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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 21
décembre 1841
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice
1842. Discussion des articles. Haras de l’Etat (David),
société d’horticulture de Bruxelles (Dedecker, Nothomb, de Behr, Nothomb, de Theux, de Brouckere, de Behr, Desmet, Orts, de
Theux, Nothomb, de Behr, Dumortier, de Muelenaere, de Brouckere, Dedecker, Nothomb, Dumortier, de Behr, Dumortier), culture de
la garance (Angillis), garde civique (Delfosse, Nothomb, Delfosse), encouragements donnés au commerce (notamment à
l’industrie cotonnière) et/ou répression de la fraude (Nothomb,
Osy, Dedecker, Eloy
de Burdinne, Manilius, de
Theux, Cogels, Manilius),
(politique commerciale du gouvernement (de Foere)),
(commission d’enquête (Mercier)), de
Theux, Manilius, Cogels,
(politique commerciale du gouvernement et commission d’enquête (de Foere)), David, Manilius, de Theux, Nothomb, Delfosse), navigation
transatlantique et acquisition de la British-Queen (Dedecker, Nothomb, de Foere, de Brouckere, Osy, Nothomb, Coghen,
de Foere, de Garcia, Osy, Nothomb, de
Brouckere, de Foere, Nothomb,
Hye-Hoys, Dumortier, Nothomb, Osy, Delehaye,
Fleussu, Dedecker, Desmet, Devaux, Dumortier,
Dedecker, Nothomb, de Brouckere, Nothomb, de Garcia, Osy, Rogier,
de Behr, Nothomb, Doignon, Cools, Dumortier,
Fleussu, Nothomb, Rogier, Dedecker, Dumortier, de Behr, Rogier, de Foere, Dumortier), navigation à vapeur vers les ports de
l’Europe (Nothomb)
(Moniteur
belge n°356, du 22 décembre 1841)
(Présidence de M. Fallon)
M. Kervyn procède à l'appel nominal à midi et quart.
M. de Renesse donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction en est
adoptée.
M. Kervyn communique les pièces de la correspondance :
PIECES ADRESSEES A
« Des
habitants et propriétaires des communes de Heyst, Knocke, Bouchante et Lissewege demandent la prompte construction du canal de
Zelzaete. »
- Renvoi à la section centrale chargée
d'examiner le projet de loi sur la matière.
______________________
« Un grand nombre d'habitants de la commune
de Lichtervelde demandent des droits élevés sur les fils de lin à l'entrée et
sur le lin à la sortie. »
- Renvoi à M. le ministre de l'intérieur
et insertion au Moniteur.
______________________
« Le sieur de Broick,
major pensionné, ayant obtenu la naturalisation, et n'ayant pas fait dans les
deux mois la déclaration voulue par la loi, demande à être relevé de la
déchéance qu'il a encourue de ce chef. »
- Renvoi à la commission de naturalisations.
______________________
« Les greffiers des justices de paix de
l'arrondissement judiciaire de Hasselt demandent que leur traitement soit porté
à 1,200 fr. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
______________________
« Les professeurs civils à l'école militaire
demandent une majoration de traitement. Ils se plaignent de la manière dont la
loi du 28 mars 1838, relative à l'organisation définitive de l'école, est exécutée à leur égard ; ils exposent qu'on tient compte
des dispositions qui leur sont onéreuses, et non de celles qui leur sont
favorables. »
- Dépôt sur le bureau pendant la
discussion du budget de la guerre.
______________________
M.
d’Hoffschmidt informe la chambre qu'une indisposition
l'empêche de se rendre à la séance de ce jour.
- Pris pour notification.
______________________
M. Jadot informe également la chambre qu'une indisposition l'empêche d'assister
momentanément aux séances de l'assemblée.
- Pris pour notification.
______________________
M. le président. - Voici l'ordre dans lequel ont été réglés les travaux auxquels les
sections ont à se livrer en ce moment :
1° Projet de loi relatif à l'augmentation des
pensions de retraite d'un cinquième, après 10 ans de grade au lieu de 12;
2° Projet de loi destiné à remplacer le tableau n°
16 annexé à la loi du 6 avril 1825 sur les patentes ;
3° Projets de loi relatifs aux traits conclus avec
la république d'Haïti et celle du Mexique;
4° Proposition de M. Vandenbossche tendant à
assujettir à l'impôt les rentes et créances productives
d'intérêts.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR L’EXERCICE 1842
Discussion
des articles
Article unique
M. le président. - La clôture a été prononcée hier sur le chap.
IX, Encouragements à l'agriculture ; la division a été demandée pour le vote.
M. David. - Plusieurs orateurs ont parlé contre le subside proposé pour les haras ;
je désirerais présenter quelques observations pour
le défendre. Je n'ai que quelques mots à dire.
M. le président. – M. David demande que la discussion soit rouverte sur le chapitre de l'agriculture. Je consulte la chambre sur
cette proposition.
- Cette proposition n'est pas adoptée.
M. le président. - Rien n'empêchera M. David, s'il le désire, de faire insérer ses observations au Moniteur. (Adhésion.)
M. David. - Certes, M, le président, on conviendra que je ne suis pas heureux à
obtenir la parole. Voilà déjà 4 ou 5 fois de suite qu'elle m'est ôtée, et
certes je n'en ai dans cette enceinte ni le privilège, ni le monopole. Je ne
conçois pas cette sévérité, qui m'est toute particulière. On a attaqué le
subside donné aux haras, j'aurais peut-être été le seul à le défendre, et il y
avait diverses choses assez bonnes à dire en sa
faveur, ce me semble.
M. le président. - M. David fait une proposition, je consulte la chambre sur cette proposition, et la chambre ne l'adopte pas M. David ne peut donc pas s'en
prendre à moi, s'il n'a pas eu la parole.
Paragraphes A et B
Je mets aux voix le § A.
« Ecole de médecine vétérinaire et
d'agriculture de l'Etat, 149,500 fr. »
- Adopté.
« § B. Jury d'examen pour la médecine
vétérinaire, 4,000 fr. »
- Adopté.
Paragraphe C
« § C. Amélioration de la race des chevaux, 230,000
fr. »
M. Delfosse. - Un membre de la section centrale
n’a-t-il pas demandé une réduction de 30,000 fr. ?
M. Dedecker, rapporteur. - Un membre de la section centrale avait
proposé au sein de cette section une réduction de 30,000 fr. ; cette réduction
mise aux voix y a été rejetée par trois voix contre
trois, de manière que la section centrale n'a pas proposé de réduction à la
chambre de ce chef.
- Le chiffre de 230,000 fr. est mis aux voix et
adopté.
« § D. Subside à la société
d'horticulture de Bruxelles, fr. 24,000. »
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, il s'agit de savoir quelle
portée on entend donner au vote. La section centrale n'entend
pas ratifier encore pour cette année la convention qui a été conclue entre le département de l'intérieur et la société
d'horticulture de Bruxelles.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j'ai déjà dit hier
quelle serait la portée du vote de la chambre relativement à cette allocation :
la chambre ne sera pas définitivement engagée ; cela résulte formellement de
l'art. 6 de la convention qui a été conclue avec
« Le subside de 24,000 fr., porte cet article, sera
payable la première moitié avant le 30 juin, et la deuxième avant le 31
décembre de chaque année. Il est formellement entendu que le retrait d'une
partie ou de la totalité du subside emporterait la nullité de la présente convention. »
Voici donc ce qui arriverait, si vous
refusiez le subside l'année prochaine, par exemple : la convention viendrait à
tomber ; c'est un acte bilatéral ; il y a engagement de la part de
M. de Behr. - Ce
n'est pas seulement cela que la section centrale a voulu ; elle n'a voulu ni
approuver ni improuver. En voici le motif :
C'est que la société se propose de vendre des
terrains qu'elle estime, au moins de l'avis de la section centrale, à un prix
inférieur à ce qu'ils valent réellement ; nous avons pensé que si ce prix
venait à être majoré par la vente des terrains, il y aurait lieu alors d'examiner de nouveau la question et de s'enquérir s'il n'y aurait
pas lieu de réduire considérablement le subside de 24,000 fr.
La section centrale a voulu qu'on ne
préjugeât rien en ce moment ni pour ni contre,
de sorte que si la chambre adopte l'avis de la section centrale, elle ne
s'engagera pas ; la position de la société restera
la même que pour l'année 1841.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - J'accepte ces explications qui ne sont pas en désaccord avec la convention.
Mais il y aurait du danger à dire que la société sera dans la même position que
l'année dernière. Voila en quoi se trouve ce danger : c'est que la société est
obligée de se maintenir comme société d'horticulture ; du moment que le
gouvernement, autorisé par la législature, lui dit : « j'alloue le subside »,
la société, aux termes de la convention, ne peut plus vendre ; c'est nous,
gouvernement et chambres, qui devons dégager la société : l'année dernière
cette condition n'existait pas.
Je ferai remarquer, au reste, que la convention n'a
pas besoin de ratification législative ; le gouvernement reste libre et la
société ne l'est pas : tout ce que la chambre fait en ce moment se borne à
autoriser l'exécution de la
convention pour 1842.
M.
de Theux. - Pour tout
concilier, on pourrait énoncer dans le procès-verbal la réserve énoncée par la
section centrale ; on saura, alors, sous quelle influence le subside aura été
accordé.
M. de Brouckere. - Il est inutile de faire cette mention au procès-verbal. La convention
ne regarde pas la chambre, c'est une chose qui regarde le gouvernement et la
société d'horticulture. Maintenant le gouvernement vous demande un subside de
24,000 francs, et il explique quel usage il en fera éventuellement ; car en allouant
le subside au gouvernement, vous ne le mettez pas dans la nécessité d'en
disposer en faveur de la société d'horticulture de Bruxelles, mais vous le
mettez dans la possibilité d'en disposer. En votant cette somme, non seulement
la chambre ne se lie pas pour l'avenir, pas même pour cette année, de manière
qu'on ne court aucun danger, en votant purement et simplement l'allocation.
Quelle sera la conséquence de ce vote ? C'est que si le gouvernement
juge nécessaire d'allouer les 24,000 francs pour soutenir la société
d'horticulture de. Bruxelles, il allouera ce subside ; si au contraire la
totalité du subside n'est pas nécessaire, il n'en allouera que la partie qu'il
jugera indispensable pour le soutien de l'établissement pendant l'année 1842.
Après 1842, la chambre sera dans la même position où elle est aujourd'hui :
elle pourra refuser le subside l'année prochaine
comme elle peut le refuser aujourd'hui.
Quelle sera la portée de ce vote : c'est que la
convention viendra à tomber.
Vous n'avez donc rien ratifié. Il y a impossibilité,
en votant les 24 mille francs comme ils sont demandés, à ce qu'il y ait abus
dans l’emploi qui en sera fait ; et on ne pourra pas s'appuyer
du vote de cette année, pour obtenir le même
vote l'année prochaine.
M. de Behr -. Si le subside n'est pas réclamé comme exécution de la convention, je puis
admettre les raisonnements de l'honorable préopinant, mais ce n'est pas ainsi
que le gouvernement réclame le subside. Si la
chambre adopte purement et simplement le subside, il
y aura approbation de la législature.
M. de Brouckere. - Il n'y aura en aucune manière
approbation, attendu que cette convention n'a pas été communiquée
officiellement à la chambre. Mais il fallait bien que le ministre vînt vous
dire pour quels motifs il demande le crédit, il vous communique la convention comme renseignement, vous prenez la
communication pour ce qu'elle vaut, c'est-à-dire pour renseignement. Jamais on
ne pourra dire que la convention a été ratifiée par le vote
d'un chiffre, quand le ministre vous dit que ce vote n'est pas une ratification et que
l'année prochaine vous serez libre de ne pas continuer le subside.
M. Desmet. - A la vérité, le vote du subside ne constituera
pas un lien légal, mais un lien moral. C'est pour cela que l'année dernière,
vous avez voté le crédit demandé avec le mot provisoirement.
Cette année, la section centrale n’a pas pris de résolution, parce
qu'on va vendre tous les terrains qui s'étendent jusqu'à la place du chemin de
fer. On a demandé à la société l'évaluation de ces
terrains, elle les a estimés à 200,000 francs, tandis que, d'après les
renseignements recueillis par la section centrale, leur valeur passerait un
demi-million. Si on vote le crédit demandé, il faut introduire
dans le libellé le mot provisoirement comme l'année
dernière.
M. Osy. - Pour mettre tout
le monde d'accord, il faut mettre ce crédit à la deuxième colonne, aux charges
extraordinaires et imprévues.
M. le président. - Il n’y a pas de colonne de
charges extraordinaires dans la loi ; il n'y a qu'un chiffre.
M.
de Theux. - Il y a contradiction
entre les honorables préopinants. D'une part, M. le président de la section
centrale croit que les 24,000 fr. sont demandés par le gouvernement comme ratification de la section centrale. De l'autre part, M.
de Brouckere dit que la chambre n'est pas saisie de la convention. Je
désirerais avoir à cet égard une explication formelle de la part de M. le ministre de 1'intérieur, savoir si c'est, oui ou non, en
exécution de la convention que le crédit est demandé. Si M. le ministre dit que
ce n'est pas en exécution de la convention que le crédit est demandé, la chambre ne sera pas liée ; si, au contraire, c'est en exécution de la convention, les raisonnements de
l'honorable rapporteur de la section centrale sont fondés.
M. le président. - La section centrale a proposé
d'allouer le crédit avec le mot provisoirement. M. le ministre l'accepte-t-il en ce sens ?
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j'en demande pardon
à la chambre, mais il est difficile de saisir le but de la discussion actuelle.
Lisez la convention et voyez jusqu’à quel point le
gouvernement est lié. Il ne l'est pas. Si je n'avais pas conclu
cette convention, vous auriez des reproches à me faire. Vous me diriez : Il
était entendu que vous ne donneriez les 24 mille
francs qu'à certains engagements à prendre par cette
société. Ces engagements ont été pris. La société est liée, tandis que,
gouvernement et chambres, nous ne le sommes pas. Si l'année prochaine on trouve
qu'il convient de ne pas allouer un subside aussi considérable, il sera libre à
la chambre de le faire.
Alors le gouvernement se placera vis-à-vis de la
société dans la position que l'article
Chaque fois qu'on a examiné cette affaire, on a
craint que le gouvernement ne procédât à l'aventure et qu'un beau jour la
société ne fît la spéculation dont j'ai parlé hier. Cette spéculation lui est
maintenant interdite, et il ne lui sera plus possible de la faire qu'autant
qu'on la délie en cessant de lui payer le subside.
Je regrette qu'on
ait perdu de vue la convention qui a été insérée au Moniteur. Si on me
demande la valeur de cette convention, je dirai que c'est la justification du crédit
demandé pour l'année 1841.
M. de Behr. -
Messieurs, il n'en est pas moins vrai que le ministre vous propose la
ratification de la convention. Je conçois bien que la chambre pourra se
dégager. Mais à l'instant où vous ne payez plus le subside, la société est
libre de vendre le terrain sur lequel est situé l'établissement. Ce n'est pas à
cette condition que le subside a été réclamé par la société ; il n'a été
réclamé que pour assurer aux actionnaires un intérêt de 4 1/2 p. c. du capital
engagé. Si on prouve qu'au moyen de la vente des terrains libres ce but peut
être atteint en réduisant le subside, la convention doit tenir malgré la
réduction, et il doit toujours être interdit à la société de détruire
l’établissement pour vendre les terrains sur lesquels il est situé.
Si au contraire vous adoptez la convention qui vous
est proposée, vous vous obligez à continuer le subside de 24,000 francs ; je sais que vous
pourrez décider, si vous le jugez à propos, que le subside doit être réduit,
mais alors la société rentrera dans ses droits, pourra le refuser et détruire
l'établissement. Voilà la différence. Nous voulons
bien approuver la convention, mais non nous engager à continuer toujours le subside de 24,000 francs.
