
par la révocation du mandat que retire le gouvernement ; le bourgmestre révoqué
n'en fait pas moins partie du conseil communal. Vous voyez donc que, pour être
conséquent, il faudrait admettre l'amendement de l'honorable M. Dumortier.
Mais il y a cependant quelque chose d'extraordinaire, comme l'a fait remarquer
l'honorable Verhaegen lui-même, à exiger qu'un bourgmestre nommé directement
par le Roi, sans que la députation ait été entendue, ne puisse être révoqué
qu'après que la députation permanente a été entendue.
Et remarquez-le bien, messieurs, le collège
électoral confère des fonctions municipales à un conseiller. Mais le
gouvernement confère aussi au bourgmestre d'autres attributions fort importantes
; et vous voudrez qu'il ne pût retirer ces fonctions à moins que l’élément
électif l'y autorisât ! Ainsi, le gouvernement confère au bourgmestre les
fonctions importantes d'officier de police judiciaire et il vous propose de
charger le bourgmestre seul de ces fonctions, proposition que j’espère
que vous adopterez. Et, messieurs, il ne faut pas perdre de vue cette
proposition qui fait disparaître l'anomalie que l'honorable M. Orts trouvait
entre la révocation libre du bourgmestre, et celle soumise à certaines
conditions des échevins.
Je dis que ce serait une infraction aux vrais
principes d'ôter au gouvernement la faculté de retirer librement à son
mandataire chargé de la police les fonctions qu'il lui aurait conférées, alors
qu'il serait jugé indigne de continuer à les remplir.
Maintenant l'honorable M. Dumortier craint, et c'est
l'argument le plus sérieux qu'il vous a présenté, qu'il arrive parfois que, par
caprice, ou sur un simple rapport d'un agent du gouvernement, on aille révoquer
un bourgmestre. Voilà l'objection qui touche le plus l’honorable membre. Mais
n'y a-t-il pas moyen de s'entendre là-dessus ; ne pourrait-on donner
satisfaction à tout le monde en rédigeant ainsi la disposition :
« Le bourgmestre révoqué ou
suspendu par le Roi pour inconduite notoire ou négligence grave.»
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je
consens volontiers à cette rédaction.
M. d’Huart. - N'avez-vous pas par là toute satisfaction, messieurs ; croyez-vous que
le gouvernement se permettra de sortir des termes de la loi ? Et dans ce cas,
ne viendrez-vous pas, sentinelles avancées des libertés publiques, traduire ici
de tels actes au jugement du pays ? mais enlacer le gouvernement, le
subordonner à la volonté d'une députation permanente, je dis que c'est préparer
peut-être des inconvénients graves.
Aujourd’hui on n'a pas à craindre ces inconvénients
; je suis persuadé que partout il y aurait accord entre le gouverneur et la
députation permanente. Mais on ne sait pas ce qu'il peut arriver ; nous ne
faisons pas des lois pour un jour ; il se peut qu'il y ait conflit entre les
députations permanentes et les agents du gouvernement, on pourrait se trouver
dans des circonstances où un bourgmestre devrait être révoqué pour des motifs
qui trouveraient de l'appui dans le sein même du conseil provincial et par
suite dans celui de la députation permanente. Ne raisonnons donc pas sur ce qui
se passe actuellement, et prévoyons un peu davantage l'avenir.
En résumé, messieurs, je pense qu'avec les mots que
je propose d'ajouter à l'article en discussion, et auxquels je viens d'entendre
avec plaisir que M. le ministre de l'intérieur ne
s'oppose pas, toutes les craintes doivent disparaître.
(Moniteur
belge n°159, du 8 juin 1842) M. Verhaegen. - Messieurs, la divergence d'opinion résulte de ce qu'on n'est plus
d'accord aujourd'hui sur un point sur lequel il semblait ne plus y avoir le
moindre doute samedi, et c'est ainsi que de jour en jour nous faisons un pas de
plus.
Samedi, pour faire passer le principe, voici ce que
disait M. le ministre de l'intérieur : Vous avez toutes garanties dans
l'intelligence et la bonne foi du gouvernement ; l'intelligence et la bonne
foi du gouvernement doivent parer à tous les inconvénients que vous craignez.
