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Note d’intention
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Dépôt d’une proposition de loi (David, Ernst)
3) Rapport sur le projet de loi relatif à la compétence en matière civile
4) Projet de loi relatif à l’entrée des bois étrangers. Discussion générale (de Foere, A. Rodenbach, d’Huart, Verdussen). Renvoi à la commission.
5) Projet de loi autorisant le gouvernement à percevoir par anticipation la contribution foncière des six premiers mois de 1839. Présentation du rapport (Dumortier, Eloy de Burdinne). Discussion générale. Etat des négociations sur le traité des XXIV articles. Alternative entre résistance et résignation (de Renesse, Dechamps, Pirson, de Theux)
(Moniteur
belge du 24 janvier 1839, n°24)
(Présidence de M. Raikem)
M. Scheyven procède à l’appel nominal à 2 heures.
M. B. Dubus lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
M. Scheyven communique à la chambre l’analyse des diverses pièces qui lui sont adressées :
« Le conseil communal de la ville de Stavelot demande que son canton obtienne un changement de circonscription et ressortisse entièrement de l’arrondissement de Verviers. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. David monte à la tribune et lit une proposition dont les sections ont autorisé la lecture. (Nous ferons connaître cette proposition et les développements dans un prochain numéro.)
M. le président – La proposition est-elle appuyée par 5 membres ?
- La proposition est appuyée.
M. le président – Désire-t-on procéder tout de suite à la prise en considération ?
Personne ne demande la parole dans la discussion ; la proposition est prise en considération.
M. le président – Désire-t-on le renvoi de la proposition aux sections ou à une commission ?
M. le ministre de la justice (M. Ernst) – Messieurs, la proposition de l’honorable député de Huy soulève une question de circonscription cantonale ; il me semble très rationnel de renvoyer cette proposition à la section centrale qui a été chargée de l’examen de divers projets de loi concernant la circonscription cantonale.
A cette occasion, je prierai la section centrale de vouloir bien examiner les avis des conseils provinciaux qui lui ont été renvoyés par la chambre. Dès que cet examen aura eu lieu, la chambre pourra s’occuper de toutes les questions de circonscription cantonale ; elle a déjà témoigné le désir de pouvoir s’occuper de ces questions ; et le gouvernement est d’autant plus intéressé à ce que la circonscription cantonale soit réglée dans un bref délai, que la loi sur le notariat et quelques autres lois encore sont dépendantes de la décision que la chambre prendra sur cette circonscription.
M. David – Je me rallie volontiers à la motion de M. le ministre de la justice, bien entendu qu’il sera statué sur la proposition dans le courant de la session.
La chambre envoie la proposition à la commission chargée de l’examen du projet de loi relatif à la circonscription cantonale.
M. Liedts, organe d’une commission, dépose un rapport sur le projet de loi relatif à la compétence en matière civile.
Le rapport sera imprimé et distribué.
M. le président – Voici un amendement de M. de Foere
« 1° Déjà adopté par le sénat :
« 1. Toute espèce de bois, soit
en grume, soit non scié, soit en poutres, propre à la construction civile et
navale, et arrivant de
« 2. Toute espèce de bois, soit en grume, soit non scié, autre que le bois de construction civile et navale, que l’article précédent admet au droit de 60 centimes par tonneau de mer, et à l’exception des merrains, mâts, espars et rames : Droit d’entrée : 6 p.c. de la valeur ; droit de sortie : 1 p.c. de la valeur.
« 2° Amendement de M. de Foere
« 3. Toute espèce de bois scié,
soit planches, solives, madriers, entièrement coupé ou non, propre à la
construction civile et navale, et arrivant de
« 4. Toute espèce de bois scié, soit planches, solives, madriers, autre que le bois de construction civile et naval que l’article précédent admet au droit de 4 francs par tonneau : Droit d’entrée : 10 p.c. de la valeur ; droit de sortie : ½ p.c. de la valeur.
« 5. Comme le n°4 du projet. »
M. le président – La parole est à M. de Foere pour développer son amendement.
M. de Foere – Messieurs, je commencerai par dégager l’amendement de toutes les difficultés qui pourraient se présenter à l’esprit des membres de la chambre. Je ferai d’abord remarquer que les numéros 1 et 2 se trouvent dans le projet ; il n’y a donc que les numéros 3 et 4de mon amendement qui pourraient devenir l’objet de la discussion.