M.
Dumortier. -
Messieurs, la discussion actuelle ressemble assez à
la discussion de lana caprina. Il s'agit de savoir si la
société est liée par la convention et si la convention lie la chambre. Une
convention a été faite entre le gouvernement et la société d'horticulture de
Bruxelles pour la conservation de son établissement
qu'elle voulait vendre.
Il est conclu en termes formels qu'aussi longtemps
que le subside de 24 mille fr. sera accordé, la société continuera son établissement et qu'elle ne pourra vendre le terrain sur
lequel il est situé que du jour où vous supprimerez le subside. Quel mal y
a-t-il là ?
Il n'y a qu'une seule partie qui soit liée, c'est la
société, car la convention dit que du jour où vous
retirerez le subside, et seulement alors, la société rentrera dans le droit de
disposer de son établissement, c'est à dire qu'elle
ne sera déliée que du jour où vous vous délierez vous-même.
C’est une erreur de dire qu'adopter le crédit
demandé, c'est contracter l'engagement de le continuer. Quand vous ne trouverez
plus convenable de le continuer, vous ne le donnerez plus. J'entends dire derrière moi : tout ce que vous aurez donné
jusque là sera perdu. Pour moi, messieurs, je crois qu'il y a trop de sagesse
dans cette chambre pour ne pas continuer longtemps ce subside ; elle ne voudra
pas laisser détruire un aussi bel établissement créé par le gouvernement
précédent ; on ne voudra pas entendre dire que la révolution n'a pas su
conserver ce que le gouvernement précédent avait su créer. Si cet établissement
n'était pas créé, je ne donnerais pas mon vote pour son élévation, mais je ne
veux pas qu'on expose au reproche de vandalisme une révolution qui a été faite
pour un meilleur état, pour un meilleur avenir, en laissant tomber un établissement
comme le jardin botanique par une mesquine
lésinerie. Je le répète, je pense que la chambre a trop de sagesse pour ne pas
continuer pendant longtemps le subside qu’elle votera aujourd'hui.
Je sais qu'on a dit que le jardin botanique pouvait
faire tort à des établissements particuliers. On a été jusqu'à dire que ce
jardin était médiocre. Ce sont là des choses que je suis personnellement à même
de déclarer être des erreurs. Il est vrai que le Jardin Botanique de Bruxelles
ne peut pas imiter avec celui de Gand. Quand le gouvernement consacre des
sommes de 50 à 60 mille francs à l'histoire naturelle et donne tout ce qu'il
obtient à l'établissement de Gand, il n'est pas étonnant que cet établissement
soit plus riche que les autres.
M. le président. - Vous sortez de la question, qui est de savoir quelle est la portée de
la convention.
M. Dumortier. - Je suis dans la question. Je fais remarquer la portée de la convention en
faisant voir combien l'établissement est
intéressant. Dans ma manière de voir, la convention a pour but de conserver un établissement qu'il ne faut pas laisser détruire.
Chacun examine la convention à sa manière.
M. de Muelenaere. - J'ai demandé la parole pour faire remarquer qu'on n'a pas bien compris
le sens des observations de l'honorable M. de Behr. La société d'horticulture,
vous a-t-il dit, s'était, dans le principe, engagée à maintenir le Jardin
Botanique, moyennant qu'on lui garantît l'intérêt à 4 1/2 p. c. du capital engagé.
M. Dumortier. - Ce n'est pas exact.
M. de Muelenaere. - Je ne dis pas qu'il en soit ainsi, je dis que, d'après M. le président
de la section centrale, la société d'horticulture s'était engagée à conserver
son établissement à cette condition.
Maintenant voici ce qu'ajoute M. de Behr : dans
l'état actuel des choses, 24,000 fr. seraient nécessaires pour garantir cet
intérêt ; mais si la vente des terrains libres produit un capital tel que l'intérêt de 4 1/2 p. c. se trouve garanti par 12,000 fr. au
lieu de 24,000, l'Etat ne sera plus tenu de payer que 12,000 fr.,
et cette société continuera à être obligée de conserver son établissement ; si,
au contraire, dit l'honorable M. de Behr, vous ratifiez la convention, vous vous engagez à l'infini à payer
24,000 fr., dans ce sens que si vous cessez de payer ce subside,
la société rentre dans tous ses droits et est autorisé à se dissoudre. Toute la
question à examiner est celle de savoir si la
société d'horticulture a pris l'engagement de ne pas
se dissoudre moyennant qu'on lui assure un intérêt de 4 1/2 p. c. Si ce fait
est vrai, je crois en effet que la chambre ne devra
pas s'engager à voter au-delà de la somme nécessaire pour l'exécution de la
première convention. Je ne résous pas la question, mais je crois avoir rendu
l'observation de l'honorable M. de Behr.
M. de Brouckere. – J’avais parfaitement compris l'argumentation de l'honorable M. de Behr, avant
l'observation de l'honorable M. de Muelenaere ; mais l'objection pêche par sa
base ; elle est fondée sur un fait qui n'est pas exact, par conséquent tout le
raisonnement tombe ; mais je dis que l'honorable M. de Behr aurait raison en
fait que jamais je ne pourrais adopter l'opinion qu'il exprime, le système
qu'il préconise. Si on interprète le contrat dans tel sens, dit l'honorable M.
de Behr, je l'approuverai ; si on l'interprète autrement, je refuserai le
crédit ; mais je ne veux approuver le contrat dans
aucun cas ; je ne veux ni l'interpréter, ni en apprécier la portée, je n'ai pas
pour cela les renseignements nécessaires. M. le
ministre demande 24,000 fr. ; il donne des explications à l'appui de sa demande
; on reconnaît que pour cette année, on peut voter ; l'on n'y voit pas de
danger ; l'an prochain vous refuserez les 24,000 fr.
; vous n'en admettrez qu'une partie ; vous ferez ce que vous voudrez ; il est
impossible qu'aucun engagement ni pour la chambre, ni pour
le gouvernement, ni pour le pays, résulte du vote des 24,000 fr. tel que tous
les orateurs l'ont expliqué.
M. Dedecker, rapporteur. - Il est bien vrai que le gouvernement n'a pas
entendu garantir à la société d'horticulture un intérêt
de 4 1/2 p. c. par an, cependant il est vrai que le subside accordé
par le gouvernement à cette société lui parfait cet intérêt : Voilà la
véritable position.
Relativement au vote provisoire du subside, la
section centrale n'a fait que suivre les errements de la chambre de l'an
dernier. En effet, voici comment s'exprime l'honorable M. Dumortier dans son
rapport :
« Un membre a proposé, conformément à l'avis de
la 6e section et de la majorité de la 2e section, d'allouer l'augmentation du subside pour 1841 et de réserver le vote pour les
exercices ultérieurs jusqu'au moment où l'on examinera le budget de 1842. Il
est probable que l'on sera alors à même d'apprécier si un subside aussi élevé
doit être rendu permanent, vu les ressources extraordinaires que la société
aura pu réaliser. »
Plusieurs membres. - Le subside n'est pas rendu permanent.
M. Dedecker, rapporteur. - La section centrale a pensé que la position est absolument la même que
l'an dernier.
M. de Brouckere. - Nous sommes tous d'accord.
M. Dedecker,
rapporteur. - Nous ne connaissons pas les
ressources que la société a pu réaliser, par conséquent il n'y a pas lieu à statuer définitivement sur un subside annuel de 24,000 fr.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On peut voir à la suite du rapport de
la section centrale (page 57, annexe D), le budget de
M. Dumortier.- On discute ici faute de
connaître les faits ; il me sera facile de vous démontrer que l'argumentation
de l'honorable M. de Behr pèche par sa base. Rien de
ce qu'il a allégué n'existe ; le gouvernement n'a aucunement garanti à
Quant au subside, il a été concédé à titre gratuit,
non à titre onéreux ; c'est à dire que le roi Guillaume et la ville ont accordé
à la société d'horticulture un subside de 12,000 fr. pour l'aider à remplacer
l'ancien jardin botanique. Ainsi, la société est libre de se dissoudre, de
vendre les terrains ; il n'y a aucune réserve contre la dissolution. La seule
réserve qui ait été faite est que, si la société venait à se dissoudre, la
ville de Bruxelles pourrait acquérir les terrains à
dire d'experts ; or, comme ces terrains valent aujourd'hui deux millions, cette
stipulation est complètement illusoire, car ni la ville, ni l'Etat ne pourrait
en faire l'acquisition. .
Vous avez maintenant à décider si le jardin
botanique continuera d'exister, ou s'il sera détruit ; car il faut bien que
vous compreniez la portée de votre vote. Le rejet de la proposition du gouvernement, c'est la destruction du jardin
botanique. Cela est clair. Maintenant vous voterez
comme vous le jugerez convenable.
Plusieurs membres. - La clôture !
M. de Behr. - Je
ne veux que parler d'un fait ; il est inutile de rentrer dans la discussion
générale qui d'ailleurs est close. L'honorable M.
Dumortier vous a dit que le gouvernement avait fait une convention et que la
rejeter, c'était perdre tous les fruits de ce qu'on avait fait jusqu'ici. Je ne
veux rien préjuger sur la convention. Le
gouvernement l'a conclue avant de la ratifier, nous voulons voir quelle est la
situation de la société.
L'honorable M. Dumortier nous a dit que jamais il
n'avait été entendu, de la part de la société, que le subside lui garantit un
intérêt de 4 1/2 p.c. par an.
M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela ; j'ai
dit et je maintiens que le gouvernement ne s'était
pas engagé à garantir cet intérêt.
M. de Behr. -
Voici le budget de la société tel qu'il a été arrêté par elle, elle y donne des
détails ; elle s'exprime ainsi :
« Il reste disponible jusqu'à la ligne A, B
une surface de terrain de 67 ares ou
Eh bien, voilà précisément où nous sommes en
désaccord : nous disons qu'au lieu de 2 fr. le pied, la société pourra en
retirer 3, ce qui changera sa position.
Voici maintenant la conclusion de ce budget :
« Il résulte donc des détails
ci-dessus qu'au moyen des arrangements conclus avec le gouvernement
:
« 1° La société pourra améliorer
l'établissement de manière à ce qu'il puisse produire les
recettes portées au budget ordinaire, et achever les constructions et
réparations indispensables;
« 2° Elle pourra faire face à toutes ses
dépenses ordinaires et payer toutes ses dettes;
« 3° Que les actionnaires sont assurés de jouir
d'un intérêt de 4 1/2 p. c. de leur capital, sans aucun espoir d'augmentation
d'intérêt ni de dividende. »
Or, nous disons que cela n'existe pas ; que la
société a l'espoir de voir augmenter ses intérêts, de voir sa position
s'améliorer par suite de l'adjudication des terrains.
Voilà les motifs pour lesquels
nous ne voulons ni approuver ni improuver la convention.
M. Dumortier - Messieurs, l'honorable
préopinant vient de me faire dire l'inverse de ce que j'ai dit. Je répète ce
que j'ai dit et c'est très clair.
J'ai dit qu'avant le jour où la convention nouvelle
avait été conclue, il n'existait aucun lien
vis-à-vis de la société ; et là est toute la question.
L'honorable M. de Behr a beau venir lire la
convention nouvelle ; cette convention ne sera obligatoire que lorsqu'elle sera
acceptée par les deux parties. Je trouve étonnant qu'un homme aussi éclairé que
l'honorable préopinant vienne nous dire que la société est liée, tandis que
nous, nous ne le serions pas. Je le répète, il n'y a pas de lien provisoire ;
vous êtes lié ou vous ne l'êtes pas, et l'honorable M. de Behr sait fort bien qu'en justice il n'admettrait pas un pareil lien provisoire.
Voici le fait et je prie l'honorable M. de Behr de
bien le comprendre :
Le jour où le gouvernement a fait le contrat, il
n'existait aucun lien ; le lien n'est que la conséquence du contrat. Vous ne
pouvez interpréter un contrat de manière à admettre les conditions qui vous
conviennent et à repousser celles qui ne vous conviennent pas.
Je le répète donc, il faut accepter la convention ou
la rejeter.
Ainsi ce que vous allez mettre aux voix, c'est la
continuation ou la vente de l'établissement.
- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre
de 24,000 fr. est mis aux voix et adopté.
Littera E et F
« Litt. E. Fonds d'agriculture :
fr. 80,000 »
« Litt. F. Prime constituée par l'arrêté royal
du 30 janvier 1832, pour la reproduction des cocons de vers à soie : fr.
4,000. »
- Ces deux littera sont adoptés.
« Litt. G. Culture de la garance : fr.
30,000 »
M. Angillis. - Je demande la parole.
M. le président. - La chambre a décidé, au commencement de la séance, qu'on ne pouvait
plus rentrer dans la discussion.
M. Angillis. - On vient de discuter pendant trois
quarts d'heure sur le Jardin botanique.
M. le président. - On a discuté sur la portée du vote, mais
non sur le fond de la question. Si vous le désirez, je consulterai la chambre,
pour savoir si elle veut vous accorder la parole.
M. Angillis. - C'est inutile, je trouverai dans un
autre moment l'occasion de présenter mes observations.
- Le chiffre est adopté,
Littera H et I
« Litt. H. Achats à l'étranger d'animaux
domestiques : fr. 10,000 »
« Litt. I. Supplément au 3° tiers du fonds de
non-valeur : fr. 24,000.
- Ces deux litt. sont
adoptés.
CHAPITRE X. Milice
Article unique
« Art. unique. Frais d'impression des listes alphabétiques (modèles G et I) pour
l'inscription des miliciens (art. 50 de la loi du 8 janvier
1817) : fr. 1,000. »
- Cet article est adopté.
Article unique
« Art. unique. Frais de voyages de l'inspecteur-général de la garde civique, des
aides-de-camp qui l'accompagnent ; frais de bureaux de
l'état-major. - Achats, réparations et entretien des armes et équipements
de la garde civique : fr. 20,000. »
M. Delfosse. - Messieurs, le chiffre porté au budget précédent était de 24,000 fr., il
a été réduit à 20,000.
Mais si l'on se reporte aux discussions qui ont eu
lieu, on verra que la réduction devait porter sur l'état-major. Les orateurs
qui ont pris part à ces discussions ont fait ressortir l'inutilité de l'état-major
; ils ont soutenu que la garde civique organisée ou plutôt désorganisée
comme elle l'est, n'est bonne à rien, ne rend pas de service, et que par
conséquent l'état-major n'est pas nécessaire. C'est sous l'impression de ces
motifs que la chambre a voté la réduction.
Comme je viens de vous le dire, on aurait dû faire
porter cette réduction sur l'état-major. Pas du tout, on l'a fait porter sur la
réparation des armes. On porte au projet de budget
que nous discutons, 11,000 fr. au lieu de 16,000
pour réparation des armes et on laisse subsister le chiffre de 9,000 francs
pour l'état-major. Or telle n'était pas l'intention de la chambre.
Je demanderai donc la division de l'article et je
proposerai que le chiffre porté pour l'état-major soit, sinon supprimé, du
moins réduit à 4,000 fr., sauf à porter le
crédit pour la réparation des armes à 16,000 fr., si cela est nécessaire.
M. le président. - Voici l'amendement de M. Delfosse :
« Je propose de voter l'article par division, comme
suit :
« Litt. A. Frais de voyage de l'inspecteur-général
de la garde civique, des aides-de-camp qui l'accompagnent et frais de bureau :
fr. 4,000 fr.
