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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du lundi 11 mai 1840
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi de crédits provisoires pour le département de la guerre
pour 1840. Rapport de la section centrale
3) Rapport sur une pétition d’un militaire appartenant à la partie cédée
du Limbourg condamné en Hollande pour avoir servi dans l’armée belge (Lebeau)
4) Rapport sur une pétition relative au chemin de fer
d’Entre-Sambre-et-Meuse (Demonceau, de Brouckere)
5) Projet de loi tendant à laisser à la disposition du gouvernement les miliciens
des classes de 1833, 1834 et 1835. Communication du gouvernement
6) Projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à contracter un
emprunt de 90 millions. Communication du gouvernement
7) Projet de loi autorisant le gouvernement à favoriser l’établissement
d’un service de bateaux à vapeur entre
8) Projet de loi tendant à modifier temporairement la loi sur les
céréales. Communication du gouvernement
9) Motion d’ordre relative au chemin de fer entre Gand et Bruges (de Roo, Rogier, Nothomb)
10) Projet de loi relatif à la compétence en matière civile. Second vote
des articles. Compétence des juges de paix (de Garcia,
Leclercq, Raikem, Metz), possibilité d’appel (Demonceau,
Lys, Leclercq, Demonceau, Raikem, Metz, Dolez, Demonceau,
Metz), compétence des tribunaux de première instance (Raikem, de Behr, Raikem,
Demonceau, Raikem, Metz, de Behr), compétence des
tribunaux de commerce (Verhaegen, de
Behr, Verhaegen, Raikem, Dolez, Leclercq, Verhaegen, Raikem)
(Moniteur du 12 mai 1840, n°133)
(Présidence de M.
Fallon)
M.
Scheyven fait l’appel nominal à 1 heure.
M. Mast de Vries lit le procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Scheyven présente l’analyse des
pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Lambert Straatman, commissionnaire
expéditeur, à Bruxelles, né à Berg-op-Zoom, demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
____________________
« Des propriétaires et cultivateurs de
- Renvoi à la commission des pétitions.
____________________
« La chambre de commerce et des fabriques de
Bruges demandent que la chambre adopte la proposition d’enquête de M. de Foere
et qu’elle soit parlementaire. »
« Même pétition des négociants de la ville de
Bruges. »
« Des
armateurs et négociants du port d’Anvers demandent que la chambre adopte la
proposition d’enquête de M. de Foere. »
« Même pétition des constructeurs, cordiers,
voiliers et fournisseurs de navires d’Anvers. »
- Ces dernières pétitions resteront déposées sur le
bureau pendant la discussion de la proposition de M. de Foere.
_____________________
« Par message en date du 9 mai, M. le ministre
des finances adresse à la chambre des explications qu’elle lui a demandées sur
la pétition de la dame veuve Catherine-Joseph Peeters, boutiquière à
Anvers. »
- Pris pour notification.
PROJET DE LOI DE CREDITS
PROVISOIRES POUR LE DEPARTEMENT DE
Rapport de la section
centrale
M. de Brouckere, rapporteur de la section centrale, monte à la
tribune et donne lecture de son rapport sur la demande d’un crédit fait par M.
le ministre de la guerre.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution
de ce rapport et décide qu’elle discutera le projet à l’ouverture de la séance
de demain.
RAPPORT SUR UNE PETITION
D’UN MILITAIRE APPARTENANT A
M. Zoude, rapporteur de la commission des pétitions, fait le rapport suivant –
Messieurs, la commission des pétitions m’a chargé de vous faire rapport sur la
pétition d’un militaire appartenant à la partie cédée du Limbourg qui a été
condamné en Hollande pour avoir servi dans l’armée belge avant le traité du 19
avril.
Le pétitionnaire, natif de Maestricht, expose à la
chambre qu’il était au service hollandais lorsque la révolution éclata ;
que, regardant
Que plusieurs de ces infortunés compagnons, se croyant
couverts par l’article 20 du traité de paix, s’empressèrent, après un exil de
10 ans, de rentrer sous le toit paternel, mais qu’ils s’en virent bientôt
arrachés pour être condamnés, les uns à 5, les autres à 10 ans de détention
pour faits de désertion.
Que plusieurs, heureusement, moins confiants dans l’application
des dispositions de l’amnistie, se trouvent en effet libre, mais sans asile,
sans feu ni lieu.
Dans un état de choses aussi déplorable, le
pétitionnaire vient prier la chambre de vouloir intervenir près du gouvernement
pour que celui-ci sollicite du cabinet de La Haye une application assez large
de l’article 20 du traité, pour qu’il lui soit permis, et à ses compagnons
d’infortune, de rentrer dans leurs familles.
Une réconciliation sincère entre les deux pays étant
recommandée autant par la politique que par l’humanité, votre commission a
l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des
affaires étrangères, avec invitation d’appuyer près du gouvernement hollandais
la réclamation du pétitionnaire.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Ce doit être un renvoi pur et simple.
M. Zoude, rapporteur – Alors je prierai M. le ministre de vouloir prendre en
considération la position malheureuse des pétitionnaires et des autres
personnes qui se trouvent dans le même cas.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Il est bien entendu, qu’aux yeux du gouvernement le renvoi a
précisément le sens que lui attribue l’honorable rapporteur. Je veux seulement
faire remarquer qu’il serait contraire aux usages de la chambre, de renvoyer la
pétition au ministre avec une recommandation spéciale ; la chambre ne peut
renvoyer une pétition au gouvernement que de deux manières : purement et
simplement, ou avec demande d’explications ; or, dans le cas actuel, il ne
peut pas s’agir de demander des explications ; il faut donc adopter le
renvoi pur et simple.
M. Zoude, rapporteur – Nous nous en rapportons à votre sollicitude.
RAPPORT SUR UNE PETITION
RELATIVE AU CHEMIN DE FER D’ENTRE-SAMBRE-ET-MEUSE
M. Zoude, rapporteur – Messieurs, les concessionnaires du chemin de fer d’entre Sambre-et-Meuse,
dans une pétition accompagnée de plusieurs pièces à l’appui, établissent
l’immense avantage que ce chemin procurerait au pays qu’il doit traverser, en
ce qu’il mettrait en contact les riches minerais de fer qui y abondent avec le
bassin houiller de Charleroy, qui possède beaucoup de fourneaux au coak, qui
obtiendraient par là un rabais dans les frais de transport qui varient de 50 à
65 p.c., tandis qu’il fournirait aux usines d’entre Sambre-et-Meuse le charbon
dont elles ont besoin ; et que dans l’état actuel des choses, elles ne
peuvent se procurer qu’à des prix de transports très élevés.
Ce chemin qui serait déjà très productif sous ce
rapport, acquerra une bien plus haute importance depuis qu’il a été décidé que
la ligne de chemin de Bruxelles à Namur passera par Charleroy.
Il deviendra bien autrement important encore lorsque
le gouvernement français aura concédé le chemin de fer qui partira de Sedan
pour venir à la rencontre de celui de Belgique vers Couvin.
On sait que le département des Ardennes possède un
nombre considérable d’établissements industriels qui tous ont besoin du charbon
minéral ; aussi les chambres consultatives de commerce des villes de
Sedan, Charleville et Mézières, le conseil général du département et la commission
d’enquête ont constaté à un si haut degré l’utilité publique attachée à cette
construction, qu’il ne peut rester de doute sur l’accueil que lui réserve le
gouvernement de ce pays.
On ajoute que ce chemin sera encore la voie dont se
serviront les voyageurs du département des Ardennes et autres circonvoisins
pour aller à Paris en empruntant le chemin de fer de Bruxelles.
On fait remarquer, en outre, que le matériel en rails
et locomotives serait fourni par
Après avoir énuméré l’immense avantage que présente le
chemin de fer d’entre Sambre-et-Meuse, les concessionnaires disent qu’il
coûtera 12 millions et demi qui seraient fournis par des capitalistes étrangers,
que cette somme serait entièrement dépensée dans le pays en main-d’œuvre,
matériel, etc. ; mais que pour obtenir ces fonds à l’étranger, malgré la
certitude que, pour le transport d’objets commerciaux, il n’y aura pas en
Belgique de chemin de fer aussi productif, il est indispensable que le
gouvernement lui prête un appui moral en garantissant à la société un intérêt
minimum de 3 p.c. Cette garantie est nécessaire, disent-ils, pour rassurer les
capitalistes, que des entreprises hasardeuses ont trop souvent compromis.
