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Note d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du lundi 18 mars 1839
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre (notamment pétition des étudiants de l’université de Gand contre le morcellement (Dumortier))
2) Projets de loi concernant le traité destiné à régler
la séparation entre
2a) Alternative entre résistance et résignation (Lebeau, « pour » ; dépôts de pétitions (Gendebien, Vandenbossche) ; de Theux « pour » (+ constitutionnalité de la cession des territoires, élection du duc de Nemours) ; Gendebien (fait personnel et élection du duc de Nemours), Willmar « pour » (+ attitude de l’armée), de Man d’Attenrode « contre » ; Ernst « contre », Willmar, Meeus « pour », Desmet et Doignon (+ banque de Belgique et responsabilité des sociétés anonymes).
2b) Proposition de clôture des débats (Dumortier) ; Alternative entre résistance et résignation (Berger « contre », Nothomb « pour »). Proposition de clôture (de Renesse, Wallaert, Van Hoobrouck de Fiennes, Dumortier, Desmet, Vandenbossche, Dolez, Dumortier, Dubus (aîné), Dolez).
2c) Discussion de l’article unique et des amendements. Possibilité d’introduire de nouveaux amendements (Pirson, Dolez, Van Hoobrouck, Doignon, Gendebien, de Jaegher, Gendebien, Dolez, Pirson, Dubus (aîné), Dolez, Verdussen, d’Huart, Devaux, d’Huart, Dumortier, Lebeau, Dubus (aîné))
(Moniteur
du mardi 19 mars 1839, n° 78)
(Présidence de M. Raikem)
M. Lejeune procède à l’appel nominal à 10 ½ heures.
M. B. Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A
M. Lejeune fait
connaître l’objet des pièces adressées à la chambre :
« Les habitants de onze communes du Hainaut demandent que la chambre adopte le traité de paix. »
« Le sieur Vandenbroeck, à Bruxelles, demande que la chambre adopte le traité de paix. »
« Des habitants de Nivelles demandent que la chambre adopte le traité de paix. »
« Le sieur Ernabsteen, à Sustere (Limbourg), demande que la chambre rejette le traité de paix. »
« Des habitants de la commune de Cruysauthem demandent que la chambre rejette le traité de paix. »
« Même pétition de divers habitants de la commune d’Olsene. »
« Même pétition de divers habitants de la commune de Gotthem. »
« Même pétition de divers habitants de la commune de Nokere. »
M. Dumortier – J’ai l’honneur de déposer sur le
bureau quatre pétitions qui m’ont été envoyées depuis la dernière séance. L’une
d’elles est une adresse des étudiants de l’université de Gand contre le morcellement
du territoire ; elle est signée par un très grand nombre d’élèves de cette
université. Voilà donc toute la jeunesse studieuse de
Discussion générale
M. le président – La parole est à M. Lebeau, inscrit pour le projet.
M. Lebeau – Messieurs, lorsqu’en 1831 les propositions de la conférence de Londres furent rendues publiques, l’opinion parut d’abord les accueillir avec une grande défaveur. La presse presqu’unanimement repoussait les 18 articles avec la même violence qu’elle repousse aujourd’hui les propositions du 25 janvier. Chaque parole de modération et de paix prononcée dans la discussion solennelle à laquelle les 18 articles donnèrent lieu était accueillie par les imprécations, par les huées des tribunes. Le ministère qui défendait les 18 articles était ici et ailleurs poursuivi de l’accusation de lâcheté et de trahison.
Eh bien, après huit jours d’une discussion, véritable tempête parlementaire, les 18 articles furent accueillis aux acclamations presque générales de la chambre et des tribunes, et le pays ne tarda pas à s’y joindre.
Exemple mémorable de la facilité avec laquelle l’opinion publique s’égare et se fanatise ; mais exemple mémorable aussi de la facilité avec laquelle elle s’éclaire et se rectifie.
C’est qu’en effet les 18 articles, jugés
sainement avec le calme de la réflexion et avec impartialité, présentaient à
Les stipulations territoriales, avec l’état de
possession de
La dette était résolue par le texte des 18 articles d’après les principes que le congrès national n’avait cessé lui-même de poser. C’était donc avec raison, avec franchise, avec une entière loyauté, que le ministre qui défendait ici les 18 articles pouvait s’écrier : Nous aurons le Luxembourg et nous n’aurons pas la dette.
Je dois sans doute, messieurs, à la position que j’occupais alors, le privilège du reproche qui n’a cessé de traîner dans quelques journaux et que j’ai vu avec surprise et regret reproduite à cette tribune, reproche dont quelques-unes des paroles que j’ai prononcées dans cette circonstance solennelle ont été l’objet.
Je ne sais réellement, sans cela, pourquoi l’on s’est plu à isoler mon langage du langage de tant d’hommes honorables et graves, placés au-dessus de tout soupçon de duplicité ou de connivence avec la diplomatie étrangère.
On oublie donc que le langage que j’ai tenu dans la discussion des 18 articles a été confirmé par notre doyen d’âge, M. Gendebien père, qui s’est exprimé aussi explicitement que moi sur la question du Luxembourg. On oublie que Messieurs. De Gerlache, de Mérode, de Muelenaere, Osy, etc., se sont exprimés dans le même sens. On oublie que ces orateurs ont parlé avant que j’eusse pris la parole.
Mais, messieurs, en suis-je réduit à chercher dans les incidents de la discussion d’alors la justification de la politique que mes honorables amis et moi avons cherché à faire prévaloir devant le congrès national ? Non, messieurs, une justice plus complète, une apologie partie de bouches non suspectes, est venue corroborer, jusque dans la discussion actuelle, le langage que mes amis et moi avons tenu au mois de juillet 1831.
Vous avez entendu l’honorable M. Dechamps, après lui, l’honorable M. Dumortier, et après eux l’honorable M. Dubus ; ils ne seront certes pas soupçonnés de se laisser facilement mystifier, d’être trop favorables aux hommes du mois de juillet 1831 ; vous avez entendu ces honorables membres confesser que dans les 18 articles il y avait tout ce que le ministère avait annoncé. Est-ce que l’honorable M. Dubus est un de ces hommes simples, de ces hommes à esprit paresseux, qui a besoin de puiser sa conviction dans le langage d’autrui ? ne connaît-il pas très vite le sens et la portée d’un texte ? n’est-il pas logicien serré autant que qui que ce soit. Eh bien, l’honorable M. Dubus, avec une impartialité dont je lui sais gré, a tenu sur les 18 articles, à la séance d’avant-hier, le langage que j’ai tenu moi-même au mois de juillet 1831.
Des publicistes dévoués à la cause que plaident nos adversaires en ce moment, ne tiennent pas un autre langage dans leurs écrits.
Tout est donc dit sur ce point. Quand on a rappelé les paroles d’un seul orateur, on a oublié de rappelé les événements du mois d’août 1831 : ce sont les événements du mois d’août qui ont abrogé les 18 articles. La cause du Luxembourg et du Limbourg, ne vous faites pas illusion sur ce point, n’est plus dans vos mains, ce n’est pas vous qui pouvez la perdre ; elle a été perdue dans les plaines de Louvain, et je plains les esprits assez étroits, pour n’être pas convaincus que c’est là que vous devez placer le tombeau des 18 articles et la perte des territoires arrachés au Limbourg et au Luxembourg.
Le Roi avait dit : « Je fais de cette question une question d’honneur ; j’irai jusqu’à la guerre pour défendre la question du Luxembourg. »
Eh bien, le Roi a tenu sa parole, le Roi a noblement défendu la cause du Luxembourg et du Limbourg dans les plaines de Louvain ; il l’a si bien défendue que, chose étrange, la royauté s’est trouvé aussi populaire après une défaite qu’elle l’eût été peut-être après une victoire.
Alors, comme aujourd’hui, l’on nous disait que nous votions la honte et la ruine du pays ; que nous plaidions pour un traité infâme, que nous vendions nos frères. Eh bien, qu’est-il arrivé ? c’est qu’après l’adoption des 18 articles, personne ne s’est cru déshonoré ; c’est qu’à peine le Roi eût mis le pied sur le territoire belge, que tout le monde s’empressa de se serer autour de l’élu de la nation ; car ce ne sont pas quelques hommes seulement qui lui avaient frayé la route du trône ; ce ne sont pas que quelques hommes qui font les révolutions et les dynasties. Les révolutions sont l’œuvre de tous, et de nos jours les dynasties sont fondées par tous.
Je vous le demande, messieurs, vous qui avez
été témoins de l’arrivé du Roi en Belgique, vous qui avez été témoin de cette
solennelle inauguration du 21 juillet, était-ce la honte sur le front, la tête
courbée que les Belges assistaient à cette mémorable journée ? est-ce que
la confiance, la concorde, la sécurité du présent, l’espoir dans l’avenir ne
régnaient pas alors dans toutes les cours ? Eh mon Dieu ! moins de 15
jours après l’approbation des 18 articles,
La politique de transaction, la seule qui
rendit une Belgique possible (car sans l’adoption des propositions de la
conférence, la royauté n’était pas possible, et sans la royauté,
Vous étiez alors sous le poids d’une nécessité à l’évidence de laquelle cependant bon nombre de membres de cette chambre ne se sont pas alors rendus. Eh bien, messieurs, dans la discussion du traité des 24 articles, vous avez eu exactement une nouvelle édition de la discussion des 18 articles. L’on a épuisé le vocabulaire des épithètes les plus sonores : « Les 24 articles nous déshonoreraient, nous rayeraient de la liste des peuples, etc… »
Et mois d’un mois après, lorsqu’on annonça au pays la reconnaissance du Roi des Belges par l’Europe, la confiance, la foi en nous-mêmes ne tardèrent pas à renaître.
Lors de l’inauguration solennelle du chemin de fer, qui est la consécration de la partie matérielle de la révolution, n’avions-nous pas le cœur fier et le front haut, en présence des sympathies et de l’admiration de l’étranger ? Etait-ce des pensées de déshonneur et de découragement qui nous assiégeaient quand nous assistions à ce grand et noble spectacle ? Avait-on, après l’adoption des 24 articles, décliné l’honneur de représenter sur les bancs de la législature ce pays, qu’on avait pour la seconde fois déclaré déshonoré ? Non, pas plus qu’après l’adoption des 18 articles.
Faisons donc une part, une large part à l’exagération du moment, et montrons-nous indulgents surtout envers ceux à qui une position spéciale ne permet pas d’envisager la question actuelle avec l’impartialité qui convient aux autres membres de cette chambre.
Les questions d’honneur ! mais savez-vous, messieurs, que nous ne reconnaissons à aucune partie de cette chambre le privilège de les décider seule. Nous nous croyons sur ce point aussi compétent que qui que ce soit. Dans ce conflit, qui sera juge ? Ce sera celui qui l’a été dans deux circonstances analogues. Ce sera le pays. Nous ne craignons pas d’en appeler à son jugement, car ces hommes qui, dans la discussion des 18 et des 24 articles, avaient été accusés de trahir l’honneur national et les intérêts du peuple belge, ces mêmes hommes siègent ici en grande majorité ; les adversaires des 18 articles y sont en minorité. Les adhérents aux 24 articles sont ici en nombre double des opposants aux 24 articles.
Quand on
juge ce qui se passe chez nous en dehors de nos passions du moment, croyez-le
bien, on ne ratifie aucunement les exagérations auxquelles se livrent les
adversaires des propositions du 23 janvier. En voulez-vous un exemple ? Le
voici : C’est au moment même où on cherche à imprimer au front de
Voilà,
comment en dehors de nos passions du jour on juge cette question d’honneur,
qu’une partie de cette chambre s’arroge le privilège de trancher, alors que le
pays a cassé deux fois ses arrêts !
Que dire
sur la nécessité, sur l’urgence qui nous pressent ? Qu’ajouter au discours
de mon honorable ami M. Devaux, à qui aucun genre de succès n’a manqué ;
car il a recueilli les éloges de dignes adversaires, et certaines injures qui
honorent presqu’autant que des éloges.
Il y a une
partie de la discussion qui n’a cessé de me causer la plus pénible surprise. Ce
sont les attaques dirigées constamment ici contre
L’ancien
président du conseil est en France l’un des représentants de la politique du
droit, de la loyauté dans les engagements, de la foi due aux contrats. En
dehors de cette politique, il n’y a que péril pour la jeune Belgique. Et cette
politique, qu’ici et en France même on a attaqué avec tant de violence, elle
s’apprête déjà à venir s’asseoir sur les bancs des ministres. La signature
donnée par ordre du comte Molé a sauvé des embarras à ses successeurs et leur a
peut-être épargné de fâcheuses rétractations.
En effet,
quel espoir pouvons-nous fonder sur un nouveau ministère en France ? Rien,
absolument rien. Cependant on se complaît à cet égard dans la plus étrange
illusion. Je suppose que ce ministère soit présidé par un illustre
maréchal ; je suppose qu’il ait pour collègue le président du conseil du
22 février. Mais ne savez-vous pas que ces hommes sont les représentants de
l’alliance anglo-française ! Ne savez-vous pas que l’alliance
anglo-française a été surtout scellée dans la question belge ? Que c’est
de l’avoir affaiblie que les ministres en expectative ont surtout accusé les
ministres retirés ? et que ce qui peut raffermir cette alliance, si elle
avait été compromise, c’est une politique franche et nette dans la question
belge, c’est une question prompte et définitive de cette question.
Voyez le
programme de la politique nouvelle dont vous attendez votre salut. Les journaux
français, organes avoués des prétendants au nouveau ministère, comment se
prononcent-ils ? Dans le sens de l’acceptation du traité. Ce sont des
faits accomplis.
Il y a une
grave erreur dans le jugement qu’on porte d’ordinaire sur les parties et sur
les hommes politiques. Ce n’est pas dans l’opposition qu’il faut juger les
hommes politiques, les partis politiques. Pour cela il faut attendre qu’ils soient
au pouvoir. Le rôle de l’opposition est ce qu’il y a de plus facile au monde. Y
a-t-il des obstacles quelque part ? L’opposition les nie, elle ferme les
yeux. L’opposition navigue toujours sur un lac uni comme le cristal, où aucun
vent ne souffle, où elle déploie en liberté tous ses mouvements, toutes ses
évolutions. L’opposition, c’est la poésie de la politique ; le pouvoir en
est la prose : sa tâche toute pratique semble parfois bien vulgaire quand
sa rivale se montre grandiose et brillante.
Si l’honorable
représentant de la gauche dynastique en France, si M. Odilon-Barrot lui-même
arrivait au pouvoir, pendant quelques temps encore, je serais sans de grandes
inquiétudes sur sa politique et peut-être parviendrait-il à les dissiper. On
dit l’honorable représentant de la gauche dynastique en France, homme d’honneur
et de conscience ; mais on le dit aussi sans expérience des nécessités du
pouvoir.
Lorsqu’un
homme de sens et de cœur passe des bancs de l’opposition sur les bancs du
ministère, son rôle change, sa position change, et avec elle le point de vue
duquel il juge les événements. Alors il se trouve en présence de réalités, de
faits, de nécessités, et surtout d’une immense responsabilité qui font
sérieusement réfléchir tous les hommes moraux, à quelque parti qu’ils
appartiennent. Vous en avez un exemple frappant, cité à une précédente séance
par M. le ministre des travaux publics. Un homme bien autrement avancé que M.
Odilon-Barriot dans l’opposition française, l’honorable M. Laffitte était
président du conseil des ministres, lorsque la question belge a été portée
devant le cabinet français. Eh bien, c’est sous le ministère Laffitte, c’est
par un de ses collègues que la question du Luxembourg a été, je ne dirai pas
perdue, mais gravement compromise à la tribune de la chambre des députés de
France. C’est sous le ministère Laffitte qu’on est venu au sein du congrès
national, nous conseiller de retarder le décret d’exclusion de la maison
d’Orange-Nassau. Je vais plus loin, je soutiens que si sous le ministère
Laffitte le royaume des Pays-Bas tout entier eût continué à subsister, M
Laffitte aurait traité avec le royaume des Pays-Bas. Pourquoi en aurait-il été
ainsi ? Parce qu’en France comme en Belgique et comme dans les cours du
Nord, les événements de juillet et de septembre 1830 avaient mis en présence
deux politiques la politique de guerre et de propagande et la politique de
transaction ; et comme la révolution française avait surtout été une
révolution intérieure, ce fut le système de paix qui prévalut.
Et
croyez-vous que dans les cours du Nord les révolutions française et belge
n’aient pas, en y éveillant de vives susceptibilités, posé aussi la question de
paix et de guerre ? Croyez-vous qu’à Saint-Pétersbourg, à Vienne et à
Berlin, on n’ait pas aussi agité la question de paix et de guerre ? Mais
lisez les documents de l’époque, et vous verrez qu’il se forma dans l’une des
cours du Nord deux partis, le parti de la paix qui eut pour chef le roi, et le
parti de la guerre qui eut pour chef le prince royal. Les partisans de la
guerre qualifiaient peut-être aussi de politique timide et déshonorante la
politique de transaction ; la politique qui fraternise avec la révolution
de juillet, qui respectait la révolution de septembre. Cette politique modérée
a prévalu. Grâces en soient rendues au progrès des idées saines et vraiment
libérales. Grâces en soient rendues aussi au développement de ces intérêts
matériels, puissance nouvelle avec laquelle aujourd’hui tous les gouvernements
doivent compter.
