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Chambres des représentants de Belgique
Séance du dimanche 31 décembre 1837

(Moniteur belge n°2, du 2 janvier 1838)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. B. Dubus procède à l’appel nominal à midi et quart.

M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. B. Dubus fait connaître l’analyse des pétitions suivantes adressées à la chambre.

« Des débitants de boissons distillées et liqueurs, à Alveringhem, commune située dans le rayon réservé de la douane, demandent qu’il soit apporté des modifications à la loi du 22 août 1822. »


« Des propriétaires de bois et haies du quartier du Luxembourg demandent la construction de la route de Stavelot vers Trèves. »


- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions, chargée d’en faire le rapport.


Le sénat informe la chambre qu’il a adopté le projet de loi concernant les budgets du ministère des finances, des non-valeurs et remboursements et des dépenses pour ordre, de l’exercice de 1838.

Le sénat transmet à la chambre la liste des membres du jury d’examen qu’il a nommés dans sa séance du 30 décembre.

- Pris pour notification.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l'exercice 1838

Discussion générale

M. B. Dubus donne lecture de l’arrêté royal ci-après :

« Léopold, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut.

« Sur la proposition de notre ministre de la guerre,

« Nous avons arrêté et arrêtons :

« Art. 1er. L’intendant en chef de Bassompierre, directeur de l’administration au département de la guerre, est nommé commissaire pour soutenir la discussion du budget du département de la guerre à la chambre des représentants et au sénat.

« Art. 2. Le présent arrêté sera notifié à MM. les présidents des deux chambres

« Art. 3. Notre ministre de la guerre est chargé de l’exécution du présent arrêté.

« Donné à Bruxelles, le 31 décembre 1837.

« Léopold,

« Par le Roi :

« Le ministre de la guerre, Willmar. »

M. le président. - La discussion sur l’ensemble du budget de la guerre est ouverte. La parole est à M. Brabant.

M. Brabant. - Messieurs, jusqu’à présent la discussion du budget de la guerre n’a été qu’une discussion d’allocation de sommes ; l’on a uniquement travaillé à obtenir sur le chiffre qui était demandé par le gouvernement, des réductions que l’on croyait pouvoir être faites, sans entraver la marche de l’administration, sans compromettre les moyens de défendre le pays. La section centrale s’est bornée les années précédentes à voir quel était l’effectif des troupes qui était réclamé par le gouvernement, et les réductions n’ont jamais porté, à l’exception d’un seul article, que sur l’allocation destinée à l’effectif qui était demandé. Jamais la section centrale n’a opéré la moindre réduction sur le nombre d’hommes, sur le nombre d’officiers dont le gouvernement faisait la demande.

L’année dernière seulement la section centrale avait proposé une assez forte réduction sur le nombre des sous-lieutenants. Cette diminution, vivement combattue par M. le ministre de la guerre, était cependant bien au-delà des besoins auxquels on a dû pourvoir dans le courant de cette année, et la section centrale avait si bien calculé que M. le ministre de la guerre lui-même est venu vous proposer une réduction du même genre pour 1838.

Mais, messieurs, je crois que cette discussion de chiffres qui a eu lieu jusqu’à présent n’était pas ce qu’il y avait de plus essentiel sans doute, il faut de l’argent et des hommes pour défendre le pays, mais cela ne suffit pas : il faut une bonne organisation, et cette bonne organisation résulte de bons règlements bien exécutés. Eh bien, ces bons règlements nous manquent. Si j’avais besoin d’une autorité pour étayer cette assertion, je la trouverais dans l’ouvrage d’un de nos lieutenants-généraux lui-même.

En 1834 (du moins l’édition que je tiens en mains est de cette année), en 1834, le général Goethals disait :

« Les soins, les occupations, les embarras multipliés dont j’ai été accablé comme chef de corps, faute de savoir où puiser un mode de conduite qui me permît de ne rien omettre des mesures nombreuses, et cependant nécessaires, à prendre pour une troupe en marche m’ont porté à recueillir toutes les règles et instructions concernant la marche des troupes, éparses dans plusieurs règlements et de les réunir dans cet ouvrage. A toutes ces règles, qui sont de rigueur, j’ai ajouté différentes mesures de police et d’ordre qui sont généralement adoptées par les chefs jaloux de les maintenir, ainsi que d’autres qui sont le résultat de mon expérience, et qui, sans être ordonnées par les règlements, n’en sont pas moins dictées, les unes aussi bien que les autres, par l’esprit d’ordre par le bien du service. Je crois, par ce travail, avoir rendu un grand service à MM. les officiers en général et à MM. les chefs de corps en particulier. »

Le règlement dont l’absence est ici signalée par un officier général n’est pas le seul qui nous manque. Nous avons emprunté à la France, depuis la révolution, trois règlements : le règlement sur les manœuvres d’infanterie, le règlement sur les manœuvres de la cavalerie et le règlement sur le service des troupes en campagne : mais messieurs, c’était bien loin de ce qu’il fallait pour combler les lacunes qui se trouvent dans notre service.

Les règlements sur le service intérieur des troupes sont singulièrement arriérés ; il n’y a pas un bon officier d’infanterie ou de cavalerie qui ne regrette les lacunes nombreuses qui se trouvent dans ces règlements, et le peu d’ordre qui s’y rencontre.