Ces dernières dispositions de mon amendement sont fondées, messieurs, sur des principes qui devraient toujours servir de base à toute loi de douane. Le premier de ces principes est d’assurer au trésor ses revenus ; le second tout en assurant au trésor ses revenus, de ne pas gêner ni embarrasser inutilement le commerce ; le troisième enfin, c’est celui de protéger suffisamment le travail du pays.
Mes deux amendements ont pour but de soustraire le négoce aux contestations toujours fâcheuses avec les employés de la douane, sans qu’il puisse en résulter aucune frustration des droits qui sont dus au trésor. Ils tendent aussi à assurer au pays la main-d’œuvre dans le sciage des bois étrangers.
Je me bornerai, messieurs, à ces simples explications ; j’ajouterai seulement que nous avons eu, avec M. le ministre des finances, une conférence sur mes deux amendements et sur le mode de perception des droits qu’ils établissent. M. le ministre les a approuvés ; il a cru qu’il n’y avait aucun inconvénient à les voter, tous les intérêts étant saufs, les intérêts du trésor, ceux du commerce et de l’industrie, ainsi que ceux du travail du pays.
- L’amendement est appuyé.
M. A. Rodenbach – Messieurs, je donnerai mon assentiment à l’amendement proposé par l’honorable député d’Ostende, afin de donner aux armateurs le temps de combiner leurs opérations maritimes. Mais, messieurs, tout en donnant mon assentiment à cet amendement, je dois appuyer également l’amendement du sénat qui demande qu’on impose les bois étrangers sciés à raison de 10 p.c. Je sais bien que cet impôt ne rapportera au fisc qu’environ 6 à 7 p.c. par suite des déclarations inexactes que fait le commerce. L’honorable député de Thielt vient de présenter un nouvel amendement ; j’ai eu de la peine à le saisir ; les développements même en ont été très concis ; je crois qu’il s’agit d’un impôt de 60 centimes par tonneau de mer. Je désirerais savoir à combien cela revient. Si réellement cela équivaut à 6 ou 7 p.c., et si M. le ministre, selon l’assertion de M. de Foere, a donné son assentiment à l’amendement, nous devons savoir si effectivement nos bois indigènes sont protégés par un droit de 6 à 7 p.c. Lorsque M. le ministre aura fourni des renseignements je pourrai donner mon opinion sur les amendements.
L’honorable député d’Ostende vous a dit que l’intérêt général s’opposait à ce que la proposition du sénat fût accueillie Je pense au contraire que l’intérêt général réclame une protection pour nos bois d’environ 6 à 7 p.c. : c’est appuyer la main-d’œuvre. Il entre en Belgique pour (erratum, Moniteur du 24 janvier :) 2 millions de francs de bois étrangers ; ainsi, si nous pouvons nous approprier cette main-d’œuvre, voilà peut-être un million que nous donnons à la classe ouvrière. En Angleterre, en France – et même en Hollande, on impose le bois étranger à 20 p.c., dans l’intérêt de la classe ouvrière. Ainsi, si nous nous bornons à demander 10 p.c. (ce qui en réalité revient à 7 p.c ;), cette mesure ne pourra nuire à l’intérêt général. Nous donnerons de l’ouvrage à nos ouvriers, et c’est un bon système que de donner de l’ouvrage aux ouvriers du pays. J’appuie donc l’amendement du sénat. Je pense que l’honorable député d’Ostende doit savoir que, dans la ville qu’il habite, il y avait des moulins pour scier le bois ; en l’absence de mesures protectrices pour les bois, ces moulins sont tombés. Ainsi, dans l’intérêt d’Ostende même, il importe de protéger la main-d’œuvre.
M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Messieurs, quelques instants avant la séance, les deux honorables députés m’ont communiqué leurs idées à l’égard de l’amendement qu’ils viennent de déposer sur le bureau. D’après cet amendement, le cubage du navire serait substitué au mode de la valeur, laquelle est pris pour base de l’impôt relativement au bois scié dans le projet qui nous a été renvoyé par le sénat. Ces honorables membres m’ont exprimé leurs craintes sur les gênes qu’éprouveraient le commerce si on adoptait le droit à la valeur, tandis que jusqu’à présent le droit sur le bois avait été perçu d’après le cubage du navire, et ils m’ont exposé des calculs d’où il résulterait que leur proposition donne au sciage du bois une protection qui s’élève à environ 5 ½ p.c. ; c’est-à-dire que le droit de 60 centimes porté dans le premier paragraphe de l’article premier sur le bois en grume, et qui n’est contesté par personne, représente 10 et 1/10 p.c., tandis que le droit de 4 francs proposé pour le bois scié représente un droit de 6 ½ p.c. ; or, si on défalque ce droit sur le bois non scié de celui qui serait imposé pour le bois scié, il reste 5 francs 40 centimes pour cent.
