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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 11 décembre 1841

(Moniteur belge n°346 du 12 décembre 1841)

(Présidence de M. Fallon.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l'appel nominal à 2 heures.

M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l'analyse des pièces de la correspondance.

- M. Orts, père, dont les pouvoirs ont été vérifiés hier, prête serment.


« Le conseil communal de Lillo demande l'assèchement de la partie du polder de Lillo qui reste encore inondée. "

M. Cogels. - Cette pétition est adressée à la chambre par les propriétaires des terres envahies par les eaux, qui demandent que le gouvernement s'occupe le plus promptement possible de l'assèchement de ces terres. On a différé de le faire, parce que, par l'invasion des eaux, les terres s'amélioraient, D'après les pétitionnaires, il n'y a plus maintenant d'amélioration à espérer ; au contraire, si les choses restaient plus longtemps dans l'état actuel, les frais d'endiguement, au lieu de diminuer, ne feraient que s'accroître. Je propose de renvoyer la pétition dont il s'agit à la section centrale chargée de l'examen du budget des travaux publics.

- Ce renvoi est ordonné.


« Le sieur J. Freyman de Potter, entrepreneur de travaux publics à Ostende, demande que le crédit de 3,000 fr., montant de sa créance porté dans le projet de créances arriérées du département de la guerre, lui soit accordé par la chambre. »

M. Rodenbach. - Je pense que déjà la commission des finances s'est occupée de cette pétition, Je me bornerai à demander cette fois qu'on la renvoie directement au ministre de la guerre. Le pétitionnaire est un vieillard malheureux infirme. Déjà une dépêche ministérielle lui a annoncé qu'une somme de 5 mille francs lui était accordée. Il a perdu dans les travaux qu'il avait entrepris, de 10 à 11 mille francs. Cela a été constaté par une commission d'enquête, les officiers du génie ont constaté qu'on avait outrepassé les devis, que des travaux extraordinaires avaient été faits. Par ces considérations on lui a accordé une indemnité de 5 mille francs. Mais il paraît que M. le ministre de la guerre n'a pas jugé à propos de la lui payer. Comme le pétitionnaire est dans la misère, j'insiste pour qu'on lui fasse promptement justice. Si on ne veut pas lui accorder les 10 mille fr. qu'il réclame, comme il est très malheureux, il est disposé à transiger. Je demande qu'on renvoie sa pétition à M. le ministre de la guerre.

M. Dubus (aîné). - L'affaire dont il s'agit a été l'objet de l'examen spécial de la commission permanente des finances, et c'est elle qui, après examen des pièces, a été d'avis que les prétentions du sieur Freyman n'étaient pas fondées. Les observations de l'honorable préopinant tendent à engager la chambre à outrepasser l'avis de la commission des finances. Si on veut admettre les considérations qu'il a fait valoir, on peut renvoyer la pétition à M. le ministre de la guerre. Mais si on ne veut accorder que ce qui est dit, c'est à la commission des finances qu'il faut la renvoyer, afin qu'elle examine si, parmi les nouveaux motifs allégués, il en est de nature à la déterminer à accorder la somme réclamée.

M. Mast de Vries. - Le rapport de la commission de finances sur cette réclamation a été présenté à la fin de la session de 1839. Elle fut renvoyée à M. le ministre de la guerre avec d'autres pièces. Depuis lors la commission des finances n'a reçu aucune nouvelle communication du ministre de la guerre et il lui a été impossible de faire un nouveau rapport.

M. le ministre de la guerre, s'occupe d'un travail sur ces réclamations et nous le soumettra un de ces jours, alors la commission pourra s'occuper de la pétition dont il s'agit.

M. Rodenbach. - D'après les renseignements qui viennent d'être donnés, je retire ma proposition de renvoi au ministre de la guerre. Mais la discussion qui a eu lieu servira à accélérer le travail de M. le ministre de la guerre. Je le répète, le pétitionnaire est dans le malheur, on ne doit pas le laisser plus longtemps dans la misère, quand la commission de finances a reconnu qu'on lui devait de l'argent.

- La pétition est renvoyée à la commission des finances.


« Le sieur Chrétien Wenger, né en Suisse, trompette de la garde civique d’Anvers, demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) informe la chambre qu'un Te Deum sera chanté le 16 décembre dans l'église des SS. Michel et Gudule, à l'occasion de l'anniversaire de la naissance du Roi, et que l'escorte d'usage sera mise à la disposition de la chambre, si elle le désire.

- La chambre décide que, conformément aux antécédents, elle se rendra en corps à la solennité du 16 décembre.

Projet de loi relatif à la patente des bateliers

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Smits) - Le Roi m'a chargé de vous présenter un projet de loi tendant à apporter quelques modifications à la loi du 6 avril 1823, concernant les patentes des bateliers.

Cette loi est assez étendue ainsi que l'exposé des motifs, la chambre jugera sans doute à propos d'en ordonner l’impression.

M. le président. - La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi qu'il vient d'indiquer.

- Ce projet et l'exposé des motifs seront imprimés, distribués et envoyé à l'examen des sections.

Projets de loi portant le budget des ministères des affaires étrangères et de la marine de l'exercice 1842

Rapports de la section centrale

M. Dumortier. - Messieurs, la section centrale qui a examiné le budget des affaires étrangères m'a chargé de vous présenter rapport Il pourra être distribué demain ainsi que le rapport sur le budget de la marine que je suis chargé aussi de vous présenter.

J'aurai l'honneur de vous dire qu'au budget des affaires étrangères tous les chiffres du gouvernement ont été admis sans modification. Cette observation pourra faciliter la mise à l'ordre du jour de lundi.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et en fixe la discussion à lundi.

Rapports sur des demandes en naturalisation

M. Mast de Vries, M. Delehaye et M. Henot rapporteurs de la commission de naturalisation, déposent divers rapports de cette commission.

- La chambre en ordonne l'impression et la distribution.

Projet de loi qui renouvelle celle du 31 décembre 1835 relative à la nouvelle répartition de la contribution foncière d'après les bases cadastrales

Discussion et vote de l'article unique

- Personne ne demandant la parole sur la discussion générale, on passe à la discussion de l'article unique ainsi conçu :

« La loi du 31 décembre 1835. (Bulletin officiel, n° 865), établissant, pour les sept provinces entièrement cadastrées une nouvelle répartition de la contribution foncière, d'après les bases cadastrales, est renouvelée pour un terme de trois ans. »

- Adopté.


Il est procédé à l'appel nominal.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 63 membres qui ont répondu à l'appel nominal.

Il sera transmis au sénat.

Ont répondu à l'appel : MM. Angillis, Brabant, Cools, David, de Behr, Dechamps, Dedecker de Florisone, Malou, Delehaye, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, Huveners, de Potter, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, d'Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), B Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lange, Orts, Lys, Maertens, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Jonet, Morel-Danheel, Peeters, Pirmez, Pirson, Henot, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Smits, Trentesaux, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Verhaegen, Zoude et Fallon.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l'exercice 1842

Discussion générale

M. Delehaye. - Dans une précédente séance mon honorable collègue et ami M. Manilius signalant la manière scandaleuse dont la fraude se faisait en Belgique, a posé à M. le ministre des finances une question à laquelle il n'a nullement été satisfait. Il a déclaré que l'on avait distrait de la ligne de douane la ville de Thourout et d'autres localités fort importantes, Ce fait, s'il était vrai, me paraîtrait contraire, sinon aux lois, du moins aux sentiments de bienveillance que le gouvernement a toujours exprimés pour le commerce et l'industrie.

Vous comprenez que si une localité comme Thourout, située près des frontières, n'était pas soumise au régime douanier, ce serait rendre cette ville l'asile de la fraude. Vous comprenez que, loin de mettre obstacle à ce commerce repoussé par toutes les nations, ce serait engager les fraudeurs à venir répandre des produits si non prohibés, du moins soumis à un droit et prêter la main à une concurrence que la loi ne reconnaît pas.

M. le ministre des finances (M. Smits) – Le fait de la distraction de la ville de Turnhout, de la ligne de douanes, est antérieur à mon administration. Quand j'ai entendu l'honorable M. Manilius élever quelques plaintes à cet égard dans une des dernières séances, je m'étais proposé de demander des renseignements. J'ai demandé un rapport ; sitôt que je l'aurai reçu, j'en ferai connaître le résultat à la chambre.

