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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 16 mai 1838

(Moniteur belge n°137, du 17 mai 1838)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et demie.

M. Kervyn lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les administrations communales des communes de Bergen, canton de Horst (Limbourg), demande le maintien de l’intégrité du territoire. »


« Même pétition des administrations communales de lttervoort, Ohe et Laek, Roosteren, Stenvensweert et Thorn (canton de Maseyck), de Tegelen, Beesel et de Belfeld (canton de Venloo), du conseil communal et d’un grand nombre d’habitants de la ville de Weert (Limbourg), et des administrations communales de Beegden, Haelen, Heel, Panheel, Horn, Hinsel, Linne, Melich, et Herbenbosch, Odilienberg, Swaimers et Wissem (canton de Maseyck). »


- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.


M. Duvivier demande un congé de quelques jours.

- Accordé.

Projet de loi modifiant le tarif général du timbre

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet de loi.

M. Gendebien. - J’ai de la peine à croire que ce soit sérieusement qu’on entame une discussion nécessairement longue sur un objet si important. Je ferai remarquer à la chambre qu’il était à peu près certain depuis plusieurs jours qu’on ne discuterait pas la loi générale du timbre. Je suis convaincu qu’il faudrait 4 ou 5 séances pour examiner l’ensemble et les détails de cette loi.

Je me suis arrêté à l’article premier. J’y ai vu une différence énorme et presque double entre le droit proposé et celui déterminé par la loi du 13 brumaire an VII. Il est nécessaire de s’appesantir sur une question aussi grave ; elle ne peut être résolue sans examen préalable, alors surtout que chacun de nous est convaincu que l’article relatif au timbre des journaux est la seule chose urgente.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - On était sur le point de commencer hier la discussion de toute la loi, lorsque j’ai fait observer que M. le rapporteur de la section centrale n’était pas présent à la séance ; je savais qu’une discussion contradictoire devait utilement s’établir sur plusieurs articles, et je désirais la présence de M. Demonceau pour que la chambre fût éclairée par cette discussion ; il a donc été bien entendu que la délibération commencerait aujourd’hui sur l’ensemble de la loi.

Je ne pense pas, messieurs, que la discussion des divers articles, autres que celui stipulant le timbre des journaux, puisse être longue ; les dispositions de la loi proposée ne s’écartent pas autant que semble le croire l’honorable préopinant du système actuel : je ne parle pas de la loi primitive du timbre, parce que raisonnablement on ne doit établir de comparaison qu’avec ce qui est maintenant en vigueur, et non avec d’anciennes lois abandonnées depuis longtemps.

Je me plais à croire que la chambre reconnaîtra que, sous plusieurs rapports, le projet contient des améliorations. Par exemple, pour les effets de commerce de peu de valeur, nous proposons une diminution de droits réclamée en plus d’une circonstance par la chambre.

La discussion ne sera pas, je le répète, aussi longue que le croit l’honorable M. Gendebien, sur les divers articles, autres que l’article 2, relatif aux journaux.

M. de Brouckere. - Et l’article premier ?

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’article premier renferme plusieurs innovations, il est vrai, mais l’examen ne saurait en être long ; il suffira, en effet, de quelques explications pour faire apprécier l’état actuel de la législation en rapport avec les changements proposés, et pour juger les motifs de ces changements.

Du reste, messieurs, dussions-nous consacrer 2 ou 3 séances à la discussion du projet de loi, ce ne serait pas une raison pour l’ajourner. Il n’est pas question de clore la session, de terminer les travaux législatifs ; nous pouvons sans inconvénient continuer nos séances, et nous occuper même ensuite d’autres objets soumis à la chambre depuis longtemps.

M. Gendebien. - Demain la session sera close de fait.

M. le président. - Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, je la déclare close.

Discussion des articles

Discussion des articles

Article premier

La discussion est ouverte sur l’article premier. Cet article est ainsi conçu dans le projet du gouvernement et dans celui de la section centrale :

« Léopold, etc.

« Art. 1er (du gouvernement). Les droits de timbre, dus en raison de la dimension du papier, déterminée par la loi du 13 brumaire an VII, et ceux gradués en raison des sommes, seront perçus aux taux ci-après :

« Paragraphe premier. Droits de timbre en raison de la dimension du papier

« La feuille de grand-registre (hypothèques), à 2 fr. 50 c.

« La feuille de grand-registre, à 2 fr. 40 c.

« La feuille de grand papier, à 1 fr. 60 c.

« La feuille de papier moyen, à 1 fr. 20 c.

« La feuille de petit papier, à 80 c.

« La demi-feuille de ce petit papier, à 50 c.

« Il sera créé un timbre pour le quart de feuille (moitié de la demi-feuille du petit papier). Le droit en est fixé à 25 c. Ce papier ne pourra servir qu’aux quittances ; il est assimilé au papier libre pour tout autre écrit.

« Paragraphe 2. Droits de timbres gradués en raison des sommes.

« Le droit sur les effets négociables ou de commerce, billets et obligations non négociables et sur les mandats à terme, ou de place en place est fixé :

« - pour ceux de 250 fr. et en dessous, à 15 c.

« - pour ceux de plus de 250 fr. jusqu’à 500 fr., à 30 c.

« - pour ceux au-dessus de 500 fr. jusqu’à 1,000 fr. inclusivement, à 60 c.

« - pour ceux au-dessus de 1,000 fr. jusqu’à 2,000 fr. inclusivement, à 1 fr. 20 c.

« - et ainsi de suite à raison de 60 centimes par mille francs, sans fraction. »

« Le timbre crée par l’art. 27 de la loi du 31 mai 1824, sur les effets, récépissés, obligations, certificats ou actions résultant d’emprunts ouverts en Belgique, au profit d’étrangers, est :

« - lorsque le capital est de 500 fr., et au-dessous, de 1 fr. 50 c.

« - lorsque le capital est de 500 fr. à 1,000 fr. inclus, de 3 fr.

« - et pour les sommes au-dessus de mille francs à raison de trois francs par mille, sans fraction. »


« Art. 1er. (de la section centrale). Les droits de timbre, dus en raison de la dimension du papier, et ceux gradués en raison des sommes, sont établis comme suit :

« Paragraphe premier. Droits de timbre en raison de la dimension du papier

« La feuille de grand-registre (hypothèques ou non), à 2 fr. 40 c.

« La feuille de grand papier, à 1 fr. 60 c.

« La feuille de papier moyen, à 1 fr. 20 c.

« La feuille de petit papier, à 80 c.

« La demi-feuille de ce petit papier, à 40 c.

« Il est créé un timbre pour le quart de feuille petit papier au droit de 25 c. Ce papier ne pourra servir qu’aux quittances ; il est assimilé au papier libre pour tout autre écrit.

« Paragraphe 2. Droits de timbres gradués en raison des sommes.

« Le droit sur les effets négociables ou de commerce, billets et obligations non négociables et sur les mandats à terme, ou de place en place est fixé :

« - pour ceux de 500 fr. et au-dessous, à 40 c.

« - pour ceux au-dessus de 500 fr. jusqu’à 1,000 fr. inclusivement, à 80 c.

« - pour ceux au-dessus de 1,000 fr. jusqu’à 1,500 fr. inclusivement, à 1 fr. 20 c.

« - pour ceux au-dessus de 1,500 fr. jusqu’à 2,000 fr. inclusivement, à 1 fr. 60 c.

« - et ainsi de suite à raison de 60 centimes par mille francs, sans fraction. »

« Le timbre crée par l’art. 27 de la loi du 31 mai 1824, sur les effets, récépissés, obligations, certificats ou actions résultant d’emprunts ouverts en Belgique, au profit d’étrangers, est :

« - lorsque le capital est de 500 fr., et au-dessous, de 1 fr. 50 c.

« - lorsque le capital est de plus de 500 fr. à 1,000 fr. inclusivement, de 3 fr.

« - et pour les sommes au-dessus de mille francs, de trois francs en sus par chaque mille, sans fraction. »

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La première partie de l’article est la même dans les deux projets, sauf que la section centrale ne rappelle pas dans le premier paragraphe que les droits de timbre sont actuellement déterminés par la loi de brumaire an VII. Elle ne donne pas le motif de cette suppression, et je reconnais qu’il est fort peu important d’admettre ou de ne pas admettre la mention de la loi de brumaire an VII. A cet égard, je suis prêt à me rallier à la proposition de la section centrale, si on trouve que sa proposition à cet égard simplifie la rédaction. Je m’en rapporte entièrement à la chambre sur ce point.

Nous proposons de porter à 2 fr. 50 le droit de timbre de la feuille de grand-registre (hypothèques), qui est aujourd’hui de 2 fr. 40. Cette augmentation, non admise par la section centrale, ne produira pas une somme considérable au trésor, car elle ne sera guère que de 5 à 6 mille francs. Mais nous croyons que, alors que nous proposons plus loin dans la loi des diminutions, il convient d’arriver ainsi par diverses majorations à une balance en faveur du trésor public.

