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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 2 avril
1838
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment
pétition relative au canal de Zelzaete à la mer du Nord (Lejeune)
2) Prise en considération de demandes en
naturalisation ordinaire. Annulation du scrutin par insuffisance du quorum
(règlement de la chambre) (Gendebien, Van Volxem, Devaux, Dumortier, Verhaegen, Devaux, de Jaegher, Dumortier, de Brouckere, Lebeau, Dumortier, Devaux, de Brouckere, de Jaegher, Verhaegen, Dubus (aîné), Gendebien, Lebeau, Dumortier, de Jaegher)
(Moniteur belge n°93, du 3 avril 1838)
(Présidence
de M. Fallon.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à 2 heures.
M.
Lejeune donne lecture du procès-verbal de la dernière
séance. La rédaction en est adoptée.
M.
de Renesse donne communication des pièces suivantes
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Des
habitants de la commune de Bouchaute demandent la construction d’un canal de
Zelzaete à la mer du Nord. »
________________
« Les
greffiers des justices de paix de l’arrondissement de Verviers demandent une
augmentation de traitement proportionnée à leurs travaux et à leur
position. »
________________
« La chambre de commerce et des fabriques
de Venloo adresse des observations sur le projet de loi relatif aux droits
d’entrée sur les bois étrangers. »
________________
« Des habitants de Namur demandent que la
chambre s’occupe de la loi relative à la compétence civile et à l’organisation
des justices de paix. »
« Le sieur Heuvels, à Malines, demande
que des pensions soient accordées aux blessés de la révolution qui ont été
oubliés. »
________________
-
Sur la demande de M. Lejeune, la pétition
concernant le canal de Zelzaete est renvoyée à la section centrale chargée de
l’examen du projet de loi relatif à ce canal.
La
pétition concernant le projet de loi sur les bois étrangers restera déposée sur
le bureau pendant la discussion de ce projet.
Les
autres pétitions sont renvoyées à la commission.
________________
M.
Raikem demande un congé pour ce jour.
PRISE EN CONSIDERATION DE DEMANDES EN NATURALISATION
ORDINAIRE
M.
Lejeune, rapporteur de la commission des naturalisations,
présente douze rapports sur douze demandes en naturalisation des sieurs J.-B.
Tulle, L.-D. Vermandel, J. Very, J. Vandenbergh, F.-X. Verlet, A. Van Zeeland.
C. Vandenhof, A.-L. Witkam, J. Thus, U.-S.-A. Buffen, J.-B. Rogessart, H.-A.
Renaud.
-
La chambre en ordonne l’impression et la distribution aux membres.
M.
Desmet, rapporteur de la même commission, présente
trois rapports sur des demandes de même nature.
-
La chambre en ordonne également l’impression et la distribution.
__________________
Il
est procédé à un scrutin de liste pour la prise en considération des demandes
en naturalisation ordinaires formées par :
M.
Soyez (Charles ), à Tilleur (Liége),
M.
Bryckx (Désiré-François-Guillaume), fabricant de tabac, à Furnes,
M.
Drumel (Louis-Joseph), cultivateur, à Vehir (Ciney),
M.
Dubrule (Auguste-Joseph), cultivateur à Ramegnies-Chin,
M.
Dubrule (Jean-Baptise-Joseph), cultivateur à Ramegnies-Chin,
M.
Lefebvre (Robert-Francois-Joseph), cultivateur, à Hérinnes,
M.
Beaufort (Léonard), adjudant sous-officier de la deuxième légion de la garde
civique sédentaire, à Bruxelles,
M.
Delval (Edouard-Charles-Antoine)., instituteur, à Genappe,
M.
Baux (Henri-Joseph), instituteur, à Florennes,
M Robert (Eug.-Louis-François), employé au
ministère de l’intérieur, à Bruxelles,
M.
Biolley (Thomas), commis attaché à la maison Biolley, à Verviers,
M. Jeannin (Ernest), sergent d’artillerie de
siège, à Anvers,
M.
Debroick (H.), major pensionné, à Namur,
M.
Detraud (Marie-Joseph-Abel), instituteur, à Ville-Pommeroeul (Dinant),
M.