Eh bien,
messieurs, ce que l’Europe a accepté, ce que
Nous
jugeons, messieurs, toutes les questions du point de vue de l’intérêt
belge ; cela est naturel. Mais où nous avons tort, c’est quand nous
accusons tour à tour
La question
du Limbourg et du Luxembourg a une très grande valeur pour nous ; mais il
me semble qu’il faut laisser à
On reproche
à
L’Angleterre,
on l’accuse avec la même intrépidité de nous avoir lâchement sacrifiés dans les
dernières transactions. Vainement nous rappelons-nous que le ministère whig,
qui préside encore aux affaires de l’Angleterre, est le même qui a soutenu la
révolution de juillet, qui l’a soutenue peut-être contre les velléités hostiles
de certaine puissance ; vainement nous rappelons-nous qu’elle a contribué
à la destruction du royaume des Pays-Bas ; vainement nous rappelons-nous
que c’est l’Angleterre qui, par l’embargo, par le blocus dont elle a frappé
L’Allemagne
ne connaît pas non plus ses intérêts, c’est du haut de la tribune belge que
nous les lui apprenons. L’Allemagne, vous croyiez qu’en donnant son adhésion
aux propositions du 23 janvier, elle a travaillé pour maintenir ses intérêts,
son indépendance, elle a stipulé pour sa sûreté ; on lui apprend qu’elle n
a travaillé que pour
C’est dans
le moment où l’on fait ainsi le procès à l’Allemagne, dans le moment où on
reproche au gouvernement d’avoir oublié, négligé l’Allemagne, c’est dans le
moment où on conseille au gouvernement d’aller vers l’Allemagne, d’essayer
d’ouvrir des négociations avec l’Allemagne, c’est dans ce même moment qu’on
jette un défi à la confédération germanique, qu’on lui dit : Nous sommes
abandonnés de tout le monde, nous sommes un petit peuple de 4,000,000
d’habitants, vous comptez une population de 40,000,000, mais vous n’oseriez pas
nous attaquer, vous ne sauriez pas, nous vous défions ; si vous venez,
c’est peut-être vers une conflagration générale que vous marchez, nous essayons
de la susciter par nos appels à la susceptibilité de
Après cela
on vient dire que l’Allemagne a tort d’établir un cordon sanitaire contre
Rendons
grâces au chef de l’église catholique d’avoir condamné, flétri hautement de
pareilles tentatives, rendons-lui grâces d’avoir voulu que la mission du
catholicisme restât une mission de paix
et de charité. Peut-être a-t-il encouru par là les anathèmes des excellents
catholiques du Courrier français et du National, mais il s’est acquis
ainsi de nouveaux titres au respect, à l’affection des catholiques éclairés, à
l’estime, au respect des libéraux tolérants.
Les fruits
d’une politique comme celle qu’on a préconisée ici, c’est-à-dire la résistance
à la confédération germanique lorsqu’elle revendique les droits qu’elle tient
du traité, les fruits de cette propagande ouvertement prêchée par la presse et
exercée, assure-t-on, d’une autre manière encore, je crains bien que nous
n’ayons à les déplorer longtemps ; je crains qu’il ne se passe des années
avant que nous retrouvions les sympathies que l’aspect de l’ordre qui régnait
en Belgique et la vue de notre prospérité matérielle avaient éveillées en
Allemagne. Je crains que nous n’ayons beaucoup à faire pour combattre, pour
vaincre les préventions soulevées contre nous en Allemagne depuis environ un
an. Je crains que nos relations commerciales n’en souffrent longtemps ; fasse
le ciel que l’avenir de notre admirable chemin de fer n’en soit pas un jour
compromis !
Pour
achever de se concilier l’Allemagne, que propose-t-on ? de fouler aux
pieds un traité dans lequel elle est partie intéressée, auquel elle s’est
prêtée, dans lequel elle était représentée, par ses fondés de pouvoir, à la
conférence de Londres.
Un
honorable membre disait à la séance du 23 janvier : « Les
circonstances forment les traités, d’autres circonstances les modifient. C’est
là l’histoire de tous les traités. » La proposition est vraie ; mais
comment se modifient les traités, quand
les circonstances ont changé ? Ils se modifient de commun accord. Si les
traités se modifient autrement, ce n’est plus le droit, c’est la force qui
prévaut.
On est venu
vous parler de
Messieurs,
je comprends ce langage au début de notre révolution, au milieu des passions de
cette crise. Moi-même peut-être je l’ai tenu. Mais après huit ans de calme,
d’expérience et de réflexion, pouvons-nous encore parler ainsi ?
Dans
l’ordre extérieur, les protocoles sont à la guerre ce que dans l’ordre
intérieur les lois sont à l’émeute. Voilà dans quel sens il faut aujourd’hui
parler des protocoles, qui ne sont pas autre chose, je le répète, que les
archives des diverses nations de l’Europe.
Le même
orateur, l’honorable M. Dechamps, en disant que les traités sont l’œuvre des
circonstances, a exprimé le vœu que la bonne foi fît son entrée dans le monde
européen. Il me semble que cela s’accorde peu avec la doctrine de l’honorable
membre sur la validité et la durée des traités. Abordant la question de la
validité du traité du 15 novembre, le même orateur a dit que c’était une
question de légiste. Question de légiste ! Voilà un bien superbe
dédain : je le concevrais dans la bouche de diplomates formés à l’école de
Machiavel, mais je ne le conçois pas de la part d’hommes qui parlent de morale,
de bonne foi et de droit. Je suis ici amené naturellement à examiner le traité
du 15 novembre.
On a
beaucoup parlé dans cette chambre de question d’honneur. Pour moi la véritable
question d’honneur, c’est la fidélité aux engagements, et par conséquent au
traité du 15 novembre.
Je
n’examine pas si on a loyalement substitué ce traité aux 18 articles ; je
n’examinerai pas non plus s’il a été imposé. Je ferai remarquer d’abord que
jamais une liberté entière ne préside à la signature des traités entre nations.
Il est,
messieurs, des états qui doivent invoquer avant tout le droit, la politique du
droit, ce sont les petits états, ce sont les états de second ordre ; et
malheur à eux s’ils travaillent à énerver dans l’opinion de l’Europe, dans
l’opinion des peuples, le respect des contrats internationaux, la foi due aux
engagements.
J’admets
que le traité du 15 novembre ait été l’œuvre de la force, l’œuvre de la
violence ; mais, messieurs, il est de principe qu’en droit public, comme
en droit civil, que la violence est couverte par la ratification librement
donnée. Si le traité du 15 novembre avait été l’œuvre de la violence
matérielle, il me semble que lorsque
« Mais
dit-on (un honorable membre qui siége à ma gauche vient de me faire cette
observation), tout cela s’est fait avant la convention du 21 mai. Après cette
convention, il y a eu novation complète, il y a eu cessation absolue
d’exécution. » Eh bien, messieurs, il n’est est rien ; la convention
du 21 mai que
« La
convention du 21 mai, sans mettre pleinement à exécution le traité du quinze
novembre 1831, assure néanmoins à
« Fort
des droits qui lui sont irrévocablement acquis, le gouvernement du Roi, tout en
exprimant ses regrets des nouveaux retards qui peuvent être apportés à la
complète exécution du traité du 15 novembre 1831, attendra avec confiance le
résultat des nouvelles négociations annoncées, etc. »
Voilà,
messieurs, le langage de notre plénipotentiaire à Londres ; vous voyez
donc comment il qualifiait la convention du 21 mai : « Un
acheminement vers l’exécution intégrale de toutes les clauses garanties à
« Nous
nous réservons, dit-il aux chambres le 14 juin 1833, tous les droits qui nous
sont acquis par le traité du 15 novembre, en considérant la convention du 21
mai comme la convention d’exécution de ce traité. »
Déjà le 7
juin 1833, le Roi, en ouvrant la session, après avoir annoncé la délivrance
d’Anvers et la convention du 21 mai, tenait ce langage :
« Le
traité du 15 novembre est resté intact. Je veillerai à ce que, dans
l’arrangement définitif avec
Lorsque le
gouvernement tenait ce langage devant les chambres, après la convention du 21
mai, c’était bien le cas pour les chambres de protester, si elles croyaient que
la convention du 21 mai mettait le traité du 15 novembre à néant ; eh
bien, on n’en fait rien. On prétend que d’après toutes nos adresses, d’après
toutes les discussions qui ont suivi la convention du 21 mai, le traité du 15
novembre est frappé de prétérition absolue ; il n’en est rien, messieurs
car voici ce qu’on lit dans l’adresse en réponse au discours du trône.
« La
convention du 21 mai nous conserve la possession de plusieurs avantages matériels
stipulés dans le traité du 15 novembre 1831, etc. »
Je demande
si c’est là protester contre le traité du 15 novembre ? Le gouvernement
déclare, à la face des chambres, que le traité est resté intact, qu’il est la
base de notre droit public, et l’on n’a rien fait. Cependant l’honorable M.
Dumortier, dans une séance précédente, a dit qu’à partir de la convention du 21
mai, on n’a plus parlé du traité du 15 novembre. On n’en a plus parlé !
Vous venez de voir ce qui s’est passé entre le gouvernement et les chambres au
mois de juin 1833 ; mais voici ce qui est plus positif encore : un
membre de la chambre, rapporteur du budget des finances en 1833, soutenant que
M. le ministre des finances avait dissimulé un déficit dans notre situation
financière, s’exprimait ainsi dans la séance du (erratum, Moniteur du 22
mars 1839 : ) 31 août
1833 :
« Enfin,
messieurs, on vous l’a dit : Le traité des 24 articles est intact, et
alors il est prudent de nos réserver les moyens de fournir aux arriérés de la
dette. Toute espérance contraire serait chimérique, et les calculs qui ne
porteraient pas sur cette base ne reposeraient que sur une idéologie sans
raison.
« Je
voudrais que le chef du cabinet vînt déclarer hautement que le gouvernement
belge est décidé à ne pas payer les arriérés. Si nous n’obtenons pas cette
déclaration, il est sage de nous préparer à les payer autrement que par des
réflexions sur le passé et d’inutiles regrets. »
Qui donc,
messieurs, tenait ce langage dans la séance du 31 août 1833 ? Qui donc
déclarait d’une manière si formelle que le traité du 15 novembre restait intact
et qu’il fallait faire figurer dans notre passif les sommes nécessaires pour
payer les arrérages de la dette ? Qui donc disait que raisonner autrement
c’était se placer sur une base qui ne reposait que sur une idéologie sans
raison ? C’était l’honorable M. Dumortier.
Ce que je
viens de vous citer est bien clair, messieurs, mais voici ce qui ne l’est pas
moins et ce qui présente une plus grande importance, en ce qu’il s’est écoulé
plus d’un an entre le langage que je viens de rapporter et celui que je vais
reproduire. Voici ce qu’un honorable membre de la chambre disait de la
convention du 21 mai, dans la séance du 14 novembre 1834 :
« Vous
connaissez la convention du 21 mai ; espèce d’arbre du bien et du mal,
cette convention a porté des fruits précieux et des fruits amers : des
fruits précieux pour le présent, des fruits amers pour l’avenir.
« Par
la convention du 21 mai, nous restons en possession des avantages acquis par la
révolution. Par elle, nous conservons des frères qui, comme nous, ont secoué le
joug de
« Quant
à l’avenir, elle laisse toujours subsister le traité du 15 novembre, et place
ainsi
C’est
l’honorable M. Dumortier qui tenait encore ce langage, bien que dans une séance
précédente il ait prétendu que, depuis la convention du 21 mai, on n’a plus
parlé du traité du 15 novembre.
Je cherche
vainement, messieurs, comment le traité du 15 novembre s’est trouvé anéanti, je
cherche la date de son abrogation ; je cherche une protestation, une
déclaration de déchéance ; je n’en trouve pas. Cependant nous voilà déjà à
la fin de 1834.
Arrivons à
1836. En 1836, messieurs, les choses changèrent un peu de nature, et vous allez
en comprendrez facilement la raison : en octobre 1836, la première réunion
des conseils provinciaux eût lieu ; le conseil provincial du Luxembourg et
le conseil provincial du Limbourg ne protestèrent point contre le traité du 15
novembre, mais adressèrent des vœux au gouvernement pour que, si les
négociations venaient à être ouvertes pour arriver à un traité définitif, on
fît tous les efforts possibles pour conserver les territoires cédés.
Cette
démarche des conseils provinciaux rappela l’attention publique sur le traité du
15 novembre et sur l’issue pénible à laquelle on pensait qu’elle aboutirait un
jour. Eh bien, messieurs, après que les conseils provinciaux du Limbourg et du
Luxembourg eurent exprimé le vœu que la diplomatie belge employât tous ses
efforts pour conserver l’intégrité territoriale, la session législative
s’ouvrit, et voici ce qu’on trouve dans le discours du trône du 9 novembre
1836 :
« Mon
gouvernement a su maintenir nos droits, en défendant avec persévérance la
position acquise au pays et garantie par les traités. »
Ceci n’est
pas tout à fait l’équivalent de ces mots : la convention du 21 mai 1833.
Vous l’entendez, messieurs, « et garantie par les traités » : il
y avait donc plus d’un traité ; on faisait donc nécessairement allusion au
traité du 15 novembre. Il est impossible de méconnaître que telle est la portée
du discours du trône.
Et je m’étonne,
messieurs, lorsque ce discours du trône est l’œuvre d’un ministère dans lequel
siégeaient deux honorables ex-ministres, de l’attitude qu’ils ont jugé à propos
de prendre depuis. Car enfin ces honorables ex-ministres doivent savoir qu’un
discours du trône lie tous les ministres, qu’il est l’œuvre de tous les
ministres, qu’aucun membre du cabinet ne peut en décliner la responsabilité ni
se retrancher derrière la spécialité de son département. Un discours de la
couronne est une œuvre gouvernementale par excellence ; c’est un acte de
solidarité pour les ministres. Eh bien, vous le voyez, messieurs, le discours
du trône que je cite parle de la position acquise par
Dans la
séance du 9 novembre 1836, l’honorable M. Dumortier s’écrie :
« Il
importe que le pays sache si le gouvernement répudie le traité du 15 novembre,
ou s’il le reconnaît. »
Ainsi, dans
l’opinion de l’honorable M. Dumortier, le traité subsistait au mois de novembre
1836, ou, tout au moins, M. Dumortier reconnaît que le gouvernement ne s’était
pas explicitement prononcé sur la validité du traité du 15 novembre ;
sinon, la question de l’honorable membre aurait été tout à fait oiseuse.
M. Nothomb,
aujourd’hui ministre des travaux publics, alors secrétaire général du
département des affaires étrangères (position que je crois pouvoir qualifier de
semi-ministérielle, sans blesser M. Nothomb), M. Nothomb, dis-je, en réponse à
l’interpellation de M. Dumortier, s’écrie que le traité du 15 novembre est
resté debout, que c’est la base de notre droit public. M. Nothomb vous a
lui-même rappelé les expressions dont il s’est servi dans la séance du 9
novembre 1836, et dès lors je n’ai pas besoin de les reproduire.
L’honorable
M. de Muelenaere, ministre des affaires étrangères, et qui, en cette qualité,
parlant au nom du gouvernement, engageait la responsabilité de tous les membres
du ministère, qui ne l’ont pas désavoué ; l’honorable M. de Muelenaere
tient un langage analogue à celui de l’honorable M. Nothomb.
Au sénat,
l’adresse fut discutée sous l’empire de ce qui venait de se passer dans les
conseils provinciaux du Luxembourg et du Limbourg. M. le comte d’Ansembourg
vous y faire insérer, par amendement, non pas une protestation contre
l’exécution du traité, mais le simple vœu des conseils provinciaux du Limbourg
et du Luxembourg.
Qui
combattit cet amendement ? M. le ministre des affaires étrangères, organe,
et à la chambre et au sénat, du gouvernement tout entier ; et, sur les
instances de M. le ministre des affaires étrangères, l’amendement proposé par
M. le comte d’Ansembourg, fut rejeté par le sénat.
Un membre – Vous ne
parlez pas de l’adresse de la chambre.
M. Lebeau – L’adresse
de la chambre ne dit pas un mot qui invalide le traité du 15 novembre, et vous
ne prétendrez pas, sans doute, qu’une prétérition soit une déclaration de
déchéance.
Et lorsque
des faits semblables se sont accomplis sous un ministère dont faisaient partie
les honorables Messieurs. Ernst et d’Huart, avons-nous, je le demande, le droit
de nous étonner quelque peu de l’attitude qu’ils ont prise aujourd’hui ?
Quoi !
le gouvernement, s’exprimant par le discours du trône, s’exprimant par l’organe
du M. le ministre des affaires étrangères au sein des chambres, déclare que le
traité du 15 novembre n’est nullement invalidé, et fait rejeter des amendements
dont l’adoption pourrait jeter le doute à cet égard ; et des membres de ce
même cabinet viennent aujourd’hui, au nom de la morale, prêcher la violation du
traité du 15 novembre, c’est-à-dire dans mon opinion, prêcher le mépris de la
foi jurée, le mépris d’engagements pris en face de l’Europe et confirmés par le
pays tout entier. Messieurs, je laisserai à d’autres le soin d’expliquer de
pareilles contradictions.
Ainsi, en
1836 le gouvernement reconnaissait devant les chambres la validité du traité du
15 novembre ; nulle protestation de déchéance n’a été faite dans les
chambres, personne n’a attaqué la validité du traité, ou du moins personne n’a
fait passer cette théorie dans les actes parlementaires.
Qu’a-t-il
donc de changé depuis la fin de 1836 ? Ce qu’il y a de changé, c’est qu’il
y a de plus, c’est l’adhésion du roi Guillaume, ce sont des modifications au
traité que je crois avantageuses à
Est-ce à dire
que je sois en extase devant le traité du 15 novembre ? Est-ce à dire que
je croie qu’on n’aurait pas dû tenir un peu compte de ce qui s’est passé, de la
communauté d’intérêts pendant huit ans, enfin de la possession non interrompue
depuis la révolution de septembre ? Est-ce à dire, messieurs, qu’il ne
faille pas désirer qu’une politique plus humaine, plus sage peut-être, vienne
présider un jour aux transactions des cours européennes ?
Non,
messieurs, je ne suis pas en extase devant le traité du 15 novembre.
Quoiqu’avec moins de bruit, je déplore aussi amèrement que d’autres les
pénibles conséquences du traité. Mais, messieurs, la prescription dans le droit
public doit avoir quelque analogie avec la prescription dans le droit civil.
Lorsqu’il y a deux ans à peine tout le monde parlait encore de la validité du
traité du 15 novembre, que du moins aucun pouvoir ne la niait, on ne peut pas
aujourd’hui, parce que le roi Guillaume a adhéré au traité et qu’on y a
introduit des modifications avantageuses à
La
conférence, d’ailleurs, qu’on ne l’oublie pas, n’est pas omnipotente. La
conférence n’a pas seulement à respecter les droits de
Croyez-vous
que dans
On parle
d’une politique nouvelle, d’une Europe nouvelle ; mais cette politique
nouvelle, cette Europe nouvelle, ce n’est pas par la résistance, par la
guerre ; c’est par la paix que vous la verrez se former, c’est sous
l’influence de la paix, des idées généreuses qui se développent sous les
auspices de la paix, que l’on parviendra
à faire tenir meilleur compte des sympathies populaires et à substituer des
affinités naturelles aux affinités factices, à constituer les nations d’après
leur origine, leurs mœurs, leurs croyance, leurs affections, etc. non d’après
des lignes arbitraires ou des cours d’eau. Mais pour cela, la prolongation de
la paix est nécessaire. Avec la guerre reparaît l’Europe ancienne, l’Europe que
la guerre a faite.
Messieurs,
la chambre et le pays ont hâte d’en finir : aussi, je crois devoir abréger
les considérations dans lesquelles je me proposais d’entrer pour motiver mon
vote.
Je crois
avoir déjà faire justice de quelques exagérations qui se sont produites dans le
cours de cette discussion. Il en est une encore que je ne puis passer sous
silence.
