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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 21
janvier 1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative aux droits sur le
lin (Desmet)
2) Projet de loi relatif à la ratification de
l’arrêté royal du 26 juillet 1841, concernant les fils de lin et de chanvre. Tarifs protecteurs,
notamment de la passementerie et de la rubannerie (Zoude, Rogier, Nothomb,
Zoude, de Foere, Desmet, Van Hoobrouck, de Theux, Rogier, Zoude,
Eloy de Burdinne, Zoude, Rogier)
3) Projet
de loi relatif à l'entrée des houilles de
4)
Projets de loi sur des demandes en naturalisation ordinaire
5)
Fixation de l’ordre du jour
(Moniteur
belge n°21, du 21 janvier 1842)
(Présidence de M. Fallon)
M. de Renesse procède à l'appel nominal à midi et demi.
M. Dedecker lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
M. de Renesse présente l'analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Les fabricants de vinaigre artificiel de
Bruxelles et autres villes du royaume, adressent des réclamations contre un
arrêté royal en date du 1er janvier, qui autorise l'administration des
impositions à percevoir un droit d'accises sur les cuves employées pour la
fabrication des vinaigres artificiels. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________________
« La chambre de commerce et
des fabriques de Courtray, adresse des observations sur le projet de loi
relatif aux fils de lin et de chanvre. »
- Sur la demande de M.
Desmet, cette pétition sera insérée au Moniteur.
________________________
M. David, retenu chez lui par la maladie de son père, s'excuse de ne pouvoir
prendre part aux travaux de la chambre.
- Pris pour information.
PROJET DE LOI RELATIF A
Discussion
des articles
Article 3
M. Zoude - Messieurs, dans le rapport que j'ai présenté sur la rubannerie
et la passementerie, j'ai eu l'honneur de dire à la chambre que la section centrale,
dans le tarif qu'elle vous soumettait, avait désiré
atteindre le chiffre protecteur de 15 p. c., taux bien minime, si vous le
comparez aux tarifs français et anglais ; j'ajoutais que, vu la difficulté de
multiplier les catégories dans une matière où il y a tant de variétés,
le droit flotterait parfois du minimum de 8 au maximum de 15. Des calculs
rigoureux avaient démontré à évidence l'exactitude de ces chiffres.
Cependant, M. le ministre de l'intérieur, sans
entendre contester ces calculs, nous déclara qu'il
n'était pas d'intention d'appuyer un tarif présentant une protection de plus de
12 p. c., et dirigé, pensons-nous, par des vues politiques, il n'hésita pas à
nous dire que le tarif prussien était celui avec lequel il désirait que nous
pussions nous mettre en rapport, et après avoir vérifié les chiffres qu'il vous
propose, nous avons trouvé que si, par suite du plus grand nombre de catégories
qu'il a introduit, le chiffre minimum de 8 p.
c, a disparu, il en est de même de celui
maximum de 15 p. c. Le premier est remonté à 10, le second est descendu à 12.
Et si, à la lettre E, pour les objets imposés à la valeur, le droit est indiqué
à 15, c'est qu'il est connu que par la division qui s'en fera à la douane, la
protection ne s'élèvera guère au-delà de 10.
Messieurs, malgré que la majorité de la section soit
éloignée de croire que le droit protecteur présenté par M. le ministre soit
suffisant dans beaucoup de cas, nous n’hésitons pas à vous en proposer
l’adoption, parce qu’il s’harmonise un peu avec le vote que vous venez
d’émettre sur les fils, et que nous avons l’espoir qu’il apportera au moins
quelque adoucissement aux souffrances de ces deux industries et notamment à
celle de la rubannerie.
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du rapport sur les droits à
établir à l'entrée de la rubannerie et de
passementerie étrangère. Le projet présenté par la commission spéciale est
destiné à devenir l'article 3 du projet adopté hier sur les fils.
- La commission se ralliant aux
propositions de M. le ministre, c'est sur ces propositions que la discussion
est ouverte.
M. Rogier. - J'avais pensé qu'il s'agissait de faire de ce projet nouveau une loi
particulière.
M. le président, - J'avais annoncé que le projet en discussion
était destiné à faire l'art. 3 du projet voté hier. C'est dans ce sens qu'il a
été présenté par la commission.
M. Rogier. - Ce supplément au projet primitif, ou plutôt cette loi nouvelle a été
introduite d'une manière tout à fait accidentelle dans cette chambre. Si je
m'en rapporte à l'opinion de M. le ministre de l'intérieur, du 25 novembre
dernier, il y a par conséquent deux mois, les modifications à apporter au tarif
en ce qui concerne la rubannerie, la passementerie,
etc., n'étaient pas admissibles. A cette date M. le
ministre se trouvait arrêté par une question d'opportunité.
M. le président. - La section centrale a pris l'initiative pour saisir la chambre du
projet.
M. Rogier. - Bien, M. le président ; je sais que la section centrale a pris
l'initiative ; mais, comme M. le ministre de l'intérieur s'est associé à la
section centrale, je demande comment une question
qui était inopportune le 25 novembre dernier est devenue opportune
le 20 janvier 1842. J'avais déjà posé cette question à M. le ministre de
l'intérieur ; mais il n'a pas jugé à propos d'y répondre.
Je dis donc que cette question inopportune, le 25
novembre dernier, a été introduite d'une manière tout à fait accidentelle dans
cette chambre, à la suite d'une pétition.
Ainsi, messieurs, lorsqu'il s'agit d'apporter dans
le tarif des modifications très importantes,
l'initiative qui devrait venir du gouvernement, est
venue non pas même de la section centrale, mais on doit le dire, d'un
pétitionnaire, c'est un passementier de Bruxelles, que je n'ai pas l'honneur de
connaître, et dont je désire que les affaires marchent bien, et très bien, qui
a saisi la chambre de la question. Sa pétition a été renvoyée à la section
centrale, non pour qu'elle vînt présenter un projet de loi, je ne pense pas que
tel ait été le but du renvoi, mais pour qu'elle examine la pétition. Qu'a fait
la section centrale ? Elle est venue vous présenter un projet.