Benda (Maurice), négociant, à Bruxelles.
M. le
président. - 53 membres ont pris part au vote ; cependant
il résulte du rapport du bureau qu’on n’a trouvé que 50 bulletins dans l’urne.
M. Gendebien.
- Messieurs, avant de proclamer le résultat du vote, il y a une question
préalable à examiner, celle de savoir si le scrutin est valable, et je doute
beaucoup qu’il puisse être considéré comme tel : le bureau atteste que 53
membres ont répondu à l’appel, mais cela ne suffit pas pour déterminer le
nombre des votants, puisqu’il y a un fait matériel qui est en opposition avec
cette déclaration. Il faut, aux termes de la constitution, que 52 membres, au
moins, aient réellement pris part au vote : or, vous ne pouvez pas mieux
constater le nombre des personnes qui ont pris part au vote qu’en comptant le
nombre des bulletins qui ont été trouvés dans l’urne. Eh bien, on n’en a trouvé
que 50, et dès lors il est évident qu’il y a eu erreur dans le relevé des
votants ou que des bulletins ont été égarés ; il y a tout au moins incertitude
sur le nombre des votants. Dans l’un comme dans l’autre cas, il me semble que
le scrutin doit être annulé. Je demande donc que la chambre soit avant tout
consultée à cet égard.
M. le président. - Il y a bien
réellement 53 membres qui ont été appelés et qui ont mis la main dans l’urne.
M. Van Volxem. - Il me paraît évident,
messieurs, que le scrutin est valable ; il ne s’agit que de savoir si au moment
où l’on a procédé au vote, il y avait un nombre de membres suffisant pour
constituer la chambre ; or, 53 membres ont été appelés, se sont présentés au
bureau, ont voté ou on fait le simulacre de voter ; maintenant trois de ces
membres n’ont fait que mettre la main dans l’urne sans déposer de bulletin,
cela est tout à fait indifférent, c’est comme s’ils avaient remis un billet
blanc ; il suffit que la chambre fût composée de plus de 51 membres pour que le
vote soit valable,
M.
Devaux. - Je pense, messieurs, que pour rendre le
scrutin valable, il faut une preuve que le nombre de membres nécessaire pour
voter ont réellement pris part au vote ; eh bien, messieurs, la preuve de ce
que tel ou tel nombre de membres ont voté, c’est le nombre des bulletins ;
celui qui veut s’abstenir peut déposer un billet blanc, mais celui qui ne
dépose aucun billet quelconque ne veut pas être considéré comme ayant pris part
au vote. Je pense donc qu’il y a lieu d’annuler le scrutin.
M. Dumortier.
- Il est certain, messieurs, que du moment que le bureau a constaté que 53
membres ont pris part au scrutin, le scrutin est valable ; si maintenant il y a
des personnes qui, ne voulant voter ni dans l’un ni dans l’autre sens, ont
simplement mis la main dans l’urne, ces personnes se sont abstenues, et cela ne
peut pas annuler le vote. N’arrive-t-il pas souvent, quand nous votons par
assis et levé, ou par appel nominal, que le nombre des membres qui votent pour
ou contre, ne soit pas de 52, sans que pour cela il puisse y avoir le moindre
doute sur la validité du vote ? Si nous étions 53 pour voter sur un projet de
loi et que 4 ou 5 personnes s’abstinssent, quelqu’un songerait-il à objecter
que le vote n’est pas valable ? D’ailleurs la question a été décidée
spécialement en ce qui concerne les naturalisations ; il y a environ deux mois
que, sur la proposition de l’honorable M. de Brouckere, la chambre a décidé que
les billets blancs devaient être comptés dans le relevé des personnes qui ont
pris part au vote, qu’ils devaient être considérés comme des abstentions ; or,
je le demande, déposer un billet blanc ou mettre simplement la main dans
l’urne, n’est-ce pas la même chose, n’est-ce pas faire acte de présence et
déclarer qu’on ne veut voter ni pour ni contre ?