A entendre
les partisans de la résistance, nous sommes des trafiquants de chair humaine,
nous sommes des fratricides. On a été jusqu’à dire qu’en adoptant la
proposition du 23 janvier, nous allions verser le sang innocent.
Je suis
presque tenté, par une réaction naturelle contre de pareilles exagérations, de
prendre la défense de celui qu’on vous représente comme une espèce de Néron au
petit pied. Eh quoi ! en replaçant sous la domination du grand-duc de
Luxembourg les populations cédées, nous faisons la traite des blancs, nous les
mettons en quelque sorte sous le fouet du planteur ! Messieurs, il faut
être juste envers tout le monde ; il faut être juste même envers le roi
Guillaume. Il ne faut pas oublier que celui que vous désignez comme si cruel ce
Néron au petit pied, est cependant le même prince qui donnait un asile aux
proscrits de la restauration ; il ne faut pas oublier que ce prince, qu’on
représente comme un réactionnaire si violent, a cependant dans ses conseils un
ministre de Louis Napoléon, et qu’il a encore parmi les membres de son cabinet
actuel un homme qui a juré haine à la
maison d’Orange.
Je crois
qu’il serait temps de parler un autre langage envers celui à qui peut-être le
Roi des Belges va jurer paix et amitié ; je crois qu’il serait temps
surtout de parler un autre langage à l’égard de
On ne s’est
pas borné à ce genre d’exagération.
Notre
système a été pour la troisième fois accusé de lâcheté, d’inhumanité. Nous
sommes des ingrats, nous sommes des égoïstes. Voyons, messieurs, ce qu’il y a
de réel dans ces assertions. Qu’est-ce qui surtout a fait accepter à
M. Gendebien – J’ai
l’honneur de déposer sur le bureau une pétition qui m’a été adressée de la
ville de Huy contre le morcellement du territoire ; cette pétition est
signée par les plus honorables citoyens, et entre autres par votre honorable
collègue M. Dautrebande. Je demande que cette pétition soit insérée au Moniteur
avec les 80 signatures.
M.
Vandenbossche – J’ai aussi l’honneur de déposer une pétition de
Lede contre le traité, qui est signée par 89 des principaux habitants de la
commune, tous électeurs.
Je demande,
comme l’honorable préopinant, l’insertion au Moniteur.
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) –
Messieurs, j’ai été étonné lorsque j’ai entendu, dans la dernière séance, un
honorable député de Mons accuser tour à tour les ministres des affaires
étrangères qui ont occupé ce département depuis 1831 jusqu’à ce moment, de
s’être laissé abuser par une crédulité facile, d’avoir entraîné les chambres
dans des erreurs graves. L’honorable membre avait-il donc perdu la mémoire de
ce qui s’était passé au congrès ? Avait-il perdu le souvenir du discours
qu’il a prononcé à la séance du 1er février 1831, pour appuyer
l’élection du duc de Nemours ? Jamais un homme politique n’a donné une
preuve de plus grande crédulité, jamais une assemblée n’a été entraînée à
prendre une décision plus décevante.
Voici,
messieurs, ce que disait M. Gendebien à la séance du 1er février
1831 :
« En
élisant le duc de Nemours, nous avons la certitude qu’il acceptera. Tous nos
lettres venant de Paris, nos relations avec de hauts personnages en France, la
voix patriotique et persuasive de
L’orateur
qui tenait ce langage était membre du gouvernement provisoire, chef du comité
de la justice, et venait de remplir une mission diplomatique à Paris. Cependant
qu’est-il advenu de ces belles promesses ? Le congrès s’est laissé
entraîner par ce discours, l’élection a eu lieu, et elle était à peine consommée
que le refus de Louis-Philippe était connu de
Dans cette
même discussion, messieurs, le même orateur cherchait encore à effrayer le
congrès au moyen d’une note diplomatique que le gouvernement provisoire avait
reçue de
Je ne dirai
que quelques mots pour rectifier les faits avancés par cet orateur en ce qui
concerne la marche des négociations. Déjà elle a été suffisamment exposée dans
les deux rapports que j’ai communiqués à la chambre et dans les divers discours
que j’ai prononcés.
Tous les
efforts du gouvernement dans cette longue négociation ont tendu à la
conservation du Limbourg et du Luxembourg ; c’était pour nous un devoir,
mais il ne devait pas dépasser les limites du possible.
Serait-il
vrai que jamais le gouvernement n’ait pu conserver d’espérance de succès sur
cette importante question ? Non, messieurs. Et d’abord, je déclare qu’il
n’est pas vrai que la question territoriale fut décidée dès le mois de mars ni
même dès le mois de mai, et qu’il n’est pas vrai non plus que la révision de la
dette fut admise à cette époque. Je vous ai exposé, dans mon rapport du 1er
février, quelle était l’exacte situation des choses aux mois de mars et de mai,
en ce qui concerne la question territoriale. Si, dès lors, nous avons pu
apercevoir les plus grandes difficultés, nous ne devions pas cependant
désespérer d’arriver à un arrangement au moyen de compensations. Mais si nous
avions désespéré alors de la question territoriale, nous eussions dû désespérer
également de la question de la dette ; car, le 27 avril dernier, le
cabinet britannique avait fait notifier au gouvernement belge que toute
espérance de réviser la dette serait chimérique. A cette époque les cours du
Nord ne faisaient pas de concession sur la question des arrérages. Le roi
Guillaume disait que son adhésion était subordonnée à la condition que le
traité fût exécuté purement et simplement.
Il n’est
pas exact de dire que, dès la première réunion de la conférence, la question
territoriale fût résolue dans son sens.
D’abord, au
mois de mars, il ne fut pris aucune décision. Il y eut un simple accusé de
réception de l’adhésion du roi Guillaume donné par lord Palmerston. Voilà le
seul acte de cette époque. Lorsqu’au mois d’août la conférence repris le cours
de ses travaux, elle ne rédigea aucun protocole ; la discussion s’ouvrit
de prime abord sur la question de la dette.
Au mois de
novembre dernier, le gouvernement avait l’assurance qu’on admettrait le
principe d’une transaction pour réduire la dette ; on lui proposait, à ce
titre, une réduction de 3 millions de florins ; il espérait une réduction
plus considérable encore. L’époque de la réunion des chambres, en France, était
annoncée. Des hommes graves de
Les
démonstrations de
Peu s’en
faut qu’on ne nous accuse de connivence avec le ministère français, qu’on ne
suppose que les ministres, tant en Belgique qu’en France, étaient constamment
d’un commun accord. Car c’est jusque-là qu’on a porté l’esprit de soupçon.
Ainsi la dissolution des chambres françaises devait coïncider avec le rapport
que je faisais à la tribune belge le 1er février. Vraiment cette
accusation est par trop absurde pour qu’on s’y arrête un seul instant.
Qu’est-ce d’ailleurs qui a fixé la date de ce rapport ? cette date ne
s’exprime-t-elle pas suffisamment par la note de la conférence du 23
janvier ? Qu’est-ce qui a donné lieu à la dissolution des chambres
françaises ? N’est-ce pas la fin de la discussion de l’adresse et la
démission donnée par les ministres, qui n’a pas été acceptée par le roi, ce qui
a rendu nécessaire la formation d’une nouvelle chambre ?
La
nomination du général Skrynecki n’aurait été elle-même qu’une déception !
Mais cette nomination coïncidait précisément avec l’arrivée du général en
Belgique, et l’arrivée du général n’était pas un fait instantané, c’était un
fait prévu depuis plusieurs mois. Quant à la position du général rien n’y a été
changé ; elle a été fixée telle que l’exigeaient les circonstances.
Nous
n’avions pas pris de conclusions, dit-on, à la suite du rapport du 1er
février ; c’était pour avoir le temps de préparer les esprits ! mais
non ; c’était pour savoir si le roi Guillaume adhérait lui-même aux
propositions du 23 janvier. Si cette adhésion n’avait pas été donnée, certes
nous nous serions abstenus de présenter le projet de loi que vous discutez en
ce moment.
On nous
demande ce qui justifie le changement qui s’est opéré depuis le mois de
novembre. Mais a-t-on oublié les faits qui se sont produits depuis cette
époque, et le protocole du 6 décembre auquel
D’une part,
on nous a accusés de nous être bercés de vaines espérances sur la question du
territoire ; et, d’autre part, le même orateur vous persuade encore que
dans l’état actuel des choses vous pouvez obtenir une solution favorable à
cette question. Je le demande, s’agit-il de se bercer d’espérances en présence
de l’acte solennel qui vient d’être accompli ? La conférence, qui vient de
se prononcer définitivement, vous laissera-t-elle jouir à jamais de tous les
avantages du statu quo ? Mais a-t-on oublié les actes par lesquels deux
puissances représentées à la conférence ont amené l’adhésion du roi Guillaume
au traité du 15 novembre ; et ne doit-on pas conclure de ces précédents
que
La question
dit-on, est celle-ci : Accepterez-vous le traité ou vous laisserez-vous
exécuter ? Sans doute elle est là ; mais s’il est pénible de donner
son consentement à un traité que nous considérons comme onéreux, comme blessant
nos affections et nos sympathies, je le demande, y aurait-il de l’avantage à
laisser victimes les habitants des territoires aujourd’hui en discussion ?
Quel serait donc l’avantage de répandre le sang sans aucun espoir de conserver
en définitive ces mêmes territoires ? Quel serait l’avantage de laisser
consommer la ruine du pays ?
Mais,
dit-on, les événements que vous redoutez ne sont pas certains, ne sont que des
prévisions. S’il faut une certitude absolue, si les événements doivent être
accomplis, à quoi bon les lumières de la raison ? A quoi servent nos
discussions ?
En
terminant, je dois répondre quelques mots sur la question de
constitutionnalité. L’honorable député de Tournay a prouvé avec beaucoup de
lucidité que d’après les dispositions de la constitution, les Luxembourgeois
sont Belges à l’égal des habitants des autres provinces. Sur ce point, il n’y a
aucun doute, d’après la constitution, ils sont comme nous admissibles à tous
les emplois civils et militaires. Mais il ne résulte nullement de son
argumentation que des parties du Luxembourg ne puissent être cédées en vertu
d’un traité, comme d’autres parties du territoire. A cet égard, les discours
des honorables Messieurs Liedts, Fallon et le rapporteur de la section
centrale, conservent toute la force de leurs argumentations.
Lorsque le
congrès a voté les 18 articles, il a été le meilleur interprète de ses
décisions antérieures ; et lorsque les événements malheureux d’août 1831
ont obligé les chambres à accepter le traité du 15 novembre, cette acceptation
a été justifiée à la dernière évidence. La même nécessité qui pressait alors
les chambres, les presse encore aujourd’hui, et votre décision sera toute aussi
constitutionnelle, tout aussi légitime.
M. Gendebien – Avant que
j’aborde le fait qui m’est personnel, permettez-moi de répondre un mot sur ce
qu’on a dit de mon père. Un honorable orateur a dit que M. Gendebien père était
tout à fait de son opinion au sujet des 18 articles, et qu’il y avait trouvé
tout ce que lui-même y a vu. M. Gendebien père est monté à la tribune le 17
novembre 1830 et là, messieurs, il a démontré en peu de mots, et d’une manière
aussi lucide que pertinente, le droit incontestable de
J’ai dit,
messieurs, que nous n’aurions une partie du Luxembourg que contre l’échange
d’une partie du Limbourg. Voilà, messieurs, ce que j’ai démontré au congrès au
mois de juillet 1831, d’après le texte même des 18 articles sainement
interprétés, et d’après toutes les pièces diplomatiques qu’on niait, mais qui
se sont produites depuis au grand jour.
Ainsi donc,
messieurs, M. Gendebien père a démontré d’une manière permanente notre droit,
et s’il a voté pour les 18 articles, c’est qu’il a été dupe comme tant
d’autres, c’est qu’il a pris au sérieux toutes les promesses, toutes les
prophéties qu’on nous faisait pour faire accepter ces 18 articles.
Il m’a été
impossible de retrouver dans l’Union belge le discours dont a parlé M. le
ministre de l'intérieur ; ce discours a probablement été publié dans un
supplément que je n’ai pas trouvé dans le volume que je viens de faire venir de
la bibliothèque. Je dirai toutefois qu’il est inexact que j’aurais communiqué
des documents diplomatiques au congrès : chacun sait que quand le comité diplomatique
faisait des communications, c’était ordinairement par l’intermédiaire de M. Van
de Weyer, ou d’un autre membre du comité en son absence ; je puis donc
déclarer hautement que M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères
s’est complètement trompé.
Lors de
l’élection du duc de Nemours, j’ai, dit-on, produit des lettres ; je n’en
ai produit aucune, mais j’ai parlé de lettres qu’avaient reçues des membres du
comité diplomatique, et autre autres celles reçues par M. Lehon ; mais,
loin d’avoir cherché à tromper le congrès sur les chances d’acceptation par le
duc de Nemours, j’ai au contraire dit au congrès la vérité toute entière. Car
savez-vous, messieurs, comment je procédais quand j’étais chargé d’une mission
diplomatique ? Vous allez en juger, et vous verrez si ma conduite
ressemble en rien à celle des hommes prétendument diplomates et hommes d’état
qui m’ont succédé ; voici le rapport que j’ai fait au congrès dans la
séance du 12 janvier 1831, à mon retour de Paris (j’étais revenu le 10 au soir) :
« Je
reviens, messieurs, à l’objet en discussion. J’ai dit que je ne m’opposerais
pas à ce que des commissaires fussent envoyés à Londres et à Paris ; mais
désirant que les conclusions de la section centrale ne soient adoptées qu’après
une mûre délibération, je crois devoir vous dire ce que j’ai recueilli de la
bouche même du roi des Français. Il est peut-être peu parlementaire de faire
intervenir le nom du roi dans la discussion ; mais il s’agit d’un
souverain étranger, et ses paroles sont trop importantes pour que je ne crois
pas utile, nécessaire même de les rapporter. Lorsque je fus présenté à S.M. le
roi des Français, je lui demandai si, le cas arrivant où le congrès
persisterait à élire son fils pour roi des belges, S.M. refuserait de nous
l’accorder. Voici la réponse de S.M. ; je crois me rappeler ses propres
paroles :
« M.
Gendebien, vous êtes père d’une famille à peu près aussi nombreuse que la
mienne, vous êtes donc dans une position à pouvoir mieux que personne apprécier
les sentiments qui m’agitent en ce moment. Il doit vous êtes facile de
comprendre combien il serait doux pour mon cœur, et flatteur pour un père, de voir un de ses fils appelé au trône
de
« J’ai
eu l’honneur de conférer, presque chaque jour avec M. le ministre des affaires
étrangères ; je lui ai posé la question, je puis le dire, à satiété. J’ai
toujours reçu la même réponse. « Mais, lui ai-je dit enfin, si, malgré
toutes les protestations, si, malgré tout ce que je pourrais dire à mes
concitoyens, le congrès national persiste à élire le duc de Nemours, et
l’élisait à une grande majorité ? – Eh bien ! m’a-t-il répondu, vous
avez entendu les paroles de S.M. ; vos concitoyens ne pourraient
s’attendre qu’à un refus. »
Voilà,
messieurs, comment je procédais lorsque j’avais l’honneur ou le malheur
d’appartenir au gouvernement provisoire,
et lorsque j’étais chargé d’une mission diplomatique. Je le demande maintenant,
M. le ministre de l'intérieur a-t-il bonne grâce d’affirmer que j’aie voulu
tromper et influencer le congrès pour faire nommer le duc de Nemours ?
Je ne
répondrai pas aux autres observations de M. de Theux, parce que je n’ai la
parole que pour un fait personnel. D’ailleurs, je crois que ce n’est pas la
peine, tout ce qu’il a avancé, étant, à peu près, aussi exact que ce qu’il a
dit de l’élection du duc de Nemours.
Maintenant,
en supposant que j’ai été dupe au 1er février, quelle conséquence
devrait-on en tirer ? C’est que je serais inexcusable de m’être laissé
duper encore après ; et s’il est vrai que le congrès a été trompé, que la
nation a été trompée le 1er février, comment se fait-il que
plusieurs membres du congrès et tous nos grands faiseurs se soient encore
laissé dupés depuis ? Quant à moi, j’ai si peu été dupe de la diplomatie,
que j’ai refusé de signer l’armistice le 15 décembre 1830.
M. le ministre de l'intérieur et
des affaires étrangères (M. de Theux) – Je n’ai pas parlé du rapport du 12
janvier, j’ai parlé du discours du 1er février, qui, étant
postérieur, devait être basé sur des faits nouveaux ; la seule conclusion
que j’en aie tirée, c’est que l’honorable député de Mons n’a pas le droit
d’être aussi sévère qu’il l’a été. D’ailleurs, je n’ai entendu en aucune façon
accuser ses intentions et il n’a pas le droit d’accuser les nôtres.
M. Gendebien – M. le ministre
dit qu’il n’a pas parlé de mon rapport ; je le crois bien, messieurs, ce
rapport est sa condamnation ; s’il l’avait lu, il n’aurait pas essayé de
me mettre en contradiction avec moi-même, il ne serait pas venu dire que
j’avais cherché à tromper le congrès.
« Mais,
dit M. le ministre, le discours est postérieur au rapport, et il reposait sur
des faits nouveaux. »
Je le défie
de citer un seul fait que j’aie invoqué, si ce n’est ce qui résultait de la
correspondance qui a été lue par d’autres que par moi, qui n’ai ni abusé ni
même usé d’aucun document quelconque.
Maintenant,
lorsqu’il s’est agi du duc de Leuchtemberg en concurrence avec le duc de
Nemours, j’ai dit que si nous devions acquérir par des traités les Luxembourg,
ce ne pourrait être que grâce à la puissante intervention de
Vous voyez,
messieurs, qu’il faut être réduit à l’impuissance de m’attaquer pour chercher à
me mettre en contradiction avec moi-même, lorsqu’on est soi-même en
contradiction flagrante.
M. le ministre de la guerre (M. Willmar) – Je ne
rentrerai pas, messieurs, dans la discussion générale qui a déjà assez
longtemps occupé la chambre, mais je pense qu’il est nécessaire que quelques
explications soient données sur tout ce qui est relatif à l’armée, c’est-à-dire
sur l’usage qui a été fait jusqu’ici des crédits votés par la chambre.