Le sénat propose de fixer à 10 p.c. à la valeur le droit sur le bois scié, mais on sait qu’avec le mode de perception à la valeur, un droit de 10 p.c. se réduit presque toujours en réalité à 6 ou 7 p.c. ; on peut dès lors considérer que le droit proposé par le sénat est sensiblement le même en résultat que celui présenté par MM. De Foere et Donny.
Quoi qu’il en soit, messieurs, n’ayant pas eu, dans le court intervalle qui s’est écoulé entre la conversation dont je viens de parler et l’ouverture de la séance, le temps de vérifier les différents chiffres qu’on a présentés, et d’un autre côté la commission qui a examiné le projet devant désirer pouvoir aussi s’assurer des effets probables de la nouvelle combinaison qui vous est soumise, je crois qu’il y aurait lieu de lui renvoyer l’amendement et de remettre la discussion à demain. La commission aura ainsi le temps de faire une vérification qui nous mettra peut-être tous d’accord.
En tout cas, il serait difficile à ceux qui n’ont pas examiné les calculs des auteurs de l’amendement d’en saisir la portée ; je propose donc de renvoyer l’amendement à la commission.
M. le président – M. Verdussen vient de déposer un
amendement. Il propose de supprimer les mots : « Et arriverait de
M. Verdussen a la parole.
M. Verdussen – Messieurs, la question est singulièrement simplifiée, car tous les honorables membres que j’ai entendus dans la séance d’aujourd’hui ne se sont occupés que du sciage du bois. J’ai parcouru la discussion qui a eu lieu au sénat, et je me suis assuré qu’il ne s’agissait, pour les membres qui y ont pris part, que de favoriser la main-d’œuvre du pays. Il est donc bien entendu que nous voulons assurer à nos ouvriers le sciage du bois étranger.
Si nous favorisons l’entrée du bois en grume, nous ne ferons qu’abonder davantage dans ce système. C’est donc pour atteindre le but que s’est proposé le sénat et que se propose la chambre, que je présente l’amendement qui tend à retrancher quelques mots du n°1 du tableau, qui fait suite à l’article unique de la loi. Ce n°1 est ainsi conçu :
« Toute espèce de bois, soit en
grume, soit non scié, soit en poutres, propre à la construction civile et
navale, et arrivant de
Vous voyez que, d’après cet article, si la cargaison n’est pas complète en bois en grume, ce bois en grume, quoique non travaillé, quoique non équarri, sera encore sujet au droit à la valeur. Le but que le sénat s’est proposé ne serait pas atteint. Pour l’atteindre efficacement, il faudrait se borner à dire : « Toute espèce de bois, soit en grume, soit non scié, soit en poutres, propre à la construction civile et navale, paiera 60 centimes par tonneau de mer à l’entrée, quel que soit le lieu de la provenance et quelle que soit la quantité relative de la cargaison. »
En effet, si c’est le sciage qu’on a
en vue de protéger, qu’importe que le bois en grume, non scié et en poutre,
forme un quart de la cargaison, et que les trois autres quarts soient en
planches, solives, madriers, etc. Cela est indifférent pour le scieur.
Encore est-il indifférent, puisque nous avons besoin de bois étranger pour
constructions civiles et navales, que ces bois viennent de
Voilà les motifs qui m’ont déterminé à présenter mon amendement.
- L’amendement de M. Verdussen est appuyé.
Le renvoi proposé par M. le ministre des finances est adopté.
Les autres amendements sont également renvoyés à la commission.
M. Dumortier – Messieurs, l’attitude que le pays a prise par les adresses des deux chambres, et à laquelle l’Europe entière a applaudi, devait nécessairement amener le gouvernement à mettre l’armée sur un pied respectable, afin de repousser toute attaque, toute agression étrangère. Aujourd’hui que l’ennemi a augmenté ses forces, le gouvernement s’est empressé de mettre nos frontières à l’abri de l’invasion hollandaise, en rappelant sous les drapeaux les permissionnaires qui se trouvaient dans leurs foyers en congé momentané.
