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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 20 novembre 1841

(Moniteur belge n°325, du 21 novembre 1841)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Kervyn fait l’appel nominal à 2 heures un quart.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance d’avant-hier, qui est approuvé.

Pièces adressées à la chambre

M. Kervyn fait connaître l’analyse de pièces suivantes.

« Lettre de M. le gouverneur de la province d’Anvers accompagnant l’envoi de cent exemplaires de la requête du conseil provincial d’Anvers aux deux chambres, en faveur du sucre exotique, et du rapport de la commission chargée de l’examen de cette affaire. »

- La chambre ordonne la distribution de ces exemplaires aux membres de l’assemblée.


« Le vicomte de Poutecoulant, ex-colonel commandant, en 1830, les forces actives du gouvernement provisoire dans les deux Flandres, commandant du corps du génie militaire à l’armée de la Meuse, renouvelle la demande qu’il a adressée précédemment à la chambre, tendant à obtenir une récompense pour ses services. »

« Le sieur Delem, entrepreneur du casernement de Liége, signale les pertes énormes causées au trésor de l’Etat par le contrat passé avec la compagnie des lits militaires. »

« Les habitants notables de la commune de Torgny (canton de Virton) demandent la séparation de la commune de Torgny de la mairie de Lamorteau, et son érection en commune distincte. »

« Les habitants et propriétaires de Saint-Léonard, dépendance de la commune de Brecht, demandent que ce hameau soit séparé de cette commune pour former une commune indépendante, de ce nom. »

- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.


« Le conseil provincial de Liége adresse des observations contre la proposition de MM. Brabant et Dubus. »

- La chambre ordonne le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la discussion.


« Les boutiquiers et marchands détaillants de la commune de Mol demandent que la chambre adopte la loi répressive du colportage. »

- Renvoi à M. le ministre de l'intérieur.


« Des habitants de Swevezeele, d’Avelghem, de Rumbeke, de la ville de Courtray, de Templeuve, Ramignies-Chin et Dottignies demandent qu’il soit établi un droit à la sortie des lins et des étoupes. »

M. Van Cutsem. – Messieurs, je désire que les pétitions dont on vient de faire l’analyse soient renvoyées à MM. les ministres de l'intérieur et des finances, comme toutes les pétitions qui ont été adressées à la chambre pour lui faire les mêmes demandes. A cette occasion, je crois aussi devoir dire au ministère que la commission d’enquête sur l’industrie linière ayant terminé ses travaux depuis quelques jours, mes commettants et moi attendons avec impatience les mesures qu’il croira devoir prendre par suite des faits qu’elle a constatés ; je dis avec impatience, parce que la position de ceux qui trouvaient, il y a quelques années, des moyens d’existence dans le produit de cette antique branche de notre prospérité nationale, devient intolérable aujourd’hui, et ce qui le prouve mieux que tout ce que je pourrais dire, c’est que ces pétitions que j’ai déposées sur le bureau ne sont plus l’œuvre des fileuses et des tisserands seulement mais bien celle de ce que l’arrondissement de Courtray renferme de plus distingué parmi les propriétaires et les personnes de toutes les professions, ce qui démontre encore, messieurs, qu’il est urgent de prendre les mesures que les pétitionnaires réclament, c’est que les étrangers encore dans ce moment enlèvent tous nos lins, que plusieurs de nos marchands de toile de Courtray viennent de recevoir des ordres de France pour acheter des toiles 7/4, 8/4 et 10/4, qu’ils se sont rendus sur les rives de l'Escaut, lieux de provenance pour les acquérir en offrant aux tisserands des prix qui devaient satisfaire les exigences les plus fortes, et qu’il leur a été répondu qu’on ne pouvait leur livrer ces toiles parce qu’on avait vendu à l’étranger les lins propres à cette espèce de fabrication ; ce qui l’établit encore, c’est que des fabricants de fil que je pourrais nommer au besoin, et qui viennent de recevoir des ordres de la France pour y expédier des fils faits à la main, n’ont pu y faire honneur parce que la matière première leur manquait.

