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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du jeudi 2 juin 1842
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition
relative à la convention avec la ville de Bruxelles (Malou)
2) Demandes de naturalisation. Rapports
3) Compte-rendu de l’administration des chemins de fer
4) Projet de loi modifiant les limites des communes de
Jalhay et de Limbourg
5) Projet de loi tendant à apporter des modifications
à la loi communale (principalement en ce qui concerne la possibilité de nommer
le bourgmestre en dehors du conseil communal) (Doignon,
Mercier, (Verhaegen), Peeters, de Baillet, de La Coste, (Lejeune), Jadot, (Delfosse, de Theux), Vandenbossche, Malou, de Mérode, Fleussu)
(Moniteur belge n°154, du 3 juin 1842)
(Présidence
de M. Fallon)
M. de Renesse fait l'appel nominal à 1 heure et quart.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la dernière séance,
dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces de la correspondance :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Claessens, docteur en médecine à Moerzeke, réclame l'intervention de la chambre pour qu'on
fasse droit à la plainte qu'il a adressée au gouvernement contre le bourgmestre
de cette commune. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
______________________
« Les membres du tribunal de première instance de
Dinant demandent que la 4e classe des tribunaux soit supprimée, ou au moins
que le tribunal de Dinant soit porté à la 3e classe. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du
projet de loi sur les traitements des membres de l'ordre judiciaire.
______________________
« Le conseil communal
de Bruxelles demande que la chambre ne se sépare pas sans avoir prononcé sur la
convention conclue, le 5 novembre 1841, entre le gouvernement et la
capitale. »
M. Malou. - Il me semble, messieurs, que l'on pourrait renvoyer cette
pièce à la section centrale et la faire insérer en outre au Moniteur, afin
que chacun des membres de la section
centrale puisse en prendre immédiatement connaissance.
La section centrale m'a nommé son rapporteur ;
j'espère pouvoir terminer mon rapport dans le courant de la semaine prochaine,
mais la demande du conseil communal de Bruxelles ajournera peut-être la
solution qu'elle avait pour but de hâter.
- La proposition de M. Malon est adoptée.
RAPPORTS SUR DES DEMANDES DE NATURALISATION
M. Dubus (aîné), M. Maertens et M. Lejeune présentent divers rapports sur des demandes en
naturalisation.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution
de ces rapports.
COMPTE-RENDU DE L’ADMINISTRATION DES CHEMINS DE FER
M. le ministre des travaux publics (M.
Desmaisières)
dépose le compte-rendu de l'administration du chemin de fer.
- L'impression et la distribution de ce document sont
également ordonnées.
PROJET DE LOI RELATIF A UNE DÉLIMITATION DE COMMUNES
M. Lys fait le rapport suivant :
« Messieurs,
« Une transaction a été conclue, le 22 octobre 1839,
entre les communes de Limbourg et de Jalhay, pour mettre fin aux difficultés
qui existaient entre ces communes, au sujet de la délimitation de leur
territoire.
« Cette contestation, soulevée depuis près d'un
siècle, n'était pas seulement, à son origine, un différend entre deux communes,
mais entre deux Etats, car l'une appartenait alors au pays de Liége et l’autre
au pays de Limbourg. Elle avait dès lors présenté, depuis 1795, une solution
beaucoup plus facile.
« Cette transaction, messieurs, a été accueillie par
le conseil provincial de Liége, par son avis du 17 juillet 1840. Le
gouvernement vous propose de lui donner force de loi, et aucune objection
contraire ne s'est présentée dans le sein de votre commission, qui vous
propose, par mon organe, l'adoption du projet de loi. »
- La chambre décide qu'elle passera immédiatement à
l'examen de ce projet.
Personne ne demandant la parole, il est procédé au
vole par appel nominal sur l'article unique du projet qui est adopté à
l'unanimité par les 68 membres qui prennent part au vote.
Ce sont : MM.
Brabant, Cogels, Cools, Coppieters, David, de Baillet, de Behr, Dedecker, de
Florisone, de Foere, de Garcia de
MM. Angillis et Vanden Eynde se sont abstenus.
Ils sont invités à faire connaître les motifs de leur
abstention.
M. Angillis. - Le rapport a été lu au milieu du bruit des
conversations particulières ; je n'ai rien entendu ; je ne savais pas même de
quoi il s'agissait.
M. Vanden Eynde. - Je n'ai pas entendu la
lecture du rapport. .
Discussion générale
(Moniteur belge
n°155, du 4 juin 1842) M. Doignon - Messieurs, les nouvelles propositions qui ont été faites
par le gouvernement et par la section centrale sont telles que je n'ai rien à
changer aux moyens et aux considérations que j'ai fait valoir au début de la
discussion. J'ai soutenu au total qu'on ne peut faire du bourgmestre le
représentant exclusif du gouvernement, sans fausser l'institution
communale, et c'est là messieurs, qu'est toute la question. Mais, à cet égard,
les nouveaux amendements surpassent même de beaucoup ce qui avait d'abord été
proposé. Pour éviter l'inconvénient de devoir nommer quelquefois pour
bourgmestre un habitant que la commune aurait repoussé du sein du conseil, on
est tombé dans un autre inconvénient non moins grave, je dirai même plus grave.
Maintenant on veut que ce soit la loi elle-même qui se charge de repousser du
sein du conseil tous les bourgmestres, en déclarant que jamais ils ne pourront
faire partie de ce corps.
C'est donc, messieurs, une loi de défiance générale
contre tous les conseils communaux, qu'on vous propose aujourd'hui. En d'autres
termes, on dit à tous les conseils communaux : « Mon agent ne peut marcher
avec vous ; par conséquent je le sépare de vous tous pour en faire mon agent
exclusif ; tous à mes yeux vous êtes suspects, peu dignes de confiance ou peu
capables. » Mais, messieurs, quel effet doit-on attendre d'une loi qui
proclame ainsi la défiance, qui la cherche, qui l'appelle ? Naturellement une
loi semblable provoque elle-même la défiance et la sème partout. « Vous
cherchez la défiance, dira-t-on, eh bien vous l'aurez. » Le Belge se
soutiendra de cette déclaration officielle de méfiance et peut-être
d'hostilité, car, vous le savez, il a quelque mémoire. Vous vous défiez de
nous, diront les communes, vous vous éloignez, vous vous séparez de nous, eh
bien nous nous défierons, nous nous éloignerons, nous nous séparerons de vous ;
à chacun ses intérêts, à chacun ses droits. Puisque vous ne voulez plus de
système de conciliation, à vous vos intérêts généraux, à nous nos intérêts
communaux, et cependant, messieurs, tous ces intérêts ne sont-ils pas
évidemment inséparables de leur nature ?
Lorsqu'on veut, messieurs, apporter un changement
aussi radical à une institution, il ne suffit pas que cela convienne au
gouvernement, il faut de plus que ce changement soit adapté aux temps et aux
mœurs, aux circonstances et au caractère du pays.
Ainsi, messieurs, que je l'ai déjà fait observer au
commencement de cette discussion, M. le ministre, et après lui tous ceux qui
soutiennent ses projets, ne voient constamment qu'un côté de la question et
toujours ils ne la posent qu'au point de vue gouvernemental et de l'exécution
des lois, et nullement au point de vue des intérêts domestiques de la commune,
de sorte que chaque fois, on vous la présente d'une manière incomplète.
Peu m'importe vos intérêts communaux, dit le
gouvernement ; je veux avoir dans le chef de votre administration un agent pour
moi seul, et nommé par moi seul.
Mais lorsqu'on élève une semblable prétention, on ne
réfléchit pas que, de son côté, la commune, la constitution à la main, peut
précisément dire la même chose. Elle peut dire : puisque mes intérêts communaux
ou domestiques, d'ailleurs reconnus par la constitution, ont également droit à
être représentés, je veux de même trouver dans ce chef un agent à moi, un agent
au moins tacitement avoué par moi, et c'est là aussi mon droit ; c'est tout
autant mon droit pour mes intérêts communaux que le votre pour vos intérêts
généraux.
Il faut convenir, messieurs, qu'il y a ici, de la part
du gouvernement, quelque chose d'exclusif, quelque chose d'absolu et même de
violent, lorsque, sans aucun égard pour les intérêts communaux proprement dits,
il prétend avoir tout à dire dans la nomination du chef de l'administration, et
interdire l'intention même indirecte de la commune. Sous prétexte de diminuer
l'indépendance du bourgmestre vis-à-vis de l'Etat, on voudrait l'annihiler
entièrement, et l'on se jette ainsi dans un parti extrême. Evidemment, le
gouvernement veut ici se faire la part du lion.
Ce que je viens d'avancer, j'espère, messieurs,
pouvoir vous l’établir en peu de mots.
L’art. 29 de la constitution statue :
« Art. 29. Au Roi appartient le pouvoir exécutif,
tel qu'il est réglé par la constitution. »
Mais dans cette disposition, il ne s’agit du pouvoir
exécutif que quant aux lois et aux mesures d’intérêt général, et nullement
quant aux intérêts communaux, puisque pour ces derniers, il existe dans la
constitution même des dispositions toutes spéciales.
L'art. 67 dit, en effet :
« Art. 67. Le roi fait les règlements et arrêtés
nécessaires pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les
lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution. »
Et l'art. 78 porte :
« Art. 78. Le Roi n'a d'autres pouvoirs que ceux
que lui attribuent formellement la constitution et les lois particulières
portées en vertu de la constitution même. »
Mais quant
aux intérêts communaux, voici en outre ce qui est stipulé dans la constitution.
« Art. 31. Les intérêts exclusivement communaux
ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d'après
les principes établis par
L'art. 108 nous fait connaître quels sont ces
principes :
« 1°. L'élection directe, sauf les exceptions que
la loi peut établir à l'égard des chefs des administrations
communales. »
Portez votre attention, messieurs, sur ces expressions
: que la loi peut établir. Ainsi
le chef de l'administration, toujours chargé nécessairement de l'exécution,
peut être nommé directement par les électeurs, à l'exclusion même du
gouvernement ; la législature a la
faculté de faire nommer le bourgmestre par la commune, sans même aucune
intervention de l'Etat.
Ainsi, bien loin que l’Etat ait le droit absolu, comme
on le prétend, d'intervenir dans la nomination du chef de l'administration, d'y
intervenir avec toute liberté, vous pouvez même, au contraire, exclure tout a
fait son intervention dans cette nomination, et en cela vous agiriez encore en
conformité de la constitution même. Le gouvernement n'est donc pas admis
à dire que c'est là son droit et son droit constitutionnel.
Le second principe est ainsi conçu :
« 2" L'attribution aux conseils provinciaux et
communaux de tout ce qui est d'intérêt provincial et communal, sans préjudice
de l'approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi
détermine. »
Ainsi, ce n'est pas du tout au gouvernement, mais à la
commune représentée par le conseil qu'appartient le règlement de ses intérêts
domestiques ; par conséquent, nommer un agent purement gouvernemental qui, par
le fait et sans même un mandat tacite de la commune, vient s'immiscer dans ce
même règlement des affaires communales, évidemment c'est dépasser le pouvoir
constitutionnel de l'Etat vis-à-vis de la commune.
Or, messieurs, c'est ce qui arrive inévitablement
lorsqu'on veut faire du chef de l'administration communale le représentant exclusif
du gouvernement. Comme alors il est à la tête du pouvoir exécutif de la
commune, par la force même des choses, c'est nécessairement dans ses mains que
tombe le gouvernement communal : puisque dans les affaires. en définitive, tout
se réduit au fait de l'exécution, que tout dépend de celui qui a la main haute
sur l'exécution, et qu'à celle-ci sont attachés la direction, le sens et les
vues qu'on veut donner aux actes mêmes, il en résulte à l'évidence qu'avec ce
système le représentant du gouvernement vient ainsi, contre l'esprit de la
constitution et malgré la commune, s'ingérer par le fait même dans le régime
intérieur des affaires domestiques qui appartient au conseil, et cet agent
intervient avec d'autant plus de liberté qu'il est dans une indépendance
absolue vis-à-vis de la cité et qu'on le nomme même pour un temps illimité ou
plutôt à vie comme les autres fonctionnaires administratifs.
La constitution a proclamé le principe de l'attribution
au conseil de tout ce qui est d'intérêt communal, mais vous voyez que dès
ce moment ce principe cesse d'être une vérité.
On doit distinguer dans la commune deux
administrations, l'administration délibérante, qui règle les intérêts communaux
et qui est dévolue au conseil, et l'administration exécutive, car le conseil
est physiquement dans l'impuissance d'exécuter lui-même.
Mais au résultat cette administration délibérante
n'est rien sans l'administration exécutive, laquelle, avec son pouvoir
d'exécution, peut toujours l'arrêter, par la force d'inertie ou autrement,
l'éluder, l'entraver, la neutraliser, même dans ses desseins, dans ses mesures,
de sorte que, dans la vérité, cet agent exclusif de l'Etat vient, sans aucune
délégation de la commune, s'immiscer dans le régime municipal que la
constitution attribue formellement au conseil ; et vous usurpez ainsi, au moins
quant à ses intérêts domestiques, la prérogative de ce corps , et par
conséquent de la commune qu'il représente. Dans l'espèce, surtout n'est-il pas
absurde, et n'est-ce pas usurper que de faire exécuter les résolutions d'un
corps par celui qui n'a pas même un mandat tacite ?
Régler ce qui est d'intérêt communal, c'est évidemment
administrer c'est avoir l'administration régulatrice des intérêts de la commune
; mais puisqu'au vrai cette administration délibérante n'est qu'une lettre
morte, si elle ne reçoit la vie de l'administration exécutive, dès que vous
constituez agent du gouvernement le chef de cette exécution, il est clair que
vous mettez l'administration délibérante, à la merci de l'autre, à la merci de
ses volontés et de son bon plaisir. Les délibérations, les résolutions du
conseil ne seront plus alors ce que le conseil voudra qu'elles soient, mais
bien ce que cet agent gouvernemental voudra qu'elles soient, puisqu'elles
seront exécutées de la manière et dans tel sens qui lui conviendra, et
peut-être encore pour autant qu'il le voudra bien.