Un officier général, une commission peut-être, se trouve chargée de la révision de ces règlements ; mais voilà 18 mois, si je suis bien informé, que cet officier général ou cette commission touche un traitement pour le travail de la révision dont il s’agit.

Eh bien, il fallait faire en cette circonstance ce qu’on a fait en ce qui concerne le service des manœuvres de cavalerie et d’infanterie et le service des troupes en campagne ; il y avait un bon modèle à emprunter à nos voisins, et puisqu’on lui avait déjà emprunté trois règlements, on pouvait très bien lui emprunter les autres. Peut-être un officier instruit n’aurait-il besoin que de 18 jours pour faire, dans les règlements français que nous n’avons pas suivis jusqu’ici, toutes les modifications nécessaires pour les adapter à notre service !

Que résulte-t-il de l’absence de dispositions précises ? C’est que chacun hésite dans son commandement, parce qu’il ne connaît pas bien l’étendue de son droit ; c’est que souvent il y a refus d’obéissance, parce que l’inférieur, ne reconnaissant pas certains droits à son supérieur, refuse d’obéir et se trouve souvent avoir raison. Je vais en citer un exemple :

Un conflit s’est élevé entre un commandant d’un corps de troupe dans une garnison et le commandant de place sur la question de savoir si le corps devait fournir des soldats pour les représentations théâtrales ; le commandant de place voulait fournir des soldats, mais les officiers du corps ont refusé d’obéir en disant que les soldats n’étaient pas faits pour paraître sur la scène. On s’est adressé à M. le ministre de la guerre qui a donné raison au commandant de la place ; et dans le même temps qu’arrivait une instruction du département de la guerre, le lieutenant-général, commandant la division, donnait raison au chef du corps, en lui défendant d’obtempérer à semblable réquisition.

Eh bien, il résulte de là des conflits déplorables, conflits entre le ministre et un lieutenant-général, conflit entre les officiers inférieurs et les commandants supérieurs : et le supérieur qui a une fois tort vis-à-vis de son subordonné perd infiniment de la considération qui est nécessaire pour que les ordres soient exécutés avec zèle et avec ponctualité.

Messieurs, si nous avons certains règlements et s’il en manque un grand nombre je dirai que tous les règlements manquent pour la plupart de nos soldats et de nos sous-officiers. Je vous ai dit qu’on avait emprunté trois règlements à la France ; il nous en est resté une certaine partie de la Hollande.

Eh bien, les règlements que nous avons empruntés à la France sont restés purement et simplement en français ; on ne s’est pas seulement donné la peine de faire faire une traduction officielle en flamand pour nombre de sous-officiers et soldats, qui, s’ils avaient eu ces règlements en langue flamande, auraient pu pousser leur instruction.

Les règlements empruntés à la Hollande sont en hollandais ; je ne sais (car je ne connais ni le flamand, ni le hollandais), je ne sais si les Flamands comprennent facilement le texte hollandais.

Plusieurs membres. - Non !

M. Brabant. - Mais pour ceux qui ne savent ni le flamand, ni le hollandais, il n’y a pas une seule traduction française officielle, si l’on en excepte le règlement d’administration de 1819. Que résulte-t-il de là ? c’est qu’il y a constamment incertitude sut une foule de dispositions.

Il y a une arme spéciale dont tous les règlements n’ont jamais été publiés qu’en hollandais : c’est l’arme du génie ; toutes les instructions relatives à cette arme forment une collection de 10 à 12 volumes (je n’en sais pas précisément le nombre) ; eh bien, il n’y a pas une des instructions renfermées dans ce recueil qui ait été traduite, même les conditions générales pour les adjudications des travaux du génie n’ont pas une traduction officielle.

Et cependant vous devez concevoir que, depuis la révolution, nous avons plusieurs officiers du génie qui ne savent pas le hollandais, et la disposition qui a été introduite dans le projet de loi sur l’école militaire, à l’effet de faire apprendre le flamand à nos officiers, a même éprouvé une assez forte opposition dans cette chambre.

Je demande donc à M. le ministre de la guerre de vouloir bien remplir les lacunes qui existent : c’est l’affaire de très peu de temps ; l’on a d’excellents modèles, et un officier instruit pourra en 15 jours on trois semaines introduire toutes les modifications nécessaires.

Messieurs, après les règlements, vient l’exécution des règlements. Je vous ai dit qu’il y en avait fort peu, je ne suis pas surpris dès lors qu’on fasse peu de chose, à ma connaissance, nous n’avons qu’un seul règlement qui prescrive la durée du travail d’exercice dans les troupes : c’est l’ordonnance sur les manœuvres de cavalerie ; l’infanterie n’a rien de déterminé par mesures générales, et tout le travail est laissé au zèle de MM. les chefs de corps.

Or, messieurs, des choses de la plus haute importance sont complétement négligées. La troupe sait fort peu ou ne sait pas marcher. La troupe n’est jamais exercée au tir des armes à feu. Nous avons dans ce moment, je ne crains pas qu’on m’accuse d’indiscrétion, car notre ennemi est aussi instruit que nous de ce qui se passe ; nous avons, dis-je, envoyé dans le Luxembourg des bataillons dont un grand nombre de soldats n’ont jamais brûlé un grain de poudre.