En ce qui concerne les feuilles de grand-registre d’hypothèques, le droit, quel qu’il soit, ne peut nous échapper, puisque ces feuilles sont employées par les agents mêmes du gouvernement ; aucune fraude ne saurait être commise à cet égard. Je vous prie de remarquer que la section centrale ne fait qu’une objection à l’augmentation dont il s’agit : c’est que nous ne suivons pas la proportion du droit en raison de la dimension ; or, cette considération qui ne me touche pas n’aurait pas dû arrêter davantage la section centrale, puisqu’elle s’est écartée elle-même du principe qu’elle invoque, en admettant le droit de 25 centimes par quart de feuille, alors qu’elle a fixé le droit de la demi-feuille à 40 centimes.

Le motif d’ordre méthodique sur lequel elle s’appuie me paraît d’autant moins propre à obtenir votre accueil, que nous avons, je le répète, un moyen certain de percevoir cette petite augmentation, qu’il ne faut pas négliger puisqu’elle peut concourir à balancer les diminutions notables dont nous aurons bientôt à nous occuper.

Vous avez remarqué, par la lecture de l’article premier qu’a faite M. le président, que la section centrale est d’accord avec le gouvernement pour la feuille de grand papier, la feuille de papier moyen, et la feuille de petit papier.

La feuille de grand-registre paie actuellement 2 fr. 40 c. et 40 centièmes ; la feuille de grand papier 1 fr. 30 c. et 27 centièmes ; la feuille de papier moyen 1 fr. 20 c. et 20 centièmes ; la feuille de petit papier 80 centimes et 13 centièmes ; nous supprimons les fractions, et ces petites diminutions réunies sont plus considérables que l’augmentation que nous demandons sur la feuille grand-registre (hypothèques).

Le gouvernement propose, pour la demi-feuille de petit papier, 50 c., et la section centrale demande de maintenir le taux actuel 40 c. Le motif principal sur lequel se fonde le gouvernement, c’est qu’il introduit un nouveau papier spécial pour les quittances, taxé seulement à 25 c., papier admis par la section centrale. Actuellement les quittances doivent s’écrire sur du papier à 40 c. ; le gouvernement présente un papier à 25 c. ; il va en résulter, légalement parlant, diminution pour le trésor. On dit derrière moi que les quittances s’écrivent en général sur papier libre ; mais c’est ce qu’il faut empêcher, sinon supprimer l’obligation d’écrire les quittances sur papier timbré. Il faut que la loi ait une sanction, ou, pour être conséquent, il faut supprimer la prescription.

La disposition qui augmente la demi-feuille de petit papier, comparativement à la feuille entière, sera souvent avantageuse au public. Aujourd’hui que le droit est de 40 centimes, les notaires dressent souvent des actes importants sur des demi-feuilles de papier en établissant moins de différence entre le prix de la feuille entière qui coûte 80 centimes et la demi-feuille, cela engagera les notaires à se servir de feuilles entières, ce qui sera utile au trésor et plus convenable pour les particuliers.

Nous avons vu des actes dressés sur des demi-feuilles tellement surchargées d’écritures qu’il eût été impossible d’y ajouter un mot, et cependant celui qui fait passer un acte serait rarement retenu par une différence de quelques centimes de plus pour obtenir un titre lisible et nettement écrit ; il préférerait que les stipulations de son acte fussent suffisamment développées, au lieu d’économiser quelques centimes et avoir un acte écourté.

Pour l’ordre de la discussion, il convient que je m’arrête ici, afin de ne pas confondre dans un même débat le papier dont le prix doit être gradué à raison des sommes, avec le papier qui doit être tarifé à raison de sa dimension.

M. Demonceau. - Vous aurez vu dans le rapport de la section centrale que nous avons fait l’historique des lois sur la matière. Vous aurez lu que la loi primitive a établi un timbre proportionnel à la dimension des papiers. Puisque l’on admet aussi dans le projet le principe de la dimension, nous avons trouvé que le papier grand-registre (hypothèques) ayant la même dimension que le papier grand-registre, il ne fallait pas changer le droit.

Les lois sur le timbre sont généralement connues ; et en matière de lois fiscales il me semble que la législature agit sagement quand elle n’y fait que des changements indispensables.

L’augmentation sur le grand-registre (hypothèques) rapportera cinq à six mille fr. ; mais elle occasionnera des désagréments aux fonctionnaires. Car, faites-y bien attention, les grands registres (hypothèques) sont d’un usage fréquent. On donne au conservateur des hypothèques un registre ; la fraction d’un dixième d’une feuille de ce registre est préjudiciable aux intéressés ; et il est difficile que le conservateur calcule exactement ce dixième ou ces dix centièmes. C’est dans l’intérêt du comptable que je crois que nous devons maintenir le droit à 2,40 fr. (Nous joignons les additionnels au principal.)

La section centrale n’admet pas l’augmentation de 0,10 fr. que demande le gouvernement sur la demi-feuille de petit papier. On a mis sur la feuille entière de petit papier 0,80 fr. ; la section centrale met 0,40 fr. pour la demi-feuille ; de cette façon on ne sort pas des principes admis jusqu’à présent.

Je sais bien que le ministre propose un timbre de 0,25 fr. pour les quittances, et que la section centrale adopte cette proposition.

Ici on sort du principe. Pourquoi adoptons-nous ce timbre ? C’est parce qu’aujourd’hui pas une seule quittance ne se fait que sur papier libre.

Le ministre croit qu’on se servira d’une feuille entière quand la différence de prix ou la demi-feuille sera peu considérable : je suis praticien, et je puis assurer qu’on n’écrira pas une convention sur une feuille entière quand on pourra l’écrire sur une demi-feuille.

Si le système de M. le ministre des finances devait prévaloir, rien n’empêcherait de porter le timbre de la demi-feuille à 60, 70 ou même 80 centimes, de manière qu’il n’y ait plus de différence entre la demi-feuille et la feuille entière. Remarquez, messieurs, que ce timbre ne sert pas seulement aux conventions en général, il sert aussi aux certificats de vie, aux publications de mariage, aux certificats de bonne conduite, aux pétitions ; il est certain qu’on n’emploiera pas un timbre de 80 centimes pour écrire ces pièces. Pour vous convaincre de l’usage qu’on fait du petit papier à 40 centimes, veuillez, messieurs, jeter les yeux sur le tableau qui se trouve joint au projet de M. le ministre des finances, à la page 19 ; vous verrez que le timbre de 40 centimes produit au trésor 542,543 fr., tandis que celui de 80 centimes ne produit que 254,828 fr.

Savez-vous maintenant, messieurs, quelle augmentation produiraient dans les revenus de l’Etat les 10 centimes dont M. le ministre propose de majorer le droit de la demi-feuille de petit papier ? Une augmentation de 135,000 fr., et cette augmentation frapperait la généralité des contribuables, puisque le papier dont il s’agit est pour ainsi dire d’un usage général. M. le ministre des finances demande cette majoration pour pouvoir diminuer le timbre des journaux ; je pense aussi que le timbre des journaux est trop élevé, la section centrale partage également cet avis ; si les réclamations des journaux sont justes, il faut y faire droit, mais il ne faut pas pour cela accabler les autres contribuables, il ne faut pas que la justice faite à quelques-uns tourne au détriment de tous. C’est cependant là ce que veut M. le ministre des finances, il veut même plus, car la diminution qu’il s’agit d’accorder aux journaux n’est que de 60,000 fr., tandis que l’augmentation demandée sur la demi-feuille de petit papier serait de 135.000 fr. ; il y aurait donc pour le trésor un bénéfice de 75,000 fr.

Je me résume, messieurs, sur cette partie de la discussion : jusqu’ici, le papier grand registre et le papier grand-registre (hypothèque), qui sont de la même dimension, ont été imposés du même droit ; je ne crois pas qu’il y ait des motifs de rien changer à cet égard. Quant au timbre de la demi-feuille et le petit papier, qui est le plus en usage, je ne vois pas de raison pour le porter à 50 c. tandis que la feuille entière ne coûte que 80 c. ; j’ajoute qu’il ne faut pas espérer qu’on remplace souvent la demi-feuille par la feuille entière, puisqu’il y aura toujours une différence de 30 c. En ce qui concerne le timbre de 25 c. pour les quittances, c’est là un timbre tout particulier, et tout ce qu’il produira sera bénéfice net pour le trésor, puisqu’aujourd’hui l’on n’écrit aucune quittance sur timbre qu’autant qu’on doive en faire usage en justice.

Je termine, messieurs, en répétant que si, comme je l’ai reconnu, il y a justice à diminuer le timbre des journaux, ce n’est pas une raison pour augmenter le prix du timbre qui est le plus en usage.

M. F. de Mérode. - Messieurs, l’honorable préopinant vient dire qu’il ne faut pas charger les uns pour décharger les autres ; il s’agit de savoir si les uns sont surchargés tandis que les autres ne le seraient pas ; il s’agit d’égaliser autant que possible des charges qui seraient inégales : or il est évident que dans l’état actuel des choses, les journaux, et surtout les journaux de grande dimension, paient plus que toutes les autres espèces de papier, et si l’on veut réduire le droit du timbre des journaux, il faut nécessairement que par d’autres moyens on établisse le niveau en faveur du trésor public. Dans le système de l’honorable préopinant, ce serait toujours le trésor public (j’insiste sur ce mot « public ») qui serait en perte, chaque fois qu’il y aurait un changement d’introduit dans la quotité d’un impôt ; il me semble, messieurs, qu’un pareil système conduit nécessairement au déficit, et qu’en définitive les contribuables seraient la dupe de cette manière de procéder. Si nous avions un excédant de revenus, si l’on nous proposait tous les jours des dépenses inutiles, j’admettrais le système de l’honorable M. Demonceau, mais c’est ce qui n’est pas ; et dès lors, quant à moi, quoique je reconnaisse que les journaux et surtout certaines classes de journaux sont extraordinairement surchargés, je ne voterai pas même la diminution proposée en leur faveur, si l’on n’adopte pas en même temps une compensation pour le trésor public.