« Litt. B. Achat, réparation et
entretien des armes et équipements de la garde civique, 16,000 fr. »
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb). - Messieurs, si cette allocation devait être employée dans le sens rigoureux que l'honorable préopinant suppose et qu'il veut rendre
aujourd'hui obligatoire, la garde civique serait de fait supprimée.
La garde civique existe dans la capitale, à
Bruxelles ; elle a été mainte fois d'un grand secours. L'état-major a son siége à Bruxelles. Si vous réduisez le subside qui le
concerne à 4,000 fr., vous détruisez l'état-major, et par cela même vous
supprimez la garde civique.
Je pense donc qu'il est indispensable de laisser les
choses dans l'état où elles se trouvent.
Je sais très bien que la garde civique est dans un
état de désorganisation ; mais il faut rendre cette justice à la capitale
qu'elle a donné un bel exemple, exemple que le pays malheureusement n'a pas
suivi.
D'un autre côté le gouvernement s'occupe d'un projet
de réorganisation de la garde civique. Un premier projet de loi a été élaboré dans mes bureaux ; il est en ce moment
soumis à l'examen d'une commission, et j'espère encore pouvoir
le présenter à la chambre dans le cours de cette session.
Je prie la
chambre de laisser les choses dans le statu quo et de ne pas pousser
plus loin la désorganisation que je reconnais avec l'honorable préopinant ;
conservons au moins ce que nous avons.
M. Delfosse. - M. le ministre de l'intérieur nous dit
: Conservons ce que nous avons : mais je lui répondrai que nous n'avons rien.
Il parle de grands services rendus par la garde civique ; je ne connais pas ces
services. Tout ce que je sais, c'est qu'il y a eu des revues, des parades, mais
ce ne sont pas là des services.
M. le ministre nous dit qu'il s'occupe de la
réorganisation de la garde civique, je l'en félicite. J'apprécie autant que qui
que ce soit les services que peut rendre une bonne garde civique. Aussi, quand
nous en aurons une bien organisée, je serai, le
premier à voter les fonds nécessaires.
- Personne ne réclamant le parole, le litt. A :
« Frais de voyage de l'inspecteur général de la garde civique, des
aides-de-camp qui l'accompagnent et frais de bureau : fr. 9,000 fr. (somme
proposée par le gouvernement) » est mis aux voix ; il est adopté.
Le litt. B : « achat, réparation et entretien
des armes et équipements de la garde civique : fr. 11,000 fr. » est aussi
adopté.
CHAPITRE XII. Récompenses honorifiques et pécuniaires
Article unique
« Article unique. Médailles
ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement et de courage : fr.
10,000. »
- Ce chapitre est adopté.
CHAPITRE XII. Dotation de
Article unique
« Article unique. Dotation en faveur des
légionnaires et veuves de légionnaires peu favorisés de
la fortune, et pensions de 100 francs par personne aux décorés de la croix de fer,
qui sont dans le besoin, ou qui n'ont ni autre pension, ni traitement
quelconque : fr. 60,000. »
- Ce chapitre est adopté.
Article premier
« Art. 1. Encouragements
divers pour le soutien et le développement du commerce, frais de rédaction et
de publication de la statistique commerciale et
industrielle : fr. 162,300
La section centrale propose une diminution sur les
12,500 fr. du litt. E. de cet article. Toutefois il y a eu partage de voix.
M. le président. - La section centrale propose dès lors de voter par division.
M. Dedecker, rapporteur. -Oui, M. le président.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Vous remarquerez, messieurs, que ces cinq allocations ne forment qu'un seul article
s'élevant, d'après la proposition du gouvernement, à 139,500 fr. Sur ces cinq
allocations quatre ont un emploi fixe, c'est-à-dire qu'il est peu probable que
le gouvernement parvienne à faire une économie notable sur un de ces quatre
littera.
Ces littera sont les suivants :
A. Ecoles de navigation : fr. 16,000
B. Chambres de commerce : fr. 12,000
C. Frais de rédaction et de publication de la
statistique commerciale et industrielle : fr. 52,000
D. Portion imputable sur l'exercice 1842, de la
garantie accordée par le gouvernement pour l'exportation des produits de
l'industrie cotonnière : fr 70,000.
Ces quatre littera représentent la somme totale de
l'article à l'exception de 12,000 francs, c'est-à-dire que le gouvernement aura
en 1842 une somme de 12,000 francs pour tous les encouragements à donner au
commerce en dehors des dépenses prévues par les 4 littera que je viens de
citer. Vous conviendrez, messieurs, que ce n'est pas là une ressource bien considérable,
et si quelque chose a droit de nous étonner, c'est à coup sur l'opposition que rencontrent ces 12,000 francs de la part de la section
centrale.
Si cette somme de 12,000 francs était effacée du
budget, il ne resterait absolument rien au gouvernement pour couvrir les dépenses consacrées au soutien et au développement du
commerce, il ne lui resterait absolument rien, à moins de supposer, contre
toute probabilité, qu'on parvienne à faire de grandes économies sur les 4
premiers littera de l'article.
Cette somme de 12.000 francs formera donc, à
proprement parler, la seule ressource dont puisse disposer le gouvernement pour
toutes les dépenses qui ne sont pas comprises dans les littera A à D.
Ainsi, si des explorations commerciales sont jugées
nécessaires pour faciliter dans certaines contrées des débouchés à notre commerce ; si des encouragements sont reconnus convenables
pour des expéditions d'essai vers des contrées avec lesquelles notre commerce
n'a pas encore de relations établies ; si des subsides sont demandés pour
faciliter l'établissement de maisons ou d'agences belges sur des points
lointains et peu fréquentés du globe ; si, enfin, des documents et échantillons
commerciaux sont recueillis sur ces mêmes points du globe,eh
bien ! pour subvenir aux frais qui en résulteraient et en général pour subvenir à toutes les
dépenses non spécifiées à l'art. 1er (et il en est un grand nombre d'autres à
faire dans l'intérêt du commerce), le gouvernement aura, en tout et pour tout à
sa disposition 12,500 fr., somme que l'on veut cependant
réduire.
Si notre état financier nous avait permis de
demander une somme plus forte, certes, messieurs, nous l'eussions fait. Nous
désirons que dans le cours de l'année il ne se présente aucune nécessité qui fasse porter les dépenses au delà de 12,500
fr., mais si une semblable nécessité se présente, force nous sera bien de vous demander un crédit nouveau.
J'insiste donc, messieurs, pour obtenir la somme de
12,000 fr., qui ne sera, peut-être, même pas suffisante.
Quant aux expressions de frais divers, elles
sont, peut-être, un peu vagues, mais d'abord il ne s'agit pas du libellé d'un article, mais du libellé d'un littera et ensuite la nature
de ces frais divers est suffisamment expliquée par l'intitulé général de
l'article.
M. Osy. - Je ne blâme pas, messieurs, cette garantie de 10 p. c. donnée à l'industrie cotonnière ; mais de la manière qu'on l'a exécuté, je crois qu'il y a des
préférences données que je ne puis approuver et qui sont même contraires aux
intérêts des fabricants.
Tous les manufacturiers qui avaient besoin de faire
des exportations étaient obligés de s’adresser à un seul établissement
favorisé, tandis qu’on a refusé à un autre établissement de donner la même
garantie pour des exportations quelle voulait faire pour son compte, en
achetant des fabricants et exportant à ses périls et risques.
La garantie du gouvernement était la même, mais il y
avait des grands avantages de traiter également par elle, je vous la nommerai,
la société de commerce d’Anvers qui a un capital, entièrement versé, de 5
millions de Francs.
La banque d’industrie exportait sans courir aucun
risque, comme elle le fait par commission, et elle n’a ainsi pas le même intérêt
d’engager le fabricant de n’expédier que ce qui convient et faire bien et
convenablement connaître nos produits sur les marchés étrangers et les
fabricants ne lui envoyaient souvent pour l’expédition, au loin, que leur fonds
de magasin.
Tandis qu’en traitant avec la société de commerce,
le fabricant, en lui vendant, avait consommé son opération après la livraison
des marchandises et toutes les pertes au delà de 10 p. e. retombaient sur la
société, et comme elle a intérêt de ne pas perdre, elle a celui à s’entourer
d’assez de renseignements pour savoir ce que les pays de consommation ont
besoin, d’y faire connaître et apprécier nos produits et d’y établir des
marchés réguliers, et tâcher de venir en concurrence avec nos rivaux en
industrie.
Si elle faisait de mauvais choix et de mauvais
achats, cela ne retombe que sur elle, parce que, par la société de commerce, le
fabricant reste ce qu’il devrait toujours être, seulement producteur et
vendeur, tandis que par la banque d’industrie, qui ne peut faire que la
commission, vous forcez le fabricant d’être, non seulement producteur, mais
spéculateur, et il doit attendre avec anxiété les comptes de ventes et ceux des
retours, et je ne crois pas exagère de dire qu’ils ont déjà vu ou qu’ils
verront qu’ils ont été forcés de faire des opérations qui leur coûteront plus
de 40 à 50 p. c., sur lesquels ils n’auront que les 10 p. c. du gouvernement à récupérer.
Je sais que la société de commerce a souvent
expliqué ce cas au ministre et au gouverneur de la province, sans avoir jamais
réussi à leur faire comprendre qu'on ne faisait que des propositions, dans les
intérêts des fabricants que le gouvernement voulait aider, et au lieu de
l'aider à vendre définitivement, on l'entraînait à de fortes pertes , car enfin, ne trouvant pas d'autre moyen, elle était
obligée de se défaire de son trop plein, par le seul établissement favorisé.
Le gouvernement aurait dû dire : je mets 240,000 fr.
à la disposition de l'industrie cotonnière, en garantissant 10 p. c. de perte,
ce qui fait une exportation de 2,400,000fr.,
et je les donnerai à ceux qui exporteront et vous auriez dû laisser le choix
aux fabricants de trouver des acheteurs qui auraient joui de cette garantie,
mais pas forcer le fabricant à devenir spéculateur.
L'opération allant à sa fin, vous
me direz que mes observations sont tardives, mais je n'ai pu me faire entendre
plus tôt ; néanmoins, j'espère que ce sera un avertissement, si jamais vous
devez recourir à de pareils moyens pour aider une industrie.
M. Dedecker, rapporteur. - Je dois expliquer à la chambre les motifs qui
ont porté la section centrale à proposer une réduction. Vous aurez remarqué,
messieurs, que le chapitre XIV présente une
majoration de 23,000 fr. Il faut d'abord retrancher de cette augmentation
12,000 fr, qui sont la conséquence d'une loi, celle relative aux frais des
chambres de commerce ; il faut encore en retrancher 10,000 fr., qui sont
alloués aux écoles de navigation pour donner des développements aux études qui
s'y font. Restent donc 10,000 fr. applicables aux frais divers.
La section centrale s'est fait toutes les
observations que M. le ministre vient de présenter ; elle a vu aussi que la
plupart des littera de cet article concernent des dépenses fixes, c'est-à-dire
sur lesquelles il n'est guère permis d'espérer de réductions, mais il n'en est
pas moins vrai que, comme je viens de le dire, il y a une augmentation de
10,000 fr,.sur le littera frais divers, qui est susceptible
de réductions.
En effet, la section centrale a demandé
des renseignements sur la destination de ces frais divers, et M. le
ministre lui a répondu qu'il compte prélever, sur ce littera, les frais
résultant des encouragements de toute espèce à accorder au commerce ; ceux
d'achat d'échantillons et d'impression de documents destinés aux industriels du
pays ainsi que ceux qu'entraîne l'instruction de beaucoup d'affaires concernant
le commerce. Eh bien, messieurs, la section centrale
a vu que le premier littera du chapitre XV a pour objet des dépenses à peu près
analogues, sur lesquelles on pourrait prélever une partie des frais divers en
question. Ce litt. a, de l’art. 1er
du chap. XV est libellé comme suit :
« Achat de machines et de métiers perfectionnés, essais, voyages et missions à l'étranger, frais d'expertise de machines introduites dans le pays en franchise provisoire des droits
; frais d'inspection pour les établissements dangereux ou
insalubres, 30,000 fr. »
Ensuite, messieurs, en ce qui concerne les
impressions, voici le libellé d'un autre littera du même article :
« Frais d'enquêtes industrielles ; impression
des travaux des commissions, 22,000 fr. »
Ce libellé concorde encore évidemment avec
la destination que l'on propose de donner aux frais divers pour
l'encouragement du commerce.
La section centrale a donc pensé que si le
crédit du littera frais divers de l'article en discussion était
insuffisant, une partie des dépenses qu'il est destiné à couvrir pourrait être
prise sur les deux littera de l'art. 1er du chap. XV, que je
viens de citer. C'est pour ce motif que trois membres ont proposé de réduire le
chiffre de 12,500 fr. à 10,000 fr. et que les trois autres membres ont proposé
de le réduire à 6,000 fr.
M. Eloy de Burdinne. - Comme vous le prévoyez, sans doute, messieurs,
je voterai contre le crédit demandé pour le commerce.
Je crois que nous entrons dans une voie bien dangereuse. Vous accordez 70,000
fr. par an pour être distribués en primes pour favoriser l'exportation des
produits de l'industrie cotonnière.
Mais que résultera-t-il de ce précédent ? C'est que
toutes les industries viendront vous demander des primes lorsqu'elles ne
pourront pas exporter sans ce moyen. C'est ainsi que vous venez arriver les
fabricants de fer, les extracteurs de houille, et lorsque les grains seront à
bas prix, les agriculteurs viendront également nous demander des primes pour
l'exportation de leurs produits. Nous pourrons bien accorder toutes ces primes,
rien n'est plus facile, mais nous ne pourrons pas les payer.
Ce système, messieurs, tend à placer le
pays dans la position la plus fausse. Je vous prie de pas le perdre de vue, un
des griefs qui ont amené la révolution de 1830, c'est le million Merlin, Eh
bien, ce million Merlin, contre lequel on a tant crié, se reproduit
aujourd'hui sur une échelle bien plus grande. Je l'ai dit dans une séance
précédente, l'industrie et le commerce coûtent à
Nous n’avons, messieurs, qu’une chose à faire,
c’est de garantir à nos industriels le marché intérieur. Avec ce système de
primes, je le répète, nous nous trouverons un jour en face d’une banqueroute.
Voilà où les primes conduiront la Belgique.
Ainsi, messieurs, toutes les réductions qui seront
proposées, je les voterai. Mais j’engagerai MM. les ministres à rechercher un
système tout autre que celui qui se trouve établi en Belgique, il faut protéger
le commerce et l’industrie, mais il faut le faire par d’autres moyens qu’en
puisant dans la poche des contribuables, pour donner des primes à tel ou tel
industriel ; c’est là un système que je déplore et qui ne peut que conduire le
pays à sa ruine.
M. Manilius. - Je ne puis que confirmer ce qu’a
dit l’honorable M. Osy, que l’issue des opérations dont il a parlé doit
présenter une perte de 50 p. c. Il est pitoyable de voir que le gouvernement
s’adresse toujours à des faiseurs, à des coteries qui réussissent toujours
parfaitement à faire leurs propres affaires aux dépens de celles du pays.
J’ai fait un petit calcul qui prouve combien ces
sociétés, auxquelles le gouvernement s’adresse, font bien leurs affaires. Il
s’agit d’une expédition de millions et quelques centaines de mille francs,
faite par suite d’un contrat qui est déposé sur le bureau de la chambre et dont
vous pouvez, par conséquent, messieurs, prendre tous connaissance.