Messieurs, quand je signale des négligences pareilles, je n’attaque ni les officiers, ni les soldats ; car notre armée n’est composée de Belges et par conséquent de gens de bonne volonté, de gens de cœur qui ne demandent pas mieux que de se présenter avec honneur à l’ennemi ; mais il y a une négligence coupable dans les faits que je viens de signaler. Dernièrement, dans la discussion du projet de loi sur l’école militaire et à propos de l’emplacement à lui donner, j’ai cité un fait qui n’est pas moins grave, c’est celui d’une compagnie de siège à Namur qui n’a jamais tiré le canon que pour la naissance des princes et pour l’arrivée de Sa Majesté quand elle nous fait l’honneur de visiter nos murs ; elle n’a jamais tiré un coup de canon à boulet. Il est possible que ce qui s’est passé à Namur se soit passé aussi dans un très grand nombre de batteries.

Une des charges les plus pesantes pour le pays, c’est le logement des gens de guerre et on dirait que le gouvernement se plaît à l’aggraver encore plus qu’elle ne l’est par sa nature. Les troupes ne font que marches et contremarches, non pour les exercer, pour les faire à la fatigue, mais pour vexer l’habitant et lui faire payer cette dure contribution. La ville de Namur en est à sa quatrième garnison d’infanterie pour 1837, et un officier à qui j’en parlais, il y a environ cinq semaines, me dit : « M. le bourgmestre, cela n’est pas surprenant, car moi, j’en suis à ma huitième. »

La discussion du budget de la guerre est venue plus vite que je ne croyais. Je ne pourrais pas garantir le chiffre dont je vais parler, mais je crois que la ville de Namur a eu de 8 à 10 mille hommes logés chez l’habitant dans le courant de 1837. On ne se refuserait certainement pas à ce logement, s’il y avait nécessité ; mais il est quelquefois imposé sans aucune nécessité, ou par une nécessité qui ne résulte que de la négligence des agents du département de la guerre.

J’ai encore un fait particulier à signaler. On a envoyé un bataillon à Namur, sans prendre aucune précaution pour la fourniture des effets de couchage nécessaires.

Je crois qu’une compagnie est obligée d’avoir le matériel pour le couchage. Un membre de l’administration, qui se trouvait seul, consent à loger ces soldats chez l’habitant ; on les laisse pendant deux nuits, et pour la troisième on peut les loger à la caserne. On s’adresse respectueusement à M. le ministre de la guerre, on le prie de faire cesser un pareil état de choses ; mais comme il est bon de s’aider soi-même, l’administration notifie que désormais on ne logera plus les troupes qui viendront pour tenir garnison. Quelques jours après, 80 hommes du même corps arrivent ; l’administration ayant refusé de les loger chez l’habitant, on trouva moyen de les loger à la caserne. Savez-vous ce qui arriva du zèle que les autorités municipales avaient mis à défendre les intérêts de leurs administrés ? C’est que, par estafette, ordre vint à la majeure partie de la garnison de quitter Namur et de se rendre à Liége. On alla plus loin, on déclara en haut que si le gouverneur de la province avait eu de la tête, il leur aurait dit de se loger militairement, comme cela s’était passé dans le temps.

Récemment, lorsqu’on a envoyé des troupes dans le Luxembourg, deux escadrons de cavalerie arrivèrent à Namur, qui déjà logeait deux ou trois bataillons d’infanterie ; l’administration communale s’adressa au commandant de la province pour le prier de faire passer ces escadrons au faubourg ; vous savez que dans une ville il est difficile de se procurer des écuries ; ceux qui en ont, ont aussi des chevaux, et on ne déplace pas facilement ses chevaux. Eh bien, ce commandant qu’on laissait sans instruction, et qui en a pourtant bien besoin, refusa insolemment à l’administration de satisfaire à cette réclamation. Il dit dans un lieu public que c’était un moyen de mettre à la raison cette administration vétilleuse et tracassière.

Messieurs, j’aurais beaucoup d’autres choses à dite, mais cela ne suffit pas ; non seulement je voterai toutes les réductions proposées par la section centrale, mais je voterai contre le budget de la guerre quel qu’en soit le chiffre.

(Moniteur belge n°3, du 3 janvier 1838) M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, un profond désir de voir marcher aussi bien que possible les divers services qui dérivent de l’administration si éminemment importante dont le budget nous occupe aujourd’hui, m’a engagé à vous communiquer quelques observations qui pourront peut-être avoir quelque utilité.

C’est du système de remplacement que je vais vous parler d’abord : les pères de famille peu fortunés, qui ont eu des choix de remplaçants à faire pour exempter leurs fils du service, savent quels embarras cela leur a causés.

Les chefs de corps savent aussi tout ce que la classe des remplaçants occasionne de désordres, d’indiscipline, et, en résumé, de non-valeurs pour la force morale ou numérique de l’armée.

Il résulte de l’état de choses actuel que des sommes très considérables sont annuellement dépensées, qu’elles le sont en grande partie aux dépens de beaucoup de familles médiocres qu’elles ruinent souvent sans résultat, qu’elles le sont au profit de la classe la moins intéressante de la société, qui les dissipe pour se livrer à mille excès, et qu’en résumé la Belgique n’obtient pas des remplaçants le service qu’elle est en droit d’attendre des remplacés comme de tous ses enfants.

