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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 26 avril
1838
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi accordant des crédits supplémentaires
au budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1836. Secours aux
victimes d’événements calamiteux
3) Motion d’ordre relative au personnel de
certains tribunaux de première instance, et plus particulièrement de celui de
Charleroy (de Brouckere, Ernst,
Pirmez, Ernst, de Brouckere, Lebeau, Metz, de Brouckere, Metz, Verhaegen, Doignon,
Ernst, Dubus (aîné), Ernst, Dubus (aîné), Maertens, Ernst, Verhaegen, Dubus (aîné), Maertens, Metz, Dolez,
Dubus (aîné), Dolez, Ernst, Desmet, Dolez,
Ernst, Dolez, Maertens,
Ernst, Maertens, de Brouckere)
4) Projet de loi accordant des crédits
supplémentaires au budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1838.
Secours tenant lieu de pensions ecclésiastiques (Verhaegen,
de Foere, d’Huart, de Theux, Verhaegen, de Theux, de Foere, Dubus (aîné), Verhaegen)
(Moniteur belge n°117, du 27 avril 1838)
(Présidence
de M. Raikem.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à une heure et demie.
M.
Lejeune donne lecture du procès-verbal de la dernière
séance. La rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M.
de Renesse annonce que l’administration communale de Brée demande
la construction de la route de Beringen à Neeritter par Peer et Brée.
_________________
M. le
président tire au sort le renouvellement des sections
dans lesquelles la chambre se divise pour l’examen préparatoire des lois.
PROJET DE LOI ACCORDANT DES CREDITS
SUPPLEMENTAIRES AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR POUR L’EXERCICE 1836
M. le
président. - Ce projet est conçu dans l’article unique
suivant :
« Un
crédit supplémentaire de trente-six mille trois cent quatre-vingt-dix-huit
francs treize centimes (36,398 15) est ouvert au département de l’intérieur, à
l’effet d’allouer des secours aux personnes qui y ont des droits, aux termes de
la loi du 19 vendémiaire an VI, pour les pertes qu’elles ont éprouvées par
suite d’événements de force majeure, pendant l’année 1836, et que
l’insuffisance des fonds n’a pas permis de secourir jusqu’à ce jour.
« Cette
allocation formera le chapitre XXI (article unique) du budget du département de
l’intérieur de 1836. »
La
commission qui a été chargée de l’examen de ce projet a conclu à son adoption.
-
Personne ne prend la parole et l’on procède à l’appel nominal.
55
membres sont présents et votent tous l’adoption de la loi.
Ces
membres sont : MM. Heptia, Jadot, Keppenne, Kervyn, Brabant, de Brouckere,
Dechamps, de Florisone, de Foere, de Jaegher, de Langhe, de Nef, Desmanet de
Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon,
Dolez, Dubus (aîné), Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Lardinois, Lebeau,
Lecreps, Lejeune, Maertens, Mercier, Metz, Milcamps, Nothomb, Pirmez,
Polfvliet, Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Stas de
Volder, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck,
Verdussen, Verhaegen, Vilain XIIII, Zoude.
MOTION D’ORDRE RELATIVE AU PERSONNEL DE CERTAINS
TRIBUNAUX DE PREMIERE INSTANCE
M. de Brouckere (pour une motion d’ordre.)
- J’ai attendu la présence du ministre de la justice pour appeler votre
attention sur un objet d’une grande urgence. Je désirerais que la chambre
voulût bien inviter la commission qui en est chargée de faire un prompt rapport
sur la demande faite il y a longtemps d’augmenter le personnel du tribunal de
Charleroy. Ce qui m’a déterminé à faire cette motion, c’est qu’une députation
de Charleroy s’est rendue récemment à Bruxelles pont réclamer la prompte
augmentation du nombre des magistrats qui composent ce tribunal. Il est
impossible, non seulement que ce tribunal évacue les affaires arriérées, mais
même qu’il évacue les affaires courantes. Il est à désirer que la chambre porte
prochainement une loi sur cette question.
M. le ministre de la justice (M. Ernst).
- J’ai eu l’honneur de voir récemment le président du tribunal de Charleroy ;
il m’a confirmé les faits qui sont à la connaissance de la chambre, savoir
qu’il y a un arriéré effrayant à ce tribunal ; que la justice est en quelque
sorte suspendue dans l’arrondissement ; qu’il y a nécessité de mettre
promptement le tribunal en état de satisfaire aux besoins des justiciables.
Quoiqu’aucune députation ne se soit présentée à moi pour cet objet, je ne puis
que me joindre à la motion faite par l’honorable M. de Brouckere, ayant pour
but d’inviter la commission à faire un prompt rapport sur la question relative
à l’augmentation du personnel du tribunal de Charleroy.
M.
Pirmez. - On a invité bien des fois la commission de
faire promptement son rapport, et cependant ce rapport n’est pas présenté. Mais
si la nécessité d’augmenter le nombre des juges qui siègent à Charleroy est
reconnue par le ministre actuel de la justice comme elle a été reconnue par son
prédécesseur, pourquoi ne présenterait-il pas un projet de loi…
M. de Brouckere. - Le projet est
présenté.
M.
Pirmez. - Le projet dont la chambre est saisie n’a pas
été présenté par le ministre, et ce projet est complexe. Mais en considérant
les circonstances extraordinaires dans lesquelles se trouve le tribunal de
Charleroy, circonstances qui ne sont ignorées de personne, il me semble qu’un
projet présenté par le ministre obtiendrait faveur. L’arrondissement de
Charleroy ne ressemble pas aux autres arrondissements du pays, et la chambre
comme le ministre doivent s’occuper d’urgence de ce qui le concerne.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - La chambre se rappellera avec quelle
circonspection le gouvernement a agi lorsqu’il a été question de l’augmentation
du personnel de divers tribunaux. J’ai dit qu’il importait de savoir, non
seulement s’il fallait augmenter le nombre des juges à Charleroy, mais encore
de savoir quels étaient les besoins judiciaires des autres localités. Nous
avons tous pensé que la statistique ferait connaître comment on devrait
procéder pour satisfaire à tous les besoins. J’ai fait mon rapport sur cet
objet, et j’ai fait remarquer qu’une mesure spéciale était indispensable pour
Charleroy. La chambre est saisie d’un projet de loi ; j’ai donné des
renseignements très détaillés, et la commission à tous les éléments utiles à
son travail.
Je
croirais manquer aux égards dus à l’initiative de la chambre, si je présentais
un projet de loi quand il y en a déjà un autre sur le même objet d’instruction.
M. le président.
- Je ferai observer que la commission est saisie d’un projet concernant
Charleroy, mais concernant encore d’autres localités.
M.
de Brouckere. - L’objet de ma proposition est d’inviter la
commission à faire son rapport sur le tribunal de Charleroy spécialement.
M.
Lebeau. - On se plaint de ce que la question relative
au tribunal de Charleroy est liée au sort de questions semblables qui n’ont pas
le même caractère d’évidence, et qui doivent entraîner des discussions plus ou
moins longues : ce qu’il faut faire, c’est de détacher la question concernant
le tribunal de Charleroy des autres, et d’inviter la commission à faire un
prompt rapport pour ce qui concerne cet arrondissement. Je crois qu’il y a
convenance et urgence de procéder de cette façon.
M. Metz.
- On vous propose, messieurs, de détacher la proposition qui concerne le
tribunal de Charleroy des autres propositions de même nature dont s’occupe la
commission ; depuis longtemps on vous a demandé, je ne dirai pas une
augmentation de personnel, mais l’adjonction d’un seul juge au tribunal de
Diekirch ; cette adjonction a été reconnue d’une urgence extrême par M. le
ministre de la justice ; je crois donc, messieurs, que si l’on demande un
prompt rapport sur la proposition qui concerne le tribunal de Charleroy, il
faudrait en faire autant pour celle qui tend à autoriser l’adjonction d’un juge
au tribunal de Diekirch ; l’urgence de cette adjonction ne peut laisser le
moindre doute.