Eh bien, messieurs, le gouvernement qui ne
songeait guère, lorsqu’il a souscrit à ce contrat, qu’à déblayer la place, qu’a
procurer du travail aux ouvriers, le gouvernement a accepté les conditions qui
lui ont été imposées par la société, et l’affaire qui, comme je le disais
tout-à-l’heure, s’élève à plus de deux millions de francs, a fait perdre aux
fabricants 40 p. c,
L’on a fait perdre au gouvernement à peu près
240,000 fr., et la société (je prends le minimum de ses bénéfices) aura gagné
une somme de 100,000 fr.
Et voilà le résultat clair et net de toutes ces
manœuvres auxquelles le gouvernement s’est prêté, au tien d’aviser une bonne
fois à un moyen quelconque de relever cette industrie de l’état
de souffrance où elle est réduite. Je ne dis pas qu'il faille employer tel
moyen ; mais je dis que nous n'en avons encore employé aucun. Ce n'est pas
faute qu'on nous en ait proposé ; on vous en a présenté
plus de 36 ; vous avez l’embarras du choix ; vous avez des hommes spéciaux et
d'une haute capacité, qui peuvent vous fournir l’idée de moyens nouveaux. Peu
importe le moyen que vous donniez à cette branche d'industrie, de se relever de
son état de souffrance, elle l'acceptera avec reconnaissance, pour peu qu'il soit efficace.
Tout à l'heure, à propos du Jardin Botanique de
Bruxelles, on vous a dit qu’il y allait de l'honneur de
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Mais il y a un projet de loi présenté sur la répression de
la fraude. .
M. Manilius. - Pourquoi ne faites-vous pas discuter ce projet de loi ; les lois qui vous conviennent ne restent pas dans les
cartons : vous faites mettre sous nos portes des projets de loi, le matin à
neuf heures, pour les discuter à midi.
Au reste, je ne m'opposerai pas au chiffre
pétitionné par le gouvernement ; il serait même à désirer qu'il fût augmenté
d'année en année. Mais je ne veux pas qu'il serve à faire faire des opérations
semblables à celles que j'ai signalées et qui ont été si désastreuses a nos fabricants. On était venu leur présenter des comptes
simulés qui leur faisaient entrevoir qu'ils ne pourraient qu'éprouver une perte
de 2 ou 3 p. c., qui serait compensée et bien au-delà par la garantie de 10 p.
c. assurée par le gouvernement. Un de ces fabricants,
mieux avisé que ses confrères, dit à ces messieurs : mais si vous êtes certains
qu'il n'y a pas de pertes à craindre, faites l'expédition
pour votre propre compte ; je vous abandonne les 10 p. c.
Bien plus, je suis encombré, cet je suis moi-même
disposé à vous abandonner 10 p. c. sur celles de mes marchandises que vous
expédierez, Eh bien ! ces messieurs ont reculé devant
l'acceptation de cette offre. C'est une preuve irrécusable du peu de confiance
que ces messieurs avaient dans l'issue favorable de ces expéditions.
Mais, je le répète, je ne
rejetterai pas le chiffre ; je désire seulement qu'il
en soit fait un meilleur emploi.
M.
de Theux. -
Messieurs, l'honorable préopinant se plaint de ce que la chambre n'ait pas
adopté des mesures de protection plus spéciale en faveur de l'industrie et du
commerce. Vous remarquerez, messieurs, que ces
plaintes sont étrangères au contrat touchant l'allocation des 10,000 francs.
Le contrat remonte à l'année 1839, à l'époque où une
crise profonde désolait la place de Gand et menaçait
cette ville de conséquences désastreuses. Que
fallait-il faire alors ? Il fallait assurer de l'ouvrage à la classe ouvrière ;
car, comme on le sait, ventre affamé n'a pas d'oreilles ; Or, telle était la
position d'une classe nombreuse à cette époque ; le gouvernement a donc dû
chercher à assurer du travail à la classe ouvrière de la ville de Gand el
d'autres localités encore ; car la ville de Gand n'a pas seule profité du
contrat.
Eh bien, le gouvernement a fait un appel, il a reçu
des propositions de divers côtés ; il a soumis ces
propositions à l'examen d'hommes spéciaux, et de l’avis unanime de ces
personnes, il a donné la préférence à la banque d'industrie à Anvers ; j'ai
partagé cet avis, car il est manifeste que les propositions de cet établissement étaient plus avantageuses, ou, si 1'on veut,
les moins onéreuses que le gouvernement pût choisir.
Ainsi qu'on vous l'a dit, la garantie donnée par le gouvernement, n'est que de 10 pour cent ; mais on vient
d'assurer qu'indépendamment de cette garantie, il aurait été éprouvé de la part
de fabricants des pertes beaucoup plus considérables. C'est possible, mais ces
pertes ne peuvent nullement être imputées au gouvernement ; et la raison, c'est
que le gouvernement n'avait pas à stipuler pour les fabricants ; c'était aux
fabricants à traiter eux-mêmes avec la banque d'industrie ; le gouvernement se
serait bien gardé de stipuler des conditions, en ce qui concernait les
fabricants ; il n'avait aucune mission à cet égard ; l'on a dû supposer que les
fabricants ne traiteraient avec la banque d'industrie qu'à des conditions
convenables.
Mais, je le répète, ce n'est pas une mesure
d'encouragement pour l'industrie cotonnière, que le gouvernement a eu en vue ;
elle a été prise pour assurer la subsistance de la classe ouvrière, elle a eu
pour but des motifs de tranquillité et d'ordre public ; ce but a été
heureusement atteint.
Nous étions dans l'alternative, ou de maintenir dans
la ville de Gand une garnison fort considérable pour contenir la population
ouvrière et laisser la classe ouvrière sur le pavé, ou bien de favoriser l'exportation des produits à fabriquer pour
occuper la classe ouvrière, et de dépenser
infiniment moins qu'il n'aurait fallu dépenser pour
renforcer convenablement la garnison de la ville de Gand. , Voilà la vérité, et
je pense que, sous ce rapport, il n'y a aucun reproche à faire à la convention.
Cette convention, je l'ai déjà justifiée lors de la discussion du budget de
1840 ; je ne m'attendais pas à ce qu'il en serait encore question aujourd'hui. Je n'ai pas sous la main
tous les documents dont j'avais besoin pour
répondre aux particularités dont l'honorable M. Osy a entretenu la chambre ;
mais les souvenirs que j'ai de cette affaire sont suffisants pour que je puisse
déclarer que ce que je viens de dire est exact.
M. Cogels. - Messieurs, je ne pensais pas qu'on pût
revenir encore cette année sur la discussion relative au subside accordé à
l'industrie cotonnière, par suite des événements de 1839. Il me paraissait que la discussion qui avait eu lieu dans la précédente
session avait suffisamment éclairci la question ; l'honorable M. de Theux
s'était déjà expliqué alors sur les motifs qui l'avaient guidé ; il avait déjà
fait connaître qu'il avait été dirigé en cette circonstance plutôt par des
considérations politiques que par des considérations qui eussent rapport à
l'industrie elle-même ; moi-même, j'avais déjà signalé tous les vices de la
convention, et fait voir qu'elle ne pourrait
atteindre le but que l'on s'était proposé, sous le rapport industriel
; j'avais fait voir aussi l'inconvénient qu'il y avait à accorder
le monopole de ces exportations à une seule compagnie. Cependant si je prends
la parole aujourd'hui, c'est pour justifier cette même compagnie d'un reproche
qui vient de lui être fait par l'honorable M. Manilius. L'honorable préopinant
a dit que quand on a proposé à cette société de faire des exportations pour son
propre compte, elle s'en est bien gardée ; mais, messieurs, la société ne
pouvait pas faire autrement ; aux termes de ses statuts, toute opération pour
son propre compte lui est interdite, ses opérations
se bornent à faire des avances à l'industrie et à faire des exportations pour le compte de celle-ci.
Voilà l'explication que j'ai cru
devoir donner pour laver la banque de l'industrie d'un
des reproches qu'on lui a faits. Quant aux autres, je crois inutile de les
réfuter.
M. Manilius. - Messieurs, l'honorable M. de Theux vient
de dire que le gouvernement était resté tout-à-fait en-dehors des transactions
passées entre la société financière et les fabricants, et que dès lors on ne
peut pas imputer au gouvernement les pertes que les fabricants ont éprouvées,
ceux qui ont lu le contrat, doivent être convaincus d'une chose, c'est que le
gouvernement a profité de la société pour se cacher derrière elle ; je déplore
vivement que le gouvernement se soit mis dans une semblable position et se soit
abrité derrière une société financière, pour occasionner le malheur d'une foule
de fabricants. Au lieu de tenir une pareille conduite, le gouvernement aurait
bien mieux fait d'aviser au moyen d'apporter un autre remède à l'état de
souffrance de l'industrie cotonnière.
Quant à ce qu'a dit l'honorable M. Cogels sur
l'impossibilité où se trouve la société financière de faire des opérations pour
son propre compte, aux termes de ses statuts, je dirai que si le bénéfice avait dû être plus considérable, la société
aurait trouvé le moyen et les hommes nécessaires pour faire l'opération pour
son compte ; une société trouve toujours moyen d'interpréter ses statuts, de manière à ce qu'elle puisse se livrer
à de semblables opérations.
M. de Foere. - Les honorables préopinants n'ont pas répondu aux observations principales présentées par
l'honorable député de Gand. L'honorable M. Manilius
vous a dit que l'on n'a accordé à l'industrie
cotonnière que des avantages passagers, et qu'on néglige constamment les
protections permanentes que cette industrie a
constamment réclamées. C'est l'objection que j'ai toujours faite contre
l'allocation de ces subsides transitoires qui ne mènent à aucun résultat.
Que résulte-t-il de la discussion ? C'est que, comme
l'a très bien fait observer l'honorable M. Osy, les fabricants sont obligés
d'être négociants, et que, comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, il n'existe
en grande partie à Anvers qu'un commerce de commission. Je demande
si, dans de semblables circonstances, le pays peut étendre ses débouchés ?
Le commerce de commission s'établit de préférence
par la raison que ses bénéfices sont sûrs. Ils sont prélevés sur le subside du
gouvernement et sur les exportations des fabricants. Le commerce de
commissionne veut exporter pour son propre compte. Les sociétés
d'avances et de commission ont même rédigé leurs statuts de manière à ne
pouvoir sortir de la commission. Le défaut du commerce actif est le mal qui
ronge le pays. Aussi longtemps que vous ne remédierez pas à ce mal ; aussi
longtemps que vous n'établirez pas un autre système
commercial qui engagera le commerce à échanger nos articles industriels contre
ceux que nous ne produisons pas et que nous
consommons ; aussi longtemps que vous n'établirez pas, par vos lois, des
relations directes d'échanges avec les pays lointains de production et de
consommation et que vous ne détournerez pas le commerce du pays des entrepôts
d'Europe, votre industrie d'exportation et votre commerce extérieur resteront toujours dans le même état de souffrance. Vous
faites avec ces entrepôts un commerce sec. Vous ne pouvez échanger dans les
pays voisins aucune marchandise d'une manière suivie ou dans des proportions
considérables ; les tarifs excluent les produits de notre industrie. Justifiez
le reproche que vous a adresse M. Manilius, de ne
prendre que des palliatifs, des mesures transitoires, au lieu de porter la
hache à la racine du mal.
M. Manilius demande en second lieu l'exécution d'une
autre mesure permanente qui a été constamment
demandée et promise ; c'est la répression plus efficace de la
fraude, afin que l'industrie du pays
jouisse du marché intérieur. L’industrie étrangère continue de l'envahir contre
les termes de la loi. La législation actuelle ne contient pas des moyens
suffisants pour réprimer la fraude. Il vous a dit que vous attachiez de
l'importance à des niaiseries, et que vous n'alliez pas à la source du
mal, afin de porter remède aux souffrances de l'industrie tout entière du pays.
Il demande qu'on mette un peu plus d'empressement
dans la discussion des lois qui intéressent le pays. Ni M. de Theux ni M.
Cogels n'ont répondu à ses objections principales, ils n'ont répondu qu'à des
accidents, qui ne peuvent amener la solution d'aucune question
importante.
M. Mercier. - Deux honorables membres de cette chambre ont critiqué le mode suivi par
le gouvernement pour venir en aide à l'industrie cotonnière. L'un d'eux demande
instamment que d'autres moyens plus efficaces soient
employés par le gouvernement pour favoriser cette industrie, sans toutefois
indiquer ceux auxquels on pourrait avoir recours avec succès ; mais c'est
précisément dans le choix des moyens que gît la difficulté.
La chambre, pour s'éclairer sur le
meilleur système à adopter dans l'intérêt du commerce et de l'industrie, a
ordonné une enquête il y a plus d'un an ; cette enquête doit être terminée et
il importe qu'on en connaisse au plus tôt les résultats ; car en
attendant qu'un rapport soit formé par la commission, le gouvernement et les
chambres sont en quelque sorte arrêtés dans les mesures de quelqu'importance
qu'ils voudraient prendre relativement à notre système commercial et industriel ; j'ai même
lieu de croire que des projets de loi préparés depuis longtemps pour modifier plusieurs
articles de notre tarif des douanes, sont retenus par le ministère jusqu'à ce
que la commission d'enquête ait produit son travail. J'insiste donc pour que la
commission en hâte l'achèvement de tout son pouvoir, et j'apprendrai volontiers
de la bouche de M, le rapporteur
ou d'un autre de ses membres quand ce rapport pourra être présenté à la
chambre.
M.
de Theux. -
L'honorable M. de Foere a dit que M. Cogels et moi nous n'avions pas répondu à
M. Manilius en ce qui concerne les moyens de
soutenir l'industrie cotonnière. Ceci me permet de rappeler ce qui s'est passé
en 1839 ; c'est à la fraude qu'on attribuait la
souffrance de cette industrie, je remercie l'honorable membre
de me fournir l'occasion de répondre que, longtemps avant la crise, l'honorable
M. Desmaisières avait institué une commission spéciale chargée de recueillir
des renseignements et de préparer un projet de loi sur la répression de la
fraude. Ce projet a été élaboré avec tant d'activité, qu'il fut présenté à la
chambre dès la fin de 1839 ; ainsi il n'y avait pas eu négligence à cet égard.
Cependant, ce projet n'a pas encore été discuté. Il y a deux ans que la chambre
en est saisie.
On a trouvé mauvais qu'on se fût adressé à une
société qui n'opérait d'exportations que par commission et non pour son propre compte. Ç’a été
précisément une des raisons qui nous ont déterminés
à faire choix de cette société. Notre détermination se justifie d'elle-même,
car comment s'assurer de la réalité des pertes quand la société aurait opéré
pour son propre compte en même temps que par commission ? Il serait
impossible de contrôler les opérations de la société et de s'assurer si les
pertes ont réellement existé, tandis que quand la société n'opère que par
commission, le contrôle est plus facile. La banque d'industrie a laissé au gouvernement tous les moyens de contrôle désirables.
Mais, dit-on, la société a exhibé des comptes
simulés qui ont induit en erreur les fabricants ; le
gouvernement a dû avoir connaissance de ces comptes, car c'est au nom du
gouvernement qu'on les aurait présentés.
Je dirai que la banque d'industrie n'a jamais dû
présenter de comptes au nom du gouvernement, car le gouvernement est resté
complètement étranger aux relations entre les fabricants et la société d'exportation. Ce serait d'ailleurs avoir une bien
mince idée de la capacité des fabricants, que de supposer qu'ils pussent s'en
rapporter pour faire une opération quelconque à des comptes simulés
produits par une société et surtout si ces comptes étaient présentés
au nom du gouvernement, car aucun ministre de l'intérieur, quelque habile qu'on
le suppose, ne peut avoir des connaissances aussi parfaites en opérations de
commerce que des fabricants qui sont habitués à en faire journellement.