Je m’en vais essayer de vous développer quelle est, à mon avis, la cause principale de ces graves inconvénients. Cette cause est le discrédit où est tombée la classe des remplaçants. Le soldat honorable, rangé, croit déroger par le service de remplaçant. Le milicien, après avoir acquis l’habitude des armes par trois ou quatre ans de service actif, pour rentrer en congé indéfini dans ses foyers ne peut pas remplacer d’après la loi ; c’est cependant le seul moment où il pourrait avoir la velléité de se laisser tenter par les avantages pécuniaires du remplacement, et quand sa classe devient apte au remplacement, il a repris l’heureuse habitude du travail et de la vie de famille, et il rejette loin de lui l’idée de rentrer au service par un ignoble remplacement. Quels sont donc les éléments qui restent au remplacement ? La classe la plus désœuvrée, la plus portée au vice, quelques volontaires congédiés ; et s’il en est quelques-uns dont la conduite précédente a été raisonnable, la possession subite et inaccoutumée d’une somme d’argent considérable, le préjugé qui leur persuade qu’ils ont déchu en entrant dans la classe peu estimée des remplaçants, les jettent dans toute espèce d’excès qui les conduisent à la déchéance militaire, au grand désespoir des remplacés, et souvent aux compagnies de discipline.

On m’objectera sans aucun doute que c’est pour parer à ces inconvénients qu’une société anonyme s’est organisée pour assurer des remplaçants aux remplacés ; que cette société s’est entendue avec le gouvernement, afin que le produit des remplacements soit accordé en partie, en guise de prime, aux miliciens qui consentiront à se réengager. Mais, selon moi, cette société est loin de satisfaire aux besoins, et cela est si vrai, que la plupart des personnes qui ont sollicité des remplacements au moyen de cette société, n’ont pu les obtenir, parce que peu de militaires se sont mis à sa disposition ; je ne puis attribuer cette pénurie qu’au peu de confiance qu’inspirent en général parmi le peuple les sociétés de ce genre. Je dirai, comme notre honorable collègue, M. Rogier, dans son discours à l’occasion du même budget, l’année précédente, sur la même matière : Pourquoi l’Etat ne ferait-il pas lui-même ce que promet cette société ? Encourager le service militaire par des primes de réengagement, au moyen des remplacements, et élever un hôtel des Invalides avec les bénéfices. Si le gouvernement se chargeait lui-même de ces opérations, le soldat accepterait plus facilement une prime considérable qui lui éviterait l’odieux du remplacement ; et je pense, en tous cas, qu’il est de la dignité du pays que ce soit l’Etat et non une société anonyme qui se charge de l’honneur d’élever un asile aux braves qui ont sacrifié leur santé et leur existence à la défense nationale.

Une disposition tendant à rendre profitable à l’armée les sommes considérables qui proviennent des remplacés et qui sont annuellement dissipées sans avantage, ne pourrait-elle pas être insérée dans une loi nouvelle de recrutement ? C’est là une question importante qui devrait être examinée. J’appelle, en tout cas, l’attention du gouvernement sur la présentation d’une loi nouvelle sur le recrutement, dont le besoin se fait de plus en plus sentir, et dont la discussion ne me semble pas devoir être si épineuse après l’expérience acquise sur cette manière.

Les remplacements militaires m’amènent tout naturellement à vous entretenir un instant des congés accordés aux miliciens par le département de la guerre, pendant la durée de leur service actif.

D’après des informations que j’ai lieu de tenir pour bonnes, il semble que dès que les camps d’exercice sont levés, tous les militaires qui appartiennent aux travaux de l’extraction de la houille sont renvoyés dans leurs foyers sur des listes transmises par MM. les industriels. Cette mesure ne me semble pas dans les règles d’une justice distributive fort consciencieuse ; car les congés accordés aux charbonniers le sont aux dépens des ouvriers appartenant à d’autres industries et à l’agriculture, et je ne vois pas de motifs pour accorder une faveur aux mineurs aux dépens de ceux qui ne le sont pas.

Il en résulte que l’ouvrier mineur, qui jouit, dit-on, du privilège de ne travailler que quatre jours par semaine et de gagner 6 ou 7 fr. par jour, a encore celui d’être exempté du service de la milice. Si, au moins, cela procurait du chauffage à un prix modéré ; mais il n’en est pas ainsi, et la famille du milicien, qui se trouve privée du travail de son fils, retenu au service, paie encore le charbon à un prix exorbitant. Ces congés ont encore d’autres inconvénients : tout le monde veut passer pour houilleur, afin d’obtenir des congés à longs termes, et il paraît que le département de la guerre a été quelquefois induit en erreur à cet égard. Il me semble, quant à moi, que les congés doivent être accordés indistinctement à tous les miliciens et à tour de rôle.

