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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 7
février 1838
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment
pétitions relatives à des créances arriérées (Liedts)
2) Motion d’ordre relative au renchérissement
des houilles (Doignon, de Theux,
Rogier)
3) Projet de loi portant des modifications au
tarif des douanes. Second vote des articles. Fils de laine (Lardinois, Lebeau, d’Huart, Verdussen, Demonceau, Lebeau, Lardinois, d’Huart, Dumortier, Lebeau), fils de lin (Zoude)
4) Projet de loi portant un crédit
supplémentaire au budget du département des affaires étrangères pour l’exercice
1838. Mission extraordinaire à Constantinople
5) Projet de loi portant des modifications au
tarif des douanes. Second vote des articles. Fils de lin (de
Theux, Dumortier, d’Huart,
Desmet, de Theux, Doignon, Verdussen, d’Huart, Desmaisières, d’Huart, Zoude, de
Theux), tapis de laine (Dumortier, d’Huart, Coghen, Rogier,
Coghen, Dumortier, Demonceau, Rogier, Doignon, d’Huart, Doignon), fil de lin (Angillis),
tapis de laine (Rogier, Dumortier,
de Foere, Dumortier, Rogier, d’Huart), fil de lin (de Jaegher, de Theux, Desmet, de Theux, Eloy
de Burdinne, de Brouckere, de
Jaegher), verreries (Rogier, d’Huart,
Coghen, Rogier, Verdussen, Desmet, Coghen, Coghen, d’Huart,
Coghen, Rogier, Coghen,
de Theux, de Brouckere, Desmet, de Theux, Desmet,
d’Huart, Gendebien, d’Huart), draps de laine (Demonceau)
6) Fixation de l’ordre des travaux de la
chambre. Police de la voirie (Nothomb), abonnement sur
les débits de boissons distillées (d’Huart),
eaux-de-vie étrangères (Dumortier)
(Moniteur belge n°39, du 8 février 1838)
(Présidence
de M. Raikem.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à midi 3/4.
-
Il est procédé au renouvellement des sections par la voie du tirage au sort.
M.
Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance
d’hier, dont la rédaction est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions
suivantes.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Les
membres du conseil d’administration des hospices et secours de la ville de
Louvain demandent que la chambre statue sur leur pétition du 21 avril 1837,
tendant à faire interpréter l’article 131 de la loi du 30 mars 1836, relatif à
l’entretien des sourds-muets et aveugles. »
________________
« La
députation permanente du conseil du Limbourg demande l’abrogation de l’article
2 de la loi du 7 ventôse an XII, sur la police de roulage. »
________________
« Le sieur Gérard Aerts, cultivateur à
Pael (Limbourg), réclame le paiement des indemnités qui lui reviennent du chef
des pertes qu’il a essuyées par l’agression hollandaise. »
________________
«
Le sieur Vandendooren (H.-J.), milicien de 1836, de l’arrondissement de
Termonde, demande à être libéré du service de la milice. »
________________
« Les commissaires de police des communes
de St-Nicolas, Beveren, Tamise, Hamme. Alost et Grammont, demandent à être
admis au rang des magistrats et une augmentation de traitement. »
________________
« Un grand nombre d’habitants des communes de
Gothem et Zantbergen demandent que la chambre prenne des mesures pour faire
cesser la cherté des charbons de terre. »
« Des
habitants des communes du canton de Fosses (Namur) demandent qu’il soit pris
des mesures pour faire baisser le prix de la houille. »
« Même
pétition des habitants de Dinant. »
« Le
conseil communal de la ville de Tournay demande qu’il soit pris des mesures
pour faire diminuer le prix de la houille. »
« Des
habitants de la commune d’Oostroosbeke (Flandre occidentale) demandent qu’il
soit pris des mesures pour faire baisser le prix de la houille. »
« La
chambre de commerce de Mons adresse des observations contre les pétitions
tendant à autoriser l’entrée des houilles étrangères en Belgique. »
« La régence d’Anvers demande de nouveau
le paiement d’une créance arriérée, contractée par l’ancien gouvernement, du
chef de loyers communaux. »
-
Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
M.
Liedts. - Je demande le renvoi de cette pétition à la
commission des finances. Si je ne me trompe, l’honorable M. Fallon est chargé
de présenter le rapport sur des pétitions de même nature. Attendu qu’il est
dans l’impossibilité morale de présenter ce rapport, il serait peut-être
convenable qu’un autre membre se chargeât de ce rapport. C’est chose possible ;
car le dossier est à Bruxelles. Veuillez remarquer qu’il s’agit de créances
liquides, qui peuvent être réclamées en justice. Des particuliers sont
intéressés dans ces créances. Il n’est pas certain qu’ils aient tous la
longanimité de la régence d’Anvers. Il est donc à désirer, pour éviter des
frais d’instance, que la chambre s’occupe de ces pétitions. Si les créances
sont justes, la chambre allouera les fonds. Si elles sont contestées, les
parties seront renvoyées devant les tribunaux. De cette manière chacun
obtiendra justice.
-
La proposition de M. Liedts est adoptée.
________________
M. le
ministre de la justice (M. Ernst) adresse à la chambre
les avis des conseils provinciaux sur le projet de loi relatif à une nouvelle
circonscription des cantons de justice de paix.
-
La chambre ordonne l’impression et la distribution des tableaux joints à la
lettre de M. le ministre.
________________
M.
Gendebien adresse la lettre suivante à M. le président :
« Obligé de me rendre au conseil communal, j’ai l’honneur de vous prier de
remettre, à la fin de la séance, la question des glaces et miroirs, si cela est
possible ; je tâcherai d’être à la séance vers 2 heures et demie.
«
Agréez, etc. »
-
Pris pour notification.
MOTION D’ORDRE RELATIVE AU RENCHERISSEMENT DES
HOUILLES
M. Doignon
(pour une motion d’ordre). - Messieurs, depuis le mois d’octobre dernier, un
grand nombre de réclamations ont été adressées à la chambre contre le
renchérissement du prix de la houille. Toutes ces pétitions ont été renvoyées à
la commission des pétitions qui a fait un rapport dont les conclusions ont été le
renvoi au gouvernement. Jusqu’ici nous ne connaissons pas l’opinion du
gouvernement sur cette grave question. M. le ministre des travaux publics nous
a distribué, durant notre séparation, un long rapport sur la question. Mais ce
rapport ne contient aucune conclusion ; il n’indique aucun remède au mal dont
on se plaint si généralement. Je demande si le gouvernement ne fera pas
connaître bientôt son opinion sur cette question. Il importe de faire droit le
plus tôt possible à ces réclamations.
M. le
président. - M. le ministre de l’intérieur et des
affaires étrangères a adressé hier à la chambre cent exemplaires d’un rapport,
avec tableaux à l’appui, sur la question des houilles. Ce rapport sera
distribué aujourd’hui aux membres de l’assemblée.
M. Doignon. - Il est d’usage
que le gouvernement fasse un rapport et qu’il le dépose lui-même sur le bureau.
Dès lors nous avons le droit d’en connaître les conclusions. La question dont
il s’agit est réellement urgente. Il n’y a aucun inconvénient à faire connaître
les conclusions à la séance. Je demande que le gouvernement les fasse
connaître.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Le rapport a, je
crois, été distribué. Il a été adressé hier à la chambre. Ce rapport contient
des renseignements sur les diverses pétitions renvoyées au gouvernement ; mais
il ne contient pas de proposition de la part du gouvernement. Du reste, si
jusqu’à présent il n’a pas été fait de proposition, nous ne déclarons pas qu’il
n’en sera pas fait. Seulement cette question n’est pas encore résolue.
M.
Rogier. - Diverses pétitions ont été adressées à la
chambre sur les houilles. Un rapport a été fait par la commission des
pétitions. Des renseignements ont été fournis par MM. les ministres des travaux
publics et de l’intérieur. Maintenant il faut savoir ce qui va être fait à la
suite de ces divers documents. Il faut savoir si la chambre ne veut s’occuper
de la question des houilles que par voie de renseignements. Cette question,
indépendamment de sa gravité, a une actualité telle que la chambre ne doit pas
tarder à s’en occuper, si elle veut le faire avec opportunité et efficacité.
Comme il paraît que le gouvernement ne veut pas prendre l’initiative dans cette
importante question, il faut que l’initiative vienne de la chambre. Il faut que
l’on décide si l’on s’occupera oui ou non de cette question. Je crois qu’il
importe de donner une réponse aux pétitions adressées, non seulement par des
individus isolés, mais encore par des communes très importantes.
Je
propose donc le renvoi des pétitions relatives aux houilles et des rapports de
MM. les ministres des travaux publics et de l’intérieur sur cette question, à
la commission d’industrie, avec invitation de faire un prompt rapport
accompagné de conclusion.
-
Cette proposition de M. Rogier est mise aux voix et adopté.
Projet de loi portant des modifications au Tarif des douanes
Second vote des modifications apportées au tableau du
tarif
Fils de laine
M.
Lardinois (pour une motion d’ordre). - Il s’est glissé
dans le compte-rendu de la séance d’hier une erreur qu’il importe de signaler.
Le Moniteur indique l’amendement
adopté par la chambre sur la proposition de M. le ministre de l'intérieur en
d’autres termes que ceux dans lesquels cet amendement a été rédigé.
Voici
l’amendement qu’a présenté M. le ministre de l’intérieur, et qui a été adopté
par la chambre :
«
Tissus et étoffes de laine qui ne sont pas classés dans une des catégories
énoncées, ou qui ne sont pas dénommées spécialement dans le tarif, 100
kil., 180 fr. »
M. le
président. - Je ferai observer que l’article a été voté
dans ces derniers termes. Le procès-verbal en fait foi.
M.
Lardinois. - Je ne le conteste pas ; mais il importait
que l’erreur du Moniteur fût
rectifiée.
(Erratum inséré au Moniteur belge °40, du 9
février 1838) L’erreur signalée par M. Lardinois dans la séance du 7 de ce
mois consistait à faire rétablir exactement l’amendement de M. le ministre de
l’intérieur conçu en ces termes
« Tissus
de laine ou de pois et étoffes où ces matières dominent, qui ne sont pas
classés dans une des catégories énoncées, ou qui ne sont pas dénommées
spécialement dans le tarif, les cent kilogrammes, 180 fr. » (fin de l’erratum)
Bonneteries (de laine)
M.
Lebeau (pour une motion d’ordre.) - Puisqu’on signale
des erreurs, je crois devoir en signaler une.
Dans
le projet tel qu’il a été adopté, je crois qu’il s’est glissé une faute
d’impression assez grave relative à une prime d’exportation.