M. de Brouckere. - Messieurs, il y a dans le projet qui nous occupe, deux parties bien distinctes, une qui concerne le timbre des journaux et une qui concerne le timbre de tous les autres papiers ; il y a, en quelque sorte, unanimité parmi nous pour reconnaître que l’impôt dont les journaux sont frappés est exorbitant, et hors de proportion avec l’impôt que paient les autres industries ; cette opinion n’est pas seulement celle d’un grand nombre de membres de la chambre, c’est encore celle du gouvernement lui-même ; le gouvernement a reconnu dès le principe qu’il fallait diminuer l’impôt dont les journaux sont frappés ; mais en reconnaissant qu’il fallait ainsi opérer une diminution sur les revenus du trésor public, il a demandé une compensation ; il a dit : « Si vous diminuez le timbre des journaux, il faut en même temps rendre plus productives d’autres branches des revenus publics. » L’honorable rapporteur de la section centrale, qui combat ce système, prétend que c’est une injustice, et voici son argument : « Vous voulez, dit-il, d’un côté décharger une spécialité, je le veux bien ; mais vous voulez que ce soit aux dépens de la généralité, je ne le veux pas. » Je voudrais bien que M. le rapporteur de la section centrale trouvât un moyen de dédommager le trésor de la perte qu’il va faire, autrement qu’en frappant la généralité ; si le changement que nous allons opérer relativement au timbre des journaux doit produire une diminution de recettes, je suppose de 200,000 francs (elle n’ira pas jusque-là) ce sont 200,000 francs de moins dans le trésor ; or, il faut nécessairement combler ce déficit, et M. le rapporteur ne veut pas qu’il soit comblé par la généralité du pays ! Vous voulez donc qu’il le soit par une autre spécialité ? Mais ce serait là qu’il y aurait injustice ; je ne veux pas, moi, qu’on frappe une spécialité pour décharger une autre spécialité ; je veux que si telle ou telle catégorie de contribuables se trouve surchargée, on lui rende justice, et que l’excédant soit réparti entre tous. C’est là ce que demande aussi M. le ministre des finances.

Ne croyez pas, du reste, messieurs, qu’on fasse dans le pays beaucoup de réclamations, parce que le papier qu’on a payé jusqu’ici 2 fr. 40 centimes, coûtera 2 fr. 50 ; cette augmentation ne lésera personne, et elle vous donnera les moyens de faite un acte de justice en ce qui concerne le timbre des journaux.

M. Desmet. - Messieurs, le projet embrasse trois espèces d’objets qui sont frappés par l’impôt du timbre ; c’est l’industrie et le commerce, la propriété foncière et la presse quotidienne. Si j’avais à demander une modification à l’impôt du timbre tel qu’il est établi en ce moment, je la demanderais en faveur de l’industrie et du commerce ; mais, je dois l’avouer, je ne la demanderai point en faveur des journaux, car je vois que l’impôt, qui est généralement payé par la classe aisée, est très bien assis et n’est pas trop élevé.

L’honorable M. de Brouckere vient de dire qu’il n’y avait pas de droits si hauts que ceux dont sont frappés les journaux ; mais ne sait-on pas que le sel, qui est une première nécessité du pauvre, paie quatre fois sa valeur. Le droit sur la bière qui est aussi la boisson du pauvre paie 30 p. c. ; le personnel, les patentes, qui sont aussi des contributions à charge des pauvres, sont encore plus élevés que les droits de timbre sur les feuilles publiques ; car, messieurs, ces droits ne sont pas si hauts, comme on le dit bien ; ils ne s’élèvent pas au-delà de 20 p. c.

Quand M. le ministre des finances nous disait tout à l’heure que le principal motif pourquoi il avait haussé de 10 centimes le timbre des feuilles des livres d’inscription des hypothèques était que ce droit ne pouvait être fraudé ; je pouvais très facilement le comprendre, car c’était un moyen certain de faire entrer de l’argent au trésor, et à cela je n’aurais pas beaucoup à redire, car l’impôt du timbre n’est pas un mauvais impôt par sa perception ; il se perçoit facilement et ne prête à aucune fiscalité ou vexation. Mais, à entendre l’honorable rapporteur, on pourrait soupçonner que les intentions du ministre sont tout autres, que l’augmentation qu’il propose pour le timbre des hypothèques est préparée pour pouvoir plus facilement défendre la diminution du timbre sur les journaux. Si c’était ainsi, je crierais aussi, comme M. le rapporteur, à l’injustice et la partialité, car je le répète encore, l’impôt sur les feuilles publiques est une contribution somptuaire, qui n’est payée que par les riches, tandis que les autres parties du droit du timbre sont en grande partie payées par la classe industrielle et ouvrière.

On va m’objecter qu’il faut nécessairement favoriser la lecture des journaux et qu’il faut les mettre à la portée de toutes les classes, en prenant des moyens pour en faire diminuer les abonnements ; mais je suis persuadé, messieurs, que le projet n’atteindra pas ce but ; tout ce qu’il fera, ce sera d’augmenter les bénéfices des journalistes, et voilà tout ce que nous pouvons en espérer. D’ailleurs, et je le répète encore, je ne vois pas de nécessité de diminuer l’impôt des journaux : nous faisons des emprunts qui vont extraordinairement grever l’Etat ; nous avons besoin, aujourd’hui plus que jamais, de soigner le budget de la guerre, et vous voudrez diminuer un impôt qui est uniquement à charge de la classe aisée. Si on veut modifier le droit actuel du timbre, qu’on le fasse au moins en faveur de la classe industrielle et des travailleurs.

D’après ces considérations, je voterai le premier article dans le sens de la section centrale ; mais le second, je le voterai tel qu’il a été proposé par le gouvernement, et, en tous cas, je ne voterai pas de diminution au timbre des journaux.

M. A. Rodenbach. - Messieurs, je suis aussi protecteur de l’industrie ; mais je répondrai à mon honorable ami, M. Desmet, que l’industrie du publiciste est aussi une industrie. Je demanderai à l’honorable député d’Alost s’il y a une autre industrie en Belgique qui paie, comme celle du journalisme, un impôt énorme de 30 à 40 p. c. ! C’est la seule réponse que je ferai pour le moment à mon honorable ami. Je me propose de revenir sur ce sujet, lorsque nous aborderons la discussion de l’article relatif aux journaux.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, M. le rapporteur de la section centrale vous a dit qu’on avait reconnu que la diminution du droit du timbre sur les journaux était juste. Dès lors, puisque nous modifions en ce moment la loi générale sur le timbre, pourquoi ne réparerait-on pas cette injustice ? Agir autrement serait contraire à tous les principes que les législateurs suivent ordinairement. L’industrie du journalisme est véritablement frappée d’un droit exorbitant ; quand nous en viendrons à l’article 2 de la loi, j’aurai l’honneur d’entrer dans quelques détails qui feront voir l’injustice qu’il y aurait à maintenir ce qui existe à l’égard du journalisme, quand il s’agit de toucher à l’impôt du timbre en général.

Je n’aurais pas besoin de m’appuyer sur la réduction qui est proposée en faveur des journaux, pour défendre la proposition de porter de 40 c. à 50 c. le droit de timbre de la demi-feuille de petit papier. L’objection que l’on se sert beaucoup de papier timbré de petite dimension ne m’arrête pas ; cette considération a même été le motif pour lequel nous demandons une légère augmentation sur ce papier, parce qu’insensible individuellement, elle amènera en définitive, sur la masse totale, un produit assez notable pour le trésor ; je désire qu’elle puisse s’élever à la somme de 135,000 francs que le rapporteur de la section centrale vient d’indiquer ; je désire même que les augmentations réclamées soient en général supérieures aux diminutions proposées ; je n’y verrais qu’un bien. La situation de nos finances réclame des augmentations de recettes, surtout lorsqu’elles portent sur des bases aussi convenables que celles de l’impôt dont nous nous occupons en ce moment. Le droit de timbre ordinaire n’excitera pas la moindre réclamation ; le contribuable ne s’apercevra pas qu’il paie 10 centimes de plus, et la généralité du pays y trouvera son avantage, parce que si nous augmentons ceux de nos impôts dont les bases sont les plus convenables, nous pourrions peut-être réduire un jour ceux dont les bases sont moins tolérables, ceux qui atteignent plus sensiblement les classes inférieures de la société.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, je n’admettrai pas la proposition du gouvernement tendant à porter le droit du timbre de la demi-feuille de petit papier à un taux disproportionné avec le droit qui est établi sur le papier d’autre dimension. Je trouve que cette proposition est tout à fait injuste, et une injustice si grave, à mon avis, que si elle devait être sanctionnée par la chambre, je croirais devoir voter contre la loi, quelles que fussent les autres dispositions de la loi.