Ainsi, dans ses conséquences, le système dont il
s’agit est, au vrai, un empiétement sur la prérogative du conseil qui, d après
la constitution, est expressément chargé de soigner et de régler les intérêts
communaux ; au contraire, l'administration de la commune étant d'ailleurs
indivisible, cette prérogative est au moins respectée quand le chef de l'Etat
est tenu de prendre le bourgmestre dans le sein du conseil, parce qu'alors ce
fonctionnaire étant investi d'une délégation au moins tacite de la part du
conseil, il est censé n'être pas étranger a ses sympathies, il est censé avoir
au moins dans l'exécution, jusqu'à un certain point, la même pensée, le même
esprit que ce corps. La prérogative du conseil est alors autant respectée
qu'elle est violée dans le système contraire, lorsqu'on veut ainsi faire passer
l'administration exécutive à un agent qu'on impose à la commune, qui n'est pas
au nombre de ses élus, qu'elle doit toujours regarder comme un étranger, et qui
sans doute sera toute sa vie exclusivement à la dévotion d'un autre pouvoir.
En un mot, voici en d'autres termes ce qu'on dit à la
commune :
« Usez de votre droit constitutionnel, de régler comme
il vous plaira vos intérêts domestiques, vos intérêts communaux. Mais d'un
autre côté, mon agent est là, mon agent, qui est chargé de l'exécution, en fera
toujours ensuite ce qu'il voudra. » Ainsi, par le fait même, le
gouvernement retire d'une main ce que la constitution accorde de l'autre à la
commune, au conseil.
Or, n'est-ce pas là évidemment une usurpation au moins
déguisée et indirecte.
On a dit que la commune trouvait sa garantie dans les
échevins, M. le ministre vous a même dit, dans une séance précédente :
« Ne vous inquiétez pas, le bourgmestre n'a que le tiers de l'autorité
dans le collège échevinal composé de trois membres, et même un cinquième
seulement dans le collège échevinal composé de cinq membres. »
Mais M. le ministre ne vous dit pas, messieurs, que le
bourgmestre n'est pas simplement membre du collège, mais qu'il est en même
temps considéré comme le chef de ce collège. Or, vous savez tous, messieurs, ce
que c'est que le chef d'un corps. L'expérience prouve que c'est toujours
l'impulsion du chef qui entraîne, qui domine tout.
Monsieur le rapporteur lui-même, lors de la discussion
de la loi communale, nous a dit et répété que surtout dans les campagnes le
bourgmestre était tout, que de fait, il était l'âme de l'administration. En
effet, les rapports des commissaires d'arrondissement nous apprennent qu'en
général les échevins ne font rien, qu'ils sont inactifs, et que le plus souvent,
on va quérir leur signature à domicile.
On conçoit qu'il doit en être ainsi, lorsqu'on se
rappelle que le bourgmestre est pour ainsi dire le seul qui ait un traitement ;
ce qui est payé aux échevins étant presqu'insignifiant, quels soins, quelle
vigilance peut-on attendre d'eux ?
Mais ce n'est pas tout, le système qu'on veut
introduire vicierait même dans son essence l'institution des échevins, de sorte
qu'on ne pourrait jamais s'en reposer sur eux.
Jusqu'à présent, les bourgmestres dépendant plus ou
moins du conseil et de la commune, se voyaient en quelque sorte obligés de
demander pour collègues des personnes qui convinssent à la fois et aux
électeurs et à la commune, Mais une fois que le nouveau système sera introduit,
le bourgmestre, se trouvant dans une entière indépendance vis-à-vis de la
commune et des électeurs, n'aura plus de motif pour condescendre à leurs désirs
; naturellement alors, il agira de manière à faire tomber le choix de ses
collègues sur des personnes qui le laisseront presque toujours libre de faire
ce qu'il voudra, chez lesquelles il ne rencontrera que peu ou point
d'opposition, et généralement il ne sera pas bien difficile de trouver dans les
conseils une ou deux personnes de cette catégorie. Vous voyez donc qu'avec ce
système l'institution des échevins même est faussée, et que la commune ne
pourra plus compter sur eux.
Les échevins seront inévitablement entraînés vers le
bourgmestre, de manière que celui-ci aura la prépondérance toujours assurée
dans le collège, ct c'est probablement là le but du gouvernement, à peu près
comme sous le régime impérial ; la seule volonté de l’agent du gouvernement
finira donc sans doute par dominer dans la commune. Dès lors il n'y aura plus
de contrepoids près du bourgmestre, et l'équilibre sera tout à fait rompu :
c'est ainsi que disparaîtra peu a peu la dernière garantie de la commune.
Un orateur a dit que si le bourgmestre se permettait
des abus vis-à-vis de la commune ou du conseil, l'autorité supérieure était là
pour le surveiller. Mais quand il sera dirigé par l'esprit de parti, il sera
moralement impossible de l'atteindre, ou des années et des années s'écouleront
avant qu'on y parvienne, et lorsque le mal sera devenu très grave. Dans tous
les cas, ce fonctionnaire sera tellement appuyé par le commissaire
d'arrondissement, le gouvernement et le ministre, qu'il sera bien difficile, si
pas impossible, d'obtenir raison contre lui. II fera le mal avec d'autant plus
de sûreté qu'il sera nommé à vie. L'expérience vous dit assez qu'en pareil cas
l'autorité supérieure a toujours raison et que généralement les communes ont
tort. Bien des plaintes de cette nature ont été portées devant cette chambre,
et constamment l'on a passé à l'ordre du jour. Je demanderai qu'on me dise
quels sont les griefs qu'on a redressés.
La moindre garantie qu'on puisse accorder à la commune
et que réclament d'ailleurs l'union et le bon ordre, ne peut donc se trouver
que dans un système de conciliation tel que celui que nous soutenons.
Un honorable ministre nous a dit : mais le
gouvernement a le droit de nommer seul exclusivement ses ministres, son
gouverneur, pourquoi n'aurait il pas aussi le droit de nommer seul
exclusivement son bourgmestre ? Messieurs, il y a là une différence immense.
Pourquoi le Roi nomme-t-il de son chef exclusivement les ministres ? C'est
parce que là l'intérêt est purement et exclusivement gouvernemental. Mais déjà
dans la province même, si le gouverneur est seul chargé de l'exécution des
délibérations du conseil et de la députation, d'un autre côté, aux termes de
l'article 106 de la loi provinciale, la députation intervient pour délibérer
sur l'exécution de bien des lois.
Ainsi, déjà dans la province même, le gouvernement
n'est plus maître absolu de son pouvoir exécutif ; et par égard pour les
franchises provinciales, il est tenu d'admettre l'intervention de la
représentation de la province pour l'exécution de certaines lois.
Pourquoi d'ailleurs le gouverneur est-il seul chargé
de l'exécution des délibérations du conseil ? C'est parce qu'au gouvernement
provincial, très souvent, et en grande partie, il s'agit de toutes affaires
d'intérêt général et de mesures d'ordre public.
Mais si déjà dans la province le gouvernement ne peut
conserver entièrement et exclusivement son pouvoir exécutif à bien plus forte
raison, quand nous descendons jusqu'à la commune, car là l’administration
embrasse principalement, ou pour une part au moins égale, les intérêts
domestiques de la commune ; là c'est l'intérêt communal qui domine, qui est
premièrement en jeu. En effet, dans la commune presque tout est d'intérêt
communal. L'expérience le démontre assez, les intérêts et les affaires
domestiques de la commune, comme ceux d'une famille, sont sans nombre ; elles
sont de tous les jours, de tous les instants ; or, nous l'avons vu, vouloir que
la commune reste absolument étrangère à la nomination du chef à qui doit être
confiée toute cette administration , n'est-ce pas vouloir éluder, au moins en
partie, sa prérogative constitutionnelle ?
J'ajouterai d'ailleurs que si, aux termes de l'art.
124 de la loi provinciale, le gouverneur est seul chargé de l'exécution des
délibérations du conseil et de la députation, à mon avis, c'est là une anomalie
: aussi n'est-ce pas sans motif que nous avons voté contre la loi provinciale.
Mais il y a encore cette différence, que la province a dans la députation un
surveillant permanent des actes et de la conduite du gouverneur, ce qui
n'existerait pas pour la commune, à l’égard du bourgmestre.
Messieurs, à entendre M. le ministre de l'intérieur,
quand il nous a présenté les rapports des gouverneurs et des commissaires
d'arrondissement, je croyais que cette espèce d'enquête allait constater des
désordres graves, des insubordinations multipliées et un relâchement tel dans
l'exécution des lois, qu'il eût pu compromettre l'ordre social ou du moins la
marche de l'administration. Mais je n'ai rien vu de tout cela et j'ai été
singulièrement surpris du vide qui existe dans ces pièces ; elles viennent bien
plutôt déposer contre le gouvernement lui-même.
Au total, il n'y a pas plus d'abus maintenant qu'il
n'y en a toujours eu auparavant ; il est donc établi qu'avec le système actuel
le gouvernement a toujours conservé, comme il conserve encore, une action
convenable, et l'influence indispensable pour l'exécution régulière des lois et
que nos bourgmestres possèdent, à cet égard, l'indépendance nécessaire ; mais,
dans tous les cas, quand même encore le mal serait réel, ce n'est jamais dans
ces changements, qui porteraient évidemment une atteinte funeste à l'institution
communale, qu'il faudrait en chercher le remède.
Ce que j'ai remarqué particulièrement dans ces
rapports, c'est qu'on y fait des théories, et qu'on s'attache plutôt à faire la
critique du système de l'élection directe. Mais l'élection directe est
consacrée par la constitution, et il ne s'agit pas de la critiquer, mais de
l'observer.
Un honorable membre, qui soutient les projets, vous a
dit que ceux des membres de l'assemblée qui avaient de l'expérience étaient de
son avis.
Je dois dire que j'ai aussi mon expérience
administrative. J'ai occupé des fonctions administratives avant la révolution ;
et depuis j'ai exercé pendant trois ans celles de commissaire de district, et
pendant toute la durée de mes fonctions, je n'ai jamais reconnu la nécessité
d'augmenter mon autorité, je l'ai trouvée suffisante. Mes rapports en font foi,
et cependant, j'ai aussi rencontré des résistances, Sans doute j'ai bien
compris qu'il était plus commode, plus expéditif de commander, d'agir avec
toute rigueur et de frapper ainsi des coups d'autorité ; mais est-ce ainsi
qu'on fait aimer l'administration ? J'ai toujours vu qu'en se donnant un peu de
peine on arrive, même plus sûrement, à ses fins par la persuasion ou d'autres
moyens semblables.
Je me proposais de faire aussi l'analyse de cette
enquête. Mais un honorable membre a rempli cette tâche, et on ne lui a point
répondu. Je me bornerai donc à toucher quelques faits qui sont à ma
connaissance, et vous verrez, je l'espère, qu'ils ne concluent rien. Vous
pourrez, d'après eux, vous former une idée des autres faits, d'ailleurs en bien
petit nombre, que rapporte cette prétendue enquête.
On vous a dit qu'une commune refusait de payer une
dette malgré un jugement et un arrêt qui la condamnaient, voici ce qui s'est
passé. Cette affaire date d’abord de 25 à 30 ans. Toute la commune a l'intime
conviction que cette delle n’est pas due, qu'elle a été payée, et
malheureusement les preuves manquent. Cette réclamation est considérée comme
une iniquité révoltante. Dans cette position, la commune, avec tous les
habitants, a dit : Je payerai s'il le faut, mais je résisterai autant que je le
pourrai, et j'attendrai que j'y sois absolument forcée. Je demande si beaucoup
d'entre vous n'agiraient pas de même ? Cependant on vous présente cette commune
comme récalcitrante, comme en état de révolte. Vous voyez que, dans tous les
cas, cette affaire n'a pas le moindre rapport avec la nomination des
bourgmestres.
On a dit que dans une autre commune des désordres
avaient été commis. Cela est vrai, et ce fait remonte à plusieurs années. Je
m'y suis même intéressé sous le ministère de M. de Theux, et il a été alors
reconnu qu'il y avait eu faute de la part de l'autorité supérieure ; il a été
reconnu qu'un autre choix aurait pu être fait. Ici encore ce n'est donc pas à
la loi communale qu'il faut s'en prendre.
Dans une autre commune on a refusé, dit-on, de payer
la taxe des chiens pour la province, mais on ne vous dit pas pourquoi, la
commune a sans doute présenté ses raisons.
On se plaint de la négligence d'un bourgmestre à faire
restitue une emprise, à cause de l'influence d'une famille. Mais de tels faits
se sont vus de tous les temps ; cela a eu lieu sous le gouvernement précédent,
comme toujours ; et quel que soit le mode de nomination du bourgmestre, la loi
sur les chemins vicinaux doit d'ailleurs y pourvoir.
Mais tout récemment, on vous a signalé à cette
tribune, et en dehors de l’enquête, un fait grave que je puis aussi rencontrer.
On a dit que telle administration ne voulait pas recevoir la correspondance de
l'autorité supérieure, qu'elle la renvoyait sans la décacheter, que les
conseillers s'entendaient pour forcer la main au gouvernement dans le choix du
bourgmestre.
Je demanderai d'abord s'il est permis à un agent du
gouvernement d'articuler ici des faits en dehors de son rapport, alors que nous
serions dans l'impossibilité d'aller à la source pour les vérifier et
apprécier. Je demanderai s'il convient d'accuser ici des absents qui ne peuvent
se défendre. Avec la meilleure bonne foi du monde, on peut donner à un fait
certaine physionomie, tandis qu'il en aurait une autre, s'il était examiné de
plus près. Pour ce seul motif d'abord, vous ne devriez donc pas avoir égard à
ces faits, mais j'en ai assez connaissance pour vous en dire un mot.
Ce qu'on ne vous a pas dit, messieurs, c'est que tout
ce qui s'est passé tient à la situation politique depuis les événements de
1830, et ce sont là des faits uniques, tout à fait exceptionnels, qui ne
doivent plus se reproduire : or jamais on ne peut argumenter de pareils faits
quand il s'agit d'une loi d'organisation générale.
Dans cette affaire, voici quelle était la question.