En attendant, je dois dire que le projet de loi destiné à réprimer les abus de la fraude, présenté par un de mes honorables prédécesseurs, est précisément destiné à éviter les abus dont on se plaint. J'avais donc raison de dire à l'honorable M. Manilius qu’il convenait d'attendre la discussion de ce projet de loi, pour faire cesser les plaintes dont il s'agit.

Quoi qu'il en soit, dès que j'aurai reçu les renseignements que j'ai demandés, je les communiquerai à la chambre.

M de Nef. - Turnhout depuis longtemps n'est plus dans le rayon de la douane. Dans le projet de loi relatif à la répression de la fraude, il est question de faire rentrer cette ville dans le rayon. Quand viendra la discussion de cette disposition, je m'opposerai de toutes mes forces à son adoption.

Plusieurs membres. - Il ne s'agit pas de Turnhout, mais de Thourout.

D'autres membres. - Mais non ; il ne peut s'agir de Thourout.

M. Delehaye. - Puisque M. le ministre des finances ne nie pas le fait, il est donc réel ?

M. le ministre des finances (M. Smits) - Je dis qu'une enquête se fait à cet égard ; je n'en sais rien.

M. Delehaye. – Comment un ministre des finances ne sait-il rien de pareilles choses ?

M. le ministre des finances (M. Smits) - Peut-on demander qu'un ministre des finances connaisse toutes les communes, tous les hameaux qui sont dans le rayon de la douane. Si j'étais ministre depuis trois ans, je le concevrais ; mais je suis au département des finances depuis deux mois, tout au plus. Il m'est impossible de connaître tous les détails d'une administration telle que celle des douanes.

M. Delehaye. - M. le ministre des finances est étonné de ce que je trouve étrange qu'un ministre des finances en Belgique ne sache pas si une localité importante fait ou non partie du rayon de la douane....

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) (s'adressant à M. Delehaye.) - De quelle localité parlez-vous ?

M. Delehaye. - Je parle de la localité qui a été signalée : mais je prie MM. les ministres de ne pas m'interrompre. A peine ai-je dit deux mots que je suis interrompu par deux ministres. Il m'est impossible de continuer ainsi.

Je dis qu'il est fort étrange qu'en Belgique, pays composé de 9 provinces et qui a 4 millions d'habitants, un ministre qui a depuis quatre mois le portefeuille des finances ignore si une localité importante a été soustraite légalement aux rayons de la douane. Je demande ce qui en est ; il est tout naturel que je fasse cette question, mais il est fort étrange que M. le ministre ne puisse pas y répondre.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Il ne s'agit pas de savoir si une ville est dans le rayon de la douane, ou si elle n'y est pas ; mais si la distraction de cette ville du rayon de la douane est légal ou illégal. J'ai réclamé des renseignements à cet égard ; quand ils me seront parvenus, je les communiquerai à la chambre. C'est un fait intérieur à mon administration ; je n'ai sur ce fait aucune notion ; il n'y a rien là que de très naturel.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - L'honorable membre s'est opposé à mon interruption ; cependant ma question était toute naturelle. Je lui rappellerai qu'à cet égard e ne me suis pas montré aussi susceptible que lui l'autre jour ; car il a demandé à pouvoir m'interrompre ; je me suis empressé d'y consentir. La question que je lui ai faite est celle-ci :

Est-ce Turnhout ou Thourout dont vous avez entendu parler ? Avant tout, il faut savoir de quelle localité il s'agit. Les uns disent Thourout, les autres disent Turnhout. L'honorable membre lui-même a varié sur ce point. (On rit.) Si c'est de Turnhout qu'il s'agit, il y a longtemps que cette ville est hors du rayon de la douane. Cela est antérieur à mon administration ; c'est, je crois, même antérieur à celle de l'honorable M. d'Huart. Je me rappelle que, lorsque j'étais aux finances, j'ai envoyé exprès sur les lieux un inspecteur des douanes, pour me rendre compte de la nécessité qu'il pouvait y avoir de faire rentrer Turnhout dans la ligne de douanes, et le projet de loi présenté par moi le 12 décembre 1839 fait rentrer cette ville dans la ligne des douanes.

M. Rodenbach. - Thourout est à six lieues de la frontière ; ainsi il n'est pas question là de formalités douanières. Il ne peut être question que de Turnhout, ville exempte des formalités de la douane, quoique assez rapprochée de la frontière, et qui, d'après le projet de loi présenté, comme on vient de le dire, serait comprise dans la ligne des douanes.

M. Delehaye. - A l'une des séances de cette semaine, l'honorable M. Manilius a indiqué plusieurs localités comme des foyers de fraude. Il a interpellé à ce sujet le ministère qui n'a pas répondu. M. le ministre dit qu'il a demandé des renseignements et qu'il les communiquera à la chambre. Fort bien ; nous les attendons. Je lui dirai néanmoins que le rayon de la douane est fixé par la loi et ne peut être changé par arrêté. M. le ministre dit que cela n'a pas eu lieu sous son administration. Je veux bien le croire ; je n'ai pas dit que ce fût sous son administration ; je l'ignore ; mais j'ai invité le gouvernement, s'il a des sentiments réels de bienveillance pour le commerce, à prendre des renseignements sur la fraude qui se fait. Voilà le vœu que j'ai exprimé et que je me croyais en droit d'exprimer à l'occasion de l'article en discussion.

M. Mercier. - Messieurs, la ville de Turnhout se trouve effectivement en dehors du rayon des douanes, bien qu'elle ne soit pas située à un myriamètre de l'extrême frontière ; ainsi que l'a fait observer M. le ministre des travaux publics, il y a plusieurs années que le tracé de la ligne des douanes a été opéré en exécution de la loi ; cependant l'industrie a plus d'une fois fait entendre des plaintes au sujet de la fraude qui se pratiquait dans cette localité ; mais des doutes se sont élevés sur la question de savoir, si une fois la ligne circonscrite pour satisfaire au prescrit de la loi, les pouvoirs du gouvernements n'étaient pas épuisés et s'il pouvait encore la modifier. Quoi qu'il en soit, un projet de loi a été présenté par l'honorable M. Desmaisières, lorsqu'il était à la tête du département des finances pour parvenir à une répression plus efficace de la fraude ; si ce projet est adopté et qu'ainsi la législature trouve qu'il n'y a pas de motifs prépondérants pour que la ville de Turnhout et d'autres localités de la même importance soient laissées en dehors du rayon, on pourra obvier au mal signalé par l'honorable M. Delehaye.

- La discussion générale est close.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration générale

Articles 1 à 6

« Art. 1. Traitement du ministre : fr. 21,000. »


« Art. 2. Traitement des fonctionnaires et employés : fr. 423,000. »


« Art. 3. Frais de tournées du Ministre et des fonctionnaires supérieurs : fr. 8,000. »


« Art. 4. Matériel : fr. 35,000. »


« Art. 5. Service de la monnaie : fr. 7,200. »


« Art. 6. Multiplication des carrés et coussinets pour la fabrication des diverses monnaies, et frais de comptage : fr. 30,000. »

- Ces articles sont mis aux voix et adoptés.

Article 7

La chambre passe à l'art. 7 ainsi conçu :

« Art. 7. Magasin général des papiers pour l'administration centrale et les provinces : fr. 117,000. »

M. Angillis. - Je vois que la cinquième section a appelé l'attention de M. le ministre sur la qualité du papier timbré. Il parait que M. le ministre n'a pas répondu à cette observation, Je dois répéter que le papier timbré est d'une si mauvaise qualité qu'on a de la peine à écrire sur le verso ; cependant des notaires sont obligés de se servir de ce papier pour leurs actes authentiques et la plupart de leurs minutes sont d'une haute importance et sont destinées à durer des siècles. Si la régie veut débiter du papier de mauvaise qualité, qu'on nous laisse la faculté de faire timbrer à l'extraordinaire du papier de notre choix.

Mais non, on nous force de nous servir de papier de mauvaise qualité. Si cependant, on consacrait deux centimes à l'achat du papier qu'on nous vend 90 cent., nous aurions du papier de la meilleure qualité possible. Il y a dans cette mauvaise spéculation un renversement d'idées que je ne puis concevoir.