Ce n'est pas au ministre de l'intérieur à s'immiscer
dans des arrangements de cette nature. Je déclare itérativement que le gouvernement était complètement étranger aux relations qui
se sont établies entre la banque de l'industrie et les fabricants. Le gouvernement ne s'est occupé que d'une chose : de procurer
de l'ouvrage aux ouvriers et de fixer l'étendue de la garantie et des charges qui pourraient en résulter pour
le trésor. Il a fixé cette garantie à 10 p. c. et le maximum de la perte
éventuelle était de 240,000 fr. Cette charge, pour le gouvernement, était
minime en présence de l'importance des intérêts dont il s'agissait. Je n'en dirai pas davantage sur ce point,
car ce que j'ai avancé est incontestable, n'est pas susceptible de réfutation.
M. Manilius - J'ai demandé la parole pour prouver, le contrat à la main, que les comptes simulés ont été connus
du gouvernement, puisqu'il en a exigé l'insertion dans le contrat. Il n’a pas
pu avoir à cœur de faire insérer ces comptes sans les tenir pour exacts. Du reste, il a déblayé les rues, il a fait rentrer les ouvriers dans les ateliers ; c’est au mieux. J'ai critiqué le
mode employé, parce qu'on aurait pu atteindre le même but par une mesure
rationnelle, légale, qui a été indiquée de 25 manières différentes, quoique M.
Mercier dise qu'on n'en a indiqué aucune. il y a un
projet de loi qui prouve qu'il en a été indiqué ; si vous aviez usé de ces moyens, les ouvriers auraient repris leur
travail, et vous auriez rendu de la considération à une industrie sur laquelle
vous avez jeté de la défaveur. J'ai fait ces observations pour faire entrer le
gouvernement dans une meilleure voie. Je regrette que ces
choses se soient faites à l'insu de ceux qui y avaient le plus grand intérêt et
à l'insu des représentants naturels de cette industrie.
M. Cogels. - Je ne pensais pas qu'en répondant au discours de M. Manilius, il en
résultât pour moi l'obligation de le combattre dans toutes ses parties,
j'entendais seulement laver la banque de l'industrie des reproches qu'on lui avait adressés. Loin de combattre les autres
objections de l'honorable membre, je les ai, en quelque sorte appuyées ; car, sous le rapport industriel, le but de la mesure a été manqué ; mais, comme vient de vous le dire
l'honorable M. de Theux, elle avait été dictée principalement par des considérations politiques.
Qu'il me soit permis de répondre à l'honorable M. de
Foere qui a renouvelé le reproche fait si souvent à la place d'Anvers, de n'avoir qu'un commerce de commission, et qui a fait à
M. Manilius a dit que, malgré ses statuts, la banque
de l'industrie aurait pu faire des opérations pour son compte, qu'elle pouvait
éluder ses statuts. Je ne sais comment répondre à de pareilles assertions. Une
société anonyme pourrait éluder ses statuts ! Quand une société anonyme élude
ses statuts, elle a en quelque sorte recours à la
fraude. Elle se déconsidère, elle cesse d'être honnête, elle manque à la fois
au gouvernement, au public et à ses actionnaires. Eluder
ses statuts, c'est les violer ! La banque de l'industrie n'élude, ne viole ses
statuts en aucune manière.
M. de Foere. - Je n'ai pas dit, dans le discours que je viens de
prononcer, que le commerce d'Anvers était exclusivement borné à celui
de commission. J'ai dit que le commerce d'Anvers n'était en grande partie qu'un
commerce de commission.
Puisque mes paroles ont été souvent interprétées
d'une manière inexacte, je m'expliquerai d'une manière positive à l'égard du
commerce de commission. Bien loin de le repousser, je dis qu'il est non
seulement utile, mais même nécessaire. Après cette déclaration positive,
j'espère que mes intentions ne seront plus interprétées d'une manière inexacte.
Afin d'épargner le temps de la chambre, je ne l'entraînerai pas dans une
discussion pour prouver l'utilité et la nécessité du commerce de commission,
nécessité dont je crois, d'ailleurs, la chambre suffisamment convaincue. Mais
dans l'intérêt de notre industrie, je ne voudrais pas que le commerce de
commission continuât de dominer notre commerce actif direct et actif
d'exportation et d'échanges.
Quant aux exportations des produits de notre
industrie linière, que le gouvernement a confiées à
l'intervention de la banque d'industrie, il devrait,
savoir que celle société ne pouvait faire d'exportations
pour son propre compte, attendu que ses statuts le lui défendent. Le
gouvernement serait intervenu plus utilement en traitant avec toute autre
société, qui peut faire tout autre commerce que
celui de commission. L'honorable M. Manilius nous a communiqué un fait qui
confirme mon assertion. Un fabricant avait proposé à la banque d'industrie de
lui céder les 10 p, c. garantis par le gouvernement, La banque d'Anvers, à
cause de ses statuts, n'a pu accepter la proposition. Il en résulte que les fabricants ont été obligés d'être eux-mêmes négociants.
Cette position anormale n'existe dans aucun pays. Le commerce doit s'interposer
entre le producteur indigène et le consommateur étranger, C'est là la position
normale du commerce. L'industriel ne peut rester longtemps à découvert de ses
avances ; il a besoin de ses capitaux pour ses usines, pour des matières
premières, pour payer le salaire de ses ouvriers.
L'honorable M. Mercier a demandé si le rapport de la
commission d'enquête commerciale pourrait bientôt
être présenté à la chambre. J'ai eu l'honneur d'être nommé
rapporteur de cette commission ; je répondrai à M. Mercier que mon rapport a
été prêt depuis le commencement de cette session. Aussitôt qu'il sera possible de réunir la commission d'enquête, le rapport
pourra être discuté. Si cette réunion peut avoir lieu dès
demain, une première partie du rapport pourra être présentée à la chambre dans
le courant de cette semaine, pour être livrée à l'impression pendant la vacance
prochaine de la chambre.
M. David. - Je n'ai que quelques mots à ajouter à ce qu'a dit l'honorable M. Cogels
relativement à la banque d'industrie d'Anvers. J'ai l'honneur de faire partie
de son comité de surveillance. Je trouve que l'honorable M. Manilius a traité
cette société d'une manière extrêmement cavalière, en prétendant qu’elle serait
capable d'enfreindre ses statuts toutes les fois que l'intérêt ou le bénéfice
l'y convierait. Une telle accusation est très grave, et rien ne la justifie.
Cette société compte parmi ses membres les noms les plus honorables. Aucun
reproche ne lui a été adressé ; toutes ses opérations sont surveillées avec la
plus grande sévérité. Le gouvernement
lui-même peut surveiller ses opérations ; les statuts de la société lui en
donnent le droit.
M. Manilius. - Je n'avais pas voulu demander la parole pour un fait personnel après
l’observation de l'honorable M. Cogels ; j'ai voulu la passer sous silence ;
une seconde observation de même nature m'oblige à prendre la parole. Ce que
j'ai voulu dire, je le maintiens ; je vais le répéter. J’ai dit que la banque
d'industrie ne pouvait pas se mêler d'exportations, que tout ce qu'elle pouvait
faire, c'était trouver des négociants qui fissent pour elle ce commerce,
maritime. Voilà ce que j'ai voulu dire. On n'a pas répondu là-dessus. Ne
pouvant répondre à la première question, on a répondu à la seconde.
Relativement à la première question, j'ai dit et je
maintiens que la société a empoché cent mille francs dans une opération où tous
les autres ont perdu. On dit que mon observation sur les statuts de la société
accuse la société dans son honneur. Je tiens à l’honneur autant que qui que ce
puisse être dans cette enceinte. Je tiens au commerce, et je tiens à l'honneur
autant que qui que ce soit. Il n'est pas exact de dire que j'aie attaqué la
société dans son honneur. Ce que j'ai voulu dire et ce que j'ai dit, c'est que
la société, quand ses statuts lui interdisent une opération, peut trouver des
négociants qui la fassent pour son compte. L'honorable M.
Cogels, le premier conviendra qu'il en est ainsi.
M.
de Theux. - On
reproche à la banque d'industrie d'avoir réalisé un bénéfice de cent mille
francs. Mais veuillez remarquer que c'est pour tous les soins qu'elle a donnés
à une exportation de deux millions quatre cent mille francs, et alors
vous reconnaîtrez que ce bénéfice de 5 p. c.,
s'il est réel, n'est nullement exorbitant.
Je n'ai pas besoin d'ailleurs de répéter que je
n'entends nullement présenter l'opération faite par
le gouvernement dans une circonstance extraordinaire comme pouvant servir de
règle dans une situation normale. Je l'ai déjà dit en 1840 ; je le répète, je
n'ai jamais considéré la mesure comme normale ; je la considère comme tout à fait exceptionnelle. Il y avait à
choisir entre la banque d'industrie, qui exporte par
commission, et d'autres établissements qui exportent aussi pour leur compte
personnel. J'ai dit qu'il n'y avait de contrôle possible qu'à
l'égard de la banque d'industrie, qui n'exporte pas pour son
compte. C'était un motif pour que le gouvernement, qui ne devait pas s'engager
dans une opération incertaine, donnât la préférence à cette banque. Elle avait
déjà opéré ainsi ; elle avait exporté des produits de l’industrie pour le
compte des fabricants. Les fabricants exportent de deux manières : ou pour leur
propre compte en payant une commission, ou en traitant
avec une société qui exporte pour son propre compte. Ces deux modes sont usités
dans le commerce. Comme je l'ai dit, personne n'est
meilleur juge des moyens à employer pour se défaire
de ses produits, que le fabricant lui-même.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J'insiste
sur la nécessité de
l'allocation du littera E. Il est très vrai que l'objet de ce litt. a de l'analogie avec le litt. A du chap. XV relatif à
1'industrie. La seule conclusion que l'on puisse tirer de cette observation, ce
n'est pas qu'il faudrait rejeter l'allocation, mais qu'il y aurait lieu de réunir les deux litt.
et de joindre les 12,500 fr., dont il s'agit ici aux 30,000 fr. du lit !. A dont je viens de parler. Mais vous pouvez voter les deux litt. séparément
; le ministre veillera à ce que l'imputation en soit faite convenablement.
M. Dedecker, rapporteur. - La section centrale n'a pas voulu un simple
transfert ; elle a cru que la somme allouée pour frais divers au litt. A
du chap. XV pouvait suffire, et qu'on pouvait satisfaire aux besoins du service en rejetant, sans transfert, le littera dont
nous nous occupons maintenant.
M. Delfosse. - Il est bien entendu que M. le ministre de
l'intérieur ne pourra prendre sur l'allocation frais
divers les 3,000 fr., que la chambre a rejetés hier.
Plusieurs membres. - Sans doute.
M. Delfosse. - C'est que cela s'est déjà fait.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Cela n'entre pas du tout dans
mes intentions.
« Litt. E. Frais divers, 12,000 fr.»
- Adopté.
« Art. 2. Etablissement d'un service de bateaux
à vapeur entre
M. Dedecker, rapporteur. -
Messieurs, la section centrale a voté le chiffre de 400,000 fr. Lorsqu'elle a
pris cette décision, la chambre
ne lui avait pas
encore renvoyé les pièces concernant l'acquisition du British-Queen, avec demande d'un rapport spécial sur cette
question.
Maintenant que ce renvoi a eu lieu,
peut-être y aurait-il lieu de réserver le vote du chiffre de 400,000 fr., et de
l'ajourner jusqu'à la discussion du rapport spécial ; ou peut-être faudrait-il
voter simplement les 400,000 fr. comme étant la
conséquence d'une loi, tout en réservant la question de l'achat du British-Queen.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C'est ce
que j'allais demander : je voulais proposer à la chambre de voter
les 400,000 francs comme étant la conséquence d'une loi, sans rien préjuger sur
la question de l'achat du British-Queen.
M. de Foere.- J'ai demandé la parole uniquement sur la
position de la question. Il y a dans l'article, mis en discussion, deux questions
distinctes. Les 400,000 fr. sont la conséquence de l'achat du British-Queen. Cette question a été ajournée, Je demande si la
chambre est disposée à ajourner aussi la discussion et le vote du chiffre qui
est demandé pour l'exploitation de ce bateau à
vapeur, dans le cas où l'achat serait confirmé par la chambre.
Si cette question n'est pas résolue
affirmativement, je demanderai la parole sur le fond de l'objet mis en
discussion, ou sur le chiffre de 400,000 fr. que le gouvernement demande pour
l'exploitation du British-Queen. Je demande
quel sera l'ordre de nos délibérations à l'égard de l'une et de l'autre
question. Il y a ici évidemment deux questions ; la première c'est l'achat du British-Queen, la seconde c'est celle de savoir si, après les
changements apportés à l'exécution de la loi, les 400,000 fr. que M. le
ministre de l'intérieur nous demande, seront encore alloués.
M. le
président. - La
parole est à M. Osy.
M. de
Brouckere, - M. le président,
j'ai demandé la parole sur la position de la question.
M. Osy. - J'attendrai volontiers que M. de Brouckere ait parlé.
M. de Brouckere. - Parlez ; M. le président aime mieux que ce soit vous que moi.
M. le président. - La parole est à M. de Brouckere.
M. de Brouckere. - J'avais demandé la parole sur la
position de la question, et cela prime tout ; le règlement est formel à cet égard, et le règlement est pour tout le
monde, Je ne sais pourquoi la parole ne m'a pas été accordée avant de l'être à M. Osy. Voilà trois ou quatre fois que cela
arrive, je ne comprends pas cette partialité à mon égard.
M. Doignon. - Il n'y a pas ici de partialité.
M. le président, - Il ne s'agit de la position de la question que lorsqu'il y a une
discussion, lorsqu'on va procéder au vote.
J'ai donc suivi le règlement en accordant la parole
d'après l'ordre d'inscription.
M. de Brouckere. - Messieurs, la question qui se présente ici se rattache
à la loi que vous avez votée l'année dernière. Vous avez voté, dans une session
précédente, une loi qui décide que pendant 14 ans
une somme de 400,000 fr. sera portée au budget pour l'établissement d'un
service de bateaux à vapeur entre
Les 400,000 fr. doivent donc être votés,
indépendamment de tout ce qui concerne l'achat du British-Queen ; c'est l'exécution d'une loi que la chambre doit
observer tant qu'elle est en vigueur,
Je pense donc que la seule question soulevée
aujourd'hui est celle de savoir si la chambre, en exécution de la loi,
maintiendra au budget les 400,000 fr., oui ou non ; et cette question ne peut
être résolue qu'affirmativement.
Le vote de ce subside ne préjugera en rien
la question du British-Queen, question qui
restera tout entière et que nous débattrons dans une
autre séance, lorsque le rapport de la section centrale nous aura été présenté.
Remarquez que tout ce que nous disons maintenant sur
l'acquisition de ce navire, acquisition vantée par les uns, critiquée par les
autres, entraînerait une perte de temps ; car nous aurons une discussion spéciale, et à l'occasion de cette discussion,
on reproduira nécessairement tout ce qui aura été dit aujourd’hui.
Je pense donc que nous
devons voter aujourd’hui les 400,000 fr., et que ce vote ne préjugera en rien
la question du British-Queen.
M. Osy. - L'honorable préopinant vient de vous dire que la chambre
doit observer la loi votée il y a deux ans ; mais je
crois que le gouvernement aurait aussi dû l'observer.
Cette loi n'ayant pas été observée, ce que nous prouverons
plus tard, je crois que nous ne devons pas voter aujourd'hui les 400,000 fr.,
mais les distraire du budget.
Si plus tard vous ratifiez l'achat du British-Queen, vous devrez voter
d'abord 2 millions pour cet achat, et de plus une somme pour l'exploitation.