Maintiendra-t-on ou révoquera-t-on de ses fonctions de bourgmestre, un notable
très influent qui ne partageait pas notre opinion politique, mais d'ailleurs
très honnête et très capable et donnant la garantie du serment ? C’était là une
question de prudence, de prévoyance ; mais la solution a été malheureuse de la
part de l'administration. et elle en subit aujourd’hui les conséquences ; voilà
toute l'affaire. Pour ne pas compromettre sa dignité, l'administration avant
d'éliminer, doit s'assurer des moyens de remplacer, de sorte que dans l'espèce
encore c'est à l'autorité supérieure qu'est la faute et point du tout au mode
de nomination des bourgmestres et échevins.
Je suppose qu'il y ait eu, comme on l'a dit, un
concert frauduleux entre les conseillers, dans la vue d'empêcher l'organisation
communale en exécution de la loi ; si cela était, je dis que ce serait une
sorte de coalition, que ce fait pourrait constituer une espèce de délit,
et dans ce cas il faudrait y pourvoir par une disposition législative
extraordinaire, mais applicable seulement aux communes qui se trouveraient dans
cette situation.
Plusieurs
membres.
- Vous avez le code pénal.
M. Doignon. - Le code pénal n'a pas prévu ce cas. Voilà
ce qu'il y aurait à faire. Mais vous voyez que ce fait ne peut
avoir aucune influence sur la question qui nous occupe. Je dirai alors : faites
une loi pour atteindre ces coalitions et donner en même temps au
gouvernement le moyen de faire administrer ces communes extraordinairement
rares, qui se seraient mises elles-mêmes dans une position tout
exceptionnelle. Mais, sous prétexte qu'une commune aurait commis un écart, n'allez
pas les mettre toutes sur la même ligne ; n'allez pas, sous ce prétexte, leur
ravir à toutes leurs franchises constitutionnelles, ou compromettre par des
changements l'existence même de celle-ci, et les rendre ainsi toutes
responsables et victimes de la conduite de l'une d'elles. Il y aurait là
une injustice qui révolte en même temps qu'une violation de tous les principes,
en matière de législation.
La constitution a donné des franchises aux communes.
Mais si l'une d'elles se place volontairement en dehors de la constitution, en
dehors du régime légal et constitutionnel, le législateur doit se borner à
examiner les mesures extraordinaires à autoriser à leur égard, et en faire une
loi spéciale sans pour cela changer la loi générale d'organisation.
Si par exemple, les électeurs d'une petite commune
s'entendaient aussi pour se refuser à nommer le conseil communal, ne devrait-on
pas y pourvoir, soit en autorisant le gouvernement à faire administrer la
commune par une commission, comme on le voit en France, soit par d'autres
moyens ? Dans tous les cas, il faut que la marche de l'administration
supérieure soit assurée, mais il faut en même temps maintenir en faveur de tous
le respect dû aux franchises constitutionnelles.
Du reste, l'honorable M. Liedts vous l'a dit, dans
tout cela il n'y a rien de dangereux, et ce n'est que dans un cas de
guerre, ou de commotion extraordinaire, que la position pourrait peut-être
devenir difficile. De sorte qu'en aucun cas vous ne devez vous arrêter à de
tels faits.
Messieurs, je crois assez que, dans cette question, je
parle inutilement à cette tribune pour bon nombre de mes collègues. Mais
toutefois, qu'ils veuillent bien me permettre une dernière réflexion sur les
conséquences de leurs votes. Je m'adresserai ici à toutes les opinions. Je dirai
à tous : Au moins laissez-vous toucher par vos propres intérêts ; ne soyez pas
vous-mêmes vos propres ennemis. Voici le dilemme que je leur poserai : ou vous
avez confiance dans les ministères futurs, ou vous n'en avez pas. Je dirai aux
uns et aux autres : Si vous ne pouvez vous confier à ces ministères, ne
cherchez donc pas vous-mêmes votre perte en mettant dans leurs mains et contre
vous-mêmes une arme aussi puissante dans toutes les communes. Pensez-y bien :
dans chaque localité vous leur donnez pour agents actifs et dévoués et le
bourgmestre et, par une suite toute naturelle, l'un ou l'autre des échevins,
sinon tous les deux, et les secrétaires communaux ; et qui sait encore si l'on
ne voudra pas faire aussi avec les instituteurs une classe de fonctionnaires !
Pensez-y bien, vous donnez à ces ministères, hostiles à votre opinion et
cachant peut-être un fond d'intolérance, autant de serviteurs officiels, tout à
fait dans leur dépendance ; vous leur donnez autant d'agents, autant d'auxiliaires
pour faire prédominer dans chaque commune leurs principes et peut-être leur
esprit de parti, pour exercer même toute influence sur l'instruction et
l’éducation de vos enfants, et surtout, dans les élections, mettre en œuvre
tous les moyens afin de fausser la majorité parlementaire. Je le demande à
toutes les opinions, n'y aurait-il pas plus que de la bonhomie à se livrer
ainsi à ses adversaires ? aujourd'hui, relativement
aux élections, le bourgmestre est dans une position mixte et nécessairement
modérée. Ne pouvant plaire aux uns sans déplaire aux autres, il est tenu d'être
circonspect et d'avoir beaucoup de réserve. Mais une fois devenu tout à fait
indépendant, il n'aura plus, dès ce moment, aucune raison d'user de ménagement
et de circonspection dans ses démarches, et son crédit, n'en doutez pas, sera
d'autant plus grand et plus dangereux que vous lui aurez donné un
pouvoir exorbitant, qu'il pourra faire ainsi beaucoup de mal, offrir à chacun
sa protection, ses faveurs, tous les avantages qu'il tient de sa position, et
prodiguer enfin les promesses ou les menaces. Si donc vous n'avez pas confiance
dans ces ministères, jugez quelles peuvent être les suites de l'adoption du
projet de, loi, et quelle responsabilité pèse sur vous !
Si au contraire vous avez confiance dans les
ministères futurs, je dis alors que c'est de votre part une imprudence au dernier degré, ou plutôt
c'est de la témérité. Sous notre régime représentatif, et avec une constitution
qui consacre la liberté des opinions de la presse, de l'enseignement et le
système de l'élection directe, nier qu'une mauvaise opinion puisse arriver au
timon des affaires, je dis que c'est nier l'évidence. Mais j'en appelle encore
aux faits. En France et en Angleterre, sous les ministères Whig et de Villèle
n'a-t-on pas cru qu'aucune autre opinion ne pouvait prévaloir. Ces ministères
se croyaient affermis pour de longues années. Eh bien ! la seule chance d'une
élection a suffi pour tout renverser. Sous une constitution moins libérale, le
danger serait moins grand. Mais avec toutes nos libertés politiques, le danger
est réel.
Sans s'arrêter à des considérations du moment,
n'est-ce pas sur l'avenir qu'un bon législateur doit premièrement porter sa
prévoyance et sa sollicitude ?
Pour moi, messieurs, je ne veux pas jouer un jeu
semblable, et j'en laisse toute la responsabilité à ceux qui veulent le faire.
Ainsi, dans tous les cas, soit que vous n'ayez point
ou que vous ayez confiance dans les ministères futurs, je dis que pour toutes
les opinions ce serait une haute imprudence, une faute d'une portée
incalculable, d'adopter les propositions du gouvernement ou de la section
centrale. Vous vous exposeriez à vous perdre vous-même.
Mais veuillez vous en souvenir, vous-même vous l'aurez voulu.
(Moniteur belge
n°154, du 3 juin 1842) M. Mercier. - L'attention de la chambre devant être fatiguée, après
une aussi longue discussion, je n'abuserai pas de ses moments.
Je vois dans l'objet du débat actuel une question
gouvernementale d'une haute importance.
J'ai cherché à la résoudre exclusivement dans des vues
d'intérêt public, sans aucun esprit de parti ou d'opposition.
Un honorable membre qui siège à ma droite a dit dans
la séance d'hier que le gouvernement maintenait son projet primitif. Prenant
cette assertion pour point de départ, l'honorable orateur s'est livré
uniquement à l'examen de ce projet. Mais si le gouvernement maintient son
projet primitif, il adhère en même temps à des propositions d'une portée plus
étendue et qui, à mon avis, sont directement opposées à celles qui ont été
présentées à la chambre en vertu d'initiative royale.
Le projet primitif du gouvernement conserve le
principe de la loi actuelle. Il n y déroge que dans des circonstances rares et
exceptionnelles. La proposition de la section centrale, au contraire, renverse
ce principe et lui substitue une autre base. Si les premières propositions du
gouvernement sont basées sur une saine appréciation des nécessités
gouvernementales et des intérêts nationaux, évidemment celles de la section
centrale dépassent le but qu'on doit attendre, et par cela même prennent un
caractère extrême. Comment donc concilier le maintien des unes avec la défense
des autres ? Comment vouloir à la fois la conservation et le rejet d'un
principe fondamental ? C'est ce qu'il m'est impossible de concevoir.
J'al examiné avec soin les rapports de MM. les
gouverneurs et commissaires de district ; j'ai suivi les débats de la chambre
avec une scrupuleuse attention, en m'attachant plutôt aux faits qu'aux théories
; j'ai pensé, messieurs, qu'alors qu'il s'agissait de détruire ce qui existe,
c'était les faits qu'il fallait principalement interroger. Ceux qui ont été
révélés par l'enquête et pendant la discussion, quoique graves dans certains
cas isolés, ne m'ont pas paru assez nombreux, n'ont pas ce caractère de
généralité nécessaire pour motiver un changement radical dans une loi
organique.
La plupart des griefs articulés contre la législation
actuelle se reproduiraient d'ailleurs sous tout autre régime ; c'est ce que
l'honorable M. Devaux a parfaitement démontré ; et ce que savaient d'ailleurs
tous ceux d'entre vous qui ont pu voir fonctionner les anciennes
administrations communales ou qui ont consulté des hommes qui avaient cette
expérience.
Dans cet état de choses je crois qu'il serait
impolitique de renverser une institution existante pour lui en substituer une
autre peut-être plus vicieuse et plus fertile en embarras de toute espèce. Déjà
les innovations dont la loi est menacée ont jeté l'alarme et l'inquiétude dans
nos communes ; beaucoup d'hommes modérés, sincèrement attachés à l'état des
choses créé par la révolution craignent les envahissements de l’esprit de
réaction, quelqu'éloignés qu'ils soient de la pensée des honorables auteurs des
amendements proposés. Ces craintes, ces appréhensions, nous ne devons pas les
mépriser ; elles témoignent d'ailleurs d'un fait digne de fixer l'attention du
législateur, l’amour des Belges pour leurs nouvelles institutions : bouleverser
légèrement ces institutions sans opportunité, sans nécessite absolue, c'est
faire croire au peuple qu'il n'existe pas de principes réel en matière
gouvernementale. C'est lui ôter toute conviction politique, c'est le rendre
indifférent à toute loi d'organisation sociale : un tel résultat serait un mal
d'autant plus grand que cette indifférence imprudemment excitée, pourrait ne
pas s'arrêter aux lois d'organisation intérieure, mais s'étendre peut-être au
sentiment même de la nationalité, ce sentiment sur lequel repose le salut de la
patrie, et que tous les efforts de l'homme d'Etat doivent tendre à développer
et à fortifier.
Si les faits que nous connaissons n'ont pas un
caractère de généralité, s'ils ne sont pas de nature à nécessiter le
renversement de nos institutions communales, on doit reconnaître cependant
qu'il en est d'assez graves pour qu'il soit de notre devoir de chercher à
prévenir désormais les inconvénients partiels qui en résultent.
Je crois, messieurs, devoir le déclarer ici : je n'ai
aucun souvenir que pendant que j'avais l'honneur de faire partie du cabinet il
se soit agi dans le conseil de proposer des modifications à la loi communale ;
mais j'ajouterai que si l'honorable ministre de l'intérieur d'alors était venu
signaler des faits tels que ceux qu'il a indiqués dans notre séance d'hier et
d'autres qui sont maintenant à notre connaissance, tout en m'opposant
formellement à un changement radical, je n'aurais pas refusé mon assentiment à
une disposition exceptionnelle restreinte dans de sages limites ; je l'aurais
appuyée avec la ferme intention d'en user loyalement, alors seulement que des
circonstances extraordinaires l'eussent exigé.
Cette nécessité que j'aurais reconnue comme membre du
cabinet je ne la méconnaîtrai pas comme député ; cependant, je dois le dire,
l'attitude qu'a prise le ministère dans cette discussion et qu'il conserve
encore en ce moment, n'est pas de nature à inspirer de la confiance dans ses
convictions relativement aux questions importantes qui sont débattues dans
cette enceinte ; c'est à cette attitude, je pense, que doit être attribuée la
longue discussion à laquelle les différents projets ont donné lieu. S'il est
vrai que le ministère maintient le projet qu'il est venu nous présenter au nom
de la couronne, qu'il le déclare franchement et qu'il ne se montre pas tout
prêt à en accepter d'autres qui en sont la critique vivante, et qui s'en
éloignent presqu'autant que de la législation actuelle.
Que le ministère fasse cette déclaration sans réserve
et que surtout il repousse la proposition du fractionnement des communes en
plusieurs collèges, proposition qui excite de vives méfiances, et alors j'ose
prédire que beaucoup d’hommes modérés des deux côtés de la chambre, à l'exemple
d'un honorable membre de la gauche que nous avons entendus dans notre séance
d'hier, n'hésiteront pas à donner leur assentiment à la
mesure exceptionnelle qui a été
proposée au nom de la couronne.
M. Verhaegen. - Messieurs, l'honorable M.
Doignon ayant déjà répondu aux discours de MM. Fallon et de Muelenaere, je renonce
à la parole.
M. Peeters - Messieurs, après une discussion aussi longue, je n'aurais
demandé la parole pour motiver mon vote, qui sera favorable au projet de la
section centrale, si l'on n'avait pas donné trop d'importance, selon moi, à
quelques rapports de députations permanentes, qui n'en ont d'autre, d'après ma
manière de voir, que la date à laquelle ils ont été publiés, et qui ont souvent
été contredits par les faits ; je dis la date qu'ils ont été imprimés, car les députations
provinciales du gouvernement précédent avaient plus d'autorité sur les conseils
communaux que les députations actuelles.
L'honorable M. Devaux est parvenu dans votre
avant-dernière séance, à vous prouver, les rapports des députations permanentes
à la main, que nos chemins vicinaux étaient plus mal entretenus sous le
gouvernement précédent que sous le système électif qui nous régit aujourd'hui.