Eh bien ! les modifications
au tarif qu'elle propose auraient dû être renvoyées en sections comme le projet
principal, Mais pas du tout, elles n'ont pas passé par cette filière. Je vous
avoue que cette manière de procéder me paraît tout à fait irrégulière et
dangereuse.
Messieurs, je n'ai aucune espèce d'intérêt direct ni
indirect dans toutes les questions de douane et de tarif. Je crois que la
chambre me fera l'honneur de penser que je suis animé, comme chacun de ses
membres, du désir de voir notre industrie florissante. Chacun de nous, à cet
égard, doit avoir la même opinion, les mêmes sentiments. Il n'est personne dans
cette enceinte qui n'ait le désir sincère de voir toutes nos industries aussi
florissantes que possible. Mais nous pouvons différer sur les moyens d'assurer
leur prospérité.
Si je considérais comme mesure indispensable à la
prospérité de nos industries un renforcement de tarif de douanes, j'appuierais,
messieurs, ce renforcement. Si j'ai combattu hier une aggravation au tarif de
douane en faveur du fil à la mécanique, c'est parce que je crois que cette
industrie peut prospérer sans cette aggravation de tarif. S'il m'était démontré
que cette aggravation est nécessaire, je m'y associerais ; je n'ai aucun motif
pour ne pas m'y associer.
Maintenant, il s'agit encore d'étendre cette
aggravation à cinq ou six articles nouveaux, qui n'avaient pas été compris dans
le projet primitif de M. le ministre de l'intérieur. Il y a quelques jours
qu'un industriel de Bruxelles s'est adressé à la chambre pour demander une
aggravation de tarif en faveur de son industrie, et vite, la section centrale s'empresse de faire droit à sa
réclamation, et de proposer une aggravation de tarif
en faveur de cette industrie.
De cette façon, de jour en jour vous pourrez
recevoir des demandes d'industriels qui seront
encouragés par cet exemple. Il n'y a pas de raison pour refuser à l'un ce que
l'on accorde à. l'autre.
Je voudrais qu'on mît un peu plus de lenteur dans
l'examen de pareilles questions, et que ce qui était inopportun le 25 novembre
dernier ne devînt pas tout à coup opportun le 20 janvier.
M. le ministre de l'intérieur, pour motiver sans
doute son changement de front, est venu nous dire que le projet relatif à la
passementerie se liait d'une manière intime au projet sur les fils, parce que
la passementerie employait le fil comme matière première.
Je crois qu'il y aurait beaucoup à répondre à cette argumentation. Voici, selon moi, un de ses côtés faibles :
c'est qu'il ne s'agit pas seulement, dans le projet, de protéger la rubannerie et la passementerie dont le fil de lin fait la
matière première, mais aussi de protéger la rubannerie
et la passementerie dont la soie, dont la laine font
partie. Dès lors, le projet en discussion n’a plus de connexité avec le projet
relatif au fil de lin.
Messieurs, on y a été avec tant de rapidité que la
section centrale propose un droit de 400 fr. par 100 kilo sur la rubannerie et la passementerie, c'est à dire un droit de 4
fr. par kil. Si on voulait encourager de la manière la plus directe la fraude,
je demande si on s’y prendrait autrement. Quoi ! 4 fr. de droit par kil.
de passementerie ! Mais le premier fraudeur venu met
dans ses poches deux kilogrammes de passementerie ; ce sera 8 fr. qu'il pourra
facilement soustraire au trésor. En lui accordant pour récompense de sa peine
la moitié, c'est encore une journée de 4 fr. que vous assurez au fraudeur.
De pareils droits sont vraiment exorbitants, et ne
tendent qu'à favoriser la fraude.
Je sais que devant l'espèce de parti pris, qui
existe dans cette chambre, de favoriser, quand même par des droits élevés,
toutes les industries qui en réclameront, c'est jouer un rôle peu favorable que
de tâcher de mettre une digue à un pareil entraînement. Cependant quelque peu
de succès que j'attende de mon opposition, non devoir est de la faire. Chaque
fois que je verrai la chambre céder à un pareil entraînement, que je considère,
pour moi, comme dangereux, je me ferai un devoir de me mettre en travers,
dussé-je être dépassé par les opinions de la chambre.
Nous sommes, messieurs, je le reconnais, dans une
période de réaction. Longtemps la chambre s'est conduite sagement, s'est tenue
à un système modéré, a tâché de maintenir l'industrie dans les conditions que
lui avaient faites les anciens tarifs et sous lesquels cependant elle n'avait
pas succombé.
Aujourd'hui on demande de toutes parts à former des
relations plus intimes avec les nations voisines ; et comment s’y prend-on
? On aggrave successivement les tarifs ; on suscite de nouvelles exigences, et
lorsqu'il s'agira d'arriver à de nouveaux traités avec les peuples voisins,
tous ces intérêts que vous aurez protégés jetteront
les hauts cris, et vous empêcheront de faire quelque chose de sérieux. Il
arrivera en Belgique ce qui arrive en ce moment en France.
Vous voyez dans ce pays la coalition de tous les
intérêts protégés s'opposer, et aller même au-delà du gouvernement, à tout arrangement commercial entre
Ainsi, plus vous aggravez vos tarifs, moins il faut
songer à former des relations nouvelles avec les peuples voisins.
Hier, pour s'assimiler autant que possible au régime
français, M. le ministre de l'intérieur disait qu'il fallait adopter le tarif français quant aux fils. Il ne voulait pas, dans cette
occasion, faire comme l'Allemagne, où cette industrie est florissante sans un
tarif aussi élevé.
Maintenant ce n'est plus à
Ainsi, tantôt c'est du côté de
Du reste, ce sont des avertissements que je donne à
la chambre. Je n'ai pas du tout la conviction de réussir. Je crois bien que,
quoi qu'on dise, la chambre passera outre, attendu qu'il y a parti pris de
protéger toutes les industries, même celles qui ne réclament pas, qui n'ont pas
besoin de protection.