Après
l’article « bonneteries» je lis :
« Le
droit ci-contre sera augmenté à l’égard des provenances de pays où il est
accordé, sur les articles de l’espèce, des primes d’exportation, du montant de
ces primes. »
Je
prie la chambre de remarquer que cet article comprend toute espèce de
bonneterie.
Je ferai remarquer que cette disposition, qui
est un amendement du ministre les finances, était ainsi conçue :
« Le
droit ci-contre, quant aux articles en laine… » Ces derniers mots ont été
omis dans l’imprimé que j’ai sous les yeux ; je demande qu’ils soient
réintégrés.
J’en
appelle à la bonne foi de la chambre. Une prime d’exportation pour les cotons
est tout simplement un drawback, et l’on n’a pas voulu s’occuper de drawback.
Je signale cette erreur, afin qu’on ne puisse s’en prévaloir pour ajourner le
vote définitif de la loi.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je suis auteur de l’amendement, et je n’ai
jamais pu entendre que la disposition s’appliquait à autre chose qu’aux tissus
de laine. Il est vraiment singulier qu’il y ait doute à cet égard lorsque le
simple bon sens suffit pour convaincre qu’il n’a pu être question d’une prime
sur les cotons ; la France n’en produit point, le droit restitué à la sortie ne
constitue donc qu’un simple drawback. Je pourrais défier de trouver un mot dans
la discussion qui a eu lieu, qui puisse faire croire que la disposition
s’applique aux cotons.
M. Verdussen. - Pour que
l’article signifie ce qu’il doit réellement signifier, il suffit de le placer
là où il doit être. Dire : « Le droit ci-contre sera augmenté… » ne
peut s’entendre que d’un droit dont les chiffres sont placés à côté, et non
au-dessus ; car, dans ce dernier cas, il faudrait dire : « Les droits
ci-dessus... » L’article dont il s’agit devrait être placé à la dernière
colonne, à celle des dispositions particulières, et non à la première ou à
celle des désignations d’objets.
M.
Demonceau. - J’ai pris la parole pour appuyer les
observations présentées par M. Lebeau.
Je crois que lorsque l’amendement du ministre des finances a été soumis
à la chambre, il s’appliquait plus particulièrement aux draps. Il a donc été
entendu que la prime de restitution ne concernait que les tissus de laine en
général, et que cela ne s’appliquerait pas aux tissus de lin.
M. Lebeau. - Je pense que
l’observation faite par M. Verdussen est fondée, et qu’il y a ici erreur
matérielle, ou transposition d’une colonne à une autre.
M. le président.
- S’il n’y a qu’erreur d’impression, on la corrigera.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - On a inséré à
tort dans la colonne des désignations une note qui doit être dans la colonne
des dispositions particulières.
M. Lardinois.
- Dans une matière aussi importante, il faut procéder avec circonspection. Je
demande que l’on vérifie dans le procès-verbal les assertions que vous venez
d’entendre. Je pense qu’il ne s’agit pas de tissus de laine, mais bien d’une
prime pour les cotons. Ce n’est pas un drawback.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - Est-ce qu’on fait
du coton en France ?
M.
Lardinois. - C’est une prime accordée aux fabricants qui
exportent. Il s’agit de protéger l’industrie, que ce soit pour le coton ou pour
la laine.
M. Dumortier. - Je demanderai sur
quoi l’on discute ? Nous devons continuer la discussion du projet, et non
revenir sur ce qui a été fait.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - Mais la note est
mal placée.
M.
Dumortier. - Soit, mais la discussion est oiseuse. On
fera les rectifications nécessaires par le moyen du procès-verbal.
M.
Lebeau. - Je ne m’oppose pas à ce qu’on ajourne la
rectification ; mais alors les observations qui se font actuellement se
renouvelleront. Pour éviter la perte du temps, il vaut donc mieux faire la
rectification sur-le-champ. Le contexte même de la disposition signalée prouve
que l’on a placé dans la première colonne du tarif ce qui doit être dans la
dernière, Quant à ce qu’a dit M. Lardinois, je le conteste.
M. le
président. - On va rechercher le procès-verbal.
Fils de lin
M.
Zoude, au nom de la commission d’industrie, présente
un rapport sur les fils de mulquinerie.
-
L’on demande et la chambre ordonne l’impression séparée de ce rapport.
Fils de laine
M. le
président. - D’après le procès-verbal de la séance du 9
novembre 187, il résulte que l’amendement dont a parlé l’honorable M. Lebeau
commençait par ces mots : « Quant aux articles en laine, le droit
ci-contre… » On a supprimé ces premiers mots dans l’imprimé pour éviter un
pléonasme.
Maintenant
est-on d’accord ?
De
toutes parts. - Oui ! oui !
M. le
président. - Alors la faute d’impression qui se trouve
dans le tableau sera rectifiée d’après le procès-verbal, et au vote définitif
on donnera une nouvelle lecture de la loi.
Projet de loi portant un credit supplementaire au budget du departement
des affaires etrangeres pour l’exercice 1838
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) monte à la tribune
et dépose un projet de loi tendant à allouer un crédit de 200,000 francs pour
les frais d’une mission extraordinaire à Constantinople.
-
La chambre ordonne l’impression et la distribution du projet et le renvoie à
l’examen d’une commission qui sera nommée par le bureau.
Projet de loi portant des modifications au Tarif des douanes
Second vote des modifications apportées au tableau du
tarif
M. le
président. - Désire-t-on s’occuper maintenant de la
proposition relative aux fils de lin sur laquelle il a été fait rapport tout à
l’heure ?
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Il est bien
entendu, messieurs, qu’on ne peut s’occuper que de la proposition de
l’honorable M. Dubus, et non pas des propositions qui viennent de nous être
faites par la commission, quant à l’entrée des fils de lin, quant aux étoupes,
etc. ; je demande qu’on fasse de ces propositions l’objet d’un projet de loi
spécial : il est temps de nous arrêter dans ces innovations perpétuelles. Il ne
s’agit en ce moment que de la sortie des fils de lin, et à cet égard il n’y a
aucune objection : les chambres de commerce ont été consultées et elles sont
d’accord pour demander l’adoption de la proposition de M. Dubus. Aussi, je
crois qu’elle sera admise à l’unanimité par la chambre. Mais quant aux
propositions nouvelles de la commission, je demande qu’elles soient ajournées
et qu’on en fasse l’objet d’un projet de loi spécial.
M. Dumortier. - Je dois vous
faire remarquer, messieurs, qu’il ne s’agit pas uniquement de l’amendement de
M. Dubus. L’honorable M. Dubus, M. Doignon et moi, nous avons également
présenté un amendement ; MM. les ministres des finances et de l’intérieur ont
réuni le tout en une seule proposition ; je pense que c’est cette proposition
que nous avons à examiner en ce moment.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - Nous sommes tout
à fait d’accord avec l’honorable M. Dumortier, nous demandons seulement que les
nouvelles propositions de la commission soient renvoyées à un projet de loi
spécial ; il faut bien, en effet, que la chambre prenne enfin un parti pour
toutes ces propositions nouvelles ; il faut bien que nous sortions de la
discussion de la loi des douanes, et nous ne pourrons en sortir qu’en nous en
tenant au projet primitif et aux amendements dont nous avons été antérieurement
saisis.
M.
Desmet. - Il est vraiment déplorable, messieurs, que
M. le ministre de l’intérieur, qui est le protecteur naturel de l’industrie
nationale, vienne ici demander l’ajournement de propositions qui sont tout à
fait dans l’intérêt de l’industrie de la classe pauvre. Je comprendrais encore
les objections de M. le ministre si la chambre n’avait pas décidé qu’elle
s’occuperait de l’amendement de M. Dubus, qui concerne la sortie des fils de
lin ; mais dès qu’on s’occupe de la sortie des fils de lin, je ne vois pas
pourquoi l’on ne s’occuperait pas aussi de l’entrée, et qui pourra me contester
que quand je laisserai présenter un amendement pour la sortie des fils de lin,
je ne pourrai présenter aucun amendement qui modifierait le tarif actuel pour
l’entrée des fils de lin ? La fin de non-recevoir que vient de présenter le
ministre de l’intérieur est vraiment inconcevable ; on dirait bien que dans le
département de l’intérieur il y a deux poids et deux mesures.
Non,
messieurs, ce n’est pas cela ; mais veuillez le remarquer, chaque fois qu’une
proposition est faite en faveur des provinces de Flandre, il est rare qu’elle
soit bien accueillie par le ministre actuel de l’intérieur.
M. le ministre dit pour prétexte qu’il ne
connaît point la portée des propositions que vient de faire votre commission
d’industrie.
Mais
le ministre doit savoir que ce que propose la commission est absolument ce que
demandent nos chambres de commerce.
Mais
soit, il faut prendre patience, et je crois que le ministre n’a pas lu les avis
des chambres de commerce, comme j’ai lieu de croire que ni lui, ni le bureau de
commerce, qui est dans son département ne connaissent toute l’importance de
l’industrie linière ; car il paraît qu’elle n’est pas digne, selon eux, qu’on
s’en occupe, tandis que dans ce département on a trouvé utile de favoriser les
mécaniques à filer le lin, car un individu a touché naguère du gouvernement une
somme de 50,000 fr. pour établir une filerie à la mécanique.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Je ne répondrai
pas, messieurs, aux réclamations vraiment fastidieuses de l’honorable
préopinant, contre notre système en matière de douanes ; je me bornerai à faire
remarquer à la chambre que lorsqu’il s’est agi d’une proposition relative à la
sortie des fils de lin, nous en avons demandé l’ajournement afin que les
chambres de commerce pussent être consultées ; aujourd’hui que cela a eu lieu,
nous pouvons nous occuper de cette proposition, mais il n’en est pas de même de
celles qui viennent de nous être faites par la commission. Nous ne pouvons pas
voter incidemment des dispositions qui changent totalement le tarif quant à
l’entrée des fils de lin, à la sortie des étoupes, sans savoir quelle serait
l’influence de semblables dispositions. Je crois qu’il est temps d’en finir
avec toutes ces propositions nouvelles et que nous devons nous en tenir aux
amendements de MM. Dubus et Dumortier relatifs à la sortie des fils ; quant aux
autres propositions, nous en demandons le renvoi à un examen spécial et
approfondi.
M. le président.
- Je vais mettre aux voix la proposition de M. le ministre de l'intérieur et
des affaires étrangères, par laquelle il demande que la chambre ne s’occupe en
ce moment que de la proposition de M. B. Dubus, et qu’elle renvoie les
nouvelles propositions de la commission à un examen ultérieur pour en faire
l’objet d’un projet de loi spécial.
-
La proposition de M. le ministre est adoptée.