Toutefois
je ne puis me dispenser de protester à mon tour contre le reproche qui a été
adressé au ministère d’avoir excité dans le pays des manifestations qui
devaient être trompées par le résultat. Le gouvernement, dès l’instant où la
déclaration du roi Guillaume a été connue, n’a pas eu d’autre pensée que celle
de faire tous les efforts possibles, tous les sacrifices raisonnables, d’aller
aussi loin que possible sans en venir toutefois au suicide, pour conserver les
populations des territoires contestés ; mais le gouvernement n’a eu besoin
ni d’être encouragé ni d’être soutenu, son devoir était tracé, et il n’était
pas nécessaire qu’aucune manifestation vînt le lui rappeler ; peut-être même
aurait-il combattu certaines manifestations, comme il l’a fait (la chose est
maintenant bien avérée), lors de la discussion en section centrale du projet
d’adresse, s’il n’avait eu la crainte de nuire à la marche à suivre et aux
succès qu’on en attendait.
Tous les orateurs
qui ont parlé contre le projet, ont reproché au ministre de guerre toutes les
dépenses qui ont été faites pour l’armée. Plusieurs ont répété à l’envi, l’un
après l’autre : Vous vouliez la paix : pourquoi faire, dès lors, des
dépenses pour la guerre ?
Messieurs,
je ne répondrai pas à une argumentation qui n’a d’autre fondement que des
suppositions d’intention. Pour répondre à ces griefs, je me contenterai de
rappeler l’enchaînement des faits, et les conséquences qu’ils ont dû avoir,
quant à l’armée.
Toutefois,
j’ai besoin de faire une réflexion préalable ; Le ministère s’est divisé
uniquement d’abord à propos d’une sorte de question de forme, d’une
manifestation qu’il était ou qu’il n’était pas opportun de faire, mais au fond,
cependant, parce qu’il y avait scission sur la nécessité où le gouvernement
pouvait être d’accepter le traité proposé. Eh bien, cette division aurait pu
certainement produire un résultat contraire à celui qui a été obtenu. Il eût
été possible que les hommes qui ont cru devoir prendre sur eux le pénible
devoir de proposer l’acceptation du traité se fussent au contraire retirés, et
que le ministère fût resté occupé par les hommes qui croyaient devoir engager
le pays dans la voie de la résistance.
Certes, c’eût
été, pour ceux qui sont restés dans le cabinet, un grand bonheur que d’être
déchargés d’un si triste devoir. Que serait-il alors arrivé si un nouveau
ministre de la guerre n’avait pas trouvé d’armée, de moyens de
résistance ? Assurément, il n’y aurait pas eu une accusation de trahison
assez forte contre le ministre de la guerre précédente et contre tous ses
collègues.
Mais je
reviens aux vrais motifs des armements et des dépenses qui ont été faites. Mais
si ces dépenses ont été un sacrifice pour le pays, il faut regarder ce
sacrifice comme un de ceux que le pays avait déclaré à l’avance qu’il était
disposé à faire, pour s’épargner un sacrifice bien plus douloureux, celui d’une
partie de sa population.
L’exposé
des négociations qui vous ont été fait à diverses reprises vous a convaincus,
messieurs, qu’elles avaient continuellement mis en péril la convention du 21
mai 1833, la situation réelle du pays.
Je ne
rappellerai pas la série des actes qui ont établi le fait que je signale. Je
pense que tout le monde est convaincu que la convention du 21 mai étant
véritablement entée sur le traité du 15 novembre, en contestant l’existence du
traité on mettait également en question la convention du 21, le statu
quo ; on rendait libres d’agir contre
Eh bien,
c’était là un cas de guerre que le gouvernement avait prévu et que le
gouvernement était décidé à soutenir ; j’ajouterai même qu’il est permis
d’éprouver un véritable regret que ce cas de guerre ne se soit pas présenté.
Quoi qu’il
en soit, ce cas de guerre existant, il était véritablement nécessaire d’avoir
des troupes sous la main, pour pouvoir soutenir la guerre au besoin.
D’ailleurs,
messieurs, je puis aussi rappeler quelle était, au moment de l’ouverture de la
session, l’opinion générale. L’opinion générale demandait des armements ;
lisez les rapports de toutes vos sections, rappelez-vous toutes les discussions
qui ont eu lieu, et alors vous ne mettrez plus en doute que toutes les opinions
étaient qu’il fallait que des moyens énergiques et étendus fussent mis en œuvre
pour préparer le pays à la guerre. De toutes parts, la presse se plaignait avec
amertume de la faiblesse numérique de l’armée que l’on exagérait, des vides des
cadres que l’on exagérait encore. Enfin, des opinions nombreuses demandaient au
gouvernement d’envoyer sur-le-champ des troupes dans les territoires contestés.
Sérieusement, cette idée n’a jamais été mûrie un instant, car c’eût été
commencer soi-même les hostilités, c’eût été entièrement sortir de sa position.
Messieurs,
l’envoi éventuel de troupes à défendre ces territoires était un cas possible,
un cas qu’on devait prévoir. Il était dès lors indispensable de prendre des
mesures préliminaires pour l’envoi de ces troupes. Il fallait donc organiser
dans ces provinces, et surtout dans le Luxembourg, un service de vivres, un
service de fourrages, un service d’hôpitaux.
Telle est
la première mesure que le gouvernement a prise, telle est la première cause des
dépenses dans lesquelles il a été entraîné.
Plusieurs
augmentations ont eu lieu successivement dans le chiffre de l’armée. La
première a eu pour objet de rendre effective une certaine partie de la force
publique, sur laquelle on avait toujours compté dans l’évaluation de l’armée et
qui n’existait cependant en réalité que sur le papier. C’étaient les dernières classes
de la milice qu’on avait toujours tenues en réserve par un sentiment
d’humanité, afin de ne pas condamner à la vie militaire des jeunes gens qui
n’avaient pas encore acquis tout leur développement physique. Dans d’autres
circonstances, quand on appelait ainsi sous les armes une classe de miliciens
on renvoyait un nombre, non pas égal, mais proportionné, de soldats faits, et
l’on réduisait le service de garnison au strict nécessaire. Evidemment, dans
les circonstances où l’on se trouvait, une diminution quelconque de l’armée
était impossible. Il a donc fallu que ces jeunes miliciens fussent ajoutés au
nombre des soldats sur lesquels le pays pouvait réellement compter.
L’expérience
a prouvé que le pays aurait pu compter sur eux comme sur les autres, car tout
ce que j’ai dit sur l’état véritablement satisfaisant de l’armée est applicable
à toutes les catégories de l’armée.
Messieurs,
vous avez été informés par M. le ministre des affaires étrangères de l’effet
qu’avait produit presque immédiatement votre adresse ; il vous a parlé de
la protestation des envoyés des cours du nord contre les intentions manifestées
par
Messieurs,
il n’a pas été possible de laisser passer de semblables menaces sans prendre
des mesures qui montrassent qu’on était prêt à les repousser, si on venait à
les effectuer. Ce fut alors qu’une partie de l’armée fut retirée des garnisons
qu’elles occupaient dans le Brabant et dans les Flandres, pour faire face vers
le Luxembourg.
Cette
division dut être mise sur un pied suffisamment respectable, et de plus il
fallait des troupes nouvelles pour remplir les garnisons qu’elle venait de
quitter.
Cette
circonstance fut une seconde cause d’augmentation du chiffre de l’armée ;
mais cette seconde augmentation exige, à raison d’une circonstance
particulière, une explication spéciale de ma part.
Ce fut
alors qu’on appela sous les armes le 1er régiment de réserve, et cet
appel sous les armes de ce régime de réserve, alors que des miliciens de
classes plus jeunes restaient encore dans leurs foyers, a été l’objet de
critiques amères et malveillantes ; mais, avec un peu de réflexion ou de
connaissances sur l’organisation de l’armé, on aurait compris parfaitement
cette mesure.
Les
miliciens en congé ne sont pas disponibles pour les corps nouveaux quelconques.
Ces miliciens sont immatriculés par régiments, bataillons, compagnies et
appartiennent par conséquent à l’une ou à l’autre des fractions de l’armée, et
à la destination que cette fraction est chargée de remplir. Ainsi, tous les
permissionnaires des classes moins anciennes que les régiments de réserve
appartiennent aux trois divisions de l’armée et à la brigade
d’avant-garde ; tous ces corps étaient en ligne, la première et la
deuxième division et la brigade d’avant-garde faisant face aux troupes
hollandaises, la troisième échelonnée vers le Luxembourg. Aussi longtemps
qu’une armée plus forte ne devait pas se présenter devant elles, elles
n’avaient pas besoin de rappeler les permissionnaires ; mais cette
nécessité se serait présentée, si les armées ennemies s’étaient renforcées. Il
résulte évidemment de là que ces hommes devaient rester disponibles pour les
corps auxquels ils appartenaient, et exclusivement pour ces corps. Par
conséquent on ne pouvait pas en tirer parti, pour leur faire occuper des
garnisons dans les Flandres, lorsque les corps mêmes étaient dans
Dès le commencement de janvier, il y a eu des
symptômes de prises d’armes assez vives dans l’armée hollandaise ; le
service d’avant-poste se fit avec une rigueur extraordinaire ; partout on
mit les pièces en batterie, partout on fit les manifestations d’une prochaine
entrée en campagne ; surtout on répandit avec une grande affectation le
bruit du rappel prochain des permissionnaires.
A la vérité, on a donné pour prétexte à ce mouvement
extraordinaire celui qui venait d’avoir lieu dans l’armée belge. Mais ce
mouvement de l’armée belge avait été motivé et facilement expliqué. D’ailleurs
il était très peu important, il consistait dans quelques bataillons qui avaient
quitté la garnison de Liége et de Namur et qui avaient pris des garnisons plus
rapprochées de
Au 11 janvier, un grand mouvement de concentration se
manifesta dans l’armée hollandaise ; des troupes y vinrent de l’intérieur,
et les grenadiers formant la garnison de
Je ferai observer qu’il était d’autant plus important
de donner une grande attention à ces mouvements que, par la manière dont la
frontière hollandaise était alors gardée, il était impossible de savoir avec
quelque certitude ce qui se passait à l’intérieur. Il y aurait eu imprudence à
ne pas porter l’armée à un chiffre proportionné à celui que devait avoir
l’armée hollandaise.
Aujourd’hui cette armée est un peu moins concentrée,
mais elle se retranche dans ses positions. Elle a exécuté des fortifications
considérables, et elle a appelé sous les armes deux classes de la milice, ce
qui a augmenté encore de 12 à 15 mille hommes sa force numérique.
Voilà les circonstances qui ont successivement amené
l’augmentation de l’armée belge. Je pense qu’il suffit de les avoir indiquées,
pour avoir répondu aux reproches de n’avoir fait qu’un simulacre, de n’avoir vu
dans cette démonstration qu’un moyen de plus d’excitation pour le pays.
Dans ce que je viens de dire, il n’y a encore rien
concernant les promotions qui ont été l’objet de fortes récriminations. Les
motifs de ces promotions, il faudrait les chercher dans les rapports des
sections, dans le rapport de la section centrale sur le budget de la
guerre : la nécessité de remplir les cadres y est hautement et unanimement
proclamée. Il n’a pas été satisfait à cette nécessité ; et dans ce moment
encore l’armée de l’infanterie présente plus de 750 places auxquelles il serait
possible de pourvoir et auxquelles on aurait pourvu si on avait prodiguer les
grades.
Les dépenses dont je viens de parler sont en grande
partie temporaires ; elles doivent cesser au moment où l’état des choses
n’exigera plus une armée aussi considérable sur pied. Quelques-unes seulement
seront permanentes ; de ce nombre se trouve la légère augmentation
apportée aux cadres de la cavalerie et de l’artillerie. Je ne pense pas qu’on
ait lieu de regretter cette augmentation. Le système d’économie qui avait
toujours été suivi dans les années précédentes n’avait pas permis de porter
l’arme de la cavalerie aux proportions normales, même à celles qu’elle devra
avoir pour une armée moitié moindre de celle que nous proclamions avoir. Il en
est de même de notre artillerie. D’ailleurs les officiers d’artillerie sont des
hommes qui peuvent toujours rendre de grands services et procurer au pays de
véritables économies. Il suffit de se rappeler les travaux importants qui
s’exécutent pas les soins de l’arme de l’artillerie, pour sentir qu’une surveillance
éclairée et une bonne direction donnée aux travaux dont ce corps est chargé
sont à la fois utiles et économiques.
J’appelle l’attention de la chambre sur le fait que je
viens de signaler, de ce vide considérable qui existe encore dans les cadres de
l’armée. Pour soulever contre le gouvernement toutes les passions et toutes les
ambitions surtout, on a exagéré ces promotions et menacé l’armée de réformes en
masse, en même temps qu’on présentait le pays comme chargé à plaisir, d’énormes
dépenses.
Messieurs, en cédant à la nécessité, on ne s’est pas
écarté des limites de la plus sévère économie, et l’intérêt des officiers et
sous-officiers de l’armée ne se trouve pas menacé, du moins au point où on l’a
malheureusement prétendu.
Je comprendrai encore parmi les dépenses permanentes
les chevaux qu’on a dû acheter pour l’artillerie ; ces chevaux n’avaient
jamais été portés au complet. On avait toujours supposé qu’au moment du besoin
on les trouverait dans le pays, et qu’ainsi on s’épargnerait toutes les dépenses
de nourriture et d’entretien. Ce qu’on avait prévu s’est réalisé ; en très
peu de temps on a pu acheter tous les chevaux dont l’artillerie avait besoin,
en disposant des économies qu’on avait faites ; on a montré la sagesse
avec laquelle le gouvernement avait procédé. Ces chevaux pourraient au besoin
se revendre en temps opportun, sans perte réelle ou du moins très grande pour
le pays.
Quant aux chevaux de la cavalerie, ils n’ont jamais eu
d’autre objet que de porter nos régiments au complet. Continuellement on avait
fait des remontes trop faibles, et les escadrons se trouvaient tellement
réduits qu’ils ne répondaient plus à leur véritable objet. Sous ce rapport,
cette dépense peut à peine être regardée comme dépense de circonstance.
Nous traitions avec l’intention et l’espoir de faire
modifier les arrangements de 1831 ; nous comptions sur l’inquiétude que
devaient avoir les puissances sur les difficultés que rencontrerait l’exécution
du traité, et nous avions l’espérance que
Parmi les dépenses qui ont été faites, je dois aussi
indiquer celles qui ont eu lieu pour les ouvrages de fortifications, dont la
plus forte partie se rapporte aux fortifications mêmes du camp. Ces
fortifications ont eu surtout pour objet la prévision d’une attaque de la part
des troupes hollandaises.
En mettant en discussion le traité de 1831, nous
menacions
Dans ce moment, il nous a paru qu’il était nécessaire
au moins de mettre nos forteresses, celles qui sont sur la frontière
hollandaise, dans ce qu’on appelle un état de sûreté, afin qu’elles ne pussent
pas être prises au dépourvu. De là il est résulté encore quelques dépenses. On
a fait des dépenses de cette nature assez considérables à Venloo. Il était
nécessaire de satisfaire aux demandes du général chargé de la défense de ce
point important.
Enfin messieurs, les armements étaient nécessaires
aussi pour appuyer en quelque sorte l’attitude que le pays avait prise. Les
paroles de l’adresse n’auraient pu faire aucune espèce d’effet, n’auraient pas
été crues, auraient été ridicules, si aucun fait ne les avait accompagnés.
Parmi les faits relatifs à l’armée, que je viens de
passer en revue, qui démontrent que tout a été sérieux, ainsi que quelques
orateurs l’ont dit pour ce qui les regardait, il n’en est pas un qui fût un
simulacre, ni un moyen de produire une sorte d’excitation. A ce sujet, je
répondrai à ce qui a été dit relativement à un général renommé qui fait partie
maintenant de l’armée belge.
Il est presque permis de dire que dans l’arrivé du
général Scrzynecki il n’y a eu rien qui fût de circonstance. En 1834, déjà des
négociations avaient été ouvertes pour attacher le général Scrzynecki à l’armée
belge. Cependant ces négociations ne manquèrent leur effet que par des
circonstances dépendantes du général lui-même. Cette fois encore des amis du
général avaient fait savoir au gouvernement qu’il était disposé à prendre du
service dans l’armée belge, et ce fut par ces mêmes personnes que le général
apprit que le gouvernement belge, de son côté, était toujours disposé à
profiter de ses services.
Afin de pouvoir soutenir que l’arrivé du général au
moment de la crise était un moyen d’excitation, on a dit qu’on l’avait appelé
pour être généralissime de l’armée, et que c’était par un acte de faiblesse
qu’on l’avait placé le lendemain dans la position de disponibilité. Cela est de
toute inexactitude. Les amis du général ont été avertis, et il l’a été par eux
dès qu’il a été question qu’il vînt en Belgique, que la seule position qui pût
lui être assurée était celle de général en disponibilité ; mais que si une
division nouvelle était organisée comme c’était vraisemblable puisqu’on croyait
alors qu’on aurait la guerre, il en aurait eu le commandement. Voilà l’exacte
vérité en ce qui regarde le général Scrzynecki.
Quant à son admission dans l’armée, elle peut
s’expliquer très simplement. Le général Scrzynecki a montré un beau caractère
et les qualités d’un homme de guerre, une grande bravoure et un véritable
talent à manier des masses sur un champ de bataille. Dans une armée l’élan
militaire est entretenu par le souvenir des combats et des faits d’armes. Dans
un pays jeune où l’armée n’est pas formée depuis longtemps, où les régiments
n’ont pas eu l’occasion de faire la guerre, il n’y a pas de souvenirs de corps.
Il est utile alors que ce soient les souvenirs attachés au nom des chefs qui
produisent l’exaltation militaire et le sentiment de gloire militaire qui fait
le véritable soldat. Ceux d’entre nous qui ont fait la guerre l’ont faite dans
des positons inférieures. Nous n’avons pas dans notre armée des généraux qui
aient fait comme généraux la guerre, qui aient manié des masses sur le champ de
bataille. Je suis convaincu, messieurs, que tous nos généraux s’acquitteraient
parfaitement de cette tâche ; mais cela peut ne pas suffire pour le soldat
ni surtout pour le pays. La confiance du soldat est plus grande quand il sait
que le général qui le conduit au feu a déjà pris part, comme général, à plus
d’une bataille. Voilà les seuls motifs qui aient déterminé à admettre le
général Scrzynecki dans les rangs de l’armée. Les généraux français employés
dans l’armée remplissent toutes les conditions dont je viens de parler ;
mais ces généraux ne sont pas destinés à rester toujours dans le pays à la tête
des corps. Nous devons toujours prévoir le moment où ils seront rappelés, et si
nous avions fait la guerre malgré le gouvernement français, peut-être les
aurions-nous perdus au moment du besoin. Dès lors c’était une précaution sage
d’avoir un général de plus dont les antécédents le recommandaient à la
confiance du soldat. La chambre voit, d’après cela, qu’il n’y a eu dans
l’arrivé du général Scrzynecki rien de politique rien de circonstance.