Car enfin, l'établissement de Bruxelles qui a
demandé une protection nouvelle, existe depuis dix ans, il a été toujours en
prospérant ; il est maintenant, si je suis .bien informé, dans un état très
satisfaisant, et cependant il faut lui accorder une protection.
Voilà, messieurs, les observations que j'avais à
faire. Je n'ai pas, du reste, bien saisi le rapport de l'honorable M. Zoude.
Pour ces sortes de questions, il faudrait au moins que les rapports dans
lesquels figurent toujours beaucoup de chiffres, beaucoup
de calculs, fussent imprimés ; à une première audition, il est impossible d’y
rien comprendre.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je
dois supposer que l'honorable membre n'a pas pris connaissance de toutes les
pièces qui ont été communiquées à la chambre, ni de tous les travaux de la
commission d'enquête linière.
D'après les conclusions de la commission d'enquête
un changement relatif à la rubannerie et à la
passementerie se lie entièrement au tarif nouveau sur les fils. J'en ai dit
hier la raison en peu de mots. Par le tarif plus protecteur que vous avez
adopté pour les fils, vous voulez encourager les filatures de lin, c'est-à-dire
donner de l'extension à cette industrie. Eh bien,
messieurs, vous êtes par là inévitablement conduits à favoriser l'emploi du fil
dans le pays et dès lors vous êtes amenés à examiner également le tarif
concernant certains tissus où il entre du fil, c'est-à-dire la rubannerie, la passementerie et les coutils.
Je puis très bien avouer qu'il y a quelques mois je
ne connaissais pas ces questions comme je crois les connaître aujourd'hui.
Lorsque la commission d'enquête, à l'ouverture de la session, m'a présenté le
projet qu'elle croyait devoir être soumis à la chambre, je n'étais pas frappé
de cette connexité comme je le suis aujourd'hui ; j'étais, au contraire, arrêté
par une question d'opportunité ; cette question d'opportunité, tout le monde
l'a devinée ; il fallait examiner jusqu'à quel point
il convenait de changer sans une impérieuse
nécessité, comme celle où nous nous sommes trouvés l'été dernier, de changer
une partie du tarif au moment où des négociations
étaient ouvertes avec des pays voisins. Cette question d'opportunité me frappa
d'autant plus, messieurs, que j'étais moins frappé de la connexité qui existe
entre le tarif de la rubannerie et de la
passementerie et le tarif concernant les fils.
Je crois, messieurs, qu'il serait encore aujourd'hui
imprudent de faire un tarif portant la protection jusqu'à 15 p. c. et même
jusqu'à 17 p. c., comme on le proposait d'abord, comme l'avait proposé la
commission d'enquête, et comme le proposait également la section centrale.
D'après le nouveau tarif qui vous est soumis, la protection ne va pas au-delà
de 13 p. c. comme maximum, et la moyenne de la protection n'est que de 11 p. c.
J'ai fait vérifier sous mes yeux, sur des échantillons, chacune des catégories
proposées, c'est là un travail auquel il est impossible de se livrer devant
l'assemblée ; il en est résulté que le maximum de la protection ne s'élève qu'a
15 p. c. L’art. 1er qui est le plus important, qui représente au moins les
trois quarts des importations, je veux parler de la rubannerie
de fil de lin ou de coton mélangé de cette matière, qui forme le litt. A, cette
catégorie-là, messieurs, ne reçoit qu'une protection de 10 p. c., c'est-à-dire que pour un objet déjà manufacturé, nous
n'accordons qu'une protection égale à celle accordée hier aux fils.
Vous voyez, messieurs, combien ce tarif est modéré,
puisque le droit n'est que de 10 p. c. pour un article qui représente à peu
près les trois quarts de la consommation.
Le droit sur cet article est aussi bien inférieur,
comme vous pouvez le vérifier, en jetant les yeux
sur le Moniteur d'avant-hier, bien inférieur au tarif prussien dans
lequel les rubans et franges de fil de lin sont imposés de 158 fr. 69 cent. par
100 kilog., tandis que nous ne les imposons que de 60 fr.
Je crois donc ; messieurs, que nous pouvons adopter
le tarif mitigé comme il l'est maintenant, je pense que les calculs auxquels je
me suis livré sont exacts ; je pense aussi que la loi sur les fils doit trouver
son complément dans la proposition qui nous occupe en ce moment. Sans cette
proposition, la loi serait imparfaite, car d'un côté, vous auriez encouragé la
fabrication du fil, et de l'autre, vous laisseriez l'emploi du fil indigène
sans l'encouragement dont il a besoin.
Il ne s'agit donc plus d'une réclamation
individuelle ; ce n'est pas à une pétition qui nous a été adressée, il y a huit
jours, qu'il faut s'attacher, mais c'est à tous les travaux de la commission d'enquête.
Les travaux de cette commission sont de beaucoup
antérieurs à la pétition à laquelle on veut rattacher l'origine de la
proposition qui nous occupe. Si cette pétition ne nous avait pas été adressée,
nous aurions été amenés par la force des choses à examiner
la question qui est soumise à la chambre.
M. Zoude, rapporteur. - Je dois rappeler à l'honorable M. Rogier comment la loi a été
introduite à la chambre. Lorsque j'ai fait rapport sur la pétition du sieur de Poorter, la chambre a renvoyé cette pétition à la section
centrale avec invitation de présenter des
conclusions, s'il y avait lieu, sur le droit protecteur demandé
par le pétitionnaire. La section centrale a trouvé qu'il y avait lieu à établir
un droit de ce genre, et elle en a fait la proposition à la chambre.
Ce n'est pas d'aujourd'hui, messieurs, que la rubannerie fait des réclamations ; lorsque la chambre s'est
occupée du projet relatif à l'industrie cotonnière, on lui a déjà fait
remarquer l’état déplorable dans lequel se trouvait
l'industrie de la rubannerie, on lui a fait voir
alors dans quelle malheureuse position se trouvait notamment la commune de
Commines par suite du dépérissement de cette industrie.
Je sais que pendant quelque temps les réclamations
de l'industrie dont il s'agit ont cessé de se faire entendre, mais c'est parce
qu'il transpirait à travers le ministère précédent un esprit de liberté
commerciale qui n'était pas propre à engager les industriels à faire entendre
leurs plaintes.