Eh bien ! messieurs, j'en appelle à tous les hommes de
bonne foi ; qu'ils nous disent si les chemins vicinaux qui étaient assez bien
entretenus par les bourgmestres du roi Guillaume, n'ont pas été pour ainsi dire
complètement négligés depuis la révolution, depuis que le pouvoir exécutif de
la commune est soumis à l'élection. Que ceux d’entre vous, messieurs, qui
peuvent encore avoir doutes à cet égard, se rendent sur la frontière
hollandaise, et ils reconnaîtront la limite des deux pays à l'état d'entretien
des chemins vicinaux. Certes la comparaison ne sera pas à notre avantage.
Une chose remarquable, messieurs, c'est qu'il n'y a
pas de peuple en Europe qui se soit montré aussi porté pour les travaux publics
que nous depuis la révolution : Nous avons décrété des chemins de fer, une
quantité d'autres routes, et dans ce même moment, lorsque c'était pour ainsi dire
une fureur de s'occuper de travaux publics, les chemins vicinaux étaient
abandonnés. Mais cela ne vous prouve-t-il donc pas que le pouvoir exécutif dans
la commune n'est pas ce qu’il devrait être ? Qu'il fallait le rendre plus
puissant et plus indépendant.
On nous a objecté qu'il y a une nouvelle loi
sur l'entretien des chemins vicinaux. Oui, il y a une nouvelle loi, mais cette
loi n'est pas en harmonie avec nos institutions libérales ; je vous l'ai
dit lorsque nous l'avons discutée, cette
loi, selon moi, pèse beaucoup trop sur les habitants et beaucoup trop peu sur
la propriété. J’ai et l'avantage de vous le prouver, lors de la discussion, le Moniteur
en fait foi, je vous disais alors de deux choses l'une, ou bien faites
une loi beaucoup plus juste, beaucoup plus en harmonie avec nos institutions
libérales, ou changez la loi communale.
Eh bien ! Vous avez voulu une loi sur les chemins
vicinaux surchargeant les habitants de la commune et trop favorable aux
propriétaires. J'ai combattu cette loi contraire à l’esprit de la constitution,
qui ne voulait de faveurs pour personne ; mais la majorité en a décidé
autrement. Aujourd'hui vous devez en subit les conséquences ; car je défie un
bourgmestre électif de faire exécuter votre loi ; je le défie, par exemple, de
faire entretenir par la commune un chemin qui conduit vers une forêt, propriété
d’un étranger qui contribuera beaucoup à sa dégradation, et seulement pour une
faible part à son entretien.
Messieurs, je vous ai dit que j'attachais peu
d'importance à ces rapports dont on s’est tant prévalu. J’y attache peu
d’importance, la théorie a peu d’influence sur moi ; je me laisse toujours
guider par l’expérience, par la pratique et par ce que je vois autour de moi.
Mais pour ceux qui attachent de l’importance à ces rapports j’aurai l’honneur
de leur lire un passage remarquable du rapport de la députation permanente du
conseil provincial d’Anvers, rapport qui a été fait en 1836, après le vote de
la loi qui nous régit et qui se trouve dans l’exposé de la situation de la
province d’Anvers :
« Organisation
commune.
« L’arrêté-loi du 8 octobre 1830 abandonnait à
l’élection directe la nomination
exclusive de tous les membres des administrations locales. Ce système, quoi
qu’ayant produit de bons résultats, eu égard aux circonstances extraordinaires
pour lesquelles il fut adopté, n’était point en harmonie avec les principes
constitutifs du gouvernement dont le congrès a doté le pays et ne pouvait être
maintenu plus longtemps sans énerver les ressorts de l’administration et compromettre
la marche régulière des affaires. Une expérience de 5 années avait prouvé que,
sous l’empire de l’arrêté précité, le pouvoir restait à peu près sans force
aucune en présence des magistrats communaux qui sortaient du cercle de leurs
attributions ou transgressaient leurs devoirs.
« La loi du 30 mars
Messieurs, je partage entièrement l'opinion de la
députation permanente du conseil provincial d'Anvers de cette époque. Je
concevrais qu'un bourgmestre fût nommé par les habitants de la commune, s'il
était chargé uniquement de soigner les intérêts des habitants de la commune.
Mais ce même bourgmestre est aussi le gardien des droits de propriété et doit
faire surveiller qu'on ne nuise aux propriétés situées sous le territoire de la
commune et appartenant à des étrangers
et c'est en remplissant ses devoirs à cet égard qu'il se met souvent en
opposition avec les habitants. C'est ainsi, j'ose le dire hautement, que
plusieurs de nos ruisseaux n'existent pour ainsi dire plus, que nos rivières se
trouvent dans un état d'entretien déplorable.
Mais le bourgmestre nommé par le roi jusqu'à
révocation pourra faire exécuter vos lois. Il se trouvera dans une complète
indépendance ; il ne pourra pas être révoqué même par le gouvernement s'il
remplit ses devoirs ; il ne pourra pas l'être par la majorité des habitants,
instigués quelquefois par quelques ambitieux, précisément parce qu'il aurait
fait exécuter les lois, parce qu'il aurait fait son devoir.
Messieurs, j'arrive à ce qui a été dit de l'influence
politique de ces fonctionnaires.
Suivant les uns le bourgmestre sera un homme
complètement nul ; tout le monde lui jettera la pierre ; le conseil communal se
fera un devoir de lui être opposé en tout. Suivant les autres ce sera un
despote, un maire de l'empire, un homme qui dominera les élections, et fera
tout ce qu'il voudra. Messieurs, je ne partage ni l'une ni l’autre de ces
craintes, je crois que le bourgmestre nommé par le Roi et surtout jusqu'à
révocation, restera parfaitement indépendant, qu'il ne dépendra ni du pouvoir
ni de la commune, et qu'il pourra remplir ses devoirs sans crainte.
Je suis vraiment étonné qu'on ait si peu de
confiance dans le pouvoir exécutif, contrôlé par les chambres belges, nommées
directement par le peuple ; je suis persuadé que le gouvernement qui oserait
abuser de la loi pour en faire un moyen électoral, pour fausser la
représentation nationale tomberait à son essai et qu'il ne resterait pas au
pouvoir dix jours après la réunion du premier parlement.
Messieurs, on craint l'influence du gouvernement sur
les bourgmestres ; je crois, moi, qu'il faut bien plus craindre cette influence
avec le régime existant et je vais le prouver :
Aujourd'hui le bourgmestre doit être renommé tous les
six ans. Eh bien, si un de ces fonctionnaires déplaît au gouvernement celui-ci
commencera par travailler dans les élections pour qu'il ne soit pas réélu
membre du conseil. Et cela lui sera facile ; car soyez certains qu'un
bourgmestre qui se respecte ne va pas mendier des votes, il restera tranquille
chez lui pendant que son compétiteur et le gouvernement le fera calomnier.
L'administration communale n'est pas si attirante,
l'exécution des lois de police si agréable, il faut beaucoup de dévouement au
contraire pour s'en charger, car souvent pour toutes ses peines on se fait des
ennemis de ses amis ; c'est déjà une charge assez pénible et qui pourtant ne
lui rapporte rien.
Le bourgmestre ne voudra donc pas aller mendier des
votes ; il ne fera aucune démarche. Mais le gouvernement trouvera facilement un
intrigant pour travailler contre lui dans les élections. S'il réussit, il s'en
sera débarrassé sans encourir aucune responsabilité. Car il dira qu'il n'a pu
continuer ce bourgmestre dans ses fonctions, puisqu'il n'a pas été réélu membre
du conseil communal. Si ce moyen ne réussit pas, un gouvernement qui voudrait
abuser de son pouvoir trouverait encore dans le conseil peut-être un membre
complaisant qu’il pourrait alors nommer bourgmestre pour l’avoir à sa
disposition.
Mais ce sont là des moyens qui ne seraient mis en
œuvre que par un mauvais gouvernement qui voudrait abuser de la loi, et, je
suis persuadé qu'un pareil gouvernement ne pourrait pas
exister longtemps. Je voterai donc pour la proposition de la section centrale.
M. de Baillet. - Messieurs, je demande la
permission de motiver mon vote en très peu de mots.
J'ai écouté la discussion avec une religieuse
attention. Il en est résulté pour moi la conviction que, dans certains cas,
dans certains cas extraordinaires, il y a nécessité de donner au pouvoir
exécutif le moyen de prendre un bourgmestre en dehors du conseil. L'exemple
cité par l'honorable M. Liedts m'a surtout frappé. Dans le fait qu’il a
indiqué, il est évident que le pouvoir exécutif n’a plus la liberté d’action
que la constitution lui attribue.
Je serais donc disposé à adopter le projet de loi tel
qu'il avait été présenté d'abord, avec les mots de CAS EXTRAORDINAIRE et la députation
permanente entendue.
Si la chambre est appelée à voter sur des questions,
je voterai pour que le droit de nommer les bourgmestres en dehors du conseil
communal soit donné exceptionnellement au gouvernement ; autrement pour
des cas exceptionnels. Mais je ne veux pas que l'exception devienne la
règle, et si le projet de loi fait une règle de la nomination des bourgmestres
en dehors du conseil, je voterai contre.
Je voterai également contre toutes les autres
modifications dont la nécessité est loin d'être démontrée.
La section centrale, qu'on me permette de le dire, a
gâté une idée raisonnable, et M. le ministre de l'intérieur a eu tort de
sacrifier, dans cette circonstance, et pour un intérêt qu'il est facile
d'apercevoir, son opinion personnelle aux idées et aux profils d'hommes qui le
conduiront plus loin qu'il ne veut aller.
(Moniteur
belge, n°155, du 4 juin 1842) M. de La Coste. - Messieurs, je ne viens pas répondre aux orateurs
qui ont occupé l'attention de l'assemblée dans cette séance. Sous quelques
rapports, mon opinion se rapproche de celle des deux derniers qui ont parlé,
quoique sous d'autres elle en diffère. Je ne répondrai pas au premier orateur
que vous avez entendu ; une opinion aussi conscience est trop respectable pour
que je prenne à tâche de chercher si elle n'a pas un côté faible. Mais j'ai cru
devoir vous exposer les motifs du vote que j'aurai à émettre dans cette
occasion. ,
Si la question importante que nous avons à résoudre
devait l’être uniquement par les théories, je crois que, sous l’empire de la
constitution qui nous régit, cette solution ne serait pas bien difficile.
Suivant notre théorie constitutionnelle, la volonté de tous, exprimée par les
élections générales, s'élève directement jusqu'au faîte de l'édifice social.
Elle devient ministère, elle devient loi. Puis elle retourne vers les individus
par les magistrats, interprètes indépendants de la loi, par les organes du
pouvoir central de l'Etat, nécessairement subordonnés à ce pouvoir.
Il faut qu'il en trouve de tels dans la commune
où est le point de contact avec les individus ; sans cela la volonté générale
serait interceptée avant d'avoir atteint son but final, on viendrait s'amortir
contre une volonté locale. Ce serait le renversement de la constitution.
Toutefois il ne faut pas forcer les conséquences des
principes ; il faut concilier les principes entre eux. Au surplus la question,
après la loi de 1836, me paraît moins une question de théorie qu'une
question de fait, une question de bonne foi. Que les membres qui sont
convaincus que le but que l'on s'est proposé par la loi de 1836 est atteint,
que les membres qui pensent que l'administration fonctionne régulièrement,
comme l'exige l'intérêt des administrés, qu'il n'existe pas d'inconvénients
graves, qu'il n'y en a pas de tels à redouter ; que ces membres votent contre
les propositions que nous discutons.
Quant à moi, je n'ai pas cette conviction ; les faits
qui ont été allégués par différentes autorités, et surtout par l'honorable M.
Liedts avec un accent de vérité qui a fait une si vive impression sur cette
assemblée, ces faits me paraissent avoir beaucoup de gravité.
Ma conviction serait, je l'avoue, plus entière plus
complète, si après les élections du mois d'octobre, je voyais le gouvernement
dans de très grands embarras. Mais la prudence qui va jusqu'à attendre que le
mal se soit réalisé dans toute son étendue pour chercher le remède, me paraît
bien voisin de l'imprévoyance.
Messieurs, vous le savez, je n'ai point contribué à
fonder le gouvernement qui nous régit ; je suis envers ses organes dans les
conditions de la plus entière indépendance ; mais c'est le lien de la famille
belge, c'est le garant de l'ordre, c'est le gouvernement de mon pays ; je ne
veux pas qu'il soit impuissant ; je ne veux pas qu'il soit humilié.
Vous ne le voulez pas davantage. Vous ne l'avez pas
voulu par la loi de 1836. Ce n'est point là la conséquence naturelle, c'est un
abus que l'intérêt, que les passions en font. Remédier à cet abus, tel est
l'objet de la proposition ministérielle.
On a opposé à cette proposition une objection très
grave, et qui m'a beaucoup frappé. On a dit : « Si vous obtenez la faculté
que vous demandez, vous n'oserez pas en faire usage. » Mais, messieurs,
lorsque le ministère sera en face d'une coalition avec dédit, comme celle dont
l'honorable M. Liedts vous a signalé l'existence, lorsqu'il sera en face d'un
bourgmestre qui renverra au gouvernement les dépêches qu'il reçoit, non
seulement le ministère osera faire usage de la faculté dont il s'agit, mais il
n'osera point ne pas en faire usage.
Ceci, messieurs, n'exclut pas de sages tempéraments,
et c'est précisément parce que la mesure proposée les admet, les appelle,
qu'elle me paraît mériter notre approbation.
Je vois encore un autre avantage, messieurs, dans
cette mesure, comparée avec d'autres propositions ; on vous l'a dit : il ne
faut pas rompre la chaîne des temps, il faut que le présent se rattache au
passé. Eh bien, la proposition ministérielle présente une certaine ressemblance
avec ce que l'on retrouve dans nos chartes communales, notamment dans celle de
la ville de Bruxelles.