Avant de finir, je dois encore apprécier quelques-uns
des systèmes de résistance passive développés dans cette enceinte, et qui, du
reste, ne sont pas très nombreux.
La base du système de résistance passive est, pour
tous ceux qui l’ont défendu, l’impossibilité d’employer des moyens de
contrainte, si même il en existe. Je ne rentrerai pas dans la discussion qui
peut exister ou ne pas exister pour
Je suppose même que
L’honorable député de Virton qui, avec l’honorable
député de Diekirch, a exposé avec le plus de détails le système de la
résistance passive a proposé de ne pas avoir une armée plus forte que l’armée à
tenir en échec. Certes, rien n’est plus raisonnable. Mais encore, dans notre
pays, ce fait doit être subordonné à certaines conditions qui n’existent pas de
même sur
Ainsi, Anvers, Gand, Bruxelles, Liége, Ostende,
Nieuport, toutes ces villes doivent avoir des garnisons assez fortes. Nous
devons toujours avoir une armée plus forte de dix ou quinze mille hommes que
celle de
Je viens à l’armée de la confédération. Avant le mois
de février l’armée prussienne sur le Rhin était peut-être, comme l’a dit un
honorable membre, de 30 à 40 mille hommes. Mais depuis, ses forces ont
augmenté, et d’après le système militaire prussien que l’honorable député de
Diekirch vous a exposé, vous ne devriez pas être étonnés que les corps de
l’armée prussienne entre le Rhin et
Ainsi vous devez reconnaître que, pour mettre à
exécution ce système de résistance passive, vous pouvez vous trouver dans la
nécessité d’avoir 100 à 160 mille hommes sous les drapeaux, ce qui vous impose
une dépense de 6, 7 ou 8 millions de francs par mois.
On a cité l’exemple du budget de 1833 qui ne portait
pas un chiffre aussi élevé pour une armée très forte ; mais ces dépenses
que j’indique sont calculées d’après le budget de 1839 ; et si le budget
de
Messieurs, cet état de choses admis, l’on doit
nécessairement se demander de quelle durée il est susceptible et cela n’est pas
trop facile à prévoir, d’après tout ce qui a été dit. L’issue, envisagée sous
le rapport de l’honneur national, est encore telle que je l’ai représentée la
première fois que j’ai pris la parole. Si l’honneur national, l’honneur de
l’armée, étaient engagés, il est certain que cette issue ne le dégagerait pas,
car cette issue encore n’amène pas de combat ; cette issue devrait encore
être, d’après l’opinion même de ceux qui ont proposé ce système, la retraite
avant le combat : absence par conséquent de tout ce qui pourrait sauver
l’honneur national.
L’honorable député de Virton a dit : « Le
duel une fois accepté, les deux combattants en face sur le terrain, ne peuvent
plus se retirer sans lutte, mais ajoute-t-il, si au lieu de trouver un
adversaire vous trouvez dix adversaires qui tirent à la fois l’épée et se
disposent à fondre sur vous, serez-vous déshonorés si vous vous
retirez ? » Certainement, non, Messieurs, je ne connais pas de champ
de bataille où l’on puisse rencontrer une armée dix fois plus forte ;
c’est là une véritable figure de rhétorique, et ces mots « dix
adversaires » ne signifient autre chose que des adversaires plus
nombreux : or, messieurs, sur le champ de bataille une armée animée de
véritables sentiments d’honneur militaire ne compte pas les ennemis ; une
fois sur le champ de bataille, elle doit vaincre ou être écrasée. C’est là le
devoir de l’honneur, et c’est de cette manière seulement que « ce devoir
sacré peut être rempli jusqu’au bout » pour emprunter encore les
expressions de l’honorable député de Virton. Mais si tel est le devoir de
l’armée, est-ce le devoir du pays de conduire l’armée à une bataille où la
victoire est impossible et l’anéantissement certain ?
Je dois le dire, messieurs, ce système-là n’est pas
autre chose que celui-ci : « On ne nous attaquera pas, et si l’on
nous attaque, nous ferons des efforts, non pas proportionnés à l’attaque, mais
proportionnés à nos facultés, à nos convenances, c’est-à-dire, que nous
trouvant toujours nécessairement inférieurs en nombre, nous n’en ferions pas,
nous ne nous battrions pas. » Voilà, messieurs, ce système dégagé de tous
les mots à effet, de toute figure de rhétorique ; voilà ce système dans
toute sa simplicité, dans toute la vérité. Eh bien je le déclare, un semblable
système ne satisfait ni l’honneur militaire, ni l’honneur national ; il
n’est propre qu’à compromettre l’un et l’autre ; je le repousse donc, et
je demande, ou bien que l’on fournisse à l’armé des combats sérieux, ou bien
qu’on fasse la paix sans elle ; et qu’on lui conserve le prestige de la
présomption de sa valeur pour des combats futurs.
Un honorable député, défendant le même système et
réduisant pour plus de commodité l’attaque aux proportions les plus simples,
nous représente l’Europe, suivant l’expression de l’honorable M. Pirmez, comme
se bornant à nous attaquer avec 90,000 hommes sans plus ; cet honorable
député a exposé un plan d’une guerre de manœuvre d’après lequel une armée
inférieure en nombre, par des marches rapides et bien combinées, peut tenir en
échec des armées plus nombreuses ; l’honorable député de Thielt a proposé
un système continental au petit pied ; l’honorable député de Diekirch a
proposé une répétition en raccourci de la campagne de 1814, qui est la plus
belle campagne de Napoléon, mais qui néanmoins n’a eu d’autre résultat que la
perte et la chute de l’empire français. Sans manquer ni à la réserve ni à la
prudence, je crois pouvoir examiner ce système qui a paru faire quelque
impression.
En 1814, les armées alliées se présentèrent à la
frontière de France, depuis Wesel jusqu’à Bâle, et entrèrent par divers points
devant converger vers la capitale.
Il était tout simple pour l’armée française, placée
dans l’intérieur du triangle, de se jeter, par des marches rapides, tantôt sur
une ligne d’opération, tantôt sur une autre ; ce plan acquerrait même plus
de chance de succès, à mesure que les colonnes pénétraient plus avant dans
l’intérieur et rendaient ainsi les lignes d’attaque moins longues ; mais
ici, messieurs, ce système serait-il possible ? Si l’on nous attaque
seulement sur la frontière, il n’y a point de marches à faire dans l’intérieur,
et dès lors comment surprendre les corps dans leur marche ? ce système est
évidemment incompatible avec la configuration même de notre pays, pays sans
profondeur où ce système ne pourrait en aucune façon se développer ; ce
système est fait pour un grand capitaine, un grand pays et une petite armée. En
une seule marche les armées de la confédération, déployées sur la frontière, se
trouveraient toutes à la fois sur le champ de bataille, et certes, il ne serait
pas possible d’aller les chercher les unes après les autres.
Pour terminer, messieurs, j’apprécierai en peu de mots
les effets du rejet du traité et de la résistance passive et l’espèce de statu
quo, dont se croiraient assurés les partisans du rejet, et ce qu’ils offrent de
mieux à
La convention du 21 mai détruite, la confédération
germanique et
Un honorable député, qui n’a pas méconnu la gravité de
la situation, en a tiré des conséquences contraires : suivant lui, cet
état des esprits, l’exaltation des partis, n’existent qu’en germe, leur
développement complet et invincible dépend du vote de la chambre, et doit
éclater immédiatement après l’acceptation du traité. Messieurs, je suis d’un
avis tout contraire : les éléments du désordre existent toujours, quoi
qu’en aient dit quelques-uns des amis de l’honorable membre ; la
fermentation n’est pas éteinte, mais elle est déjà calmée par l’aspect de vos
débats : seulement la discorde qui existe et la fermentation qui continue
cesseront aussitôt que l’incertitude, c’est-à-dire la possibilité du succès, ne
les entretiendra plus.
Pour dénouement, messieurs (car enfin il faut bien
penser aussi au dénouement), aurez-vous la guerre, dont vous ne voulez pas, ou
bien la paix, mais la paix à d’autres conditions que celles qui vous sont
offertes aujourd’hui ? La guerre, vous n’en voulez pas ; mais si elle
vient malgré vous, alors, ainsi que je vous l’ai représenté plus d’une fois, la
guerre générale menace votre nationalité, votre indépendance ; si vous
n’avez pas la guerre, et si, après avoir refusé pendant un temps plus ou moins
long, vous finissez pas devoir souscrire à la paix, ce ne sera plus, comme
aujourd’hui, la paix sans les arrérages, avec une diminution de la dette, mais
la paix avec les arrérages, avec la dette primitive, avec l’animadversion
générale de l’Europe, sans rien de ce qui pourrait guérir les plaies du pays et
avec tout ce qui pourrait les tenir ouvertes et saignantes.
J’ai mis l’armée en état de faire une guerre
possible ; elle serait très heureuse, messieurs, d’avoir l’occasion de la
faire ; c’est avec une profonde douleur qu’elle se résignera à
renoncer ; mais je le répète encore pour qu’elle l’entende, son honneur
n’est pas intéressé à ce qu’elle la fasse, et quand son honneur serait
intéressé à ce qu’elle la fît, on ne lui en laisserait pas la possibilité puisque
tout le monde déclare ici que ce qu’on ne veut pas c’est la guerre.
M. de Man d’Attenrode – Messieurs, mon unique but, en demandant la parole, a été de
faire connaître les motifs de mon vote, de ce vote imposant, la dernière raison
des arguments exacts ou spécieux que renferment les discours éloquents que nous
venons d’entendre.
Pour parvenir à fixer mon opinion, au lieu de
rechercher, comme quelques orateurs, si des moyens suffisamment pratiques, de résistance
nous ont été présentés par les partisans de ce système, il m’a semblé qu’une
question préalable devait être posée, celle de savoir s’il y a urgence,
nécessité de donner un vote approbateur à un traité spoliateur, inique :
car la nécessité seule peut légitimer le sacrifice qu’il nous impose, car la
nécessité, la menace seule de perdre la vie, pourrait m’amener à consentir à
perdre un de mes membres.
Cette impérieuse nécessité, je la cherche, et je ne
puis la saisir ; je cherche une époque fatale d’exécution, je cherche des
pénalités en cas de non-exécution, et je ne vois ni exécuteurs de la sentence,
ni moyens, ni même probabilités d’exécution.
La conférence nous aurait-elle donc jugés assez
timides, assez oublieux de notre dignité et de nos droits, pour espérer une
adhésion si facile, si empressée à des conditions si dures !
Les menaces, les mesures coercitives n’existent donc
pas. Dans leur absence, m’est-il permis de souscrire à un sacrifice douloureux,
fatal à mon pays, sans nécessité actuelle ? je ne puis me le persuader.
Mais, nous dit-on, les mesures de coercition sont
imminentes ; n’avons-nous pas l’exemple du siège d’Anvers en 1832 ?
Messieurs, les événements qui viennent de se passer me portent, comme notre
honorable collègue de Diekirch, au scepticisme politique ; je ne croirai
que quand j’aurai vu la conférence à l’œuvre ; il est d’ailleurs permis de
présumer que si une intervention française a été possible en Belgique, elle
n’eût pas été tolérée en Hollande, et que par contre une intervention allemande
possible en Hollande, ne le serait pas en Belgique. La politique de
Si les cinq puissances avaient à s’entendre sur les
mesures coercitives, je ne puis me persuader qu’elles pussent continuer à
s’entendre ; le changement du cabinet des Tuileries vient encore fortifier
cette prévision.
J’ai donc peu de foi aux mesures de coercition ;
mais si elles se réalisaient, c’est alors seulement que je délibérerais
sérieusement s’il y a lieu de résister, ou de subir les arrêts arbitraires de
ceux qui s’arrogent le droit de régler nos affaires sans nous entendre, sans
consulter les principes de l’équité.
Mais, nous objecte-t-on encore, la conférence ne
désignera pas d’exécuteurs de ses hautes œuvres, c’est nous-mêmes qu’elle
chargera de ce rôle.
Ce statu quo, qu’on nous dépeint si intolérable, ne
m’est rien moins que prouvé ; ce ne sont que des éventualités, et rien de
plus, et je ne puis me résoudre à approuver des clauses intolérables sur des
éventualités. Le statu quo intolérable me semble éventuel, parce que nous pays
continuera à faire avec
Je ne vois d’ailleurs aucun motif pour que le travail
ne reprenne. La crise industrielle qui, d’après les hommes du métier, n’est pas
due à la crise politique, cessera quand la force qui l’a produite aura fait son
temps.
Le commerce sait fort bien que la politique n’est pas
à même de réprimer le mal qu’elle n’a pas produit.
La gêne momentanée quant à l’escompte quant au prêt
sur nantissement, produite par la catastrophe d’un établissement financier peut
être arrêtée par la constitution d’un établissement du même genre, et autres
mesures.
La conviction de la nécessité m’est indispensable,
pour me légitimer mon vote approbateur. Cette conviction me manque ; sans
elle je croirais manquer à mon devoir, manquer à l’appui que je dois à mes
compatriotes, comme mandataire de la nation, que de les livrer sans menaces,
sans mesures coercitives préalables, et cela uniquement parce que les
conditions qui ne nous sont que proposées, sont terminées par une formule qui
exprime qu’il sera avisé aux moyens d’exécution. J’ai dit.
M. Ernst – Messieurs, l’honorable M.
Lebeau trouve qu’il est difficile de concilier la position que mon honorable
ami M. d’Huart et moi avons prise dans la question du Limbourg et du
Luxembourg, avec quelques actes antérieurs du ministère dont nous avons eu
l’honneur de faire partie ; l’honorable membre a cité, à cette occasion,
le discours du trône en 1836 et des déclarations du ministre des affaires
étrangères. Messieurs, l’explication sera simple et facile. La question de
savoir si, dans les circonstances dans lesquelles nous nous trouvions après
avoir possédé légitimement le Limbourg et le Luxembourg pendant de longues
années, nous pourrions jamais consentir à les abandonner, cette question n’a pas
été préjugée dans le cabinet ; loin d’y avoir été décidée, elle n’y a
jamais été discutée ni même soulevée, car si elle s’était présentée, le
dissentiment qui s’est produit dernièrement aurait éclaté dès lors.
Aussi, dès que la question a été posée et que le pays
tout entier s’est opposé à l’abandon, mon honorable ami M. d’Huart et moi, nous
nous sommes associés à ce sentiment national. Notre opinion n’a jamais été
ignorée de personne, de personne.
Et puisque M. le ministre de la guerre vient de dire
que le gouvernement se serait peut-être opposé à l’adresse du mois de novembre,
si on n’avait pas craint d’empêcher l’effet qu’elle devait produire au-dehors,
j’ai besoin de déclarer que peut-être M. le ministre de la guerre, et un ou
deux autres ministres peut-être, s’y seraient opposés, mais que nous ne nous y
serions pas opposés M. d’Huart et moi, ni probablement un troisième membre du
ministère, parce que cette adresse exprimait notre opinion. Ainsi, nous avons
toujours été conséquents avec nous-mêmes. Si dès ce moment-là, le cabinet avait
voulu s’opposer à l’adresse, la division qui a éclaté plus tard aurait eu lieu
immédiatement, et nous aurions offert à l’instant nos démissions. Voilà les
explications que j’ai cru nécessaire de donner à la chambre. (Très bien !)
M.
le ministre de la guerre (M. Willmar) – Je désire expliquer
simplement ce que j’ai voulu dire. Il a été constaté par M. le ministre des
affaires étrangères et par différents membres de la commission de l’adresse que
des efforts avaient été tentés par lui pour faire modifier le fond de
l’adresse ; il a été également constaté que la commission avait été mise
par lui en état de connaître des faits qui étaient de nature à faire modifier
la rédaction primitive de l’adresse.
Quant à ce que l’honorable préopinant vient de dire,
que lorsque l’unanimité du pays s’était déclarée, lui et son honorable ami M.
d’Huart n’avaient pas hésité un instant à s’y rallier, je crois devoir faire
observer que rien n’est moins certain que cette unanimité envisagée sur un
certain rapport. Sans doute, il y a eu un sentiment profond de douleur,
d’indignation même, à l’idée qu’on dût se séparer d’une partie de la
population ; mais qu’il y eût aussi unanimité pour repousser toute idée
d’accepter le traité, je crois que les membres du cabinet qui ont pris sur eux
le triste devoir de vous proposer l’acceptation du traité, ont droit de
protester contre cette prétendue unanimité.
M. Meeus – Messieurs, mon intention n’était pas de prendre la
parole dans la discussion importante qui depuis quinze jours nous occupe. Mais
les assertions émises par presque tous les orateurs qui ont parlé pour la
résistance, contre les sociétés anonymes et contre l’esprit d’association,
m’obligent, puisque personne n’a réfuté ces assertions, de venir les réduire à
leur juste valeur.
Le discours de M. Fallon me fait, d’ailleurs, un
devoir de lui demander quelques explications sur le mode à suivre dans le
partage, entre
Enfin, messieurs, puisque je me suis décidé à prendre
la parole, je terminerai en motivant mon vote.
J’aborderai ces trois questions le plus simplement, le
plus brièvement qu’il me sera possible, car je comprends que déjà ces débats
sont trop longs ; je vous prie de m’accorder un moment votre
bienveillance.
Messieurs, je crois à propos de lire quelques passages
des assertions qui ont été émises par divers orateurs. Lire le tout, serait
vraiment par trop fastidieux.
Voici, messieurs, ce que disait l’honorable M. de
Renesse :
« Cependant
la nation connaît les causes de cette crise ; elle sait que des
spéculations ne reposant que sur un agiotage poussé à l’excès, que la rivalité
de quelques sociétés financières qui voulaient accaparer et ruiner toutes les
industries particulières, on a amené ce désastre qui serait arrivé même sans
nos événements politiques, puisque déjà l’année dernière, avant l’acceptation
des 24 articles par le roi Guillaume, plusieurs des sociétés anonymes, pas nées
viables, marchaient vers leur déconfiture. »
Ecoutez, je vous prie, ce que disait M. Simons dans
une de vos séances précédentes :
« Une paix honteuse n’ouvrira pas les
coffres-forts qu’un agiotage scandaleux a épuisés ; elle ne fera pas
renaître la confiance qu’un brigandage sans exemple (pardonnez-moi
l’expression, je suis habitué à nommer les chose par leur nom), oui, qu’un
brigandage organisé sous le titre pompeux d’ « association
anonyme » a détruite pour longtemps. Une paix honorable, dussions-nous
l’acheter par quelques sacrifices, peut seule porter remède au mal, et
cicatriser les plaies qu’à tort on veut attribuer à nos affaires politiques. »
M. Desmet vous dit :
« Est-ce de cette industrie réelle et morale qui
donne de l’occupation et l’existence à nos nombreux ouvriers, qui toute divisée
fait profiter toutes les populations travailleuses de ses de bénéfices ;
et qui particulièrement a toujours fait le bien-être de
Vous le voyez, messieurs, ces honorables orateurs confondent,
dans un même système de réprobation toutes les sociétés anonymes.