D’abord, M. le ministre fausse ici tout à fait le système, et sans aucun motif fondé. Quel est le droit de timbre, en raison de la dimension du papier ? C’est un droit qui frappe les actes, à raison de leur étendue. Or, l’étendue n’est connue que quand l’acte est terminé. Tout acte, soit une convention sous seing privé, soit un exploit, se commence par une demi-feuille de petit papier ; quand on est arrivé au bas de cette demi-feuille, et que l’acte n’est pas terminé, on le continue sur une autre feuille. On paiera un franc pour ces deux demi-feuilles, tandis que pour la feuille entière (ce qui est la même chose), on ne paiera que 80 c. C’est là du caprice, c’est là de l’arbitraire.

Mais, dit-on, il y a une raison ; c’est la dimension du papier qui est le plus en usage ; mais alors n’appelez pas votre timbre, « timbre à raison de la dimension, » car il n’existe plus, en raison de la dimension ; la proportion n’existe plus, au moins quant à cette espèce. Si la feuille entière paie 80 centimes, il est évident que la demi-feuille n’a alors à payer que 40 ; et cela revient au même que j’emploie une feuille entière ou deux demi-feuilles.

« Mais, dit-on, j’ai imaginé cela pour trouver une compensation au déficit qui sera le résultat de l’article proposé pour le timbre des journaux. »

On vous a déjà dit, messieurs, qu’il n’y a pas d’exactitude dans ce motif allégué par M. le ministre des finances, et que l’augmentation qui résultera du chiffre proposé à l’article premier sera au moins double de la diminution qu’éprouveront les recettes par suite de l’article relatif aux journaux.

Mais je vous ferai remarquer en outre que ce n’est pas en ce sens que le ministre a présenté la question dans son exposé des motifs. La compensation dont parlait le ministre avait principalement pour objet la diminution proposée pour le timbre des quittances. Effectivement nous voyons dans le même article que le timbre des quittances, pourvu qu’on n’emploie que le quart de la feuille, se trouve réduit à 25 centimes. Mais il a été répondu à cela par le rapporteur de la section centrale que le trésor n’éprouvera aucune diminution du chef de la fixation du timbre des quittances à un chiffre moindre, parce qu’en effet on emploie actuellement peu de papier timbré pour les quittances, tandis que le droit étant diminué, il y a lieu de croire qu’on en emploiera davantage ; car c’est précisément l’élévation du droit qui a amené la fraude en cette partie.

M. le ministre dit que le contribuable ne s’apercevra pas de cette augmentation. Mais, messieurs, cette augmentation frappera sur une classe de contribuables qui s’en apercevra le plus ; car c’est la classe la moins aisée, la plus nombreuse qui emploie le petit papier en grande quantité. Les actes les plus importants, ceux qui intéressent la classe la plus aisée, sont ceux qu’on écrit sur la feuille entière, et souvent sur plusieurs feuilles ; eh bien, celles-ci n’éprouveront aucune augmentation. Mais cela est injuste. Dès qu’on adopte le système d’un timbre de dimension, il faut observer la proportion dans toutes les catégories, il ne faut faire d’exception pour aucune ; mais si vous en établissez une, il ne faut pas surtout qu’elle frappe la classe la plus nombreuse et la moins aisée, et favorise les riches.

Vous dites que vous avez besoin d’un excédant de ressources, pour compenser un déficit qui sera le résultat d’un autre article. En supposant que cela soit vrai, augmentez alors tous les articles dans la même proportion ; mais ne faites pas porter toute l’augmentation sur une seule catégorie.

Mais on me dira : Il y a dans l’article même une catégorie sur laquelle il y a une diminution, c’est celle du timbre des quittances. Mais on a répondu que celle-là, on ne pouvait pas l’établir, sans manquer en quelque sorte au système. Tous les autres papiers peuvent être employés pour toute espèce d’actes, tandis que cette espèce particulière de papier n’est employée que pour quittances ; pour tous autres actes, ce papier est assimilé aux papiers libres. Ainsi cette espèce, quant à son emploi, sort du système ; on pourrait donc à la rigueur la faire sortir du système, quant à la quotité du droit. Mais les autres papiers, demeurant dans le système, quant à leur emploi, vous ne pouvez pas les en faire sortir, quant à la quotité du droit ; sinon, vous faites encore une fois mentir le système.

Je voterai donc pour la proposition de la section centrale, notamment en ce qui concerne la demi-feuille de petit papier.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - L’argument le plus fort que je crois avoir découvert dans ceux que vient de présenter M. Dubus, et qui me paraît devoir faire plus d’impression sur vos esprits, c’est que le petit papier, celui de 40 centimes, serait à peu près exclusivement employé par les classes les moins aisées de la société. Il a posé cela en fait, comme chose positive. Or, je le dénie formellement. Où est-il démontré que parce que la feuille est petite, elle est seulement employée par des personnes peu aisées ? Est-ce qu’un acte quelconque qui stipule un grand intérêt ou une forte somme doit comprendre plus d’écriture qu’un acte d’un intérêt analogie moindre ou se référant à une faible somme ? Les classes aisées de la société se servent de petit timbre aussi bien que les classes peu aisées.

J’en appelle à vous tous : toutes les fois que la chose est possible, chacun se sert de petit papier. Les notaires, je vous l’ai dit tout à l’heure, poussent cela à tel point que souvent l’écriture est tellement disposée qu’il n’y a pas de place pour la relation de l’enregistrement. L’argument de M. Dubus, qui eût été puissant si le point de fait sur lequel il repose eût été incontestable, est loin d’être aussi solide que l’a cru l’honorable membre.

On dit, messieurs, que dans les lois comme celle dont il s’agit, il importait de charger le moins les classes inférieures de la société ; or, c’est ce que nous avons senti, car dans le deuxième paragraphe de l’article en discussion, nous avons établi une réduction, que n’a pas admise la section centrale, entre les effets de 250 fr. et au-dessous, et ceux de 250 à 500 fr. Vous verrez plus loin, messieurs, que le gouvernement est resté fidèle à ses antécédents en réduisant en cette circonstance, autant que possible, plusieurs droits qui pèsent plus spécialement sur les classes les moins aisées de la société.

M. Demonceau. - On m’a demandé où je trouverais une compensation de la réduction proposée sur le timbre des journaux. Je trouve cette compensation dans les motifs données par les honorables préopinants qui nous ont dit que la réduction du timbre des journaux en diminuant le prix, les abonnés augmenteraient. Vous avez en outre dans la loi spéciale une augmentation pour le timbre des annonces. Voilà deux moyens de trouver une compensation à la réduction que propose le gouvernement sur le timbre des journaux. Je pense qu’il n’est pas nécessaire de chercher cette compensation l’article dont il s’agit, où l’on frappe un timbre qui est généralement en usage.

Je veux croire que la généralité se sert de ce timbre ; mais, pour les lettres de voiture, les certificats de vie, les certificats de bonnes mœurs et les procurations, on se sert particulièrement du timbre de 15 cents.

J’insiste parce qu’on veut une proportion ; pourquoi veut-on faire payer un franc le timbre quand on se sert de deux demi-feuilles, tandis qu’on ne le paie que 80 centimes quand on emploie une feuille entière ? Il n’y a plus de proportion, c’est du caprice, pour obtenir un revenu plus fort.

M. de Brouckere. - On vient de faire valoir deux arguments contre le système du gouvernement. Ici, c’est à l’honorable M. Dubus que je réponds. On trouve souverainement injuste que quand une feuille de petit papier est fixée à 80 c., la demi-feuille soit fixée à 50 centimes. Il faut, si vous voulez être justes, qu’une demi-feuille paie précisément la moitié d’une feuille ; pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un article qui concerne le timbre de dimension.

C’est, selon moi, fort mal entendre la loi, que de l’interpréter en ce sens. Quoi ! parce que nous frappons le papier d’un droit de timbre, en raison de sa dimension, il en résulte que la proportion dans le prix du papier doit être juste la même que dans la proportion de la dimension du papier lui-même. Ce n’est jamais ainsi que la loi a été entendue. Je voudrais qu’on nous présentât des calculs prouvant que tous les différents papiers dont il s’agit dans ce paragraphe, sont frappés en raison de leur dimension.

La feuille de grand-registre (hypothèques) est portée à 2 50 ; la feuille de grand-registre à 2 40 ; la feuille de grand papier, à 1 60, etc. Dans cette distribution, il y a plus ou moins d’arbitraire, car je pose en fait qu’elle n’est pas établie sur la dimension juste et régulière du papier.