Je me borne à attirer sur cet objet l'attention de M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Les observations de la cinquième section ne m'avaient pas échappé. J'ai pris des renseignements. Il en résulte qu'en effet de mauvaises fournitures auraient été faites. Une fourniture montant à 15,000 fr. a été rejetée, il y a peu de temps. Je veillerai à ce que les fournitures répondent au désir de l'honorable préopinant. Je crois pouvoir assurer que maintenant la qualité du papier répond à toutes les exigences.

- L'art. 7 est mis aux voix et adopté.

Article 8

« Art. 8. Frais de rédaction et de publication de documents statistiques : fr 5,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Administration du trésor dans les provinces.

Article premier

« Art. 1. Traitements des directeurs : fr. 86,550. »

M. Delehaye. - Messieurs, je me sois rendu à la cour des comptes pour examiner la division qui était faite de la somme de 86,550 fr., et j'ai trouvé dans cette division des inégalités assez étranges. Mais sans m'arrêter à ces inégalités, je vous signalerai un autre fait plus étrange encore ; c'est qu'indépendamment des traitements portés à cet article du budget, il est des directeurs du trésor qui touchent encore un autre traitement. J'ai trouvé, par exemple, que le directeur du trésor de Bruxelles, indépendamment de son traitement de 11,600 fr., recevait un supplément de 7,407 fr., ce qui porte ses appointements à 19 mille et quelques francs. J'ai découvert encore que le directeur du trésor du Hainaut, indépendamment de son traitement de 11,000 fr., reçoit encore un supplément de 5,291 fr., ce qui élève son traitement à 16 mille et autant de francs.

J'ai comparé ensuite quels pouvaient être les travaux des deux fonctionnaires que je viens de citer, eu égard à ceux des directeurs du trésor des quatre provinces, et je me suis difficilement expliqué comment il se faisait que le directeur du trésor d'Anvers ne recevait que 9,800 fr., celui de Gand que 9,500 fr., et celui de Liége que 9,500 fr., tandis que ces provinces fournissent certainement une besogne aussi importante que celle dont sont chargés les directeurs du trésor à Mons et à Bruxelles.

Il paraît que les deux traitements dont j'ai parlé ont été élevés, parce que les fonctionnaires qui les reçoivent avaient anciennement les mêmes appointements. Mais vous remarquerez qu'il y a eu une époque où ces anciens traitements ont été diminués. Il y a eu quelques années après la révolution, de 1830 à 1836 ou 1837, où les traitements n'étaient que de 11,000 fr., et certainement ils étaient bien suffisants.

Je demanderai les dispositions légales sur lesquelles on s'est appuyé pour accorder ces anciens traitements. D'ailleurs, si on a cru bien faire, comment n'a-t-on pas donné des renseignements à la chambre ? Vous portez 86,550 fr. au budget pour les traitements des directeurs, et nous qui votons en confiance, nous croyons que cette somme est suffisante, tandis qu'elle est en dessous de la réalité de 5 et 7 mille fr., c'est-à-dire de 12,000 fr.

Messieurs, si cette somme de 12,000 francs était partagée entre tous les directeurs du trésor, eu égard à l'étendue de leur besogne, je pourrais lui donner mon assentiment ; mais elle n'est donnée qu'à deux fonctionnaires, tandis qu'il y en a sept autres qui n'y participent pas, bien que leur travail soit le même. Je demande si on peut raisonnablement continuer un pareil système et s'il ne conviendrait pas de retrancher du budget une somme de 12,000 fr.

Pour ma part, il faudra que le chiffre du budget soit réduit de cette somme pour que je lui donne mon assentiment.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, si l'honorable préopinant avait parcouru l'ensemble du budget, il se serait assuré que rien n'est soustrait au contrôle de la chambre ; que celle-ci sait parfaitement que les allocations ordinaires accordées aux payeurs du trésor ne se bornent pas seulement à une somme portée à l'article en discussion, mais qu'indépendamment de ces allocations, un traitement supplémentaire est alloué à deux d'entre eux sur le budget de la dette publique.

Messieurs, ces traitements extraordinaires proviennent d'une cause toute naturelle, c'est que les deux comptables auxquels l'honorable M. Delehaye a fait allusion sont des anciens receveurs généraux, et on a tenu compte de ces circonstances en augmentant leurs traitements.

Quant à ce qui concerne spécialement le directeur du trésor de Bruxelles, je ferai observer qu'avec ses appointements, qui paraissent si considérables à l'honorable M. Delehaye, il peut suffire à peine aux frais qu'il est obligé de faire. Car ce directeur paie à lui seul près de la moitié des sommes qui rentrent au trésor, c'est à dire près de 50,000,000 de francs. Il a donc besoin d'un personnel considérable et c'est de son propre traitement qu'il doit payer ce personnel.

S'il y avait une justice à faire ce serait d'augmenter ces traitements qu'on trouve trop élevés. Quant à moi, je suis loin de les trouver trop exagérés et je les crois au contraire au-dessous de ce qu'ils devraient être.

M. Delehaye. - Quand j'ai dit que la chambre votait la somme de 86,550 fr. avec confiance, j'ai entendu dire qu'elle croyait que le montant des traitements des directeurs du trésor ne s'élevait pas au-dessus du chiffre pétitionné. En effet, lorsque vous voyez un chapitre intitulé : Traitements des directeurs, vous vous figurez probablement que ces traitements se bornent à la somme indiquée, et cependant il n'en est pas ainsi, ils s'élèvent à une somme supérieure de 12,000 fr.

M. le ministre des finances, pour justifier le supplément d'allocation donné au fonctionnaire de Bruxelles, vous a dit que si on avait égard à la besogne dont il est chargé, il faudrait encore porter ses appointements à un chiffre plus élevé. Mais ce n'est pas pour les services qu'il rend qu'on lui paie un traitement aussi élevé, c'est parce qu'il avait le même traitement avant la révolution ; car on ne pourrait invoquer le même motif en faveur de son collègue de Mons, qui, de l’aveu même de M. le ministre, n'a pas plus de besogne que le directeur du trésor à Liége, que le directeur du trésor a Gand.

M. le ministre trouve qu'un traitement de 19,000 francs n'est pas assez élevé. Mais s'il en est ainsi, que ferez-vous pour un ministre, pour un président de la cour de cassation, pour une infinité de fonctionnaires qui se trouvent sur un rang beaucoup plus élevé qu'un directeur du trésor ? Vous devrez donc élever les appointements des ministres au chiffre de 30,000 francs ; ceux du président de la cour de cassation à 22 ou 23,000 fr. Et où arriverez-vous avec un pareil système ? Vous avez déjà un budget de 105 millions ; vous le verrez bientôt s'élever à 110 ou 115 millions.

Je dis que, pour ma part, je ne puis donner mon assentiment à des traitements aussi élevés, et qu'une somme de 86,550 fr. doit être suffisante.

J'ai dit que la chambre ignorait que certains de ces fonctionnaires jouissent de suppléments de traitement ; et en effet, j'invoque sur ce point le témoignage de la plupart de mes collègues, quand dans les sections nous avons vu la somme pétitionnée, nous avons cru qu'elle devait suffire.

D'ailleurs, si les deux fonctionnaires dont il question, avaient droit à un traitement aussi élevé, ils auraient pu invoquer leurs droits immédiatement après la révolution. Mais pas du tout, ce n'est qu'en 1835 ou 1836 que ce traitement leur a été payé. S'il leur était dû, je ne concevrais pas non plus pourquoi on ne leur aurait pas payé l'arriéré. C'est là une question que j'adresse à M. le ministre.

M. le ministre des finances (M. Smits) – Je ferai remarquer que la somme de 86,550 fr. forme le traitement normal des directeurs du trésor, et s'il y a un supplément de traitement pour deux d'entre eux, c'est parce que ces deux fonctionnaires sont d'anciens receveurs-généraux auxquels il était équitable d'accorder un supplément. Ce supplément figure déjà au budget de la dette publique ; lorsque les comptables dont il s'agit seront décédés ou retraités, l'augmentation de traitement ne sera plus accordée à leurs successeurs et alors on pourra proposer à la chambre de régler les appointements de leurs successeurs comme ils doivent l'être. Car ce n'est pas avec 8,000 francs qu'on peut suffire à payer 5 à 6 mille francs à des employés, alors, comme je l'ai déjà fait observer, que le directeur du trésor de Bruxelles a près de 50 millions à payer et que sa responsabilité est trop grande pour les bénéfices que sa place lui rapporte.