Messieurs, je me bornerai à ces trois passages, et je
demanderai aux honorables orateurs qui ont émis ces assertions, s’ils se
rappellent ce qu’était
Messieurs, je le sais bien, des fautes ont été
commises ; mais parce que des fautes ont été commises, faut-il considérer
comme abus tout ce qui a été fait ? est-ce à dire que s’il a été créé pour
250 à 300 millions de sociétés anonymes en Belgique, et que sur ce nombre il y
ait peut-être pour 12 à 15 millions de sociétés fondées avec légèreté, tout le
reste ne vaille rien ? Est-ce à dire que l’industrie relevée par l’esprit
d’association, et qui avait donné à l’étranger une si haute idée du nom belge,
que l’industrie qui est une des gloires de
Messieurs, qu’il me soit permis d’entrer dans quelques
détails : à des assertions ce sont des faits que je vais opposer.
D’abord il est certain que la société de commerce que
j’ai eu l’honneur de fonder et qui a travaillé sous l’influence de la société
générale, n’a jamais admis le principe de l’association que pour porter les
capitaux là où l’industrie particulière était impuissante ; jamais elle
n’a protégé des industries factices, jamais elle n’est descendue dans ces
régions où l’industrie particulière sait bien mieux faire que l’esprit d’association.
C’est surtout pour l’industrie métallurgique et pour le développement de nos
charbonnages qu’elle a prêté le concours de son crédit, de ses capitaux ;
elle a formé des établissements, elle a attiré à elle des capitaux
considérables. Eh bien ! voyons ce qui en est résulté pour
Je sas que quelques-uns des établissements
métallurgiques qui ont été créés, sont momentanément peu prospères, et parce
que ces établissements prospèrent peu en ce moment, quelques personnes
s’imaginent qu’on a créé trop de hauts-fourneaux !
Messieurs, pour ceux qui ont la vue courte, cela peut
être vrai ; mais pour ceux qui savoir voir un peu dans l’avenir, je crois
que cela est inexact. Les souffrances de l’industrie métallurgique sont le
résultat de la crainte qu’on avait en 1834, 1835, et même 1836, de voir le
minerai de fer manquer en Belgique. Dès lors on acheta le minerai à des prix
trop élevés, et dès lors il fut possible de déterminer l’époque à laquelle
Eh bien, messieurs, laissons passer ce moment
d’épreuve. Dans tous les pays où l’industrie se développe, elle doit subir des
moments d’épreuve. Ces moments se passeront chez nous sans malheur, précisément
parce que ces établissements n’appartiennent pas à des particuliers, parce que
la fortune de beaucoup en fait la force ; et c’est pourquoi il n’y aura
pas de catastrophes dans cette branche d’industrie. Je ne m’étendrai pas
davantage sur ces faits, j’irai maintenant chercher la preuve de ce qu’a été
l’esprit d’association pour
En 1831, le couchant de Mons fournissait à
Messieurs, je ne terminerai pas ma réponse à de
malheureuses assertions, sans répondre quelques mots à M. Doignon. Lorsqu’il y
a deux ans environ, il vous proposait plusieurs moyens fort simples, disait-il,
d’en finir avec la société générale, il ajoutait : « Le gouverneur,
c’est l’âme de la société générale ; destituez-le. » En bon collègue,
j’aurais dû remercier immédiatement l’honorable orateur ; mais il m’a paru
qu’il était plus convenable de répondre à toutes ces politesses par le silence.
C’est ce que j’ai fait. Mais, aujourd’hui, c’est à l’établissement même que
s’en prend l’honorable membre ; il vous a dit que la crise était due
surtout à la domination de la grande banque de Guillaume sur les nombreux
établissements qui se trouvent sous son patronage, et à ses opérations. Nous
ajoutons, dit-il, la banque de Guillaume parce que la grande masse d’actions
est encore aujourd’hui sa propriété.
Entendez bien, messieurs, la banque de Guillaume,
parce que, dit M. Doignon, ce prince possède la masse des actions.
C’est là, vraiment, un singulière manière
d’argumenter ! Et, lorsque M. Doignon a prononcé cette phrase, il venait,
peu d’instants auparavant, de plaider devant vous l’inconstitutionnalité du
traité que le gouvernement vous propose d’accepter. En vérité, messieurs, il ne
doit pas avoir fait sur vous une bien vive impression, si c’est avec la même
logique qu’il a traité ces deux questions.
C’est la banque de Guillaume, dit M. Doignon, parce
que la grande masse des actions est encore aujourd’hui sa propriété. Eh bien
quand cela serait, est-ce que la banque est la banque du roi Guillaume, parce
qu’il est au nombre des actionnaires de cet établissement ? est-ce que la
banque de Belgique, parce que les 18 vingtièmes de ses actions sont placées en
France, est une banque française ? Est-ce que la banque de France cesserait
d’être la banque de France, parce que des Anglais y auraient placé beaucoup de
capitaux ? Singulière manière de raisonner ! A moins de prétendre que
l’administration qui est belge est nommée par des actionnaires belges (car des
actionnaires étrangers ne peuvent pas faire partie de l’assemblée générale de
cette société) ; à moins de dire que, bien que ces choix soient ratifiés
par le Roi des Belges, tout cela n’est rien, et qu’il n’y a que l’argent qui
vient de cent caisses particulières qui soit intelligent et qui fasse marcher
l’établissement ; à moins, dis-je, d’humilier sa raison devant de
semblables arguments, on ne peut pas admettre que la banque de Bruxelles soit
la banque de Guillaume.
Mais, messieurs, vous le savez, et l’honorable M.
Doignon a dû le savoir, il n’est pas même exact de dire que le roi Guillaume
possède la masse des actions de la société générale. C’est là la plus grande
erreur.
Le capital de la société générale est composé,
d’abord, de la somme de vingt millions de florins dont la plus grande partie
doit revenir à
J’aborde actuellement la question relative aux
redevances qui seront réclamées de la société générale comme produit des
propriétés qui lui ont été cédées par le roi Guillaume. J’examine cette
question, messieurs, parce que l’honorable M. Fallon, dans le discours qu’il a
prononcé il y a deux jours, ne m’a pas paru avoir suffisamment établi la
position de
Permettez-moi de vous rappeler succinctement comment
ces biens ont été donnés à la société générale. D’après la loi fondamentale de
l’ancien royaume des Pays-Bas, le roi avait le droit de se faire céder des
propriétés d’un revenu de 500 mille florins, en déduction de 500 mille florins
de la liste civile. Je ne parlerai pas des réclamations que plusieurs députés
belges élevèrent à cette occasion ; la proposition fut présentée aux
états-généraux et adoptée. Je crois même que le ministre qui présenta la loi
eut mission de faire entendre aux chambres que l’usage que le roi voulait faire
de cette disposition de la loi fondamentale, était la fondation d’un
établissement financier en Belgique. En effet, la loi ayant été votée, surgit
la société générale ; dans les statuts, il fut dit qu’en 1849, époque de
son expiration, elle verserait dans les caisses de l’état 20 millions de
florins, et que jusqu’alors elle paierait annuellement : 1° une somme de
300 mille florins au roi ; 2° une autre somme de 30 mille florins qui
serait augmentée progressivement, d’année en année, de 30 mille florins,
jusqu’à ce qu’elle fut portée à 500 mille florins.
Messieurs, il faut le dire, c’est
Je crois m’être suffisamment expliqué sur ce partage,
mais je dois cependant ajouter cette réserve que les paroles que je prononce
ici comme député, et en acquit d’un devoir de conscience, ne pourraient pas
m’être opposées dans d’autres circonstances, et lorsque j’aurais à exercer un
autre mandat, car alors ce ne serait peut-être pas mon opinion personnelle que
j’aurais à exprimer, mais celle d’une administration dont je serais
l’interprète. Je ne fais messieurs, cette observation que parce que j’entends
près de moi quelques mots qui semblent la rendre nécessaire.
Je passe maintenant, messieurs, à la question
politique, et avant de la considérer en elle-même, qu’il me soit permis de vous
dire quelques mots sur la question constitutionnelle. On a beaucoup disserté
sur cette matière depuis quelques jours, et, en vérité, c’est cette
dissertation elle-même qui m’a conduit à me demander si le congrès a voulu, oui
ou non, que cette chambre fut composée, pour les sept huitièmes, d’hommes en
dehors de la magistrature et du barreau. Il l’a voulu sans doute et dès lors il
a dû vouloir que la loi constitutionnelle, véritable catéchisme politique de
C’est ainsi, et d’après leur propre jugement, que
peuvent prononcer sur la question de constitutionnalité propriétaires,
généraux, administrateurs, financiers, industriels, que le congrès a voulu
appeler dans cette chambre. Je lis l’article 1er de la constitution,
relatif au nombre de provinces dont se compose le royaume de Belgique ; je
lis encore l’article 80 relatif au serment, et enfin, examinant l’article 68
qui permet des cessions de territoires, en vertu d’une loi, il ne m’est pas
difficile de conclure que l’article 1er et l’article 80 sont
subordonnés à l’exécution de l’article 68.
Si ces règles ordinaires de raisonnement ne suffisent
pas pour interpréter la constitution, ce ne devait pas à des industriels, à des
propriétaires, à des généraux, à des financiers, qui composent la majorité des
chambres, que le congrès devait laisser l’interprétation de la constitution,
mais bien à un conseil suprême composé de savants jurisconsultes.
Quant à la question politique, je la réduirai à ses
termes les plus simples. C’est une question de force majeure. La force majeure,
existe-elle ? me suis-je demandé. Mais, messieurs, à moins de renverser
toutes les idées reçues, à moins de ne plus admettre la certitude morale comme
base de toutes nos actions, à moins de faire abstraction de notre intelligence
et de ne plus croire qu’à la force brutale, cette force majeure me paraît
évidente, irrécusable, car jamais arrêt plus solennel que celui que vient de
rendre la conférence ne s’est produit et ne peut se produire pour établir cette
force majeure ; et dès lors la question ne consiste pas, comme on l’a dit,
à savoir si vous vous morcellerez vous-mêmes ou si vous vous laisserez
morceler ; non, telle n’est pas la question : elle consiste à savoir
si vous vous déciderez à laisser morcellement le pays administrativement, ou si
vous ne vous laisserez morceler qu’à la pointe de l’épée. Voilà toute la
question pour moi, et cette question n’en est pas une à mes yeux. La question
ainsi posée, je me suis demandé ce que je ferais si j’avais l’honneur d’être
député d’un des districts que nous sommes obligés de céder ; je me suis
demandé quel langage je tiendrais à mes commettants dans la position où nous
nous trouvons. Eh bien ! je leur dirais : « La force majeure est
patente ; cette force majeure vous sépare de
On a parlé, messieurs, de crime politique,
d’immoralité : eh bien, je vous le déclare, c’est pour ne pas me rendre
coupable d’un crime politique, pour ne pas faire un acte d’immoralité que je
tire du plus profond de ma conscience un vote de soumission au traité rigoureux
qui vous est imposé.
M. Desmet – Messieurs, quand j’ai dit que ces nouvelles sociétés que
vous connaissez étaient des associations industrielles factices, monopolistes,
agioteuses, j’ai dit ce que tout le pays disait, ce que tout le pays
reconnaissait.
Factices ! parce que très souvent ces sociétés donnent
aux actionnaires des dividendes avant même qu’elles aient déjà marché, et que
plus d’une fois on a vu des programmes de ces sociétés qui contenaient des
promesses qui n’étaient pas réalisables et faites dans la seule vue de placer
des actions.
Monopolistes ! ces sociétés ne sont-elles pas en
grande partie établies pour avoir le monopole dans telle ou telle branche de
l’industrie, et ainsi anéantir les petites industries des particuliers ?
la fameuse brasserie-monstre, pourquoi est-elle établie à Louvain ? les
grands établissements pour le tissage du lin à la mécanique, établies dans les
Flandres, ne le sont-ils pas pour détruire entièrement le filage à la main et
ainsi ôter le pain à plus d’un million de pauvres campagnards ? Et quand
j’ai parlé de l’agiotage qui avait lieu dans ces sociétés, ah !,
messieurs, ce n’est que trop vrai, et c’est en quoi on a fait le plus de mal à
l’antique bonne réputation de
Je n’ai nommé aucun établissement ; c’est
l’honorable préopinant qui vient de nommer des établissements et faire l’éloge
de quelques sociétés industrielles qui sont placées sous le patronage de la
société générale ; je n’en ai point parlé ; mais on dirait qu’on ne
peut point toucher cette grande société, ou dirait qu’on ne peut point lâcher
un petit moi contre elle, on nous faudrait faire accroire que c’est un bijou
sacré qui est à l’abri de toute attaque. Cependant, tout le monde ne pense pas
ainsi, surtout quand on sait que les domaines de
Messieurs, à cette occasion je dois vous faire voir un
petit calcul des bénéfices qu’aura eus la banque de Bruxelles par la dotation
de nos domaines à la fin du terme de l’association.
Quand, en 1849, la banque de Bruxelles aura terminé ses
27 années d’association, elle aura fait, par la cession des domaines, un
bénéfice de près de 33 millions de florins. Si on n’était pas si pressé, et si
on voulait avoir la bonté de ne pas brusquer la discussion et nous accorder un
instant, je vous ferais ce compte dans tout son détail.
Mais que la banque nous ouvre ses livres, je ne doute
pas que vous y trouviez que l’évaluation de nos forêts et autres propriétés
cédées s’élève au-delà de 31 millions et demi de florins, et en y ajoutant les
revenus de 27 ans ou la jouissance de l’argent pendant ce laps de temps, qui
doit au moins s’élever à 13 millions et demi, vous aurez un produit qui
surpasse les 45 millions, et le montant de ce qu’elle aura dû payer à la liste
civile et à l’état ou au syndicat ne s’élèvera qu’à la somme de 12,475,000
florins. Ainsi donc, comme je viens de le dire, la société générale aura fait
avec les biens du pays un bénéfice de plus de 33 millions de florins de
Hollande. Et quand on voit cela, on devrait encore se taire et on devrait dire
que la banque de Bruxelles est le bien-être de
Et on se fâche encore plus fort quand on dit que cette
banque est la banque de Guillaume ; mais ne sait-on pas que Guillaume a
les 24/27 des actions ; et si ma mémoire m’est fidèle, il y a quelques
années, à l’occasion d’un procès entre l’état et la banque, l’avocat de la
banque lui-même a déclaré que le roi Guillaume était le grand protecteur de
cette banque, qu’il avait fait de grands avantages à
Je n’en dirai pas plus ; mais chose certaine,
c’est que la crise industrielle et commerciale doit surtout être associée à la
création subite et irréfléchie de cette quantité de sociétés industrielles et
commerciales, et non pas à la crise politique, comme le prétendent plusieurs de
nos adversaires, comme on voudrait le faire croire au pays. Et ce n’est pas en
Belgique seule qu’on le dit, mais à l’étranger même : un savant publiciste
français a publié que c’est au tripot financier seul que
Un grand nombre
de membres – La clôture !
M. Doignon (pour un fait
personnel) –
M. le comte Meeus, rappelant un discours que j’ai prononcé il y a quelques
années, vient de vous dire que j’avais alors demandé sa destitution comme
gouverneur de la banque ; je n’ai pas tenu un pareil langage dans cette
chambre. J’ai soutenu que le gouvernement avait le droit de révoquer le
gouvernement de la banque, et je le soutiens encore. J’ai dit que le
gouvernement avait la haute main sur la banque, qu’il était chargé de
surveiller ses opérations, et qu’il était temps de veiller à ce qu’elle ne
fasse rien de contraire à l’intérêt général ; je maintiens ce que j’ai
dit.
J’ai dit que la société générale est la banque du roi
Guillaume ; je n’ai indiqué qu’un seul fait principal à l’appui de cette
assertion. Comme ce n’était pas le sujet en discussion, j’ai dû me borner à
cela ; mais, dans une autre occasion, je pourrai présenter bien d’autres
motifs.
M.
Desmet – Si l’on veut clôturer, et
que nous n’entendions pas M. le rapporteur de la section centrale, j’aurai
quelques explications à demander au ministère.
Un grand nombre de membres – La clôture ! la clôture !
M.
Dumortier – C’est vraiment une chose
inconcevable de voir demander la clôture avec une pareille persévérance ;
je ne puis pas croire que la majorité de cette assemblée veuille ainsi
brusquement terminer la discussion alors que beaucoup d’entre nous ont encore à
répondre. Voyez ce qui s’est passé aujourd’hui ; à l’exception de
l’honorable député de Louvain, on n’a entendu que des orateurs favorables au projet ;
après cela, on voudrait clôturer pour en venir de suite à ce vote déplorable
qui doit chasser d’ici une partie des députés qui siègent parmi nous. Eh !
messieurs, dans les derniers débats devant une cour d’assises on entend
toujours, avant de clôturer, la partie qui est menacée d’être frappée ;
ici nous n’avons entendu pendant toute cette séance que des personnes qui
demandent qu’on frappe une partie de la représentation nationale, et vous ne
voulez pas que nous répliquions ! ce ne serait point là, messieurs, une
conduite loyale, et je pense que la chambre ne souffrira pas que les choses se
passent ainsi : quant à moi, je m’y opposerai de toutes mes forces. J’ai
d’ailleurs à répondre aux attaques personnelles dont j’ai été l’objet de la
part de plusieurs orateurs.
M. Berger – Représentant d’un district que vous allez condamner,
je demande, messieurs, à pouvoir motiver mon vote.
Beaucoup de
membres – Parlez ! parlez !
M.
A. Rodenbach – Il n’y a plus, je pense,
que trois ou quatre orateurs inscrits, on pourrait les entendre ; nous
avons laissé parler plusieurs orateurs pendant trois ou quatre heures, il me
semble qu’on ne devrait pas maintenant enlever la parole à des personnes qui
n’ont que quelques mots à dire pour motiver leur vote.
Un grand nombre
de membres – Laissez parler M. Berger.
M. le président – N’y a-t-il pas d’opposition ?
M.
Dumortier – La clôture a été
demandée ; elle doit être mise aux voix.
Des membres – On y renonce.
M. le président – Renonce-t-on à la clôture ?
Des membres – Oui ! oui !
D’autres membres – Non ! non !