Je ne veux point parler ici d'un fait sur lequel M. le
ministre de l'intérieur s'est appuyé, à savoir la nomination réservée au prince
de l'amman de Bruxelles, comme ailleurs des mayeurs et autres officiers. Je ne
considère pas ces fonctions-là comme offrant une grande analogie avec celles
dont nous nous occupons en ce moment. C'était là, pour autant qu'on puisse
comparer une organisation si différente de la nôtre avec les institutions
modernes, c'était, pour ainsi dire, la monnaie de nos gouverneurs et de nos
commissaires d'arrondissement ; c'était jusqu’à un certain point des
commissaires généraux de police ou une sorte de ministère public. mais je parle de l'influence que le prince exerçait sur la
composition du magistrat, c'est-à-dire du corps municipal.
Je sais qu'a cet égard, je ne me trouve point d'accord
avec les idées émises par quelques-uns de mes honorables collègues. C'est un
antagonisme qu'à coup sûr, je ne cherche point ; mais pendant qu'ils étudiaient
la question, je l’étudiais de mon côté, et je suis arrivé à un résultat
différent. Peut-être cela tient-il aux points de vue différents où nous nous
sommes placés.
Si l'on choisit, pour l'étude de nos libertés
communales, une époque de commotion populaire, on trouvera la commune
souveraine, conquérante, dominatrice, et quelquefois dominatrice fort despotique.
Si l'on choisit une phase de réaction violente en sens
contraire, on trouvera ces libertés réduites parfois au néant, la commune
proscrite à jamais, comme dans cette déclaration du duc Jean III de l'an 1406
qui porte :
« Dal nemmermeer voertane in onse staat van Brussel... Commoignie wesen
en sal. », c'est-à-dire que « dorénavant il n'y aura plus jamais de
commune dans notre ville de Bruxelles. » De là des théories opposées qui
portent également sur des faits, mais sur des faits qui sortent de l'ordre
normal et régulier, sur des faits exceptionnels.
Pour juger de ce qu'étaient au fond nos libertés
communales, il faut en prendre pour ainsi dire la moyenne, il faut voir ce
qu'elles étaient, bon an mal an, ce qu'elles étaient aux époques de calme et de
transaction, ce qu'elles étaient aux yeux de nos pères eux-mêmes dans les temps
qu'ils considéraient comme les plus prospères.
Nous possédons à cet égard un monument fort curieux,
élevé sur la fin du 17e siècle par les représentants de la démocratie bruxelloise,
je veux parler du recueil des privilèges de la ville de Bruxelles, imprimé par
ordre des neuf nations de cette ville, sous ce titre : Le lustre et
la gloire du duché de Brabant, et offert par elles, avec une fierté
vraiment flamande, au roi Charles II.
Une charte de Henri Ier, de l'an 1234 est comme la
base de ce monument. Elle accorde aux habitants de Bruxelles le droit de
présenter annuellement au choix du duc, sept échevins et treize jurés, chargés
principalement de rendre la justice ; mais on sait que la justice se confondait
alors avec l'administration.
La nomination de ces magistrats était réservée au duc,
avec cette clause remarquable : .
Quod si aliquis prœsentatorum nobis non placuerit alium eligere, et nobis prœsentare tenebuntur, quodusque plenum numerum. habeant scabinorum.
Ainsi, quand un candidat ne plaisait pas au prince, il
fallait en présenter un autre, puis encore un autre jusqu'à ce qu'on en trouvât
un qui lui plût et que le nombre des échevins fût ainsi complété.
Ce nombre de sept échevins répondait aux sept familles
ou lignages qui avaient alors toute l'autorité et qui rappellent les gentes de
l'ancienne Rome.
Peu à peu les classes laborieuses, croissant en nombre
et en richesses, voulurent avoir part au gouvernement de la cité. Après de
sanglants conflits et de fréquents changements dans l'organisation municipale,
voici celle qui fut définitivement adoptée et qui était en vigueur lorsque les nations
publièrent le trésor de leurs chartes,
L'administration communale de Bruxelles se composa de
trois membres, savoir :
1° Le magistrat choisi annuellement ;
2° Un conseil formé de membres du magistrat sortis
d'exercice ;
3° Les nations.
Celles-ci étaient composées de 147 doyens ou jurés en
exercice, élus, dans des proportions différentes, par les métiers formés en,
neuf corporations, et des 147 doyens sortant formant l'arrière-conseil (achter-raedt).
Ces jurés devaient être choisis séparément par chaque
nation parmi les plus capables, les plus riches et les plus propres à remplir
cet emploi, et leur choix était soumis à l'approbation du magistrat.
(Ordonnance du 16 mars 1514).
Le magistrat était formé d'un bourgmestre et de sept
échevins pris dans les lignages, d'un second bourgmestre et de six conseillers
pris dans les nations.
Chaque lignage s'assemblait séparément et présentait
trois candidats au duc. Celui-ci s'était réservé pourtant de choisir les
échevins en dehors de la présentation et même des lignages. (Art.111 de la
charte du dernier février 1545.)
Un bourgmestre était nommée par le duc, parmi les
lignages, sans présentation, ni autre limitation. (Art. 4 de la charte du 18
juin 1528.)
Le bourgmestre et les échevins ainsi nommés
choisissaient un autre bourgmestre et six conseillers entre 27 candidats
présentés par les neuf nations.
Les trésoriers étaient choisis de même, parmi les
mêmes candidats des lignages et des nations.
L'attribution principale du magistrat était de rendre
la justice.
L'attribution principale des nations était de
concourir aux subsides qu'on accordait au souverain, de surveiller leur
perception, ainsi que celle des taxes municipales. Ces corporations avaient des
organes appelés boetmeesters, qui
transmettaient leurs plaintes et leurs réclamations.
On dira peut-être que quelques-unes de ces
dispositions, et notamment le droit de choisir le bourgmestre sans présentation
et les échevins en dehors de la présentation et même des lignages, portent le
cachet du règne glorieux mais impérieux de Charles-Quint ; j'en conviens, mais,
je le répète, elles font partie des privilèges que les nations regardaient
comme un précieux trésor à la fin du XVIIe siècle. qui ont traversé toute la
période espagnole et ont été transmis à la période autrichienne. Enfin elles se
déduisent assez naturellement de la charte de 1234.
Mais disons vrai : Avec le droit de choisir sur une
liste triple de candidats présentée par les habitants les plus notables divisés
en sept bureaux ; avec un second choix laissé aux hommes ainsi triés, pour
ainsi dire, parmi des candidats en nombre triples présentés par des électeurs
au second degré, divisés a leur tour en neuf bureaux et soumis eux-mêmes à une
approbation, avec de nombreuses précautions prises par divers ordonnances
contre la brigue et tout ce qui pouvait soumettre les électeurs à
quelqu'influence de parti, le gouvernement aurait-il même besoin de vous
demander les droits que s'était réservés Charles-Quint, ou qui découlaient de
la charte de 1234 ?
Disons vrai encore : le magistrat était un tribunal,
les nations exerçaient en partie les droits que le peuple nous a confiés. Tout
est changé ; la commune antique a disparu, ou plutôt elle n’est pas dans la
commune ; elle a tout envahi, elle est devenue l’Etat. L’Etat est la grande
commune politique des temps modernes. Cette enceinte a remplacé les chambres
des nations de Bruxelles ; elle a remplacé le forum gantois, où les métiers
convoqués par la cloche du beffroi délibéraient en armes.
On ne peut établir de comparaison exacte entre des
choses si dissemblables que la commune antique et la commune moderne, ni en
tirer de conclusion rigoureuse, soit sans un sens, soit dans un autre ; mais au
moins l’analogie est-elle en faveur de la proposition que je défends.
Remarquez, je vous prie, messieurs, une différence
bien essentielle entre l'ancien système, le système primitif, et celui de la
loi de 1836. Le premier donne le choix à la commune et l'exclusion au
prince : le nôtre donne le choix au prince et l'exclusion à la commune.
Ceci semble plus favorable aux droits et à la dignité du souverain ; c'est le
contraire : car celui qui a l'exclusion peut resserrer à volonté le cercle où
s'exerce un choix qui devient impuissant, qui devient forcé.
Messieurs, j'ai une grande confiance dans le droit
sens de mes concitoyens ; toutes les fois qu'ils suivront les inspirations
spontanées de ce droit sens qui caractérise la nation, leurs choix seront un
guide excellent pour le gouvernement.
Mais supposez que quelque préoccupation que quelque
entraînement, que quelque intérêt particulier caché sous le masque de l'intérêt
public, viennent imprimer à l'élection sa direction funeste, c'est cette
préoccupation, c'est cet entraînement, c'est cet intérêt, qui exerce
l'exclusion, qui impose le choix, qui, dans le système de 1836, attelle, pour
ainsi dire, le pouvoir à son char de Victoire. Voilà à quoi il
faut porter remèdes.
Messieurs, permettez -moi, à
cette occasion, de répondre à une objection qui, si nous devions
partager, à cet égard, la conviction des honorables membres qui l'ont
soulevée serait bien pénible. On a semblé craindre que le remède proposé ne
devint une insulte à l'aptitude nationale. Je pourrais dire, messieurs, que
l'aptitude reconnue soit en dehors, soit au sein du conseil, sera également
nationale ; mais il est, ce, me semble, une autre considération plus élevée qui
doit complètement nous rassurer.
En effet, l'on peut dire ici ce que disait ce
Lacédémonien à qui un sophiste proposait de faire l'éloge d'Hercule :
« Qui peut blâmer Hercule ? » Qui oserait
nier l'aptitude des Belges ? dirai-je à mon tour. Certes il n'est point de
territoire aussi resserré qui ai produit de tels hommes et en si grand nombre,
C'est Charlemagne, c'est Charles-Quint ; ce sont dans les lettres les Maerlandt, les Chatelain, les Hemricourt ; cc sont les T'Serclaes
Tilly, les Clerfayt, les Beaulieu dans les armes ;
les Bergeyk, les Tirimont
dans les hautes affaires d'Etat ; tant d'autres enfin dont les noms se
présentent en foule à la mémoire. Messieurs, il n'est point donné à un
paragraphe de loi d'effacer de si grands noms, il ne lui est point donné de
briser la lyre de Grétry, de déchirer ces toiles immortelles où Rubens,
dédaignant une timide régularité, jetait, au hasard de l'inspiration, de la
vie, de la lumière et de la poésie !
Ce scrupule, messieurs, est honorable, mais il ne me
touche pas parce qu'il ne saurait être fondé.
J'en dis autant ici de la crainte de porter atteinte à
la constitution, aux libertés du pays.
L'honorable M. Vandenbossche vous propose d'ôter à la
couronne le pouvoir qu'elle tient de la loi de 1836. Eh bien, est-ce là une
atteinte à la prérogative royale ? Nullement ; la prérogative royale est
définie par la constitution, au lieu que la constitution nous renvoie
formellement la question de la nomination des chefs des administrations
communales. Ce que la loi de
Puisque j'ai prononcé le mot de prérogative, je dirai
qu'il s'agit ici uniquement d'une prérogative législative ; c'est un droit du
pouvoir législatif contre lequel on ne peut prescrire ; c'est un dépôt qui nous
est confié et que nous ne pouvons aliéner.
Messieurs, on vous a parlé de l'agitation que la
discussion de ce projet fait naître ; mais c'est encore là une des conditions
du gouvernement représentatif. Nous devons espérer, et j'en ai la conviction,
que nos institutions sont assez fortes pour supporter cette agitation. Je ne
vous dirai pas que cette agitation est en partie factice ; je ne vous dirai pas
qu'elle est en partie superficielle, qu'elle n'a pénétré ni bien profondément,
ni dans toutes les portions du pays ; je conviens de bonne foi qu'elle existe
jusqu'à un certain point et qu'elle atteint des esprits droits et sincères. Si
l'on croit maintenant qu'elle puisse devenir dangereuse, qu'on me permette de
le dire, c'est une noble épreuve pour le patriotisme qui anime cette assemblée.
Elle renferme, je le sais, des hommes dont l'opinion
est radicalement contraire au principe de la loi en discussion ; ceux-là sans
doute n'y consentiront à aucun prix ; mais je pense que si vous mettez de côté
les questions de détail, les questions de plus ou moins de temps, de forme, je
pense, dis-je, qu'il existe dans la chambre une grande majorité en faveur de ce
principe ; que cette majorité donc se déclare, et la nation se rassurera à
l'aspect de cet accord imposant, et le calme rentrera dans tous les esprits.
Messieurs, je ne suis pas décidé moi-même à admettre
toutes les propositions dont vous êtes saisis, et comment pourrais-je l'être,
puisqu'il s'agit de choisit, entre différentes propositions ? Mais ce que je
prends la liberté de conseiller à la chambre, je le ferai de mon coté, je
n'insisterai point sur de simples nuances d'opinion ; sans aller pourtant dans
cette voie de conciliation jusqu'à concourir à une loi plus imparfaite à mes
yeux que celle qui existe.
A la proposition ministérielle on en a opposé une
autre qui a, si je puis m'exprimer ainsi, la franchise, la vigueur de la
jeunesse ; au premier abord elle m'attirait par ces brillantes et nobles
qualités ; j'avoue cependant que mes méditations m'en ont jusqu'ici plus
éloigné que rapproché, mais je la jugerai dans les sentiments que je vous ai
indiqués. J'attendrai, pour me prononcer, que l'auteur ou d'autres membres
aient donné de nouveaux développements aux motifs qui les déterminent. Je
réserve, en attendant, mon vote.
(Moniteur belge, n°154, du 3 juin 1842) M. le président. - La parole est à M. Lejeune.
M. Lejeune. - Messieurs, comme la discussion a déjà été fort longue,
et qu’il serait très difficile de produire des arguments nouveaux, capables de
fixer l'attention de la chambre, je crois devoir renoncer à la parole.
De
toutes parts. - La clôture ! La clôture !
- La clôture de la discussion générale est mise aux
voix et prononcée.
Discussion des articles
Article premier
M. le président. - La discussion est ouverte sur l'art. 1er et les
amendements qui s’y rapportent.
Voici l'art. 1er du projet du
gouvernement.
« Article 1er. La loi du 30 mars 1836 sur
l'organisation communale (Bulletin officiel, n° 137 ), est modifiée
comme suit :
« Addition a l'article 2
« Néanmoins, le Roi peut nommer le bourgmestre
hors du conseil communal, parmi les électeurs de la commune.
« Addition à l'article 4.