M. de Brouckere. - Si l’honorable M.
Metz insiste pour sa proposition, il est évident, messieurs, que d’autres
députés vont faite des réclamations du même genre pour leurs arrondissements,
et alors la motion que j’ai faite deviendra sans objet ; car si l’on veut que
le rapport porte sur toutes les demandes qui sont faites et dont plusieurs sont
très fondées, nous arriverons à la fin de la session sans avoir pu prendre une
décision. Si, au contraire, la chambre veut consentir à s’occuper
exclusivement, dans une première discussion, de la proposition qui concerne le
tribunal de Charleroy, il est impossible que cette proposition rencontre la
moindre opposition ; je ne vois pas maintenant quel mal l’adoption du projet
relatif au tribunal de Charleroy peut faire aux autres arrondissements ; ce
sera un premier acte de justice rendue, et cela n’empêchera certainement pas
qu’ensuite on rende également justice aux autres réclamations qui seront
reconnues fondées. Je persiste donc à demander que la commission soit invitée à
faire dans le plus bref délai un rapport sur la proposition concernant le
tribunal de Charleroy.
M. Metz.
- Si je pensais, messieurs, que l’adoption de ma position fût de nature à
occasionner une perte de temps notable, je serais de l’avis de l’honorable M.
de Brouckere et je retirerais ma motion ; mais la proposition relative au
tribunal de Diekirch est tellement simple, tellement claire, qu’elle ne peut
pas arrêter la chambre pendant trois minutes. Il s’agit, je le répète, de la
nomination d’un seul juge, et l’urgence de cette nomination est tellement
évidente que la commission le reconnaîtra à l’instant. Je demande donc qu’on
invite la commission à nous faire un prompt rapport sur la proposition
concernant le tribunal de Diekirch comme sur celle relative au tribunal de
Charleroy.
M. Verhaegen.
- Messieurs, j’ai été le premier à demander qu’on ne divisât pas les
propositions relatives à l’ordre judiciaire, parce que j’espérais que de cette
manière on en viendrait un jour au projet que j’ai eu l’honneur de soumettre à
la chambre ; je dois cependant avouer qu’il y a une exception à faire pour ce
qui concerne le tribunal de Charleroy ; il n’y a personne qui ne sache combien
ce tribunal est surchargé d’affaires ; les choses en sont venues à tel point
que, si l’on n’y pourvoit pas dans le plus bref délai, il y aura véritablement
déni de justice. Je ne verrais pas d’inconvénient à ce qu’on satisfasse à la
réclamation de l’honorable M. Metz, qui est également fondée, pourvu qu’on
n’élève pas des réclamations semblables pour d’autres localités.
M. Doignon. - Je pense,
messieurs, qu’il ne faut pas demander un rapport spécial sur ce qui concerne
tel ou tel tribunal ; si l’on veut inviter la commission à faire un prompt
rapport sur les demandes qui sont suffisamment instruites, on peut le faire,
mais il faut laisser à la commission le soin de juger quelles demandes sont
dans ce cas.
On
dit qu’il y a urgence pour Charleroy ; mais il y a également urgence pour les
autres localités, il y a également urgence pour Tournay, par exemple ; il y
aurait donc injustice à faire une exception pour Charleroy et à abandonner les
autres localités. La demande qui concerne Tournay est suffisamment instruite :
il y a déjà plusieurs années que le précédent ministre de la justice a reconnu
formellement qu’il y avait urgence de satisfaire à la demande du tribunal de
Tournay. Quant à Charleroy il existe un rapport de M. le ministre de la
justice, mais je pense qu’il n’est pas formellement favorable à la réclamation
faite par le tribunal de Charleroy. Il n’y a donc pas plus d’urgence pour
Charleroy que pour les autres localités, et je demande, par conséquent, qu’on
se borne à inviter la commission à faire un prompt rapport sur toutes les
demandes qu’elle trouvera suffisamment instruites.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Je commencerai
messieurs, par répondre à la dernière observation de l’honorable préopinant ;
les conclusions de mon rapport sont positives en ce sens que
le personnel du tribunal de Charleroy est insuffisant ; quant aux mesures à
prendre pour remédier à ce mal, j’ai indiqué l’alternative de créer une chambre
provisoire ou d’augmenter définitivement le personnel ; mais l’urgence qu’il y
a de prendre une mesure quelconque, je l’ai établie à l’évidence. Il peut y
avoir utilité à augmenter le personnel de plusieurs tribunaux, mais nulle part
il n’y a d’urgence aussi grande, aussi certaine que pour Charleroy ; les
affaires dont ce tribunal est chargé sont tellement nombreuses, qu’il y a
impossibilité matérielle de les terminer ; les expropriations pour cause
d’utilité publique suffiraient seules pour l’occuper constamment. II y aurait
un véritable déni de justice dans le maintien de l’ordre de choses actuel. Je ne
puis donc qu’insister pour que la commission soit invitée à faire un rapport
spécial sur ce qui concerne le tribunal de Charleroy.
Je
dois avouer, messieurs, que la proposition relative au tribunal de Diekirch est
tellement simple, tellement motivée, que si la commission voulait l’examiner,
elle n’hésiterait pas un instant à en proposer l’adoption.
M.
Dubus (aîné). - Messieurs, vous avez nommé une commission que
vous avez chargée d’examiner les propositions concernant l’augmentation du
personnel de différents tribunaux ; aujourd’hui on demande par motion d’ordre
que vous déclariez seul urgent le projet qui concerne le tribunal de Charleroy
; mais c’est là, messieurs, une des questions que vous avez soumises à la
commission ; on veut maintenant faire trancher cette question sans examen,
tandis qu’une commission a été nommée pour la décider après examen ; réellement
il y a là quelque chose qui touche à l’absurde, il y a là au moins quelque
chose de fort inconséquent. Lorsqu’on a chargé une commission d’un travail, on
ne doit pas venir entraver ce travail ; si réellement la demande du tribunal de
Charleroy est plus fondée que les autres, la commission qui a les pièces sous
les yeux sera la première à le reconnaître, et alors elle présenterait en
premier lieu un projet à cet égard ; mais si la commission trouvait qu’une
autre proposition fût encore plus manifestement urgente que celle qui concerne
le tribunal de Charleroy, pourquoi voudriez-vous, messieurs, empêcher la
commission de vous proposer également l’adoption de cette proposition dont elle
aurait reconnu la nécessité ? Alors il ne fallait pas nommer une commission, il
fallait au moins faire une semblable motion avant la nomination de la
commission.
Une voix. - Il y a quatre ans
que la proposition est renvoyée à la commission.
M.
Dubus (aîné). - Si mes souvenirs sont exacts, c’est au mois
de décembre dernier que le rapport de M. le ministre de la justice nous a été
présenté ; ce n’est donc que depuis quelques mois que la commission est saisie
des renseignements nécessaires pour se former une opinion.
Tout
ce que la chambre peut faire, c’est de demander à la commission un prompt rapport
; cela dira tout ; si alors la commission reconnaît que la proposition
concernant le tribunal de Charleroy est la plus urgente, il va de soi qu’elle
s’en occupera avant tout ; mais, encore une fois, si elle trouve qu’il y a une
autre proposition également urgente, également bien motivée, pourquoi
l’empêcher de faire aussi un rapport sur cette proposition ? Si la commission
trouve que deux ou trois propositions sont urgentes, pourquoi l’empêcher de
faire deux ou trois rapports ?