Je suis fâché de devoir rappeler cette circonstance,
mais un industriel gantois, très recommandable, étant venu exposer à l'un des
ministres d'alors, l'état fâcheux dans lequel se trouvait son industrie, il lui
fut répondu : « Eh bien, messieurs, partez, bon
voyage. »
M. de Foere. - Les observations que l'honorable député d'Anvers vient de présenter
m'ont peu touché.
L'honorable membre s'est plaint d'abord de ce que la
chambre ait été prise, en quelque sorte, au dépourvu, de ce que le projet relatif à la rubannerie n'ait
pas été renvoyé aux sections. C'est pendant la
discussion du projet de loi sur les fils que la proposition relative à la rubannerie nous a été présentée comme une conséquence de ce premier projet.
Messieurs, nous avons une foule de précédents de
cette nature qui ont été posés sous tous les ministères. Souvent de nouvelles
propositions, ou de nouvelles modifications ont été présentées par le ministère
sur un projet en discussion, qui avait passé par les sections.
Ce n'est donc pas une nouveauté ; d'ailleurs la proposition a été soumise à la
section centrale et la chambre a été saisie antérieurement
du même objet.
L'honorable membre pense ensuite que le droit
proposé est un appât à la fraude. C'est là, messieurs, l'objection ordinaire
que l'on fait contre toute protection proposée. Mais
Il est d'ailleurs du devoir du gouvernement de
réprimer efficacement la fraude par tous les moyens dont il peut disposer, et
par d'autres que sans doute il ne tardera pas de proposer à la chambre.
L'honorable membre prétend que la chambre s'est
conduite jusqu’à présent sagement, en ce qui
concerne des droits protecteurs qui ont été proposés. La chambre s est conduite
si sagement que le pays se trouve aujourd'hui dans l'impossibilité de conclure
des traités de commerce avec les autres natIons. La
chambre a été si sage que le pays n'a pas de concessions à faire à
L'honorable membre avoue que la première condition
nécessaire pour négocier des traités de commerce, c'est d'être à même de faire
des concessions. Il tombe donc dans une contradiction flagrante à l'égard des
moyens de négocier ces traités.
Il n'est pas étonnant que tes négociations avec
L'honorable membre a dit que l'établissement de rubannerie et de passementerie à Bruxelles est prospère.
Cependant cette industrie réclame depuis longtemps des droits protecteurs. Les
rapports annuels de la province du Brabant en font
foi.
L'honorable membre reproche à la chambre d'avoir
trop d'égard aux réclamations des industriels. Je crois que pour procéder d'une
manière vraiment parlementaire, il faut consulter les intéressés et faire droit
à leurs réclamations lorsqu'elles sont fondées. Personne n'est plus à même de
donner des renseignements sur une industrie que ceux qui exercent cette
industrie. Je crois donc que la chambre fera toujours très sagement
en faisant droit aux réclamations des industriels, à moins que ces industriels
soient évidemment dans l'erreur ; ce qui n'est pas à supposer lorsque les
réclamations sont générales.
M. Desmet. - Voilà huit ans que l'on a demandé à la chambre
d'établir un droit sur les rubans étrangers qui entrent dans le pays. A
plusieurs reprises des propositions avaient été faites ; toujours
ceux qui aiment que tous les produits étrangers viennent gratis s'y sont
opposés. Alors l'honorable M. de Theux, étant ministre
de l'intérieur, a nommé une commission d'enquête qui a pris des investigations
complètes sur la fabrication des rubans.
Il me semble que l'enquête est fort claire à l'égard
de la question de la rubannerie.
Elle démontre que, par suite de l'absence de protection pour cette industrie,
elle est presque totalement anéantie ; des 40 ou 50 fabriques qui existaient
dans le pays, il n'en reste plus que 5 ou 6.
Les fabriques de la partie belge de la commune de
Commines sont dans un état complet de décadence, tandis que celles de la partie
française sont prospères et florissantes, et cela grâce à la protection que
On a dit que la fabrication de la rubannerie était prospère à Bruxelles. Cette assertion
n'est pas exacte : la rubannerie n'est pas plus
florissante à Bruxelles qu'à Commines. A cet égard, si l'on considère que, si
cette industrie était protégée, elle donnerait du travail à deux ou trois mille
ouvriers, pourra-t-on se refuser à accorder quelque protection, qui doit avoir
pour résultat de donner du pain à un grand nombre de
malheureux ?
Et en effet, nous recevons de l'étranger 2 ou 3
millions de rubans. C'est surtout de l'Allemagne que
nous viennent les rubans communs,
Messieurs, on s'est plaint de ce que les chambres et
le gouvernement sont sortis de cette voie sage où l'on s'était engagé depuis
huit à dix ans. Savez-vous, messieurs, où cette voie sage va nous conduire ?
Indubitablement à la besace.
Bientôt vous ne pourrez plus donner du pain à vos
malheureux ouvriers, comme déjà cette situation affligeante existe dans une
grande partie de l'Angleterre.
Mais ce système si sage, par qui donc est-il partagé
? Est-ce par les Flandres ? Non. Est-ce par le Hainaut ' ? Non. Est-ce même par
Anvers ? Je pense qu'il n'y a plus guère deux Anversois qui soient partisans de
ce système que l'honorable membre a préconisé comme étant député et voulu
imprimer au pays étant ministre.
Messieurs, on vient de nous dire que si vous entrez
dans la voie où l'on veut vous entraîner, les négociations commerciales avec un
pays voisin seraient entravées.
Mais, messieurs, je vous demanderai quelle
difficulté il y a en ce moment à ce qu'un traité de commerce se négocie avec
Qu'on ne parle donc plus de ce malheureux système
dont
J'appuierai donc les propositions faites par la section
centrale. Je dois cependant avouer que le tarif va surtout frapper sur les gros
rubans ; c'est pourquoi je ne m'opposerai pas au mode qu'on a préféré, quoique cependant on aurait
pu toucher la valeur de la marchandise, si la tarification avait lieu comme
pour les toiles. Mais, je le répète, dans la position actuelle, et parce que
c'est particulièrement la concurrence
des gros rubans d'Allemagne qui nous fait le plus de mal, je donnerai très
volontiers la préférence au mode présenté. J'ai dit.