Un autre argument qu’on a fait valoir, c’est que l’article du projet frappe particulièrement le timbre dont on fait le plus d’usage, parce que c’est le timbre dont les classes pauvres font le plus usage. Il en est de ce timbre comme de beaucoup d’autres choses ; on en fait usage en raison des affaires que l’on fait, et ce ne sont pas les pauvres qui font le plus d’affaires, ce sont les riches qui font beaucoup d’affaires ; dès lors plus on aura, plus on paiera. On emploie, dit-on, ce timbre pour les certificats de bonnes mœurs. Ces certificats se donnent ordinairement aux pauvres, il est vrai ; mais il est connu de tout le monde que ces certificats se donnent dans ce cas sur papier libre. On sait également que quand des pauvres doivent plaider, ils sont admis à le faire pro deo, et ils n’ont par conséquent aucun droit de timbre à payer.

D’après ces considérations, je voterai pour le projet de loi.

M. Dubus (aîné). - Selon l’honorable préopinant, c’est mal entendre la loi que de prétendre qu’il doit y avoir une proportion juste dans le droit, parce que nous ne pourrions pas prouver qu’il y a une proportion juste dans la dimension du papier. Quand l’honorable membre le voudra, je le lui prouverai ; cette proportion existe, parce que cela est dans la loi. Si elle n’existe pas en fait, c’est que la loi serait mal exécutée. Mais, d’après la loi, il doit y avoir une proportion juste entre les dimensions ; vous devez faire la loi de manière qu’il y ait une juste proportion dans l’échelle des droits.

Quant à l’autre observation que la demi-feuille de papier est à l’usage de tout le monde, que le droit frappera tout le monde, elle est incomplète ; car en supposant qu’il frappera tout le monde, elle ne peut pas nier qu’elle frappera principalement les classes peu aisées, tandis que la feuille entière dont vous n’augmentez pas le droit, n’est employée que par la classe aisée.

Le papier qui est à l’usage de cette classe, vous le ménagez, et le papier qui est à l’usage des classes peu aisées, vous lui faites subir une augmentation, parce que les individus de cette classe sont plus nombreux. Ce peut-être une bonne raison sous le rapport fiscal, mais sous le rapport de la justice distributive, elle est bien mauvaise. Ces nombreux pensionnés qui n’ont qu’une modique pension, qui doivent quatre fois par an se faire délivrer des certificats de vie, vous augmentez leur droit de timbre de 25 p. c., tandis que vous ne l’augmentez pas pour le propriétaire qui passe des actes d’une valeur considérable.

On a dit encore, c’est M. le ministre des finances, que pour les actes la dimension du papier n’augmente pas en raison de leur importance ou de la somme dont il s’agit ; qu’on peut faire un acte d’un très grand intérêt sur un très petit papier. Je vous rappellerai qu’indépendamment que les certificats qui exigent l’emploi de ce petit papier, sont à l’usage de la classe peu aisée, quand un notaire doit rédiger un acte dans l’intérêt d’une personne peu aisée, il l’écrit sur du papier de petite dimension ; mais quand l’acte est d’une grande importance, il ne fait pas attention à quelques francs de plus, tandis que, pour les personnes peu aisées, le prix du papier compte pour beaucoup dans le prix des actes qu’elles font.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - On a cité les certificats de vie pour pensions, comme employant le papier dont il s’agit. Vous vous rappellerez que dans la loi sur les pensions militaires, que vous avez récemment votée, il y a une disposition portant que tout pensionné, au-dessous de 600 francs, recevrait de l’autorité locale, sans frais, et sur papier libre, son certificat de vie. Ce certificat sans frais, il faudra le consacrer dans la loi sur les pensions générales qui vous est proposé ; ayant admis ce principe pour les pensions militaires, il sera juste de l’admettre aussi pour les pensions civiles. De cette manière, il n’y aura plus de certificats de vie à délivrer contre paiement à des malheureux qui ont besoin de toute leur pension jusqu’au dernier sou.

Cette observation détruit en majeure partie les objections de l’honorable M. Dubus.

M. Gendebien. - On a beau retourner la question dans tous les sens, on ne peut méconnaître qu’il y a une injustice flagrante à faire payer 50 c. chaque moitié d’une feuille que l’on paie 80 c. Il est évident qu’il y a là injustice, qu’il y a une augmentation de 20 p. c sur le droit. N’y aurait-il pas moyen de faire disparaître cette injustice ? Ne pourrait-on pas porter le timbre du petit papier à 90 c. au lieu de 80, et le timbre de la demi-feuille à 45 au lieu de 50 ? Il y aurait alors la même proportion.

M. le ministre des finances vous a dit qu’un des motifs d’intérêt général qui le déterminent à proposer de porter le droit de timbre de la demi-feuille à 50 c. au lieu de 40, c’est que les notaires se servent généralement de timbre à 40 c., et qu’ils serrent tellement l’écriture qu’on peut à peine lire les actes. Mais il y aurait un moyen ; ce serait de défendre aux notaires d’employer pour la minute de leurs actes sur papier timbré au-dessous de 90 centimes.

Je ne prétends pas que ma proposition soit rigoureusement aussi équitable qu’on pourrait le désirer, par comparaison avec le chiffre qui précède ; mais je soumets cette idée à M. le ministre des finances. Je crois qu’il y trouvera plus de justice que dans sa proposition.

Ainsi ma proposition est d’élever à 90 centimes le timbre proposé à 80 c., de porter à 45 c. le timbre proposé à 50, et d’interdire aux notaires l’usage du timbre de 45 c. Je crois que c’est le moyen de concilier les intérêts du trésor et ceux des contribuables.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - J’admets d’autant plus volontiers la proposition de l’honorable M. Gendebien qu’elle rentre dans ce que j’ai eu l’honneur de dire tout à l’heure, que les notaires se servent souvent de petit papier, contrairement à l’intérêt bien entendu des parties ; cette proposition est assurément à l’avantage des particuliers, car certes on ne les sert pas bien, lorsqu’on écrit mal leurs actes su du papier qui économise 40 c. ; tout ce que doit désirer celui qui passe un acte, c’est d’avoir un titre clair et lisible, qui puisse servir pour lui et ses héritiers. Cette disposition ne peut donc qu’amener une amélioration réelle dans les produits du trésor et dans l’intérêt du public.

M. Demonceau, rapporteur. - La proposition de M. Gendebien est certainement plus équitable que celle du ministère, car, dans la proposition de cet honorable membre, le droit de timbre est proportionné à la dimension du papier. Mais je ne puis adhérer à la partie de l’amendement qui consiste à défendre aux notaires d’employer du papier au timbre de 45 centimes ; car il peut arriver que les notaires n’aient pas avec eux du papier d’autre dimension. C’est ce que j’ai vu souvent dans les campagnes. Je crois que si vous insérez dans la loi une pareille disposition, vous donnerez beaucoup de besogne aux tribunaux ; car les notaires ne cèdent pas facilement. (, Verhaegen.)

M. Verhaegen. - Certainement la proposition de l’honorable M. Gendebien ne présente aucun inconvénient. L’honorable rapporteur de la section centrale n’en a signalé aucun. La proposition ne présente aucun inconvénient et présente beaucoup d’avantages. Elle ne présente aucun inconvénient ; car, quoi qu’on dise, là où on peut trouver du papier timbré on en trouvera au timbre de 90 centimes, comme on en trouvait au timbre de 45 centimes. Quand les notaires sauront qu’ils ne peuvent plus employer du papier au timbre de 45 centimes, ils n’auront plus de papier.

La proposition offre l’avantage que les minutes seront plus lisibles. On disait tantôt que le droit du timbre était déterminé en raison de l’étendue de l’acte ; cela n’est pas juste ; il est déterminé en raison du plus ou moins de dextérité à écrire fin. Si vous imposez l’obligation d’écrire sur double feuille, cet inconvénient cessera comme aussi celui que l’écriture des actes écrits sur demi-feuille se trouve atteinte par la reliure, lorsque les notaires font relier leurs minutes, comme cela est généralement. Ainsi il y aura évidemment plus de garanties pour les minutes lorsqu’elles seront écrites sur double feuille.

Il faut d’ailleurs admettre une compensation au profit du trésor. Il est juste de diminuer le timbre des journaux, qui est trop élevé, mais pour suppléer à cette ressource que vous enlevez au trésor, il faut en créer une autre.

M. Pirmez. - On faisait tout à l’heure une observation sur le papier de grande et de petite dimension. On disait qu’en frappant le papier de petite dimension, on frappe les classes inférieures. Mais c’est précisément en frappant les actes notariés que vous frappez les classes inférieures ; car ceux qui savent lire et écrire font des actes sous seing privé ; mais ceux qui ne savent pas écrire ou qui ne savent que peu écrire doivent nécessairement recourir aux actes notariés. Ainsi, la disposition proposée va en sens contraire de ce qu’on voulait ; elle donne un privilège aux actes notariés sur les actes sous seing privé.

Il y a encore d’autres inconvénients que je n’aperçois pas à présent ; il faudrait savoir, par exemple, quels sont les privilèges attachés aux actes notariés sur les actes sous seing privé, pour connaître beaucoup de nouveaux inconvénients.

M. de Langhe. - M. Verhaegen a dit qu’il ne voyait pas d’inconvénient ; j’en vois que je dois signaler.

Beaucoup d’actes sont très courts et n’ont que quelques lignes ; les procurations, les consentements pour mariage, les actes qui se délivrent à des pauvres et qui ne sont pas très coûteux. Beaucoup de notaires demandent des salaires en proportion de l’importance et de l’étendue des actes ; il y aura donc différence notable pour ces petits actes.