M. Doignon. - Je remarque que
M. le président parle constamment de la proposition qui a été faite par M. B.
Dubus ; je demanderai s’il est entendu qu’on s’occupera également en ce moment
des dispositions qui ont été proposées par M. Dumortier et moi ?
M.
Verdussen. - Messieurs, j’ai cru entendre que M. le
président annonçait à la chambre que c’était sur la proposition du ministre
qu’on allait voter. Eh bien, le ministre a dit qu’il ne comprenait pas
seulement dans sa proposition celle de M. B. Dubus, mais encore celle de MM.
Dubus aîné, Dumortier et Doignon ; par conséquent, cette proposition, telle que
M. le ministre de l'intérieur l’a présentée à la chambre sera celle qui va être
mise en discussion ; c’est dans ce sens que M. le président en a parlé.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - M. le président a
mis aux voix la question de savoir si on s’occuperait dans la loi actuelle de
la proposition de MM. Dumortier et Doignon et de celle de M. B. Dubus, et la
chambre a pris une décision affirmative.
Or,
M. le ministre de l’intérieur a demandé que l’on mît en discussion la
proposition qui renferme les autres amendements. On voit à la page 3 des
dernières explications imprimées, à l’appui des articles ajournés :
« Fils
de lin écru à tisser, à dentelles, écru et non tors. »
Le
gouvernement propose un droit de sortie de 10 c. par 100 fr. de valeur ; MM.
Doignon et Dubus avaient demandé un droit au poids, mais je présume qu’ils
préféreront aujourd’hui ce droit uniforme de 10 c. par 100 fr. de valeur.
M. le président.
- Voici la proposition de M. le ministre de l’intérieur :
« Fils
de lin écru à tisser, à dentelles, écru et non tors, de toutes provenances, 10
c., à la sortie par 100 fr. de valeur. »
M. Desmaisières.
- Je dois faire observer qu’il y a des conclusions relativement à la sortie du
fil de lin, dans le rapport que l’honorable rapporteur de la commission vient
de lire ; la commission conclut à la libre sortie du fil de lin de toute
espèce. Je crois qu'on ne peut pas se dispenser de mettre aux voix ces
conclusions.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - La commission,
d’après ce que vient de dire M. Desmaisières, est d’accord, non seulement avec
le gouvernement, mais avec toutes les chambres de commerce sur la question qui
nous occupe, c’est-à-dire que tout le monde comprend qu’il est avantageux au
pays de laisser sortir, libres de tous droits, les fils dont on vient de
parler. Seulement, pour avoir un moyen de se rendre compte des exportations, le
gouvernement demande un droit de balance uniforme de 10 centimes par 100 fr. de
la valeur, à la sortie.
M.
Zoude, rapporteur de la commission, insiste pour que
les conclusions de la commission soient mises aux voix et adoptées.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Il y a une chose
bien simple à faire, c’est de diviser le vote : que l’on vote sur les 10
centimes, et s’ils sont admis, la proposition de la commission sera rejetée ;
alors l’on adoptera dans son entier la proposition de MM. Dubus, Dumortier et
Doignon.
-
La proposition de M. le ministre de l'intérieur est mise aux voix et adoptée.
Fils de laine
M. le
président. - Nous allons passer à la proposition de M.
Dumortier concernant les tapis.
M. Dumortier. - Messieurs, j’ai
pris de nouveaux renseignements sur l’article « tapis ; » et il en
est résulté qu’effectivement une partie des fils qui servent à faire les tapis
venaient assez souvent de France, et que les commerçants jouissaient par
conséquent de la prime d’exportation que l’on accorde en France.
Le
droit que j’ai proposé hier revient à environ 15 p. c. ; je crois que ce droit
n’est pas trop élevé, quand on considère que chez les peuples voisins les
droits sur les tapis sont de 30, 40, 50 et même de 60 p. c. Vous savez que les
tapis se font principalement à Tournay et aussi à Anvers, Cette industrie
mérite toute votre sollicitude, parce qu’elle est une des plus remarquables
industries du pays, non pas par la masse de ses produits, mais par le vif
intérêt qui s’attache à sa production.
Les mêmes motifs qui vous ont fait modifier la loi, quant aux draps ou à la
bonneterie, existent quant aux tapis ; il serait injuste de ne pas adopter une
semblable modification pour les tapis. J’espère donc que la chambre voudra bien
donner son assentiment à mon amendement.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - L’honorable M.
Dumortier propose d’imposer les tapis à 180 fr. les 100 kil. Or, d’après les
vérifications qui ont été faites, et dont les résultats ont été mis sous nos
yeux, la moyenne d’un tel droit reviendrait à 20 p. c.
Il
y a une observation essentielle, pour repousser tout changement de base dans la
tarification.
Les
tapis les plus grossiers, d’après le système qui vous est proposé, sont ceux
qui paieraient le plus, parce que ce sont les plus pesants. Ainsi, par une
modification de nouveau improvisée, et que je vous engage à n’admettre à aucun
prix, vous arriveriez à jeter dans votre tarif une véritable anomalie, en
faisant payer aux tapis qui ont le moins de valeur le droit le plus élevé.
L’honorable
M. Dumortier a reconnu le point de fait qui a été avancé hier par M. Lardinois,
que les fils de laine employés aux tapis ne viennent pas de l’étranger ; mais
quand bien même ces fils en proviendraient, la faible augmentation du droit
admise sur les fils de laine ne justifierait pas du tout l’énorme majoration
que l’honorable membre propose à l’article « tapis. »
Maintenant,
est-il nécessaire de protéger aussi fortement les tapis fabriqués dans le pays
? Je suis porté à croire la négative. Nos fabriques de tapis sont dans un état
assez prospère et se trouvent suffisamment protégées aujourd’hui pour que la
consommation intérieure leur soit à peu près exclusivement assurée ; les
chiffres d’importation que j’ai fait connaître à la chambre prouvent que les
tapis étrangers ne sont importés qu’en très petite quantité dans notre pays, et
n’y font pas conséquent qu’une très faible concurrence à l’industrie qui est
ici en cause ; et si je compare le chiffre des importations avec celui des
exportations, je trouve que le dernier est double du premier.
Une industrie qui est assurée de la majeure
partie de la consommation intérieure, et qui en outre va concourir sur les
marchés étrangers avec les produits des autres nations, n’a pas besoin d’un
renforcement de protection comme celui qu’on demande. Je vous engage, messieurs,
à ne pas introduire de nouvelles dispositions dans la loi en discussion ;
bornons-nous à voter celles qui sont proposées ; nous en avons assez comme
cela.
-
La chambre décide que la proposition dont il s’agit fera l’objet d’un article
additionnel.
M.
Coghen. - Sans doute, messieurs, improviser des
amendements, surtout quand il s’agit de tarif de douanes, présente de grands
inconvénients, parce qu’il faut prendre des informations ; mais je crois que
pour l’article des tapis, cette observation n’est pas applicable, puisque les
chambres de commerce ont été consultées. Le droit actuellement établi sur cet
article est illusoire, on l’élude. On n’a qu’à parcourir nos magasins, on y
verra des tapis étrangers ; qu’on examine les appartements des personnes
riches, on verra que les 9/10 sont décorés de tapis étrangers.
Dans
ma pensée, il faut protéger cette industrie : elle fournit l’existence à
beaucoup de familles. L’agriculture est également intéressée à la prospérité de
cette industrie ; car elle emploie beaucoup de laines qui sont une production
du pays. Si le droit de 150 fr. les 100 kil. est trouvé trop élevé, je
proposerai de le réduire à 125 fr. L’industrie des tapis trouvera dans ce droit
une protection suffisante, il ne faut que la mettre à même de lutter avec
l’industrie étrangère. Les tapis communs doivent être plus fortement protégés
parce qu’ils emploient la laine la plus commune, les rebuts et les déchets, et
qu’ils donnent le moyen d’occuper beaucoup de bras dans les ateliers des
prisons et les dépôts de mendicité. Si vous admettez les produits étrangers
faits de laines communes, vous favorisez la main-d’œuvre étrangère et vous
laissez inactifs des bras que vous pourriez occuper.
En fixant comme je le propose le droit à 125
fr., au lieu de 150 fr. les 100 kil., d’après les pesées qui ont été faites,
les tapis fins paieront un droit équivalent à 7 ou 8 p. c. de la valeur, les
tapis dits moquettes paieront 9 à 11 p. c., et les tapis communs 13 à 14 p. c.
On n’a pas pu vérifier les pesées pour ce dernier article.
M. le
président. - M. Coghen propose de fixer le droit sur les
tapis à 125 fr. les 100 kilogrammes.
M. Rogier. - J’appuie
l’ajournement proposé par M. le ministre des finances. On n’est pas éclairé sur
cette question. M. Coghen vient de faire sentir le danger d’improviser des
amendements en matière de douanes. Cependant, hier, il nous en a présenté un d’une
assez grande portée sur les verres et verreries, qui était improvisé. Et voilà
qu’il nous improvise encore un sous-amendement dont il dit lui-même qu’il ne
connaît pas la portée. Car il a avancé que sur les tapis fins le droit qu’il
propose équivaudrait à 6 ou 7 p. c., sur les moquettes de 9 ou 10, et sur les
tapis communs à 12, 13 ou 14. Je demande si on peut aller aux voix sur une
proposition dont l’auteur ne connaît pas la portée.
Je
me fonde sur les observations de M. Coghen pour appuyer l’ajournement proposé
par le ministre.
M. Coghen.
- L’honorable M. Rogier s’est trompé, je n’ai improvisé aucun amendement hier,
j’ai seulement demandé qu’on fît une distinction.
Quant
aux tapis on a fait des pesées qui ont eu pour résultat les chiffres que j’ai
indiqués. En supposant que sur les tapis communs le droit s’élevât à 15 p. c.
ou au-delà, je n’y verrais pas d’inconvénient ; ce serait dans l’intérêt de nos
ateliers de prisons et des dépôts de mendicité, et de l’emploi de nos laines
communes.
M.
Dumortier. - Je ferais observer que M. Rogier seul
demande l’ajournement de ma proposition. M. le ministre des finances avait
demandé l’ajournement de toutes les propositions nouvelles. Or, ma proposition
a déjà été discutée hier, et sur la proposition de M. le ministre de
l'intérieur, elle a été renvoyée à aujourd’hui. Le terme de l’ajournement est
arrivé. Le moment de la discussion est venu.
La proposition de M, Coghen est très modérée, c’est la reproduction de
celle de M. Lardinois, que cet honorable membre avait retirée, parce qu’il ne
la trouvait pas assez favorable à l’industrie des tapis. Nous ne faisons donc
que reproduire une proposition précédemment discutée par la chambre.