« Le conseil, lorsque le bourgmestre est nommé
hors de son sein, n'en reste pas moins composé du nombre de membres déterminé
ci-dessus. »
Voici les dispositions du projet de
loi présenté par la section centrale, lesquelles se rapportent à l'art. 1er du projet du
gouvernement :
« Article unique. La loi du 30 mars 1836, sur
l'organisation communale (Bulletin officiel n. 137). est modifiée comme
suit :
« Modification à l'art. 2.
« Les mots : le bourgmestre et, sont
retranchés du 2e § de l'article 2.
« Sont ajoutées au même article les dispositions
suivantes :
« § 3. Il nomme le bourgmestre, soit dans le sein
du conseil, soit parmi les électeurs de la commune âgés de 25 ans accomplis.
« § 4. Le bourgmestre ne peut être membre du
conseil communal ; il en est de droit président avec voix consultative ; il a
voix délibérative dans le collège échevinal, et le préside.
« Modification à l'article 3.
« Les mots : le bourgmestre est de droit
président du collège échevinal
sont retranchés de l'art. 3.
« Modifications à l'art. 4.
« Les mots : le bourgmestre et, sont
retranchés de l'art. 4.
« Modification à l'art. 48.
« Le paragraphe suivant est ajouté à l'art. 48 :
« Les personnes ci-dessus désignées, ne peuvent
non plus être bourgmestres.
« Modifications à l'art. 54.
« Sont retranchés de l'art. 54 les mots : le
bourgmestre à la dernière.
« Modifications à l'art. 55.
« Sont retranchés de l'art. 55, § 1er, les mots :
le bourgmestre et ainsi que le mot également. »
M. Cools a proposé l'amendement
suivant :
« Je propose de remplacer l'article 2 de
la loi communale par la disposition suivante :
« Les conseillers sont élus directement par
l'assemblée des électeurs de la commune. Les échevins sont nommés par le Roi
dans le sein du conseil. Dans les communes de 1,000 habitants et au-dessus, le
Roi les choisit sur une liste de candidats en nombre double, présentée par le
conseil.
« Le Roi nomme le bourgmestre parmi les électeurs
de la commune. Il le suspend et le révoque.
« Le bourgmestre ne peut être membre du conseil.
Il préside le collège des bourgmestre et échevins et le conseil. Il a voix
délibérative dans le collège des bourgmestres et échevins, et voix consultative
dans le conseil. »
M. Vandenbossche a proposé
l'amendement suivant :
« Les conseiller et les échevins sont élus
directement par l'assemblée des électeurs de la commune.
« Le bourgmestre est élu, au scrutin, par le conseil
et parmi les conseillers, à l'exclusion des échevins. »
M. le président. - La parole est à M. Jadot.
M. Jadot. – Messieurs, malgré l'espèce d'anathème lancé par un
honorable orateur dans la séance d'hier, contre ceux de ses collègues qui
voient dans la proposition du gouvernement tout autre chose qu'une question
administrative, je viens soutenir que le but de cette proposition est
entièrement politique.
Si j'avais pu balancer un seul instant à manifester
cette opinion, j'y aurais été déterminé par la sortie, que je m'abstiens de
qualifier, que cet honorable membre a faite contre ceux d'entre nous qui ne
pensaient pas comme lui.
Un autre orateur nous a dit dans la même séance, qu'il
serait étonnant que l'on reproduisît aujourd’hui le reproche précédemment fait
au gouvernement, de vouloir fausser le système représentatif que nous avons
adopté, et moi je dis qu'il serait étonnant qu'on ne le reproduisît pas, car ce
qui était douteux il y a six ans ne l'est plus aujourd'hui.
J'ai prouvé dans toutes les circonstances que je
saurai toujours maintenir l'indépendance de mes votes.
Lorsque j'étais encore fonctionnaire amovible du
gouvernement, il y avait quelque danger pour moi à voter contre ses
propositions ; je rejetai cependant toutes celles qui me parurent contraires
aux intérêts du pays, et je fis bien.
Le trop fameux message du 11 décembre 1829, excita
l'indignation publique que l'on ne brave jamais impunément ; il se trouva
cependant quelqu'un qui s'en lit l'apologiste ; celui-là fit mieux.
Aujourd'hui encore, messieurs, je ferai bien ; fera
mieux qui pourra.
Lorsque l'on nous donna la loi fondamentale de 1815 on
prétendit avoir établi un ordre de choses propre à assurer au pays des
avantages dont il avait été privé sous le régime antérieur.
La commission chargée de l'examen de cette loi dit,
dans son rapport au roi, qu'elle fondait ses plus grandes espérances pour le
bien-être du royaume sur le système de lois et d'institutions qui devait en
résulter, et les membres de cette commission qui appartenaient aux provinces
méridionales y reconnurent les bases de leurs anciennes constitutions, les
principes de leur ancien liberté et les règles de leur ancienne indépendance.
Il y avait déjà longtemps que l'illusion produite par
ces belles promesses avait cessé lorsque 1830 amena l'occasion de prouver
encore une fois combien le Belge est jaloux de ses libertés, et que le mépris
que l'on en fait ne reste jamais impuni.
Cette leçon si souvent répétée, sera-t-elle toujours
perdue pour le pouvoir ? On est disposé à le croire à en juger par ce qui se
passe dans ce moment.
Le gouvernement provisoire agissant d'après les
principes d'une révolution faite par le peuple, pour arriver au redressement
des griefs qui l'avaient provoquée, établit l'élection directe de tous les
membres des administrations communales ; la nation de qui tout pouvoir émane,
le voulait ainsi. Le gouvernement provisoire ne fut dans cette circonstance que
l'interprète de la volonté nationale.
Je n'irai pas fouiller dans l'histoire pour savoir à
quelle époque et par qui certaines libertés communales ont été octroyées, je
pars de la révolution de 1830, qui les a conquises toutes, et n'a donne à
personne le droit de nous en ravir aucune.
L'art. 108 de la constitution maintint le principe de
l'élection directe ; saut les exceptions qu'il fut réservé à la loi de pouvoir
établir à l'égard des chefs des administrations communales.
Cette réserve a depuis été largement exploitée par le
gouvernement qui a obtenu non seulement la nomination des bourgmestres, mais
encore celle des échevins. C'est trop, beaucoup trop, il était donc rationnel
de croire que le gouvernement s'en tiendrait là.
Le choix du gouvernement étant circonscrit dans le
conseil communal, composé des élus du peuple, on n'y vit pas grand inconvénient
; on devait espérer que ce choix tomberait toujours sur les plus les plus
capables, les plus considérés de leurs concitoyens. On a souvent été trompé
dans cette attente. Nous savons aujourd'hui ce qu'il faut pour plaire au
gouvernement.
Les révolutions ont toutes les mêmes causes et les
mêmes conséquences ; lorsqu'une nation fatiguée des usurpations du pouvoir se
lève irritée et ressaisit en un jour ses libertés successivement ravies, elles
les place de nouveau sous la sauvegarde d'un chef de son choix, celui-ci jure
de les défendre, mais dès ce jour même les agents du pouvoir, ennemis naturels
de ces libertés, reprennent en sous-oeuvre l'ancienne conspiration et ramènent
nécessairement une nouvelle catastrophe. Les nation sont elles pour toujours
condamnées à se mouvoir dans ce cercle vicieux ? Je ne le crois pas.
En 1836, lors la discussion de la loi communale, un
ministre, parlant de l'introduction de l'élection directe par le gouvernement
provisoire, est venu nous dire que cette mesure était toute révolutionnaire ;
qu'elle était nécessaire pour le développement de la révolution ; mais
était-ce une mesure permanente ? une mesure applicable à un temps de paix ?
Non, répondit-il.
Ainsi, l'élection directe, n'était pas dans la pensée
du gouvernement provisoire et l'acte par lequel il l’a consacrée, n'aurait été
qu'une leurre. Interpréter de la sorte ses intentions, c'est le calomnier ; je
suis convaincu, quant à moi, qu'il s'est franchement associé à la volonté dont
il a été l’organe.
Le droit si naturel que la nation a voulu laisser aux
communes de confier l'administration de leurs intérêts à des personnes de leur
choix, n'est pas la seule conquête de la révolution qui porte ombrage au
pouvoir. Je regrette, je le dis franchement, de voir le gouvernement s'engager
chaque jour de plus en plus dans la voie qui a conduit le précédent
gouvernement à sa perte.
Je considère la mesure proposée, comme une des fautes
les plus graves que le ministère pût commettre, elle sera un germe de
mécontentement qui se développera et portera plus tard ses fruits ; il est vrai
qu'aux yeux des cabinets qui n'ont qu'une existence éphémère une mesure
quelconque a toujours été suffisamment justifiée dès qu'elle pouvait aider à
prolonger cette existence de quelques moments, au risque de compromettre
l’affection qui lie la nation à son chef. Et cependant cette affection est la
seule garantie de la stabilité des États. C'est la désaffection des Belges qui
a préparé le renversement de Guillaume, des événements qu'il était facile de
prévoir n'ont fait que l'accélérer, des événements semblables sont loin d'être
impossibles, ils peuvent surgir à chaque instant. Croyez-moi, messieurs les
ministres, restez fidèles à notre devise : l'union fait la force, ne
nous désunissez pas, afin que nous soyons forts lorsqu'il nous faudra défendre
notre nationalité, En Belgique plus qu’en aucun autre pays les communes
tiennent à leurs libertés ; elles en ont l'intelligence ; l'usage qu'elles en
ont fait n'a jamais entravé la marche du pouvoir. Au lieu de s'en alarmer le
gouvernement devrait les considérer comme son meilleur soutien, puisque
l'attachement que le peuple leur porte n'est en dernière analyse que l'amour
même de la patrie.
Une plus longue expérience démontrera peut-être plus
tard qu'il y a convenance à en modifier l'exercice, dans l'intérêt des communes
elles-mêmes et pour rendre plus facile la marche de l'administration générale.
Cette convenance étant ainsi établie et résultant de
faits vrais et non d'allégations spécieuses, il y aura opportunité à proposer
cette modification ; encore faudra-t-il, pour ne pas exciter les défiances des
communes, et alarmer le pays, qu'elle soit présentée par des mains pures de
toutes les atteintes déjà portées à ces libertés. Le succès d’une proposition
dépend presque toujours du degré de considération dont jouit celui qui la fait.
Jusqu'alors conservons intact ce qui nous reste des
libertés conquises par la révolution. Et quels sont les abus qui ont déterminé
le gouvernement à saisir la chambre d'une semblable proposition, alors
que tant de lois impatiemment attendues par le pays, réclament nos soins ? des convenances que tout le monde appréciera, dit-on, ne
permettent pas de les révéler et le ministère qui les tient pour avérés,
produit les avis de ses agents, pour établir la nécessité d'y remédier, il nous
dit :
« Les bourgmestres dans l'exercice de leurs
fonctions, se montrent trop préoccupés de leur réélection. »
« L'exécution de toutes les dispositions
législatives ou réglementaires, qui imposent des charges aux
administrés-électeurs, se ressent très souvent de cette préoccupation.
« Frappées de ces abus, les administrations
provinciales réclament presqu'unanimement une mesure propre à rendre moins
dépendant le principal agent du pouvoir exécutif dans les communes. »
Je n'examinerai pas les faits par lesquels on prétend
justifier la proposition que nous discutons, plusieurs de mes honorables
collègues se sont charges de ce soin et s'en sont acquittés de manière à ne
laisser au gouvernement que le regret de les avoir avancés ; mais je crois à la
préoccupation, elle existe chez certains bourgmestres et chez bien d’autres
fonctionnaires encore, plus soucieux de leur réélection ou de leur élection que
de l'accomplissement de leurs devoirs. C'est un très grand mal et c'est avec
raison que le gouvernement s'en plaint ; mais le pays tout entier peut à son
tour, et à juste titre se plaindre et s’alarmer de ce que les ministres en sont
atteints plus que personne, eux qui croient que le pouvoir dont ils sont les
dépositaires ne sera assez fort que lorsqu'il aura envahi toutes nos libertés.
Lorsque les bourgmestres pourront être pris en dehors
des élus des communes, le motif qui les porte à ménager les électeurs n'aura
pas disparu, il aura seulement changé d'objet. Devenus les agents directs du
pouvoir, on leur fera un devoir de ces ménagements chaque fois qu’il s’agira de
faire arriver les partisans du ministère au sénat, à la chambre ou dans les
conseils communaux,
Je veux dans cette circonstance dire toute ma pensée.
Il est évident pour moi et ma conviction ne date pas d'aujourd'hui, il est
évident, dis-je, que le système représentatif déplaît au gouvernement, tous ses
actes prouvent qu'il est incessamment préoccupé du soin de le fausser, son but
est avant tout est l'anéantissement des institutions qui sont de l’essence de
ce système ; c'est une véritable contre-révolution qu'il tente. Prenons-y
garde, messieurs, car cette contre-révolution
sera accomplie le jour où le premier pouvoir pourra se dire : les commune, les
chambres, c'est moi.
M. Delfosse et M. de
Theux, à qui
M. le président accorde successivement la parole, déclarent y renoncer.
M. Vandenbossche. - Messieurs, tous, je
pense, nous tenons la loi pour mauvaise, en ce qu'elle autorise le gouvernement
à nommer le bourgmestre et les échevins dans le sein du conseil. Si elle paraît
trouver des partisans, ce n'est que parce que le remède que nous propose le
ministre est pire que le mal. Aussi voyons-nous que la plupart de ses
défenseurs d'aujourd'hui sont ses adversaires d'autrefois. Les défenseurs des
modifications ministérielles étaient, au contraire, pour la plupart, autrefois
les partisans de la loi, on peut même dire que ce sont eux qui en ont doté le
pays. Je me suis opposé à son adoption, je vous ai déjà dit pourquoi. C'est que je n'entendais pas pouvoir
trafiquer des prérogatives du peuple en faveur du pouvoir, sans nécessité
absolue, et qu'en second lieu, je trouvais une inconstitutionnalité flagrante
dans la collation au Roi de la nomination des échevins, même dans le sein du
conseil. Aujourd'hui on veut plus, on veut enlever au peuple le droit de
concourir soit directement, soit indirectement à la nomination de son
bourgmestre, de son principal représentant, et on peut dire de son seul
représentant (car les échevins ne sont que ses adjoints, quelle que soit
l'autorité que leur confère la loi) outre qu'on ne prétend pas moins de
conserver au gouvernement la nomination des échevins dans le conseil. Il suffit
que l'on croie avoir trouvé un moyen de concilier cette disposition avec la
constitution pour enlever cette dernière prérogative au peuple.