M. le ministre de la justice (M. Ernst).
- Messieurs, ii n’y a rien d’absurde à ce que la chambre demande un rapport
spécial sur la proposition relative au tribunal de Charleroy, puisque l’urgence
de cette proposition est reconnue par tout le monde et spécialement par le
gouvernement, qui en a fait une étude particulière. Si la commission trouve
qu’il y a encore d’autres propositions urgentes, rien n’empêche qu’elle fasse
également un rapport à cet égard ; c’est là son mandat, c’est son devoir. Je
demande donc qu’on invite la commission à faire un rapport spécial, sur la
proposition concernant le tribunal de Charleroy, tout en lui laissant le droit,
ou plutôt le devoir, de faire un rapport sur les autres propositions, le plus
tôt qu’elle le pourra.
M.
Dubus (aîné). - M. le ministre de la justice dit qu’en ce
qui concerne le tribunal de Charleroy, la nécessité de l’augmentation du
personnel est reconnue par le gouvernement. Je dirai, moi, qu’en ce qui
concerne le tribunal de Tournay, il y a cinq ans que le gouvernement a reconnu
la nécessité de l’augmentation du personnel : la commission a entre les mains
une lettre de M. le ministre de la justice de l’année 1833, où cela est dit
dans les termes les plus exprès.
On disait tout à l’heure qu’il y avait déjà
quatre ans qu’on avait reconnu cette nécessité pour le tribunal de Charleroy ;
mais il y a cinq ans que la même nécessité est reconnue pour le tribunal de
Tournay. Et l’on veut maintenant qu’on fasse abstraction de la demande qui
concerne le tribunal de Tournay, pour ne s’occuper en première ligne que du
tribunal de Charleroy. Et pourquoi ? Parce que, pour le tribunal de Charleroy,
il y a quelques personnes qui ont pris à tâche de réclamer dans cette chambre
en toute circonstance ; de manière qu’il en résulterait que plus on insisterait
sur une affaire, plus en définitive l’on serait sûr d’obtenir une déclaration
d’urgence.
Je
ne sais pas si cela est bien juste. Il me semble qu’il faut examiner les pièces
et les faits pour prononcer l’urgence en ce qui concerne tel ou tel tribunal.
Or, la chambre n’est pas à même de juger sur des pièces et sur des faits ; elle
a nommé à cette fin une commission, et je demande encore une fois qu’on laisse
la commission remplir son mandat. Si elle trouve que la demande du tribunal de
Charleroy est la plus fondée, eh bien, elle commencera par là ; mais vous ne
pouvez pas l’obliger à commencer par là.
J’insiste
donc pour que la chambre invite la commission à faire un prompt rapport ; dans
le cas où la chambre adopterait la motion de M. de Brouckere, je ferais la même
proposition pour le tribunal de Courtray.
M.
Maertens. - Messieurs, d’après l’examen que j’ai fait
les pièces, je crois qu’il faut réellement faire une exception en faveur du
tribunal de Charleroy, et qu’il faut détacher la demande qui concerne ce
tribunal, de toutes les autres du même genre. Mais je saisirai cette occasion
pour rappeler à M. le ministre de la justice que depuis plus de trois ans le
tribunal de Bruges et celui de Courtray ont également réclamé une augmentation
de personnel. M. le ministre a fait un rapport sur les demandes de quatre
tribunaux, de ceux de Mons, Tournay, Charleroy et Verviers (si je ne me trompe)
; et jusqu’à présent, quoique depuis trois ans les tribunaux de Bruges et de
Courtray réclament ; quoique la demande concernant celui de Bruges ait été
renvoyée à M. le ministre de la justice ; quoique la proposition de M. Bekaert,
relative au tribunal de Courtray, lui ait également été renvoyée ; jusqu’à
présent, dis-je, aucun rapport n’a été fait sur ces demandes.
Pour
ma part, je crois pouvoir ranger le tribunal de Bruges sur le même rang que
celui de Mons, et celui de Courtray sur la même ligne que celui de Tournay ; je
pense donc que lorsqu’on s’occupera des deux tribunaux de Mons et de Tournay,
il y aura lieu de s’occuper simultanément des tribunaux de Bruges et de
Courtray.
Je prie, en conséquence, M. le ministre de la
justice de vouloir bien également faire son rapport sur ces deux derniers
tribunaux ; je demanderai alors que le rapport soit renvoyé à la commission qui
en fera l’examen, en même temps qu’elle examinera les demandes des tribunaux de
Mons et de Tournay qui, à mes yeux, sont dans la même position que les deux
autres.
J’appuie
donc, d’une part, la motion de M. de Brouckere, tendant à détacher la demande
du tribunal de Charleroy de celles de tous les autres tribunaux ; et, d’autre
part, je prie M. le ministre de la justice de vouloir bien faire un prompt
rapport sur les deux demandes dont je viens d’entretenir la chambre.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - Messieurs, j’ai dû faire d’abord un rapport
sur les demandes qui avaient été renvoyées en premier lieu à mon département ;
quant à celles dont parle l’honorable préopinant, il n’y a pas longtemps que la
chambre en a ordonné le renvoi au ministère de la justice. J’ai dû prendre des
renseignements ; j’ai instruit l’affaire avec tout le soin possible ;
l’instruction est complète, mon travail est pour ainsi dire achevé, et sous peu
j’aurai l’honneur de le soumettre à la chambre. Ce sera, au surplus, un travail
assez étendu, qui comprendra non seulement les demandes des tribunaux de Bruges
et de Courtray, mais encore une foule d’autres demandes qui ont rapport à
presque tous les tribunaux de la Belgique.
M. Verhaegen. - En appuyant la
demande du tribunal de Charleroy, nous sommes mus seulement par des
considérations de justice et d’impartialité. L’honorable M. Dubus vous a dit
que la commission a été chargée d’un travail indivisible, et que la chambre ne
peut pas déroger à ce mandat. Je ne suis pas de cet avis ; la chambre a chargé,
il est vrai, une commission de lui faire un rapport sur diverses demandes ;
mais la chambre peut reprendre ou modifier le mandat qu’elle a confié à la
commission ; elle peut l’inviter à faire un rapport spécial sur la demande de
tel ou tel tribunal. Nous, qui étions et qui sommes encore partisans de
l’indivisibilité, nous reconnaissons cependant qu’il existe des motifs
particuliers d’exception en faveur du tribunal de Charleroy ; mais nous ne
sommes pas de la même opinion quant aux tribunaux de Tournay, de Mons et
d’autres villes, parce qu’alors le principe que nous voulons conserver serait
froissé.
M. Dubus (aîné).
- Messieurs, je dois un mot de réponse à ce qu’a dit un honorable député de
Bruges ; cet honorable membre a dit qu’il a examiné les pièces ; je pense que s’il
a examiné les pièces, il ne persistera pas à mettre sur la même ligne le
tribunal de Tournay et celui de Courtray, sous le rapport de la nécessité d’une
augmentation du personnel et cette assimilation prouverait qu’il n’a pas
examiné les pièces. Je crois même pouvoir dire qu’on ne demande pas
d’augmentation de personnel pour le tribunal de Courtray, on ne réclame qu’une
augmentation de traitement ; ainsi, vous voyez qu’il n y a pas d’urgence.
Quant
à ce que vient de dire un autre préopinant, d’après lequel j’aurais prétendu
que le travail de la commission était indivisible, je suis obligé de rectifier
cette assertion. Je n’ai pas prétendu que la commission ne pût pas diviser son
travail ; j’ai prétendu au contraire qu’elle pouvait le diviser, et qu’il était
même convenable qu’elle le divisât, mais en pleine connaissance de cause.