Que le ministère ne perde pas de vue qu’une population de trois à quatre cent mille âmes, qui est dans le besoin, pourra sous peu lui créer de graves embarras, s’il ne se met à même de lui répondre : « J’ai fait pour vous tout ce que vous me demandez, si votre industrie tombe, je n’ai rien à me reprocher. » Mais qu’il prenne les mesures que nous sollicitons de lui, et notre industrie prospérera, parce qu’il y aura toujours entre nos toiles faites avec le fil à la main et celles faites avec le fil mécanique, la différence qu’il y a entre le tulle et la dentelle ; les gens aisés et ceux qui calculeront bien donneront la préférence à nos toiles faites avec le fil à la main ; on délaissera les toiles faites avec le fil mécanique, pour porter les toiles faites avec le fil à la main, comme on a abandonné les tulles pour en revenir à nos belles dentelles.

J’ose donc espérer qu’à présent que le ministère a tous les renseignements possibles pour statuer en connaissance de cause sur la question dont la chambre l’a saisi, sa décision ne se fera plus attendre, qu’il nous présentera sous peu un projet de loi qui satisfera les besoins de l'industrie que j’ai mission de défendre et de soutenir dans cette enceinte.

- La proposition de M. Van Cutsem est adoptée ; en conséquence la pétition est renvoyée à MM. les ministres de l’intérieur et des finances, et l’insertion au moniteur est ordonnée.

Projet de loi qui proroge les dispositions de la loi du 28 décembre 1840, relative à l'entrée et à la sortie de l'orge

Dépôt

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) monte à la tribune et donne lecture d’un projet de loi relatif à l’entrée de l’orge.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet de loi, et le renvoie à l’examen de l’ancienne commission chargée de l’examen du projet de loi sur le même objet, adopté à la session dernière.

Pièces adressées à la chambre

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) donne les renseignements suivants sur la récolte des pommes de terre en 1841 :

Dans les provinces du Brabant, d’Anvers, de Liége, du Limbourg et du Luxembourg, la récolte des pommes de terre est ou satisfaisante, ou bonne ou abondante. Dans le Hainaut, elle équivaut, sous le rapport de la quantité, à la moitié de la récolte d’une année ordinaire ; la qualité en est médiocre.

Dans la Flandre orientale, la récolte des pommes de terres est médiocre ; dans la Flandre occidentale, elle n’équivaut qu’à une demi-récolte. Aussi la commission d’agriculture de cette dernière province pense-t-elle qu’il y a lieu de défendre la sortie de ce produit.

En général, dans les terres basses et les polders, les pommes de terre ont mal réussi cette année ; mais elles ont été d’un bon produit et de qualité excellente dans les terrains plus élevés.

Jusqu’à présent, le gouvernement n’a pas arrêté de mesure à prendre.


M. Scheyven – Dans une des séances précédentes, vous avez renvoyé à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport, de pétitions des brasseurs de Malines et de Louvain par lesquelles on demande la prorogation de la loi relative à l’entrée de l’orge. Comme M. le ministre vient de vous présenter un projet de loi ayant pour objet cette prorogation, je pense qu’il convient de revenir sur cette décision et de renvoyer ces pétitions à la commission chargée de l’examen de ce projet de loi.

- La proposition de M. Scheyven est adoptée.

Projet de loi sur la pêche nationale

Dépôt

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, le discours de la couronne annonce la présentation d’un projet de loi destiné à favoriser la pêche nationale. En conséquence, le Roi a autorisé M. le ministre des finances et moi à retirer le projet qui vous a été présenté le 1er mai 1837. Le nouveau projet est trop étendu pour que vous jugiez à propos d’en entendre la lecture. (Oui ! oui ! l’impression.) J’aurai donc l’honneur de le déposer sur le bureau avec l’arrêté de retrait du premier projet.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet de loi et le renvoie à l’examen des sections.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget de la dette publique

Rapport de la section centrale

M. Osy présente le rapport suivant au nom de la section centrale chargée d’examiner le projet ouvrant au ministère des finances un crédit de 504,000 fr., pour servir au paiement d’un semestre d’intérêt (du 1er mai au 1er novembre 1840) de l’emprunt de 20,160,000 fr., contracté le 21 septembre 1840 avec la Société générale pour favoriser l’industrie nationale.

Messieurs, le projet de loi présenté dans la séance du 13 novembre a été examiné dans les sections et par la section centrale.

La première section a demandé comme le gouvernement fera face aux derniers mois de 1840.

Cette demande se trouvera résolue par le rapport que je vais avoir l’honneur de vous faire sur la demande de crédit pour les intérêts de l’emprunt de 86,940,000 fr. pour l’année 1841.

Vos sections ont demandé la communication du traité du 21 septembre 1840, sans faire d’observations contre l’adoption du projet de loi.