L’honorable M. Desmaisières nous a appris dans un de ses derniers rapports, que la révision des codes militaires était presque terminée ; j’ai été heureux d’apprendre que ce travail en était arrivé à ce point, et j’espère qu’il pourra être soumis incessamment à la législature, car il est urgent que la législation militaire en vigueur, qui est bien réellement barbare, soit modifiée ; c’est ainsi que le soldat qui vend des effets de grand équipement est puni criminellement comme s’il vendait des objets appartenant à l’Etat, tandis qu’il ne devrait l’être que disciplinairement, attendu que les objets qu’il vend lui appartiennent, qu’il ne se fait tort qu’à lui-même, qu’il ne soustrait pas le bien d’autrui. Il est grand temps qu’un état de choses pareil cesse d’être en vigueur, et j’espère que la commission rassemblée à cet effet mettra plus d’empressement à terminer son travail, ne fût-ce que par humanité.

Les codes ont une connexité trop grande avec les règlements sur le service intérieur des corps de l’armée pour ne pas en dire un mot. Je me suis procuré, j’ai parcouru, et j’ai comparé le règlement français sur le service intérieur des troupes à pied et à cheval avec le règlement belge sur la même matière. J’ai vu avec regret que la comparaison n’était pas à notre avantage. Les règlements français mis en vigueur par ordonnance du 2 novembre 1833 sont un modèle de sage prévoyance ; on y trouve décrits avec le plus grand ordre les devoirs des inférieurs à l’égard de leurs supérieurs, les devoirs inhérents à chaque situation, les attributions du chef de corps jusqu’au simple soldat. Les époques et le temps voulus pour l’instruction, la théorie, les exercices, y sont fixés. Enfin la tenue et les punitions disciplinaires y sont définies. Quant à nos règlements, ils sont surannés, incomplets, renfermant des dispositions devenues impraticables ; c’est enfin une mauvaise traduction des règlements hollandais, qui datent de plus de 25 ans.

Il vous a déjà été dit l’année dernière que nos colonels sont surchargés de détails administratifs, qu’ils passent leur vie dans la poussière des bureaux, occupés de détails d’administration, au lieu de veiller à l’instruction de leurs régiments, et de les faire manœuvrer sur le terrain. C’est là encore une suite de nos très défectueux règlements, faits pour le régime hollandais. A cette époque, nos régiments étaient des corps provinciaux, qui dormaient perpétuellement avec leurs dépôts. Un commandant de dépôt faisait l’administration ; mais depuis que nos corps ont été mis sur le pied de guerre, il n’a plus été possible de les tenir réunis à leur dépôt à cause de leurs changements fréquents de garnison, et à cause des énormes magasins dont ces dépôts sont encombrés ; les colonels se sont vus ainsi chargés de détails administratifs, qui privent leurs régiments de soins plus importants. En France le dépôt, moins encombré de magasins, suit toujours le régiment tant qu’il ne passe pas la frontière. Un major avec grade de chef de bataillon est chargé de toute l’administration, un lieutenant-colonel vient encore décharger le colonel d’autres détails ; ce lieutenant-colonel surveille la théorie, l’instruction, la discipline, il tient le registre des punitions, des notes sur la bonne et mauvaise conduite, etc.

En France les intendants militaires sont, d’après les mêmes règlements, chargés de revues sur le terrain, chargés de constater si tous les hommes portés sur tes registres de présence sont réellement présents ; ils sont, en un mot, commissaires aux revues : en Belgique ils ne sont chargés que du service des subsistances. Je crois qu’il serait très utile de donner à nos intendants des attributions plus complètes, et de les charger des revues sur le terrain. Je terminerai ici mes observations en formant le vœu formel que notre armée soit dotée au plus tôt d’une ordonnance sur le service intérieur, calquée sur celle de France, en modifiant les articles contraires à notre organisation fondamentale.

(Moniteur belge n°2, du 2 janvier 1838) M. le ministre de la guerre (M. Willmar).- D’après les observations générales que j’avais trouvées dans le rapport de la section centrale, je ne m’étais pas préparé à prendre une grande part à cette discussion ; mais la véhémente critique que l’honorable M. Brabant a faite de la situation de l’armée et de l’inexécution des règlements me force à entrer dans de longs détails. Je ne reviendrai pas sur la question du complet et de l’incomplet des cadres, elle a été longuement discutée l’année dernière ; je n’ai pas caché le point de vue sous lequel j’envisageais la question en insistant pour maintenir les cadres, je n’ai pas manifesté l’intention de les remplir ; j’ai dit que je ne voulais procéder qu’avec sécurité et en connaissance de cause à des promotions, après avoir acquis la certitude que les propositions seraient bien faites. Ainsi, il n’y a rien de surprenant à ce que l’incomplet n’ait pas été rempli l’année dernière. Si, au budget de 1838, j’ai proposé une diminution analogue à celle que la section centrale proposait l’année dernière, c’est que je trouve une grande différence entre les deux sources de cette mesure ; émanant du gouvernement, elle ne provoque pas de découragement, elle ne porte pas atteinte à l’émulation, parce qu’on sait qu’elle est calculée sur la connaissance vraie, réelle, des besoins de l’armée et sur la possibilité d’y satisfaire.

Un grand grief contre la situation de l’armée, c’est l’absence de règlements ; et ce grief a été longuement et vivement articulé aussi par M. de Man d’Attenrode, en sorte que mes réponses s’adresseront aussi bien à lui qu’à l’honorable M. Brabant.