M. Maertens
(pour un fait personnel.) - Messieurs, l’honorable M. Dubus n’a pas compris ce
que je viens d’avoir l’honneur de dire, ou je me suis mal expliqué. Je n’ai pas
pu dire qu’il résultait de l’examen que j’avais fait des pièces que le tribunal
de Courtray devait être placé sur la même ligne que celui de Tournay, puisqu’il
n’existe pas encore de pièces pour le tribunal de Courtray, et que je viens
même de prier M. le ministre de la justice de faire son rapport à cet égard.
J’ai dit seulement que je tirais cette conséquence du dernier rapport de M. le
ministre de la justice, que le tribunal de Charleroy mérite la préférence sur
tous les autres tribunaux.
M. Metz.
- Puisque, de l’aveu même du ministre de la justice, la commission pourra
présenter, outre le rapport sur la demande du tribunal de Charleroy, un autre sur
telle autre demande dont elle reconnaîtra l’urgence, je retirerai mon
sous-amendement, pour me rallier purement et simplement à la motion de M. de
Brouckere.
M. Dolez. - Messieurs, je ne
pense pas que la commission puisse faire des rapports détachés sur chacune des
demandes qui ont été envoyées à son examen. Ce renvoi a été connexe, et il
n’appartient pas à la commission de diviser cet état de connexité. Le mandat
ayant été donné d’une manière indivisible à la commission, elle doit s’en
occuper d’une manière indivisible, à moins que la chambre ne prenne une
résolution qui décide le contraire. On demande une résolution semblable pour le
tribunal de Charleroy ; j’appuie cette motion de toutes mes forces. Mais ce que
je ne puis admettre, c’est qu’en faisant un prompt rapport pour le tribunal de
Charleroy, la commission puisse nous soumettre un rapport d’urgence sur tel ou
tel autre tribunal.
Je crois qu’il importe de laisser la proposition
de l’honorable M. de Brouckere dans toute sa pureté primitive ; dans ce sens je
lui donnerai mon approbation, et ici la chambre reconnaîtra que je fais
abnégation de tout esprit de localité ; car, député de Mons, j’aurais pu, comme
les députés de Tournay, réclamer pour le tribunal de Mons ; j’aurais pu dire
qu’il existait une pareille urgence pour ce tribunal. Mais je reconnais bien
sincèrement que, quelque fondée que soit la demande du tribunal de Mons, celle
du tribunal de Charleroy l’est cent fois plus encore.
M.
Dubus (aîné). - Pour le cas où la chambre demanderait un
prompt rapport pour le tribunal de Charleroy, je proposerais de demander un
prompt rapport pour le tribunal de Tournay.
-
La chambre adopte successivement la proposition de M. de Brouckere, relative au
tribunal de Charleroy, celle de M. Metz, relative au tribunal de Diekirch, et
celle de M. Dubus, relative au tribunal de Tournay.
M. Dolez. - Il me paraît que
la chambre n’a voulu rien faire par les votes qu’elle vient d’émettre. J’ai vu
avec étonnement les ministres eux-mêmes voter de cette façon. Le gouvernement
proclame qu’il y a urgence de s’occuper de la proposition d’augmenter le
personnel du tribunal de Charleroy.
La
chambre décrète cette urgence, et, immédiatement après, le ministère vote de
façon à faire marcher d’autres demandes d’augmentation de personnel de
tribunaux, de front avec celle relative au tribunal de Charleroy. De cette
façon, les tribunaux des arrondissements dont les députés ne se sont pas laissé
dominer par l’esprit de localité vont se trouver exclus du prompt rapport que
la chambre vient de décider.
Je
vais rendre la proposition plus générale encore, et je ne pense pas qu’on
puisse se dispenser de la faire ; je vais demander que la chambre invite la
commission à faire un prompt rapport sur tous les tribunaux.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - L’honorable préopinant a été surpris de la
manière dont les ministres viennent de voter. Je crois que les explications que
je vais avoir l’honneur de donner feront cesser cet étonnement. Selon moi, il y
a utilité de s’occuper des demandes de Diekirch et de Charleroy ; mais il y a
urgence plus grande pour le tribunal de Charleroy. C’est ainsi que je me suis
expliqué. Si je faisais partie de la commission, je m’occuperais avant tout du
tribunal de Charleroy ; mais cela n’empêcherait pas, comme la question est
instruite à l’égard du tribunal de Tournay, que la commission ne fît aussi un
rapport et un rapport spécial sur le tribunal de Tournay. De cette manière, la
chambre étant saisie de ces divers rapports, réglera l’urgence pour l’ordre de
la discussion. Pour ce qui concerne le tribunal de Diekirch, quelques instants
suffiront à la commission pour se convaincre de la nécessité d’augmenter le
personnel. Mais la chambre doit s’arrêter à ce qu’elle a fait, elle ne doit pas
ordonner de prompts rapports pour d’autres tribunaux pour lesquels l’urgence de
prendre une décision n’est pas reconnue.
M. Desmet. - Je ferai observer
que si on veut un prompt rapport, il faut remplacer les membres de la
commission qui sont absents.
M.
Dolez. - D’après les explications que vient de donner
M. le ministre de la justice, je ne puis croire qu’il hésitera à reconnaître
l’urgence d’un prompt rapport pour le tribunal de Mons, puisque l’instruction
est complète comme pour le tribunal de Tournay.
Je
propose donc à la chambre d’adopter pour le tribunal de Mons la même mesure que
pour le tribunal de Tournay. Mais je demande qu’au milieu de ces déclarations
d’urgence, la commission soit invitée à commencer par le tribunal de Charleroy.
M. le ministre de la justice (M. Ernst).
- Certainement, je ne voterai pas pour que la commission fasse un prompt
rapport relativement au tribunal de Mons ; là il n’y a ni urgence, ni
nécessité, ni utilité d’une augmentation de personnel. Cela a été démontré
clair comme le jour dans le rapport que j’ai adressé à la chambre. Il y aurait
de ma part inconséquence à demander un rapport d’urgence sur une mesure dont je
ne reconnais pas l’utilité, et que je trouve même devoir être rejetée par la
chambre. Je suis persuadé que l’honorable membre partagera mon opinion quand il
aura pris connaissance de mon rapport.
J’ai
dit qu’il y avait urgence d’augmenter le personnel du tribunal de Charleroy.
L’instruction de la demande de Diekirch m’a démontré qu’il était également
nécessaire de l’admettre. J’ai reconnu aussi qu’il y avait des motifs pour
s’occuper de la demande du tribunal de Tournay, mais sans reconnaître qu’il y
avait la même urgence, la même utilité pour les trois demandes. Quand la
chambre sera saisie des trois rapports spéciaux, je demanderai qu’elle mette à
l’ordre du jour, en premier lieu, le tribunal de Charleroy, ensuite le tribunal
de Diekirch, et en troisième lieu le tribunal de Tournay ; et la commission
jugera quand elle sera assez instruite pour faire un rapport sur ce qui
concerne les autres tribunaux.
M.
Dolez. - Je m’étonne que M. le ministre de la justice
soit venu traiter la question au fond, à propos d’une question de priorité.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - J’ai répondu à un
reproche que vous m’aviez fait.
M.
Dolez. - Je n’ai pas prétendu qu’il y a lieu de
donner suite à telle ou telle proposition, plutôt qu’à telle autre. Cela est le
fond, et la chambre ne s’en occupe pas. J’ai dit que l’instruction est complète
pour le tribunal de Mons, comme pour le tribunal de Tournay. Tout à l’heure M.
le ministre de la justice a dit qu’il y a quatre tribunaux pour lesquels
l’instruction est complète.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Il y en a plus de
quatre ; il en a au moins dix.
M.
Dolez. - Soit ; mais parmi ces tribunaux est celui de
Mons. Quant au rapport de M. le ministre de la justice, je ne crois pas qu’il
conclue au rejet pour le tribunal de Mons.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - Vous êtes dans
l’erreur ; je conclus au rejet.