Le
chiffre qu’on propose ne revient en réalité qu’à un taux moyen de 10 p. c. A la
vérité. on n’a pas fait de pesée pour les tapis de poil de vache ; je ne
pourrais dire si sur ceux-là le droit ne s’élève pas à 12 ou 14 p. c., mais il
ne va pas au-delà. Cela ne sera pas seulement favorable à la ville de Tournay,
car les tapis de poil de vache se fabriquent à Anvers.
M.
Rogier. - Cela ne signifie rien pour moi.
M.
Dumortier. - Quand il s’agissait des raffineurs de sucre
et qu’il s’agissait de leur assurer une prime de 4 millions au préjudice du
trésor public, la sollicitude de M. Rogier n’a pas manqué aux raffineurs
d’Anvers ; j’aime à croire que sur la question des tapis il sera dans les mêmes
dispositions à l’égard de la ville qui l’a envoyé ici. Les tapis de laine se
fabriquent à Tournay, et les tapis de poil de vache se fabriquent à Anvers.
Je
dis donc qu’il n’y a aucun motif pour ajourner l’amendement proposé, surtout
celui de M. Coghen, qui n’est qu’une transformation de l’état de choses actuel,
en substituant le poids à la valeur. La chambre de commerce de Bruxelles
consultée sur cette question dit :
« Les tapis sont actuellement soumis en
France au droit de 37 pour cent ; en Angleterre, au droit de 25 p. c. ; en
Russie, en Autriche et en Italie, à 60 p.c. Nous, industriels sans débouchés,
avec quatre millions de consommateurs seulement, nous admettons les tapis
étrangers au droit de 10 p. c., qui se réduit à 6 par la manière dont les
déclarations sont admises. »
Un
pareil état de choses peut-il exister sans entraîner la ruine de nos
établissements ?
Hier
encore on a augmenté les droits sur les fils de laine dont une grande partie
sert à la confection des tapis. Si d’un côté vous avez rendu la position de
cette industrie moins bonne, vous devez l’améliorer de l’autre, pour compenser
le mal que vous lui avez fait. Vous ne ferez en cela qu’un acte de justice.
M. Demonceau. - Je regrette de
voir M. Dumortier persister à dire qu’en imposant la laine filée on a imposé la
matière première pour la fabrication des tapis. Ce n’est pas le fil de laine
peignée, mais le fil de laine cardée qui sert la fabrication des tapis. Ce
n’est pas le fil de laine cardée qu’on a imposé ; ainsi on n’a pas frappé la
matière première nécessaire à la fabrication des tapis de Tournay. J’appuie du
reste l’opinion de M. Dumortier ; il ne peut pas être question d’ajourner
l’amendement comme improvisé, car les chambres de commerce ont été consultées,
et celle de Bruxelles s’en est expliqué formellement. Vous voyez que cette
affaire a été instruite. Sur le fond, je dirai qu’un droit de 180 fr. me
paraîtrait exagéré.
Mais,
je le déclare, je pense que nous ne devons pas repousser cet amendement
puisqu’il a été l’objet d’une instruction.
M. Rogier.
- J’ai demandé l’ajournement de la discussion sur la proposition de M.
Dumortier sans me prononcer sur le fond de cette proposition. On a fait
allusion à une discussion récente ; si j’ai pris l’intérêt d’une ville en particulier,
je n’ai pas l’habitude de défendre des intérêts particuliers ; si J’ai défendu
les intérêts particuliers d’une ville, c’est qu’ils se liaient aux intérêts
généraux. Ce sont ces derniers intérêts que j’ai voulu défendre en défendant
ceux de la ville que je représente plus particulièrement, mais je déclare que
je n’entends nullement entrer dans la
coalition de certaines villes qui semble organisée dans cette chambre. Il est
possible que la coalition dont il s’agit soit agréable à une industrie particulière
d’Anvers et de Tournay ; mais de tels motifs ne me détermineront pas à donner
la main à la ville de Tournay pour une aggravation de droits dont la nécessité
n’est pas démontrée, car d’après les observations de M. le ministre des
finances cette nécessité n’est pas démontrée.
Dans
tous les cas je n’ai pas parlé sur la question, j’en ai demandé l’ajournement,
autant parce qu’elle n’est pas suffisamment éclairée, que parce que je ne sens
aucunement la nécessité de la proposition.
M. Doignon. - Je crois devoir
relever une erreur de M. le ministre des finances. Il vous a dit que
l’industrie de la fabrication des tapis est prospère, ce qui prouverait qu’elle
est suffisamment protégée. M. le ministre ne connaît certainement pas l’état de
nos fabriques. Je puis assurer que cette industrie est très souffrante dans le
moment actuel et depuis nombre d’années, par suite de la législation douanière.
Telle fabrique qui avait autrefois 5,000 ouvriers n’en a aujourd’hui tout au
plus que quelques cents. Je voudrais que M. le ministre se rendît lui-même dans
les fabriques ; il se conviendrait de son erreur.
Avant
la législation actuelle, les tapis de Tournay qui ont une réputation
européenne, étaient reçus dans tous les pays ; aujourd’hui nous voisins les
refusent et nous sommes bornés au marché intérieur, débouché qui nous échappe
encore par suite de la faible quotité des droits de douanes ; car j’en appelle
à vous-mêmes, messieurs, n’est-il pas vrai que partout, dans les appartements,
on ne voit plus que tapis hollandais, anglais, allemands ? Le pays en est
inondé.
Le
chiffre d’importation est insignifiant lorsqu’on l’isole des faits. En fait
cette industrie est souffrante ; il faut donc que la loi des douanes vienne à
son aide. Je voterai pour l’amendement de l’honorable M. Coghen.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je demanderai à M. Doignon si à l’époque où
la fabrication des tapis de Tournay était aussi prospère qu’il vient de le
dire, il y avait à l’étranger les fabriques de tapis qui y sont actuellement,
et si l’établissement, dans les autres pays, de cette industrie n’est pas la
cause principale pour laquelle la vente des tapis de Tournay a diminué ? A
cette époque le tarif était-il autre qu’actuellement, et sont-ce des
changements au tarif qui ont causé la diminution de cette industrie ? Non,
c’est qu’à l’étranger se sont établies des manufactures de pais, que la
Belgique qui n’a plus eu le marché étranger pour elle seul. Ceci est arrivé
pour les tapis comme pour d’autres industries, et c’est là ce qui explique
comment certaines industries ont dû diminuer en Belgique sous l’empire des
mêmes tarifs.
Quoi
qu’il en soit, je ne puis croire que cette industrie soit chez nous dans l’état
de détresse dont a parlé l’honorable préopinant. Je prendrai à cet égard une
boussole plus sûre que des observations générales jetées à travers la
discussion ; je veux parler du taux des actions de la nouvelle société des
tapis ; ce qui prouve que cette industrie est assez prospère, c’est que le
bénéfice est assez notable pour que ces actions soient cotées beaucoup au-delà
du pair.
M. Doignon.
- M. le ministre nous donne en dernier lieu une preuve assez singulière de la
prospérité de l’industrie de la fabrication des tapis. Selon lui, dès que des
actions sont cotées haut, il s’ensuit qu’il y a prospérité dans un
établissement. M. le ministre se trompe grandement sur ce point. Chacun de nous
sait que des actions sont cotées au-delà du pair, alors que les établissements
ne sont pas en prospérité et bien loin de là. C’est donc là une forte mauvaise
boussole. Au surplus, je n’entends faire ici aucune allusion.
M.
le ministre a perdu de vue que les tapis de Tournay sont d’une espèce toute
particulière, qu’on ne les fabrique pas à l’étranger. De sorte qu’il demeure
vrai que si nous avions une autre législation, aujourd’hui encore nos tapis se
vendraient toujours à l’étranger, quoique cette industrie existe maintenant chez
nos voisins.
Du
reste, il faut dans tous les cas nous réserver le marché intérieur. Il ne faut
pas souffrir que les Anglais viennent nous ravir le travail de nos ouvriers. Ce
serait une honte pour nous qu’il en fût ainsi, alors que nous avons si grand besoin
de travail pour notre classe ouvrière. Je maintiens donc mes observations.
M.
Angillis. - Lorsqu’on s’occupe de faire des changements
à une loi de douanes, on doit avoir pour principe qu’il faut favoriser tous les
intérêts : ceux de l’agriculture, du commerce et de l’industrie. C’est là un
principe incontestable et incontesté. Chaque industrie peut réclamer
protection. L’équité vous fait un devoir de les protéger toutes. Ce principe a
été appliqué en partie dans la loi qui nous occupe. Plusieurs industries ont
reçu à peu près leurs apaisements, à l’exception d’une, la plus importante :
l’industrie linière. Maintenant on repousse une disposition relative à cette
industrie. On dit que le moment n’est pas venu de s’occuper de cette industrie
; et on veut abandonner cette industrie à son propre sort, lorsqu’elle est à
l’agonie. Je ne ferai pas un sombre tableau de ses souffrances. Je n’imiterai
pas l’exemple qui m’a été donné dans cette enceinte, à propos d’autres
industries. Je demanderai seulement que l’industrie linière soit protégée comme
toutes les autres. Refuser cette protection serait une injustice.
M.
le ministre de l’intérieur oppose une fin de non-recevoir à la proposition de
la commission d’industrie ; il dit que vous ne pouvez voter cet amendement ; et
d’un autre côté on a adopté beaucoup d’amendements dans cette loi.
Au reste, je ne veux pas rentrer dans la
discussion générale de la loi. Je saisis seulement cette occasion de dire qu’elle
manque de la condition la plus essentielle d’une bonne loi. Il faut, pour
qu’une loi justifie son existence, qu’elle prouve la nécessité qui l’a
commandée. Cette nécessité doit présider à sa rédaction. Dans le cas présent
cette nécessité n’existe pas.
Que
la France, en faveur de laquelle on demande cette loi, nous fasse des
concessions, alors nous pourrons parvenir à faire un bon traité de commerce qui
rapprochera deux nations faites pour s’estimer.
Par
ces motifs, ne voulant pas prolonger la discussion, je me borne à déclarer que
je voterai contre toute la loi.
M.
Rogier. - Il s’agit d’introduire une nouvelle
aggravation de tarif dans une loi destinée uniquement dans le principe (on ne
peut trop le répéter) à mettre une puissance voisine dans le droit commun.
Au
reste, à l’égard de l’article qui nous occupe, les statistiques publiées par le
gouvernement, et auxquelles on ne peut refuser confiance dans cette
circonstance spéciale, établissent que l’importation des tapis a été de 74,000
fr. en 1835, de 66,000 fr. en 1836 et de 55,000 fr. dans les neuf premiers mois
de 1837.