M. Van Hoobrouck. - Messieurs, j'appuierai également le tarif proposé
par la section centrale. On vous a dit que l'industrie de la rubannerie était dans un état prospère....
M. Rogier. - J'ai dit qu'elle était dans un état prospère à
Bruxelles.
M. Van Hoobrouck. -Je m'étonne qu'une semblable assertion ait
été émise par un homme qui, eu égard à la position qu'il a occupée, devait
connaître les véritables besoins du pays.
L'honorable
préopinant a déjà cité différentes localités où cette branche d'industrie est
en souffrance. Je m'attacherai, moi, à une seule localité, et j'adjure les
députés de cette localité, de dire si mes assertions sont exactes ou non. Je
veux parler des établissements d'Ypres où
l'industrie dont il s'agit était jadis très florissante ; aujourd'hui il n’y a
plus dans cette localité que trois établissements qui sont dans une dissolution
presque complète.
Dans un pareil état de choses, je crois qu'il est
nécessaire d'accorder une protection à cette industrie.
On vous a dit, messieurs, qu'on voyait avec regret
la chambre sortir du système sage qu'elle avait adopté depuis 1830. Quant à
moi, je suis heureux de constater que la chambre commence enfin à se préoccuper
des véritables intérêts du pays. Chose bien remarquable, toutes les nations de
l'Europe, particulièrement l'Angleterre et
Où sommes-nous parvenus avec le système contraire ?
A quelques rares exceptions près, toutes nos
industries sont dans un état complet de décadence. Personne, je pense, ne
pourrait soutenir le contraire.
On vous a dit que le tarif porterait atteinte aux
négociations entamées, ou à entamer soit avec
Messieurs, je ne crains pas les réclamations des
industriels, lorsqu'il s'agira d'un pareil traité.
Je puis encore m'appuyer sur la déclaration que les
industriels ont faite ici ; ce qu'ils ont réclamé, ce que nous réclamons, c’est
la libre concurrence, c'est la concurrence à chances égales, la concurrence
dans les mêmes conditions. Quand il sera question d'une accession douanière ou
d'un traité de commerce, soit avec
M. de Theux. -
Messieurs, l'honorable M. Zoude a présenté au commencement de la séance un
rapport sur les amendements proposés dans la séance d'hier, par M. le ministre
de l'intérieur ; ce rapport a été lu au milieu de conversations particulières,
et je dois déclarer que je n'en ai pas compris un seul mot ; beaucoup d'autres
membres, je pense, sont dans le même cas. Je désirerais donc qu'il fût donné
une seconde lecture du rapport (appuyé).
Dans ce moment, j'ignore si M. le ministre de l'intérieur et la section centrale sont d'accord ou non....
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Oui.
M. Zoude, rapporteur, donne une seconde lecture du rapport.
M. de Theux. - Puisque
la section centrale s'est ralliée aux amendements proposés par M. le ministre
de l'intérieur, je suis décidé à voter pour ces
amendements.
La raison en est que le tarif prussien qu'on a pris
pour point de comparaison renferme en général des droits peu élevés, et que les
droits de douanes se perçoivent assez facilement en Prusse. Je pense qu'il en
sera de même en Belgique. .
Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur si, en
ce qui concerne les coutils et les étoffes à pantalon, il s'est rallié aux propositions de la section centrale.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Ces propositions sont
maintenues.
M. de Theux. -
Messieurs, il me reste quelques observations à faire sur l'assertion qui a été
avancée par plusieurs orateurs, que jusqu'à présent la chambre n'avait en
aucune manière compris les intérêts du pays, qu'elle n'avait accordé aucune
espèce de protection à l'industrie.
Messieurs, c'est là une grave erreur que comme
membre de la chambre, je ne puis pas laisser passer sans réfutation.
Je pense, au contraire, que la chambre a
considérablement augmenté les protections depuis la création du royaume de
Belgique. Que l'on compare le tarif du royaume des Pays-Bas et le tarif actuel,
et l’on pourra se convaincre à l'instant de la vérité de ce fait.
Je puis vous citer, messieurs, trois articles fort
important qui me reviennent à la mémoire, ce sont les fers, les toiles, les céréales. Voilà sans doute de très grands intérêts. En ce
qui concerne les fils de lin, la discussion n'est pas nouvelle, elle remonte
déjà à plusieurs années, car la chambre avait adopté un projet de loi qui n'a
pas été admis au sénat.
Du reste, si je fais ces observations, ce n'est pas
que je sois dans l'intention de m'opposer à d'autres améliorations qui
pourraient encore être proposées au tarif, lorsqu'elles seraient bien
justifiées ; mais je ne pouvais laisser passer sous silence l'assertion, que la
chambre aurait jusqu'ici complètement méconnu les intérêts du pays. Cette
assertion est entièrement inexacte, contraire aux actes officiels.
Il me reste une seule observation à faire sur la
rédaction de l'article 3. Il est dit : « les droits d'entrée… seront modifiés
… » Il serait préférable de dire, sont modifiés, puisque la loi que
nous votons opère par elle-même la modification.
M. Rogier. - Messieurs, j'ai dit que la loi qui nous occupe avait été introduite
dans la chambre d'une manière peu régulière et assez inopinément ; j'ai dit que
l'initiative avait été prise en quelque sorte par un pétitionnaire. J'ai appuyé
ces assertions sur le rapport même de M. le ministre de l'intérieur qui, au
mois de décembre dernier, n'avait pas cru devoir
proposer un projet de loi à la chambre, le considérant comme inopportun, et
cependant, à cette époque, M. le ministre de l'intérieur avait sous les yeux le
rapport de la commission de l'industrie linière ; il l'avait tellement sous les
yeux, que c'est dans ce rapport qu'il a puisé son exposé des motifs.