M. Dolez.
- Je croyais au contraire que le rapport était dubitatif.
M. le
ministre de la justice (M. Ernst). - J’ai conclu au
rejet, et j’ai donné d’excellentes raisons.
M.
Dolez. - Soit ; mais il n’est pas question du fond ;
il ne s’agit que d’une question de priorité. Toutes les réclamations des
tribunaux sont urgentes, car il y a toujours urgence à s’occuper des
réclamations des corps judiciaires. La réclamation du tribunal de Mons doit
donc être examinée aussi bien que celle des autres ; mais il ne me paraît pas
convenable d’accorder des priorités successives dont le résultat est de
reléguer les réclamations de certaines localités.
M. Maertens. - Il est certain
qu’accorder successivement la priorité à telle et telle localité, ce n’est pas
remplir le but de la proposition de M. de Brouckere qui consistait à donner la
priorité uniquement à la proposition relative au tribunal de Charleroy dont
l’urgence n’est pas contestée.
J’ai
parlé tout à l’heure des tribunaux de Bruges et de Courtray ; M. le ministre de
la justice a répondu que le travail était prêt et qu’on allait s’occuper de
réunir les renseignements. Je pense donc qu’il faut attendre que ces
renseignements soient réunis pour s’occuper des autres tribunaux. Je ne vois
pas de motifs pour donner la préférence à une localité sur une autre. Il semble
que lorsque les Flandres réclament, on a l’air de les oublier ou de ne pas y
faire attention ; car, depuis trois ans, les tribunaux de Bruges et de Courtray
réclament. On pouvait fort bien comprendre ces deux tribunaux dans le rapport
des autres tribunaux, puisqu’il y a analogie de position. Je ne vois pas
pourquoi on s’occuperait des autres tribunaux de préférence à ceux de Bruges et
de Courtray.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - Je me bornerai à relever l’observation
déplacée de l’honorable préopinant, que lorsque les Flandres réclament, on
aurait l’air de les oublier ou de ne pas y faire attention. Je lui porte le
défi le plus formel de citer un cas où cette observation peut recevoir son
application. Je conçois qu’en dehors de cette enceinte on dise des choses
pareilles et qu’on n’y réponde pas ; mais dans la chambre cette observation ne
peut pas rester sans réponse. S’agit-il des tribunaux de Bruges et de Courtray
? Il y a deux ou trois mois, la demande relative à ces deux tribunaux a été
renvoyée à mon avis avec une foule d’autres demandes. Toutes renvoyées en même
temps à mon avis ont été instruites en même temps ; ce n’est donc pas à ces
demandes que cette observation peut s’appliquer. Si elle s’applique à d’autres
parties de l’administration, j’engage le préopinant à s’expliquer.
M.
Maertens. - Je trouve bien plus déplacé qu’un ministre vienne
qualifier de déplacées les observations d’un député.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - Quand on le
prouve !
M.
Maertens. - J’ai parlé comme député, je me suis plaint
de ce qu’on n’avait pas donné suite à la demande des tribunaux de Bruges et de
Courtray. J’ai fait remarquer que puisque M. le ministre lui-même disait que le
travail serait bientôt prêt en ce qui concerne ces deux tribunaux, la
commission pourrait s’en occuper en même temps que des autres. J’ai donc
justifié ce que j’ai eu l’honneur de dire, qu’il semble qu’on veut oublier les
deux tribunaux qui appartenaient aux Flandres.
M. le ministre de la justice (M.
Ernst). - Lorsqu’on fait au gouvernement le reproche
d’oublier une partie du pays, et lorsque ce reproche n’a rien de fondé, on
fait, je le répète, une observation déplacée. Le reproche n’a rien de fondé,
pour le justifier on vient parler des tribunaux de Bruges et de Courtray !
C’est ainsi que le préopinant répond au défi que je lui ai adressé. Mais il n’y
a pas eu de préférence, il n’y a pas eu de distinction en ce qui concerne les
tribunaux de Bruges et de Courtray, car la demande relative à ces deux
tribunaux a été instruite en même temps que celles relatives aux autres
tribunaux ; où donc est la préférence.
Je
le répète, l’observation est déplacée ; elle est sans aucun fondement.
M.
de Brouckere. - L’observation toujours est sans fondement.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - Et par conséquent
déplacée.
PROJET DE LOI
ACCORDANT DES CREDITS SUPPLEMENTAIRES AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR
POUR L’EXERCICE 1838
Discussion générale
M. le président.
- La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet de la commission, auquel
le gouvernement se rallie. La parole est à M. Verhaegen.
M.
Verhaegen. - Messieurs, dans la séance d’hier, lorsqu’il
s’est agi des pensions militaires, la chambre a montré beaucoup de parcimonie ;
le dernier amendement proposé par M. le ministre de la guerre, le défenseur né
de l’armée, a été l’objet d’une opposition qui s’est manifestée de toutes
parts, et cela parce qu’il devait avoir pour objet une augmentation de crédit
de 120 à 130,000 fr. Chose inouïe dans les fastes parlementaires, il s’est
montré à cette occasion une division sur les bancs ministériels ; le ministre
des finances est venu combattre l’amendement proposé par son collègue de la
guerre, et celui-ci, croyant ne pas trouver d’appui dans la chambre, a retiré
sa proposition au moment où nous allions la défendre.
L’intérêt
du trésor l’a emporté sur les intérêts les plus chers : ceux des défenseurs de
la patrie. La parcimonie (ce mot électrique) a triomphé ! Triomphera-t-elle
encore aujourd’hui, alors qu’il s’agit de crédits nouveaux demandés par le
ministère de l’intérieur pour des pensions ecclésiastiques ? J’ai tout lieu
d’en douter.
Quant
à moi, fidèle à mes antécédents, je ferai dans la question qui nous occupe
abstraction des personnes et des caractères dont ils sont revêtus ; je
concourrai volontiers à améliorer le sort des ecclésiastiques qui ont droit à
des pensions, mais je les refuserai à ceux qui n’ont aucun titre pour les
réclamer. Dans le projet de loi qui vous est soumis, je ne trouve aucune
indication qui soit de nature à fixer mon opinion sur la justice des
réclamations pour lesquelles les crédits sont demandés.
Quelles
sont les sources de ces réclamations ? Quelles sont les lois ou les principes
qui leur servent d’appui ? C’est ce qu’il s’agira quand les renseignements
indispensables pour apprécier la position des réclamants seront fournis.
Rien
de plus juste que les lois françaises qui, en déclarant nationaux tous les
biens du clergé, et en abolissant les dîmes ecclésiastiques, ont accordé aux
anciens possesseurs des pensions à charge de l’Etat. (Loi du 2 novembre 1789,
article 13 du concordat, loi du 26 vendémiaire an IV, Huygh ; 1ère série, tome
5, page 144.)
La
confiscation des biens du clergé en Belgique et la suppression des abbayes et
couvents fut décrétée par le conseil des Cinq-Cents le 4 août 1795, publiée en
Belgique le 18 septembre suivant, et exécutée en octobre et novembre même
année. (Smet, Roomsche catholieke religie in Brabant of
kerkekyke historie van Brussel, page 347.)
Comme
l’âge requis pour être prêtre, sauf dispense, était de 25 ans, (Concile de
Trente, session 23, chapitre 12 de reformatione.), les prêtres existants à
l’époque de la publication de ces lois doivent donc avoir aujourd’hui 67 ans.
Ceux-là seuls ont droit à des pensions.
Leur
nombre n’est pas grand : la nécrologie du diocèse de Malines de 1837, publiée à
la suite du Directorium de 1838, contient les noms de 40 prêtres, décédés du 15
novembre 1836 au 15 novembre 1837 ; vingt-sept, en y comprenant ceux qu’on peut
présumer avoir reçu les ordres avant 1796 par dispense d’âge, étaient seuls
dans la catégorie de ceux qui avaient droit à une pension ; les treize autres
n’y avaient aucun droit.