M. Mercier. - Je partage entièrement l'opinion de M. le ministre des finances, quant aux traitements des directeurs du trésor. Mais je crois qu'il est encore une observation à faire sur ce qu'a dit l'honorable M. Delehaye. L'honorable membre pense que les deux directeurs dont il est question ne sont pas fondés à obtenir l'indemnité qui leur est accordée, attendu, dit-il, que pendant plusieurs années, ils n'en ont pas joui, et qu'ils ne l'ont pas même réclamée. C'est là une erreur.

Les directeurs du trésor qui jouissent de supplément de traitement n'ont pas cessé de réclamer ce supplément ; le gouvernement a reconnu de tout temps qu'il leur était dû ; et même chaque année, il vous a demandé dans le budget la somme intégrale des traitements d'attente et des suppléments de traitement. Mais chaque année, jusqu'à 1839, la chambre a rejeté une partie de cette allocation et n'en a adopté que moins de la moitié ; de sorte que force a bien été au gouvernement de réduire l'indemnité des directeurs du trésor, tout en reconnaissant qu'ils avaient droit à son intégralité.

Mais en 1840, après l'exécution du traité, la chambre a senti qu'il était équitable d'accorder l'allocation tout entière, et elle l'a admise. Ainsi, tout ce qui s'est fait est parfaitement légal. Je le répète, l'honorable M. Delehaye se trompe lorsqu'il croit qu'il n'y a pas eu de réclamations, ou que le gouvernement ne les a pas reconnues fondées, C'est tout le contraire. Toujours il y a eu des réclamations ; toujours le ministère les a jugées équitables et la chambre les a aussi reconnues telles en adoptant l'allocation qui y était relative au budget de 1840.

M. Delehaye. - L'honorable M. Mercier a mal compris mes paroles ; je n'ai pas dit que les fonctionnaires dont il s'agit n'avaient pas réclamé. Je sais que lorsqu'on veut avoir un subside, on ne manque pas de réclamer. Aussi n'est-ce pas du défaut de réclamation que je me suis plaint ; c'est de ce qu'on avait écouté ces réclamations.

On nous dit qu'on a accordé un supplément de traitement à ces fonctionnaires parce qu'ils y ont droit. Mais je répète que si vous le leur avez accorde parce qu’ils y avaient droit, il fallait payer l'arriéré ; et c'est ce que vous n'avez point fait.

Maintenant M. le ministre des finances nous dit que le chiffre de 86,550 fr. est le traitement normal. Mais je ferai remarquer que le subside qui figure au budget de la dette publique sous le nom de Wachtengel**, est destiné à des traitements d'attente, c'est-à-dire à rétribuer des fonctionnaires qui se trouvent sans emploi, n'ont pu être replacé. Le mot wachten indique suffisamment la destination de ce crédit.

On prétend que la chambre a eu connaissance de ce qu'elle faisait, mais je persiste à croire qu'elle l'ignorait. J'ai parlé à plusieurs de mes collègues qui ont été fort étonnés de ce que certains fonctionnalités recevaient des traitements jusqu'à concurrence de 20,000 fr., alors que ces traitements figuraient pour un chiffre moindre au budget, c'est donc avec raison que j'ai signalé ce fait à la chambre, que deux employés des finances ne recevaient pas les appointements portés au budget, mais des appointements supérieurs de 5 et 7 mille fr.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, les suppléments de traitement accordés à deux anciens receveurs généraux, aujourd'hui directeurs du trésor, ont été portés au budget de la dette publique où ils ont leur place naturelle, et ils y sont portés avec un libellé qui indique suffisamment leur destination.

C'est moi, messieurs, qui, en qualité de ministre des finances, ai soumis à la chambre le budget de 1840, et, comme vient de le dire l'honorable M. Mercier, j'ai, ainsi que mes prédécesseurs l'avaient toujours fait, mais à la vérité sans succès complet, porté au budget les traitements supplémentaires en entier, pour les directeurs du trésor, comme pour tous les autres anciens fonctionnaires qui jouissaient de toelagen ; j'ai été assez heureux pour faire enfin rendre justice à ces fonctionnaires. Car, messieurs, c'était pour eux un droit acquis que ces traitements supplémentaires.

La chambre l'a très bien compris et elle a agi en pleine connaissance de cause ; car j'ai fourni à la section centrale, comme pourrait le dire l'honorable rapporteur d'alors, M. de Brouckere, que je regrette de ne pas voir présent à la séance, j'ai fourni à la section centrale du budget de la dette publique ; l'état nominatif de tous les fonctionnaires qui avaient droit à des traitements supplémentaires. La section centrale, d'après ces renseignements, a proposé à la chambre l'adoption du crédit demandé ; il y a eu ensuite une discussion qui n'a pas été très longue à la vérité, mais il y a eu une discussion dans laquelle je me rappelle fort bien avoir pris la parole, et après cette discussion la chambre a adopté le chiffre tel qu'il était proposé.

M. Brabant. - Je crois inutile, messieurs, de donner encore beaucoup d'explications sur le point qui a été soulevé par l'honorable M. Delehaye, après celles qui ont été données par M. le ministre et par M. Mercier. Je ferai seulement remarquer que si la question pouvait se présenter d'une manière très opportune dans la discussion du budget de la dette publique, elle ne vient plus à propos maintenant, puisqu'elle se trouve décidée par le vote de ce budget. M. le ministre des finances s'est trompé s'il a employé l'expression de Wacht gelden, c'est de toelagen**. qu'il s'agit. Or, lorsque la chambre a voté le crédit demandé pour les toelagen elle savait très bien ce qu’elle faisait. La question des suppléments est donc décidée, et il ne s'agit plus maintenant que des traitements fixes. Or, à cet égard, je crois qu'il n'y a pas de contestation.

- Le chiffre est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Caisse générale de l'Etat : fr. 220,000. »

- Cet article est adopté sans discussion.

Chapitre III. Administration des contributions directes, cadastres douanes et accises, de la garantie des matières d'or et d'argent et des poids et mesures

Articles 1 et 2

« Art. 1. Traitements des employés du service sédentaire : fr. 846,900. »


« Art. 2. Remises et indemnités des comptables : fr. 1,660,000. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Article 3

« Art. 3. Traitements des employés du service actif : fr. 4,763,200 »

M. Jadot. - Je ne sais pas si mon observation s'applique à cet article ou à un autre, mais enfin, en parcourant l’état des émoluments des divers employés du ministère, j'ai reconnu qu'un contrôleur aviseur qui touche au ministère des finances un traitement de 1,200 fr. en reçoit encore un de 900 fr. au département de l'intérieur. Il me semble qu'il n'est pas convenable qu'un même individu soit ainsi employé dans deux ministères différents ; il me semble encore que la besogne faite par ce contrôleur aviseur pourrait très bien être faite par des hommes experts, à beaucoup meilleur marché.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Il me semble que je ne dois pas intervenir dans la question de savoir si l'aviseur attaché à mon département touche encore un traitement dans un autre département ministériel. Tout ce que je sais, c'est que l'aviseur attaché aux finances rend des services incontestés et que son traitement de 900 fr. est loin d'être trop élevé, eu égard aux connaissances étendues dont il doit faire preuve. S'il touche encore d'un autre côté un traitement analogue, je n'ai pas à m'en préoccuper ; tout ce que je puis exiger ce sont des services réels, et ces services on les rend.

M. Jadot. - Je ferai remarquer cependant que si l'on donne ainsi 1,200 fr. d'un côté et 900 fr. de l'autre, à des individus qui pour toute besogne ont de temps en temps un examen à faire, cela coûtera extrêmement cher.

M. le président.- La section centrale a proposé d'intercaler le mot indemnités dans le libellé de l'article.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Je crois que l'intercalation s'opérera sans inconvénient, car l'article qui nous occupe ne comprend que des traitements fixes. Ce qu'il y aurait de mieux à faire pour atteindre le but que se propose la section centrale, ce serait de réduire la somme de 28,000 fr. de l'art. 3 pour la reporter à l'art. 8, qui concerne les indemnités.