Je fais donc la proposition
formelle d'ajourner le vote du subside de 400.000 frs.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, il me serait extrêmement facile de répondre aux
observations de l'honorable préopinant, quant au fond ; mais c'est ce qui n'est
pas en discussion, et c'est ce qui ne peut être mis en discussion, parce que le
rapport que vous attendez de la section centrale ne vous est pas encore fait.
J'ai dit avec la section centrale, avec son
rapporteur d'après les paroles qu'il a prononcées tout à l'heure, qu'on peut
maintenir les 400,000 fr. en exécution de la loi, sans rien préjuger, et on ne
pourrait les ajourner sans qu'il y eût préjugé contre l'exécution de la loi. Je
vous prie de faire la distinction, si vous maintenez au budget les 400,000 fr.,
vous ne préjugez rien ; si vous ne les votez pas, vous mettez en question
l'exécution d'une loi qui a été votée ; je demande donc que les 400,000 fr.
soient votés.
Quant à moi, je désire que la
section centrale nous présente le plus tôt possible son rapport, en y ajoutant
telles observations qu'elle jugera convenables. Vous verrez alors ce que vous
aurez à faire.
M. Coghen. -Messieurs, j'ai demandé la parole pour appuyer
le maintien du chiffre de 400,000 fr., parce que ce chiffre, qui est le
résultat d'une loi, ne préjuge en rien la question de l'achat du British-Queen. Peu importe le blâme qui peut tomber sur cette
opération, si tant est qu'il y ait blâme, il faudra toujours pourvoir aux
moyens de l'exécution de la loi.
Un capital très fort est engagé ; on ne
peut le laisser improductif. Or, en votant les 400,000 fr., vous donnerez au
gouvernement la possibilité d'exécuter ce que la loi a voulu, soit au moyen du British-Queen, soit par tout autre moyen.
Je demande donc le
maintien du chiffre, sous la réserve d'examiner plus tard les questions qui se
rattachent à l'achat British-Queen.
M. de Foere. - Deux honorables membres sont partis du principe que le subside des
400,000 fr. est une conséquence de la loi qui a établi la navigation à vapeur
d'Anvers aux Etats-Unis. C'est, disent-ils, un fait accompli sur lequel nous ne
pouvons plus revenir. Messieurs, je conteste ce principe. La loi a été
présentée à la chambre et adoptée par elle, dans des conditions dans lesquelles
elle n'a pas été exécutée.
En premier lieu, d'après la loi, les 400,000 fr. devaient servir de subside ou d'encouragement à une
société qui exploiterait, pour son propre compte, la ligne de navigation de
Belgique aux Etats-Unis. Maintenant, d'après les documents qui nous ont été distribués, cette société n'existe pas. Ce sont des agents du gouvernement qui dirigeront,
pour compte de l'Etat, la navigation à vapeur vers les Etats-Unis.
En second lieu, les 400,000 fr. ont
été votés pour le service de plusieurs
bateaux à vapeur. Il n'en existe maintenant qu'un seul, et vous voulez que les
400,000 fr. soient absorbés par le service d'un
seul bateau.
Il résulte de ces observations que la loi
a été complètement violée, qu'elle n'existe plus et que le vote des 400,000 fr.
est entièrement dépendant de la question d'achat. Il faut donc que ce subside soit distrait du budget et que nous examinions
plus tard si nous devons continuer à l'allouer, Car, comme vous l'a fait
observer l'honorable M. Osy, ces 400,000 fr. ne suffiront pas ; on viendra vous
demander, en plus, pour l'exploitation du British-Queen, des centaines de mille francs. C'est une raison
de plus pour distraire l'allocation du budget et pour l'ajourner, afin que la
question d'achat du bâtiment puisse être examinée concurremment avec le subside demandé pour son exploitation.
Si cette discussion n'est pas ajournée, j'entrerai
dans le fond de la question.
M. de Garcia. - De quoi s'agit-il, messieurs, dans le moment actuel ? Il ne s'agit que d'un seul point, c'est de
savoir si on votera aujourd'hui le subside de 400,000 fr., ou si on ajournera l'examen
de ce subside. Ce n'est donc ici qu'une question d'ajournement,
et non la question de fond, que nous avons à examiner.
Quant à moi, j'appuie l'ajournement proposé par la
section centrale. Messieurs, la nécessité de cet ajournement me paraît résulter
de l'état de la question. On objecte, à la vérité, que le subside de 400,000
fr. figure au budget en vertu d'une loi. Mais il suffit de jeter les yeux sur
le rapport présenté par le gouvernement pour avoir la conviction qu'il y a
incertitude si la loi n'a pas été violée.
En effet, que dit le gouvernement dans son
rapport ? Il nous donne, comme première question à examiner à l'occasion de
l'acquisition du British-Queen, la question de
droit suivante :
« La loi du 29 juin 1840 pouvait-elle recevoir
son exécution par l'acquisition d'un ou de plusieurs navires ? »
Eh bien, messieurs, cette question nous ne pourrons
l'examiner que lorsque la commission nous aura présenté son rapport ; nous
examinerons alors si le gouvernement est sorti de la loi. Je ne veux pas
maintenant résoudre cette question, quoique je pense qu'il serait facile de
prouver que la loi a été violée, mais ce n'est pas maintenant le moment
d'examiner ce point. Eh bien, messieurs, si vous décidez que le gouvernement a
violé la loi qui l'autorisait à favoriser une navigation à la vapeur entre
J'appuierai donc l'ajournement du crédit de 400,000 francs demandé.
Lorsque, l'année dernière, j'ai voté contre la loi, on m'a reproché d'être hostile à l'établissement d'un service de bateaux à vapeur entre
La position du gouvernement eût
été ainsi nettement dessinée et la grave question sur laquelle vous êtes
appelés à statuer aujourd'hui ne se fût probablement point présentée.
M. le président. - Voici un amendement de M. Osy :
« Je propose
d'ajourner le vote sur les 400,000 fr., jusqu'à ce que la chambre ait discuté le rapport de la section centrale sur l'achat du
bateau à vapeur le British-Queen. »
M. Osy. - Remarquez, messieurs, que le trésor se trouve en déficit de près de
deux millions de francs. Vous sentez bien que si vous approuvez l'acquisition
du British-Queen, qui a occasionné ce déficit, vous aurez à voter une somme d'à peu près 2
millions. Vous ne pouvez donc pas voter aujourd'hui 400,000 fr.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la conclusion de l'honorable préopinant n'est pas juste. Le
trésor a fait une avance de 1,500,000 fr. ; il pourra
être remboursé au moyen de l'excédant disponible que laissera,
chaque année, l'annuité de 100,000 fr, ; il y aura sur ces
annuités un excédant tel qu'au bout d'un
certain nombre d'années, au bout de 7 ans, par exemple, le navire se trouvera
payé, c'est-à-dire que le remboursement de ce qu'il a
coûté sera fait au trésor. Si pendant sept années l'annuité laisse un excédant de 200,000 fr., il y aura de ce chef 1,400,000 fr. de récupérés ; ajoutez à cela les 400,000 fr.
votés l'année dernière et qui restent disponibles, vous aurez les 1,800,000 fr.
qui forment le prix du navire.
Vous voyez donc, messieurs, que la loi ne devra pas
être changée comme l'a supposé l'honorable M. de Garcia.
Maintenant, messieurs, je dis que
maintenir les quatre cent mille francs au budget, ce n'est rien préjuger,
tandis que si vous ajournez ce crédit, vous suspendez l'exécution de la loi, et
c'est là un grand mal, car vous empêchez que le service soit organisé pour le
printemps prochain. Or, quelle que soit votre opinion sur l'achat du British-Queen, vous ne pouvez pas le laisser pourrir dans le
bassin d'Anvers, (Réclamations.) Ceux
qui sont contraires au principe de la loi de 1840 iront jusqu'à dire qu'il faut
laisser pourrir le British-Queen dans le
bassin d'Anvers ; mais ils ne sont pas recevables à dire qu'il ne faille pas de
navigation transatlantique, car ce principe a été décidé en 1840 ; il faut une
navigation transatlantique.
Je dis donc, messieurs, que l'ajournement du crédit
serait un grand mal ; si vous adoptiez cet ajournement vous remettriez
indéfiniment l'organisation du service qui doit se faire au printemps prochain.
Toutes les mesures d'administration sont prises pour que le service puisse être
organisé à cette époque ; mais si vous ajournez le crédit, vous renverrez
peut-être à l'année
Un membre. - Vous
avez tout le temps.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Non, messieurs, nous n'avons pas tout le temps ; il y a au contraire
urgence, et très grande urgence ; il faut que la chose reçoive une publicité
convenable ; il faut que l'on sache, je dirai presque dans les deux mondes, que
le service dont il s'agit sera établi ; il faut que l'on sache en Allemagne que
les marchandises de ce pays pourront transiter par la Belgique pour être
transportées aux Etats-Unis ; il faut que les voyageurs sachent qu’il y
aura un srvice régulier de bateaux à vapeur entre
Anvers et New-York ; il faut qu’on le sache pour les hommes et pour les
choses.
Si vous voulez qu’il y ait
incertitude à cet égard, que le commerce ne soit pas averti en temps utile, que
les apprêts ne sont point faits ; si telle est votre intention, messieurs,
ajournez le crédit.
M. de Brouckere. - Afin qu'on ne donne pas à mes paroles
une portée qu'elles ne doivent pas avoir, et que ma position soit bien nette
dans la discussion qui s'ouvrira plus tard, je dois commencer, messieurs, par
déclarer que j'ai été complètement étranger aux négociations qui ont amené
l'acquisition du British-Queen, que le
gouvernement ne m'a donné aucune connaissance de cette affaire et que je n'ai
appris l'acquisition qu’en même temps que vous tous. J'ai voulu faire cette
déclaration parce que l'on aurait pu croire qu'il en était autrement, à cause
des fonctions que j'occupe.
Maintenant, je vous prierai, messieurs, de
remarquer que tous les orateurs qui viennent de parler sont sortis de la
question. Il ne s'agit pas de savoir si nous approuvons l'achat du British-Queen ; il ne s'agit pas de savoir comment ce navire
sera exploité ; la question dont il s'agit en ce moment est toute simple : la
loi du 29 juin
M. Desmet. - Et qui payera ?
M. de Brouckere. - Nous déciderons cela plus tard. Les
400,000 fr. n'ont rien de commun avec cette question ; ce crédit est la
conséquence de la loi du 29 juin 1840, qui a décrété l'établissement
d'un service de bateaux à vapeur entre
Il faut, messieurs, dépouiller le vote que
nous allons émettre de tout ce qui concerne le British-Queen , ce vote y est tout à
fait étranger.
Maintenant, j'ai à répondre à l'honorable M. de
Garcia, qui s'est appuyé de l'opinion de la section centrale tandis que cette
opinion est tout à fait contraire à celle qu'il a soutenue. Je vais prouver ce
que j'avance à l'honorable membre qui n'a probablement pas lu le rapport de la
section centrale. Voici ce que porte ce rapport :
« La section centrale, pour ne pas
retarder indéfiniment la publication de son rapport, adopte le chiffre de
400,000 fr., qui est d'ailleurs la conséquence d'une loi votée par la chambre (vous voyez, messieurs, que mon langage est
celui de la section centrale elle-même) ; mais il est bien entendu qu'elle ne
veut rien préjuger sur l'acquisition du British-Queen,
et qu'elle se réserve la liberté pleine et entière d'apprécier cet acte
quand les éléments d'une telle appréciation auront été
fournis à la législature. »
Vous voyez donc,
messieurs, que je suis tout à fait d'accord avec la section centrale quand je
dis que le vote des 400,000 fr. ne se rattache pas à l'acquisition du British-Queen.
M. de Foere. - L'honorable ministre de l'intérieur et
l'honorable député d'Anvers continuent à soutenir que le principe de la loi a
été consacré et que la loi doit recevoir son exécution ; M. le ministre a
prétendu qu'il avait exécuté la loi en faisant l'acquisition
du British-Queen. Or, messieurs, la loi
a-t-elle stipulé que le gouvernement achèterait le British-Queen ? Certainement non. Elle a voulu uniquement que
le gouvernement donnerait un subside de 400,000
francs par an, pendant 14 années, à une société qui exploiterait la navigation
à vapeur entre
En deuxième lieu, M. le ministre de
l'intérieur soutient que les deux millions payés pour le British-Queen seront pris sur le subside
annuel de 400,000 francs voté par la chambre.
Messieurs, c'est encore là une violation manifeste
de la loi. Quand l'Etat fait une avance de deux millions, n'est-il pas évident
que l'intérêt de cette somme est perdu pour le trésor ? Le gouvernement ne
devra-t-il pas émettre des bons du trésor pour couvrir ces deux millions, et
l'Etat ne devra-t-il pas payer les intérêts de ces bons du trésor ?
En troisième lieu, la loi pose qu'un subside annuel
de 400,000 fr. sera accordé pour le service de cette
navigation à vapeur ; or, messieurs, un
subside s'accorde à un tiers ; or, c'est le gouvernement qui
exploite lui-même cette navigation pour compte de l'Etat.
Il serait absurde que le gouvernement se donnât des
faveurs et des encouragements à
lui-même ?
Je demande si dans une semblable position de la
question, la loi qu'on continue d'invoquer est encore debout ?
Il serait à désirer qu'on répondît aux questions
essentielles, et qu'on ne se jetât pas sur les objections accidentelles.
M. le ministre de l'intérieur prétend que
l'Allemagne doit savoir si le service des bateaux à vapeur sera, oui ou non,
établi au printemps prochain, entre Anvers et New-York ; l'Allemagne sait très
bien qu'il ne manque pas à Anvers de moyens de transport des marchandises vers les Etats-Unis. Elle sait que, chaque
année, il arrive dans le port d'Anvers, terme moyen, 87 navires américains, qui
nous apportent nos approvisionnements en coton, en riz, en potasse, en tabac,
en huile de baleine, et nous ne réexpédions, par ces navires,
que 10 cargaisons, il reste donc dans le port d'Anvers 77 navires tout prêts à
exporter les marchandises allemandes vers les Etats-Unis, et qui ne demandent
pas mieux que d'avoir des frets de retour.
Je demande, lorsque des relations directes et des
moyens de transport sont si naturellement établis, s'il est encore nécessaire
de faire, dans le même but, une dépense annuelle de 400,000 fr. pendant 14 ans
?
L'honorable M. de Brouckere vous a dit que
la loi existe, et qu'il importe fort peu de savoir comment cette loi sera
exécutée. Mais la loi doit être exécutée dans les conditions dans lesquelles
elle a été présentée et dans les termes dans lesquels elle a été adoptée. Dans
le rapport que M. le ministre de l'intérieur nous a soumis, il nous a
dit, pour justifier l'achat du British-Queen, que
c'était une question de bonne foi, une question de loyauté. Je ne partage pas cette opinion, mais en tout cas, ne faut-il pas être aussi de bonne foi
envers le pays, représenté par la chambre ? Pouvez-vous sans blesser la bonne
foi envers le pays, violer la loi d'une manière aussi ouverte, ou ne pas
exécuter la loi telle qu'elle a été modifiée et votée
? Pouvez-vous, sans
transgresser toutes les règles de la loyauté gouvernementale, exploiter vous-mêmes cette
navigation pour compte de l'Etat, alors que vous-mêmes vous avez proposé à la
chambre que cette exploitation devait être le fait d'une société à laquelle
l'Etat donnerait un subside ? J'ai dit.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j'avais bien raison
de dire qu'au fond de la pensée des quelques membres, il y avait l'intention de
revenir sur le principe même de la loi du 29 juin
Mais à cette question il a été répondu par
la loi du 29 juin 1840 ; cette opinion de l'honorable membre justifie son vote
négatif ; mais il y a deux questions qu'il ne faut pas confondre : la première
est une question de responsabilité ministérielle ; c'est sur cette question
qu’il vous sera présenté un rapport et des conclusions par la section
centrale. La seconde question est une question purement
administrative : elle consiste à maintenir le chiffre de 400,000 francs au
budget. Cette question administrative est tout-à-fait indépendante de la
question de responsabilité ministérielle ; elle ne préjuge rien à l'égard de
celle-ci ; la chambre sera libre de statuer, en ce qui concerne la question de
responsabilité ministérielle, comme elle jugera convenable ; elle n'est pas
liée par le maintien du chiffre qui vous est demandé aujourd'hui, maintien qui n'a trait qu'à la question administrative. Je me crois fondé à présenter celle distinction qui doit frapper tout le
monde.