Il
me paraît donc, messieurs, qu’on ne peut pas contester la validité du scrutin
et qu’il faut l’admettre comme valable, si l’on ne veut pas se mettre en
opposition avec une décision antérieure et avec tous les antécédents de la
chambre.
M. Verhaegen.
- Quand il y a un ou plusieurs bulletins blancs et qu’on les joint aux
bulletins qui portent quelque chose, il y a un nombre de votants légalement
reconnu ; mais quand il y a des bulletins qui manquent, alors il n’y a rien de
certain, rien de légal. Comme, dans toutes les opérations de ce genre, on ne
remet pas le bulletin au président, et que l’urne se trouve placée un peu plus
bas que le bureau, il est possible que le bureau ait annoté la déposition dans
l’urne d’un certain nombre de bulletins, et que, par une circonstance
quelconque, le nombre s’est trouvé en définitive diminué d’un ou de deux.
M.
Devaux. - Pour toute opération de ce genre, la
première condition, c’est que le nombre de bulletins soit exactement conforme
au nombre de votants ; si cette condition n’est pas remplie, l’opération est
nulle.
M. de Jaegher.
- On a invoqué un précédent ; on a prétendu que pareille chose avait été
antérieurement admise ; je crois devoir rétablir à cet égard l’exactitude des
faits.
Dans
le cas auquel on a fait allusion, l’urne n’accusait pas un nombre de bulletins
inférieur à celui des votants ; mais il y avait dans l’urne plusieurs billets
blancs. La question a été de savoir si ces billets étaient valables. La chambre
a décidé que non, et dans ce sens elle a très bien fait ; mais elle ferait mal,
si elle entendait agir dans le sens de M. Dumortier.
M.
Dumortier. - Si j’ai cité le précédent dont il s’agit,
c’a été pour faire voir que la chambre admettait que les abstentions faisaient partie
du scrutin. Les personnes qui s’abstiennent sont censées prendre part un
scrutin, S’il n’en était pas ainsi, il dépendrait toujours de plusieurs
personnes (alors que la chambre ne serait qu’au nombre exigé par la
constitution) d’annuler un scrutin. Or, cela n’est pas admissible.
M.
de Brouckere. - Messieurs, je n’étais pas dans la salle
quand mon nom a été cité. On prétend que j’ai soutenu qu’une opération pouvait
être valable, alors qu’il n’y avait pas dans l’urne un nombre de billets égal à
celui des votants ; je n’ai jamais soutenu cela.
M.
Dumortier. - Vous avez soutenu que lorsqu’un billet blanc
était dans l’urne, il devait compter.
M. de Brouckere. - Oui, et je
persiste dans cette opinion. Quand on dépose un billet blanc, on fait acte de
présence, et on fait partie du nombre des membres nécessaires pour que la
délibération soit valable. Mais quand le nombre des bulletins n’est pas
conforme à celui des votants, il n’est pas constant que tous les membres
étaient présents.
M.
Dumortier. - C’est dire que le bureau s’est trompé ;
c’est révoquer en doute la véracité du bureau.
M.
Lebeau. - Je crois qu’il y a présomption que le bureau
s’est trompé. Il y a ici un fait matériel qui parle plus haut que toutes les
conjectures, et qu’on ne peut détruire que par d’autres preuves matérielles,
c’est le nombre des bulletins. Il est impossible de constater légalement le
nombre des votants. Il n’y a pas la moindre analogie entre le cas dont il
s’agit et celui de l’abstention : lorsqu’on s’abstient, c’est un fait constaté
par le bureau, à la face de l’assemblée.
Le premier préopinant s’est surtout appuyé sur
cette comparaison : que celui qui n’avait pas voté était dans le cas de celui
qui s’était abstenu. Cela serait vrai si ce fait était public, comme
l’abstention. Lorsqu’à l’appel de son nom, chacun des membres qui n’ont pas
voté eût dit : Je ne vote pas ; c’était un fait patent, comme l’abstention.
Mais ici nous sommes réduits aux conjectures, si nous voulons consulter les
souvenirs du bureau ; tandis que d’autre part il y a des faits qui, dans toutes
les circonstances analogues, ont entraîné l’annulation du scrutin.