Il y a une observation générale à faire sur la situation de notre armée. Depuis que le pays existe, elle n’a jamais été dans un état normal, jamais elle n’a été sur le pied de paix, jamais il n’a été possible de se livrer d’une manière suivit aux travaux d’organisation intérieure. Ce qu’on a eu pour objet de faire, c’était de pourvoir aux parties d’organisation qui conduisaient aux dépenses. Ce motif de préférence est facile à saisir, quant à ce qui tient à l’organisation de l’armée. On a tâché de pourvoir à ce qui manquait aux règlements. On sait qu’une commission est depuis trop longtemps sans doute chargée de réviser les codes. Mais si on examine avec justice les causes qui sont venues entraver les travaux de cette commission, la perte qu’elle fait tous les ans de plusieurs de ses membres, qui pendant plus ou moins de temps, pour les réunions de troupes dans les camps, sont forcés de quitter Bruxelles, on concevra le retard qu’a dû éprouver son travail.

Le règlement de service intérieur n’a pas cessé d’occuper l’attention des chefs de l’armée. Dans ce moment, le projet de règlement de police est prêt ; aussitôt que celui sur le service intérieur le sera, la commission sera chargée d’y mettre la dernière main, et cette commission ne finira pas en huit ou quinze jours, comme l’a dit M. Brabant, parce que je ne crois pas qu’un travail aussi considérable puisse être improvisé ; mais elle s’en occupera avec suite et le terminera dans un temps très prompt. J’aurai l’occasion de citer à la chambre l’exemple d’une commission qui a achevé en peu de temps un travail important, et la chambre y verra le présage que les commissions s’occupent avec une activité suffisante.

On a parlé des règlements, de leur absence, ou de leur insuffisance ; et l’on a été chercher le fait, arrivé dans la ville de Namur, d’un conflit à propos des représentations de théâtre. Messieurs, il y a une première observation à vous faire à cet égard, c’est que dans aucun règlement il n’existe de disposition positive relative à ce service dans les théâtres. C’est une chose consacrée par l’usage que les soldats en garnison vont faire l’office de figurants ; mais cela se fait partout par suite du libre arbitre et de la bonne volonté des hommes.

Il arrive quelquefois que les chefs de corps ou de parties de corps ne veulent pas se soumettre à cet usage, et qui alors refusent des hommes aux commandants de place qui en demandent : ils les refusent sans donner d’autres motifs que celui-ci : cela ne nous convient pas ; ou bien ils assurent que leurs hommes ne le veulent pas. Quand ce dernier motif est bien constaté, il est toujours regardé comme péremptoire ; car on ne force personne. On regarde comme une chose utile au bon ordre et propre à maintenir la bonne harmonie qui doit exister entre les habitants d’une ville et les soldats qui y sont en garnison, la faculté accordée aux soldats d’assister aux représentations théâtrales comme figurants ; il en résulte d’ailleurs un bien-être pour le soldat, sans nuire aux devoirs qu’il a à remplir, et ceci mérite d’être pris en considération.

Quoi qu’il en soit, il est donc arrivé qu’un chef de corps, à Namur, n’a pas trouvé convenable de laisser figurer des hommes au théâtre, et de là conflit .On dit qu’il y a eu instruction ministérielle pour approuver la conduite du commandant de place qui avait demandé les hommes, et que cette instruction ministérielle aurait eu pour résultat de transformer en obligation ce qui n’était que d’usage : il y erreur complète sur ce point. Il y a eu refus d’un chef de corps au commandant de place, et le ministre a déclaré que le refus d’un inférieur d’obéir à son supérieur devait être réprimé dans tous les cas. Voilà, dans cette affaire, quelle a été toute l’intervention du ministre. Mais arrive l’ordre du jour du général auquel appartient la fraction du corps dont il s’agit et dans cet ordre du jour on rappelle simplement qu’il n’y a aucune obligation réelle pour le soldat de paraître sur le théâtre s’il ne le veut pas, et le général remettait au libre arbitre du chef la solution de la question de savoir si les soldats devaient être figurants ou ne devaient pas l’être. Dans ce cas j’ai trouvé quelques exagérations dans le libre arbitre laissé au chef du corps ; j’ai fait remarquer qu’un usage observé dans tous les pays méritait d’être conservé, et j’ai déclaré que j’approuvais celui qui s’y soumettait plutôt que celui qui s’y refuserait sans motif grave. Je le répète, ceci n’est point un article de règlement, c’est un article de simple bon sens, de convenance, où le règlement n’a rien à faire. Ainsi, ce conflit n’a pas la gravité qu’on a voulu lui prêter.

On a beaucoup insisté sur l’absence de bonnes traductions officielles des règlements hollandais, et on a surtout insisté sur l’absence de pareils règlements pour le corps du génie : je n’assurerai pas qu’il y ait une traduction officielle de ces règlements, mais à coup sûr il en existe une.

Elle a été envoyée dans toutes les directions, dans toutes les places où il y a un officier commandant du génie. J’affirme ce fait comme le sachant de science certaine, parce qu’en 1830, ayant été appelé au ministère de la guerre pour être chargé de réorganiser le corps du génie, la première chose que j’aie faite ç’a été de réclamer cette traduction ; ainsi, officielle ou non officielle, la traduction existe partout.