Nous croyons, messieurs, que cette garantie ne sera
jamais invoquée, parce que le chemin, par son importance, devra rapporter un
intérêt beaucoup plus élevé.
L’Etat, d’ailleurs, recevrait, par cette construction,
un accroissement de contributions de toute nature qui l’indemniserait
largement.
La commission pense donc que cette demande peut être
prise en sérieuse considération par le gouvernement.
Les concessionnaires réclament une seconde condition,
celle de la liberté du tarif ; votre commission croit encore que les
intéressés sont les meilleurs juges de cette fixation.
Mais ils demandent, en outre, que le gouvernement
renonce à la faculté de rachat qu’il s’est réservé moyennant la prise de 25
p.c., parce que cette condition est nuisible, disent-ils, à la confiance qui ne
s’attache qu’à la fixité de l’entreprise.
Votre commission se rallie difficilement à cette
proposition, dont elle abandonne l’appréciation aux lumières des gouvernements,
et quant à ce qui fait l’objet principal de la pétition, convaincus que nous
sommes d’une vérité généralement connue maintenant, que ce n’est plus l’or,
mais le fer et la houille qui constituent la véritable richesse d’une nation,
nous apprécions toute l’importance d’une route qui doit exercer une influence
incalculable sur la forgerie et les exploitations houillères de charbons ;
nous estimons, en conséquence, que cette pétition est de nature à être soumise
aux méditations de M. le ministre des travaux publics auquel nous vous en
proposons le renvoi.
- Le renvoi pur et simple est mis aux voix et adopté.
M. Demonceau – Je ne conteste en aucune manière l’importance de la pétition
dont il s’agit ; mais je voudrais savoir si la chambre, en votant le
renvoi à M. le ministre des travaux publics appuierait les idées émises par la
commission, si par là, elle engagerait le gouvernement à venir au secours de la
société. C’est là une question grave qui devrait être examinée avec la plus
grande maturité avant d’être décidée. La pétition n’a qu’un but, c’est
d’obtenir du gouvernement une garantie d’intérêts pour les actionnaires ;
et je pense que la chambre ne voudra pas s’engager à la légère dans un
semblable système. Quant à moi, si la question nous est soumise, je ne pense
pas que ce système obtienne mon approbation.
M. de Brouckere – Je crois que le moment n’est pas venu de discuter le fond de
la question ; l’honorable membre a déjà déclaré qu’il est contraire à la
demande ; je ne me prononcerai, moi, ni pour ni contre cette
demande ; je me bornerai à faire remarquer à la chambre qu’il ne s’agit,
en ce moment, que d’une seule chose, d’appeler l’attention spéciale du
gouvernement sur la pétition.
M. Zoude, rapporteur – Telles sont les conclusions de la commission.
M.
Demonceau – Si c’est ainsi qu’on entend
la chose, j’appuie aussi le renvoi.
- Le renvoi est prononcé.
PROJET DE LOI TENDANT A
LAISSER A
Communication du
gouvernement
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) monte à la tribune et
s’exprime en ces termes – Messieurs, M. le ministre de la guerre étant affligé
d’une extinction de voix, il m’a prié, si la chambre veut bien le permettre, de
donner lecture d’un projet de loi qu’il entend soumettre à vos délibérations.
- M. le ministre donne ensuite lecture d’un projet de
loi tendant à laisser à la disposition du gouvernement, jusqu’au 1er mai 1841,
les miliciens des classes de 1833, 1834, 1835.
La chambre ordonne l’impression et la distribution du
projet, ainsi que l’exposé des motifs qui l’accompagne et le renvoi à la
section centrale qui a été chargée de l’examen du budget de la guerre.
PROJET DE LOI TENDANT A
AUTORISER LE GOUVERNEMENT A CONTRACTER UN EMPRUNT DE 90 MILLIONS
Communication du
gouvernement
M.
le ministre des finances (M. Mercier) monte à la tribune et donne
lecture d’un projet de loi, tendant à autoriser le gouvernement à contracter un
emprunt de 90 millions de francs, ainsi que d’un rapport explicatif à l’appui
de ce projet.
La chambre ordonne l’impression de ces pièces et les
renvoie à l’examen des sections.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE
GOUVERNEMENT A FAVORISER L’ETABLISSEMENT D’UN SERVICE DE BATEAUX A VAPEUR ENTRE
Communication du
gouvernement
M.
le ministre de l’intérieur (M. Liedts) monte à la tribune et donne
lecture d’un projet de loi, qui a pour objet d’autoriser le gouvernement à
favoriser l’établissement d’un service de bateaux à vapeur entre
La chambre ordonne l’impression et la distribution du
projet, et le renvoi à l’examen des sections.
PROJET DE LOI TENDANT A
MODIFIER TEMPORAIREMENT
Communication du
gouvernement
M.
le ministre de l’intérieur (M. Liedts) présente ensuite un projet de
loi, tendant à modifier temporairement l’article 8 de la loi sur les céréales.
- La chambre ordonne l’impression et la distribution
de ce projet et le renvoi également à l’examen des sections.
M. de Roo – Je demanderai à M. le
ministre des travaux publics s’il sera à même de nous faire un rapport sur la
question du redressement de la section du chemin de fer entre Gand et Bruges,
avant la discussion du projet de loi sur l’emprunt. Son prédécesseur nous avait
promis de faire ce rapport avant la discussion dont il s’agit.
M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je répondrai à l’interpellation de l'honorable préopinant
que, jusqu’ici, cette affaire n’a pas fait l’objet de mon examen. Si la chambre
le désire, je pourrai lui faire un rapport sur le projet dont il s’agit ;
mais je dois lui faire observer que le changement à introduire dans la
direction du chemin de fer entre Gand et Bruges donnerait lieu à une
augmentation de dépenses, par suite de laquelle le chiffre de l’emprunt auquel
nous sommes forcés de recourir devrait être considérablement élevé. Si la
chambre le désire et si je puis obtenir dans un bref délai les renseignements
nécessaires, je pourrais lui faire le rapport qui a été promis par mon
prédécesseur.
M. de Roo – Le précédent ministre des
travaux publics avait promis de faire le rapport dont il s’agit, avant la
discussion de l’emprunt ; il y a engagement pris ; M. le ministre ne
peut donc pas se dispenser de faire ce rapport.
M. Nothomb – Messieurs, lorsque j’ai quitté le ministère, cette question
était soumise au conseil des ponts et chaussées. J’avais fait remarquer à la
chambre que c’était en effet une question qui était essentiellement de la
compétence des hommes de l’art, et en promettant à la chambre un rapport, des
renseignements, des explications, je n’avais autre chose en vue que de donner
communication à la chambre du rapport détaillé que j’avais demandé au conseil
des ponts et chaussées, rapport qui n’est pas encore fait, je pense, en ce
moment. Peut-être sera-t-il possible à mon successeur d’obtenir ce rapport pour
le communiquer à la chambre avant la discussion du projet de loi sur
l’emprunt ; de cette manière, la promesse que j’avais faite serait
remplie, car, je le répète, c’est en ce sens qu’il faut entendre mon
engagement ; c’était la promesse de communiquer à la chambre les observations
du conseil des ponts et chaussées.
M. de Roo – Je ne demande pas autre
chose : ce sont ces observations dont je désire la communication, en
quelque sens qu’elles soient rédigées.
PROJET DE LOI RELATIF A
Second vote des articles
Articles 1 à 7
La chambre confirme les amendements qu’elle a
introduits lors du premier vote dans les articles 1 et 7
« Art. 8. La compétence, s’il s’agit d’une somme d’argent ou d’un objet appréciable d’après les mercuriales, sera déterminée par les conclusions du demandeur, et dans tous les autres cas, par l’évaluation qu’il sera tenu de donner, à peine de se voir refuser toute audience.
« Le défenseur pourra se libérer en acquittant le prix de cette évaluation, sans préjudice aux intérêts et aux dépens s’il y a lieu. »
« Les dispositions du présent article ne
s’appliquent pas aux actions dont il est parlé aux numéros 2, 3 et 4 de
l’article précédent. »
(Le dernier paragraphe a été supprimé lors du premier
vote.
M. de Garcia – Messieurs, cet article a
été adopté sauf sa rédaction. Il se rapporte uniquement aux articles
précédents, et ne peut s’appliquer aux articles suivants. Pour prévenir tout
doute à cet égard, je proposerai la rédaction suivante :
« dans les cas des articles précédents, la compétence, s’il s’agit d’une somme d’argent ou d’un objet appréciable d’après les mercuriales, sera déterminée par les conclusions du demandeur, et dans tous les autres cas, par l’évaluation qu’il sera tenu de donner, à peine de se voir refuser toute audience.