Cet appel d’une grande partie de nos miliciens sous les armes exige des ressources proportionnelles pour le trésor public, et c’est dans ce but que le gouvernement vous demande d’être autorisé à percevoir par anticipation la contribution foncière du premier semestre de 1839.
Votre commission n’a pu qu’applaudir à la mesure prise par le gouvernement, ainsi qu’à tout ce qui peut contribuer à la défense de l’honneur national et de l’intégrité du territoire. Elle vous propose en conséquence de donner votre assentiment au projet de loi qui vous est présenté, et qui aura pour résultat de mettre le trésor à même de faire face aux besoins que prescrivent les circonstances graves dans lesquelles le pays se trouve placé.
Messieurs,
M. le président – A quel jour la chambre veut-elle fixer la discussion ?
Plusieurs voix – Immédiatement ! immédiatement !
Quelques voix – Demain ! demain !
M. Eloy de Burdinne – Il faut au moins laisser le temps d’examiner le rapport.
Plusieurs voix – C’est inutile.
M. Eloy de Burdinne – Si tout le monde est du même avis, il faut renvoyer le projet à une commission et lui laisser le soin de décider.
Quand il s’agit de voter la perception de la contribution foncière par anticipation, il faut laisser aux membres le temps d’examiner et de voir si on ne pourrait pas proposer d’autres dispositions ou quelques amendements. C’est ainsi que, dans mon opinion, on ne devrait pas astreindre tous les contribuables à faire l’avance de six mois de leurs contributions. Il en est qui paient 4 ou 5 francs et qui ne peuvent pas faire cette avance de six mois, car souvent le pain leur manque. Je serai d’avis de proposer une modification au projet ministériel.
Ne fût-ce que pour la convenance, on peut accorder 24 ou 48 heures pour examiner le projet. (Aux voix !aux voix !)
- La chambre, consultée, décide que la discussion aura lieu immédiatement.
M. de Renesse – Le projet de loi maintenant en discussion me fournit l’occasion d’émettre quelques considérations sur notre situation actuelle. Par nos adresses au Roi, votées par la chambre à l’unanimité de ses membres, elle s’est tracé la voie qu’elle a à suivre dans nos affaires politiques, et elle a formellement indiqué au gouvernement celle qu’il a à observer, tant à l’égard des négociations diplomatiques que pour le cas où la conférence méconnaîtrait nos justes réclamations et voudrait nous forcer à subir le morcellement du territoire.
Le gouvernement, en demandant actuellement de percevoir par anticipation la contribution foncière des six premiers mois de l’année, désire immédiatement obtenir les ressources pour maintenir l’armée sur un pied respectable. Aussi, j’espère que, conformément à notre adresse au Roi, où nous avons déclaré que nous ne reculerions devant aucun sacrifice pour la défense du pays, il n’y aura aucune opposition au projet de loi actuel, qui doit obtenir notre assentiment unanime. Dans le moment où l’armée hollandaise est à nos frontières, où elle prend une attitude hostile à notre égard ; j’ai lieu de croire que le gouvernement aura pris toutes les mesures pour repousser toute agression ou occupation du territoire. Il faut actuellement être en état de faire face à tous les événements ; l’honneur national, le devoir sacré de la défense de nos concitoyens du Limbourg et du Luxembourg, nous prescrivent de ne reculer devant aucun moyen de défense ; notre attitude ferme et la volonté de résister à toute attaque empêcheront que nous soyons dupes comme en 1831 et sauveront le pays du déshonneur.
L’armée rivalise de patriotisme avec toute la nation ; elle brûle du désir de défendre ses concitoyens, de venger les désastres du mois d’août ; elle saura prouver, à la première occasion, que la valeur belge n’est pas un vain mot, que l’honneur national n’a pas de plus dignes défenseurs. La garde civique, chargée par son institution de veiller au maintien de l’ordre et des lois, et à la conservation de l’indépendance et de l’intégrité du territoire, répondra au premier appel pour concourir de tous ses moyens à la défense du pays ; quoique la loi organique soit défectueuse, tous les gardes, j’en ai la conviction, feront leur devoir, et se montreront dignes de contribuer à défendre l’honneur national.