Je
crois qu’il faudra absolument annuler le scrutin.
M. Dumortier. - Si l’on demande
l’annulation, c’est faire la guerre à la véracité du bureau. (Non ! non !)
Le
bureau déclare qu’il a reçu une note nominative constatant qu’il y a eu 53
votants, et l’assemblée doit s’en tenir à cette déclaration.
L’honorable
préopinant prétend qu’il n’y a pas la moindre analogie entre l’acte du député
qui s’abstient, et l’acte de celui qui ne vote pas ; il n’y a, selon moi,
aucune différence. Je l’ai déjà dit, et je le répète, lorsqu’ii n’y aurait dans
la salle que le nombre de membres strictement voulu par la constitution, il
dépendra toujours d’une seule personne d’annuler tous les scrutins.
On
doit donc admettre que celui qui dépose un billet blanc s’abstient, comme celui
qui ne vote pas. On peut dire le contraire, mais on ne saurait le prouver.
M. Devaux.
- L’inconvénient dont parle M. Dumortier n’existe pas, puisqu’il y a une
formalité qu’on a tort de ne pas suivre : il faut dans toute opération de ce
genre qu’on remette ce bulletin au président qui n’annonce, comme ayant voté,
que ceux des membres qui lui ont remis un bulletin.
M. de Brouckere.
- Personne ne révoque en doute la véracité du bureau. On a dit simplement que
le bureau pouvait se tromper ; et véritablement, de la manière dont l’opération
se fait, le bureau peut se tromper ; il est possible qu’on ait marqué une
personne qui n’ait pas voté.
On
objecte que lorsqu’il n’y aura que 52 membres présents, il dépendra d’un membre
d’annuler le scrutin. S’il veut annuler le scrutin, il n’est pas obligé de
tricher et n’a qu’à sortir de la salle.
M. de Jaegher. - Je voulais faire la
même observation que M. Devaux. Je crois que dans des circonstances à peu près
analogues, il a été admis que les bulletins seraient remis entre les mains du
président. Je crois que ce mode pourrait être également appliqué au présent
cas.
M.
Verhaegen. - M. Lebeau vous a dit tout à l’heure qu’il y
avait présomption que le bureau s’était trompé ; eh bien, je joins à cette
observation un fait qui m’est personnel : je me trouvais à côté de M. Devaux,
j’avais voté, et cependant on a appelé une seconde fois mon nom. C’est donc là
une erreur matérielle qui, indépendamment des observations qui ont été faites,
est de nature à convaincre la chambre que le bureau s’est trompé dans l’espèce.
M.
Dubus (aîné). - Messieurs, la question paraît en effet celle
de savoir s’il y a présomption que le bureau s’est trompé : quant à moi, je
n’admets pas cette présomption. Quand nous votons des lois par appel nominal,
la déclaration du bureau fait preuve ; le bureau déclare que plus de 53 membres
ont pris part à l’appel nominal ; que tant de personnes ont répondu oui, et que
tant de personnes ont répondu non. Je demanderai pourquoi la déclaration du
bureau, que 53 membres ont pris part au scrutin, ne ferait pas également preuve.
Mais,
dit-on, il y a un fait matériel contre la présomption d’exactitude du bureau,
c’est qu’il ne s’est pas trouvé 53 bulletins dans l’urne. Si vous aviez
prescrit comme moyen de constater le nombre des votants qu’il entrera dans
l’urne autant de bulletins qu’il y aura de membres qui prendront part au vote,
vous auriez un fait matériel que vous pourriez opposer à la note tenue par le
bureau. Mais vous n’avez pas établi ce moyen de contrôle. Chacun a droit de
s’abstenir ; il peut le faire de différentes manières, en déclarant tout haut
qu’on ne vote pas ou autrement. Si quelqu’un avait déclaré qu’il ne votait pas,
il compterait dans le nombre de membres nécessaire pour valider un vote.
Cependant son bulletin ne se trouvant pas dans l’urne, il en résulterait que le
nombre des bulletins ne serait pas conforme au nombre des votants. On peut
s’abstenir en déposant un billet blanc, et il y a une troisième manière de
s’abstenir, qui est de ne pas déposer de bulletin.