« Le défenseur, etc., etc., comme au projet. »
Un
membre - Mais c’est la même chose
que l’article.
M. de Garcia – C’est la même chose et ce
n’est pas la même chose (On rit). Je
répète que c’est la même chose et que ce n’est pas la même chose : si l’on
entend que la disposition ne s’applique qu’aux articles précédents, c’est la
même chose ; mais comme on pourrait croire que l’article 8 s’applique à
l’article 9, ce ne serait pas la même chose ; c’est pour lever ce doute
que j’ai présenté ma rédaction.
M. le ministre de la
justice (M. Leclercq) – Messieurs, il me semble
qu’il ne peut y avoir le moindre doute sur la portée de la rédaction de
l’article 8 du projet. Cet article ne s’applique qu’aux cas où il s’agit d’une
somme d’argent ou d’un objet appréciable, il se rapporte donc uniquement aux
cas déterminés par les articles précédents et il doit rester étranger à
l’article 9, où il n’est question que des actions possessoires.
M. de Garcia – Du moment que l’on est
d’accord que l’article doit être entendu ainsi, je retire mon amendement.
« Art. 9. Les juges de paix connaissent, en outre, à charge d’appel :
« 1° Des déplacements de bornes, des usurpations de terre, arbres, haies, fossés et autres clôtures, commis dans l’année ; des entreprises sur les cours d’eau servant à l’arrosement des près, commises pareillement dans l’année ; des dénonciations de nouvelle œuvre, complaintes, actions en réintégrande et de toutes autres actions possessoires ;
« 2° Des actions en bornage, de celles relatives à la distance prescrite par la loi, le règlements particuliers, et l’usage des lieux, pour les plantations d’arbres et de haies, lorsque la propriété n’est pas contestée ;
« 4° Des actions relatives aux constructions et travaux énoncés dans l’article 674 du code civil, lorsque la propriété ou la mitoyenneté du mur ne sont pas contestées. »
M. Raikem – Messieurs, d’après l’article 7 que la chambre vient de voter
définitivement, et qui avait été amendé, sur la proposition de l’honorable M.
Metz, « les actions relatives au curage des canaux servant au mouvement
des usines, sont de la compétence des juges de paix. » Cette disposition a
été empruntée à la loi française.
Mais, messieurs, la loi française avait établi comme
corollaire que les juges de paix connaîtraient des entreprises commises dans
l’année, sur les cours d’eau servant à l’irrigation des propriétés et au
mouvement des usines, sans préjudice des attributions de l’autorité
administrative, dans les cas déterminés par les lois et par les règlements. Il
me paraît que ces deux dispositions de la loi française sont corrélatives, et
qu’en conséquence de l’amendement qui a été définitivement adopté dans
l’article 7, il convient d’introduite une disposition semblable dans l’article
9 nouveau. J’en fais la proposition.
M. le président – Votre proposition tend-elle à déplacer les actions relatives
au curages des canaux servant au mouvement des usines et à les rejeter dans
l’article suivant ?
M.
Raikem – J’aurai l’honneur de vous
faire observer, M. le président, que je maintiens la disposition telle qu’elle
vient d’être adoptée. Mais il me semble que, pour mettre l’article en
discussion en concordance avec l’article déjà adopté, il y aurait lieu
d’insérer dans la loi les dispositions de la loi française, relative aux cours
d’eau servant au mouvement des usines, comme nous avons adopté la disposition
de la loi française dans l’article 7, en ce qui concerne le curage des canaux
servant au mouvement des usines. Il y aurait lieu de substituer au paragraphe
premier de l’article 9 le numéro 1 de l’article 6 de la loi française.
M. Metz – Je crois que l’observation
de l’honorable M. Raikem ne manque pas de justesse. Son amendement serait inutile
si nous ne trouvions pas que la disposition adoptée au premier vote laissait
quelque chose à désirer. On l’a déjà fait remarquer lors de la première
discussion. L’honorable M. Leclercq ou l’honorable M. Liedts a fait observer
qu’on s’était écarté le moins possible de la loi de 1790, à tel point qu’on
avait laissé un mot, le mot « pré », qu’on n’avait pas voulu
remplacer par le mot « prairies », parce qu’on aurait pu penser qu’il
ne s’agissait que des cours d’eau servant à l’arrosement des prairies, tandis
qu’il fallait entendre les cours d’eau servant à l’arrosement de toutes les
propriétés.
L’adoption de l’amendement de M. Raikem rendrait la
loi plus claire, la compétence des juges de paix donnerait lieu à moins de
contestation. Tout doute serait levé.
- L’amendement proposé par M. Raikem est mis aux voix
et adopté. Il remplace le n°1 de l’article 9.
Article 10
« Art. 10 Ne sera pas recevable l’appel des jugements
mal à propos qualifiés en premier, ou qui, étant en dernier ressort, n’auraient
pas été qualifiés. Seront sujets à l’appel les jugements qualifiés en dernier
ressort, s’ils ont statué, soit sur des questions de compétence, soit sur des
matières dont le juge de paix ne pouvait connaître qu’en premier ressort.
Néanmoins, si le juge de paix s’est déclaré compétent, l’appel ne pourra être
interjeté qu’après un jugement interlocutoire, et conjointement avec l’appel de
ce jugement. »
- Cet article est confirmé.
Articles 11
M.
de Behr – Je crois qu’il faudrait
placer les articles 12 et 13 avant l’article 11.
- Cette interversion est adoptée.
« Art. 11. « Dans toutes les causes, autres
que celles où il y aurait péril en demeure, et celles dans lesquelles le
défenseur serait domicilié hors du canton ou des cantons de la même ville, le
juge de paix pourra interdire aux huissiers de sa résidence de donner aucune
citation en justice, sans qu’au préalable il n’ait appelé, sans aucun frais,
les parties devant lui. »
- Confirmé.
« Art. 12. L’appel des jugements des juges de
paix ne sera recevable, avant les trois jours qui suivront celui de la
prononciation des jugements, à moins qu’il n’y ait lieu à exécution provisoire,
ni après les 30 jours qui suivront la signification à l’égard des personnes
domiciliées dans le canton.
Les personnes domiciliées hors du canton auront, pour
interjeter appel, outre le délai de 30 jours, le délai réglé par les articles
72 et 1033 du code de procédure civile. »
M.
Demonceau – En lisant cet article, je
me suis souvenu qu’il était extrait de la loi française. Voici les motifs qui
m’ont porté à demander que cet article ne fût pas inséré dans le projet
présenté au nom de la commission.
Aux termes des dispositions du code de procédure
civile sur la matière, aucun jugement ne peut être exécuté qu’autant qu’il se
soit écoulé huit jours depuis la date du jugement, à moins que le jugement ne
soit déclaré exécutoire par provision. De même on ne peut appeler d’un jugement
que huit jours après sa date, à moins qu’il s’agisse également d’un jugement
exécutoire par provision.
Ici je trouve une anomalie ; voici en quoi :
Vous donnez la faculté d’appeler après trois jours de la date du jugement,
quand ce jugement n’est pas exécutoire par provision, par la même raison il
faudrait permettre l’exécution après les trois jours, surtout si vous tenez à
rester d’accord avec les principes.
Si foi doit être due au titre, on doit permettre
l’exécution dans le même délai que l’appel. Il m’a paru que, sous ce rapport,
la loi française n’était pas une innovation heureuse, et qu’il valait mieux
maintenir les deux articles du code de procédure. Il suffit de lire ces
articles pour voir la corrélation qui existe entre eux, ce sont les articles
449 et 450.
L’article 449 porte : Aucun appel d’un jugement
non exécutoire par provision ne pourra être interjeté dans la huitaine, à dater
du jour du jugement ; les appels interjetés dans ce délai seront déclarés
non recevables, sauf à l’appelant à les réitérer, s’il est encore dans le
délai. »
Voilà pour ce qui concerne l’appel.
Voici pour l’exécution :
« Art. 450. L’exécution des jugements non
exécutoires, par provision, sera suspendue pendant ladite huitaine. »
Vous voyez que les auteurs de la législation actuelle,
législation actuelle qui reçoit son exécution depuis plus de 30 ans, ont été
conséquents, en ce qu’ils n’ont pas plus permis d’exécuter un jugement dans la
huitaine de sa date que d’en appeler. Dans le même délai, le motif en est,
qu’on veut absolument que les plaideurs réfléchissent huit jours avant
d’appeler ou de forcer l’exécution d’un jugement.