L'honorable M. Cogels, au contraire, vient de nous dire que ce n'est pas du
tout cela ; que le gouvernement ne fera pas uniquement usage du droit de nommer
en dehors du conseil pour des cas graves et par exception ; d'après lui, le
gouvernement ne doit tenir compte de rien ; il doit avoir la latitude la plus
complète. Selon M. Cogels, le droit que vous avez accordé au gouvernement
serait la règle ; d'après M. le ministre de l'intérieur, ce serait
l'exception.
Pour ceux qui ne partagent pas l'opinion de M.
Cogels et qui disaient dans une séance précédente que les nominations hors du
conseil seront des cas très rares, les arguments qu'il vient de donner n'ont
aucun poids, et ce sont les miens qui doivent prévaloir.
Aussi, est-ce la considération que je viens de faire
valoir qui répond directement à l'argument de l'honorable M. d'Huart. M.
d'Huart trouve, comme M. le ministre de l'intérieur, qu'il serait
extraordinaire d'avoir deux espèces de bourgmestres ; il n'y a pas de raison
pour cela, dit-il ; le principe électif n'y fait rien.
Mais, messieurs, il a été admis que la nomination
dans le conseil serait la règle, et que le principe électif ne serait écarté
que par exception et par exception très rare, uniquement pour parer à des
inconvénients, qui peuvent se présenter comme dans le cas qui a été signalé par
l'honorable M. Liedts, et où il y aurait coalition, entre les membres d'un
conseil, pour que personne ne pût accepter les fonctions de bourgmestre ; alors
ce serait en quelque sorte une peine que le gouvernement infligerait à ce
conseil en prenant le bourgmestre en dehors de son sein. Il ne s'agit donc pas
de bourgmestres de deux espèces ; il n'y a dans la règle qu'un bourgmestre qui
tient son mandat et des électeurs et du Roi. Et il le tient des électeurs et du
Roi, parce qu'il gère non seulement les intérêts généraux, mais aussi les
intérêts communaux.
Veuillez bien faire attention que ce n'est pas sur
des mots que je m'appuie, mais que c'est sur les choses. Le bourgmestre soigne
les intérêts communaux, comme les intérêts généraux ; pour gérer les intérêts
communaux, il doit avoir un mandat du peuple, un mandat de la commune. Et vous
allez donner au gouvernement le droit de lui enlever non seulement le mandat
qu'il tient de lui mais aussi le mandat de la commune : Or, comment voulez-vous
que le gouvernement, qui lui a donné un mandat pour gérer les intérêts
généraux, révoque en même temps le mandat que lui a donné la commune pour gérer
les intérêts communaux ? Il y a là quelque chose de tellement extraordinaire
que j'ai peine à concevoir comment on peut soutenir une pareille thèse.
Messieurs, à chaque pas que vous ferez, vous vous
trouverez dans des embarras, parce que nous nous sommes jetés, permettez-moi
de vous le dire, dans un système excentrique, et il faudra bien, dans cette
circonstance, entre deux maux choisir le moindre. Maintenant que le principe
est adopté, restons dans les limites où le gouvernement s'était placé pour
faire passer sa principal disposition.
Le gouvernement reconnaissait fort bien que le
bourgmestre était chargé d'une double mission, mais il voulait une exception
pour des cas très rares, alors, par exemple, que le bourgmestre se mettait en
rébellion avec le gouvernement central ; c'est ce qu'il a eu. Maintenant
l'honorable M. Cogels ne l'entend pas ainsi ; il dit que la nomination hors du
conseil n'est pas l'exception, que c'est la règle. Je comprends très bien qu'il
est d'accord avec lui-même en soutenant cette thèse ; mais elle ne peut être
admise par M. le ministre de l'intérieur, qui soutient que la nomination en
dehors du conseil est l'exception, et que la nomination dans le conseil est la
règle. Or, dans ce cas, le bourgmestre étant revêtu d'un double mandat, comment
voulez-vous que le gouvernement lui enlève non seulement celui qu'il tient de
lui, mais aussi celui qu'il tient d'autrui ? Quant à moi, je pense qu'il ne
peut en être ainsi, et qu'il faut maintenir l'art. 56, sauf à y ajouter :
néanmoins lorsque le bourgmestre est nommé hors du conseil, il pourra être
révoqué ou suspendu par le Roi pour inconduite
notoire ou pour négligence grave.