Ceux qui ne savent pas écrire sont obligés de passer des actes notariés ; ce sont les pauvres, et ils seront lésés.

M. Dubus (aîné). - Je me proposais de présenter les réponses données par les deux derniers préopinants. La proposition de M. Gendebien tend à mettre la feuille de petit papier à 0 90 et la demi-feuille à 0 40. Si l’on a pour but une augmentation de recette, le but est atteint ; mais il me paraît que M. Gendebien veut aller plus loin que le gouvernement ; il veut obliger les notaires à faire usage de la feuille entière, même pour des actes qui n’exigeraient que des demi-feuilles. L’augmentation, dans ce système, sera considérable, elle est de 0,40 à 0,90 ou de 125 p. c. On vient de vous dire qu’il y a un grand nombre d’actes simples qui se délivrent en brevet. Ces actes se font sur des demi-feuilles ; ils sont destinés à être transportés, et, sous ce rapport, la feuille entière serait une cause d’embarras ; il est à désirer qu’ils soient dans un petit volume ; ils s’expédient dans des lettres.

Quant aux avantages de la proposition je ne les aperçois pas. Ils seraient, dit-on, d’obtenir des minutes plus lisibles. Je crois que généralement les minutes des actes notariés sont très lisibles, et les notaires tiennent beaucoup à ce que leurs minutes aient ce mérite. L’honorable membre paraît craindre que l’on ne fasse usage de la dextérité que l’on pourrait avoir à écrire très menu. Mais cette crainte ne peut s’appliquer qu’à une autre espèce d’actes, aux actes des huissiers, écrits d’une manière presque indéchiffrable. Il y a un règlement qui a pourvu à cet inconvénient, en exigeant qu’il n’y ait que tant de lignes à la page, et tant de lettres à la ligne. C’est au gouvernement à le faire exécuter.

M. Verhaegen a parlé de la facilité qu’il y a à relier les minutes des notaires quand elles sont sur des feuilles entières ; je crois qu’une fois reliées on ne s’aperçoit plus si elles sont sur des feuilles entières ou des demi-feuilles. D’ailleurs, je ne crois pas que les minutes soient destinées à être reliées. J’ai vu des quantités considérables de minutes qui n’étaient pas reliées.

M. Verhaegen. - Je n’avais trouvé à la proposition aucun inconvénient ; cependant j’avoue que l’observation faite d’abord par M. de Langhe, répétée ensuite par M. Dubus, m’avait frappé, même avant qu’elle fût exposée, et j’avais en conséquence proposé un sous-amendement.

Pour les actes en brevet, il y aurait peut-être injustice à forcer les notaires à prendre des feuilles entières ; mais si on fait cette exception, la loi n’a plus d’inconvénient. Comme M. Gendebien a fait la proposition suivante : « Les notaires ne peuvent faire usage, dans leurs minutes, que de papier à 0,90 fr., » je demande qu’elle soit ainsi rédigée : « Les notaires, à moins que les actes ne soient en brevet, ne peuvent faire usage, dans leurs minutes, que de papier à 0,90 fr. »

M. Gendebien. - C’est la même chose que mon amendement.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - J’approuve tout à fait l’exception pour les actes délivrés en brevet. Ces actes sont souvent expédiés par la poste, et ils seraient frappés doublement, ce qui serait un inconvénient à ajouter à ceux qu’on a signalés. Je pense qu’il n’est pas nécessaire de rien ajouter à l’amendement de M. Gendebien, il me paraît clair ; cependant, si d’ici au second vote on trouvait nécessaire de modifier la rédaction pour lever tout doute, il serait possible d’y revenir.

M. Gendebien. - S’il pouvait rester le moindre doute sur le sens de mon amendement, on pourrait dire : « Les notaires ne pourront faire usage de papier de dimension moindre de 0,90 c. pour les actes dont ils conservent minutes ; ou : « ne pourront se servir de timbre de moins de 90 centimes que pour les actes ou brevets. » Ce qui sera absolument la même chose que mon amendement, tel que je l’ai présenté, puisque j’ai demandé qu’il fût interdit aux notaires de se servir, pour leurs minutes, de papier d’une dimension moindre de 90 centimes.

On a fait, messieurs, contre ma proposition quelques objections, les unes sérieuses, les autres qui ne le sont pas. On a dit d’abord qu’il faudrait établir des pénalités ; ce qu’on a considéré comme bien difficile, comme un obstacle presque insurmontable. Eh bien, messieurs, nous avons dans la suite de la loi des articles qui établissement des pénalités ; quand nous en serons là, nous en ajouterons une pour mon amendement ; ce ne sera pas chose fort difficile.

On a dit que les notaires de la campagne pourront ne pas avoir des timbres de 90 centimes en poche ; cette objection n’est pas sérieuse ; car il pourrait fort bien aussi se trouver des notaires qui n’eussent pas de timbres du tout en poche ; du moment que les notaires sauront qu’ils ne peuvent pas passer d’actes en minute sur un timbre de moins de 90 centimes, ils se muniront de semblables timbres comme aujourd’hui ils se munissent de timbres de 40 centimes.

On a dit encore que ma proposition frapperait les malheureux qui ne savent pas écrire et qui ont le plus souvent besoin de passer des actes devant notaire ; d’abord je répondrai qu’en général ceux qui ne savent pas écrire fort peu d’affaires importantes et ont rarement à passer des actes devant notaire ; il suffit d’ailleurs que deux témoins attestent que la marque de celui qui ne sait écrire est sa signature, pour que cette marque soit valable pour beaucoup d’actes ; mais en définitive, dût-on frapper ceux qui ne savent pas écrire, je les frapperais impitoyablement ; et il est honteux, dans un pays civilisé comme le nôtre, que le législateur croie avoir à s’occuper d’hommes qui ne savent pas écrire ; heureusement, ceux-là se trouvent en minorité en Belgique et ils ont peu d’actes à passer ; d’ailleurs quand ils font des actes assez importants pur devoir en conserver la preuve authentique, il est assez indifférent qu’ils paient de ce chef quelques centimes de plus ou de moins. Du reste, les hommes qui ne savent pas écrire et qui, en raison de l’importance de l’acte, ont besoin des notaires, forment une exception extrêmement petite ; or, le législateur ne s’occupe pas des infiniment minimes exceptions, il établit des règles générales, et il ne doit pas s’écarter de ce principe, surtout pour favoriser ceux qui ne veulent pas savoir écrire.

On a parlé aussi de différents actes, tes que les consentements au mariage, les procurations et autres actes de peu d’importance et à la portée de tous. Mais ce sont là des actes qui peuvent se passer en brevet et qui par conséquent ne seront pas atteints par ma proposition, qui n’atteint que les actes en minutes. Cette objection, qui a été soulevée et soutenue presque triomphalement, disparaît donc entièrement.

Je trouve entièrement juste l’observation faite par l’honorable M. Verhaegen, qu’on peut, sans le moindre inconvénient, relier les actes qui se trouvent sur une feuille entière, tandis qu’il en est tout autrement de ceux qui sont écrits sur une simple feuille ; si on relie ces derniers, il en résulte souvent, lorsque l’écriture ne laisse pas une marge suffisante, qu’on ne peut plus les lire sans déchirer le papier ; on répond à cela qu’en général et presque toujours les minutes ne sont pas reliées ; c’est là un grave abus, s’il existe ; il serait convenable de prendre une disposition pour contraindre les notaires à faire relier leurs actes ; mais en général tous les notaires qui ont une clientèle tant soit peu notable, ont leurs protocoles parfaitement reliés, et je puis déclarer que je n’ai jamais eu occasion de m’apercevoir qu’un notaire n’eût pas ses minutes reliées ; je n’en ai pas rencontré un seul dans ma carrière déjà assez longue.

Je pense, messieurs, que mon amendement ne présente aucun inconvénient ; il peut y avoir quelque disproportion entre le timbre de 90 centimes et celui de 1 fr. 20 qui le précède immédiatement ; je n’ai pas le temps de le vérifier ; si ce mal existe, nous pourrons y remédier au second vote ; d’ici là nous aurons le temps d’y réfléchir, et je convie le ministre des finances à y donner quelque attention.

M. Verhaegen. - Messieurs, par suite de la nouvelle rédaction de l’amendement de M. Gendebien, mon sous-amendement devient inutile, et je le retire.

M. Demonceau, rapporteur. - Il me semble, messieurs, que nous nous écartons du but de la loi ; l’honorable M. Gendebien propose d’obliger les notaires à se servir de grand papier, afin que les minutes soient mieux écrites ; mais il me semble qu’il y aurait un moyen plus simple d’atteindre ce but ; ce serait d’ordonner aux notaires d’écrire lisiblement. Je pense, messieurs, que sous ce rapport vous n’aurez rien fait en adopter la proposition de M. Gendebien. Sous le rapport fiscal, je dois avouer que vous aurez fait beaucoup, et si c’est de la fiscalité que vous voulez, je n’ai plus rien à dire. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - Je vais mettre successivement aux voix les différents paragraphes de l’article premier et les amendements qui s’y rapportent. Veut-on commencer par la proposition de la section centrale ou par les chiffres les plus élevés ?