M. Dubus (aîné). - Il est vrai, messieurs, que jusqu'ici l'art. 3 ne comprenait que des traitements fixes, mais dans le budget actuel on nous demande une augmentation parce que, nous a-t-on dit, le traitement de certains fonctionnaires est devenu insuffisant eu égard aux voyages et autres frais que ces fonctionnaires sont obligés de faire ; dès lors il est évident que ces augmentations de traitements sont de véritables indemnités du chef des dépenses extraordinaires dont je viens de parler. Les sections de la chambre ont fait cette remarque et elles en ont conclu qu'il ne fallait accorder l'augmentation demandée, qu'à titre d'indemnité afin que lorsqu'il s'agira de liquider les pensions des fonctionnaires dont il s'agit, la pension ne soit calculée que sur le traitement réel. Il faut donc ou que l'on ajoute le mot indemnités, ou que l'on reporte l'augmentation sur l'article où il s'agit d'indemnités. Quant au choix de l'un de ces deux moyens, je m'en rapporterai volontiers à ce que proposera M. le ministre, pourvu que l'intention des sections et de la section centrale se trouve remplie.

M. le ministre des finances (M. Smits) - La section centrale a craint que si l'on ajoutait les indemnités dont il s'agit au chiffre des traitements fixes, on ne vînt plus tard fixer les pensions d'après les deux sommes réunies. Comme je l'ai dit tout-à-l'heure, tout ce qu'il y a à faire pour remplir les intentions de la section centrale, c'est de retrancher 28,000 francs de l'art. 3 pour les reporter à l'art. 8.

M. le président. - Alors le chiffre se trouverait réduit à 4,735,200 francs.

M. le ministre des finances (M. Smits) - C'est cela.

- Le chiffre de 4,735,200 fr. est mis au voix et adopté.

Article 4

« Art. 4. Traitement des employés de la garantie : fr. 45,360. »

M. le président. - La section centrale propose une réduction de 1,500 fr. M. le ministre se rallie-t-il à cette réduction ?

M. le ministre des finances (M. Smits) - Oui, M. le président.

Le chiffre ainsi réduit est mis aux voix et adopté.

Article 5

« Art. 5. Traitement de l'inspecteur en chef et des vérificateurs des poids et mesures : fr. 58,100. »

- Adopté.

Article 6

« Art. 6. Traitements des avocats de l'administration : fr. 35,670. »

M. Fleussu. - Messieurs, en jetant un coup d'œil sur le budget des finances, vous aurez sans doute été frappés comme moi, de l'élévation du chiffre des frais d'avocats et des frais de procédure. Ce chiffre s'élève, pour le département des finances seul à la somme considérable de 125,670 fr. répartie comme suit :

Avocats de l'administration, fr. 35,670.

Frais de procédure : fr. 20,000.

Avocats de l'enregistrement : fr. 55,000.

Et d'après une pièce justificative qui se trouve à la suite du rapport, ces frais d'instance, pour l'enregistrement, peuvent s'élever encore à fr. 15,000

Total : fr. 123,670.

Eh bien, messieurs, si les renseignements qui m'ont été fournis sont exacts, comme j'ai lieu de le croire, les frais d'instance auraient été encore beaucoup plus considérables pour les exercices écoulés, ils égaleraient presque la somme totale. Je dis, messieurs, que c'est là un grand mal.

Ce mal proviendrait, d'après ce qui m'a été renseigné, de la légèreté avec laquelle les actions sont intentées, et de la légèreté avec laquelle on les poursuit à tous les degrés de juridictions ; non seulement, à ce qui paraît , on ne s'arrête pas devant la décision d'une cour d'appel, mais très souvent on va jusqu'en cassation, et lorsqu'une question a été plusieurs fois décidée dans le même sens, cela n'empêche pas l'administration d'intenter de nouveaux procès pour le même motif devant les mêmes tribunaux.

Messieurs, c'est moins à raison du chiffre qui se trouve au budget que je prends la parole, qu'à raison de l'espèce de perturbation que cela jette dans la société. C'est un grand mal sans doute que l'administration entame des procès d'une manière légère, parce que c'est engager le gouvernement dans des dépenses ; mais c'est un plus grand mal encore qu'on vienne troubler la tranquillité des citoyens. Ces particuliers, alors même qu'ils ont pleine confiance dans le succès des procès qu'ils ont à défendre, n'ont pas moins à redouter les incertitudes de l'issue de ces procès, et sont exposés, dans tous les cas, à une foule de dépenses irrécouvrables. Si les frais de justice leur sont remboursés par le gouvernement, lorsque celui-ci succombe, il n'en est pas moins vrai qu'on ne leur tient aucun compte des frais d'avocat qui restent à leur charge.

Je prierai M. le ministre des finances de vouloir bien prendre connaissance de tous les procès qui ont été intentés dans son examen, et il verra que le nombre des procès dans lesquels le gouvernement a réussi est de beaucoup inférieur à celui des causes dans lesquelles il a succombé. Cette observation, au reste, n'est pas produite pour la première fois dans cette enceinte ; elle a été présentée tous les ans, et tous les ans cependant le même chiffre est reproduit au budget.

Je prierai donc M. le ministre des finances de vouloir bien prendre cet objet en considération.

M. Lys. - Je m'associe, messieurs, aux observations que vient de vous présenter mon honorable ami, M. Fleussu ; nous n'avons cessé de nous plaindre des nombreux procès suscités par l'administration des finances. Je vous en ai déjà fait l'exposé l'année dernière, en vous citant une action portée jusqu'en cour de cassation, sur une simple question de frais après avoir dû reconnaître qu'on n'avait rien à opposer sur la condamnation au fond, contre laquelle on ne se pourvoyait pas. Vous avez aussi l'année dernière entendu les plaintes de l'honorable premier président de la cour de Liège qui vous disait que sur cinq procès le gouvernement en perdait quatre, et de l'honorable président du tribunal de Tournay, qui vous disait que les particuliers devaient souvent renoncer à leurs droits, par la ténacité de l'administration à renouveler les poursuites dans les affaires identiques.

Votre commission des finances, dans son rapport du 5 février 1840, vous disait aussi qu'elle avait émis l'avis que le gouvernement, après deux arrêts de la cour de cassation, ferait bien de réfléchir avant de continuer la résistance aux prétentions des mêmes communes. ; car, en définitive l'Etat, en causant des frais nombreux aux communes et à leurs créanciers, supporte réellement la plus forte partie des frais.

L'administration des finances n'a jusqu'à présent prêté aucune attention aux observations qui lui ont présentées, et j'en trouve la preuve dans la continuation de ses pourvois en cour de cassation pour des causes jugées souverainement et sur des titres identiques.

Le tableau que je vais vous donner est une triste preuve que je fournis contre cette administration.

« La commune de Beck. Arrêt de la cour de cassation du 30 janvier 1837, rejetant le pourvoi de l'administration contre un arrêt de la cour de Liège, du 15 décembre 1835. »

« La commune de Petit-Rechain. Arrêt du 6 mars 1837, rejetant le pourvoi contre un arrêt de Liége, du 28 juillet 1834 (rente Mathieu). »

« La même commune. Arrêt du 6 mars 1838, rejetant le pourvoi contre un arrêt de Bruxe1les, du 11 avril 1837 (rente Clermont frères). »

« La même commune. Arrêt du 29 juillet 1841, rejetant le pourvoi contre un arrêt de Liége, du 3 juillet 1840. »

« La ville de Herve. Arrêt de la cour de cassation du 3 juillet 1841, rejetant le pourvoi de l'administration des finances contre un arrêt de Liége, du 27 juin 1840 (rente due par la famille De Waha et comp.) »

« La même ville. Idem. (Mêmes dates et mêmes débiteurs de rente.)

« La même ville. Idem. (Mêmes observations.)

Causes qu'on vient de porter en cassation :

« La commune de Petit-Rechain. Arrêt de la cour de Liège, du 23 décembre 1840 (rente Dresse). »

« La même commune. Arrêt du même jour de la même cour (rente Léonard). »

« Idem (rente Arnoldy). »

Il y a pourvoi contre ces trois arrêts.

D'après cela, messieurs, je ne puis qu'engager M. le ministre des finances à faire corriger les abus graves qui existent, en apportant des améliorations à l'état actuel.