On
ne dira pas qu’on élude le droit ; puisqu’on dit que le droit est illusoire,
tant il est peu élevé, sans doute il n’est pas fraudé. Eh bien, malgré la faible
quotité du droit, l’importation n’est que de 70,000 fr. par année. Je demande
si c’est là un motif suffisant pour prendre à l’égard d’une nation alliée une
nouvelle mesure aggravante.
Je
crois que la chambre ne voit pas où elle marche.
Parce que les réactions sont possibles je ne
dirai pas qu’elles seraient méritées ; mais par cela seul qu’elles sont
possibles, elles pourraient porter à l’industrie intérieure les plus grands
préjudices. Il est encore temps pour la chambre d’ouvrir les yeux et de reconnaître,
je ne dirai pas l’abîme, l’expression serait exagérée, mais la voie dangereuse
où elle s’engage. Il n’y a pas nécessité d’augmenter le droit sur les tapis ;
c’est une vérité évidente. L’on ne peut soutenir que le droit se fraude,
puisqu’il est léger ; cependant l’ensemble de ce droit perçu est peu de chose,
ce qui indique une importation peu considérable. Pourquoi changer le tarif de
douane pour les tapis ? N’est-ce pas, de gaîté de cœur, mécontenter les pays
qui à notre égard peuvent prendre des mesures hostiles ? N’est-ce pas leur
donner des motifs de frapper nos industries et notre commerce de mesures
désavantageuses pour nous ? Je demande que l’on s’abstienne de la disposition
proposée, ou que tout au moins l’on renvoie la question à une autre époque,
afin qu’elle puisse être discutée avec d’autres points de notre tarif, pour
lesquels vous avez senti l’utilité de l’ajournement.
M.
Dumortier. - J’ai déjà eu l’honneur de répondre que la
question d’ajournement a été posée hier, et que la discussion a été renvoyée à
aujourd’hui. Si nous prenons ajournement sur ajournement, nous justifierons ce
que disent certains journaux, au nombre desquels s’en trouvent de ministériels,
que nous ne faisons rien, que la chambre ne produit rien.
Cependant
ce sont les ministres qui demandent sans cesse des ajournements.
La
question, messieurs, n’est pas nouvelle, elle a déjà été produite. L’honorable
M. Rogier vient faire peur des réactions de la part des nations voisines ; il
prétend que la proposition que nous faisons est une aggravation dans le tarif
qui amènera des représailles. Messieurs, nos voisins font leurs affaires comme
ils l’entendent, et nous ne sommes pas accoutumés de recevoir d’eux des marques
bien grandes de bienveillance. Vous parlez des tapis anglais ; nous avons eu
des preuves d’intérêt de la part de cette nation. Toutefois pourquoi ne pas
frapper ses tapis puisqu’elle frappe les nôtres ? Elle prohibe la plupart de
nos produits ; nous ne lui envoyons rien, tandis que nous recevons d’elle pour
des capitaux considérables. A nous seuls, nous recevons de l’Angleterre autant
que l’immense France.
En
Angleterre, il n’y a pas d’industrie qui ne reçoive protection. Dans ce pays on
conçoit fort bien que toute industrie doit être assurée du marché intérieur.
Peut-on dire qu’une protection de dix pour cent à la valeur, qui peut se
réduire, par suite des déclarations, à une protection de un et demi p. c., soit
suffisante ? La préemption est impossible pour un pareil produit, qui a toujours
une destination particulière.
Le
droit, dit-on, est payé à l’introduction, puisqu’il est minime ; mais ce droit
ne protège pas : que chacun de nous dise si, dans les appartements où il entre,
il ne trouve pas toujours des tapis anglais.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - On ne fraude pas !
M.
Dumortier. - On déclare au-dessous de la valeur. Il y
avait une fabrique de tapis qui occupait cinq mille ouvriers : actuellement
elle en occupe quelques centaines ; d’où vient cela ? De deux causes : de ce
que les nations voisines ont élevé leurs tarifs, et que nous, nous avons
conservé les nôtres. Soyons assez patriotes pour assurer le marché intérieur
aux produits de notre travail. Chez plusieurs nations, en Russie, en Italie, et
ailleurs, on met 60 p c. sur nos tapis,
et nous, nous laisserions 10 p. c. ! Cela est impossible. J’ai assez de
confiance dans le patriotisme de l’assemblée pour croire qu’elle ne voudra pas
continuer l’état de choses actuel. L’amendement ne fait que transformer un
droit à la valeur en droit au poids. Ce droit ne sera plus illusoire, sans
cependant produire de grands effets.
M.
de Foere. - En répondant à M. Doignon, M. le ministre
des finances a attribué le malaise des fabricants de tapis de Tournay aux
fabriques similaires établies chez les nations voisines. Ce fait prouve contre
l’opinion de l’honorable ministre ; car, si l’exportation des produits de cette
industrie a été restreinte chez nos voisins, c’est une raison de plus pour lui
donner au moins le marché intérieur,
Plus
il a de fabriques aux environs de nous qui cherchent à s’établir sur la ruine
des nôtres, plus il faut introduire dans la loi les moyens d’assurer à nos
fabriques le marché du pays.
De
son côté, M. Rogier s’oppose aussi à l’opinion de M. Doignon. Il nous a invités
à jeter les yeux sur les intérêts du pays et sur la voie dans laquelle nous
entrons pour protéger notre industrie. J’invite de mon côté la chambre à jeter
les yeux sur un grand nombre de rapports que les chambres de commerce nous ont
adressés, et notamment sur ceux des chambres de Bruxelles et d’Ypres. Ces
rapports signalaient les suites funestes qui doivent résulter de la
non-protection de notre propre industrie et de l’introduction progressive des
produits étrangers qui envahissent nos marchés. Ils établissent de nouveau, et
ils ne sauraient assez le répéter, que le travail national est le premier et
presque l’unique mobile de la prospérité du pays, et qu’il faut lui assurer la
consommation intérieure, d’autant plus que le pays n’a pas de colonies.
L’Angleterre
impose un droit de 25 p. c. sur nos tapis, et, sous prétexte de ménager
l’Angleterre, l’honorable membre s’oppose à un droit de beaucoup inférieur.
Quelle raison l’Angleterre pourrait-elle avoir de se plaindre, alors que le
droit proposé par M. Coghen n’atteint pas même le taux de la réciprocité, et
qu’elle n’hésite jamais de frapper nos produits de droits même prohibitifs
toutes les fois que sa propre industrie l’exige ? D’ailleurs il ne s’agit pas
d’établir un droit spécial contre l’Angleterre. Le chiffre qu’on propose est un
droit général qui affecte les tapis de tous les pays.
M.
le ministre des finances a cherché à affaiblir l’assertion de M. Doignon sur le
malaise de l’industrie de Tournay par la cote des actions de la société qui
fabrique les tapis. Cette cote est pour lui une boussole sûre. Je ne lui ferai
pas la réponse que M. Doignon lui a adressée. J’avoue que je n’en partage pas
le fond. Mais je ferai observer à M. le ministre que cette cote, quoiqu’elle
surpasse le pair des actions de la société, ne détruit pas l’assertion de M.
Doignon. L’industrie des tapis peut avoir opéré sur 3 millions, tout en
n’opérant aujourd’hui que sur un million. Il est possible que cette industrie
restreinte dans ce dernier cercle, et ne produisant par prudence qu’en raison
de la demande, fasse des bénéfices ; mais, dans ce cas, il resterait toujours
vrai de dire que cette industrie est considérablement diminuée et qu’elle
n’emploie plus le nombre d’ouvriers qu’elle employait auparavant. Or c’est ce
que l’honorable député de Tournay a assuré. Pour renverser cette assertion, M.
le ministre, au lieu de s’en rapporter à la cote des actions de la société,
aurait dû prouver que l’industrie des tapis de Tournay produit, sinon plus, du
moins autant qu’autrefois, et qu’elle emploie toujours un nombre égal
d’ouvriers. Jusque-là l’assertion de M. Doignon restera debout.
M. le
président. - Deux amendements sont proposés : l’un de M.
Dumortier qui porterait le droit à 180 fr. les 100 kilog., l’ autre de M.
Coghen qui porterait le droit à 125 fr. les 100 kilog.
M.
Dumortier. - Je me rallie à la proposition de M. Coghen.
M.
Rogier. - J’appuie la proposition d’ajournement faite
par M. le ministre des finances.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - J’ai demandé l’ajournement d’une manière
générale, pour toutes les propositions nouvelles qui surgissaient de la
discussion actuelle ; mais je dois reconnaître que ce n’est pas sans raison que
M. Dumortier prétend établir une distinction avec sa proposition, parce qu’elle
a été ajournée hier pour aujourd’hui.
Quoiqu’on
ne puisse toutefois tirer la conséquence que la discussion de l’amendement de
M. Dumortier soit inévitable en cette séance, je ne veux pas entamer une
controverse sur l’ajournement ; elle ne nous mènerait qu’à perdre du temps. Je
me bornerai à voter contre les propositions de MM. Dumortier et Coghen, et à
maintenir le droit de 10 p. c. existant, lequel est plus que suffisant.
-
L’amendement de M. Coghen, mis aux voix, n’est pas adopté.
M. de Jaegher.
- Messieurs, je n’ai pas voulu interrompre tout à l’heure la discussion
concernant les tapis, mais je crois devoir en ce moment appuyer l’observation
qui a été faite par l’honorable M. Angillis ; cet honorable membre a fait
remarquer avec raison que l’ajournement est adopté pour certains articles,
tandis qu’il est rejeté pour certains autres. On vient d’ajourner les
propositions qui ont été faites par la commission relativement aux fils de lin
et aux étoupes ; je voudrais savoir si M. le ministre de l'intérieur se réserve
d’examiner ultérieurement la question ? Il est de fait que l’industrie dont il
s’agit ici est en ce moment dans un état d’extrême souffrance : les Anglais
viennent chercher les fils et les étoupes dans les Flandres et nous renvoient
du fil beaucoup plus beau que celui qui est filé à la main chez nous ; ils
peuvent le vendre à des prix d’autant plus bas que la matière leur coûte moins
cher. J’ai cru devoir appeler l’attention du gouvernement sur cette question,
car c’est une question de vie ou de mort pour les Flandres.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Il est certain,
messieurs, que le gouvernement cherchera à s’éclairer sur l’importante question
dont il s’agit ; lorsque nous avons demandé l’ajournement, nous n’avons en
aucune manière entendu nous opposer à la discussion, pourvu qu’on fît des
propositions de la commission l’objet d’un projet de loi spécial ; si donc la
commission d’industrie veut formuler ses propositions en projet de loi, on
pourra le mettre à l’ordre du jour et le discuter.