Plusieurs voix. - Les chiffres les plus élevés !

- Le chiffre de 2 fr. 50 pour la feuille de grand-registre (hypothèques) est mis aux voix et adopté.

M. le président. - On pourrait maintenant voter sur ce qui est relatif au petit papier. La section centrale propose, pour la demi-feuille, 40 centimes au lieu de 50, demandés par M. le ministre ; M. Gendebien propose 90 centimes au lieu de 80 pour la feuille entière, et 45 pour la demi-feuille ; il propose en outre d’obliger les notaires à se servir de la feuille entière pour les actes dont ils doivent conserver la minute. A laquelle de ces propositions veut-on accorder la priorité ?

M. Seron. - Je demande la division de la proposition de M. Gendebien ; car d’un côté, j’adopterai la disposition qui oblige les notaires à écrire leurs minutes sur une feuille entière, mais d’un autre côté je n’adopterai pas les chiffres proposés par M. Gendebien.

M. de Brouckere. - Il faudrait d’abord mettre aux voix la partie de l’amendement qui oblige les notaires à se servir d’une feuille entière, sauf à voter ensuite sur le chiffre. De cette manière, M. Seron et ceux qui partagent son opinion, ne seront pas embarrassés d’émettre leur vote.

- Cette partie de l’amendement de M. Gendebien est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Si l’on est d’accord, je vais mettre aux voix le chiffre de 80 centimes proposé sur la feuille de petit papier.

- Ce chiffre est adopté.

La chambre adopte ensuite le chiffre de 45 centimes sur la demi-feuille du même papier.

L’ordre du jour est momentanément interrompu, pour la lecture d’un rapport.

Rapport sur des pétitions demandant le maintien de l’integrite du territoire

M. Doignon, organe de la commission des pétitions, monte à la tribune et s’exprime en ces termes. - Messieurs, la commission s’est occupée hier et aujourd’hui, dans la matinée, de l’examen des pétitions du Limbourg et du Luxembourg.

Ces pétitions sont au nombre de 65 ; et elles vous sont adressées par les villes et communes et habitants d’Arlon, Ruremonde, Sittard, Galoppe, Locht, Harlen, Beck, Meersen, Telestraten, Schienmert, Hulsberg, Fauquemont, Bemelen, Borghoren, Geulle, Itteren, Elisloo, Steyn, Kehlen, Bertrange, Mamer, Horst, Grubbenvorst, Broekhuysen, Venray, Waussum, Ottersum, Sevenum, Mook, Merlo, Maes, Bree, Amstenrod, Merkelbeck, Neith, Noensbrouck, Sponbeeck, Bronssum, Geleen, Oirsbeek, Jabeck, Bingelrad, Kerkrade, Beegden, Hoclen, Hul, Oanhul, Gonn, Hunsel, Linne, Melick, Herrenbosch, Odienberg, Swalmer, Wissen, Weert, Bergen, Ittenvork, Ohelaek, Roostiren, Stenvenswert, Tegelen, Beesel, Belfeld et Thorn.

Ces pétitions sont couvertes de milliers de signatures ; on y voit figurer des notabilités de chaque endroit, des fonctionnaires de l’ordre administratif et judiciaire, des employés de l’administration des finances et autres.

Toutes ces pétitions vous demandent avec instance le maintien de l’intégrité du territoire ; toutes s’élèvent avec force et avec la plus grande énergie contre tout morcellement des deux provinces de Limbourg et de Luxembourg. Les pétitionnaires vous supplient de ne pas les abandonner et de vous opposer par tous les moyens à leur séparation.

La commission a cru que pour ne pas affaiblir, par une analyse, les sentiments qui sont exprimés par ces pétitions, il convenait de vous donner lecture de quelques-unes de ces pièces. Cette lecture vous donnera une idée de l’anxiété et de l’état des esprits dans les deux provinces.

Voici le texte de la pétition d’Arlon :

« Au sénat et à la chambre des représentants.

« Messieurs,

« L’adhésion inattendue du roi de Hollande au traité des 24 articles a jeté l’inquiétude parmi les populations luxembourgeoises.

« L’intégrité du territoire semble de nouveau menacée.

«Dans cette grave circonstance nous venons nous adresser à vous, mandataires du peuple, gardiens de la constitution.

« Le Luxembourg fait partie de la Belgique depuis près de quatre siècles.

« En 1830, il s’est associé spontanément et dans son entier à la révolution.

« Les volontaires, de toutes les parties de la province, ont combattu à Wahlem, à Berchem, sous les murs d’Anvers.

« Il a reçu l’assurance solennelle et sans réserve qu’on ne l’abandonnerait pas.

« Il a été compris tout entier par le congrès national dans la déclaration d’indépendance.

« Le gouvernement et les chambres ont juré la constitution qui la consacre.

« En demandant de maintenir l’intégrité du territoire luxembourgeois, nous ne demandons rien que la conservation d’un droit ancien, le prix de notre sang, l’accomplissement de promesses saintes contractées au jour du danger commun, l’observation de vos serments.

« Si, en 1831, un traité est intervenu, ce traité est sans valeur, imposé qu’il fut par la force ;

« Sept années de refus de la part de l’autre partie nous auraient d’ailleurs fait rentrer dans la plénitude de nos droits primitifs si encore la nationalité d’un peuple n’était pas inaliénable.

« Représentants de la nation, pensez-y bien ! Abandonnés des autres Belges, les Luxembourgeois ne s’abandonneraient pas eux-mêmes et ils demanderaient à leur désespoir les moyens de salut qu’ils auraient cherché vainement ailleurs.

« Arlon, le 7 mai 1838.

« Les habitants de La ville d’Arlon soussignés.

« (Suivent les signatures.) »


Voici ce que porte une autre pétition :

« A. MM. les membres de la chambre des représentants.

« Messieurs,

« Le Luxembourg, dans son entier, dans son intégralité, s’est associé à la révolution belge.

« Cette intégralité, nous venons vous demander de la maintenir.

« Depuis 1830, le territoire du Luxembourg, cédé par les 24 articles, fait partie de la Belgique ; dès le début de la révolution, ses habitants ont pris part aux mêmes combats, ils ont couru les mêmes dangers ; ils ont toujours prouvé qu’ils voulaient rester unis à la Belgique. Ils n’ont cédé ni aux menaces, ni aux promesses du pouvoir déchu ; et quand la Belgique a été attaquée chez eux, seuls ils ont repoussé l’agression qui la menaçait.

« Il n’y aurait donc aujourd’hui seulement injustice, mais ingratitude de la part de la Belgique à assurer son indépendance en trafiquant de ses concitoyens. Si elle les abandonnait, leurs frères du Luxembourg ne les abandonneraient pas. Unis à eux, nous nous défendrions contre la domination étrangère ; sans crainte des résultats, quels qu’ils fussent, nous combattrions notre ennemi commun, nous le repousserions ou nous péririons tous ensemble.

« Notre vœu le plus sincère, notre désire le plus ardent est de voir nos frères rester Belges comme nous. Ce vœu, ce désir, doivent être ceux de la Belgique entière. Le sacrifice que l’on exige d’elle est trop honteux pour qu’il ne répugne pas à toute la nation.

« Et vous, ses représentants, vous vous armerez des droits que vous tenez du peuple et de la constitution pour repousser l’ignoble traité que l’on voudrait encore nous imposer.

« Arlon, le 1er mai 1838.

« Les membres du conseil communal de la ville d’Arlon.

« (Suivent les signatures.) »


« Sûrs de votre sympathie, ajoute une autre pétition, de vos nobles sentiments, et de votre puissant appui, nous nous croyons sauvés. Faut-il de l’or ? Disposez de notre fortune. Faut-il des hommes ? Notre sang est prêt à couler pour la patrie. Point de cession ! Non, messieurs, nous ne serons pas sacrifiés, nous resterons Belges, nous resterons frères jusqu’à la mort !

« Cet espoir nous anime, toute la population le manifeste aux cris mille fois répétés de : Vive le Roi ! vivent les représentants ! vive la Belgique !

« Meersen, le 7 mai 1838.

« (Suivent les signatures.) »


Une quatrième pétition est ainsi conçue :

« Le conseil communal de Bertrange,

« A MM. les membres de la chambre des représentants.

« Messieurs,

« Le bruit de la prochaine séparation de notre province d’avec la Belgique nous cause à tous une vive inquiétude.

« Se pourrait-il qu’après avoir été unis aux Belges depuis plusieurs siècles ; qu’après les avoir aidés à secouer le joug pesant d’une domination passagère ; qu’après avoir prodigué pour eux notre sang et nos fortunes, ils puissent nous repousser au moment où il s’agit de jouir du fruit de tant de sacrifices, et être assez lâches pour nous remettre sous la puissance d’un maître qui ne saurait jamais se concilier notre amour ; pour ne nous laisser en perspective que des vexations de toute genre... ? Cela ne se peut pas ; car vous, messieurs, vous vous y opposerez de tout votre pouvoir.

« Cela ne se peut pas ; car, le 9 mai 1831, le régent, au nom de toute la Belgique, nous a donné l’assurance que nos frères des autres provinces ne nous abandonneraient jamais.