Et cependant, en présence des raisons apportées par
la commission linière à l'appui d'une demande de
protection en faveur de la passementerie et de la rubannerie,
le ministre avait cru devoir s'abstenir. C'est sur
la pétition d'un fabricant de Bruxelles que la section
centrale est venue proposer un projet de loi concernant cette industrie. Ce
projet n'a pas été soumis à l'examen des sections comme le projet du ministre
sur les fils de lin. J'ai donc eu raison de dire que la chambre avait été en quelque
sorte surprise par cette proposition.
J'ai dit qu'il était dangereux de céder à de tels
enchaînements et que, pour ma part, dans la mesure de mes forces, je mettrais
obstacle à cette marche précipitée et quelquefois imprudente de la chambre. J'ai dit que je regrettais que la chambre parût
disposée à entrer dans un système nouveau, à ne pas se maintenir dans une
modération dont elle ne s'était guère départie depuis 1830. Je n'ai pas dit que
depuis cette époque la chambre s'était abstenue d'accorder protection à des
industries ; je sais qu'elle a accordé mainte fois des protections aux
industries qui les réclamaient.
Je n'ai pas examiné la situation générale de la rubannerie, j'ai parlé d'un établissement de Bruxelles qui
s'est fondé sous l'empire du tarif actuel qui a marché parfaitement depuis dix
ans et paraît être dans un état prospère.
Le rapporteur de la section
centrale a fait allusion à un ancien ministre qui se serait servi d'un propos
grossier en répondant à un industriel. Je suppose que cet ancien ministre qu'il
a voulu désigner, est celui qui répond à M. Zoude.
M. Zoude. - Je n'ai pas désigné quel était cet ancien ministre.
M. Rogier. - Je crois que vous auriez dû le nommer.
M. Zoude. - La chambre pourrait ne pas se tromper.
M. Rogier. - Il y aurait eu plus de franchise à dire qui.
M. Zoude. - Cette franchise je l'aurai ; c'est vous.
M. Rogier. - Alors, je répondrai que ce qui a été dit à la chambre, est tout
simplement un mensonge, que jamais je n'ai fait de pareille réponse à un
industriel, chacun peut se porter ici le défenseur de toutes les industries en
général, et de telle industrie en particulier. S'il s agissait de faire un
appel a tous les industriels du pays, je ne craindrais pas de comparaître
devant eux, ils savent que toutes mes sympathies sont les progrès et la
prospérité de l'industrie ; ils savent que mes efforts dans le gouvernement comme hors du gouvernement, ont toujours été
dirigés vers les intérêts matériels du pays, je ne crains, sous ce rapport, aucune comparaison, avec qui que ce soit dans cette
chambre.
Mais on est encore revenu sur les idéologues el les
théoriciens en matière d'industrie. Il y a deux espèces de théoriciens en matière d'industrie, Il y a les théoriciens qui veulent
une protection modérée, sage, parfaitement graduée. Il y a, au contraire, les
théoriciens qui veulent pour toutes les industries une protection exagérée, des prohibitions quand même, qui veulent
déclarer la guerre à toutes les nations voisines avec lesquelles ils aspirent
en même temps à faire des traités de commerce. Voilà une autre espèce de
théoricien ; cette catégorie, je n'y appartiens pas.
Je pense, au surplus, qu'il ne faut pas parler avec
trop de dédain des théoriciens. J'estime beaucoup ceux qui ne s'occupent ici d'industrie qu'à titre de théoricien. Certains députés
apportent autre chose que des théories dans ces discussions. Sous ce rapport,
j'estime beaucoup plus l'opinion désintéressée de certains théoriciens, que
l'opinion contraire de certains fabricants.
Messieurs, dans la conviction où je suis que tout ce
qui pourrait être dit pour déterminer la chambre à ne pas voter immédiatement
sur le nouveau projet dont il s'agit, serait parfaitement inutile, je bornerai
là mes observations.
M. Eloy de Burdinne. - Je n'étais nullement préparé à prendre la parole sur la question qui vous
occupe. Mais comme j'ai entendu proférer des principes que je ne partage pas,
je crois devoir émettre mon opinion.
Déjà dans des séances précédentes, et
particulièrement quand nous avons discuté le budget des voies et moyens, vous
vous rappellerez peut-être que je me suis prononcé
contre une espèce d'ilotisme de notre part, une duperie, si vous aimez mieux,
de ne pas suivre le système de nos voisins en fait de douane. Je l'ai dit
alors, et je le répète aujourd'hui, notre système est désastreux, tant sous le
rapport de l'intérêt de l'industrie que sous le rapport des intérêts du trésor,
Vous le savez, dans les sessions précédentes et
entre autres dans la dernière, l'honorable M. Rogier a dit que les habitants de
Examinez le revenu de la douane et vous verrez qu'en
France, la douane rapporte, proportion gardée, quatre fois autant qu'en Belgique.
Qui paie les droits de douane ? C'est le producteur, c'est celui qui envoie en
France l'excédant de ses produits. C'est ainsi que le cultivateur qui veut
introduire un cheval en France paie 50 fr. d’impôt avant d’entrer en France,
tandis que le Français qui veut introduire un cheval en Belgique ne paie que 20
fr. d'impôt. Nous ne devrions pas traiter les étrangers mieux que nous ne le
sommes chez eux.
Notre système de douane a été établi lors de notre
réunion à
Nous avons diverses espèces d'économistes en
Belgique, nous avons les économistes modérés ; M. Rogier annonce qu'il est de
cette catégorie. Mais je crois qu'il pourrait être un peu plus sévère qu’il ne
l’est, qu'il pourrait accorder un peu plus de protection qu’il ne le fait. Sans
doute, je suis aussi ennemi de l'exagération, je ne veux pas donner l'exemple,
mais je veux, quand nos voisins sont exagérés, me mettre sur le même terrain.
Nous avons trop longtemps donné l'exemple de la modération, Qu'en avons-nous
retiré ? Pas la moindre concession. Si nous voulons en obtenir, montrons-nous
une fois sévère et nous en obtiendrons.
Je verrais avec plaisir une liberté à peu près
illimitée du commerce, mais il faudrait pour cela que nos voisins adoptassent
le même système. Car si nos voisins sont prohibitifs et que nous soyons
libéraux en recevant leurs produits, nous ferons un métier de dupe.