Je crois que le gouvernement devrait mobiliser au plus tôt le premier ban de cette garde ; dans le moment actuel, où l’armée doit se porter aux frontières, il faut mettre en action tous nos moyens de défense ; il faut que le gouvernement, conséquent avec les paroles royales de défendre nos droits, nos intérêts « avec persévérance et courage », se montre à la hauteur de sa position.
La nation entière a
protesté avec énergie contre le morcellement du territoire, contre l’exécution
d’un traité inique, qui blessait les intérêts de
Depuis 1836, où les autorités provinciales et communales du Limbourg et du Luxembourg ont derechef, sans opposition aucune, prêté le serment de l’exclusion à perpétuité des membres de la famille d’Orange-Nassau de tout pouvoir en Belgique, la nation belge et son roi ont contracté une obligation morale et d’honneur envers les populations qui, en 1830, ont reconquis avec nous notre indépendance et notre ancienne nationalité commune ; c’est un devoir sacré, autant pour le gouvernement que pour nous, de les défendre, de les maintenir Belges. Aucun de nous, je l’espère, ne voudrait aujourd’hui détruire l’effet de nos votes unanimes, de nos adresses au Roi, et le gouvernement, en prenant actuellement toutes les mesures nécessaires pour que nos droits ne soient plus méconnus et défendus dorénavant « avec persévérance et courage », aura bien mérité de la nation et répondra à la confiance des chambres.
Je crois devoir ici
témoigner publiquement, et particulièrement comme Limbourgeois, tant en mon nom
qu’en celui de mes commettants, toute notre vive reconnaissance à M. le comte
de Montalembert, aux autres membres des chambres françaises qui ont défendu
M. Dechamps demande la parole et improvise le discours suivant – Messieurs, on rendra cette justice aux chambres belges que, depuis la reprise des négociations à Londres, elle a montré autant de fermeté et de dignité que de prudente discrétion. Le cabinet n’a jamais eu à subir l’embarras d’aucune interpellation. La marche des négociations n’a été entravée par aucune imprudence. Nos adresses, écho fidèle des paroles généreuses parties du trône ont témoigné hautement de l’accord qui règne entre le gouvernement, les chambres et le pays ; nos adresses qui n’ont donné lieu à aucune discussion passionnée ont aidé le gouvernement sans le compromettre. Ce silence expressif ce n’a pas été de la faiblesse ; il a montré que nous avions l’entente de notre position.
Aujourd’hui que tout a été divulgué à la tribune française, aujourd’hui que nous connaissons les limites jusqu’où la faiblesse de nos alliés est disposée à reculer, aujourd’hui que le pays nous demande, à nous qui sommes au gouvernail, ce qu’il doit craindre de l’orage qui gronde autour de lui, le moment de parler n’est-il pas arrivé ? Quand la tribune française vient de discuter nos droits devant l’Europe, quand la conférence, indécise encore, peut-être recueille, pour les peser, les paroles puissantes dont cette tribune retentit encore, ne nous reste-t-il tien à dire ? pouvons-nous rester enveloppés dans un silence que rien n’expliquerait ?
L’ordre du jour de vos pensées, l’ordre du jour de toutes les conversations, l’ordre du jour du pays, c’est notre situation politique. Il est impossible que nous nous taisions ; nous devons, sans compromettre en rien le gouvernement, présenter à l’Europe entière la justification de notre conduite loyale qu’on a voulu mettre en doute, nous devons au pays le témoignage de notre détermination à le défendre et à le sauver.
Notre position est grave,
mais elle est belle ; notre volonté peut conjurer l’orage qui nous
menace ; notre volonté peut donner à notre nationalité un nouveau baptême
qui la consolidera ; notre faiblesse peut tout perdre, tout jusqu’à
l’existence de
Le roi Guillaume, depuis
La reprise des négociations à Londres a été une immense faute, au point de vue de l’intérêt de l’Europe, comme au point de vue de l’intérêt belge.