La
nécrologie du même diocèse, du 15 novembre 1835 au 15 novembre 1836, contient
41 décès, dont 27 pouvant avoir droit à des pensions, 14 sans droit ; calcul
fait de cette dernière catégorie d’après la date de leur naissance, ils
n’avaient pas 25 ans pour pouvoir être prêtres.
Le
calcul a pour résultat que pour le seul diocèse de Malines. depuis le 15
novembre 1835, il s’est élevé par année 27 pensions,
Le
nombre de ceux qui étaient dans le cas d’obtenir une pension parce qu’ils
avaient reçu les ordres sacrés tilulo beneficii, ou titulo paupertatis ou
professionis religiosœ, et qui par ces considérations ont obtenu droit à une
pension parce que les biens de leur monastère ou bénéfice ont été nationalisés
; étant donc réduit par décès, pas de nécessité de voter de nouveaux crédits.
Un
membre. - C’est de la partialité.
M.
Verhaegen. - J’entends à mes côtés des observations que
je ne qualifierai pas de déplacées, mais qui sont cependant extraordinaires. Chacun
doit avoir le droit de venir ici exprimer son opinion ; qu’on la trouve
mauvaise, qu’on la discute, rien de mieux qu’on la combatte, cela est parfait.
D’ailleurs, j’y ai mis de la générosité. J’en appelle au témoignage de mon
honorable collègue M. l’abbé de Foere . Je lui ai dit hier quelle était la
question ; je lui ai dit que je me proposais de la traiter. (M. de Foere fait
un signe d’assentiment). Ainsi j’y ai mis tous les aménagements possibles. Je
n’ai voulu surprendre personne.
Il
importe que chacun puisse venir ici user librement de droits, sans pour cela
encourir des reproches. Quant à moi, en dépit de ce qu’on dira et de ce qu’on
fera, je remplirai ma tâche jusqu’au bout.
Quant
à ceux qui ont reçu les ordres sacrés après 1798, ils ont dû être possesseurs
d’un titre clérical patrimonial, c’est-à-dire, pourvus de moyens de subsistance
avant de pouvoir être sacrés, (Synode de Malines, n° 11, chapitres 8 et 9.)
L’article
26 de la loi du 18 germinal an X (Bull. 172, n°1344) a sanctionné par une disposition
de droit civil cette règle de l’association catholique, en exigeant une
justification de propriété d’un revenu de 300 francs pour recevoir
l’ordination, et l’évêque qui a sacré un prêtre sans qu’il ait un titre, doit
le nourrir et entretenir, si l’ordiné devient pauvre ; en cas de décès de
l’évêque, cette obligation passe à l’évêque qui lui succède. Cap. 16, Cum
secundum aux extravagantes de proebendis et dignitatibus. Deus theologia de
ordine, n°12. Durand de Malliane, dictionnaire de droit canon, au mot « titre clérical ; »
Herthals, ad decretales, liv. 1, tit. II.)
Barbosa,
de officio episcopali, alleg. 20, n°4, assimile cette obligation des évêques à
celle du père qui doit alimenter son fils dans le besoin, d’après le droit
naturel et civil.
Vide
encore, cap. 4 et 16, aux décrétales de proebendis.
Ainsi
le projet ne peut devenir un bill d’indemnité pour les évêques qui depuis 1796
auraient donné les ordres sacrés, au mépris du droit canonique.
On
demande des fonds pour des ecclésiastiques qui n’y ont pas droit, et on les
refuse pour les fonctionnaires publics qui ont des familles et un rang à
soutenir.
Si
le décret du 28 février 1810 (Bulletin
268, n°5208) a abrogé l’article 26 de la loi du 18 germinal an X, et rapporté
la disposition civile qui exigeait un titre clérical de 300 fr. de revenu, la
nécessité du titre, pour ne plus être une obligation nationale, consacrée par
les lois civiles, n’en est pas moins restée, aux termes de conciles et du droit
canon, une règle et une obligation d’associés formée par le contrat social
religieux, non révoqué par le pouvoir ecclésiastique direct de la société.
Accorder donc des pensions à ceux qui sont entré
dans les ordres depuis le 18 germinal an X, c’est accorder des pensions à ceux
qui ont des revenus propres, ou qui, s’ils n’en ont pas, se sont joués des lois
civiles ou du contrat social religieux en vertu duquel ils réclament.
Comment
accorder des faveurs aux membres d’une association qui, pour les obtenir,
doivent dire : Nous avons manqué aux lois de notre association !
D’après
ces considérations, je prie M. le ministre de l’intérieur d’indiquer quelle est
l’origine du droit de ceux pour lesquels il réclame ; jusque-là je me réserve
mon vote.
M. de Foere. - Les observations
que l’honorable député de Bruxelles vient de présenter ne sont fondées ni en
fait ni en droit. Je ne sache pas que les évêques du pays aient jamais dévié
des lois que l’église a prescrites en matière d’ordination. Ils se sont
toujours conformés à ces lois, ils exigent que les sujets qui se présentent à
l’ordination soient munis d’un titre clérical et qu’ils aient atteint l’âge
voulu par les lois ecclésiastiques. S’il est arrivé que, sous l’un ou l’autre
rapport, les évêques ont accordé des dispenses, il ne suit pas qu’ils se soient
mis en opposition avec les lois de l’église ; car si, d’un côté, il existe des
lois ecclésiastiques qui exigent le titre clérical et l’âge de 25 ans, il en
est d’autres qui investissent les évêques du pouvoir d’accorder des dispenses.
Or, ces dernières lois émanent de la même autorité. Ce sont des lois comme les
autres. Il n’est donc pas exact de dire que les évêques, qui ont agi en vertu
de ces lois, ne se seraient pas conformés aux lois de l’église, et que les
secours demandés seraient accordés illégalement. Je pense, messieurs, que ces
observations suffiront pour renverser celles que l’honorable député de
Bruxelles vous a présentées.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - La chambre se rappellera
qu’il n’y a eu aucune espèce de division hier entre les ministres sur la
question agitée à la fin de la séance. M. le ministre de la guerre n’a pas
présenté d’amendement, il a simplement soumis quelques considérations à la
chambre, qu’il a terminées en demandant si l’on ne trouverait pas convenable
d’appliquer les conditions de la loi qui allait être votée aux militaires admis
à la pension depuis 1830. J’ai dit alors (et je crois en cela avoir rempli mon
devoir) qu’il importait, avant d’aborder la discussion d’une semblable
disposition, de savoir quelle en était la portée relativement au trésor ;
ensuite j’ai exposé qu’il serait indispensable d’examiner s’il serait prudent
de consacrer un tel précédent qui me semblait contraire aux principes, qui modifierait
par rétroactivité les règles de la législation établie, qui changerait par une
loi postérieure le taux des nombreuses pensions accordées en vertu des lois en
vigueur, pendant 7 ou 8 ans. Un honorable membre de la chambre (M. de
Brouckere) a de son côté présenté une autre considération qui vous a paru
péremptoire, c’est que si les dispositions de la loi nouvelle pouvaient être
favorables à des militaires de certains grades, il y en avait d’autres qui
seraient défavorables à des militaires d’autres grades, et que par conséquent
ce serait non seulement jeter la perturbation dans la liquidation des pensions
accordées depuis 1830, mais encore s’exposer à de justes réclamations ; cette
observation a suffi pour que M. le ministre de la guerre n’insistât pas. Voilà
comment les choses se sont passées ; mon collègue est ici et vous dira au
besoin qu’il n’y a eu aucune espèce de dissentiment entre lui et moi. Il a
simplement soumis en toute confiance l’opinion que je viens de rappeler à la
chambre ; je vous en ai soumis une de la même manière, et en définitive aucune
disposition additionnelle à la loi qui venait de subir l’épreuve du second
vote, n’a été formulée ni présentée.