Je dis : que
l'on croit avoir trouvé, parce qu'on ne s'inquiète pas de la réalité ni
même du bon sens des arguments pour l'établir.
L'honorable M. Vandensteen s'est aussi jeté dans
l'arène pour défendre le projet ministériel, et soutenir en même temps sa
constitutionnalité. Il a été démontré à l'évidence, dit-il, que la
constitution, en établissant le principe de l'élection directe, admet
l'exception pour les chefs des administrations communales, ET QUE CE CHEF
PEUT AUSSI BIEN ETRE UN INDIVIDU QU'UN ETRE MORAL, comme, par exemple,
LORSQU'ON LAISSE LE POUVOIR EXÉCUTIF AU COLLEGE DES BOURGMESTRES ET ECHEVINS,
ALORS LE COLLEGE DEVIENT EVlDEMMENT LE CHEF DU
POUVOIR. EXÉCUTIF. J'ai vainement cherché la démonstration, que le chef
d'une administration communale puisse être un être moral ; et l'exemple
qu'il nous présente annonce assez, je pense, que lui-même ne l'a rencontrée que
dans son imaginative. Au fond l'exemple revient à dire, que le pouvoir exécutif
est le chef du pouvoir exécutif, que le collège est le chef du collège, car pouvoir
exécutif et collège sont termes synonymes, et peuvent
alternativement se substituer les uns aux autres. Mais si le pouvoir exécutif est laissé au
collège échevinal, comme, en effet, il le possède, le collège échevinal
constitue toute l'autorité administrative de la commune. Si donc le Roi nomme
tous les membres du collège échevinal, il nomme toute l'autorité
administrative, et il est faux, il est absurde de dire qu'il n’en nomme que le
chef. Il est donc évident que la loi commune, en conférant au Roi la nomination
des échevins même dans le sein du conseil, viole la constitution. Impossible de
soutenir sérieusement le contraire. La loi doit donc nécessairement être
modifiée dans ce point.
D’après l’orateur, c'est en vue de satisfaire au
vœu de la constitution que le gouvernement réclame la nomination du bourgmestre
hors du conseil ; ce qu'on appelle un envahissement n'est que l'exercice d'un
droit, pour ne pas dire d'un devoir.
Or, la constitution consacre en termes exprès et non
équivoques l'élection directe de tous les membres des administrations
communales ; ce n’est qu’à l’égard du chef, non qu’elle ordonne, mais qu’elle
autorise le législateur de faire une exception. Peut-on dénaturer la
constitution plus crûment que ne le fait l’orateur ? Le pouvoir constituant a
prévu, il est vrai, que le peuple aurait pu abuser de cette grande liberté ; il
a par ainsi autoriser la législature à soustraire le chef de cette
administration à l’élection directe, mais a-t-il jamais pensé d’autoriser
l’emploi de cette exception avant que la nécessité ou tout au moins l’utilité
s’en eût fait sentir ? Avant la loi les élections se faisaient directement,
a-t-on vu que ces élections étaient tellement orageuses, qu’il y avait
nécessité de recourir à l’exception ? a-t-on vu après les élections, des
divisions et des rancunes ? a-t-on vu que les administration, directes élues
par les habitants, fonctionnaient moins bien, ou montraient mois d’aptitude que
celles où le gouvernement est intervenu depuis la loi du 30 mars ? je ne pense
pas que l’on répondra par un oui à
l’une ou à l’autre de ces questions. D’où il suit que l’on a prématurément
introduit l’exception autorisée. Mais raisonnons dans l’hypothèse que
l’exception fût trouvée nécessaire, était-ce bien consulter l’esprit de la
constitution, que de l’introduire dans l’intérêt du pouvoir. L’exception à
l’élection directe que j’ai l’honneur de vous proposer n’est-elle pas plus
conforme à l’esprit de la constitution, que même celle que l’on a admise à
l’égard du bourgmestre dans la loi du 30 mars 1836 ?
L’honorable M. de Theux, ministre de l’intérieur, nous
a virtuellement dit alors : « Le représenté n’a qu’un seul intérêt, mais
aussi il ne peut s’en départir sans le blesser et sans s’écarter de l’esprit
même de la constitution : C’est que les fonctionnaires qui le représentent,
soit indirectement, soit collectivement, tiennent leur nomination de
lui ». Or, comme le bourgmestre est le représentant, par excellence, de la
commune, d’après les principes de l’honorable M. de Theux, c’est violer
l’esprit de la constitution, c’est fouler aux pieds les intérêts de la commune,
que de lui enlever le droit de nommer elle-même déterminement
son bourgmestre, eh bien ! comme le gouvernement doit avoir son représentant
dans la commune, c’est à lui à voir si le bourgmestre nommé par le conseil
communal mérite assez sa confiance pour le nommer aussi son représentant et lui
octroyer ainsi la double qualité de représentant de la commune et de
représentant du gouvernement.
Et pour quelle raison le gouvernement refuserait-il sa
confiance au bourgmestre nommé par la commune ?
J’ai abondamment démontré que le conseil ne peut
prendre une résolution que le gouvernement ne puisse annuler. Que le collège ou
le bourgmestre ne peut faire un pas que le gouvernement ne puisse arrêter, que
l’autorité communale ne peut commettre une négligence, que le gouvernement ne
puisse réparer aux frais personnels de cette même autorité communale.
L’honorable gouverneur du Hainaut, supposant un
bourgmestre qui se refuse obstinément à l’exécution de la loi, demande
gravement : « Que ferez-vous ? Vous enverrez un commissaire spécial ? Mais
remarquez, dit-il, que chaque fois que vous voudrez employer ce moyen de faire
exécuter la loi, vous devez commencer par faire deux sommations, séparés par un
certain intervalle, que vous devez donner au bourgmestre le temps de la réflexion
; lorsque ces deux sommations seront restées sans effet, alors seulement vous
pourrez envoyer un commissaire spécial. » (J’ai proposé un amendement pour
abréger ces lenteurs, et s’il ne suffit pas, je ne me refuserai pas à le rendre
plus rigoureux.) : il continue : « et savez-vous ce qu’il en coûtera alors
à cette commune, de s’être ainsi constituée en quelque sorte en république ? 2
fr. 50 c. par jour ; de sorte qu'une commune pourra rompre tous les liens qui
l'attachent au pays, pourra, je le répète, se constituer en république pendant
un temps indéfini en payant 2 fr. 50 c. par jour ; elle pourra rester dans
cette situation pendant une année entière, sans éprouver d'autre contrainte
que d'être obligée de payer une somme qui n'atteindra pas mille francs. Ne
craignez-vous pas, messieurs, que dans telle circonstance donnée un semblable
exemple puisse être suivi et que le lien social finisse par se dissoudre
? »
Que nous annoncent ces propos ? Rien autre chose,
sinon que l'honorable M. Liedts ne connaît pas la loi communale ou qu’il feint
de l’ignorer. Il nous représente son commissaire spécial comme un commissaire
envoyé sur les lieux pour faire exécuter les mesures prescrites. Il n’en est
rien, messieurs. Ce commissaire ou ces commissaires, autorisés par l’article 88
de la loi communale, sont de véritables fonctionnaires publics, qui se
transportent sur les lieux, pour exécuter par eux-mêmes les mesures prescrites
et en souffrance. Ils remplacent l’autorité communale, dont les pouvoirs sont
suspendus quant aux mesures qu’ils ont reçu la mission d’exécution. Ce sont de
véritables fonctionnaires publics et qui doivent être respectés comme tel, sauf
à se rende coupables de délits envers l’autorité publique ou les dépositaires
de l’autorité.
Ainsi donc nous ne pouvons jamais croire à ce temps
indéfini ; ni à ce bourgmestre qui se refuse obstinément à
l'exécution de la loi. Ce n'est pas sérieusement qu'il a voulu nous
inspirer ces craintes. Mais il dit que le salaire d'un commissaire spécial
n'est que de 2 fr 50 c. par jour ; à ce sujet je dois vous dire que je pense
que cela est trp peu, et qu’on devrait au moins le
doubler.
« Il arrive que les élus se partagent les rôles,
se disent : vous serez bourgmestre ; vous serez échevin ; on est allé dans une
commune, dit l »honorable gouverneur, jusqu'a stipuler un délit de 2.000
fr. contre tout conseiller, à l'exception d'un seul, qui aurait accepté les
fonctions de bourgmestre ; un des conseillers qui ne devait pas accepter fut
nommé ; il y eut refus. Eh bien, messieurs, j'ai entendu manifester l'opinion
qu'il ne faudrait permettre au Roi de choisir le bourgmestre en dehors du
conseil que dans le cas où tous les conseillers refuseraient. Mais, je le
demande, y a-t-il quelqu'un qui voulût exposer la couronne à l'humiliation de
devoir offrir les fonctions de bourgmestres à peut-être dix conseillers qui
tous refuseraient ? Évidemment non, messieurs ; quant à moi, je dis que si la
loi m'en avait accordé le pouvoir, je n'aurais pas hésité à nommer le
bourgmestre en dehors du conseil, je dis que dans un cas aussi grave il est du
devoir du gouvernement de tenter en quelque sorte tous les moyens pour mettre à
néant une coalition semblable. »
Mais qui a procuré cette humiliation à la couronne ?
N’est-ce pas le ministre par suite de la loi ? Pourquoi n’a-t-il pas nommé
directement bourgmestre celui que le conseil avait désigné ? Cet homme était
connu par le commissaire d’arrondissement et par suite aussi par le ministre ;
la loi qu’on nous propose pourrait au surplus ne pas y remédier. On veut que le
Roi nomme les bourgmestres en dehors du conseil et parmi les électeurs. Or ce
que l’on a vu faire entre les conseillers, on pourrait aussi le voir entre les
électeurs, et on le verra notamment dans les petites communes.
Pourquoi d’ailleurs le gouvernement veut-il nommer les
bourgmestres ou concourir à leur nomination ? A différentes reprises, je me
suis fait cette question. J’ai prouvé à foison qu’il n’y a pas le moindre
intérêt sérieux et loyal.
Je veux, moi, réellement éviter à la couronne les
humiliations auxquelles on nous dit qu’elle s’est déjà vu plus d’une fois
exposée ; je veux moi, rendre le gouvernement réellement fort en le rendant
populaire ; je veux, moi, entourer la couronne et le gouvernement du respect et
de la vénération du peuple, en restituant et conservant religieusement à
celui-ci ses droits et ses prérogatives constitutionnelles. Voilà le but de mon
amendement à l’article 2 de la loi, au moyen duquel je ne diminue en rien sa
force matérielle, tout en lui conférant une force morale immense.
Mon amendement calmera entièrement les luttes
électorales dans la commune. Les échevins élus doivent rester échevins ; ils
sont exclus du droit d’être nommé bourgmestres. Les grands propriétaires, les
richards de la commune ou les agents d’affaires, administrateurs de grandes
propriétés, qui seuls, pour ainsi dire faussent parfois les élections, sont
aussi ceux qui aspirent communément aux fonctions de bourgmestres. Ils
resteront étrangers à l’élection des autorités laissées à l’élection directe,
les échevins. Ils se contenteront d’être élus comme membre du conseil d’autant
plus qu’en présence de leurs concitoyens, il sauront d’avance apprécier le
choix que fera celui-ci.
L’honorable M. Vandensteen pense que le système du
gouvernement fera cesser les luttes communales. Que l’honorable membre se
détrompe : dans beaucoup de cas il ne fera que les envenimer, si le
gouvernement a le malheur de nommer un bourgmestre qui déplaît à la commune,
les électeurs auront soin de ne composer le conseil que d’adversaires au
bourgmestre et de têtes exaltées, qui lui feront continuellement la guerre. Le
désordre régnera dans la régence et par suite aussi dans la commune. Les têtes
exaltées seules en feront partie ; car comme je l’ai déjà dit, les têtes
froides et calmes ne voudront pas faire partie du conseil avec un bourgmestre
tel que l’honorable M. le ministre de l'intérieur nous a annoncé.
Les fonctions de bourgmestres deviendront elles-mêmes
insoutenables. Car ne perdons pas de vue que les fonctions de bourgmestres ne
sont exclusivement que des places d’honneur et d’ambition. Les 19/20e de nos
bourgmestres ne reçoivent pas 100 francs de traitement. La grande majorité
dépense, à l’occasion de sa place, beaucoup plus qu’il n’en retire. Pensez-vous,
messieurs, que dans cette situation, un bourgmestre ne se lassera pas des
attaques continuellement de la part de son conseil, et qu’il persistera à
conserver sa place, dans laquelle il ne puisse plus que se rendre odieux à ses
administrés ? L’honneur et l’ambition cesseront d’être leurs mobiles, d’autant
plus que les bourgmestres, ainsi nommés, devront nécessairement avoir leur
domicile réel dans la commune.
Veuillez mûrement réfléchir,
messieurs, aux motifs qui me guident, motifs que sincèrement, je vous présente,
et qui n’ont d’autre but que le bien-être de ma patrie et de mon Roi.
M. Malou. - Messieurs, puisqu'au début de cette discussion, j'ai été
amené à présenter quelques amendements, quoi que la discussion ait déjà
beaucoup duré, je prie la chambre de me permettre de donner quelques
explications sur le système que j'ai eu l'honneur de lui soumettre, je serai
très court.
Messieurs, mon opinion sur la question qui nous
occupe, n'est entièrement conforme ni à celle d'une partie de cette chambre, ni
à celle de l'autre partie.
Il m'a paru qu'on avait touché trop tôt à la loi
communale ; il m'a paru également qu'il n'était plus possible au point où les
choses en étaient venues, de ne rien faire. Par suite de cette opinion, je me
suis trouve amené à proposer ce qui me paraissait bon, ce qui me paraissait
devoir être durable.
Un honorable collègue a présenté également une série
d'amendements qui se rapprochent à certains égards de ceux que j’avais
formulés, et qui s’en écartent sur quelques autres points. Le but de ces
amendements me paraît être le même. Ce but, c’est de dégager la position du
bourgmestre de l’élément électoral, c’est de l’en dégager pour le bourgmestre
lui-même, de l’en dégager pour la commune, de l’en dégager pour le pouvoir.