Que ce règlement et que les autres règlements doivent être révisés, c’est ce que nous avons toujours senti. Aussi s’en occupe-t-on.

Si la chambre veut apprécier les griefs articulés contre l’organisation de l’armée, je la prierai de considérer l’état dans lequel cette armée se trouve. Quant au corps du génie, je dirai qu’il n’a jamais été en rapport avec les besoins du service. On l’a composé de personnes du pays, et ce n’est que par suite d’un grand zèle et d’un travail forcé que ce corps a pu suffire aux principales exigences du service. C’est parce que le corps du génie a toujours eu trop d’occupation que le règlement n’a pas été revu et coordonné avec l’état de choses actuel.

On a dit qu’il n’existait aucune espèce de règlement pour établir les heures des divers exercices des troupes, et l’honorable M. de Man d’Attenrode, renchérissant à cet égard sur les assertions de M. Brabant, a prétendu que les chefs de corps étaient tellement accablés de travaux administratifs qu’il n’avait pas le temps de s’occuper des manœuvres. Quant aux heures des exercices des troupes, M. Brabant a dit qu’elles étaient abandonnées au bon plaisir des chefs de corps. Ceci pourrait être vrai si l’armée n’était pas organisée sur le pied de guerre. En conséquence de cette situation, chaque chef de corps a au-dessus de loi un général de brigade ou un chef de brigade ; les commandants de brigade ont au-dessus d’eux les généraux de division ; et ceux-ci ont à leur tour au-dessus d’eux le chef d’état-major qui dirige le service. Les heures des exercices et les heures de travail sont réglées entre ces diverses autorités qui sont chargées d’y tenir la main.

Quant à l’assertion que les colonels n’ont pas le temps de s’occuper des manœuvres, je répondrai que nos troupes ont été l’objet des éloges les plus flatteurs et les mieux mérités de toutes les personnes capables d’en bien juger, et qui les ont vues au camp : nos troupes ne manœuvreraient pas avec une telle précision si les chefs n’avaient pas le temps de s’occuper d’elles, et s’ils ne s’en occupaient pas.

Tout ce qui est important pour le service se fait donc maintenant quoiqu’il n’y ait pas de règlements officiels ; j’avoue qu’il vaudrait mieux que ces règlements existassent ; je le répète, on s’en occupe, et ils seront faits.

L’honorable M. Brabant a adressé au département de la guerre un reproche très grave, selon lui, et qui, s’il avait l’importance que cet orateur lui attribue, serait une indiscrétion de sa part, quoi qu’il en ait dit. Il a dit que parmi les troupes parties pour Luxembourg, il y en avait qui n’avaient pas fait l’exercice à feu.

Il est vrai que, dans la grande généralité des hommes, il y en a qui n’ont pas fait cet exercice ; mais cela vient de ce que dans les bataillons on a incorporé les hommes faisant partie du contingent de la levée de cette année. Et je crois que l’on a très bien fait de ne pas retirer de ces bataillons les troupes nouvelles : si elles avaient dû se battre, elles se seraient bien battues, et auraient parfaitement reçu le baptême du feu, j’en suis convaincu. N’eût-ce pas été une espèce de flétrissure imposée à ces jeunes soldats que de ne les pas juger capables de bien se conduire devant l’ennemi ? Le moment serait mal choisi de faire un triage dans les corps ; tous les soldats veulent marcher, et ils regarderaient comme un affront d’être laissés en arrière.

On a généralisé le reproche ; on a dit que l’armée ne brûlait pas une amorce, et que nos soldats n’étaient pas exercés au tir : messieurs, on les exerce au tir non seulement au camp, mais dans les garnisons... Vous avez beau faire un signe négatif, il n’y a pas de corps dans lequel on ne délivre des cartouches soit pour tirer au blanc, soit pour tirer à balle ; et si ces exercices à feu n’ont pas lieu dans toutes les garnisons, cela vient de ce qu’on ne trouve pas partout des endroits convenables pour s’y livrer. Cela est si vrai que ces exercices ont été l’objet de correspondances entre le ministère et les régences pour fournir les endroits convenables.

On a parlé d’une batterie qui n’avait pas tiré un coup de canon : ce fait me paraît fort étrange. Voici la règle générale :

Il y a au camp de Beverloo un polygone, et non seulement les batteries attachées aux corps font des exercices à feu à ce polygone, mais il y a un autre polygone à … où passent successivement toutes les batteries, tant de sièges que l’artillerie à cheval.

Ce serait vraiment une chose extraordinaire qu’une exception en ce genre eût eu lieu pour la seule batterie qui siège à Namur. Les mouvements de troupes dont on se plaint ont précisément pour cause qu’on fait aller les troupes dans les lieux où elles peuvent convenablement recevoir l’instruction dont elles ont besoin.