M. de Jaegher.
- Je dois faire observer à la chambre que la commission d’industrie a fait une
proposition formelle ; elle a proposé 25 fr. pour 100 kil. de fil écru ; elle a
également proposé une disposition quant au fil blanchi, et enfin elle a formulé
aussi un article concernant la sortie des étoupes. Je pense que rien ne
s’oppose à ce qu’on envisage ces propositions comme un projet de loi spécial.
M.
Desmet. - Je demanderai à M. le ministre de
l’intérieur s’il ne pense pas qu’il serait utile qu’une proposition sur l’objet
dont il s’agit vînt de son département, et s’il ne pourrait pas nous promettre
de nous présenter dans un bref délai un projet de loi sur cette matière
importante.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - La chambre se
trouve saisie d’une proposition ; je prendrai volontiers, sur la question,
l’avis des chambres de commerce, et je l’examinerai avec soin ; si nous
estimons qu’il y a lieu de donner suite au projet de la commission, nous serons
les premiers à l’appuyer.
M. Desmet.
- Messieurs, quand la commission d’industrie a fait ses propositions, elle les
a faites d’après l’avis des chambres de commerce ; toutes ont examiné la
question, et toutes, à l’exception de celle d’Anvers, se sont prononcées dans
le sens des propositions de la commission ; il me semble donc très
extraordinaire que M. le ministre, pour motiver sa fin de non-recevoir,
s’appuie sur l’allégation qu’il faut consulter les chambres de commerce : qu’il
veuille lire les avis de ces chambres, il verra qu’il ne doit plus consulter.
M. Eloy de Burdinne.
- Je crois, messieurs, que la question est fort importante et que M. le
ministre a raison de dire qu’elle a besoin d’être méditée ; je pense qu’il ne
faut pas consulter seulement les chambres de commerce, mais encore les
commissions d’agriculture, car ces dernières n’envisageront peut-être pas la
question sous le même point de vue que les chambres de commerce.
M.
de Brouckere. - Messieurs, la discussion dont nous nous
occupons en ce moment est absolument sans objet ; la chambre est saisie d’un
projet de loi sur l’industrie linière ; elle le mettra à l’ordre du jour quand
bon lui semblera. Quand je dis que la chambre est saisie d’un projet de loi,
j’entends parler des conclusions de la commission que la chambre a renvoyées à
un examen ultérieur : qu’en attendant la discussion de ces conclusions M. le
ministre prenne tous les renseignements nécessaires et qu’on le mette ensuite
l’ordre du jour ; mais ce serait perdre notre temps que de nous occuper
maintenant de cette question.
M.
de Jaegher. - Je partage tout à fait l’avis de l’honorable
M. de Brouckere, mais je désirais que le gouvernement se prononçât sur la
question de savoir s’il considérait les conclusions de la commission comme un
projet de loi spécial ; maintenant que M. le ministre a fait une déclaration
dans ce sens, je suis satisfait. Quant à l’observation de M. Eloy de Burdinne,
je pense comme lui qui l’agriculture est intéressée dans la question et qu’on
fera très bien de la consulter.
Verreries
M. le
président. - Nous allons passer à l’article
« verreries. » Dans ta séance d’hier M. Gendebien a présenté un
amendement concernant les glaces à miroir ; d’après la demande de M. Gendebien,
s’il n’y a pas d’opposition, nous passerons à l’objet suivant.
On
a adopté hier avec un amendement de M. Coghen à l’article « verrerie et
cristallerie taillé ou gravée ; » nous avons donc à nous occuper
maintenant de la « verrerie et cristallerie unie ou moulée. » Le
droit d’entrée proposé à cet article est de 40 fr. par 100 kil.
- Ce chiffre est mis aux voix et adopté.
« Verre
à vitre : 15 fr. par 100 kil. »
M.
Rogier. - Messieurs, j’ai une explication à demander
sur l’article précédent : le droit de 100 fr. s’appliquera-t-il indistinctement
à tous les verres colorés, aussi bien unis qu’à ceux qui sont taillés ou
gravés.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Non.
M. Rogier. - Alors il faudrait
l’indiquer, car il y a beaucoup de verreries unies qui sont colorées, et si,
lorsque les mots « colorés, etc. » se trouvent dans le premier
article, ils ne sont pas répétés dans le second, le droit de 100 fr. pourrait
très bien être appliqué à toutes les verreries colorées indistinctement.
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - Le droit de 100
fr. s’appliquera selon nous aux verreries et cristalleries taillées ou gravées,
colorées, avec des applications de dorure ou de peinture ; mais le droit de 40
fr. s’applique aux verreries unies ou moulées, qu’elles soient colorées ou non.
Si ce n’est pas ainsi que l’entend l’honorable M. Cohen, il faut convenir que
l’observation de M. Rogier est très fondée, et qu’il serait alors nécessaire
d’adopter dans le second article les mêmes expressions qui ont été introduites
dans le premier.
M. Coghen. - Messieurs, j’ai
proposé hier un amendement que vous avez adopté, et je me suis expliqué sur cet
amendement ; j’ai dit qu’il y a des cristaux unis qui sont colorés ou dorés et
qui ont une grande valeur, quoiqu’ils ne soient ni taillés ni gravés ; cette
valeur est telle que si on appliquait à des objets semblables le droit de 40
fr., cela ne reviendrait pas à 1 p. c. La chambre a compris la proposition que
j’ai eu l’honneur de lui soumettre, et elle l’a adoptée. Je crois que ces
explications seront de nature à satisfaire l’honorable M. Rogier.
M. Rogier.
- L’explication que vient de donner l’honorable M. Coghen me fait au contraire
persister dans mon observation ; je ne pense pas que l’intention de la chambre
ait pu être de frapper du droit de 100 fr. par 100 kil. les verreries unies,
alors même qu’elles sont colorées, car beaucoup de verreries unies ne tirent
pas une grande valeur de la couleur qu’on y donne, couleur qu’on n’est pas
encore parvenu à y donner dans notre pays. Il est connu de tout le monde qu’on
colore des verres d’une qualité très commune. Je demande si M. Coghen a voulu
frapper ces sortes de verreries du droit de 100 fr.
M. Coghen. - Messieurs, je
crois qu’on introduit très peu des verres que vient de citer l’honorable M.
Rogier ; ces verres se font dans le pays. C’est là une seule exception, mais il
y a beaucoup de cristaux unis qui sont colorés, dorés ou avec application, et
qui ne sont ni gravés ni taillés. Ces objets ne paieraient pas 1 p. c. de la
valeur si on leur appliquait le droit de 40 fr. les 100 kil. C’est pour éviter
cela que j’ai proposé mon amendement dans la séance d’hier.
M.
Verdussen. - Messieurs, je crois que l’honorable M.
Coghen n’a voulu atteindre que les cristalleries colorées et non les verreries
colorées ; mais par la place qu’il a donnée à son amendement dans l’article, il
trappe les deux objets. Je pense donc que pour atteindre le but que se propose
l’honorable M. Coghen, il serait nécessaire de ne faire porter les mots
« colorée » ou « dorée » que sur celui de cristallerie.
M. Desmet. - Je crois que l’on
n’a pas bien compris l’observation de l’honorable M. Rogier. M. Rogier a dit
que dans l’amendement de M. Coghen se trouvent aussi compris les cristaux
taillés, et cependant il a une grande différence entre les cristaux unis et
ceux taillés, et c’est seulement cette énorme différence qui n’est pas atteinte
dans la nouvelle tarification.
Nous
avons trois espèces de verres colorés, les verres teints, ceux qui sont peints,
et alors une troisième variété qui consiste dans les colorés, taillés ou unis.
Mais
la différence n’est pas, comme le dit l’honorable M. Verdussen, la différence
n’est pas dans le cristal et le verre, car on peint et on teint aussi bien le
demi-cristal que le cristal, le verre que le cristal, mais taillé : la
différence est, comme le dit M. Rogier, entre la taille et l’uni ; on pourrait donc
faire deux catégories ; mais comme le verre peint particulièrement n’est
employé que par les riches, je crois que l’amendement de l’honorable M. Coghen
est très bien voté, et que nous devons le conserver tel qu’il a été adopté.
M.
Coghen. - Je suis fâché de reprendre la parole, c’est
pour faire observer qu’il est impossible d’établir une distinction. Je défie de
distinguer le cristal du demi-cristal et bien souvent de la verrerie ordinaire,
tant les procédés de fabrication sont aujourd’hui perfectionnés. On ferait dès
lors entrer au droit de 40 fr. ce qui est cristal ; la loi deviendrait sans
effet, et la ruine de notre industrie en serait le résultat.
-
Personne ne demandant plus la parole, l’article de la verrerie et de la cristallerie
est mis aux voix et adopté.
_________________
La
chambre adopte successivement les articles suivants :
« Verre
à vitre : droits d’entrée : 15 fr. par 100 kil. »
« Cloches à cylindre
et bocaux, à la valeur : droits d’entrée : 20 p. c. ; droits de sortie :
1/2 p. c.
« Bouteilles
ordinaires, par 100 bouteilles : droits d’entrée : 6 fr. ; droits de sortie :
10 c.
« Bouteilles d’une
contenance de 7 litrons et au-dessus, par pièces : droits d’entrée : 60 c. ;
droits de sortie : 2 c.
« Fioles d’apothicaire,
flacons d’eau de Cologne, et autres de cette espèce, à la valeur : droits
d’entrée : 10 p. c. ; droits de sortie : 1,2 p. c.
« Verres cassés ou
grésil : droits d’entrée : 10 c. ; prohibé à la sortie. »
M. le
président. - Voici une proposition de M. Coghen :
« L’ouverture,
le déballage, le réemballage et la fermeture des colis, seront faits par le
déclarant à ses risques et périls. »
M. le ministre des finances (M. d’Huart).
- Messieurs, je pense que l’adoption dans la loi d’un paragraphe qui tendrait à
prohiber à l’importation les verres qui ne viendraient pas par parties séparées
; je pense, dis-je, qu’une telle disposition serait de nature à prohiber à peu
près tout le verre venant de l’étranger. Car, comment les expéditeurs
feraient-ils leurs assortiments ? Je demanderai aux membres de cette chambre
qui connaissent le mieux la matière, si une pareille condition était attachée à
l’importation de nos verreries à l’étranger, s’ils ne regarderaient pas cette
condition comme prohibitive de la marchandise. Il me semble que l’amendement de
M. Coghen dont il vient d’être donné lecture, serait bien suffisant, et qu’il
est inutile d’aggraver les embarras déjà assez grands de l’importateur.
L’amendement de M. Coghen met aux frais et périls du commerce le déballage de
la marchandise ; or, le déballage donnera aux employés le moyen de s’assurer de
la qualité de la verrerie, de sorte que la proposition consignée à la suite des
chiffres du tarif portant obligation d’introduire par espèces deviendrait une
superfétation de l’amendement de M. Coghen.