J'ajouterai que la cour de Bruxelles, dans une affaire portée devant elle, était tellement révoltée de l'injustice de la poursuite, qu'elle ne condamna pas seulement l'Etat aux frais, mais encore à des dommages-intérêts.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, ce serait sans doute un grand mal qu'une administration condamnée en première instance en appel et en cassation, revînt encore poursuivre tous ces degrés de juridiction pour des causes identiquement semblables. Ce serait pousser la fiscalité à l'extrême ; mais j'ai lieu de croire cependant que les causes que l'honorable M. Lys vient de citer, présentent des différences entre elles. Le gouvernement, d'un autre côté, est souvent obligé de défendre les intérêts de l'Etat, alors qu'il s'agit d'un grand principe d'administration. Ainsi, dans la question de la commune de Petit-Rechain, il s'agissait de savoir si l'Etat pouvait être appelé en garantie, du chef de rentes prélevées par des communes pour la construction de chaussées. C'était là une question des plus importantes ; car du moment où l'Etat était condamné pour la jouissance des routes ayant appartenu autrefois à des communes, il en résultait une espèce de revendication générale.

Quoi qu'il en soit, je prendrai bien certainement toutes les mesures pour que la fiscalité n'aille pas trop loin. Mais il faut aussi considérer, d'un autre côté, que le département des finances ne ressemble en rien, sous le rapport du contentieux, aux autres départements. Ici tout est contentieux, car tout est impôt, et il faut nécessairement poursuivre le recouvrement des revenus publics par les voies de droit, si les particuliers ne veulent pas se conformer à la loi ; les voies et moyens ne sont qu'à ce prix.

Du reste, je donne à la chambre l'assurance que j'aviserai à tous les moyens de prévenir les procès inutiles.

M. Demonceau. - Messieurs, j'ai demandé la parole, lorsque j'ai entendu M. le ministre des finances avancer que la question agitée entre les communes de Petit-Rechain et Dison, et le domaine, était une mise en cause qui pouvait avoir de l'influence sur d'autres questions ; je ferai observer à M. le ministre qu'il y avait dans l'affaire des communes de Dison et de Petit-Rechain des circonstances toutes spéciales que M. le ministre ignore probablement.

Des emprunts avaient été contractés par ces communes pour la construction de routes. Un arrangement était intervenu entre ces localités et les états du Limbourg, arrangement aux termes duquel les états s'étaient obligés à payer les rentes à la décharge des communes.

C'est en exécution du contrat qui lie le gouvernement d'une part et les communes de l'autre, que les tribunaux ont décidé que dans ce cas l'Etat est tenu de payer les dettes à charge des communes, et ce qui prouve la différence qu'il y a entre cette question spéciale et la question générale dont a parlé M. le ministre des finances, c'est que les mêmes tribunaux ont condamné d'autres communes qui se trouvaient dans le cas cité par M. le ministre.

Puisque j'ai la parole, je dirai également que, dans cette circonstance, le gouvernement, selon moi, s'est conduit de manière à occasionner beaucoup de frais aux communes, ainsi qu'au trésor. J'ai vu que le gouvernement a proposé un crédit dans le budget des finances pour payer les sommes dues, mais qui ne sont dues qu'en vertu de décisions définitives. Eh bien, le gouvernement agirait sagement, dans son intérêt même, de renoncer à tous les recours en cassation qu'il a fait exercer depuis peu contre les communes, et de liquider définitivement toutes les sommes qu'il doit payer, à la décharge des communes, aux créanciers de ces communes. Car le crédit porté au budget des finances ne suffit pas pour faire face à toutes les obligations du gouvernement. Je crois que M. le ministre des finances fait un signe d'assentiment. Ainsi nous sommes d'accord. D'un autre côté, comme l'a très bien fait observer l'honorable M. Fleussu, lorsque les communes gagnent des procès, elles n'en dépensent pas moins beaucoup d'argent en frais frustratoires. J'ai reçu dernièrement la visite de trois bourgmestres qui m'ont dit que chacune de leurs communes avait dépensé quatre mille francs en frais extraordinaires, qui n'entrent pas en taxe.

M. Dolez. - Messieurs, j'avais demandé la parole pour soumettre à la chambre les observations que vient de lui présenter l'honorable M. Demonceau. M. le ministre des finances est dans l'erreur quand il croit que la question de la commune de Petit-Rechain a l'importance qu'il vous a signalée. Il existe deux questions essentiellement différentes et qui ont été jugées d'une manière différente par la cour suprême ; une des questions avait l'importance et le caractère de généralité qu'a signalée M. le ministre des finances ; elle avait été produite par la ville de Namur, dont je défendais les intérêts : j'ai succombé, c'était une question générale : il s'agissait de savoir si le gouvernement devait des indemnités à toutes les villes et communes qui avaient construit des routes reprises depuis par l'Etat. Sous ce rapport, la question a été jugée en faveur du gouvernement. Mais dans la question relative à la commune de Petit-Rechain (et je puis en parler en connaissance de cause ; puisque c'est encore moi qui ai défendu les intérêts de cette localité), il s'agissait de routes construites par la commune, mais qui avaient été reprises par les états du Limbourg, avec la stipulation pour ceux-ci de payer, en lieu et place de la commune, les intérêts des capitaux empruntés pour la construction de ces routes. Là le gouvernement devait succomber, et il a succombé.

Mais il est à remarquer cependant que le gouvernement n'a pas jusqu'à présent ressenti les effets de cette condamnation puisqu’il ne paie pas, et il continue d'écraser de malheureuses communes par ses poursuites incessantes. Cela est tellement vrai que j'ai eu à défendre trois fois la même cause pour la même commune de Petit-Rechain. Voilà des renseignements statistiques que j'engage M. le ministre des finances à consulter.

M. le ministre des finances (M. Smits) - Messieurs, le département des finances se conformera à l'arrêt rendu, et l'honorable M. Dolez aurait pu trouver dans le budget même une preuve de sa bonne volonté de s'exécuter, puisqu’à la page 272 sont portés les intérêts des rentes à payer. Quant aux autres sommes dues du chef de la procédure soutenue contre la commune de Petit-Rechain, un crédit supplémentaire sera nécessaire et je me propose de le demander.

- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre est mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 7. Frais de bureau et de tournées : fr. 186,630. »

- Adopté

Article 8

« Art. 8. Indemnités : fr. 362,800. » au lieu, de 334,800 fr., par suite du transfert de l'art. 3.

- Ce chiffre est adopté.

Articles 9 à 12

« Art. 9. Matériel : fr. 140,000. »


« Art. 10. Crédits pour opérations cadastrales dans le Limbourg et le Luxembourg : fr. 300,000. »


« Art. 11. Indemnité pour les transcriptions des mutations : fr. 25,000


« Art. 12. Entrepôt d'Anvers : fr. 31,000. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Chapitre IV. Administration de l'enregistrement, des domaines et des forêts

Article premier

« Art. 1. Traitement du personnel de l'enregistrement : fr. 352,190. »

M. le rapporteur déclare que la section centrale renonce à l'introduction du mot indemnités qu'elle avait proposé.

M. Jadot. - D'après des renseignements que j'ai puisés à bonne source et que je crois exacts, depuis 1830 jusqu'au 31 décembre 1840 il a été expédié du magasin général pour être débités 53,597 passeports à l'extérieur, ci 53,597

A la même époque du 31 décembre, il ne restait à débiter que 11,428

Il y en avait donc de débités, 42,169

La recette qui a dû être faite de ce chef s'élève à fr. 337,352 .

Les comptes des receveurs ne renseignent que 281,823.

De sorte que l'Etat n'a pas encore reçu le prix des passeports débités au nombre de 6,941, ci 55,528.

Je signale ce fait à l'attention de M. le ministre des finances

M. le ministre des finances (M. Smits) - Je crois que cette différence peut très bien s'expliquer. Elle provient probablement des feuilles de passeports envoyées aux ministres belges à l'étranger et pour lesquelles aucune somme n'a été prélevée, Dans le principe, on a exigé qu'ils payassent la rétribution fixée par les règlements. Plus tard, on a reconnu que cela ne convenait pas, et on a décidé que les passeports délivrés par les ministres belges à l’étranger ne seraient plus soumis à la taxe ordinaire. Du reste, j'examinerai les observations présentées par l'honorable M. Jadot.

- L’article 1er est adopté.

Articles 2 à 9

« Art. 2. Traitement du personnel du timbre : fr. 49,920. »,


« Art. 3. Traitement du personnel du domaine : fr. 48,810. »


« Art. 4. Traitement du personnel forestier : fr. 225,000. »


« Art. 5. Remises des receveurs : fr. 922,635. »


« Art. 6. Remise des greffiers : fr. 41,000. »


« Art. 7. Frais de bureau des directeurs : fr. 20,000. »


« Art. 8. Matériel : fr. 28,000. »


« Art. 9. Frais de poursuites et d'instances : fr. 55,000. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Article 10

« Art. 10. Dépenses du domaine : fr. 61,300. »

M. Dumortier. - Cet article comprend une stipulation qui me paraît extrêmement grave, non pas quant au chiffre qu'elle concerne, mais quant au précédent qu'elle crée. Il s'agit de quatre rentes formant ensemble une somme de mille francs, et qui sont relatives à une condamnation prononcée contre l'Etat au profit des communes de Petit-Rechain et Dison.