Sans doute, comme l'a dit M. de Theux, nous avons
apporté quelques améliorations à notre tarif, en ce qui concerne les fers, les
toiles et les céréales. Le gouvernement était particulièrement intéressé à
soutenir la principale industrie du pays. Que feriez-vous si vous aviez le
grain à bon marché et pas d'argent pour le payer, si l'agriculture tombait dans
un état désastreux, le gouvernement n'en recevrait
pas de quoi faire face à ses dépenses ; croyez-vous que ce seraient les économistes
qui combleraient le déficit ? Ces messieurs ont beaucoup de paroles à
donner, mais peu d'argent ; au moins, s'ils en ont, ils ne le donnent pas au gouvernement.
Lorsqu'on établit des droits de douane, il est
prudent de les établir de manière à ce que la fraude ne se fasse pas. Mais il
n'y qu'un moyen d'éviter la fraude, c'est de faire une bonne loi sur la
contrebande ; une loi qui punisse non seulement le contrebandier, mais encore
celui qui profite de la contrebande, qui la provoque, qui en est, en quelque
sorte, l'associé. Ainsi, par exemple, si celui qui fait frauder était puni,
comme celui qui fait la fraude, la fraude ne se renouvellerait pas ainsi ; et
celui qui a profité de la fraude, au préjudice de l'Etat, de la province ou de
la commune, s'en glorifie, et croit qu'il a fait preuve d'un grand talent. De
telles idées qui sont générales auraient bientôt disparu si, comme nous devons
le faire, nous commencions par faire une toi qui punit non seulement le
fraudeur, mais encore son complice, celui qui profite de la
fraude.
M. Zoude (pour un fait personnel). - L'honorable M. Rogier a eu la bonté de dire
que j'aurais proféré un mensonge.
M. le président (s'adressant à M. Zoude). - Vous êtes dans l'erreur ; l'expression de M.
Rogier ne s'appliquait pas à vous, mais à la personne qui vous a parlé.
M. Zoude. - J'aurais pu indiquer la personne. Mais c'est malgré moi que j'ai été
amené à citer M. Rogier. Je m'étais d'abord exprimé vaguement en disant
« un ministre. »
C'est l'honorable M. Rogier qui m'a provoqué à dire
que c'était lui-même ; je l'ai regretté ; car je n'avais pas l'intention de lui
adresser une personnalité, alors surtout qu'il pourrait croire que le motif de
cette personnalité est qu'il est déchu du pouvoir.
M. Rogier (pour un fait personnel). - Je professe trop de respect pour M. Zoude pour
avoir eu un instant la pensée de l'accuser d'avoir proféré
un mensonge. Mais j'ai dû me servir d'une expression dure pour repousser
le propos grossier qui m'était attribué. Je me suis
servi du mot mensonge ; je n'ai pas voulu appliquer cette expression à
M. Zoude ; mais du reste, je la maintiens ; et si l'honorable auteur de ce
propos mensonger prétend qu'il a dit la vérité, il pourra s'en expliquer ;
quant à moi je le considère comme un mensonge.
- La clôture est mise aux voix et prononcée. L'art.
3 est mis aux voix et adopté avec les amendements présentés par M. le ministre
de l'intérieur dans les termes suivants :
« Art. 3. Les droits d'entrée et de sortie sur la rubannerie, la passementerie, les coutils et les étoffes à
pantalon sont modifiés conformément au tableau
ci-après :
« Rubannerie et
passementerie (à l’exception de celles de soie pure), (les tissus ou galons
pour bretelles sont rangés dans la passementerie), savoir :
« A. Rubannerie de
fil de lin ou de coton, ou mélangée de ces matières, écrue, les 100 kil. : droit d’entrée : 60 fr., droit de sortie : 5 c.
« Id. blanchie ou teinte, les 100 kil. : droit d’entrée : 100 fr., droit de sortie : 5 c.
« B. Rubannerie de fil de lin ou de coton, ou mélangée de ces
matières, les 100 kil. : droit d’entrée : 150 fr.,
droit de sortie : 5 c.
« C. Rubannerie de
laine ou de poil de chèvre, mélangée ou non de toute autre matière que la
soie, les 100 kil. : droit d’entrée : 200 fr.,
droit de sortie : 5 c.
« D. Passementerie de laine ou de poil de
chèvre, mélangée ou non de toute autre matière que la soie, les 100 kil. : droit d’entrée : 350 fr., droit de sortie : 5 c.
« E.
Toute espèce de passementerie ou de rubannerie non
spécialement tarifiée (toujours en exceptant la rubannerie
et la passementerie de soie pure, droit d’entrée : 15 p.c. sur la valeur, droit
de sortie : 1/8 p.c. sur la valeur
« Coutils de toute espèce en lin ou en
coton, ou dans lesquels ces matières dominent, à l’exception des étoffes à
pantalon, les 100 kil. : droit d’entrée : 140 fr.,
droit de sortie : 5 c.
« Etoffes à pantalon de lin ou de coton, ou
dans lesquels ces matières dominent, les 100 kil. :
droit d’entrée : 300 fr. droit de sortie : 5 c.
M. Demonceau. - Je demanderai si malgré la disposition relative aux étoffes à pantalon,
qui vient d'être adoptée, la loi de 1838 relative aux droits sur les étoffes de
laine reste entière.
M. de Theux. -
Assurément.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Oui. Le libellé ne laisse
aucun doute à cet égard.
- La chambre met le second vote de cet article à
l'ordre du jour de sa prochaine séance.
PROJET DE LOI RELATIF A L'ENTREE DES HOUILLES DE LA SARRE
DANS LE LUXEMBOURG.
L'article unique qui compose ce projet est ainsi
conçu :
« Article unique. La loi du 16 novembre 1837
sur l'entrée des charbons de terre (houille) de
La commission permanente d'industrie auquel l'examen
de ce projet a été renvoyé, en propose l'adoption.
- Personne ne demandant la parole, il est procédé au
vote par appel nominal. Le projet est adopté à
l'unanimité des 58 membres présents.