M.
Coghen. - Messieurs, la commission que l’honorable
ministre de l’intérieur a réunie dans ses bureaux a reconnu, après de longs
débats, l’impossibilité de ne pas exiger que l’importation se fasse dans des
colis différents pour chaque classification. On a démontré que si l’on pouvait
mêler les cristaux moulés avec les cristaux taillés, on ne paierait jamais que
le droit de 40 fr. En effet, il est impossible, à moins d’être un homme tout à
fait spécial dans la matière, de ne pas être trompé. L’on est parvenu à mouler
aujourd’hui avec une telle perfection que l’on ne peut distinguer la moulure de
la taille. Si vous permettez que deux assortiments puissent se trouver
ensemble, on les mêlera, et toutes les dispositions que vous aurez introduites
dans la loi seront illusoires ; le seul tarif applicable sera celui de 40 fr.,
c’est-à-dire la ruine totale de nos établissements indigènes.
Quant
à mon amendement, il a pour but de rendre la vérification possible. Si un
douanier qui a un traitement de 8 ou 900 fr. est obligé d’ouvrir et de déballer
les caisses à ses risques et périls, il s’expose, par la moindre maladresse, à
perdre son traitement d’une année, en cassant un vase ou tout autre objet de
valeur qui peut coûter de 7 à 800 fr.
Pour
ne pas s’exposer à ces inconvénients, ils ne toucheront pas aux colis et la
vérification ne se fera pas. C’est pourquoi il faut obliger le déclarant à
déballer et réemballer la marchandise qu’il veut importer. De cette manière
vous serez certains qu’il n’y aura pas de fraude et que la vérification se
fera.
M. le président. - Voici
l’amendement que propose M. Coghen :
« L’ouverture,
le déballage et le réemballage des verres et verreries, sera fait par les
déclarants à leurs risques et périls. »
M.
Rogier. - Je ne sais si j’ai quelque chance de
réussir, mais je crois devoir faire tous mes efforts pour m’opposer à la marche
dangereuse dans laquelle il me semble qu’on s’engage. Voilà encore une
disposition nouvelle qu’on propose pour les verreries ; je pense que pour aucun
produit on n’exige que le déballage et le réemballage se fassent aux risques et
périls de l’importateur quand il n’y a pas fraude. Je conçois que quand il y a
fraude, les accidents de la visite sont à sa charge. Mais quand il n’y a pas
fraude, je ne vois pas pourquoi on ferait tomber sur lui ces accidents. Si le
déballage présente un danger pour le douanier, il en présente également pour
l’expéditeur. D’ailleurs l’expéditeur ne sera jamais à la frontière pour
déballer la marchandise, ce sera le plus souvent le charretier qui devra faire
cela, et il aura plus de maladresse que le préposé.
Il
est impossible de mettre à la charge de l’importateur les conséquences du
déballage. Si le déballage présente du danger pour l’administration, il en
présente également pour l’importateur, et dès lors qu’il n’y a pas fraude, les
conséquences de la visite doivent être à la charge du gouvernement. Il faut
appliquer aux verreries la règle généralement adoptée en matière de douane.
On
vient de dire que si on ne portait pas le droit à 100 fr. les 100 kil., les
verreries indigènes seraient ruinées. Comment ont donc vécu nos verreries
jusqu’à présent ? Sous l’empire d’un droit de 6 et de 4 p. c. (Interruption.)
Oui, messieurs, un droit de 6 et 4 p. c. du côté de l’Allemagne, et la
prohibition, il est vrai, par la frontière de France.
Une
voix. -Il n’en vient pas d’Allemagne.
M.
Rogier. - Pourquoi les frapper de droits, s’il n’en
vient pas ? Je dis qu’il en vient, et c’est pour cela qu’on présente toutes ces
propositions souverainement injustes, aggravantes, contre l’Allemagne.
N’oublions
pas, messieurs, que l’avenir de la Belgique est en partie lié à l’Allemagne. La
construction du chemin de fer, si cette voie nationale est exploitée comme elle
doit l’être, c’est-à-dire avec énergie et intelligence, devra amener des
relations très fréquentes avec l’Allemagne. Si vous frappez de droits élevés
les produits que la Belgique peut en tirer, vous paralyserez les effets de
cette grande institution nationale.
C’est
un fait facile à vérifier ; il n’est, pour ainsi dire, personne qui ne vienne
de l’Allemagne sans en rapporter des assortiments de verreries et de cristaux.
D’après le système nouveau qu’on propose, il faudrait que tous les colis ne
renfermassent que des cristaux d’une même espèce ; en deuxième lieu, on veut
que la visite et le déballage se fassent aux risques et périls de l’importateur
ou du déclarant.
Je
demande si, avec de telles conditions, personne n’osera prendre sur soi
d’introduire en Belgique des verreries allemandes. On dit que ce n’est pas contre
les verreries allemandes que la mesure est proposée ; mais, je le répète,
pourquoi renforcer le système qui existe actuellement vis-à-vis de l’Allemagne.
Il
se passe quelque chose de vraiment inconcevable. J’ai besoin de modérer
l’expression de mon opinion ; mais si le système dans lequel on a marché
jusqu’à présent, continue à être défendu de la même manière et dans les mêmes
intérêts, je ne sais pas si je pourrais rester dans les bornes de modération
dans lesquelles je me suis maintenu jusqu’à présent.
Il
est dans cette enceinte des opinions désintéressées ; j’espère qu’elles
finiront par prendre le dessus. Il est des situations qui devraient s’abstenir
de faire des propositions en matière
M. Dolez. - Notamment sur la
question des sucres !
M.
Rogier. - La question des sucres était une question
nationale, une question qui intéressait tout le pays. Je n’ai d’actions dans
aucun établissement, et je suis à cet égard tout à fait indépendant.
M.
Coghen. - Ce ne sont pas les manufacturiers de
cristaux et verreries qui ont demandé le changement du tarif. On a proposé de
supprimer la prohibition vis-à-vis d’un pays qui ne reçoit point nos produits,
qui ne reçoit ni nos verreries ni nos cristaux, qui est armé d’une triple ligne
de douane et qui veut écraser la concurrence de nos fabriques, et qui n’ose pas
recevoir sur ses marchés les produits de
notre industrie, de notre activité. On n’a rien demandé contre l’Allemagne, on
a voulu faire entrer la France dans le droit commun de notre tarif, et on a
proposé de remplacer la prohibition par des droits. Mais on verra quelle sera
la conséquence de cette mesure ; nos fabricants de verreries seront obligés,
comme l’ont été déjà plusieurs autres industriels, d’aller établir ailleurs le
siège de leur industrie.
J’ai vivement appuyé le projet de loi relatif au
chemin de fer ; mais si son avenir dépendait du transport de quelques
misérables caisses de verreries ou de cristaux, nous aurions fait en le
décrétant une chose bien ridicule.
Je
m’abstiens ordinairement de parler dans les questions dans lesquelles je suis
intéressé ; mais si cela était établi en principe, je devrais m’abstenir dans
presque toutes les questions qu’on traite ici, et il devrait en être de même de
chacun de nous, car le propriétaire devrait s’abstenir de parler de l’impôt
foncier, celui qui possède le moindre meuble ne pourrait parler sur la
contribution personnelle. Enfin, ce principe admis, personne n’aurait un mot à
dire dans cette chambre. Nous serions réduits à rester muets, et je le demande,
par qui les lois seraient-elles votées ?
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - On ne peut pas
adopter ces deux propositions cumulativement.
M.
Coghen. - Si la mienne porte ombrage, je la retire.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - La proposition
que j’ai faite a paru offrir des garanties suffisantes ; c’est celle faite par
la chambre de commerce de Bruxelles, mais on ne peut pas y ajouter celle
proposée par M. Coghen.
Revenant
aux considérations générales relatives à notre commerce avec la France, je dois
déclarer de nouveau que si la France devait être traitée en ennemi, elle vous
fermerait les vastes débouchés que vous trouvez chez elle.
Il s’agit de savoir si nous voulons avoir oui ou
des relations de commerce avec la France. Si nous la maintenons hors du droit
commun de notre tarif, nous devons nous attendre à des représailles ; chacun de
vous pourra peser les conséquences de son vote ; nous aurons fait notre devoir
; chacun en sera pour son compte.
Voilà
la disposition que M. de Brouckere a rappelée :
« L’importation
des verreries et cristaux de toute espèce est prohibée, autrement que par
parties séparées, selon la classification du tarif. »
On
a jugé que cette disposition était nécessaire pour avoir une garantie contre la
fraude, parce qu’il y a différentes catégories.
M. de Brouckere. - Je n’aurais pas
pris la parole sans les insinuations que nous venons d’entendre. Je fais
observer que je me suis borné à rappeler une proposition qui se trouvait dans
un projet. Pour prouver que je n’ai aucun intérêt à son adoption, je ne voterai
pas. Pour moi il m’importe peu que la disposition soit adoptée, mais il est de
l’intérêt général qu’elle le soit ; cependant je m’abstiendrai de voter, pour
repousser ces petites insinuations qui sont peut agréables.
M.
Desmet. - Messieurs, je dois relever ce que vient
d’avancer si gratuitement l’honorable ministre de l’intérieur ; en l’entendant
parler, on dirait bien que ceux des membres qui vont rejeter la loi agiraient
hostilement contre la France. Libre à l’honorable M. de Theux d’émettre une
telle opinion, mais il sera difficile à lui de l’appuyer de quelque preuve.
Est-ce que M. le ministre pense donc que c’est dans l’intérêt de la France de
froisser tous les jours l’intérêt des Belges, et d’anéantir complétement toutes
les branches de leur industrie ; pense-t-il, ce ministre, qu’il soit dans
l’intérêt de la France et son gouvernement qu’on sème le mécontentement parmi
toute la Belgique ? Pour moi je pense que non, et je ne crains point un démenti
de la part du gouvernement français ; je suis au contraire convaincu que ce
gouvernement ne désire rien plus que la Belgique soit prospère, que son
industrie fleurisse, et que son contentement dans l’ordre actuel des choses
augmente tous les jours de plus en plus.
D’ailleurs
nous savons que notre ministère a proposé des modifications au tarif actuel,
bien plus fortes et plus nombreuses que le gouvernement français ait jamais
exigées ; la discussion dans la chambre des députés, qui a eu lieu l’an dernier
à l’occasion du tarif français, l’a clairement prouvé ; plusieurs ministres ont
avancé que le ministère belge avait promis beaucoup plus de concessions qu’ils
auraient jamais espéré d’obtenir, et à cette occasion ils ont cité la levée de
la prohibition pour les draps et les cristaux, et beaucoup de membres de la
chambre française ont témoigné leur étonnement que la Belgique ferait toutes
ces importantes concessions, tandis que la France n’avait rien fait pour la
Belgique en fait de douanes. Plusieurs de nos collègues qui ont lu ces débats
pourront confirmer ce que je viens d’avancer.