M. le président – 10 membres persistent-ils à demander la clôture ?
- Personne ne se lève.
M. le président – La parole est à M. Berger.
M. Berger – Messieurs, représentant du
district le plus important de la partie allemande du Luxembourg, je me proposais
de vous parler de nos droits, de vous rappeler vos devoirs envers nous, de vous
dépeindre la consternation et la profonde douleur de mes commettants, à la
seule pensée de cette fatale séparation ; mais la tâche a été remplie par
des orateurs distingués et beaucoup mieux que je ne pourrais le faire ;
d’ailleurs, comme on l’a déjà répété, les convictions sont formées, la patience
de la chambre s’épuise.
Je me bornerai donc à combattre une assertion émise
par M. le ministre des travaux publics dans le cours des débats. D’après M. le
ministre, une bonne partie de la population luxembourgeoise préférerait le
morcellement à la résistance avec les chances d’allumer une guerre. Je ne puis
laisser sans réponse une pareille assertion. Non, messieurs, et j’ose
l’affirmer, l’immense majorité de cette population préférerait mille fois
s’exposer aux chances de la guerre que de passer de nouveau sous la domination
hollandaise. Confiants dans la force de
Non, messieurs, il en est assez que les Luxembourgeois
soient livrés par leurs frères, ils n’iront pas au-devant du sacrifice.
Méconnaître leur sentiments, c’est le calomnier, c’est ajouter l’insulte au
malheur ! Je proteste de toutes les forces de mon âme contre l’odieux
traité qu’on veut nous imposer.
M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, l’honorable préopinant a donné une trop grande
portée à mes paroles : je me bornerai à répéter qu’il ne s’agit plus que
du mode d’exécution du traité. La question n’est autre pour moi :
l’exécution se fera-t-elle administrativement ; se fera-t-elle
militairement ? il n’y a pas d’autre alternative à mes yeux. Je persiste à
soutenir que l’exécution administrative est la moins désavantageuse aux
intérêts bien entendus, aux intérêts au moins matériels, du Luxembourg
allemand. Voilà les assertions que j’ai émises, je les maintiens ; je les
oppose aux assertions de l’honorable préopinant ; l’avenir jugera entre
lui et moi. (Aux voix ! aux voix !)
M.
A. Rodenbach – Il n’y a plus que deux
orateurs inscrits ; qu’on les laisse parler.
M.
Desmet – Il me paraît que
l’honorable rapporteur de la section centrale ne prendra point la parole ;
je dois cependant lui adresser une question. Dans ma section (la cinquième)
plusieurs questions avaient été posées, on les avait insérées au procès-verbal,
et le rapporteur avait été invité à les reproduire à la section centrale, afin
d’obtenir de M. le ministre les renseignements désirés ; comme le rapport
n’en parle pas, je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères :
1° Après l’acceptation du traité, que deviendra la
liquidation du syndicat d’amortissement ?
2° Que deviendront les domaines cédés au même
syndicat ?
M.
le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je déclare que je m’en réfère entièrement aux explications
données par l’honorable M. Fallon et par l’honorable M. Meeus.
Un grand nombre de voix – La clôture ! la clôture !
M.
de Renesse – Dans une question aussi
grave, où il s’agit de l’abandon de 350,000 de nos compatriotes, je crois,
messieurs, que l’on ne peut refuser une seconde fois la parole à ceux qui
prennent leur défense. Lorsqu’on discute parfois sur un objet purement
d’intérêt matériel, on tolère bien une discussion de quinze jours à trois
semaines ; mais, maintenant, où l’on veut déchirer le pacte qui nous unit
à nos frères du Limbourg et du Luxembourg, où l’on veut les livrer malgré eux
au roi Guillaume, qu’ils ont chassé avec nous en 1830 , la discussion
paraît déjà trop longue pour les partisans de la paix quand même ; et pour
obtenir une paix honteuse, il faut se dépêcher de se soumettre aux décisions
iniques de la conférence. Si la majorité de la chambre croit devoir clôturer la
discussion générale sans permettre aux orateurs actuellement inscrits de
prendre la parole une seconde fois, je protesterai alors contre une décision
aussi peu généreuse, surtout envers les députés du Limbourg et du Luxembourg,
qui désireraient encore défendre les intérêts de leurs commettants, et
protester en leur nom contre leur délaissement.
M. Wallaert – J’étais inscrit pour parler en faveur du
projet ; si la chambre veut clore, je demanderai à faire insérer mon
discours au Moniteur. (Oui ! oui !)
M. Van Hoobrouck de Fiennes – Je désirerais savoir ce qu’on veut clore ? je pense que
c’est simplement la discussion générale et qu’il sera toujours permis de
discuter les amendements et d’en présenter de nouveaux ; si c’est ainsi
qu’on l’entend, je ne m’oppose pas à la clôture.
M. Dumortier – Messieurs, je me suis tout
à l’heure levé pour parler contre la clôture ; j’aurais désiré alors
qu’elle fût mise aux voix, car je voyais bien qu’on n’y renonçait un moment que
pour la redemander immédiatement après. Si elle avait été mise aux voix, il est
certain qu’elle n’aurait pas été adoptée. Je demande, messieurs, que nous
soyons entendus, nous qui voulons prendre la défense des habitants du
Luxembourg et du Limbourg, nous qui voulons prendre la défense de l’honneur et
des droits du pays.
J’ai été attaqué par deux orateurs sur la question de
la dette, sur la question du territoire, sur la question de savoir si
M. Desmet – Messieurs, la clôture va se prononcer, le parti est
pris ; mais elle le sera bien brusquement et d’une manière inusitée.
Cependant, messieurs, c’est bien déplorable que quand il s’agit d’un objet si
important pour notre pays, du déchirement de votre patrie, et que vous allez
prononcer ce fatal vote qui chasse de cette enceinte plusieurs de vos
collègues, vous voulez ainsi brusquer la discussion, sortir de toutes les
convenances parlementaires et ne vous arrêter devant aucune considération. Le
pays jugera cette brusquerie, et en tiendra plus compte que peut-être la
majorité le pense.
Mais qui a répondu à l’honorable M. Dubus, quand il
vous a démontré qu’en acceptant le traité, vous violez le pacte fondamental, et
que vous étiez parjures à votre serment ?
Qui a répondu quand plusieurs membres vous ont
démontré que le traité prononçait la fermeture de l’Escaut et reconnaissait à
Guillaume la souveraineté de ce fleuve et sur le bras de mer, le Hondt ?
Qu’a-t-on répondu, qu’ont surtout répondu les
ministres quand on vous a dit que l’écoulement des eaux de
Enfin, on n’a répondu à rien ; on a compté les
voix, et voilà tout ce qu’on a fait.
Si on veut clôturer, nous devons subir votre sentence,
messieurs ; mais, cependant, je vous demanderais vous voulez faire
prononcer la clôture sur toute la discussion ou si, en vous bornant à la
discussion générale, vous nous permettrez encore de discuter les articles du
traité ? C’est ainsi que la délibération a eu lieu dans les
sections ; et réellement, messieurs, croyez-moi, n’allez pas si vite et ne
brusquez pas tant, car un jour vous pourriez bien avoir à vous repentir de
votre empressement irréfléchi.
M. Vandenbossche – Je dois vous faire remarquer, messieurs, que si le traité a
été longuement discuté, tous les débats ont porté sur une seule question, la
question territoriale, et la chambre doit convenir que sur la question de la
dette on n’a pour ainsi dire entendu aucun orateur qui fût contraire au
traité ; messieurs Mercier et Fallon ont présenté cette question sous un
jour favorable, je demande à pouvoir leur répondre.
M. Dolez – Messieurs, il paraît que
maintenant toutes les convictions sont formées ; la prolongation de la
discussion ne pourrait avoir qu’un seul motif : l’amour-propre de quelques
orateurs désireux de faire connaître les raisons de leur vote, ou de répondre à
des objections dont leurs discours précédents auraient été l’objet. Il me
paraît qu’après une discussion aussi longue sur une question qui tient notre
pays en émoi, qui soulève ailleurs qu’ici de tristes émotions ; il me
paraît, dis-je, que ces petites questions d’amour-propre doivent se taire, et
qu’enfin nous devons tous désirer d’arriver au résultat final. Quant à moi,
j’étais aussi sur la liste des orateurs qui devaient parler ; comme
rapporteur de la section centrale, j’avais même, d’après vos usages, un
privilège à réclamer. Ce privilège, je le sacrifie, parce que l’intérêt du pays
demande qu’on en finisse. J’engage donc mes collègues à faire comme moi. (Aux voix ! aux voix ! La
clôture ! la clôture !)
M. Dumortier – La clôture de la discussion
générale, sans doute ; il n’est pas, je pense, question de clore la
discussion sur l’article et sur les amendements. (Oui ! oui ! Non ! non !)
M. Dubus (aîné) – Il est important que nous sachions sur quoi nous allons
voter. On semble prétendre que la clôture ne s’appliquera pas seulement à la
discussion générale, mais à la discussion de l’article et des amendements. Mais
il ne peut en être ainsi ; les amendements n’ont pas même été discutés. Je
crois qu’il est impossible de fermer une discussion qui n’a pas été en quelque
sorte entamée. Qu’on prononce la discussion générale, soit ; mais il nous
sera sans doute permis de discuter les amendements. (Oui ! oui ! Non ! non !) Dans tous les cas,
avant d’aller aux voix, qu’on se fixe sur ce point afin qu’on connaisse bien la
portée du vote.
M. le président – M. Dubus demande que ce soit la clôture de la discussion
générale qu’on prononce ; y a-t-il des réclamations contre cette
proposition ?
M. Dolez – Messieurs, il ne me paraît
pas qu’on puisse ici diviser la discussion en discussion générale et en
discussion d’articles ; il n’y a ici qu’un article, et la discussion a
porté 15 jours sur un article…
Des membres – Mais il y a des amendements !
M.
Dolez – Je conçois qu’à la rigueur
on puisse encore les examiner, et j’y consens ; mais comme la discussion de
l’article unique du projet est épuisée, il faut fermer cette discussion, et
revenir ensuite aux amendements qui ont été proposés.
M. le président – M. Dolez propose de fermer la discussion sur l’article
unique du projet de loi, je vais mettre cette proposition aux voix.
Un grand nombre
de membres – L’appel nominal !
l’appel nominal !
- Il est procédé à l’appel nominal.
Voici le résultat du vote :
97 membres y prennent part.
61 ont répondu oui.
36 ont répondu non.
En conséquence, la clôture de la discussion de
l’article unique du projet est adoptée.
Ont répondu oui : MM. Andries, Angillis, Coghen,
Coppieters, David, de Behr, de Florisone, de Jaegher, de Langhe, W. de Mérode,
de Muelenaere, de Nef, de Perceval, Dequesne, de Roo, de Sécus, Desmanet de
Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dolez, Donny, Dubois, B. Dubus,
Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Frison, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn,
Lardinois, Lebeau, Liedts, Maertens, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Milcamps,
Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Polfvliet, A Rodenbach, Rogier, Smits,
Thienpont, Troye, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem,
Verdussen, Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert, Willmar et Raikem.
Ont répondu non : MM. Beerenbroeck, Berger,
Brabant, Corneli, Dechamps, de Foere, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer
de Moorsel, Demonceau, de Puydt, de Renesse, Desmaisières, Desmet,
d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), Dumortier, Gendebien, Heptia, Jadot,
Lecreps, Lejeune, Manilius, Metz, Peeters, Pirson, Pollénus, C. Rodenbach,
Scheyven, Seron, Simons, Stas de Volder, Vandenbossche, Vergauwen et Zoude.
Des membres – A demain ! à demain !,
D’autres membres – Non ! non ! continuons.
M.
Dumortier – J’avais demandé la parole
pour répondre à diverses assertions erronées que divers orateurs ont allégués
contre moi. Comme la discussion générale est close, je me réserve de publier
mon opinion dans le Moniteur.
- Les cris « A demain ! à
demain ! » se font de nouveau entendre ; mais la plupart des
représentants ne quittent pas leurs bancs, la séance continue.
DISCUSSION DE L’ARTICLE UNIQUE
ET DES AMENDEMENTS
M. le président – Voici le texte du projet de loi, tel qu’il est formulé par
la section centrale :
« Léopold, Roi des Belges, etc.
« Considérant que, par leurs actes en date du 23
janvier 1839, les plénipotentiaires des cinq puissances, réunis en conférence à
Londres, ont soumis à l’acceptation de
« Vu l’article 68 de la constitution, revu la loi
du 7 novembre 1831, nous avons, de commun accord avec les chambres, décrété et
nous ordonnons ce qui suit :
« Article unique. Le Roi est autorisé à conclure et
à signer les traités qui règlent la séparation entre
M. le président – Je vais donner lecture des divers amendements ; je vais
d’abord donner lecture de l’amendement de M. Pirson qui a la priorité, puisqu’il propose
l’ajournement ;
« Vu les projets de traités adressés au gouvernement,
sous la date du 23 janvier dernier ;
« Vu la proposition du gouvernement tendant à
être autorisé à accepter et à signer lesdits traités ;
« Considérant que la question du territoire, en
ce qui concerne la province de Luxembourg n’a pas été traitée à la conférence
après la reprise des négociations et avant la signature des derniers
actes ;
« Considérant que cette question si importante a
besoin de nouveaux éclaircissements, et qu’il est nécessaire d’appeler sur eux
l’attention des puissances médiatrices ;
« La chambre ajourne la discussion sur la
question de refus ou d’acceptation des actes de médiation de la conférence,
jusqu’au moment où le gouvernement ayant fait de nouvelles démarches, croira
devoir la remettre à l’ordre du jour. »
Amendement de M. Peeters
L’honorable membre propose de rédiger l’article unique
du projet de loi comme suit :
« Le Roi est autorisé à conclure et à signer les
traités qui règlent la séparation entre
Dispositions additionnelles
à l’amendement de M. Peeters, proposées par M. Pollénus :
« Art. 1er. Les communautés,
corporations et établissements religieux et d’instruction publique, dans les
provinces cédées ou dans celles qui restent à
« Art. 2. Dans les territoires cédés, les temples
consacrés au culte catholique ne pourront être destinés en même temps à
d’autres cultes. »
M. le président – Nous allons successivement ouvrir la discussion sur les
amendements.
M.
Pirson – On n’a pas eu le temps
d’examiner les amendements. D’ailleurs, il y en a un autre proposé par M.
Desmaisières.
M. le président – Il n’est pas déposé. (Aux
voix ! aux voix !)
M.
Pirson – Vous ne pouvez pas aller
aux voix sur les amendements sans qu’on les discute.
Je voulais proposer le retranchement du mot « clause »,
comme M. Desmaisières, mais par d’autre motifs que lui, et je voudrais qu’on
ajoutât ceux-ci : « Sans préjudice au droit des chambres,
conformément au paragraphe 2 de l’article 68 de la constitution, si de
nouvelles stipulations financières ou commerciales étaient introduites. »
Je voudrais demander, à cet égard, au ministre des
explications. Dans son rapport il annonce qu’il pense qu’il y aura des moyens
de s’entendre avec
M. le président – M. Desmaisières vient de déposer un amendement par lequel il
propose la suppression du mot « clause ».
Quelques voix – Il y a clôture ! Aux voix ! aux voix
l’ajournement !
M.
Pirson – Je demande la parole sur
mon amendement.
Je vous ai dit les motifs pour lesquels je demandais
l’ajournement. Ils sont contenus dans mon discours du 11 de ce mois, mais il a
été tellement interrompu que je ne sais pas si on s’en souviendra. Je vais les
rappeler en peu de mots. Le ministre est convenu qu’avant la décision de la
conférence, la discussion dans son sein a été tellement imprévue pour nos
envoyés, qu’ils n’ont pas eu le temps de faire de contre-proposition à celles
faites par le roi Guillaume. J’ai dit qu’à cette époque, on avait laissé agir
Guillaume, sans aucune espèce d’entrave. Il s’est arrangé avec la confédération
germanique, et la confédération a admis ses propositions, sans entendre les
députés belges. Je dois faire remarquer que cet arrangement proposé par le roi
Guillaume est fondé sur un fait erroné. Il s’est présenté comme s’il était
toujours en possession du Luxembourg, comme s’il en était toujours
souverain : c’est dans cette hypothèse que la conférence a résolu la
question territoriale. Mais cet arrangement entre-t-il dans les intérêts de
l’Allemagne et de
Le gouvernement vous a dit que ses armements avaient
servi à quelque chose ; pour moi, je vois qu’ils ont servi à faire clore
les séances de la conférence, sans nous entendre, car le gouvernement n’a fait
aucune proposition relativement au territoire.
Quant à la dette, M. Fallon a dit qu’après avoir fait
des calculs qu’il voulait présenter à la conférence, elle n’a pas voulu les
entendre parce qu’elle s’était arrêtée à un chiffre transactionnaire dont elle
ne voulait pas se départir. Dans cette position, nous devons ouvrir de
nouvelles négociations sur la question territoriale auprès de la confédération,
de la conférence et de
Le gouvernement français est dans une position
différente de celle dans laquelle il était il y a un mois. Vous le savez
parfaitement, à cette époque on trompait l’opinion publique en France et en
Belgique par la crainte de la guerre. Les électeurs français n’ont pas eu peur,
et si, vous, vous continuez à avoir peur, je ne sais trop ce que je devrai dire
ou penser de vous.
Nous sommes ici à un tribunal d’appel ; eh bien,
à une cour d’appel, on ordonne toujours un plus ample informé quand il y a lieu
à information. C’est la dernière ressource ; vous allez prononcer en
dernier ressort sur vos malheureux compatriotes ; ceux qui se sentent la
conscience assez forte pour, dans l’état des choses, supporter le poids de la
décision qu’on leur demande, je ne leur en fais pas mon compliment. Mais je
leur dis que s’ils ne cherchent pas un moyen quelconque de remettre sur le
tapis la question territoriale, les habitants du Limbourg et du Luxembourg
diront que vous n’avez pas fait tout ce qu’il y avait à faire ; le
gouvernement seul a agi ; mais depuis que le projet vous a été présenté,
vous n’avez rien fait ; un dernier moyen vous restait, vous n’avez pas
voulu en user.
Que diriez-vous d’un père qui, ayant un fils agonisant
condamné par les médecins qui se trompent quelquefois, refuserait d’employer un
dernier remède dont on lui assurerait l’efficacité, et le refuserait pour ne
pas faire une dépense inutile, bien qu’il fût riche ? Eh bien, ce serait
votre conduite si vous repoussiez mon amendement, car
Après cela, je serai peut-être le premier à voter avec
vous.