M. Hye-Hoys. - Messieurs, l'honorable M. Coghen vient de dire
que le steamer le British-Queen est acheté et
qu'il doit être exploité ; c'est ce que M. le ministre de l'intérieur a dit
aussi dans la discussion générale ; mais si cependant la majorité de la chambre
trouvait que cet achat fût onéreux à l'Etat, comme il l'a été au premier
propriétaire, je ne vois pas pourquoi le gouvernement ne pourrait pas être mis
dans la nécessité de revendre ce bateau à vapeur.
M.
Dumortier. -
Messieurs, la discussion qui vous est maintenant soumise présente deux
questions toutes différentes : celle de l'achat et celle du paiement du British-Queen.
La première question consiste à savoir si le
gouvernement a été investi des pouvoirs nécessaires pour
faire cet achat ; la seconde a pour objet de savoir si le mode de paiement qui
a été employé est légal ou non.
Voilà les deux questions qui se présentent et qu'il
importe de ne pas confondre.
Je conçois fort bien que le gouvernement,
qui a effectué le paiement du British-Queen, doit
désirer que nous n'ajournions pas le crédit ; mais je vous le demande,
messieurs, devons-nous vouloir une discussion sur laquelle il n'y ait pas de
conclusion possible ?
Il faut que la discussion amène une
approbation ou un rejet ; eh bien, si vous allouez le chiffre dès à présent, il
ne peut y avoir ni rejet ni approbation.
M. le ministre de l'intérieur vient
de dire qu'il y a ici une question de responsabilité
ministérielle ; je ne sais si la chambre fera de cette question une question de
responsabilité ministérielle ; ce serait la première
fois que cette assemblée ferait d'un incident ministériel une question de responsabilité
ministérielle ; il n'est donc pas à présumer que la chambre fasse de ceci une
question de responsabilité ministérielle ; mais ce
qui est bien plus présumable, c'est qu'elle voudra savoir si l'acquisition est
onéreuse au trésor, si elle a été faite en dehors du crédit voté. Voilà ce que
la chambre doit voir et ce que le pays attend d'elle qu'elle voie ; eh bien, évidemment, vous ne pouvez pas examiner cette question si
vous n'admettez pas l'ajournement.
En effet, les paroles de M. le ministre de
l'intérieur elles-mêmes viennent prouver que l'ajournement est nécessaire.
Qu'a dit le ministre de l'intérieur ? Il a
dit : Si vous proposez l’ajournement, le gouvernement n'aura pas le temps de
faire les annonces nécessaires, pour le voyage du British-Queen ; d'où
il résulte que si vous n'admettez pas l'ajournement,
le gouvernement se croira autorisé à faire les annonces pour le voyage du British-Queen ; d'où il suit que l'opération sera consommée.
L'ajournement est donc indispensable, sinon, la question ne serait plus entière ; pour mon compte je ne me prononce pas en ce
moment sur la question, je veux connaître les faits, mais je tiens fortement à
ce que la question reste entière ; cette affaire a eu trop de retentissement dans le pays pour que nous ne discutions
pas la question en parfaite connaissance de cause ; j'insiste donc fortement
pour que la chambre prononce l'ajournement.
On a dit que l'ajournement rendrait l'exploitation
impossible ; j'ai deux mots à répondre à cette assertion.
Je ferai d'abord remarquer, que le navire dont nous
parlons se trouve maintenant dans le bassin d'Anvers ; qu'il n'a pu entrer dans
ce bassin que par les grandes eaux de l'équinoxe de septembre, et qu’il ne
pourra en sortir que par les grandes eaux de l'équinoxe de mars ; ainsi,
jusque-là, vous avez tout le temps de délibérer en
toute liberté.
Il est donc évident, messieurs, qu'un ajournement de
quelques jours ne présente aucun inconvénient, car cet ajournement n'est pas illimité. Je suppose, ce qui est déjà arrivé plusieurs fois, que le budget du ministère de l'intérieur n'ait pu être voté qu'après les
vacances du nouvel an ; eh bien, le chiffre ne serait-il pas ajourné lui-même à
l'année prochaine ? Eh bien, nous ne demandons qu'un ajournement jusqu'aux
premiers jours après la rentrée et alors nous examinerons le rapport et le
chiffre qui s'y rattache.
Je maintiens donc qu'il est indispensable
de voter l'ajournement qui a été proposé ; que ne pas voter cet ajournement, ce
serait se mettre dans l'impossibilité d'examiner la question en détail, ce
serait préjuger la question ; car M, le ministre dit que
si vous votez le chiffre, il fera toutes les annonces nécessaires pour le
voyage du British-Queen.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j'ai dit que ce n'était pas préjuger la question de
responsabilité ministérielle, je ne recule pas devant cette expression ; il y a
ici une question de responsabilité ministérielle et une question
d'administration. Je dis qu'en ce qui concerne la question administrative, il
faut maintenir le chiffre de 400,000 fr. et qu’il y a urgence à faire les
annonces nécessaires, à faire tous les préparatifs indispensables, pour que ce
service s'établisse.
Quant à la question de responsabilité ministérielle,
la section centrale vous proposera ses conclusions : ou bien, elle approuvera
ce qui a été fait, ou elle vous proposera de blâmer, ou elle vous proposera des
mesures encore plus onéreuses. Nous accepterons cette discussion, mais je dis
qu'elle est indépendante de la question administratrice.
Maintenant, messieurs, qu'à mon tour il me soit
permis d'appeler votre attention sur une autre responsabilité, qui cette fois
n'est plus ministérielle : cette responsabilité est celle qui résultera du
retard mis à l'établissement du service dont il s'agit.
Je ne suis pas de l'avis de l'honorable préopinant,
qui pense qu'un délai ne présente aucun inconvénient ;
qu'on peut dans trois mois, dit-il, grâce à l'équinoxe de mars,, organiser le service, sans qu'il faille faire dès à
présent les préparatifs nécessaires.
Je dis, moi, que les trois mois qui nous séparent du
mois d'avril prochain ne sont pas de trop pour
organiser le service ; ajourner, c’est s'exposer à perdre une année entière.
Je répète qu'il ne s'agit ici que d’une question
administrative, la question de responsabilité ministérielle reste tout entière.
Quand on est venu vous dire qu'il faut les équinoxes
de mars, pour que le navire puisse sortir du bassin d'Anvers, on a
malheureusement cédé à des préventions ; le navire pourrait sortir deux fois
par mois du bassin dans l'Escaut et de l'Escaut dans le bassin,
Mais, messieurs, on a cherché à accumuler toutes les
préventions. D'abord, il y a eu un engouement extraordinaire. Depuis, on a
passé d'un extrême engouement à un dénigrement extrême, On a dit qu'il y avait
impossibilité de faire entrer ce bâtiment dans les bassins ; cependant il y est
entré ; on a dû user de précautions extraordinaires,
mais enfin il est entré. On a dit ensuite qu'il faudrait attendre les grandes
marées d'équinoxe pour le faire sortir ; c'est encore une erreur ; je peux
assurer qu'il pourrait sortir deux fois par mois.
Si vous ne votez pas la somme
portée au budget, vous exposerez le gouvernement à ne pas pouvoir organiser le service
d'une manière avantageuse pour 1842.
M. Osy.- J'insiste plus que jamais sur la proposition que j'ai faite, parce que
le ministre annonce l'intention de faire comme si aucune question ne restait à
décider, les prospectus et peut-être les expéditions de charbons, en un mot de
vous entraîner dans des dépenses beaucoup plus grandes que celles que vous
voudriez faire. La vacance que la chambre se propose de prendre ne sera pas
longue, on peut attendre le mois de janvier pour examiner
cette affaire.
M. Delehaye. - Quand j'ai entendu les premiers orateurs qui ont
pris la parole, j'étais disposé à émettre un vote approbatif, mais après les observations
qui ont été faites par M. ministre de l'intérieur, il m'est impossible de
séparer le vote des 400 mille fr. de l'examen de la question du British-Queen.
Qu'avez-vous décidé par la loi du 11 juin 1840 ?
Qu'un service de bateaux à vapeur serait établi entre les Etats-Unis et
Vous reconnaissez que si la somme est allouée, elle
sera employée à mettre le navire à même de partir. Si nous croyons que ce
service sera plutôt nuisible qu'avantageux, ce serait absurde de notre part de vous donner les moyens de l'établir,
car serait vous donner les moyens de faire une chose
nuisible au pays. L'honorable M. de Foere vous a dit
qu'un nombre considérable de navires américains partaient sur lest, on ne lui a
répondu qu'en disant qu'il avait déjà avancé cela l'année dernière, lors du
vote de la loi.
M. le ministre nous dit qu'il faut que
l'Allemagne sache qu'un transit qui sera ouvert par
M. Fleussu. - La question, telle qu'elle était présentée
dans le rapport de la section centrale, telle qu'elle se présentait d'après les
explications fournies par l'honorable M. de Brouckere, pouvait être votée sans
difficulté ; je ne voyais même, pas grand rapport entre l’exécution de la loi
de 1840 avec l'achat du British-Queen.
Mais mes doutes sont nés après les premières
explications fournies par M. le ministre de l'intérieur. D'après ces
explications, le prix de l'acquisition a été fourni par la trésorerie.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - C'est dans le rapport.
M. Fleussu. - Vous avez ajouté
que vous le rembourseriez endéans sept ans sur les économies que vous feriez
tous les ans sur les 400 mille francs ; vous établissez donc par là un rapport entre l'exécution de la loi de 1840 et l'acquisition du British-Queen : voilà
pourquoi il n'est pas possible de détacher la question des 400 mille francs de
la question du British-Queen.
M. le ministre a dit qu'il y avait urgence pour le
commerce que la somme fût allouée maintenant. Je ferai observer que le
gouvernement n'est pas au dépourvu, puisqu'il doit avoir les 400,000 fr. de
l'année dernière, qui n'ont pas
été employés, puisque le prix a été fourni l'année dernière par la trésorerie.
Cette considération m'engagera à voter pour la proposition de M. Osy.
M. Dedecker. - Puisque j'entends invoquer en sens
contraire l'opinion de la section centrale, je dirai que sa position s'est
modifiée par suite de l'exposé concernant le British-Queen,
que M. le ministre de l'intérieur a présenté à la législature. Depuis lors elle
n'a pu se réunir, ni pour prendre une nouvelle résolution ni pour maintenir sa
première décision.
J'al une autre observation à présenter
pour le cas où la chambre adopterait la proposition de M. Osy, c'est qu'il ne
faudrait pas se borner à ajourner le crédit de 400,000 fr., mais bien le
détacher du budget, parce que, sans cela, vous ne
pourriez pas voter sur l'ensemble du budget.
M. Desmet. - Il est vrai que M. de Brouckere a parlé
dans le sens de la section centrale. Mais il n'a pas fait attention qu'elle
n'avait pas délibéré sur la question même, qu'elle a passé outre et accordé le
crédit pour exécuter la loi. Mais on a vu après que la loi
avait été mal exécutée ; si on avait su cela avant, on n'aurait pas alloué la somme.
M. Devaux. – Je
voudrais connaître la portée de la proposition faite par M. Osy. S’il
s'agissait d'un ajournement de quelques jours, vous rencontreriez beaucoup
moins de difficultés. Mais ce que l'on craint, ce que le gouvernement craint,
c'est que cet ajournement ne soit une suspension de la loi. On a détaché ainsi
du budget des questions qui sont restées en suspens cinq ou six ans, comme par
exemple la question relative au caissier général.
Qu'on veuille dire ce qu'on veut. M. le rapporteur
de la section centrale ne peut-il pas répondre en quel temps il pourrait faire
le rapport et ne pourrait-on pas ajourner le vote sur l'ensemble du budget
jusqu'après le vote sur cette question. Mais si c'est une suspension de la loi
sans vote, sans discussion, au moyen de quelques préventions glissées dans la
chambre qui ne peuvent pas être discutées qu’on
voudrait prononcer, cela rencontrerait de l'opposition.
M. Dumortier. - Je suis
charmé de la question que vient de poser l'honorable préopinant.
Pour ma part, je demande seulement l'ajournement au mois prochain,
immédiatement après le rapport de la section centrale, et nous l’inviterons à faire son rapport pour la rentrée.
M. Dedecker, rapporteur. - Je conviens qu'il importe que la chambre
sache jusqu'à quelle époque on veut ajourner la question dont il s'agit. Comme
rapporteur, je ne suis que le rédacteur des opinions de la section centrale ;
je suis à ses ordres. Si mes collègues se sentent (et je
n'en doute aucunement) le même dévouement que moi,
le rapport pourra être fait dans un délai fort court. Cependant je dois faire
observer que l'honorable M. de Behr préside
en ce moment la section centrale du budget des travaux publics. Dans tous les
cas, je pense que, pour la rentrée de la chambre, nous pourrons présenter le
rapport.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je trouve que l'ajournement est un mal, et pour me consoler on propose d’ajouter un second mal,
celui de suspendre le vote du budget ; ce serait suspendre tous les services. (Non ! non !)
M. de Brouckere. - Si j'avais posé la question comme elle me semblait
devoir être posée. Je désirais qu'on votât le crédit demandé
indépendamment de ce qui concerne le British-Queen.
M. le ministre de l'intérieur n’a pas suivi mon opinion, il a posé la
question sur un autre terrain, il a rattaché le crédit demandé au British-Queen. Je conviens que maintenant tout est changé. Je
le regrette beaucoup. Si la chambre est décidée, après avoir rattaché les deux questions, à
prononcer l'ajournement, je n'insisterai pas.
Mais la chambre me permettra de lui soumettre une
autre proposition.
Je voudrais qu'on rentrât dans la question
telle que je l'avais posée et que M. le ministre déclarât que si on vote le
crédit de 400,000 fr., il s'engage à ne pas en faire l'application au British-Queen jusqu'à ce que la question ait été vidée. Si la
chambre votait dans ce sens, qu'en résulterait-il ? Il en résulterait, ainsi
que je l'ai dit, qu'on ne ferait qu'exécuter la loi du 19 juin 1840, sans égard
à l'acquisition et à l'armement du British-Queen. Je
répète que si l'on avait continué à poser ainsi la question, il était
impossible que la chambre n'admît pas le crédit.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J'ai expliqué de quelle manière le
gouvernement avait compris l'exécution de la loi. En donnant cette explication,
il se trouve que cela se rattache à l'affaire du British-Queen, mais quant à la chambre, rien n'est préjugé à
cet égard.
On me fait observer que pour les préparatifs
à faire, les annonces à publier, on peut
imputer ces dépenses sur l'allocation de 1841, de sorte que je puis faire la déclaration que l'article du budget de 1842
sera intact jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur le rapport que doit
présenter la section centrale. Dans ce cas, je suis forcé de prévenir que des
annonces et quelques autres préparatifs devront être
imputés sur l'allocation de 1841.