Cela
ne se présume pas, dit-on ? Pourquoi cela ne se présume-t-il pas ? Pourquoi
prétendez-vous qu’on n’a pas à se présenter devant l’urne sans y déposer de
bulletin ?
J’entends dire que c’est un moyen frauduleux.
Mais emploie-t-on un moyen frauduleux quand on dépose un bulletin blanc ? Celui
qui dépose un bulletin blanc le plie comme un bulletin véritable, il fait le
simulacre de voter, il fait tout ce que fait un homme qui vote. Vous admettez
qu’il s’est abstenu et qu’il n’a pas employé un moyen frauduleux. S’il ne met
rien dans l’urne, pourquoi cette manière de s’abstenir serait-elle considérée
comme frauduleuse, et pourquoi n’userait-on pas de ce moyen ?
On
dit qu’on devrait faire comme dans d’autres élections, remettre son bulletin au
président qui le déposerait dans l’urne. Il y aurait alors moyen de constater
qu’il y a autant de bulletins que de personnes qui se sont présentées pour
voter. Mais, en pareille matière, on n’ajoute pas aux dispositions du
règlement. On n’exécute que les dispositions qu’il renferme. Le règlement
n’ayant pas prescrit cette forme, on n’a pas pu la suivre. Cette forme n’ayant
pas pu être suivie, il en résulte qu’il n’a pas pu être constaté combien de
bulletins avaient été déposés dans l’urne. La conséquence est que vous ne
pouvez pas opposer le nombre des bulletins trouvés dans l’urne, conclure qu’il
y a présomption d’inexactitude dans la déclaration du bureau.
M.
Gendebien. - On a dit que toute la question était de
savoir s’il y avait présomption que le bureau s’était trompé. D’abord, je dirai
que je ne vois pas pourquoi on s’est établi sur ce terrain. Qu’a-t-on dit pour
établir qu’il n’y avait pas présomption d’erreur de la part du bureau ? On a
prétendu qu’il ne pouvait pas y avoir présomption que le bureau s’est trompé,
parce quand on vote par oui et par non pour les lois, on s’en rapporte toujours
à la déclaration du bureau. Mais, dans le cas où il serait douteux que la
chambre fût en nombre, si, après l’appel nominal, des membres pensaient que le
bureau s’est trompé, ne serait-il pas libre à ces membres de dire : Le bureau
s’est trompé en accusant la présence de 52 membres, nous ne sommes que 51 ?
Personne, à coup sûr, n’imaginerait de soutenir l’infaillibilité du bureau ; on
n’hésiterait pas à constater l’erreur en faisant le réappel. Là, le remède est
à côté du mal. Une preuve matérielle constaterait qu’il y a ou qu’il n’y a pas
erreur. Ici vous n’avez pas ce remède ; vous n’avez pas de moyen de constater
le nombre des votants qui ont réellement participé au scrutin. Il n’y a pas, dit-on,
présomption que le bureau s’est trompé ; moi je dis qu’il y a quelque chose de
plus, il y a un fait matériel qui prouve que le bureau a dû se tromper. Mais
qu’il se soit trompé ou non, il n’y a que 50 bulletins dans l’urne : si on peut
établir qu’on était en nombre, j’admets tout ce qu’on a dit sur les diverses
manières de s’abstenir ; j’admets à cet égard tout ce qu’on veut ; mais vous ne
pouvez pas établir qu’on fût en nombre ; vous devez en convenir, vous n’avez
tout au plus à cet égard qu’une présomption incertaine ; or, la constitution
veut le fait positif, non contesté, de la moitié plus un.
On
vous dit : « Si un membre, si deux, si trois qui ont fait le simulacre de
voter (si tant est qu’ils se soient présentés pour voter), si, dit-on, ces
membres avaient déclaré qu’ils ne voulaient pas voter, dans ce cas, vous
dit-on, il n’en serait pas moins constant qu’on aurait voté à 53 ou 54 membres.