J'ai pris des renseignements sur cet objet, et d'après ce qu'on m'a dit, il paraîtrait que l'Etat a été condamné par les tribunaux à la suite d'un procès intenté à ces communes à propos d'une route emprise à une époque très reculée. C'est une question extrêmement grave que celle de savoir jusqu'à quel point l'Etat belge, constitué en 1830, est redevable des dettes des gouvernements autrichien, français ou hollandais. Si un pareil précédent venait à être posé, nous pourrions exposer le pays à payer non pas quelques millions, mais cent ou deux cents millions.

Dans le sein de la législature on avait toujours écarté cette prétention. On n'avait jamais voulu trancher la question en droit ; au contraire la chambre avait toujours paru disposée à reconnaître que l'Etat constitué en 1830, n'était pas redevable des dettes contractées par les Etats antérieurs à 1830. Une pareille question ne peut pas être une question de tribunaux, mais une question internationale, une question d'Etat. Cependant nous voyons que l'Etat est aujourd'hui condamné à payer une somme annuelle de 1000 fr. pour une route expropriée à une époque de beaucoup antérieure à la constitution de l'Etat belge. Si un pareil précédent pouvait prévaloir, comme toutes les routes ont été construites aux frais des provinces ou des villes ainsi que les canaux, l'Etat se trouverait exposé à devoir rembourser aux villes et aux provinces la valeur de toutes les routes et canaux du pays.

Je vois des collègues dont l'opinion est pour moi d'un grand poids me faire un signe négatif. Je leur ferai observer que ce que je dis est de toute vérité. Les routes ont été construites par les provinces et les villes. Cela se conçoit. Les provinces et les villes faisaient Etat en Belgique. Il y a condamnation. La question a été diversement jugée. S'il était possible que la question fût tranchée par les tribunaux, il n'y a pas de motif pour qu'on ne condamne pas la Belgique à payer toutes les dettes que les gouvernements français, autrichien et hollandais ont contractés sur notre territoire. Cela est excessivement grave.

Sous le roi Guillaume de pareils abus n'étaient pas à craindre ; une législation en matière de conflits arrêtait en pareille occasion les tribunaux. Après la révolution, cette législation ne subsista pas, mais la constitution ordonna qu'une loi fût faite dans le plus bref délai sur les conflits. Jusqu'à présent nous sommes privés de cette loi. Nous n'avons pas de loi en matière de conflit, bien que depuis plusieurs années le sénat ait réclamé un projet de loi sur cet objet.

Que peut-il arriver d'un pareil état de choses ? C'est que les tribunaux, examinant toutes les questions comme de tien et de mien, comme questions d'intérêt privé, n'étant pas appelés à décider des questions internationales, des questions d'Etat, il en résultera que la Belgique pourra être condamnée à payer toutes les dettes contractées par les gouvernements antérieurs. Je ne sais où cela nous conduira ; mais cela peut passer cent millions. Je crains qu'on ne pose une prémisse qui pourrait porter plus tard des fruits bien amers. Je ne comprends pas que l'Etat puisse être condamné à payer pour création de dettes de communes, puisque l'Etat et la commune partent du même principe, du principe de la souveraineté du peuple qui est écrit en tête de notre constitution. D'après la constitution, la commune ne peut lever d'impôts ou contracter des dettes qu'en vertu des lois, de même que l'Etat ne peut lever d'impôts ou contracter de dettes qu'en vertu des lois.

Vous comprendrez donc que si des jugements pouvaient intervenir entre l'Etat et les communes ; si l'Etat était condamné à payer aux communes les sommes qu'elles réclameraient de lui, sans qu'il y eût une limite à ces condamnations, il y aurait un avenir bien dangereux pour les finances du pays.

Je désirerais avoir quelques éclaircissements avant de voter le chiffre en discussion.

M. Dolez. - Si l'honorable M. Dumortier avait été à la séance il y a une demi heure, il aurait eu les éclaircissements qu'il demande. J'ai eu l'honneur de dire que la question concernant les communes de Petit-Rechain et Dison n'est pas la question générale à laquelle il a fait allusion. La question générale a été décidée au profil de l'Etat contre les communes. La question concernant les communes de Petit-Rechain et Dison est une question spéciale dérivant d'un contrat particulier, remontant aux anciens états du Limbourg et qui créait à ces communes une position spéciale. Toute la question est donc ici de savoir si nous devons respecter les condamnations judiciaires.

M. Dumortier. - Ceci est une autre affaire.

M. Dolez. - Ce serait une chose fort grave que de mettre en question la force de la chose jugée. Le pouvoir judiciaire est un des grands pouvoirs de l'Etat. Nous devons le respecter dans l'ordre de ses attributions.

La législature ne peut mettre en question les condamnations prononcées contre l'Etat. La seule question qui vous est maintenant. soumise quant aux communes de Petit-Rechain et de Dison est celle-ci :

Le gouvernement a prétendu devant la cour de cassation, comme devant la cour de Liége, que c'était à la Hollande à supporter les charges qui pouvaient incomber à l'Etat du chef de sa garantie. La cour de cassation, par divers arrêts, conformément à l'avis du ministère public, a toujours reconnu que, par suite de l'art. 15 du traité du 19 avril, c'était à l'Etat belge à supporter les charges résultant de la construction de routes sur son territoire.

En résumé, comme je le disais, il s'agit seulement de savoir si cette condamnation doit ou non être respectée par la chambre.

M. Dumortier. - Je suis très disposé à respecter les décisions de l'ordre judiciaire, quand il ne sort pas de ses limites ; mais s'il sortait de ses limites, il serait du devoir de la chambre de ne pas les respecter et je serais le premier à demander qu'on ne votât pas les fonds nécessaires pour l'exécution d'une telle décision. Ce serait assigner à la chambre une position infime que borner sa mission à exécuter les arrêts de l'ordre judiciaire. Il est des questions importantes que les chambres ont toujours le droit d'évoquer. Ce droit qui est reconnu aux chambres dans tous les pays constitutionnels ne peut nous être contesté. Puisque ici la question de principe n'est pas tranchée, je voterai pour l'article en discussion ; mais, je le répète, nous avons toujours le droit d'évoquer les questions où l'Etat est intéressé. Dira-t-on que le pouvoir judiciaire peut créer des dépenses à charge de l'Etat et qu'il ne reste plus aux chambres qu'à les voter ? Ce système est inadmissible.

- L'art. 10 est mis aux voix et adopté.

Chapitre V. Secours

Article unique

« Art. unique. Secours à des employés, veuves ou enfants d'employés, qui, n'ayant pas de droits à la pension de retraite, ont néanmoins des titres à l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 5,000. »

- Cet article est adopté. On passe au chap. VI.

Chapitre VI. Dépenses imprévues et travail extraordinaire

Articles 1 et 2

« Art. unique. Dépenses imprévues et travail extraordinaire : fr. 18,000. »

M. Zoude, rapporteur. - D'accord avec M. le ministre des finances, je proposerai de rédiger ce chapitre comme suit :

« Art. 1er. Dépenses imprévues : fr. 14,000. »,

« Art. 2. Travail extraordinaire : fr. 4,000. »

- Les deux articles du chap. VI sont successivement adoptés.

Discussion du tableau des crédits (non-valeurs)

La chambre passe au budget des non-valeurs ainsi conçu :

Chapitre premier. Non-valeurs

Articles 1 à 5

« Art. 1. Non-valeurs sur le foncier : fr. 300,000. »


« Art. 2. Non-valeur sur l'impôt personnel : fr. 370,000. »


« Art. 3. Non-valeur sur les patentes : fr. 80,000. »


« Art. 4. Décharge ou remise aux bateliers en non-activité : fr. 60,000. »


« Art. 5. Non-valeurs sur les redevances des mines : fr. 20,000. »

- Ces articles sont adoptés.