Si vous permettez l’appel avant l’expiration de la
huitaine, l’avantage sera pour celui qui a perdu son procès : ce qui ne me
paraît pas rationnel ; et ce fut surtout ce motif qui me détermina à
demander à la commission de ne pas insérer cet article dans son projet, ce même
projet m’engage à demander aujourd’hui la suppression de cette partie de
l’article admis lors du premier vote.
La deuxième disposition contient encore une innovation
tout à fait en opposition avec la théorie aujourd’hui en vigueur.
L’appel en général doit être interjeté dans les trois
mois. Les articles 75 et 1033 du code de procédure règlement le premier les
délais d’appel, pour ceux qui sont domiciliés hors du royaume ; le
deuxième, les délais pour comparaître en justice.
En disant que les personnes domiciliées hors du
royaume auront pour interjeter appel, outre le délai de 30 jours, le délai
réglé par les articles 75 et 1033 du code de procédure civile, on change une
législation qui a reçu son exécution d’une manière très régulière jusqu’à
présent. Il a été reconnu généralement, et par la doctrine et par la
jurisprudence, que l’article 1033 s’appliquait bien aux délais d’appel, en ce
sens qu’il ne fallait pas compter le jour de l’échéance du terme de trois mois.
Mais on n’a jamais admis, que je sache, que le délai pour comparaître comptât
dans les délais d’appel ; au contraire, l’article 443 dit que le délai
pour interjeter appel sera de trois mois, qu’il courra pour les jugements
contradictoires du jour de la signification à personne ou à domicile ;
pour les jugements par défaut, du jour où l’opposition ne sera plus recevable.
L’article 444 porte : « Ces délais
emporteront déchéance ; ils courront contre toutes parties, sauf le
recours contre qui de droit ; mais ils ne courront contre le mineur non
émancipé que du jour où le jugement aura été signifié tant au tuteur,
etc. »
L’article 1033 dispose ensuite ce qui suit :
« Le jour de la signification ni celui de
l’échéance ne sont jamais comptés pour le délai général pour les ajournements,
les citations, sommations et autres actes faits
personne ou domicile. Ce délai sera augmenté d’un jour à raison de trois
myriamètres de distance, et quand il y aura lieu à voyage ou envoi et retour,
l’augmentation sera du double. »
Vous comprendrez qu’il ne faut pas légèrement changer
une législation qui a reçu son application, surtout pour n’en faire
l’application qu’à un degré de juridiction. Cette législation est, selon moi,
la meilleure ; si l’on veut y changer quelque chose, ce serait, au lieu
d’accorder trois mois pour appeler, de réduire ce délai à un ou deux mois si
l’on veut. Mais je le répète, dans mon opinion, le mieux serait de maintenir le
délai actuel, que l’expérience n’a pas démontré être trop long ; car
aussitôt après le délai de huitaine après la date, il est libre à la partie qui
a eu gain de cause, non seulement de signifier le jugement qu’elle a obtenu,
mais d’en forcer l’exécution, soit pour le rendre définitif, soit pour
contraindre son adversaire à relever appel.
D’ailleurs, si vous décidez que les personnes
domiciliées hors du canton auront, outre le délai de 30 jours, celui réglé par
les articles 73 et 1033 du code de procédure, dans la pratique, il y aura
toujours difficulté de savoir si l’appelant est domicilié à telle ou telle
distance.
Je suppose qu’une personne de Gand plaide devant le
tribunal de Verviers et qu’il appelle du jugement de ce tribunal après le mois
fixé par la disposition que je voudrais voir rejeter, il faudrait vérifier la
distance réelle de Gand à Verviers et il pourra y avoir procès sur la question
de savoir si le délai a été ou non observé. Vous concevez les inconvénients
d’un tel système, il vaut mieux rester dans le système qui a été en vigueur
jusqu’à ce jour.
A l’appui des observations que je viens de présenter,
je citerai une circonstance extraordinaire qui a eu lieu récemment.
Il s’agissait de l’application de la loi des
barrières. Aux termes de cette loi, les usines dans la distance de
En appel, on procéda d’une autre manière : on
prit la distance à vol d’oiseau et le jugement du tribunal de première instance
fut réformé. Vous voyez les difficultés que présentent ces questions ; il
faudrait, pour les résoudre, que chaque tribunal, eût un tableau exact et
officiel des distances, ce qui, selon moi, ne suffirait pas encore. Il me
paraît donc très dangereux de créer ainsi des délais en quelque sorte
incertains, et je me flatte que la chambre ne confirmera pas la disposition
adoptée lors du premier vote.
M. Lys – Je ne vois pas qu’il y ait
de difficulté à permettre de faire appel au bout d’un délai de 3 jours. Ce
n’est pas là une anomalie ; mais je trouve qu’il y en aurait une
véritable changer le délai fixé pour
faire appel. L’on dit qu’il sera difficile de calculer les distances, mais il
n’en est pas ainsi. Je ne sais, par exemple, quel juge ignore la distance qu’il
y a de Gand à Verviers. Ce calcul des distances, on est obligé de le faire aux
termes du code de commerce en matière de lettres de change, quand il y a
recours contre les endosseurs ou le tireur après protêt, et, dans plusieurs
cas, aux termes du code de procédure civile. Il n’a jamais donné lieu à des
difficultés, il en sera de même pour l’avenir.
Songez que le but que vous vous proposez est surtout
la célérité ; ne l’oubliez pas dans la disposition qui nous occupe, comme
vous ne l’avez point oublié dans les autres dispositions du projet.
On se plaint de ce que l’article déroge au code de
procédure civile ; mais ce code est tout ce qu’il y a de moins
respectable. Tout le monde sent la nécessité de le changer ; car il est
hérissé de difficultés qui arrêtent à chaque pas.
Je crois qu’il y a lieu de maintenir l’article tel
qu’il a été adopté.
M. le ministre de la
justice (M. Leclercq) – Cet article contient deux
dispositions bien distinctes, l’une qui interdit d’interjeter appel avant les
trois jours qui suivent la prononciation du jugement ; l’autre qui
détermine le délai passé lequel on ne pourra plus appeler. On a cru voir un
inconvénient dans la première disposition qu’on a fait observer ne pas être en
harmonie avec l’article 450 du code de procédure civile ; mais il faut
remarquer que cet article du code de procédure ne s’applique qu’aux juges de
première instance, de sorte que l’inconvénient ne peut exister pour les juges
de paix.
Cependant, je crois qu’il y a une lacune dans
l’article tel qu’il est proposé et qu’il conviendrait de la combler ;
puisqu’on interdit d’appeler pendant un délai de trois jours, il faudrait aussi
interdire l’exécution des jugements dans ce délai ; en un mot, il faudrait
une disposition analogie à l’article 450 du code de procédure. Cette
disposition serait ainsi conçue :
« L’exécution des jugements non exécutoires par
provision sera suspendue pendant le délai de trois jours. »
Vient maintenant la seconde disposition de l’article
qui, dit-on, donnera lieu à de très grands embarras pour le calcul des
distances. Mais, ce calcul des distances, qui a lieu dans plusieurs cas aux
termes du code de procédure, ne donne lieu à aucun embarras, et il en sera de
même dans le cas dont il s’agit.
M. Demonceau – Je ferai remarquer à M. le ministre de la justice qu’il y a
une grande différence entre les délais pour les ajournements et les délais pour
relever appel. Dans le premier cas, il n’y a, en général, que nullité de
l’exploit ; dans le second, il y a déchéance, et par là vous empêchez
celui qui s’est trompé dans le calcul des délais de tenter d’obtenir
redressement de l’erreur qu’aurait pu commettre un premier juge. D’ailleurs,
d’après la disposition adoptée, il pourra se faire que deux personnes figurant
dans le même procès, l’une ait un délai plus long que l’autre ; ainsi vous
consacrez l’inégalité dans la législation ; je ne puis donc partager
l’opinion de M. le ministre et je persiste à croire que la chambre devrait
fixer un délai uniforme.
Quant à l’observation de M. le ministre de la justice,
que l’article 450 du code de procédure civile ne serait pas applicable aux
juges de paix, c'est là une erreur. Il a été toujours certain pour moi (je ne
crois pas qu’il y ait eu de décision en sens contraire) que les règles établies
en matière d’appel s’appliquent aussi bien aux jugements des juges de paix qu’à
ceux des tribunaux de première instance.