M. le président – M. Van Hoobrouck propose le sous-amendement suivant à
l’amendement de M. Peeters :
« En tant qu’ils sont compatibles avec les
statuts fédéraux de la diète germanique. »
M.
Dolez – Après la clôture, je ne
pense pas qu’on puisse produire de nouveaux amendements. Je rappellerai un
antécédent de la chambre, qui n’est pas de date ancienne. Il y a quelques mois,
quand on discutait la question du traitement de l’archevêque de Malines, M.
Pirmez et moi avons fait parvenir au bureau un amendement au moment où la
clôture allait être mise aux voix, et si mes souvenirs sont exacts, M. Dubus
s’est chargé de démontrer qu’il n’était pas recevable. Si vous ne restez pas
fidèles à vos antécédents, vous tomberez dans un dédale dont vous ne sortirez
pas, car vous serez forcés d’admettre un déluge d’amendements.
La clôture étant prononcée, on doit se borner à
discuter les amendements déposés dans le cours de la discussion.
M. Vandenbossche – Je demande la parole pour appuyer la proposition de M.
Pirson.
Un grand nombre
des membres – La clôture !
M.
Vandenbossche – Je demande à démontrer que
la conférence reprendra la négociation sur la dette. Je soutiens que dans la
liquidation
Plusieurs membres – Faites insérer votre discours dans le Moniteur.
M.
Vandenbossche – Je demanderai le renvoi de
la discussion à demain.
Plusieurs membres – La clôture !
M.
Van Hoobrouck – J’aurai l’honneur de
rappeler à la chambre que lorsque la clôture a été mise aux voix, j’ai demandé
s’il me serait permis de présenter un sous-amendement à l’amendement de M.
Peeters, et l’on a été d’accord sur ce point.
Plusieurs membres – Non ! non !
M.
Van Hoobrouck – On a été d’accord. Sans
cela, je n’aurais pas voté pour la clôture. J’avais préparé mon
sous-amendement. Rien ne m’était plus facile que de le présenter. Je m’en
réfère à la chambre. Je déclare sur l’honneur que la chambre a autorisé le
dépôt de l’amendement. Je crois qu’il y aurait surprise à repousser mon
amendement.
M. Doignon – L’honorable M. Pirson a demandé l’ajournement de la
proposition au gouvernement. J’ai l’intention d’appuyer fortement sa
proposition. Vous n’avez entendu sur ce point que M. Pirson. Il est ordinaire
d’entendre un orateur ou deux. Je demande donc la permission d’être entendu dur
la proposition d’ajournement. Sinon, je proteste.
- La proposition d’ajournement faite par M. Pirson est
mise aux voix par appel nominal. Voici le résultat du vote :
96 membres prennent part au vote.
36 votent pour l’adoption.
60 votent contre.
Ont voté pour l’adoption : MM. Andries,
Beerenbroeck, , Berger, Brabant, Dechamps, Corneli, de Foere, de Longrée, de
Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Puydt, de Renesse, Desmet,
d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), Dumortier, Frison, Gendebien, Heptia,
Jadot, Lejeune, Manilius, Metz, Pirson, Pollénus, C. Rodenbach, Rogier,
Scheyven, Seron, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Vandenbossche, Vergauwen,
Zoude.
Ont voté contre : MM. Andries, Coghen,
Coppieters, David, de Behr, de Florisone, W. de Mérode, de Jaegher, de Langhe,
de Muelenaere, de Nef, de Perceval, Dequesne, de Roo, de Sécus, Desmaisières,
Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dolez, Donny,
Dubois, Dubus, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Hye-Hoys, Keppenne,
Kervyn, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Liedts, Nothomb, Maertens, Mast de Vries,
Meeus, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Polfvliet, Raikem, A
Rodenbach, Rogier, Smits, Troye, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Van
Hoobrouck, Van Volxem, Verdussen, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Wallaert,
Willmar.
M. le président – La chambre a maintenant à statuer sur l’amendement au projet
de loi présenté par M. Pirson.
M.
Dolez, rapporteur – Je propose sur tout nouvel
amendement la question préalable.
M. Gendebien – Vous avez clos la
discussion générale, mais vous avez stipulé en même temps qu’on pourrait
discuter les amendements ; or, il ne s’agit pas de savoir seulement si ces
amendement seront adoptés ou rejetés. Il s’agit aussi de savoir s’ils seront
modifiés ; car la discussion a pour but aussi d’améliorer ; en
déclarant qu’il y aurait discussion vous avez donc déclaré implicitement qu’il
y aurait faculté d’amender.
Comment ! un amendement pourrait être bon s’il
était modifié, et vous ne seriez pas libres de le modifier ! Vous pourriez
vous placer dans l’absurde alternative de le rendre utilement acceptable,
moyennant une légère modification ! mais cela serait déraisonnable. Vous
avez décidé qu’il y aurait discussion, il faut en admettre les
conséquences ; il serait contraire au texte et à l’esprit de votre règlement d’agir
autrement.
M. Pollénus – J’avais demandé la parole, mais je n’ai rien de plus à
ajouter à ce que vient de dire le préopinant.
M. de Jaegher – Si la chambre veut innover, libre à elle ; mais si elle
veut s’en tenir à son règlement, elle doit repousser tout nouvel amendement.
L’honorable M. Dolez a rappelé ce qui s’est passé lors de la discussion du
traitement de monseigneur l’archevêque de Malines. Un amendement avait été
proposé par MM. Pirmez, Troye, quelques autres collègues et moi. Cet amendement
allait être déposé pendant qu’on prononçait la clôture, car elle n’avait pas
encore été prononcée. Eh bien ! la chambre a refusé d’en entendre la
lecture ; si donc la chambre veut rester fidèle à ses précédents, elle ne
doit accueillir aucun nouvel amendement.
M. Donny – On pourrait d’autant plus statuer sur l’amendement de M.
Pirson qu’il n’est pas nouveau. Il a été proposé dans les sections, et il en a
été fait mention dans le rapport de la section centrale.
M. Gendebien – Si vous adoptez un
amendement, vous serez obligés d’avoir un second vote, et dans ce second vote
vous pourrez, d’après votre règlement, introduire des amendements ; ainsi
un amendement serait amendable dans un second vote et il ne le serait pas dans
une première discussion ! mais ce serait absurde.
Vous ne pouvez, sans violer le règlement, refuser un
sous-amendement.
Il importe peu qu’on discute ou qu’on ne discute pas,
je sais fort bien que c’est inutile ; mais il me semble que s’il convient
d’observer le règlement, c’est surtout dans une question aussi grave, lorsqu’il
s’agit de livrer 400,000 Belges à l’étranger.
Lorsqu’un amendement est adopté, il peut être modifié
au second vote ; eh bien, je le demande, s’il peut l’être au second vote,
pourquoi ne pourrait-il pas l’être maintenant ? Ce serait absurde !
Quant au précédent qui a été invoqué, il n’est pas
applicable ici ; il s’agissait d’un amendement entièrement nouveau, tandis
qu’en ce moment il ne s’agit que de sous-amendements, de modifications à
introduire dans des amendements déjà présentés.
M. Dolez, rapporteur – Messieurs, dans l’esprit du règlement la clôture a une
portée, une signification ; la clôture est quelque chose ; or d’après
le système de l’honorable M. Gendebien, la clôture ne signifierait absolument
rien, car, sous prétexte de présenter de nouveaux amendements, on pourrait
faire des propositions qui renverseraient totalement l’article lui-même de la
loi, et rentrer ainsi de nouveau dans la discussion de la question principale.
« Mais, dit l’honorable membre, lorsqu’un
amendement a été introduit dans une loi, il peut toujours être modifié au
second vote. » C’est, messieurs, qu’alors l’effet de la clôture est
détruit par le second vote, qui appelle la chambre à discuter de nouveau toutes
les modifications introduites dans la loi. Ici, rien de semblable
n’existe ; la clôture a été prononcée sur toute la discussion, sauf celle
des amendements présentés, mais aucune réserve n’a été faite pour ceux qui
pourraient l’être encore.
M. Pirson – Je dois vous faire remarquer d’abord, messieurs, qu’il n’y a
aucune analogie entre ce qui s’est passé relativement au traitement de
l’archevêque de Malines et ce qui se passe maintenant : alors la clôture
avait été prononcée ou se prononçait, et comme il ne s’agissait que d’une seule
question, le traitement de l’archevêque, on a dit que la clôture empêchait de
proposer des amendements. Ici c’est tout autre chose : vous avez prononcé
la clôture de la discussion générale ; eh bien, il faut maintenant ouvrir
la discussion des diverses dispositions de la loi ; or, il n’y a pas une
seule phrase de l’article unique de la loi qui ne puisse donner lieu à un
amendement.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, lorsque la clôture a été demandée, j’ai exprimé
le désir que la chambre fût interrogée sur la portée qu’elle entendait donner
au vote de clôture, et je faisais remarquer que toute la discussion avait porté
uniquement sur le principe de la loi, et que personne encore n’avait fait
mention des amendements ; on est tombé d’accord que, malgré la clôture, la
discussion demeurerait ouverte sur les amendements.
Eh bien, messieurs, quoi qu’en ait dit l’honorable rapporteur
de la section centrale, il me paraît que ce vote a une portée, car il en
résulte qu’on ne peut plus revenir sur la loi même, ni proposer de nouveaux
amendements. Mais en résulte-t-il aussi qu’il est interdit de modifier les
amendements déjà proposés ? Evidemment non ; car puisque vous avez
réservé la discussion de ces amendements, vous avez évidemment réservé en même
temps le droit de les sous-amender, de les améliorer. Et cela n’ouvre pas,
comme on l’a dit, le champ à une foule d’amendements de toute espèce, car il
est évident que les sous-amendements, pour pouvoir être discutés, devront se
rapporter uniquement à l’un des amendements déposés ; sans cela ce ne
seraient pas des sous-amendements, mais des propositions tout à fait nouvelles.
Je pense donc, messieurs, que l’on a encore le droit
de proposer des sous-amendements, mais qu’on ne peut plus présenter des
amendements nouveaux.
M. Dolez – Il y a quelques jours,
messieurs, j’ai présenté un amendement. Cet amendement peut être sous-amendé,
et j’ai l’intention de le sous-amender moi-même. J’ai entendu quelques membres
me reprocher de vouloir mettre des bâtons dans la roue ; je déclare
hautement, messieurs, que telle n’est pas mon intention, la seule chose que je
désire, c’est de conserver autant qu’il est possible, à nos malheureux
concitoyens du Limbourg et du Luxembourg, les avantages dont ils jouissent
aujourd’hui.
Je ne comprends pas que lorsqu’il s’agit d’une
question semblable, on veuille brusquement clore toute discussion, tandis que
quand il s’agissait du traitement de l’archevêque de Malines, on a discuté
pendant trois jours à propos d’une misérable somme de 9,000 francs.
M.
Verdussen – Je ne pense pas, messieurs,
qu’on puisse admettre la dernière proposition de M. Dolez, car cela nous
jetterait dans l’arbitraire et dans les personnalités ; à chaque
proposition qui serait faite, tel député croirait que c’est un sous-amendement,
tel autre croirait que c’est un amendement nouveau. Je demande que la chambre
décide qu’on ne sera pas admis à proposer des amendements mais qu’on pourra
sous-amender les amendements déjà présentés.
M. d’Huart – Il me semble qu’il n’y a
pas lieu de poser une telle question ; le règlement est positif : aux
termes de celui-ci on n’est pas admis à présenter des amendements nouveaux,
mais on peut proposer des sous-amendements.
Il n’y a donc pas lieu de voter sur la question
préalable qui a été, du reste, retirée par l’honorable membre même qui n’avait
proposée.
M. Devaux – Messieurs, le règlement
voulait qu’on prononçât la clôture sur le tout, tant sur l’article que sur les
amendements et les sous-amendements. Le règlement dit que lorsque la clôture générale
aura été prononcée sur un article, cette clôture emporte celle sur le tout. Il
n’y en a pas en ce cas de faveur pour les amendements. Maintenant vous avez,
par concession, permis qu’on discutât séparément les amendements ; eh
bien, cette concession, vous êtes maîtres de l’étendre ou de la restreindre,
puisqu’elle est faite en dehors du règlement. Vous êtes n droit de proscrire
tous nouveaux amendements ou sous-amendements, car vous pouvez prononcer la
clôture à l’instant même sur le tout.
M. d’Huart – Messieurs, on vient de
voter la clôture de la discussion générale, et l’on a réservé la discussion des
amendements. Je ne comprendrais pas qu’on vînt immédiatement après contester le
droit d’user de cette réserve, qu’on vînt aussitôt prononcer la clôture sur le
tout. Je n’admets pas que la chambre puisse convenablement le faire, et au
surplus l’honorable préopinant ne demande pas même cela. Il n’y a donc pas lieu
de voter en ce moment la question préalable sur les amendements.
M. Dumortier – J’ajouterai à ce que vient
de dire l’honorable M. d’Huart que le règlement est contraire au sens qu’on
voudrait lui donner. Le règlement dit que la discussion qui aura lieu sur le
rapport de la section centrale sera double, une discussion générale et une
discussion sur les articles. Nous avons terminé la première discussion ;
reste la seconde. Nous avons donc à examiner l’article en lui-même. (Non ! non !) En tout cas, il y
a lieu de discuter les amendements qui ont été déposés ; non seulement ils
peuvent et doivent être discutés aux termes du règlement, mais ils peuvent
encore être sous-amendés ; or c’est de la discussion même que ces
sous-amendements peuvent en sortir.
Vous voyez que vous marchez dans un sens contraire au
règlement, parce que vous voulez trop précipiter les choses ; je vous en
prie, messieurs, ne nous écartons pas des règles, et moins dans cette
circonstance solennelle que dans tout autre.
M. Lebeau – Messieurs, je m’élève contre les prétentions de l’honorable
préopinant qui voudrait que la discussion générale fût close sans y comprendre
la clôture de la discussion de l’article unique de la loi. Il a été décidé sur
les observations même de M. Dubus, qu’on entendait clore la discussion de
l’article, et c’est d’ailleurs conforme aux précédents de la chambre.
Maintenant je dis avec l’honorable M. Devaux que la
majorité eût été dans son droit si elle avait prononcé la clôture sur les
amendements, et que c’est par condescendance que vous avez consenti, sur les
réclamations de M. Dubus, à ce qu’on discutât les amendements, mais seulement
les amendements qui ont déjà été déposés. Ainsi, les amendements qui
surgiraient après la clôture peuvent être frappés de la question préalable.
Maintenant on établit une distinction entre un amendement et un
sous-amendement. Mais remarquez qu’une ligne de démarcation est impossible à
préciser ; on présentera un amendement qu’on qualifiera de
sous-amendement ; une discussion s’élèvera sur la question de savoir si
l’amendement est oui ou non un sous-amendement. Je demande comment on pourra
fixer une ligne de démarcation.
Il est évident que nous rouvrons la discussion
générale, et qu’à la faveur d’un amendement qu’on qualifiera de
sous-amendement, nous pourrons avoir l’avantage d’ajouter de nouveaux discours
de la taille de celui qu’annonce M. Vandenbossche ; voilà où l’on en
viendra. Eh bien, je propose formellement la question préalable sur tout ce qui
n’est pas amendement déposé avant la clôture de la discussion.
M. Dubus (aîné) – Messieurs, je crois que la proposition de M. Lebeau met en
question ce que la chambre vient de décider : ce serait donner pour
reprendre. A cette occasion, on a appelé concession ce qui, dans mon opinion,
n’était que justice. On avait demandé la clôture ; mais qu’avait-on
discuté ? c’était naturellement ce qu’il fallait examiner avant de clore
la discussion. Il se trouve que la discussion des amendements n’avait pas même
été abordée. Eh bien, si l’on voulait, comme le prescrit le règlement au dire
des honorables préopinants, clore à la fois et sur l’article, et sur les
amendements proposés, votre demande de clôture était manifestement
prématurée ; elle aurait dès lors été rejetée, puisque la chambre n’aurait
pas clos la discussion sur les amendements qui n’avaient pas été examinés.
Reconnaissant que ces amendements n’avaient pas encore été discutés, on a senti
la nécessité de les excepter de la clôture qu’on allait prononcer. Donc la question
des amendements est entière. Mais, dit-on, cela ouvrira la porte aux
inconvénients que nous voulions éviter, car la ligne de démarcation est
difficile entre les amendements et les sous-amendements. Messieurs, un
sous-amendement est une proposition qui modifie un amendement proposé, et il
est bien aisé de reconnaître si une proposition qu’on aura faite s’applique à
l’article, ou si elle modifie un amendement proposé à l’article. Si réellement
cette ligne de démarcation était impossible à établir, alors il y aurait un
grand vice dans notre règlement, qui porte qu’on doit voter d’abord sur les
sous-amendements, et ensuite sur les amendements. Ainsi, si un amendement a été
sous-amendé, on met aux voix le sous-amendement avant l’amendement. Je le
répète, si réellement la ligne de démarcation était impossible à reconnaître,
on ne pourrait exécuter cet article du règlement, qui s’exécute cependant sans
difficulté depuis longtemps.
Je crois, messieurs, que vous ne pouvez pas repousser
par la question préalable les sous-amendements, alors que vous avez maintenu la
discussion ouverte sur les amendements eux-mêmes.
M. le président – Personne ne demandant plus la parole, je vais mettre aux
voix la proposition de M. Lebeau.
Des membres – L’appel nominal ! l’appel nominal !
- Il est procédé à l’appel nominal.
En voici le résultat :
74 membres prennent part au vote ;
39 répondent oui ;
35 répondent non.
En conséquence, la proposition de M. Lebeau est
adoptée, et par suite la question préalable est prononcée sur tous amendements
et sous-amendements autres que ceux qui ont été déposés avant la clôture de la
discussion générale.
Ont répondu oui : MM. Andries, Coghen,
Coppieters, de Florisone, de Jaegher, de Langhe, de Muelenaere, de Nef, de
Perceval, Dequesne, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dolez,
Dubois, Hye-Hoys, Keppenne, Lebeau, Liedts, Maertens, Mast de Vries, Meeus,
Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Polfvliet, Raikem, Rogier,
Smits, Troye, Ullens, Van Volxem, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Wallaert, Zoude.
Ont répondu non : MM. Brabant, Corneli, Dechamps,
de Foere, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, W. de Mérode, Demonceau, de
Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, d’Huart, Donny, Dubois, Dubus (aîné),
B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Ernst, Frison, Gendebien, Kervyn,
Lejeune, Manilius, Peeters, Pollénus, Scheyven, Seron, Stas de Volder,
Thienpont, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck de Fiennes, Verdussen,
Vergauwen,
Messieurs les représentants quittent leurs places.
La séance est levée à 5 heures un quart.