Chapitre II. Remboursements

Articles 1 à 5

« Art. 1. Restitution de droits et amendes, etc. : fr. 30,000. »


« Art. 2. Restitution d'impôts, péages, capitaux, etc., : fr. 200,000. »


« Art. 3. Remboursement des postes aux offices étrangers : fr. 100,000. »


« Art. 4. Attribution aux employés des postes de la moitié des ports des journaux : fr. 50,000. »


« Art. 5. Attribution d'amendes forestières : fr. 12,000. »

- Ces articles sont adoptés.

Chapitre III. Péages

Article unique

« Art. unique. Remboursement du péage sur l'Escaut : fr. 650,000. »

M. Eloy de Burdinne. - Je vois que nous dépensons tous les ans 650,000 fr. pour rembourser le péage sur l'Escaut. J'appelle toute l'attention de M. le ministre des finances sur cette allocation. Je ferai remarquer qu’il est important de réviser la loi par laquelle nous consentons à ce remboursement et de la modifier en ce sens que les navires étrangers qui viennent importer des marchandises en Belgique devraient retourner chargés, car nous n’avons pas d’intérêt à ce que l’on nous apporte des marchandises dont nous n’avons que faire sans prendre rien chez nous. J’ai vu dans le rapport sur le mouvement du port d’Anvers qu’il est sorti de ce port 65 navires dont 48 avec chargement. On ne dit pas si le chargement était complet. Or, je sais que souvent on déclare comme navires sortis avec chargement, ceux qui ont pour chargement quelques bagatelles, comme un ou deux tonneaux de genièvre, quelques jambons ou autres cargaisons de cette importance. Supposez même que ces 48 navires aient eu un chargement complet, toujours est-il que 17 navires seraient sortis sur lest.

Si nous avions les moyens de faire cette dépense, ce serait très généreux et très beau de notre part ; mais nous devons être justes, et si nous remboursons des péages sur telle ou telle rivière, nous devons rembourser ou plutôt faire disparaître les péages sur les routes.

J’appelle l’attention de M. le ministre des finances sur ce point, afin que, dans l’intérêt du trésor, on puisse modifier la disposition de la loi relative au péage sur l’Escaut.

M. le ministre des finances (M. Smits) - La chambre se rappellera que le crédit dont il s’agit est la conséquence d’une loi. Cette loi, nous devons la respecter tant qu’elle existe. Elle expire en 1845. Un projet de loi tendant à la proroger sera alors présenté ; l’honorable membre aura alors l’occasion de présenter les observations qu’il jugera utiles.

M. Eloy de Burdinne. - C’est ce que j’ai dit ; mais j’ai demandé à M. le ministre des finances d’examiner cette question afin que nous cessions de rembourser ceux qui ne doivent pas être remboursés. Je conçois que nous remboursions le péage à ceux qui nous viennent chercher nos produits ; mais il n’y a aucun motif de le rembourser à ceux qui nous apportent leurs marchandises et qui retournent sur lest.

- L’article unique du chapitre III est mis aux voix et adopté.

Discussion du tableau des crédits (dépenses pour ordre)

La chambre passe au budget des dépenses pour ordre ainsi conçu :

Articles 1 à 4

« Art. 1. Extinction des bons du trésor émis en vertu de lois spéciales, jusqu’à concurrence des remboursements à effectuer par la banque de Belgique : fr. 1,000,000. »


« Art. 2. Remboursement de cautionnements versés en numéraire sous le gouvernement précédent : fr. 500,000. »


« Art. 3. Remboursement de cautionnements versés en numéraire dans les caisses du trésor public de Belgique par les comptables de l'Etat, les receveurs communaux et des bureaux de bienfaisance, etc., pour garantie de leur gestion : fr. 150,000. »


« Art. 4. Remboursement de cautionnements fournis pour garantie du paiement des droits de douane, d'accises, etc. : fr. 200,000. »

Nota. Le chiffre indiqué aux articles 3 et 4 n'est point limitatif ; il pourra s'élever dans la proportion des recettes effectuées du chef de ces cautionnements.

- Ces articles sont successivement mis aux voix et adoptés.

Contributions directesn cadastre, douanes et accises
Articles 5 à 8

« Art. 5. Réimposition sur la contribution foncière : fr. 725. »

« Art. 6. Attributions d'amendes, saisies et confiscations opérées par l'administration des contributions : fr. 120,000. »

« Art. 7. Frais d'expertise de la contribution personnelle : fr. 30,000. »

« Art. 8. Frais d'ouverture des entrepôts : fr. 14,000. »

- Ces articles sont successivement mis aux voix et adoptés.

Enregistrement, domaines et forêts
Articles 9 et 10

« Art. 9. Amendes diverses et autres recettes opérées par l'administration de l'enregistrement et des domaines (sous la réduction de 5 p. c. de frais de régie) : fr. 260,000. »

« Art. 10. Amendes de consignations et autres recettes opérées par la même administration (non assujetties à des frais de régie) : fr. 70,000. »

- Ces articles sont successivement mis aux voix et adoptés.

Fonds des tiers

Administrations générales
Articles 1 à 9

« Art. 1. Remboursement de fonds recouvrés pour les provinces : fr. 7,400,000. »


« Art. 2. Remboursement de fonds recouvrés pour les communes : fr. 1,930,000. »


« Art. 3. Remboursement de la taxe sur les chiens : fr. 200,000. »


« Art. 4. Remboursement de la taxe sur le bétail : fr. 125,000. »


« Art. 5. Remboursement des 4 et 5 p.c. perçus au profit des villes de Liége et Verviers pour pillages : fr. 18,500. »


« Art. 6. Remboursement de fonds perçus au profit des veuves et orphelins des officiers de l'armée : fr. 178,000. »


« Art. 7. Remboursement des fonds versés au profit de la commission de secours : fr. 80,000. »


« Art. 8. Remboursement des fonds versés au profit de la masse d'habillement et d'équipement de la douane : fr. 212,000. »


« Art. 9. Attributions au paiement des pensions, des retenues versées au profit de la caisse de retraite : fr. 472,000. »

- Ces articles sont successivement mis aux voix et adoptés.

Consignations (Enregistrement, domaines et forêts)
Articles 1 et 2

« Art. 1. Remboursement de consignations diverses (loi du 28 nivôse an XIII) : fr. 1,500,000. »

« Art. 2. Remboursement de consignations à titre de dépôt : fr. 2,000. »

- Ces articles sont successivement mis aux voix et adoptés.

Fonds spéciaux

Article unique

« Art. unique. Acquisition de domaines (loi du 30 juin 1840) : fr. 500,000. »

« Total des dépenses pour ordre : fr. 14,982,225. »

- Ces articles sont successivement mis aux voix et adoptés.

Vote des articles et sur l’ensemble du projet

La chambre passe à la discussion du projet de loi. Il est adopté sans observation dans les termes suivants :

« Art. 1er. Le budget du département des finances, des remboursements, non-valeurs et du péage, et des dépenses pour ordre, pour l'exercice de 1842, est fixé comme suit :

« Le budget du département des finances à la somme de onze millions deux cent cinq mille trois cent quatre-vingt-cinq francs.

« Le budget des remboursements, non-valeurs et du péage, à la somme de un million huit cent soixante douze mille francs.

« Le budget des dépenses pour ordre à la somme de quatorze millions, neuf cent quatre-vingt-deux mille deux cent vingt-cinq francs, répartis conformément aux tableaux annexés à la présente loi. »


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »


Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget, qui est adopté à l'unanimité des 62 membres présents. Il .sera transmis au sénat.

Ces membres sont :

MM. Angillis, Brabant, Cogels, Coghen, Cools, David, de Behr, de Florisone, Malou, Delfosse, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d'Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Jadot, Kervyn, Lange, Lebeau, Orts, Lys, Maertens, Mast de ries, Meeus, Mercier, Jonet, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Henot, Puissant, Raikem, Raymaeckers. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Smits, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Vandenhove, Vandensteen, Van Volxem, Zoude.

Projet de loi qui proroge celle du 22 septembre 1835, concernant les étrangers résidant en Belgique

Rapport de la commission

M. Demonceau. - Messieurs, je viens déposer le rapport de la commission qui a été chargée de l’examen du projet de loi concernant les étrangers. Ce rapport est très court, il pourra être distribué demain.

- La chambre ordonne l’impression de ce rapport et le met à l’ordre du jour de lundi, après la discussion du budget des affaires étrangères et celui de la marine.

La séance est levée à 4 heures et quart.