Les cinq cours
représentées à la conférence, au lieu de reprendre les négociations, n’auraient-elles
pas dû dire au roi Guillaume ce que lui a dit le comte Orloff en 1832 :
« Vos alliés ne peuvent plus rien pour vous » ? N’avaient-elles
pas le droit de se refuser à mettre la paix de l’Europe à la merci de
Le morcellement aura lieu, si elle peut espérer que ce morcellement pourra s’effectuer sans résistance de notre part. Le statu quo sera maintenu et la conférence se dissoudra, si nous nous refusons à subir cette humiliation. Vous voyez donc, Messieurs, que la question tout entière est entre nos mains. Si notre attitude avait été molle, indécise, si nous avions permis à la confédération de croire qu’elle ne rencontrerait pas notre armée dans le Limbourg et le Luxembourg, messieurs, à l’heure qu’il est, ces provinces ne seraient plus à nous, et nos collègues qui défendent aujourd’hui à cette tribune ces populations menacées qui les ont envoyés ici, nous auraient dit leur douloureux adieu.
Messieurs, soyez-en
persuadés, quelques sacrifices encore, un peu de fermeté, et tout sera
dit : nous touchons au moment où les cinq cours vont prendre un
parti ; c’est notre attitude qui les décidera comme l’attitude de
Si quelques honorables
membres pouvaient ne pas partager mon opinion, pour combattre leurs craintes,
je puis me placer sur un terrain qui leur fera une position bien favorable. Je
veux admettre un moment que la conférence parvienne à se mettre d’accorder pour
arriver à la signature du traité du 15 novembre. Remarquez par quelle série
d’impossibilités politiques, il faut passer à cette supposition-là. Je veux
admettre que M. le comte Molé, que le cabinet français, au moment même où il
vient d’être accusé à la face du monde, par la moitié de la chambre française,
d’être ou inhabile, ou faible dans sa politique extérieure, je veux admettre
que dans ce moment le cabinet français abandonne
L’Angleterre, messieurs,
je veux bien supposer aussi qu’au moment où elle va se trouver aux prises avec
Le ministère whig reniera
donc son origine ; il oubliera qu’il représenté l’alliance de l’Angleterre
et de
Le traité, je le suppose
donc signé. Eh bien ! messieurs, la question aurait-elle pour cela avancé
d’un seul pas ? La conférence, qui n’a pas su courber la belle
inflexibilité de
Je ne vous parlerai pas
des embarras intérieurs que chaque puissance recèle dans son sein ; je ne
vous parlerai pas de leur faiblesse qui nous rend si forts ; ces choses
vous sont trop connues :
Eh bien, messieurs, au
sein de la diète germanique, l’Autriche et
L’Autriche et
Ainsi, messieurs, c’est bien le moment maintenant de nous lever, c’est bien le moment de déclarer hautement combien nous nous sentons forts, forts de notre position, et j’ajouterai, forts de notre bon droit.
Je suis amené, messieurs, à dire ici ma pensée sur la valeur, sur l’existence du traité des 24 articles.
Vous avez vu qu’à la
tribune française on a voulu s’appuyer sur l’existence de ce traité pour
abandonner la cause belge. M. Molé, faisant descendre une question de politique
européenne aux proportions d’une controverse de légistes, n’a trouvé pour
excuse de l’abandon de
Eh bien, cette excuse, messieurs, il ne faut pas la lui laisser.
Je pourrais rappeler ici
cette conduite de modération et de loyauté que
C’est notre Roi, messieurs, qu’on a trompé. Et c’est à nous, messieurs, qu’on adresse des leçons de loyauté, c’est à nous qu’on rappelle la bonne foi dans l’exécution des traités !
Le traité du 15 novembre,
vous l’avez signé, nous dit-on : oui, messieurs ; mais, la main sur
la conscience, pourquoi l’avons-nous signé ? Le gouvernement et tous les
orateurs qui, à cette tribune, ont parlé pour l’acceptation pénible de ce
traité, tous n’ont-ils pas répété cent fois : « C’est un sacrifice
que les circonstances nous imposent, mais par compensation nous aurons du moins
l’avantage de voir notre existence nationale définitivement établie ;
toutes les puissances reconnaîtront notre indépendance ; nous jouirons des
bienfaits de la paix et de la neutralité. » N’est-il pas vrai, messieurs,
que ces sacrifices auxquels nous avons souscrit alors, nous n’y avons consenti
que sous la garantie formelle que nous obtiendrions l’exécution immédiate du
traité et les avantages que je viens de vous indiquer ? Eh bien,
messieurs, ces avantages, cette compensation, en avons-nous joui ? notre
indépendance n’a-t-elle pas été livrée à la merci du provisoire ?