M. Raikem – M. le ministre de la justice vient de signaler une lacune
dans l’article en discussion. Cet article porte : « L’appel des
jugements des juges de paix ne sera pas recevable avant les trois jours qui
suivront celui de la prononciation des jugements., etc. » M. le ministre
de la justice propose un amendement très rationnel qui a pour objet de disposer
que, pendant ces trois jours, l’exécution du jugement ne pourra avoir lieu.
Je crois qu’on pourrait combler une autre lacune dans
cet article. Son second paragraphe est ainsi conçu :
« Les personnes domiciliées hors du canton
auront, pour interjeter appel, outre le délai de 30 jours, le délai réglé par
les articles 73 et 1033 du code de procédure civile. »
Quant au délai fixé par l’article 1033, c’est, comme
on l’a fait remarquer, une innovation que d’appliquer à l’appel l’augmentation
du délai en raison des distances.
Le renvoi à l’article 73, qui concerne les personnes
domiciliées hors du royaume, n’est que la répétition de l’article 445 du code
de procédure civile qui nous régit, lesquels, comme on sait, est applicable aux
jugements des juges de paix comme à ceux des tribunaux de première instance.
Cet article porte :
« Art. 445. ceux qui demeurent hors de
On ne fait ici que réduire à un mois le délai de trois
mois.
Ainsi on rappelle dans l’article en discussion la
disposition de l’article 445 du code de procédure civile, par renvoi, l’article
73. Dès lors, ne devrait-on pas rappeler également l’article 446 ? Il
porte :
« Art. 446. Ceux qui sont absents du territoire
européen du royaume pour service de terre ou de mer, ou employés dans les
négociations extérieures pour le service de l’Etat, auront, pour interjeter
appel, outre le délai de trois mois (ici il ne s’agirait que d’un délai d’un
mois), depuis la signification du jugement, le délai d’une année. »
Il me semble qu’il y aurait lieu d’ajouter
l’énonciation de l’article 446, en substituant le délai d’un mois à celui de
deux mois. Par ce moyen et avec l’amendement de M. le ministre de la justice,
la disposition de l’article serait complète.
M. Metz – Il est généralement reconnu
que l’article 450 du code de procédure est applicable aux justices de paix
comme aux tribunaux de districts ; d’après cet article, il est certain
qu’un jugement qui n’est pas exécutoire par provision ne peut être exécuté
avant la huitaine. L’exécution d’un jugement est en quelque sorte un acte de
force, un acte de violence ; c’est un acte par lequel on arrive à la
saisie, à la vente du mobilier de la partie condamnée ; la loi a donc fait
sagement de donner un délai pour que cette partie condamnée, faisant usage de
toutes ses ressources, puisse satisfaire au jugement. D’après ces
considérations, je crois que l’amendement de M. le ministre de la justice est
inadmissible. Il ne faut pas se hâter d’exécuter les jugements ; un délai
de 8 jours n’est pas trop pour laisser à la partie condamnée les moyens de
préparer ses ressources.
On a interdit l’appel avant trois jours parce qu’on ne
veut pas que la partie condamnée s’abandonne à un premier mouvement, et qu’on
veut qu’elle ait le temps de réfléchir avant d’appeler. En abrégeant les délais
relatifs à l’exécution des jugements, on pourrait servir des passions
haineuses ; il faut mettre la partie condamnée à l’abri des violences de
la partie adverse. Dès qu’un jugement est exécuté, il n’y a plus lieu à l’appel.
Le délai de 8 jours n’a jusqu’ici donné lieu à aucun inconvénient. Je
demanderai que le délai d’appel comme le délai d’exécution soit de 8 jours.
M. le ministre de la justice (M. Leclercq) – Je me rallie à la proposition.
M. Dolez – Je crois devoir rappeler
une des observations faites par M. Demonceau. Il y aurait des inconvénients à
admettre un délai d’appel mobile, ou variable selon les distances. Je comprends
que l’on veuille abréger les délais d’appel pour les justices de paix, mais la
mobilité des délais ne produira pas toujours cet effet. Les parties ignoreront
presque toujours la véritable distance qui les sépare du lieu où l’appel sera
interjeté ; elles n’ignoreront pas un délai fixe.
Dans une affaire, il peut y avoir plusieurs parties
intéressées à l’appel, et si elles sont situées à des distances différentes,
l’une pourra avoir un mois, l’autre un mois et quelques jours ; ces
différents délais amèneront que, lorsque cette partie la plus éloignée
formerait appel, les autres ne seraient plus recevables à le former. Vous ferez
surgir une foule d’incidents sur les appels formés au dernier jour. Le plaideur
qui se verra frappé de déchéance emploiera tous les moyens pour prouver qu’il a
formé son appel en temps utile. Ainsi, au lieu de diminuer les procès, vous les
augmenterez.
M. Demonceau – Si l’on adopte la proposition de M. Metz, il est inutile de
l’insérer dans la loi, parce qu’alors on rentre dans le droit commun.
M. Metz – Le code de procédure civile
laissait quelque incertitude pour savoir si l’exécution des jugements des
justices de paix était suspendue pendant 8 jours ; le doute a été levé en
considérant le titre où il est traité d’une manière générale des appels ;
car le titre spécial aux justices de paix ne dit pas que la limite soit de 8
jours ; c’est précisément pour remédier à cette omission qu’il faut
admettre l’amendement proposé par M. le ministre de la justice avec le délai de
8 jours.
M. le président met aux voix la question de
savoir si le délai sera de 8 jours, c’est-à-dire, si l’on restera dans le droit
commun.
Cette question est résolue affirmativement par le vote
de l’assemblée ; en conséquence, l’article 12 des délibérations de la
chambre, qui aurait été l’article 11 de la loi, est supprimé.
Article 13
« Art. 13. Dans les cantons où le besoin du
service l’exigera, le gouvernement pourra, sur l’avis du tribunal de
l’arrondissement, autoriser les huissiers des cours et tribunaux de première
instance à instrumenter concurremment avec les huissiers de la justice de
paix. »
- Adopté.
Titre II – Des tribunaux de première instance
Article 14
« Art. 14. Les tribunaux de première instance
connaissent en dernière ressort des affaires personnelles et mobilières,
jusqu’à la valeur de 2,000 francs, et des actions réelles immobilières jusqu’à
75 francs de revenu déterminé soit en rente, soit par prix de bail.
« Si le revenu de l’immeuble n’est déterminé ni en
rente, ni par prix de bail, il sera déterminé par la matrice du rôle de la
contribution foncière, au moment de la demande, pourvu que ce revenu s’y trouve
spécialement déclaré. »
M. de Garcia – Je crois, messieurs, qu’il
faudrait encore dire ici comme on l’a fait dans un autre article
« personnelles ou mobilières » au lieu de : « personnelles
et mobilières. »
- L’article est adopté avec cette modification.
Article 15 à 17
« Art. 15. Si la valeur de l’objet mobilier est
indéterminée, le demandeur devra le déterminer par les conclusions, à peine de
voir rayer la cause du rôle et d’être condamné aux dépens. »
- Adopté.
« Art. 16. La cause sera également rayée du rôle
avec dépens, si la demande a pour objet des dommages intérêts soit principaux,
soit accessoires, qui n’auraient pas été évalués et spécialement motivés dans
les conclusions. »
- Adopté.
L’article 17 n’a pas été amendé.
« Art. 18. Lorsque la valeur d’un objet
immobilier ne peut être déterminée de la manière indiquée en l’article 14, le
demandeur et le défenseur devront la déterminer dans leurs conclusions. Si
l’évaluation la plus élevée n’excède pas les limites du premier ressort,
l’affaire sera jugée sans appel ; dans le cas contraire, l’affaire sera
jugée en premier ressort.
« A défaut d’évaluation par le demandeur,
l’affaire sera rayée du rôle et il sera condamné aux dépens ; et, à défaut
d’évaluation par le défenseur, la compétence du juge sera déterminée par celle
faite par le demandeur. »
M. de Garcia – Messieurs, comme nous avons
supprimé l’article 12, l’article 14 deviendra le 13 ; il faudra donc
dire ; « de la manière indiquée en l’article 13. »
M. le président – Le bureau fera sous ce rapport les rectifications
nécessaires.
M.