M. de Garcia. - L'honorable M. de Brouckere a dit qu'il avait mis la question sur son véritable terrain, que sur ce terrain la
question se fût vidée naturellement, et qu'on eût été conduit nécessairement à
voter le subside des 400,000 fr. porté au budget. Voyons, messieurs, quel est
ce terrain indiqué par M. de Brouckere, et si ce terrain est le véritable
terrain de la question ?
M. de Brouckere se renferme uniquement et
exclusivement dans la loi du 11 juin 1840 ; loi qui porte que chaque année il
sera porté au budget une somme de 400,000 fr. pour favoriser l'établissement d'une navigation à vapeur. Mais, messieurs,
cette loi ne forme plus à elle seule le véritable terrain de la question ;
cette loi a reçu un commencement d'exécution, et ce commencement d'exécution
soulève les questions les plus graves de légalité. Jusqu’à la solution de ce
dernier point, la chambre ne peut, selon moi, se prononcer sur l'allocation
portée au budget ; elle doit voir et apprécier ce commencement d'exécution,
elle doit voir s'il ne contient rien de contraire à la loi ; rien qui en rende
l'exécution impossible. La question des subsides et celle que présente le commencement d'exécution donné à la loi, sont
si intimement liées que vous ne pouvez les diviser sans vous exposer aux plus
graves inconvénients.
M. de Brouckere eût eu
raison ; sans doute, si l'on était resté
dans le cercle étroit dans lequel il a voulu renfermer la question ; mais en
agir ainsi, était tronquer la question. Il est indispensable qu’on fasse
marcher de front l'examen du subside avec celui du commencement d'exécution
donné à la loi.
Je persiste donc, messieurs, à croire qu'il faut ajourner
le vote du crédit dont
s'agit, jusqu'à la discussion du rapport que doit présenter la section centrale
sur la convention de l'acquisition du British-Queen.
M. Osy. - On demande que la chambre
vote le crédit en exécution de
la loi. Pour moi, je dis que la loi n'existe pas, que le gouvernement
l’a détruite.
Vous avez été autorisé à faire une dépense de
400,000 fr, pour favoriser une navigation, et vous avez
acheté un steamer pour l'exploiter. Je dis
que vous devez attendre que la section centrale ait présenté son rapport, et que vous devez empêcher le gouvernement d'aller en
avant, tant que la chambre n'a pas statué sur ce rapport.
M. Rogier. - Que la chambre ajourne la discussion du
chiffre de 400,000 fr., ou qu'elle ne l'ajourne pas, l'important pour moi est
qu'il y ait discussion sur cette affaire importante, afin que l'opinion
puisse se former sur autre chose que sur des insinuations. Seulement pour le
cas où la chambre ajournerait la discussion et le vote des 400,000 fr., je demanderai à la section centrale
de nous répondre d'une manière positive sur cette question : Pour quel jour
serez-vous à même de présenter des conclusions à la chambre ? Il est impossible
de voter l'ajournement d'une manière indéfinie. M. le ministre de l'intérieur
vous a donné d'excellentes raisons pour prouver
l'urgence, on n'a déjà perdu que trop de temps dans cette affaire. Si le British-Queen ou tout autre steamer, au lieu d'être maintenant
à rien faire dans le bassin d’Anvers, avait pu faire un premier voyage avant
l'hiver, tout débat serait devenu inutile, la question n'aurait pas été
soulevée dans cette enceinte. Maintenant on discute sur une négociation et non
sur les résultats avantageux qu'elle pouvait produire ; on est donc dans une
situation qu'on peut juger comme défavorable aussi
longtemps que la négociation n'aura pas reçu une exécution convenable.
J'invite donc M. le rapporteur de la section
centrale à déclarer à la chambre pour quel jour il pourra être en mesure de
faire son rapport. Voilà déjà plus d'une semaine que les pièces ont été remises à la section centrale. Ce rapport n'est pas
volumineux. Comme les rapports les plus étendus faits par M. le ministre
Nothomb, il présente beaucoup d'ordre et de lucidité. Je crois donc que les
conclusions seront faciles à prendre. Puisque j'ai la parole, je demanderai à
M. le ministre de l'intérieur de joindre aux pièces qu'il a fournies la
convention signée le 28 avril 1841, dont il n'y a qu'un extrait à la suite de son rapport.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je remettrai cette pièce à la
section centrale, ainsi que toutes les autres pièces qu'elle pourra réclamer ou que l'on voudra m'indiquer.
M. de Behr. - Lorsque la chambre s'est occupée de
l'examen du budget de l'intérieur, elle n'a pas été saisie de la question du British-Queen ; par conséquent elle n'a pas eu d'avis à
émettre, On lui demandait un crédit, en exécution de la loi ; elle ne pouvait,
qu'en proposer l'adoption. Mais depuis lors M. le ministre de l'intérieur a
donné des explications d'après lesquelles il n'est plus question d'exécuter la
loi dans le sens dans lequel elle a été votée par la chambre. Il en résulte qu'on
demande une allocation pour l'acquisition du British-Queen,
Je trouve qu'il y a connexité entre les deux questions, et qu'il est bien
difficile de décider l'une sans l'autre. Je trouve donc qu'il y a lieu à
ajourner, à détacher ce crédit du budget, pour s'en
occuper en même temps que de l'affaire du British-Queen.
Maintenant cette question
de l'acquisition du British-Queen a été
renvoyée à la section centrale ; il faudra quelque temps pour l'examiner ; il
est impossible de dire quand elle aura terminé son travail
; j'ignore quelles pièces elle aura à examiner. Cependant je crois qu'on pourra avoir son rapport à la
rentrée, après les vacances.
M. le ministre a
dit qu'il consentait à ce qu'on laissât le crédit, en s'engageant à ne pas y
toucher tant que l'affaire du British-Queen ne
sera pas décidée. Que l'on détache l'article du budget ; cela revient au même.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - J'ai dit que la véritable
question déférée à la section centrale est une question de responsabilité
ministérielle. Cela est tellement vrai, que la section centrale,
non seulement devra demander de nouvelles pièces, mais devra
peut-être même demander de nouveaux pouvoirs à la chambre. Il faudra peut-être
une instruction orale, il faudra peut-être entendre différentes personnes ; je prétends donc que personne ne peut dire quand le
rapport pourra être fait.
M. Doignon. - Il ne s'agit pas seulement, suivant moi, d'une question de
responsabilité ministérielle, comme vient de le dire M. le ministre ; mais
c'est en premier lieu une question de budget, une question d'allocation que
vous avez à examiner.
Tout le monde est d'accord qu'il ne faut
rien préjuger, qu'il faut laisser toute question intacte. Mais d'après la
déclaration même de M. le ministre de l'intérieur, la question est préjugée si
on vote le crédit. En effet, la première question est de savoir si le British-Queen est
propre à la navigation de long cours, s'il peut remplir sa destination, si
enfin on a fait un bon ou un mauvais marché. Eh bien
! cette question est préjugée par M. le ministre lui-même,
puisqu’il vous dit qu'il emploiera ce navire à la navigation avec les
Etats-Unis, et qu'il entend y appliquer les crédits votés. Ainsi la question
serait préjugée ; Or vous ne voulez rien préjuger ; donc
vous ne pouvez voter l'allocation.
Il y a en outre une autre question
préalable. Il existe une loi, et c'est en vertu de cette loi que le crédit doit
être demandé. Or, l'on conteste sérieusement qu'elle ait été observée et
exécutée. La loi porte uniquement qu'il sera alloué des crédits pour
favoriser la navigation a vapeur vers les Etats-Unis ; mais elle n'autorise
pas le gouvernement à acheter lui-même des navires. Il y a donc évidemment lieu d'ajourner.
Plusieurs membres. - La
clôture.
M. Cools. - L'honorable M. de Behr dit que retrancher l'article du budget cela
revient au même. Ce n'est pas exact ; car retrancher
l'article du budget, c'est remettre en question le principe de la loi relative
à la navigation transatlantique.
M. Dumortier. - Personne ne demande le rapport de cette loi.
- La clôture est prononcée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix l'amendement de M. Osy ; il est conçu dans les termes suivants :
« Je propose d'ajourner le vote des 400,000 fr.,
jusqu'après le rapport de la section centrale sur l'achat du
bateau à vapeur. »
- Cette proposition est adoptée.
M. Dedecker. - Il est bien entendu que la somme de 400,000 francs
est distraite du budget et que la résolution que vient de prendre la chambre ne
retardera pas l'adoption de ce dernier. (Oui ! oui !)
M. Dumortier. - Je demande le renvoi du chiffre à la section centrale.
Plusieurs membres. -C'est inutile.
M. Fleussu. - Je ne vois pas l'utilité de renvoyer le
chiffre à la section centrale, puisqu'il doit être admis en exécution de la
loi. Ce n'est pas le chiffre lui-même qui est mis en discussion. Si on prétend
que le gouvernement a abusé des pouvoirs que lui avait donnés la loi, c'est une
question tout autre ; ce n'est pas une raison pour que la loi décrétée le11 juin 1840 ne puisse pas recevoir son effet.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, il est évident que la section centrale doit être autorisée à comprendre dans un projet de loi spécial le subside de 400,000 fr. avec telles
observations qu'elle jugera convenable. (Oui ! oui !)
M. Rogier. – Je demande la parole pour une motion
d'ordre. J'ai demande à M. le rapporteur de la section centrale quel jour il pourra être à même de faire son rapport sur la question qui
vient d'être renvoyée à cette section. Il n’a pu me répondre
d'une manière précise sur ce point. M. le président
de la section centrale n'a pas non plus précise le jour où le
rapport serait fait.
Mais enfin, si on trouve ma question trop
rigoureuse, je demanderai
que l'on veuille bien nous fixer l'époque à laquelle la section centrale fera
son rapport sur la question qui vient de lui être renvoyée.
Si ce rapport est prêt pour la première séance qu'aura la chambre après la
vacance qu'on semble disposé à se donner, je demande qu'il soit discuté a cette première séance. En d'autres termes,
je demande que ce rapport soit discuté avant celui qui nous sera présenté sur
le budget des travaux publics.
Je crois que la section centrale sera à
même de nous présenter son rapport sur l'article qui vient de lui être renvoyé
en même temps que celui sur le budget des travaux publics qui devra aussi être ajourné jusqu'après la
vacance. Comme cet article se rattache au budget de l'intérieur, je demande
qu'il soit discuté avant le budget des travaux publics. Si les deux rapports
sont présentés en même temps, je demande la priorité pour
celui relatif à l'achat du British-Queen.
M. Dedecker, rapporteur. - Messieurs, je suis obligé de répondre à
l'honorable membre qu'il est impossible de préciser le jour
auquel je pourrai présenter mon rapport. Je suis à la disposition de la
section centrale. Je connais l'assiduité, le zèle de ses membres,
et je suis sûr que je serai à même de vous faire ce rapport dans un très bref
délai.
Peut-être que l'on pourrait
avancer le moment de sa présentation en interrompant le travail de la section centrale
du budget des travaux publics. De cette manière nous pourrions nous réunir dès
demain.
M. Dumortier. – La
section centrale du budget des travaux publics n'a pas
de séance demain, ainsi rien n'empêche que la section centrale
du budget de l'intérieur se réunisse.
M. de Behr. - Vous avez entendu, par ce que vous a dit M. le ministre
lui-même, que cette question était très grave, qu'il y aurait peut-être des
personnes à entendre, une enquêté à faire.
Je ne sais quels sont les renseignements que peuvent
demander les membres de la section centrale ; il pourrait arriver que nous eussions besoin de 10 ou 15 jours.
On dit que je ne dois pas présider demain la section
centrale du budget des travaux publics. Mais il n'en résulte pas que je n'ai
pas d'ouvrage pour demain. Il y a peut-être cent questions à poser à M. le
ministre des travaux publics sur son budget ; je dois avoir le temps de rédiger
ces questions.
Mais je crois que la section centrale du budget
de l'intérieur pourra vous présenter son rapport sur l'affaire du British-Queen immédiatement après les vacances du nouvel an.
M. le président. - Je prie l'honorable M. Rogier de présenter
sa proposition.
M. Rogier. - Je l'ai présentée, M. le président ; je demande la priorité pour le
rapport de la section centrale du budget de l'intérieur sur celui de la
section centrale du budget des travaux publics, pour autant que ces deux
rapports soient présentés en même temps.
Je crois que, quelle que soit l'opinion
qu'on ait sur l'affaire du British-Queen, tout
le monde reconnaîtra qu'il y a urgence de prendre un parti. Ceux qui ne veulent
pas du tout de l'affaire, de même que ceux qui la considèrent
comme bonne, sont, je crois, d'accord sur la question d'urgence. (Oui ! oui !)
M. de Foere. - Il me semble qu'il n'est pas possible de décider
aujourd'hui cette priorité. L'examen de questions très ardues est renvoyé à la
section centrale. Lorsque la chambre aura reçu les deux rapports, celui sur le
budget des travaux publics et celui sur les deux questions relatives au British-Queen, elle devra les examiner et les approfondir.
C'est possible qu’elle soit prête à discuter le budget des travaux publics
avant d'examiner la, question des bateaux à vapeur.
Il me semble donc qu'il vaut mieux
ne pas préjuger cette question de priorité dès à présent. Après la vacance,
nous déciderons quel sera celui des deux rapports qui sera discuté avant
l'autre.
M. Dumortier. - Messieurs, il me paraît
impossible de décider maintenant la question de savoir lequel des deux rapports
vous mettrez d'abord à l'ordre du jour. Quand ces rapports vous seront
présentés, nous réglerons notre ordre du jour, mais vous ne pouvez prendre une
pareille décision alors que la question n'a pas même été examinée par la
section centrale.
D'abord remarquez une chose, messieurs ;
c'est que la proposition de l'honorable M. Rogier repose sur une éventualité
qui me paraît impossible. Il vous demande la priorité pour la discussion du rapport sur le British-Queen,
dans le cas où les deux rapports seraient
présentés simultanément. Or il est certain qu'il n'est pas possible que ces
deux rapports soient présentés en même temps. Les questions adressées par la
section centrale à M. le ministre des travaux publics, et l'honorable. M.
Rogier lui-même en fait plusieurs, demanderont
peut-être trois ou quatre semaines de recherche.
Je crois donc que nous ne devons pas
décider maintenant une pareille question. Quand le rapport sur le British-Queen sera présenté, je
serai le premier à en demander la discussion. Mais nous devons attendre.
- La proposition de M. Rogier, tendant à
accorder la priorité à la discussion du rapport sur le British-Queen est mise aux voix ; elle est adoptée.
M. Dumortier.- Il est bien entendu que c'est
pour le cas où les deux rapports seraient présentés simultanément.
Plusieurs membres. – Oui ! oui
!
M. Dumortier. - Par conséquent on n'a rien voté.
M. Rogier. - Il y a ici une question de bonne foi. Il est
certain que si le rapport sur le British-Queen est
présenté avant celui sur les travaux publics, à plus forte raison il devra être discuté le premier.
M. le président. - Nous passons à la discussion de l’article 3
: Encouragements pour la navigation à vapeur entre les ports belges et les
ports d'Europe : fr. 100,000.
Plusieurs voix. - A demain ! à
demain !
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je propose de libeller cet article de la manière suivante :
« Encouragements pour la navigation à vapeur,
ainsi que pour la navigation à voile, entre les ports belges et ceux d'Europe,
sans que dans l'un et l'autre cas les engagements à prendre puissent obliger
l’Etat au-delà de l'an 1842. »
On pourrait faire imprimer ce libellé.
- Ce libellé sera imprimé et distribué.
M. le président. - Il est bien entendu que si les rapports sur le British-Queen et sur le budget des travaux publics sont terminés dans un moment où la
chambre ne sera pas réunie, on pourra les faire imprimer. (Oui ! oui !)
- La séance est levée à 4 heures et quart.