Je ne sais, messieurs, quelle analogie M.
Verhaegen a voulu établir entre la loi des pensions militaires et le projet de
loi maintenant en délibération. Il s’agit uniquement ici d’allouer au
département de l’intérieur les fonds nécessaires pour accorder à des
ecclésiastiques qui ont 40 ou 50 ans de service, et qui ont cessé leurs fonctions,
un secours équivalent à la pension qu’ils auraient eue, si on avait continué de
faire usage du règlement usité avant 1830 pour la liquidation de la pension des
ministres du culte.
Par
un scrupule constitutionnel qu’on a eu au département de l’intérieur (et je
doute fort si ce scrupule est fondé), on a donné la pension aux ecclésiastiques
sous le titre de secours, de sorte qu’au lieu d’être favorisés, comme on semble
l’insinuer, ils sont réellement plus mal traités que toutes les autres
personnes qui, au même titre qu’eux ayant droit à des pensions, les ont
obtenues en exécution des anciens règlements. Du reste, messieurs, pour
répondre en deux mots aux questions de droit qu’on vient d’agiter, il suffit de
lire l’article 117 de la constitution, pour se convaincre que les pensions
comme les traitements des ministres des cultes sont à la charge du trésor, et
que par suite toutes les dispositions des lois françaises que l’on a citées,
viennent à tomber devant cet article.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Si l’honorable M.
Verhaegen avait lu l’exposé des motifs du projet de loi, il aurait dispensé la
chambre d’entendre les observations qu’il a présentées. De quoi s’agit-il ?
D’accorder une subvention aux ecclésiastiques pour remplacer la pension à
laquelle ils ont droit. Comment cette pension est-elle liquidée ? C’est en
vertu du règlement hollandais de 1816 ; nous sommes actuellement sous l’empire
de cet arrêté.
Il
faut bien donner des pensions aux ecclésiastiques qui ont rempli des fonctions
pendant 30, 40, 50 ans. On ne leur en accorde que de très modiques, et il ne
peut y avoir une seule voix pour s’élever contre une pareille mesure.
Cependant, comme l’a dit mon collègue, dans le
département de l’intérieur, par un scrupule constitutionnel, on n’a pas cru
devoir liquider les pensions d’après le règlement hollandais. Il faut donc y
suppléer provisoirement par des secours.
On
a parlé des preuves que les jeunes gens qui aspirent à l’état ecclésiastique
doivent faire qu’ils ont de leur famille un patrimoine ou revenu viager de deux
ou trois cents francs afin de prévenir qu’un jour ils ne soient réduits à la
mendicité ; mais cette question ne saurait nous occuper ; il ne s’agit actuellement
que de récompenser des services rendus dans les fonctions ecclésiastiques ; et
la seule justification qu’on puisse exiger, c’est que ces services ont été
réellement rendus.
M.
Verhaegen. - Je ne sais pas si l’on m’a compris, ou si
l’on n’a pas voulu me comprendre ; je ne sais pas si mon intention n’a pas été
méconnue. Loin de moi de ne pas vouloir améliorer la position des
ecclésiastiques ; dans plusieurs circonstances ils méritent d’être secourus ;et
je donnerai mon assentiment à toute mesure tendant à récompenser de longs
services. Mais actuellement il s’agit de savoir quels sont ceux qui ont droit à
la pension ; et c’est pour résoudre cette question que j’ai demandé des
renseignements.
Le
ministre des finances a pris la parole pour un fait personnel ; mais, en
exposant mon opinion, je me suis adressé au ministère et non à un ministre. Il
a cité l’article 117 de la constitution : il n’y pas l’ombre d’un doute que
ceux qui ont droit à la pension doivent s’adresser à l’Etat, et que l’Etat doit
les payer ; mais la question n’est pas là.
M. le ministre de l’intérieur n’est pas tout à
fait d’accord avec l’honorable M. de Foere qui nous dit que les ordinations
sont faites selon les règles ; j’aime à croire qu’il en est ainsi et que chacun
fait son devoir ; j’aime à croire que l’on produit toujours les titres de
famille ; quoi qu’il en soit, il m’est permis de demander des renseignements
sur ces points-là ; de demander si les ordinations faites avant l’âge peuvent
donner droit à la pension. Je n’ai pas les connaissances de l’honorable M. de
Foere dans ces matières ; mais dès que la loi prescrit tel âge, s’il y a
dispense, elle ne résulte pas de l’ordination même ; il faut qu’elle soit
explicite.
On
assure qu’il faut un supplément pour les pensions arriérées ; que ces pensions
sont liquidées d’après l’arrêté de 1816, soit ; mais quels sont ceux qui
doivent avoir des pensions ? C’est ce que j’ignore. Aussi je demande des
renseignements. Je le répète, je ne refuserai pas des pensions à ceux qui ont
droit d’en avoir, et c’est ce droit qu’il faut me prouver.
M. le ministre de
l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux).
- Je dirai deux mots seulement ; il ne faut pas que l’on croie qu’il soit
difficile de répondre aux objections que l’on fait. Il n’y a aucune dissidence
en fait et en droit, entre ce que j’ai exposé et ce qu’a dit M. de Foere : j’ai
dit que ce que l’on appelle le titre de prêtrise, consistant en 200 ou 300
francs de rente viagère, était une affaire de famille, de dignité
ecclésiastique, et avait pour but de prouver que celui qui recevait les ordres
n’était pas dans un état voisin de la misère, et ne s’y trouverait pas. Mais la
chambre n’a point à s’occuper de cela.
Le
projet de loi a pour but de mettre le gouvernement à même de payer aux
ecclésiastiques qui ont rempli des fonctions actives de vicaires, de curés, les
pensions auxquelles ils ont droit par suite de longs services rendus. Et si M.
Verhaegen avait lu l’exposé des motifs, il aurait vu que ces ecclésiastiques,
au lieu de recevoir des pensions, n’ont reçu que des secours provisoires, et
qu’il s’agit maintenant de compléter ces secours.
La
chambre se rappellera que dans une de ses précédentes séances, j’ai annoncé le
projet en discussion. Les ecclésiastiques ne peuvent souffrir de ce que la
chambre ne s’est pas encore occupée d’une loi qui règle leurs pensions ; ils
puisent leurs droits dans la constitution ; et en attendant que la loi des
pensions soit faite, ils ont droit à une liquidation conforme à l’arrêté de
1816.
M. de Foere. - Nous ne sommes
plus en désaccord avec l’honorable membre que sur deux points. Si des
dispenses, a-t-il dit, ont été accordées, elles n’existeraient que par l’inobservance
de la loi ecclésiastique. Mais je lui ai déjà fait observer que ces dispenses
ne sont accordées qu’en vertu de la loi ecclésiastique même. Mon honorable
adversaire sait aussi bien que moi que, lorsque l’exception est établie par la
loi même, elle est légale dans son application. Si donc des dispenses ont été
accordées. elles n’ont pas été obtenues contre la loi ou par l’inobservance de
la loi. Son objection n’est donc pas recevable. Mais il voudrait que le
gouvernement et la chambre prissent des informations qui auraient pour but
d’examiner si les évêques se sont conformés aux lois ecclésiastiques. Ici
l’honorable membre est arrêté par la constitution du pays. Elle s’oppose
formellement à ces investigations. L’article 16 dit en termes propres : « L’Etat
n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination ni dans l’installation des
ministres d’un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec
leurs supérieurs. » Or, si l’Etat n’a pas ce droit, la chambre ne peut l’avoir-
La proposition de l’honorable membre est donc tout à fait inconstitutionnelle.