Raikem – Si je conçois bien,
messieurs, le système de cet article, c’est le demandeur qui doit d’abord faire
l’évaluation de l’objet immobilier qui est en contestation, et ce n’est
qu’après que le défenseur, s’il n’est pas content de l’évaluation faite par sa
partie adverse, doit, de son côté, donner l’évaluation qu’il attribue à
l’immeuble en contestation ; c’est ensuite l’évaluation la plus élevée qui
détermine la compétence du tribunal, soit en premier, soit en dernier ressort.
Mais si le demandeur ne fait pas d’évaluation, alors
le défenseur ne sera pas non plus obligé d’en faire une, puisqu’il ne doit
faire une évaluation que lorsque le demandeur a fait la sienne.
Si le demandeur n’a pas fait d’évaluation sa cause
sera rayée du rôle, et il sera condamné aux dépens. Néanmoins, je pense qu’il
pourra encore poursuivre l’instance et faire juger l’affaire en la faisant de
nouveau porter au rôle et en faisant ensuite son évaluation dans ses
conclusions ; je crois que de cette manière il pourra obtenir jugement
sans éprouver d’autres désagréments que le retard qu’il aura subi par la
radiation de la cause du rôle et le paiement des dépens qui ne seront pas fort
considérables. Mais il peut arriver que le défenseur désire terminer l’affaire,
qu’il soit pressé de voir intervenir un jugement ; cependant il dépendra
du demandeur de traîner l’affaire aussi longtemps qu’il le jugera convenable,
en ne faisant pas d’évaluation ; n’y aurait-il pas dans ce cas une espèce
de déni de justice à l’égard du défenseur ? remarquez, messieurs, que dans
ce cas-là il s’agit d’un objet immobilier qui a souvent une grande importance
pour celui qui le possède. On désire souvent que sa propriété ne soit pas en
contestation.
Il me semble, messieurs, d’après ces considérations,
que l’article présente, sous ce rapport, un inconvénient ; je voudrais que
l’on pût trouver un moyen de le faire cesser, car je le regarde comme très
grave.
M. de Behr, rapporteur – Il est vrai, messieurs, que le défenseur peut avoir intérêt
à obtenir un jugement, mais si le demandeur s’obstine à ne pas donner son
évaluation, le défenseur aura toujours la péremption d’instance ; il aura
un autre moyen, ce sera de se constituer demandeur en réclamant du tribunal
qu’il impose à sa partie adverse silence perpétuel sur sa prétention, alors il
pourra lui-même faire son évaluation.
Il me semble donc, messieurs, que l’inconvénient
signalé par l’honorable M. Raikem n’est pas réel.
M. Raikem – On sait, messieurs, qu’il faut trois ans et souvent six mois
pour acquérir la péremption d’instance ; or, le défenseur peut avoir soif
de justice, lorsqu’il s’agit d’une propriété immobilière ; il peut désirer
de ne pas attendre trois ans et six mois pour voir cesser l’incertitude dans
laquelle il a été placé. D’ailleurs, est-ce que la péremption d’instance ne
peut pas être interrompue par un acte de procédure dans lequel on ne fera pas
d’évaluation ? le demandeur ne peut-il pas dans ce cas traîner
indéfiniment l’affaire ?
L’honorable préopinant indique un autre moyen ;
il dit : « Le défenseur peut se constituer demandeur en intentant
lui-même une action à la partie adverse. » Mais, messieurs, lorsqu’il y a
déjà une action intentée, n’est-ce pas un obstacle à ce que l’on en intente une
nouvelle ? D’ailleurs, le défenseur, en se constituant demandeur, ne le
mettrait-il pas dans une position plus défavorable, puisque dans le doute le
juge doit prononcer en faveur du défenseur.
M. Demonceau – Je crois, messieurs, que l’inconvénient signalé par
l’honorable M. Raikem existe réellement et qu’il peut être quelquefois très
pénible de devoir attendre pendant plus de 3 ans avant d’obtenir justice, mais
si je comprends bien la disposition, voici comment elle pourra recevoir son
exécution : Si le demandeur ne fait pas d’évaluation l’affaire sera rayée
du rôle et il sera condamné aux dépens ; alors le défenseur devrait avoir
le droit de faire reporter l’affaire au rôle et de la faire poursuivre. Il me
semble que c’est là la manière, selon moi, d’éviter l’inconvénient que
l’honorable M. Raikem a signalé.
M. Raikem – Il me semble, messieurs, que le meilleur moyen de parer à
l’inconvénient auquel l’article, tel qu’il est rédigé, donnerait lieu, ce
serait d’accorder au défenseur le droit de faire lui-même l’évaluation, alors
même que le demandeur ne l’aurait pas faite et de statuer que dans ce cas
l’évaluation du défenseur déterminera la compétence du tribunal. Je demanderai
à M. le rapporteur s’il se rallierait à une proposition semblable ?
M. de Behr, rapporteur – Je n’y verrais pas d’inconvénient ; cependant, je pense
toujours que le défenseur qui voudrait faire juger sa cause, pourrait toujours
atteindre son but en demandant au tribunal d’imposer silence perpétuel au
demandeur.
M. Metz – Chacun craint de voir
traîner les affaires en longueur alors que le demander ne jugerait pas à propos
de faire, comme le veut la loi, l’évaluation de la valeur de l’objet immobilier
qu’il réclame. Il me semble qu’il y aurait un moyen bien simple de parer à cet
inconvénient. Ce serait de laisser, dans le cas dont il s’agit, juger l’affaire
par défaut contre le demandeur ; qu’au lieu de mettre : « à
peine de voir rayer sa cause du rôle, et de se voir condamner aux
dépens », on dise : « à peine de voir juger la cause par défaut
contre lui. »
M.
de Behr – J’ai l’honneur de présenter
l’amendement suivant, qui, je crois, conciliera toutes les opinions :
« Toutefois, à défaut d’évaluation par le
demandeur, le défenseur pourra poursuivre la cause, en faisant l’évaluation,
laquelle déterminera la compétence du juge. »
- Cet amendement est adopté.
L’article ainsi amendé est définitivement adopté.
« Art. 20. Les tribunaux de commerce jugeront en
dernier ressort les actions de leur compétence jusqu’à la valeur de 2,000
francs en principal. »
M.
Verhaegen – Messieurs, je croirais
manquer à mon devoir, si je n’engageais la chambre à revenir sur cette
disposition.
Cet article
Les tribunaux, d’après cet article, jugeraient en
dernier ressort, jusqu’à concurrence de 2,000 francs en principal.
Dans les petites villes où il n’existe qu’un tribunal
de commerce, par exemple, les dangers que je crains se présentent dans toute
leur force.
C’est surtout dans ces tribunaux qu’il y a le moins de
capacité, et ce sont ces tribunaux qui ont le moins de capacité, lesquels
jugent pour ainsi dire de toute la fortune d’un petit commerçant, d’un petit
détaillant. Car dans les petites villes, 2,000 francs, pour un petit marchand,
pour un petit boutiquier, constituent toute sa fortune.
C’est dans ces localités que les tribunaux de commerce
présentent le moins de garanties. Et il ne faut pas se le dissimuler, c’est un
greffier qui, le plus souvent, juge à lui seul.
Si maintenant un seul homme qui peut se tromper (et je
n’irai pas plus loin) qui, dis-je, peut se tromper, peut compromettre toute la
fortune d’un petit marchand, d’un petit boutiquier, vous m’avouerez, messieurs,
que l’article 20 présente les plus graves dangers.
Il est possible que dans la suite on apporte des
changements à l’organisation des tribunaux de commerce, et il serait à désirer
que des changements y fussent apportés, et cela dans le plus bref délai.
Mais aussi longtemps que les tribunaux de commerce
continent à exister, comme ils existent aujourd’hui, étendre leur compétence,
me paraît une chose très dangereuse.
Je pense, messieurs, que nous pouvons revenir sur
cette disposition, parce que le changement qui a été introduit dans le projet
primitif nous permet de remettre tout l’article en discussion. Voici pourquoi.
On a ajouté, lors du premier vote, après les mots
« 2,000 francs », ceux-ci : « en principal ». Si
maintenant, au lieu de combattre cette disposition additionnelle, je la
conserve, il m’est permis sans doute de proposer une diminution dans le
chiffre.