« Ce ne se peut pas ; car déjà avant, à Berchem, à Waelhem, et après au point d’Ettelbruck, nous avons contracté des engagements de confraternité qui doivent rendre impossible la dissolution de notre union.

« Le traité des 24 articles imposé dans des circonstances malheureuses, en 1831, refusé alors par la Hollande, ne doit plus lier la Belgique de 1838.

« A vous, messieurs, d’effacer la tache de faiblesse faite à la Belgique par l’acceptation précipitée de l’inique traité de Londres.

« Le Roi vous aidera, s’il est vrai que la question de notre province soit pour S. M. une question personnelle et d’honneur.

« (Suivent les signatures.) »


Enfin une autre pétition dit encore :

« Le conseil communal de Mamer,

« A MM. les membres de la chambre des représentants.

« Messieurs,

« Lorsqu’en 1831 la Belgique a été envahie, les Luxembourgeois n’ont pas fait défaut ; ils ont tous répondu à l’appel fait par le régent ; mais aussi ils ont compté sur les paroles rassurantes de ce chef :

« Luxembourgeois ! Vous êtes, vous resterez Belges ; vos frères des autres provinces ne vous abandonneront jamais. » Nous avons cru à ces paroles ; nous y avons cru d’autant plus volontiers que notre bonheur était attaché à cette belle promesse ; nous y croyons encore aujourd’hui, messieurs, au jour que nous sommes menacés de nouveau par les négociations reprises à Londres, et dont le traité des 24 articles doit faire la base ; traité inique, conclut sans et malgré nous, que nous repoussons de tous nos moyens, dussions-nous encore une fois courir les chances d’une opposition à main armée. »


Toutes les autres pétitions sont dans le même sens ; toutes protestent avec autant de chaleur contre le morcellement des deux provinces de Limbourg et de Luxembourg.

Voici en peu de mots, messieurs, la pensée de la commission et ses conclusions sur ces pétitions :

Sans vouloir provoquer des explications indiscrètes de la part du gouvernement, parce qu’elle se confie entièrement à sa fermeté et à son énergie pour s’opposer à tout démembrement des provinces de Limbourg et de Luxembourg, la commission, s’associant de cœur et d’âme aux sentiments patriotiques exprimés par les pétitionnaires, croit de son devoir de réitérer et confirmer ici le vœu déjà proclamé dans cette enceinte pour le maintien de l’intégrité du territoire ; vœu qu’elle regarde plutôt comme une résolution définitive que la chambre (Erratum inséré au Moniteur belge n°138, du 18 mai 1838) saura maintenir.

Au moment où la chambre va se séparer, et lorsque peut-être pendant son absence, des négociations seront ouvertes, elle croit de son devoir d’exprimer de nouveau, au sein de cette assemblée, les protestations qu’on y a déjà faites à plusieurs reprises.

Elle proteste donc ici hautement que le traité des 24 articles de novembre 1831, qui nous fut d’ailleurs imposé par les circonstances du moment, circonstances aujourd’hui totalement changées ; que ce traité, quant aux parties du territoire dont il s’agit et à quelques autres points, ne peut plus lier et n’oblige point la Belgique vis-à-vis de la Hollande ; qu’il est nul et non avenu à cet égard, à défaut d’acceptation par elle à l’époque qui était alors dans l’intention des parties, comme encore par son défaut d’exécution et de ratification pure et simple, toutes deux aussi formellement garanties à la Belgique.

Elle proteste également que le gouvernement est actuellement sans aucun mandat ni pouvoir des chambres, pour donner son consentement à une reconnaissance ou à un traité quelconque, qu’ainsi que l’ont déclaré itérativement les deux ministères précédents, interpellés à cet effet, les pouvoirs qui lui avaient été conférés en 1831 sont maintenant épuisés.

La commission déclare encore qu’elle considère la cause des habitants de ces parties du royaume comme solidaire avec celle de toute la Belgique. Leur démembrement, en portant une atteinte profonde à l’avenir, à l’indépendance et à l’honneur du pays, désaffectionnerait et dépopulariserait à jamais le gouvernement du Roi et notre jeune royauté.

La commission enfin sent le besoin d’exprimer sa conviction que l’attachement de ces populations à la Belgique, comme leur résolution d’y demeurer attachées, sont désormais inébranlables, et que ce n’est que par la violence qu’on pourrait les arracher de la mère-patrie.

Dans cet état de choses, c’est aux puissances européennes à voir si, pour faire passer 360 mille Belges sous un joug qui leur était insupportable, et qui leur est maintenant odieux à toujours, elles veulent s’exposer à d’autres commotions politiques dont on ne saurait prévoir toutes les suites. Mais rassurons-nous, notre salut est surtout dans l’intérêt qu’ont les puissances elles-mêmes qu’il existe une Belgique forte, indépendante et heureuse.

La commission a donc la ferme confiance que le ministère n’hésitera pas un instant à refuser et repousser toute condition qui amènerait une cession de territoire.

Elle pense que le pays tout entier partage cette opinion et qu’il ne reculera point devant la responsabilité de ce refus et de ses conséquences.

Elle conclut donc au renvoi des pétitions à M. le ministre des affaires étrangères et au dépôt au bureau des renseignements.

M. le président. - La chambre désire-t-elle discuter immédiatement le rapport de la commission ? (Oui ! oui !)

Si personne ne demande la parole, je mets aux voix les conclusions de la commission.

- Ces conclusions sont adoptées. En conséquence, les pétitions dont il s’agit sont renvoyées à M. le ministre des affaires étrangères, et déposées sur le bureau des renseignements.

Projet de loi modifiant celle du 7 avril 1838, en ce qui concerne la sortie des tulles et des batistes

Lecture et développements

M. Verdussen. - Messieurs, dans l’impossibilité où vous vous trouvez de voter aujourd’hui la loi du timbre, je me permettrai de demander aussi une interruption momentanée, pour prier la chambre d’avoir égard à une erreur qui s’est glissée dans une loi votée dernièrement, erreur matérielle qui est très nuisible à notre industrie et à notre commerce ; je veux parler de la loi des douanes. Cette loi n’a été promulguée que le 7 avril dernier, et il se trouve que contre les intentions de la chambre, contre le vote même qu’elle a émis, et par suite d’une faute typographique qui s’est glissée dans nos tableaux, les droits de sortie sur les tulles a été voté par le sénat, et promulgué par le Roi, à 1 p. c., tandis que ce droit n’a été fixé qu’à 1/4 p. c.

Il y a donc lieu de rectifier cette erreur, et c’est dans ce but que plusieurs de mes collèges et moi avons l’honneur de vous proposer le projet de loi ci-joint :

« Par modification à la loi du 7 avril 1838 (Bulletin officiel, n°4), le droit de sortie sur les tulles est fixé à un quart p. c. à la valeur. »

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La discussion de ce projet pourrait être remise à demain, comme premier objet à l’ordre du jour. Dans l’intervalle, nous pourrons vérifier l’exactitude de l’assertion de l’honorable M. Verdussen.

M. Smits. - Messieurs, je crois pouvoir confirmer l’exactitude de l’erreur matérielle qu’on vient de signaler. Je crois me rappeler que c’est moi-même qui ait proposé d’établir un droit de sortie d’un quart p. c. ; la sortie était libre auparavant, et j’ai proposé le droit d’un quart, pour qu’on eût un moyen de contrôle pour ce qui concerne les exportations. Il existe donc réellement une erreur.

Cette erreur nuit grandement aux exportations d’un article assez important de notre industrie.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je ne vois aucune raison pour m’opposer à la proposition de l’honorable M. Verdussen d’établir à un quart pour cent, au lieu d’un pour cent, le droit de sortie sur les tulles ; mais je ne vois pas non plus de difficulté à remettre le vote à demain au commencement de la séance.

M. de Brouckere. - Il paraît qu’au deuxième vote de la loi on s’est prononcé pour le droit de 1 p. c. mais qu’au premier vote on n’avait voté que 1/4 p. c. C’est par une erreur de copiste ou de prote qu’on a omis, dans le tableau d’après lequel on a procédé au vote définitif, 1 au lieu d’1/4 p. c. Cette erreur n’a pas été relevée dans la chambre. M. le ministre des finances a raison, il faut remettre à demain pour prononcer ; on aura le temps de vérifier les procès-verbaux.

M. Gendebien. - La chambre peut sans inconvénient se considérer comme saisie et nommer une commission pour faire un rapport demain. De cette manière nous ne dérogerons pas au règlement.

M. Verdussen. - L’erreur s été commise dans le tableau que M. le président avait sous les yeux quand il a soumis les articles au vote définitif.

M. de Brouckere. - Nous sommes tous d’accord qu’il y a eu erreur en fait et qu’il faut rectifier cette erreur. Mais nous ne pouvons pas faire cette rectification seuls, car l’erreur a été votée par le sénat et ratifiée par le pouvoir royal. Il faut que nous fassions une loi, et nous ne devons pas faire des lois légèrement. Je demande que la chambre se déclare saisie, qu’une commission soit nommée par le bureau et fasse son rapport demain. Nous pourrons nous en occuper immédiatement.

Cette proposition est adoptée.

La séance est levée à 4 heures 1/2.