M.
Dubus (aîné). - On a parlé, messieurs, d’une question tout à
fait neuve ; mais à coup sûr le projet de loi qui nous est soumis ne présente
rien de nouveau ; vous avez déjà, à l’unanimité et sans contradiction de la
part de qui que ce soit, voté plusieurs lois qui avaient pour objet des secours
à accorder à titre de pension aux ministres du culte ; plusieurs rapports sur
les budgets de l’intérieur ont traité cette question à diverses reprises ; si
donc quelque chose devait étonner ici, c’est que l’opposition vienne si
tardivement, alors qu’il n’y a pour ainsi dire plus de question, puisqu’il y a
eu à plusieurs reprises décision de la législature.
Plusieurs
arrêtés relatifs aux pensions ont été portés sous le roi Guillaume ; il y en a
un de 1814, qui concerne les pensions civiles ; un autre de 1814 ou 1815,
concernant les pensions militaires ; un de 1816, relatif aux pensions
ecclésiastiques, et un enfin de 1816 ou 1817, sur la caisse de retraite ; eh
bien, messieurs, les arrêtés qui concernent les pensions civiles et les
pensions militaires sont exécutés sans aucune opposition ; l’arrêté de 1816,
sur les pensions ecclésiastiques n’ayant pas force de loi, et la constitution
portant qu’aucune pension ne peut être accordée qu’en vertu d’une loi, on n’a
pas pu, depuis l’établissement de la constitution, donner des brevets de
pensions aux ecclésiastiques qui, par leur âge avancé ou leurs infirmités,
venaient cesser leurs fonctions ; on a
reconnu que jusqu’à ce qu’il fût fait une loi sur les pensions ecclésiastiques,
il fallait donner à titre de secours ce qui, sous l’empire de l’arrêté de 1816,
avait été donné à titre de pension ; sur ce point on n’a qu’à consulter les rapports
sur les budgets de 1832 et 1833, où la question a été traitée mûrement et
décidée dans le temps que je viens d’indiquer.
On
a parlé de favoritisme. Mais, messieurs, il suffit de comparer le taux des
pensions ecclésiastiques avec le taux des autres pensions pour voir de quel
côté se trouve le favoritisme, à coup sûr ce n’est pas du côté des premières.
On
a fait une incursion dans le droit canonique, on est remonté au concile de
Trente, on a parlé du synode de Malines ; on a parlé de textes d’après lesquels
il y aurait lieu à ne pas accorder telle ou telle pension. Des développements
dans lesquels on est entré à cet égard, il résulterait qu’avant d’accorder une
pension, le gouvernement devrait examiner si l’évêque a eu le droit d’ordonner
prêtre celui qui demande la pension ; voilà, je pense, la conclusion du
discours de l’honorable député de Bruxelles.
Je
m’étonne qu’il ait attendu jusqu’à présent pour soutenir cette opinion, il en
avait une plus belle occasion lors de la discussion du budget, avant de voter
le chiffre du culte catholique, il aurait dû demander à M. le ministre de
l’intérieur des renseignements sur le point de savoir s’il s’était assuré que
tous les prêtres pour lesquels il demandait des traitements au budget eussent
été ordonnés canoniquement.
Il
faudra donc établir au ministère de l’intérieur un bureau composé d’hommes qui
ont étudié le droit canonique, qui connaissent parfaitement les décisions du
concile de Trente et du synode de Malines, un bureau qui serait chargé de la
révision des titres ecclésiastiques ; tout cela apparemment en vertu de
l’article de la constitution qui repousse tout intervention du gouvernement
dans la nomination des ministres du culte !
Mais,
messieurs, l’église est libre d’établir telles règles qu’elle juge convenables
pour la nomination aux fonctions ecclésiastiques, et le pouvoir civil n’a aucun
droit d’intervenir dans cette nomination ; l’ordination des prêtres concerne
les évêques et ne peut à coup sûr pas être soumise à la révision ni à la
sanction du gouvernement ; c’est cependant là que l’honorable préopinant
semblerait vouloir en venir. Je n’ai aucune crainte qu’un semblable système
puisse jamais prévaloir, cependant les observations de l’honorable membre
peuvent nous donner une idée des vues et des tendances de certaines personnes.
Qu’un
évêque ait conféré les ordres sacrés à un prêtre qui n’avait point le titre
clérical ou l’âge requis, qu’importe au pouvoir civil si ce prêtre exerce des
fonctions, s’il est reconnu par l’évêque ? Si ce prêtre occupe les fonctions
rétribuées par l’Etat, il doit recevoir son traitement sans que le gouvernement
ait à s’occuper de la question de savoir si sa nomination a eu lieu d’après
toutes les formalités canoniques.
La
question du titre clérical a paru intéressante à l’honorable membre sous un
autre point de vue ; « pourquoi, dit-il, accorder une pension à celui qui
a un titre clérical au moyen duquel il peut vivre ? » Il me semble qu’on
pourrait agrandir la question et l’agrandir d’une manière très notable, car le
chiffre des pensions ecclésiastiques auxquelles s’applique la réflexion de
l’honorable membre, est assez restreint, mais le chiffre des pensions civiles
et militaires données à des individus qui ont de quoi vivre est très élevé.
Cependant personne n’a jamais prétendu qu’il
fallait refuser les pensions civiles et militaires à ceux qui ont d’autres
revenus ; c’est seulement pour les pensions ecclésiastiques qu’on voudrait
adopter cette règle ; il me paraît que c’est là tout autre chose que du
favoritisme. Quant aux fonctionnaires civils ou militaires, peu importe s’ils
sont riches ou pauvres, la pension leur est due, mais pour les ecclésiastiques,
c’est différent ; parce que ceux-ci doivent avoir un titre clérical, constatant
qu’ils possèdent 2 ou 300 fr. de revenu, il faut leur refuser la pension ! Je
m’étonne, messieurs, qu’on puisse sérieusement vous exposer un pareil système,
et je pense que vous n’hésiterez pas à voter un projet de loi qui n’a rencontré
que de semblables objections. (Aux voix !
Aux voix !)
M.
Verhaegen. - Je n’ai qu’un mot à dire. Je regrette,
messieurs, que quand je discute consciencieusement une question, on ne puisse
pas me répondre froidement ; j’ai rencontré un adversaire très loyal en
l’honorable M. de Foere ; mais l’honorable M. Dubus me fait dire des choses
auxquelles je n’ai pas songé. D’abord, je rappellerai à l’assemblée que le mot
favoritisme n’est pas sorti de ma bouche ; en second lieu, l’honorable membre
parle « des vues et des tendances de certaines personnes ; » c’est là
une réticence et les réticences sont plus mauvaises que des assertions ; s’il
m’attribue telle ou telle tendance, qu’il le dise franchement, je ne suis pas
capable de dissimuler à cet égard ; quand j’ai des vues et des tendances, je ne
les cache pas, je les expose ouvertement, et j’engage l’honorable préopinant à
en faire autant. (Aux voix ! aux voix !)
M. le
président. - L’article premier est ainsi conçu :
« Il
est ouvert au département de l’intérieur un crédit de 15,000 fr., à l’effet de
solder les arriérés dus jusqu’au jour de leur décès à des ecclésiastiques, à
titre de secours tenant lieu de pension. »
Si
personne ne demande la parole sur cet article, je vais le mettre aux voix.
Des
membres. - La chambre n’est plus en nombre.
D’autres
membres. - L’appel nominal sur l’article premier !
-
Il est procédé à l’appel nominal, qui constate la présence de 51 membres.
En
conséquence, il n’est pas pris de résolution.
La
séance est levée à 4 heures est demie.