La loi portait d’abord que les tribunaux de commerce
jugeraient en dernier ressort jusqu’à la valeur de 2,000 francs. Par suite d’un
amendement proposé par M. le ministre de la justice, on a ajouté à l’article
les mots « en principal. » Ces mots indiquent une extension. Si
maintenant, moi qui ne suis pas partisan d’une extension de compétence, je
voulais combattre cette extension, j’en aurais certainement le droit. Mais si,
pour éviter les difficultés, je maintiens ces mots extensifs, il m’en permis de
demander qu’on diminue le chiffre. J’arrive également par cette voie au
résultat que je veux obtenir.
Je fais cette observation pour qu’on ne vienne pas
m’objecter le règlement et me dire que je ne puis combattre que la partie de
l’article qui constitue l’amendement.
J’ai l’honneur de proposer à la chambre de rayer
purement et simplement l’article 20 du projet et de laisser la compétence des
tribunaux de commerce telle qu’elle existe aujourd’hui.
M. de Behr – Messieurs, je ne sais ce
qui se passe dans les tribunaux de commerce du ressort de la cour de
Bruxelles ; mais je sais bien que les tribunaux de commerce du ressort de
la cour d’appel de Liége sont très bien composés et qu’ils jugent très bien. La
preuve en est qu’il y a bien peu d’appels de leurs décisions et que la plupart
de leurs décisions qui donnent lieu à un appel sont conformés ; de sorte
que, sous ce rapport, ils m’inspirent la plus grande confiance.
Messieurs, si on veut revenir au taux primitif, nous
retomberons encore dans l’inconvénient de surcharger les cours d’appel,
inconvénient qu’on a voulu prévenir, en augmentant le taux des affaires à juger,
en dernier ressort par les tribunaux de commerce.
M. Verhaegen – Messieurs, je n’ai pas voulu parler le moins du monde du
tribunal de commerce de Bruxelles, de même que je n’a pas entendu parler du
tribunal de commerce de Liége, de celui de Verviers, ou de toute autre tribunal
spécial de commerce bien composé.
Mais il en est d’autres dans les petites localités, et
je les énumérerai pas, qui ne présentent pas les mêmes garanties, et c’est
surtout dans ces petites localités où les tribunaux de commerce n’offrent pas
ces garanties, que se trouvent les petits boutiquiers , dont toute la
fortune pourrait être compromise.
Il y a des tribunaux de commerce dans des localités où
il n’existe pas de tribunaux de première instance. Eh bien, dans ces localités,
2,000 francs constituent la fortune d’un petit marchand ; il ne faut pas
parler des tribunaux de commerce de Liége, de Bruxelles et d’Anvers. Je ne
descends pas à ces particularités ; je vois la chose en grand. Je pense
que permettre aux tribunaux de commerce de statuer en dernier ressort, jusqu’à
concurrence de deux mille francs, c’est s’exposer à de graves dangers.
Je comprends avec M. de Behr qu’il serait utile de
diminuer la besogne des cours d’appel trop surchargée ; si les cours
d’appel sont trop surchargées, il faut prendre des mesures pour parer à cet
inconvénient ; mais pour opérer une économie, je ne voudrais pas que les
intérêts des justiciables fussent froissés. Il faut rester dans la position où
l’on s’est placé. Les tribunaux de commerce en général, quoi qu’en en dise, ne
présentent pas la même garantie que les tribunaux civils. Souvent, il se
présente des questions de droit devant les tribunaux de commerce. Je demande à
l’honorable préopinant qui juge ces questions de droit, qui sont
fréquentes ? C’est le greffier ! On me dit que non ; moi, je dis
que le non, c’est l’exception, et que le oui, c’est la règle. J’en appelle à
mes collègues ; les véritables questions de doit sont jugées par les greffiers ;
ou bien on consulte les avocats. Je trouve à cela des inconvénients ;
quand les négociants, juges d’un tribunal de commerce, sont obligés de
consulter leur avocat avant de prononcer leur jugement, c’est une chose très
dangereuse.
Il y aurait moyen de parer à cet inconvénient. Cette
observation que je vais faire pourra être utile. On a dit qu’il conviendrait de
constituer les tribunaux de commerce de manière qu’il y eût toujours des
jurisconsultes avec les négociants ; alors il y aurait des garanties. On
pourrait également, devant les cours d’appel,
assumer des négociants pour examiner les affaires de commerce, de même
qu’on assumerait des jurisconsultes auprès des tribunaux de commerce ;
alors on aurait toute garantie ; ce système mixte serait très convenable.
Mais aussi longtemps que ce système ne sera pas introduit, donner une
compétence aussi forte aux tribunaux de commerce, c’est donner lieu à de graves
inconvénients.
J’ai entendu, depuis l’adoption de cet article
beaucoup d’observations ; il s’est élevé beaucoup de craintes ; je
prie la chambre d’y réfléchir mûrement. Cet article est excessivement
dangereux. Quant à moi, je crois avoir rempli ma tâche. Vous ferez ce que vous
jugerez à propos. Je demande la suppression de l’article.
M. Raikem – J’ai fait attention aux observations de l’honorable
préopinant. Elles méritent sans doute d’être examinées et prises en
considération. Mais, d’un autre côté, il m’a paru que l’article 20 en
discussion est un corollaire de celui par lequel on a augmenté la juridiction
en dernier ressort des tribunaux civils. D’après la législation qui nous régit,
les tribunaux civils et les tribunaux de commerce prononcent en dernier ressort
jusqu’à concurrence de la même somme. Il me paraît que nous devons suivre le
principe de la législation actuelle et admettre la même somme de 2,000 francs
pour les tribunaux de commerce aussi bien que pour les tribunaux de première
instance. Si l’on trouve la somme trop élevée pour les tribunaux de commerce,
ce serait plutôt le cas, pour ceux qui partagent cette opinion, de faire un
amendement qui, tout en augmentant la compétence, ne s’élèverait pas cependant
autant qu’on l’a fait au premier vote.
Nous avons adopté la disposition de la loi française
du 25 mai 1838, qui porte la compétence des juges de paix à 100 et 200 francs.
La loi du 11 avril, concernant les tribunaux civils, a fixé la compétence en
dernier ressort à 1,500 francs, ce qui est un juste milieu entre le taux actuel
de 1,000 francs et celui de 2,000 francs proposé au projet. Dans le cas où l’on
préférerait ce chiffre pour les tribunaux d’arrondissement et les tribunaux de
commerce, il y aurait une analogie parfaite dans les matières de commerce.
Dans beaucoup de localités où il n’y a pas de
tribunaux de commerce, ce sont les tribunaux de première instance qui jugent
les affaires commerciales ; Eh bien,
quand ils auraient à prononcer en matière civile, leur compétence irait
jusqu’à 2,000 francs, et quand ils seraient saisis de matières commerciales,
ils ne pourraient prononcer en dernier ressort que jusqu’à concurrence de la
somme de 1,000 francs.
Vous voyez qu’il y aurait une très grande anomalie. Si
l’on voulait borner la disposition à l’appel des tribunaux spécialement
constitués comme tribunaux de commerce, la disposition changerait de face, mais
il n’y aurait pas moins une disparate, de distinguer les tribunaux de commerce
des tribunaux civils ordinaires.
On a dit que c’étaient presque toujours les greffiers
qui décidaient quand il se présentait des questions de droit devant les
tribunaux de commerce. On a déjà répondu à cet argument basé, au moins pour
plusieurs tribunaux de commerce, sur une supposition erronée. Mais, en outre,
je ferai observer que, pour les questions de droit, on peut se pourvoir en
cassation contre les jugements des tribunaux de commerce. Ce n’est que pour les
questions de fait que leurs jugements ne peuvent pas être attaqués. Ce sont
cependant des questions de fait qui se présentent le plus souvent devant ces
tribunaux ; et sans doute les négociants ont toute l’aptitude nécessaire
pour les apprécier.
Je ne vois donc pas qu’on ait démontré que la
disposition serait exorbitante pour les tribunaux de commerce.
M. Dolez – Je veux, avec mon honorable
collègue, M. Verhaegen, qu’on n’élève pas la juridiction des tribunaux de
commerce. Je motive comme lui mon opinion sur deux considérations : La
première est la composition actuelle des tribunaux de commerce. Je dois
admettre, avec quelques-uns de nos collègues, que dans certains tribunaux de
commerce, ce n’est pas toujours le greffier qui décide ; mais on
reconnaîtra que dans ce cas-là, c’est un membre influent, dont les autres
prennent l’avis et qui compose à lui seul le tribunal ; de sorte que, soit
le greffier, soit un juge, c’est un seul homme qui jugera sans appel jusqu’à
concurrence de 2 mille francs. C’est une question grave que de livrer à la
décision d’un seul homme une somme de pareille importance. Je dis une somme de
pareille importance, parce que, pour le petit commerce, l’importance relative
d’une somme de deux mille francs est plus grande que celle d’affaires de même
valeur portées devant les tribunaux ordinaires, par exemple, quand il s’agit de
propriétés foncières.