Vous le voyez, messieurs, les avantages que le traité devait nous apporter, formaient la condition synallagmatique de notre acceptation ; ces avantages, la conférence n’a pas su nous en faire jouir, et elle voudrait aujourd’hui que nous fussions tenus à subir les sacrifices auxquels nous n’avons adhéré qu’en vue des compensations qu’on nous offrait ! C’est donc la conférence elle-même qui, en refusant de remplir une condition essentielle du traité, son exécution immédiate, a déchiré l’une de ses pages.
Mais qu’est-il besoin, messieurs, de discuter les droits d’une nation comme on le ferait d’un article du code civil ? Les traités politiques ont toujours relevé surtout de considérations politiques ; des circonstances les forment et d’autres circonstances les modifient ; c’est là l’histoire de tous les traités. Ne suffit-il pas d’envisager la question du traité du 15 novembre sous le point de vue d’une franche loyauté ? ne peut-on pas espérer qu’au 19e siècle la bonne foi fera enfin son entrée dans le droit public européen ?
Le roi Guillaume a toujours espéré que l’état politique de l’Europe changerait au profit de son intérêt dynastique.
Il ne croyait pas à l’affermissement du trône de Louis-Philippe. A chaque événement qui s’élevait en Espagne, en Pologne, il croyait voir surgir un nouveau 1814, et chaque fois il ajournait son adhésion, parce qu’il espérait toujours trouver la restauration, un matin, à son réveil.
Comment ! on lui
aurait permis d’épier ainsi toutes les circonstances favorables pour échapper à
un traité que nous n’avions accepté que dans des circonstances douloureuses, et
sous la garantie qu’il ne tarderait pas à lier
Cela est impossible,
messieurs, et si la conviction de notre droit ne suffisait pas pour nous
inspirer une résolution en rapport avec les devoirs qui pèsent sur nous,
Messieurs, l’importance
de l’intérêt belge dans cette question est immense, et pour moi j’en ai la
conviction profonde, l’existence même de notre nationalité en dépendra. Je
conçois, messieurs, je conçois qu’après des désastres et des défaites, comme
Comment voulez-vous,
messieurs, si
Une réflexion, messieurs,
m’a singulièrement frappé dans tout ceci : vous n’ignorez pas qu’en 1830
un projet sérieux de démembrement général de
Sous ce projet, messieurs, sous le traité du 15 novembre, il est impossible de ne pas découvrir une arrière-pensée.
Prenez-y garde,
messieurs ; sur les bancs de la chambre des députés de France, il y a bien
des hommes politiques qui rêvent encore des frontières du Rhin. Pour ces hommes
Comment voulez-vous que
l’on croie en Belgique à la neutralité que les traités veulent nous garantir,
si vous consentez à ce que
Messieurs, le traité des
24 articles, c’est pour nous le traité des barrières en petit. Ce qu’on veut,
c’est de donner encore à
Et ici, messieurs, je vous prierai de me prêter un moment d’attention.
La question commerciale qui existe au fond du traité du 15 novembre est de la plus haute importance, et jusqu’à présent elle n’a pas, que je sache, été assez aperçue.
Quelle est la question de
la rivalité commerciale entre
Eh bien ! le traité
du 15 novembre renferme une combinaison profonde et savante qui rappelle bien
la vieille expérience de
Il est d’abord évident
que si vous laissez
La liberté de notre chemin de fer sera donc compromise par l’exécution des 24 articles.
Ce n’est pas tout.
D’un autre côté, vous
savez qu’un canal relie Bois-le-Duc à Maestricht. Eh bien, si
Une troisième
considération, messieurs, prise du même point de vue, c’est celle relative au
canal du Nord. Vous savez que le projet d’un canal du Nord qui doit relier
l’Escaut,
Avais-je tort de vous
dire, messieurs, qu’il y avait dans le traité du 15 novembre, une savante et
profonde combinaison commerciale ? Et pourra-t-on nier maintenant que
toute la question territoriale repose sur le dessein de ruiner notre
nationalité, d’empêcher nos relations avec l’Allemagne, de s’établir, tout en
facilitant les moyens de concurrence que
Messieurs, j’en ai la
conviction dans l’âme, il y a, pour notre pays, une question de vie ou de mort
politique, de vie ou de mort commerciale et industrielle. Faites-vous un moment
le tableau des deux situations opposées dans lesquelles notre fermeté ou notre
faiblesse vont placer
Si nous sortons triomphants de la crise au milieu de laquelle nous sommes placés, comprenez, messieurs, sur quel fondement inébranlable de popularité vous aurez scellé le trône de notre Roi ; comprenez combien nous serons unis au-dedans, combien nous serons respectés au-dehors ; quelle sève de nationalité coulerait dans toutes les veines de notre corps politique ! Mais si nous devons nous courber, si nous devons passer sous ces nouvelles fourches caudines que la diplomatie nous prépare, n’est-il pas vrai que nous irions désormais le front baissé, l’amertume et le découragement dans l’âme ? Notre nationalité, personne n’y croirait plus en Europe, et nous, messieurs, tous les premiers, nous n’y croirions plus. (Bravo ! bravo !)