Votre section centrale, ayant examiné le traité dont M. le ministre a donné communication, a adopté, à l’unanimité, le crédit demandé pour payer les intérêts d’un semestre de l’emprunt de 20,160,000 fr., montant à 504,000 fr. sur l’exercice 1840.

Je suis donc chargé, messieurs, de vous proposer l’adoption de la loi dont il s’agit.


M. Osy présente le rapport, au nom de la section centrale chargée d’examiner le projet de loi ouvrant à M. le ministre des finances, un crédit supplémentaire de 1,916,400 fr., sur l’exercice 1841, pour complément des intérêts et amortissement de l’emprunt de 86,940,000 fr. de capital nominal.

Messieurs, le projet de loi présenté dans la séance du 13 novembre 1841 a été examiné dans les sections et aujourd’hui par la section centrale.

Vos sections ont fait leur rapport et ont demandé la communication du traité d’emprunt.

M. le ministre s’est empressé de communiquer à votre section centrale le traité fait, le 10 novembre 1840, avec la maison Rothschild et la Société générale, pour le complément de l’emprunt de 82 millions de francs effectifs, décrété par la loi du 26 mai 1840 ; et n’ayant amené aucune discussion, il a été décidé par la section centrale de vous proposer l’adoption du projet de loi, mais, pour le rendre plus clair et pour faire suite à la demande du crédit de 504,000 fr., de dire, au lieu de : « pendant l’année 1841 », pour les échéances de 1841.

- La chambre décide que les projets de loi seront mis immédiatement en discussion.

Discussion générale (premier projet)

Le premier projet de loi est ainsi conçu :

« Art. 1er. Il est ouvert au gouvernement un crédit de cinq cent quatre mille francs (504,000) pour servir au payement d’un semestre d’intérêt (du 1er mai au 1er novembre 1840) de l’emprunt de 20,160,000 fr., contracté le 21 septembre 1840 en vertu de la loi du 26 juin 180, n°264. »

« Art. 2. Cette allocation formera l’article 14 du chapitre 1er du budget de la dette publique pour l’exercice 1840. »

« Donné à Bruxelles, le 11 novembre 1841. »

M. Angillis – Messieurs, il résulte du rapport de la section centrale que les sections ont demandé la communication de l’emprunt contracté avec MM. Rothschild et compagnie ; que M. le ministre s’est empressé de communiquer ce traité à ladite section et que cette communication n’a soulevé aucune discussion.

Mais, messieurs, il y a encore 88 membres qui n’ont pas eu occasion d’examiner ce traité. Je demande donc que si M. le ministre ne trouve pas d’inconvénient à déposer ces pièces sur le bureau de M. le président, il fasse ce dépôt pour que tous ceux qui veulent en prendre communication, puissent le faire, et j’y vois d’autant moins d’inconvénient que l’emprunt étant exécuté, il n’y a plus de secret possible, et s’il y en avait, nous saurions garder le secret à 88, aussi bien que MM. les membres de la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Smits) – Messieurs, il a toujours été dans les habitudes de la chambre de ne jamais demander des communications de ce genre. La chambre a probablement compris que, dans des circonstances données, il pouvait en résulter des inconvénients et même quelques inconvénients pour le crédit du pays. Je n’ai pas hésité, messieurs, à communiquer le traité à la section centrale ; je pense que je pourrais encore le communiquer à la section centrale qui sera chargée de l’examen du budget des voies et moyens et de la dette publique, mais il me semble que cette double communication doit suffire. Cependant, si la chambre en jugeait autrement, je me conformerais à sa décision.

M. Angillis – Messieurs, je vois avec étonnement que M. le ministre me répond par une fin de non-recevoir ; je ne demande pas la publicité, je demande la communication ; et comme chacun de nous représente la nation, nous devons connaître, au nom de la nation, les emprunts qu’on fait pour elle et en son nom, ainsi que l’emploi qu’on en fait. Je demande au bureau qu’il veuille bien acter dans le procès-verbal et ma demande et la réponse déclinatoire de M. le ministre.

En attendant que je puisse prendre d’autres mesures, je voterai contre les deux projets de loi.

M. le ministre des finances (M. Smits) – L’honorable M. Angillis vient de justifier entièrement les paroles que j’ai prononcées tout à l’heure, puisque lui-même reconnaît que jusqu’ici la chambre n’a pas encore pris connaissance des contrats faits antérieurement. Toutefois, j’ai déclaré, et je déclare encore, que si la chambre désirait que le gouvernement lui communiquât les documents en question, je me conformerais à ce désir.