(Moniteur
belge, n°158, du 7 juin 1842) M.
d’Hoffschmidt. - Je
propose à la chambre de mettre en tête de l'art. 56 la disposition suivante :
« Le Roi peut suspendre ou révoquer pour inconduite
notoire ou négligence grave, le bourgmestre.
« Il sera préalablement entendu.
« La suspension ne pourra excéder trois mois. »
La mention du bourgmestre serait retranchée du même
article.
Vous voyez, messieurs, que je ne fais qu'un seul
changement à l'art. 56, c'est de supprimer les mois : « sur l'avis
conforme et motivé de la députation permanente du conseil provincial. »
La décision que la chambre a prise samedi rend, ce
me semble, nécessaire la suppression de ce qui est relatif à l'avis conforme de
la députation, même pour le cas où le bourgmestre est choisi dans le conseil ;
mais quant aux autres considérations qui se trouvent dans l'art. 56, je ne vois
pas la moindre nécessité d'y rien changer. Ainsi, messieurs, il sera toujours
utile que le bourgmestre que l'on veut révoquer soit entendu ; il me semble que
l'on doit aussi maintenir la stipulation des motifs pour lesquels la révocation
ou la suspension pourra avoir lieu, et enfin il est plus indispensable encore
de fixer un terme à la durée de la suspension.
M. d’Huart. - Je trouve très utile que le bourgmestre que l'on veut révoquer ou
suspendre, soit préalablement entendu ; il est évident que jamais on ne
révoquera ni suspendra un bourgmestre sans l'avoir entendu, mais si l'on veut
stipuler dans la loi qu'il devra en être ainsi, je n'y vois pas le moindre
inconvénient.
J'ai une explication a demander sur une autre partie
de l'amendement. L'honorable M. d'Hoffschmidt propose de limiter la durée de la
suspension à 3 mois ; mais je suppose que pour négligence grave dans
l'exécution de telle mesure un bourgmestre ait été suspendu pour 3 mois, et
que, par exemple, 6 mois après, il se rende encore
coupable d'une négligence grave, ou qu'il y ait inconduite notoire ;
pourra-t-il dans ce cas être suspendu ?
M.
d’Hoffschmidt. - Je répondrai à mon honorable ami M.
d'Huart, que l'on agira à cet égard comme on le fait maintenant en vertu de la
disposition de la loi actuelle, dont je ne fais que reproduire les termes.
Lorsqu'un bourgmestre aura été suspendu pour 3 mois, et qu'il se sera mis de
nouveau dans le cas prévu, c'est-à-dire qu'il se sera rendu de nouveau coupable
de négligence grave ou d'inconduite notoire, il pourra être de nouveau
suspendu. Je le répète, si mon amendement est adopté, on fera, sous ce rapport,
ce que l'on fait maintenant, sauf l'avis conforme de la députation qui ne
serait plus nécessaire.
M. d’Huart. - Je suis satisfait de l'explication. (Aux voix ! aux voix !)
M. le président. - Je vais mettre aux voix les divers amendements.
M. Dumortier. - Je retire le mien.
- L'amendement de M. Verhaegen est mis aux voix ; il
n'est pas adopté.
L'amendement de M. d'Hoffschmidt
est mis aux voix et adopté.
M. Verhaegen. - Je prie M. le président de bien vouloir faire imprimer l'article additionnel
que j'ai eu l'honneur de proposer et auquel je tiens plus que jamais. Il est
ainsi conçu :
« Le bourgmestre nommé par le Roi, s'il est
membre de l'une des deux chambres, sera soumis à la réélection. »
M. le président. - L'amendement sera imprimé et distribué.
- La séance est levée à 4 heures et demie.