L’honorable M. Raikem a dit qu’on avait le recours en
cassation pour les affaires de droit, mais il n’a pas pris garde que le recours
en cassation n’empêche pas l’exécution du jugement. Il en résulterait que le
malheureux négociant condamné, que son pourvoi fût admis ou non, serait
entraîné dans une ruine dont il ne pourrait plus se tirer. Le jugement du
tribunal de commerce peut entraîner la contrainte par corps, le recours ne
suspend pas l’exécution. Il est à remarquer que le recours en cassation est
très dispendieux ; il entraîne des frais importants ; la consignation
de l'amende de 150 francs, l’indemnité de 150 francs au profit de défenseur
quand le demandeur succombe. C’est une voie que bien peu de personnes se
décident à tenter.
L’honorable M. Raikem disait encore que, dans
plusieurs localités, les tribunaux de première instance remplissaient les
fonctions de tribunaux de commerce, que dans ces localités, autoriser les
tribunaux de première instance à juger en dernier ressort jusqu’à deux mille
francs quand il s’agirait d’affaires ordinaires et jusqu’à mille francs
seulement quand il s’agirait d’affaires commerciales, serait consacrer une
véritable inégalité devant la loi.
Je ferai observer que, quand les tribunaux de première
instance siègent comme tribunaux de commerce, ils procèdent comme s’ils étaient
composés de négociants ; on y plaide sans ministère d’avoué et on y suit
les formes de procédure des tribunaux de commerce ordinaires. Il faut donc les
mettre alors sur la même ligne que les tribunaux de commerce composés, en
réalité, de négociants. Il n’y a pas le moindre inconvénient à les laisser sous
l’empire de la législation actuelle. Ou bien si on croit une augmentation nécessaire on peut porter à 1,500 francs la
compétence qu’on avait cru pouvoir élever jusqu’à deux mille francs. Je vous
livre ce terme moyen qui ne vaut pas la législation actuelle. Quant à moi,
c’est pour celles-ci que je me prononce.
M. le ministre de la
justice (M. Leclercq) – Pour apprécier la
disposition dont il s’agit, il faut bien se pénétrer de l’esprit dans lequel
elle a été rédigée. Elle a été portée non pour étendre la compétence
des tribunaux de commerce, mais comme conséquence de l’article adopté
relativement aux tribunaux de première instance et aux juges de paix, parce
qu’on a considéré que la valeur monétaire avait changé depuis la loi de 1790.
Partant de ce point, si les juges consulaires étaient assez habiles, en 1790,
pour connaître des affaires jusqu’à concurrence de mille francs, il faut bien
reconnaître, à moins de supposer que leur habilité a diminué depuis cette
époque, il faut bien reconnaître qu’ils sont également habiles à juger
aujourd’hui des affaires jusqu’à concurrence de 2,000 francs. Or, au lieu
d’avoir diminué, je crois que la capacité des juges consulaires a augmenté
depuis 1790. Du reste, les mauvais tribunaux de commerce le gouvernement peut
les supprimer, il a le pouvoir de le faire et il en usera au besoin.
Il résultera d’ailleurs de la suppression de l’article
dont nous nous occupons, une anomalie qui ne permet pas de l’admettre ;
les tribunaux de commerce jugeraient jusqu’à concurrence de 1,000 francs, et
les tribunaux de première instance dans les localités où il n’y a pas de
tribunaux de commerce jugeraient en dernier ressort les matières commerciales
jusqu’à concurrence de 2,000 francs, car ils ne sont point tribunaux de
commerce ; ils décident de ces matières en vertu de la juridiction qui
leur est propre comme juges ordinaires à défaut de juges d’exception dans la
localité où ils siègent.
Ce serait là une anomalie qui ne peut être admise,
surtout quand on considère qu’il s’agit moins d’étendre la compétence que de la
maintenir au même niveau en tenant compte du changement dans la valeur
monétaire.
M. Verhaegen – J’ai à répondre à un argument de M. le ministre de la
justice et à un autre de M. Raikem.
Je ne pense pas que cet article ait été motivé par la
considération dont on vous a parlé. Il
est très possible que le changement de la valeur monétaire ait déterminé à
changer le chiffre de la compétence des juges de paix qui avait été fixée en
1790 ; mais le chiffre de la compétence des tribunaux de commerce a été
fixé par l’article 606 du code de commerce ; ainsi cette considération ne
vient pas ici à propos. Voilà la réponse que j’avais à faire à M. le ministre
de la justice.
M. Raikem dit qu’il y aurait de l’inconvénient à
laisser les tribunaux civils juger jusqu’à 2,000 francs, tandis qu’on
restreindrait la compétence des tribunaux de commerce à 1,000 francs. Il y a,
dit-il, des tribunaux civils jugeant commercialement ; ceux-là jugeraient
jusqu’à 2,000 francs, ce serait une bigarrure inadmissible.
Mais si j’ai fait une observation sur les tribunaux de
commerce, j’en ferai une analogue sur les tribunaux civils jugeant
commercialement. S’il manque quelque chose aux tribunaux de commerce, il manque
quelque chose aux tribunaux civils jugeant commercialement. Aux premiers il
manque des jurisconsultes, aux seconds il manque des négociants capables
d’apprécier les usages du commerce.
Je pense donc que ces deux espèces de tribunaux doit
être mis sur la même ligne, que les tribunaux civils jugeant commercialement,
de même que les tribunaux de commerce, ne doivent juger en dernier ressort que
jusqu’à concurrence de 1,000 francs.
M. Raikem – Je n’ai pas parlé de terme moyen ; j’ai seulement cité
la loi française ; Je n’ai pas prétendu qu’il fallait faire une différence
entre les tribunaux de commerce et les tribunaux civils jugeant des affaires
commerciales. Mais j’ai fait remarquer la singularité d’avoir les mêmes juges
siégeant en dernier ressort jusqu’à 2,000 francs pour les affaires civiles, et
ne jugeant en dernier ressort que jusqu’à 1,000 francs pour les affaires
commerciales.
A cet égard, l’honorable préopinant a dit qu’il manque
quelque chose aux tribunaux de commerce, comme il manque quelque chose aux
tribunaux civils ; que dans les tribunaux de commerce il manque des
jurisconsultes ; que dans les tribunaux civils il manque des négociants
capables d’apprécier les usage du commerce.
Eh bien, quand il s’agit d’affaires portées devant un
tribunal de commerce, j’ai déjà fait observer que les questions de fait étaient
celles qui se présentaient le plus souvent, et qu’alors les juges de commerce
étaient à même d’apprécier ces questions de fait aussi bien jusqu’à concurrence
de 2,000 francs, que jusqu’à concurrence de 1,000 francs.
Comme j’avais fait observer qu’il y avait recours en
cassation pour les questions de droit, on m’a répondu que le jugement était
exécutoire nonobstant le recours en cassation, ce que je croyais fort bien
savoir. On a dit aussi que le recours en cassation entraînait des amendes et
indemnités ; mais on sait que l’amende est restituée quand le jugement est
cassé ; que, dans ce cas, il n’est pas dû d’indemnité, et que l’on ne se
pourvoit en cassation que quand on a quelque chance de succès et quand on
aperçoit que la loi a été violée.
Je crois donc que les considérations qu’on a fait valoir
n’ont aucunement énervé l’article en discussion, et que les arguments de M. le
ministre de la justice restent debout, car il y aurait évidemment anomalie à ce
que des juges jugeassent en dernier ressort en matière commerciale jusqu’à
concurrence de 1000 francs et dans les autres matières jusqu’à concurrence de
2,000 francs.
Mais, dit-on, il manque dans les tribunaux civils des
négociants qui puissent apprécier les usages du commerce. On pourrait en dire
autant des cours d’appel, car il s’y trouve plus de jurisconsultes que de
négociants, si même, il s’y trouve des négociants, ce qui serait en quelque
sorte l’effet du hasard. Il faudrait donc faire, dans la seconde instance, la
même différence entre les affaires commerciales et es affaires civiles.
Je crois qu’il y a lieu d’adopter l’article du projet
et que le système contraire introduirait dans la compétence une véritable
bigarrure.
- L’article 20 est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 5 heures.