M. Pirson
– D’après le discours du précédent orateur, je crois inutile d’entrer dans
de grands développements. Nous sommes arrivés au jour où nous devons faire nos
affaires nous-mêmes. Mais, pour les faire bien, il faut que nous soyons
d’accord. Je n’ai, pour mon compte, aucun soupçon contre le gouvernement. La
proposition qu’il nous a faite prouve qu’il veut marcher dans le sens de notre
adresse au Roi. En conséquence, je ne lui adresserai pas d’interpellation sur
ses projets ultérieurs. Cependant tous les journaux du pays ont soutenu les
intérêts publics avec beaucoup de vigueur. Il n’en est qu’un seul qui ne l’ai
pas fait. Vous remarquez que je ne parle pas des journaux payés par
Je sais bien que, dans ce moment, on fait tout ce qui est humainement possible, diplomatiquement parlant ; nos diplomates en chef et nos diplomates secondaires marchent par un très mauvais temps ; sans doute ils seront pays de leurs peines, mais cela n’est pas encore certain. Diplomatiquement, on fait donc tout ce qu’on peut faire humainement dans le moment ; mais humainement il y a autre chose à faire, c’est de recourir aux armes. Aussi longtemps qu’on n’aura pas eu recours aux armes, nous n’aurons pas fait tout ce qui est humainement possible. La première période est passée, la seconde arrive ; il faut savoir si le journal L’Indépendant a annoncé tout doucement ce qui peut arriver dans quinze jours ou trois semaines, c’est-à-dire la signification du jugement de la conférence.
Les ministres nous ont dit souvent qu’ils n’avaient aucun journal ; que quand ils avaient à faire connaître l’opinion du ministère, ils avaient le Moniteur. J’en suis convaincu ; mais, au dehors, à Paris et dans toutes les cours, L’Indépendant passe pour être le journal du ministère. Ce n’est pas que je le soupçonne, au contraire, j’ai pleine confiance en lui. Je rends hommage à son patriotisme ; mais je crois que dans le moment il ferait bien de désavouer ce journal ici, parce que ce désaveu aurait de l’écho à l’étranger et à l’intérieur.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Messieurs, il a été dit si souvent que le ministère n’a pas d’autre journal que le Moniteur, que je crois superflu de faire la déclaration que demande M. Pirson. L’Indépendant, pas plus que tout autre journal, n’est l’organe du gouvernement (Très bien ! très bien !)
M. le président – Personne ne demandant plus la parole, je vais mettre aux voix, par appel nominal, l’article unique de la loi qui est ainsi conçu :
« Le gouvernement est autorisé à percevoir, par anticipation, les six premiers douzièmes de la contribution foncière de l’exercice 1839.
« Cette perception aura lieu, soit provisoirement, d’après les rôles de 1838, soit définitivement, d’après ceux de 1839. »
« La présente loi sera obligation le lendemain de sa promulgation. »
- Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 81 membres présents. En conséquence, il sera transmis au sénat.
Etaient présents : MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Brabant, Coghen, Coppieters, Corneli, David, de Brouckere, Dechamps, de Foere, de Langhe, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Perceval, de Puydt, Dequesne, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dolez, Donny, Dubois, B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Kervyn, Lebeau, Lecreps, Liedts, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Metz, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Raymaeckers, A Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Stas de Volder, Troye, Ullens, Vandenhove, Van Volxem, Verdussen, Vergauwen, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Wallaert, Willmar, Zoude et Raikem.
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M. le président procède au tirage au sort des sections.
La séance est levée à quatre heures et demie.