Ce but serait-il atteint au moyen des propositions du
gouvernement ? Lorsque le bourgmestre peut être conseiller, ne subira-t-il pas
toujours l’influence électorale ? Choisi en dehors du conseil, ne
s’efforcera-t-il pas d’y entrer ; choisi dans le conseil, ne s’efforcera-t-il
pas d’y rester ?
Une autre crainte m’a frappée. L’on ne peut pas se
dissimuler que les idées d’égalité, de droit commun ont un grand empire dans
notre siècle. Ceux qui seraient tenté de les combattrent les subissent
quelquefois. Qu’arrive-t-il si, au lieu d’une loi qui consacre le même mode de
nomination pour toutes les communes, vous admettez un principe avec une
exception qui pourra s’étendre ou se restreindre à des cas très limités ?
Qu’arrivera-t-il si vous admettez une pareille loi ? C’est que les communes qui
se trouveront dans une position exceptionnelle à côté d’autres communes régies
par le droit commun, se trouveront froissées et engageront une lutte contre le
gouvernement. Vous n’aurez alors rien fait pour les communes, rien fait pour
l’Etat. Au mal dont vous vous plaignez, vous aurez seulement substitué un autre
mal. Quand on touche aux lois organiques, il faut le faire avec prudence, avec
la conscience qu'on fait quelque chose d'utile. Il ne faut pas pour remplacer
des inconvénients anciens par des inconvénients nouveaux, se livrer à un
travail qui, comme le prouvent assez nos débats, est pénible.
Le projet de l'honorable député de St.-Nicolas et le
mien ont donc un but commun, c'est de dégager la position du bourgmestre en
déclarant l'incompatibilité entre ses fonctions et celles de membre du conseil
communal. La proposition de cet honorable membre s’écarte de celle que j’ai eu
l’honneur de vous soumettre en deux points : quant aux attributions et quant au
mode de nomination des échevins. Quant aux attributions, l’honorable M. Cools
se tenant, si je peux m’exprimer ainsi, à la rigueur des principes, veut que
l’homme du gouvernement soit chargé de l’exécution de toutes les lois et de
tous les règlements d’intérêt général ou provincial.
L’amendement que j’ai eu l’honneur de vous soumettre,
combiné avec celui proposé par M. le ministre de l'intérieur, ne donne au
bourgmestre seul que l’exécution des lois et règlements de police. La suite de
la discussion m’a confirmé dans la pensée qu’on faisait trop pour le pouvoir et
trop contre la commune en adoptant la proposition de M. Cools.
Quant à la nomination des échevins, une première
objection s’est présentée à mon esprit ; je comprends qu’on pousse l’analogie
de la commune avec la province aussi loin que possible ; je conçois même qu’on
veuille faire des échevins une sorte de députation permanente de la commune.
Mais là, messieurs, le corps qui choisit n’est pas le même. J’accepterais
volontiers la nomination des échevins par le conseil dans les grandes villes,
où le corps communal chargé de l’élection étant nombreux offre plus de garantie
de bons choix et plus de latitude aussi dans le choix lui-même.
Mais je ne concevrais pas l’application de ce système
au plus grand nombre de nos communes où le conseil est peu nombreux et le
nombre des personnes à même de remplir les fonction d’échevins plus restreint.
L’honorable membre a ajouté, il est vrai, à son
système une espèce de correctif. Les échevins seraient nommés par le Roi dans
le conseil dans les communes peu importantes et sur une liste de candidat, dans
les communes d’une population plus forte.
Il me semble que l'expérience qu'on a faite des
présentations en général, n'est guère favorable à ce système.
Qu'arrive t-il souvent, quand des listes de
présentation doivent se faire ? Il arrive qu'on porte sur la liste deux
candidats pouvant être nommés et deux qui ne peuvent pas l'être. Autant
voudrait écrire dans la loi, que dans un grand nombre de communes, le conseil
communal aura le droit d'imposer des échevins au gouvernement.
Je viens d'indiquer en quels points les amendements
que j'ai soumis à la chambre et que la section centrale a adoptés, ont un but
commun avec ceux de l'honorable député de St-Nicolas et en quoi ils s’en
écartent.
Qu'il me soit permis maintenant de définir en quelque
sorte la position du bourgmestre. Dans la discussion générale, cette position a
été présentée souvent comme fausse, comme mauvaise,comme insoutenable, comme
devant être la source de désordres dans la commune, Ces inconvénients,
messieurs, je ne les crains aucunement. Sans doute l'exécution des lois et
règlements de police qui a fait donner au bourgmestre dans cette discussion le
titre de chef des commissaires de police, sans doute cette attribution impose
quelquefois au bourgmestre des devoirs pénibles envers ses administrés. Mais en
ne considérant que cette attribution seule, on n'a pas apprécié complètement la
position du bourgmestre.
lndépendamment de cette attribution qui lui
est propre, il participera avec les échevins à l’administration journalière de
la commune. Ce sera une attribution enviée, honorable, qui créera au
bourgmestre une belle position. Une autre attribution précieuse pour lui, c’est
la présidence du conseil. Sans doute, dans le système qui a été formulé par la
section centrale, le bourgmestre ne peut pas avoir voix délibérative dans le
conseil. Mais le fait seul de la présidence n’exercera-t-il pas une grande
influence sur l’acceptation des fonctions de bourgmestre ? Je parle ainsi,
parce qu’on s’est préoccupé de la crainte que le gouvernement ne trouve pas des
hommes parfaitement convenables qui veuillent accepter ces fonctions. Il est
évident que le bourgmestre président du conseil ayant voix consultative pourra
exercer une très grande influence sur les décisions du conseil lui-même.
Un autre côté de la question mérite de fixer
l’attention de la chambre. Je veux parler de l’amendement de M. le ministre de
l'intérieur sur la durée des fonctions de bourgmestre.
Dans les observations que j’ai soumises à la chambre
en présentant mes amendements, j’ai indiqué comme préférable la collation au
bourgmestre d’un mandat à terme rapproché. Mais diverses observations qui m’ont
été faites, me portent à revenir de cette opinion et à me rallier à
l’amendement que M. le ministre de l'intérieur a présenté à la section
centrale, d’après lequel la durée du mandat de bourgmestre serait illimitée. En
n’adoptant pas cet amendement, le but du projet ne serait pas atteint, car le
gouvernement ne pourrait faire un choix convenable, personne ne voulant
accepter de fonctions du gouvernement pour un terme si court, et ayant la
chance de n’être plus rien après avoir été bourgmestre pendant quelques années.
Il arriverait aussi que la personne qui aurait accepté les fonctions de
bourgmestre, à la fin de son mandat, chercherait à entrer dans le conseil.
L’exercice de ses attribution se ressentirait de cette
tendance à entrer un jour au conseil.
J’y vois un autre avantage. En plaçant le bourgmestre
sur la même ligne que tous les autres fonctionnaires non amovibles, il a plus
d’indépendance vis-à-vis du pouvoir. Il est plus facile au pouvoir de passer
sous silence quelques noms au renouvellement de tous les bourgmestres du
royaume, quelques prétéritions passeraient inaperçues, que de prononcer une
révocation. Nous savons qu’en Belgique les révocations seraient très rares, et
qu’elles frappent vivement l’attention du pays.
Le bourgmestre nommé à terme illimité aura donc une
position plus indépendante sera moins sous cette influence qu’on a paru tant
redouter.
Messieurs, j’ai la conviction qu’une loi ainsi amendée
produira d’heureux résultats, je ne crains pas pour elle l’accusation de tendre
au despotisme, je ne crains pas non plus pour mon pays cette décentralisation,
cette énervation du pouvoir qui aujourd’hui fait des progrès partout. C’est en
vue surtout de fortifier l’action du pouvoir central, de contribuer à rendre
plus forte cette nation fondée si glorieusement en 1830, c’est en vue du pouvoir
qui la résume que j’ai présenté mes amendements. Je crois, ainsi que l’a dit un
de nos collègues dans une circulaire adressée l’année dernière aux électeurs, qu’il faut donner beaucoup de force au pouvoir,
parce que le pays a beaucoup de liberté.
M. de Mérode. - On n'a jamais assez réfléchi au bonheur tout
spécial et entièrement dû aux circonstances extraordinaires, lesquelles ne se
rencontrent pas en mille ans, qui a conduit
Cependant, n'est-il pas vrai, que sans la tutelle
puissante et constante de
Malgré l'aptitude militaire des Belges, aptitude que
l'on s'occupe si peu à maintenir, notre existence est véritablement un
phénomène, tant nous avons manqué jusqu'ici d'action centrale assurée, sauf
pour des entreprises de travaux, dans lesquelles nous pouvons nous considérer
autant comme association industrielle que comme nation.
Ces réflexions, messieurs, se sont particulièrement
offertes de nouveau à mon esprit à la suite des très courtes observations que
nous présentait avant-hier M. Liedts et qui valent mieux souvent qu'un de ces
longs discours dont on oublie le commencement quand on arrive à la fin.
Certainement notre pays peut subsister tel qu'il est dans la situation de paix
parfaite de l'Europe. Mais je partage avec pénible conviction le sentiment
moins prononcé, peut-être exprimé par M. Liedts et j'ai peu d'espoir pour
l'avenir durable d'une patrie belge, si la cohésion de ses diverses parties ne
se raffermit pas ultérieurement. On s'occupe beaucoup de l'influence supposée
d'un gouvernement sur les élections, on la craint avec exagération évidente à
mes yeux, mais on ne paraît pas s'inquiéter du tout de la puissance d'ensemble
que conversent sur le continent les gouvernements étrangers au régime
constitutionnel , tandis que les nations constitutionnellement régies ont plus
d'un rapport avec les édifices bâtis sans ciment et avec de petits matériaux,
lorsqu'elles n'ont pas comme le peuple anglais de patriciat.
On conçoit que de grosses pierres de taille non
cimentées et superposées d'aplomb, adhèrent encore fortement les unes aux autres.
Cela ne se comprend pas pour des briques. Or, le ciment national, en l'absence
du patriciat, c'est la royauté. Il n'y en a pas d'autre durable. Et la royauté
est, dans le régime communal belge en ce moment en vigueur, je ne dis pas
livrée partout, mais partout exposée à l'humiliation. Elle n'est pas libre sur
le choix de son agent comme pouvoir exécutif ; elle n'est pas même libre de le
maintenir quand elle l'a choisi dans un cercle très restreint.
Admettant le principe que les rois sont faits pour les
peuples et non pas les peuples pour les rois, principe auquel je tiens comme à
un dogme religieux, je pense qu'un peuple qui fait de son roi, obligé de tenir
compte du vœu de la représentation nationale quant au choix des ministres, qui
en fait, dis-je, un chef exposé à être frappé partout en détail, dans la
personne de ses agents locaux, se manque lourdement à lui-même, et portera tôt
ou tard la peine de son imprudence.
Le plus grand châtiment des nations après tout c'est
la perte de leur nom et le partage qui brise les relations séculaires et
intimes des hommes entre eux.
Messieurs, si je prends si souvent la parole dans
cette question, c'est que je la considère comme de première importance pour la
nationalité du pays. Liberté sans doute, mais nationalité d’abord, et par
l’idée de nationalité, j'entends une idée plus large que celle même qui
s'attache au nom belge pour nous. Les anciennes dix-sept provinces des Pays-Bas
bien conduites, pouvaient former une nation. On les a fractionnées en provinces
septentrionales et méridionales, on a maladroitement asservi les secondes aux
premières, il y a eu sorte d'ilotisme d'une part, de domination de l'autre ;
les Belges n'ont plus vu une patrie dans le royaume des Pays-Bas. Précédemment
les neuf départements formés des provinces de l'ancienne Belgique, étaient unis
à
Depuis douze ans les Belges, qui n'ont pas eu le
malheur d'être soumis à une séparation forcée, ont ce qu'il faut pour
consolider une patrie sous un Roi élu par eux –mêmes. Qu'ils ne gâtent pas
cette situation si rare par des défiances dissolvantes à l'égard de l'autorité
centrale exercée par les agents responsables du chef constitution dans lequel
se personnifie la puissance unitaire, puissance sans laquelle la commune
n'aurait aucune sécurité ; croyez-le bien, messieurs, c'est de l'ensemble que
je désire, rien de plus que l'ensemble, conforme à la devise : L'union fait la
force.
Quelque position que j'occupe dans cette chambre, a
dit mon ami M. Nothomb, je ferai mon possible pour que mon pays ait un
véritable gouvernement. C’est là une haute et patriotique pensée, une
généreuse promesse. Puisse-t-il la tenir fidèlement, en dépit de toute ambition
blessée, de toute considération personnelle.
Messieurs, le résumé de mon premier discours est que
la liberté des citoyens dans la commune consiste là comme partout, dans la
division des pouvoirs, et qu'en y donnant toute influence à l’élection, on
fomente la division des esprits et la domination trop absolue de la majorité
sur la minorité. De ce que j'ai eu l'honneur de vous dire ensuite, on doit
conclure que l'élection, fût-elle seule la source de toute liberté, il faudrait
encore que dans son propre intérêt, elle fît un sacrifice à la nationalité.
Celle-ci peut exister sans l'autre, l'histoire le prouve ; mais la liberté trop
jalouse, qui ne laisse que peu de force au lien national
et au Roi qui en est l'âme, n'a point d'avenir et il nous en faut.
M. Fleussu. - Je demande la parole pour déposer un amendement. Cet
amendement est ainsi conçu :
« Néanmoins dans des circonstances graves, le Roi peut,
sur l'avis conforme de la députation permanente du conseil provincial, nommer
le bourgmestre en dehors du conseil communal, parmi les électeurs de la
commune. »
Je demanderai à remettre à demain les développements
de cet amendement.
Un
grand nombre de membres. - Oui ! Oui !
- Les développements de l'amendement sont renvoyés à
demain.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - A quelle heure la séance
demain ?
Plusieurs
membres.
- A midi.
D'autres
membres.
- Non, à une heure ; il y a des sections centrales convoquées.
- La chambre consultée fixe la séance de demain à
midi.
La séance est levée à 4 heures et
demie.