» Cela est incontestable ; mais aussi vous auriez, dans ce cas, la preuve
matérielle qu’il y avait 53 ou 54 votants ; la présence des déclarants est un
fait incontestable, tandis qu’ici vous n’avez pas la preuve que tel était le
nombre des membres présents.
Vous
n’avez que 50 bulletins dans l’urne, et personne n’a déclaré qu’il ne voulait
pas voter. Il y a donc dans l’exemple posé une preuve matérielle que les
membres présents sont en nombre suffisant pour voter, tandis que dans la
question actuelle il y a un fait matériel qui constate que le nombre des
votants était insuffisant. Toute la question se réduit, ainsi que je l’avais
dit en commençant : Pouvons-nous faire quelque chose de valable à moins
d’être 52 membres présents ? Il est évident que non. Oui, il est évident que
nous manquons d’éléments pour constater que nous étions 52 votants.
Peut-on admettre une présomption en présence
d’une preuve matérielle contraire ? C’est impossible. Si la note des votants
prise par le bureau est exacte, il faut qu’il y ait eu tricherie ou fraude
comme on vous l’a dit tout à l’heure. Quelle garantie avez-vous dès lors qu’un
réappel n’amènera pas une nouvelle fraude ? Comment constaterez-vous l’identité
des votants avec ceux qui répondraient au réappel qu’on propose de faire ? Il
résulte de l’état des choses une incertitude, et nous ne pouvons pas prendre
une disposition législative quelconque soit pour une naturalisation, soit pour
une loi, quand nous sommes incertains sur le nombre nécessaire pour la validité
de notre vote. Je crois donc que le scrutin est nul, et je ne comprends pas la
persistance qu’on met à vouloir s’opposer à ce que l’on recommence une
opération où il s’agit tout bonnement de déposer de nouveaux bulletins dans
l’urne.
M.
Lebeau. - Je veux partir de la supposition que j’ai
combattue tout à l’heure, que le bureau ne se soit pas trompé. Par cela seul
qu’il y a 50 bulletins dans l’urne, quand on annonce 53 votants, que 3 membres
qui avaient la faculté de sortir ou de s’abstenir, ou de déclarer qu’ils ne
votaient pas, n’ont rien fait de semblable, ont préféré se jouer de la chambre
en faisant semblant de voter, ou que, dans l’opération assez longue du
dépouillement du scrutin, des bulletins se soient égarés, j’aime mieux adopter
cette conjecture que de supposer que 3 membres n’ont pas eu la bonne foi de
sortir ou de s’abstenir ou de déclarer qu’ils ne voulaient pas voter, et ont
préféré faire croire qu’ils votaient ; qu’ils se sont joués de la chambre, se
sont conduits comme des enfants : supposant que le bureau ne se soit pas
trompé, mais que les bulletins aient été égarés, le scrutin doit être annulé ;
car comment compterez-vous les bulletins censés perdus ?
Dans quelque position, il est impossible de
reconnaître la validité de ce scrutin, et je me joins aux honorables
préopinants pour demander qu’il soit annulé.
Plusieurs voix. - La clôture ! la
clôture !
M.
Dumortier. - Je demande la parole.
M.
de Jaegher. - Vous avez déjà parlé trois fois.
M.
Dumortier. - Eh bien, je parlerai une quatrième.
M.
de Jaegher. - Nous demandons la clôture.
M.
Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture ; je
dois dire que l’honorable M. Lebeau, M. de Jaegher et M. Dolez...
Plusieurs
membres. - Ce n’est pas la clôture.
M.
de Jaegher. - Parlez sur la clôture.
M.
Dumortier. - Ce n’est pas à vous à me rappeler à la
question. Je ne connais d’autre autorité que celle du président.
L’honorable
M. Lebeau vient de donner un argument qui me paraît contraire à l’opinion qu’il
a émise tout à l’heure, Je crois pouvoir le rétorquer d’une manière
péremptoire, et je demande à l’assemblée la permission de le faire.
-
La clôture est mise aux voix et prononcée, Le scrutin est ensuite annulé.
M. le
président. - Il est impossible de recommencer
l’opération. Car il faut faire réimprimer les bulletins.
-
La séance est levée à 4 heures.