M. Dubus (aîné) – M. le ministre des finances a promis tout à l’heure de communiquer la pièce dont il s’agit, non seulement à la section centrale du budget des voies et moyens, mais encore à la section centrale du budget de la dette publique. Comme l’honorable M. Angillis fait partie de la section centrale du budget de la dette publique, il pourra plus tard prendre communication de la pièce, et il jugera alors lui-même si, comme le pense M. le ministre des finances, la publicité donnée à cette pièce aurait des inconvénients. Ainsi, il me paraît que ce qu’il y a de mieux à faire maintenant, c’est, non pas de prendre une résolution précipitée, mais d’attendre que les sections centrales des budgets dont il s'agit se soient livrées à leurs travaux.

M. le ministre des finances (M. Smits) – Messieurs, je désire que la chambre ne se méprenne pas sur mes intentions ; je n’ai pas voulu dire qu’il y avait des inconvénients à déposer la pièce dont il s'agit sur le bureau ; mais j’ai dit que la chambre avait toujours cru qu’il pouvait y avoir des inconvénients à livrer de semblables documents à la publicité ; j’ai parlé d’une manière générale, et je n’ai pas entendu dire que la publicité du contrat dont il est question pouvait, en particulier, présenter des inconvénients.

M. Osy, rapporteur – Messieurs, nous avons vu hier les deux contrats d’emprunt, et nous n’avons trouvé aucun inconvénient à ce qu’on les livrât à la publicité ; toutefois nous n’avons pas voulu prendre sur nous de leur donner de la publicité dès aujourd’hui. Je propose que les traités soient déposés sur le bureau du président, pour que chaque membre puisse en prendre inspection, avant le vote du budget de la dette publique.

M. Demonceau – Messieurs, il nous est arrivé souvent d’avoir de semblables communications, et toujours nous avons pensé qu’il était de l’intérêt du gouvernement même que ces documents ne fussent pas publiés ; je pense que la communication de ces pièces à la section centrale suffit. Pour nous, il nous a paru que le gouvernement avait usé de la loi telle qu’elle été votée, et si nous avions cru que dans cette circonstance l’Etat n’était pas lié aux termes des prescriptions de la loi qui a autorisé le gouvernement à contracter les emprunts, nous aurions eu soin de signaler le fait à l’attention de la chambre ; au sein de la section centrale se trouvait un membre qui était plus à même que personne de donner des renseignements, puisqu’il avait fait partie de l’administration qui avait contracté les emprunts ; nous avons pensé qu’il n’y avait aucune nécessité à livrer à la publicité les documents à nous confiés. Quant à la question de savoir s’il convient que tous les membres de la chambre en prennent connaissance, cela me paraît juste et même nécessaire, mais, je le répète, il n’y ait pas nécessité de publicité.

Discussion des articles et vote sur l'ensemble du projet (premier projet)

- Personne ne demandant plus la parole dans la discussion générale, on passe aux articles.

« Art. 1er. Il est ouvert au gouvernement un crédit d’un million neuf cent seize mille quatre cents francs (1,916,400 fr.) , destiné à pourvoir au paiement du complément des intérêts et de l’amortissement pour les échéances de l’année 1841, de l’emprunt de 86,940,000 francs de capital nominal, contracté en vertu de la loi du 26 juin 1840, n°264. »

« Art. 2. Cette allocation formera l’article 17 du chapitre 1er du budget de la dette publique pour l’exercice 1841. »

- Ces deux articles sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion.


On procède à l’appel nominal sur l’ensemble.

Le projet de loi est adopté par 56 voix contre une (celle de M. Angillis.) Il sera transmis au sénat.

Ont adopté : MM. Buzen, Cogels, Cools, David, de Behr, de Garcia de la Vega, Malou, Delfosse, Demonceau, de Nef, Huveners, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Villegas, Doignon, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Jadot, Kervyn, Lange, Lebeau, Lys, Maertens, Mercier, Jonet, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Henot, Puissant, Raikem, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, de Baillet, Simons, Smits, Trentesaux, Troye, Osy, Van Cutsem, Vandenhove, Vanderbelen, Van Volxem, Verhaegen, Zoude.

La chambre s’ajourne jusqu’à convocation ultérieure.

- La séance est levée à 4 heures.