Ce sont : MM. Brabant, Coppieters, de Baillet, de
Behr, Dechamps, Dedecker, de Garcia de
PROJETS DE LOI SUR DES DEMANDES EN NATURALISATION
ORDINAIRE
Le premier de ces projets est ainsi conçu :
« Vu la demande du sieur Paul-Edouard Masson,
lieutenant au .2e régiment de lanciers, né à Paris le 22 août 1808,
tendant à obtenir la naturalisation ordinaire ;
« Attendu que les formalités prescrites par les
art. 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835 ont été observées;
« Attendu que le pétitionnaire a justifié des conditions
d'âge et de résidence exigées par l'art. 5 de ladite loi;
« Nous avons, de commun accord avec les
chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Article unique. La naturalisation ordinaire
est accordée au sieur Paul-Edouard Masson. »
- Personne ne demandant la parole, M. le président
déclare ce projet adopté.
La chambre adopte successivement 23 autres projets
formulés de la même manière que le précédent et accordant la naturalisation
ordinaire à messieurs :
« Charles-Frédéric-Léonard de St-Cyr,
lieutenant au 2e régiment de chasseurs à cheval, né à Varsovie, le 4
mai 1811.
« Théophile Czarnowski,
lieutenant d'artillerie, attaché à la fonderie de
canons à Liége, né à Zagosciniec (Pologne), le 23
novembre 1809.
« François-Dominique Maertens, lieutenant au 14e
régiment de réserve, né à Hulst (Zélande), le 29 juin
1805.
« Edouard Jacot, lieutenant au 3e régiment de
ligne, né à Neuveville (Suisse), le 21 juillet 1821.
« Jean-Nicolas Chabert, sous-lieutenant au 2e
régiment de ligne, détaché au département de la guerre, né à Rocroi (France),
le 29 novembre 1801.
« César-Antoine Bagolini,
sous-lieutenant au 9e régiment d'infanterie, né à Vigazolo, le 17 mai 1793.
« Jean-Guillaume-Joseph Kurth,
sous-lieutenant au 3e régiment de chasseurs à pied, né à Cologne, le
18 juin 1806.
« Pierre Lepoudré, sous-liéutenant officier-payeur au 1e régiment
d'infanterie de ligne, né à Saumur (France) , le 12
messidor an II.
« Renier Rynders,
brigadier de la gendarmerie nationale, à Avelghem, né
à La Haye (Hollande), le 22 septembre 1784.
« Jean Banziger,
employé à l'hôpital militaire de Liége, né à Chur
(Suisse).
« Léon-Victor Lecointe,
maréchal-des-logis au 3e régiment d'artillerie, né à Paris, le 6
mars 1818.
« Jules-Philippe-Antoine Roffiaen,
maréchal-des-logis-chef au 1e régiment de lanciers, né à Gouda
(Hollande), le 6 mai 1818.
« Jean-Baptiste Kuyl,
sous-lieutenant au 14e régiment de réserve, né à Grootzundert
(Brabant Septentrional), le 15 août 1808.
« Louis- Denis Legleu,
sergent au 4e régiment d'infanterie de ligne, né à Lille, le 23 août
1808.
« Léopold Raczynski,
sous-lieutenant au 2e régiment de chasseurs à cheval, né à Kaminies (Pologne), le 15 novembre 1806.
« Jean-Louis Lourmand,
maréchal-des-logis à la 8e batterie de siége,
au fort Lillo, né à Paris, le 5 octobre 1799.
« Jean-Georges Scheffer, maréchal-des-logis au
2e régiment d'artillerie, né à Brielle (Hollande), le
15 janvier 1811.
« Ferdinand-Joseph Regniers,
maréchal-des-logis au 1er régiment de cuirassiers, né à Soberheim
(Prusse), le 6 octobre 1796.
« François-Valentin Letellier,
musicien au 1e régiment d'infanterie de ligne, né à Flessingue, le
10 décembre 1800.
« Richard-Guidon Boecking,
capitaine au 12e régiment d'infanterie de ligne, né à Montjoye (Prusse), le 24 décembre 1807.
« Jacques Dabroski,
lieutenant au 13e régiment de réserve, né à Sluzewo
(Pologne), le 26 juillet 1793.
« Jacques Buchser,
sergent au 2e régiment d'infanterie de ligne, né à Ehrlesbach (Suisse), le 12 mai 1796.
« Sigismond Patkowsci,
lieutenant au 18e régiment de réserve, né à Domaczew.
(Pologne), le 21 janvier 1807.
Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble de
ces 24 projets ; ils sont adoptés à l'unanimité des 58 membres présents.
Ces membres sont : MM. Brabant, Coppieters, de Baillet,
de Behr, Dechamps, Dedecker, Delehaye, Delfosse, de Meer de Moorsel, Demonceau,
de Nef, de Renesse, Desmet de Terbecq, de Theux, de Villegas, d'Huart, Donny,
Dubus (aîné), Dumortier, Duvivier, Eloi de Burdinne, Fallon, Fleussu, Henot,
Hye-Hoys. Huveners, Kervyn, Jonet, Lange, Lebeau, Lejeune, Lys, Maertens,
Malou, Mast de Vries, Nothomb, Osy, Peeters, Pirmez,
Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Troye,
.van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Van Hoobrouck, Van Volxem,
Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert.
FIXATION DE L’ORDRE DU JOUR
M. le président. - Nous n'avons à l'ordre du jour de demain que le
second vote du projet de loi concernant les fils de lin et de chanvre, la passementerie
et la rubannerie. Cela ne donnera probablement lieu à
aucune discussion. Je pense donc que pour laisser à la section centrale du
budget des travaux publics le temps de travailler, il conviendrait de ne fixer
la séance publique de demain qu’à deux heures.
M. Rogier. - On pourrait laisser à la section centrale du budget des travaux publics
toute la journée de demain. Ce n'est guère la peine de convoquer la chambre
pour un objet qui ne prendra peut-être qu'un quart d'heure.
La chambre décide qu'elle ne se réunira en séance
publique que lundi à 2 heures.