Il
est donc certain que le ministère a proposé des modifications outrées dans
notre tarif, et que la France lui a servi de prétexte ; il l’a fait, comme j’en
ai la conviction, pour nourrir de plus en plus le déplorable système de liberté
illimitée de commerce qui règne dans le bureau du commerce et de l’industrie du
département de l’intérieur, et qui, comme je l’ai encore dit hier, va tuer
l’une après l’autre de toutes les branches de l’industrie nationale, comme nous
venons de le voir dans cette séance, quand M. le ministre de l’intérieur s’est
servi d’une fin de non-recevoir pour repousser une proposition qui tendant à
améliorer le sort de nos pauvres fileuses, et prémunir contre les attaques de
l’étranger notre importante industrie linière.
Je répète donc que c’est à tort que le ministre
a dit que ceux qui voteraient contre le projet agiraient hostilement contre la
France. Ceux qui voteront contre la loi savent bien que quand vous feriez à la
France plus de concessions qu’elle demande, jamais elle ne viendra négocier
avec vous, et que nous n’obtiendrons un traité de commerce d’elle ; dans ce
pays on connaît les besoins de l’industrie et on les soigne, on y est plus
adroit que chez nous, et l’intérêt de la France avant tout est l’adage qui n’y
a jamais été méconnu ; ceux qui voteront contre la loi sont ceux qui veulent un
traité de commerce avec la France, qui désirent de tout leur cœur que toutes
les lignes de douanes soient levées entre la Belgique et la France ; ils
veulent être unis à la France commercialement comme nous le sommes
politiquement, mais je ne pense pas que cette opinion domine très fort dans
notre bureau de commerce ; il me semble au contraire d’y voir une tendance tout
autre, celle d’entrer dans l’union allemande ; tout ce qui s’y finit m’en donne
la conviction, ; et c’est ici que je trouve qu’on agirait hostilement coutre la
France.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Je dois dénier
l’assertion que la France n’aurait pas demandé la levée de la prohibition sur
les verreries. J’ai annoncé le contraire en présentant le projet de loi, parce
que la prohibition est spéciale contre la France et que c’est une injure envers
une nation amie que de prohiber nominativement les produits de son industrie.
Un
membre. - Elle fait de même.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Non elle ne
prohibe pas les verreries belges, elle prohibe les verreries en général.
Prohibez aussi, si vous voulez, les verreries en général.
Un membre. - Ce n’est pas la
question.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - L’honorable M.
Desmet peut poser la question comme il le juge à propos. Nous pouvons aussi la
poser, et nous la posons d’une manière conforme à la vérité des faits.
Si
l’honorable M. Desmet veut voter contre le projet de loi, libre à lui. Libre à
la majorité de la chambre de faire de même. Mais nous ne prenons pas sur nous
les conséquences de ce vote. Nous avons fait ce que nous avons jugé utile aux
intérêts du pays. La chambre décidera sous sa responsabilité comme elle le
jugera convenable.
M.
Desmet. - Quand on dit que la Belgique s’est montrée
hostile à la France dans sa législation douanière, cela n’est pas exact. Quand
nous avons changé notre législation en 1823, c’était la France qui avait la
première agi contre nous.
Jusqu’à
présent, qu’est-ce que la France a fait pour nous ? Rien ; et elle ne fera rien
encore parce que vous lui concédez tout.
M. le
président met aux voix la disposition suivante :
« L’importation
des verreries et des cristalleries de toute espèce est prohibée autrement que
par parties séparées, selon la classification du tarif. »
-
Cette disposition est adoptée.
La
chambre passe à la discussion de l’article suivant :
« Glaces
à miroir : droit d’entrée, 6 p. c. ; droit de sortie : 1/2 p. c. »
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - La chambre de commerce de Bruxelles, qu’on
n’accusera pas sans doute d’avoir proposé des droits trop modérés, est d’avis
que les glaces à miroir doivent former deux catégories : glaces étamées et
glaces non-étamées. On comprend le motif de la différence ; c’est que la
main-d’œuvre est plus grande dans les glaces étamées. La proposition de la
chambre de commerce consiste à imposer la première catégorie à 8 p. c. et la
second à 10 p. c.
Vous
voyez que cela se rapproche de très près de la proposition de l’honorable M.
Gendebien. J’espère donc qu’il s’y ralliera.
Comme
nous devons reconnaître que les glaces à miroir sont en général des objets de
luxe, il n’y a pas d’inconvénient, en envisageant l’article sous le rapport des
revenus du trésor, à admettre les chiffres que je viens d’indiquer.
M.
Gendebien. - J’ai été frappé de la faible quotité du
droit dont sont imposées les glaces à miroir, qui sont assurément un objet de
luxe. Ceux qui veulent avoir des glaces peuvent facilement payer un impôt pour
se passer cette fantaisie. J’ignore quelle somme ma proposition produira au
trésor. Si elle est de peu de ressource pour le trésor, elle aura l’avantage
d’encourager l’établissement de manufactures de glaces dans le pays. Vous avez
entendu hier un honorable orateur vous dire qu’il en serait établi au 1er
janvier 1839.
Je
ne crois pas que le droit que j’ai proposé soit trop fort. En France, le droit
est de 15 p. c. En Angleterre, où le droit est proportionné à la dimension, ce
qui est très rationnel, le droit d’élève jusqu’à 60 p. c. sur les glaces de
grande dimension.
Je
ne veux pas tomber dans cette exagération. Pour me rapprocher de la proposition
du ministre, je prendrai le juste milieu, quoique j’y sois généralement
hostile. Le ministre des finances a proposé les droits de 8 et de 10 p. c. Je
proposerai 10 et 12 p. c. De si faible ressource que soit cet impôt pour le
trésor, il a d’autant moins d’inconvénients que c’est une recette certaine.
Si
ces droits sont insuffisants pour protéger la fabrication des glaces, on pourra
les changer. C’est un essai qu’on fera cette année ; selon l’expérience qu’on
aura faite, on pourra changer ces chiffres l’an prochain.
- L’article « glaces à miroir » est
adopté avec les chiffres proposés par M. Gendebien, comme suit :
« Glaces
à miroir non étamées : 10 p. c. »
« Glaces
à miroir étamées : 12 p. c. »
_________________
M. le
ministre des finances (M. d’Huart). - Je pense qu’il y
a nécessité d’introduire dans les dispositions particulières à l’article
« verreries » la disposition suivante :
« Lorsque
les verreries et cristalleries forment, comme partie principale, un ensemble
avec des objets d’une autre nature auxquels elles sont adhérentes, elles
paient, au lieu des droits au poids indiqués ci-contre, un droit à la valeur,
savoir :
« Droit
d’entrée, 10 p. c. ; droit de sortie : 1/2 p. c. »
- Cette proposition est mise aux voix et
adoptée.
____________________
M. le
président. - La chambre a terminé le vote du tarif.
M.
Demonceau. - Dans le projet de loi qui a été distribué,
on ne parle ni de draps ni de verreries. Il y a une colonne d’observations,
contenant les dispositions particulières. Je pense que maintenant l’intention
du gouvernement est que les dispositions particulières comprennent ;
1°
L’amendement relatif à la prime, en ce qui concerne les draps et casimirs ;
2°
La disposition par laquelle la chambre a décidé que la prohibition des draps et
casimirs d’origine française serait levée au 1er janvier 1839.
En
cela on se conformerait fidèlement à l’observation faite dans une précédente
séance, tendant à ce que le gouvernement mît le tarif en vigueur pour tous les
objets énoncés dans le projet de loi ; sauf les draps et casimirs sur lesquels
la prohibition serait levée le 1er janvier 1839.
Je
voudrais que le gouvernement s’expliquât sur ce point.
M. le ministre de l’intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux). - Cela est clair.
Nous nous sommes expliqués sur ce point. Il ne peut y avoir aucun doute.
VOTE
SUR L’ENSEMBLE DU PROJET
On
procède par appel nominal sur l’ensemble de la loi.
57
membres sont présents.
36
votent l’adoption.
21
votent le rejet.
En
conséquence le projet est adopté et sera transmis au sénat.
M.
Verdussen. - Je me suis abstenu de prendre part à la
délibération, parce que si la loi contient des articles auxquels je ne puis
accéder, elle en contient d’autres qui me conviennent davantage.
Ont
voté l’adoption : MM. Beerenbroeck, David, de Jaegher, de Longrée, W. de
Mérode, de Nef, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Sécus, Desmanet de
Biesme, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, B. Dubus, Eloy de
Burdinne, Ernst, Kervyn, Lardinois, Mast de Vries, Milcamps, Mercier, Metz,
Nothomb, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, Scheyven, Simons, Ullens, Vandenhove,
Willmar et Zoude.
Ont
voté le rejet : MM. Angillis, Coghen, Coppieters, de Florisone, de Foere, de
Langhe, de Meer de Moorsel, Desmaisières, Desmet, Doignon, Dumortier,
Gendebien, Hye-Hoys, Lecreps, Maertens, Morel-Danheel, Rogier, Stas de Volder,
Vandenbossche, Vergauwen et Verhaegen.
M. le
président. - Je dois consulter l’assemblée sur l’ordre du
jour du la séance de demain.
M. le
ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je proposerai de
mettre à l’ordre du jour le projet concernant l’assimilation des routes
empierrées aux routes pavées en temps de dégel. On conçoit qu’il est urgent.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Comme il serait possible que le projet
indiqué par M. le ministre des travaux publics n’occupât point toute la séance
de demain, je demanderai qu’il soit mis aussi à l’ordre du jour le projet de
loi sur les abonnements de boissons distillées. Ce projet est de nature à
produire des revenus au trésor, et nous avons besoin de ressources. Sous ce
rapport, il doit être considéré comme urgent. Il est indispensable, en effet,
que la chambre prenne une décision pour ou contre ce projet, compté comme
devant rapporter 900,000 fr. S’il n’était pas adopté, il faudrait aviser à d’autres
moyens pour mettre les recettes au niveau des dépenses.
M.
Dumortier. - Je demanderai que l’on mette en discussion
le projet de loi qui tend à modifier le droit sur les esprits étrangers. Ce
projet est une annexe à celui que nous venons de voter.
-
La chambre adopte les propositions de MM. les ministres des travaux publics et
des finances.
La
séance est levée à 4 1/2 heures.