L’honorable M. Brabant s’est beaucoup plaint des marches et contremarches des troupes ; il a prétendu surtout qu’elles ont lieu sans motif. Il me semble vraiment extraordinaire qu’on puisse s’imaginer qu’on fasse faire des mouvements aux troupes sans motif. J’avoue que l’idée ne m’en viendrait jamais. Si l’on veut bien réfléchir à la situation de notre armée, on comprendra facilement la nécessité des mouvements des troupes : ainsi, de tous les régiments on enrôle chaque année plusieurs bataillons au camp ; la durée ordinaire du camp est de trois mois ; on la partage en deux périodes, et l’on y envoie chaque fois 1,000 hommes de manière que 15,000 hommes doivent tous les ans quitter leurs garnisons, se rendre au camp et retourner chez elles ; il me semble qu’il y a là un motif assez plausible des marches de troupes et par conséquent de passage dans les différentes localités qui se trouvent sur leur route, et par conséquent aussi de logements militaires. Ce mouvement général a encore des conséquences plus étendues : les garnisons ne peuvent pas rester vides pendant que les troupes se trouvent au camp ; il faut que d’autres troupes aillent les remplacer, et voilà encore une raison de mouvements de troupes. L’économie sévère qu’on cherche à introduire dans les dépenses de l’armée fait que dans les moments où on n’a pas besoin d’avoir des forces considérables dans les bataillons, on donne des congés forcés, des congés par classes ; les hommes qu’on renvoie ainsi chez eux doivent être logés. Les hommes des classes nouvelles, on les fait venir aux dépôts, et quand ils sont instruits, on les renvoie au corps : voilà encore 12,000 hommes par an qui doivent faire un double voyage.

Enfin l’hiver même il reste encore au camp une garnison assez considérable, et comme le service est fort pénible, on ne le laisse pas durer très longtemps ; de cette manière, encore une fois, dans la partie de l’année où le camp ne semblerait avoir aucune influence sur les marches de troupes, il en a encore une assez notable ; celle influence se fait surtout sentir précisément dans la localité à laquelle appartient l’honorable M. Brabant, parce que la garde du camp est en grande partie tirée de la garnison de Namur.

Je viens à la grande affaire de ces logements qui ont été refusés par la ville de Namur ; je commencerai par prier la chambre d’observer que c’est un droit résultant des règlements que les troupes arrivant dans une ville ne doivent pas immédiatement être mises dans les casernes, mais qu’elles peuvent être logées chez l’habitant pendant deux fois 24 heures, afin que les casernes puissent être préparées à les recevoir ; il résulte encore des règlement (et cela est d’ailleurs dans les convenances) que les autorités locales doivent être averties assez longtemps d’avance pour qu’elles puissent prendre les dispositions nécessaires pour assurer des logements des troupes. Voici maintenant le fait qui a eu lieu à Namur : il ne s’est pas agi d’autre chose que de l’oubli de la part d’un chef de donner cet avertissement, et à cause de cet oubli, le détachement a été mis sur les pavés, les troupes ont été obligées de coucher dans les casernes sur les planchers, parce que toutes les fournitures étaient occupées. C’est par suite de ce fait que le gouvernement a envoyé à Huy un bataillon de la garnison de Namur, et le gouvernement pris des mesures pour que des troupes ne soient plus traitées avec si peu de convenance, avec tant d’inhumanité même, à l’avenir.

A propos du dernier mouvement de troupes, l’honorable M. Brabant a cité un fait qui n’est pas venu à ma connaissance, mais je doute fort que le commandant de Namur ait mérité des expressions assez peu parlementaires d’avoir tenu une conduite insolente, comme l’a dit M. Brabant, d’après un propos tenu dans un lieu public ; et je pense, messieurs, que quand on veut dans cette enceinte articuler une plainte contre un chef de l’armée, elle doit être fondée sur autre chose que sur un propos de cette nature.

L’honorable M. de Man d’Attenrode s’est beaucoup plaint des désordres qui seraient occasionnés dans les camps par les remplaçants ; comme moyen de remédier à cet abus, il désirerait que le gouvernement pût se charger de pourvoir aux remplacements ; je pense, messieurs que c’est là une chose complétement impossible ; néanmoins, puisqu’il s’agit d’une nouvelle loi sur la milice, on pourra examiner la question ; mais il me semble que la chose entraînerait des embarras considérables ; je suis, par exemple, frappé de celui qui résulterait de la circonstance que le gouvernement ne trouverait pas les remplaçants nécessaires, circonstance qui peut se présenter, puisque les remplaçants deviennent très rares et que la société qui a été formée pour fournir des remplaçants a été obligée, pour réussir, de payer un prix plus élevé ; depuis lors elle a eu plus de succès ; et je crois qu’elle pourra rendre de grands services, car parmi les hommes qui ont consenti à remplacer par son intermédiaire, il se trouve un grand nombre de sous-officiers, ce qui prouve bien que cette société contribuera beaucoup à conserver à l’armée les hommes qu’il est le plus désirable d’y conserver. Je n’entrerai pas dans la question de savoir que l’association dont il s’agit fasse ou ne fasse pas un hôtel des invalides, c’est là une affaire qui doit être traitée ailleurs qu’au département de la guerre ; la chose essentielle, c’est que le militaire obtienne un asile où son bien-être puisse être augmenté.

L’honorable M. de Man d’Attenrode s’est plaint de la manière dont se distribuent les congés. J’ai déjà dit à la chambre qu’on donne des congés forcés, par classes, afin de réduire l’armée à l’effectif que le budget comporte ; quant aux autres congés, il y en a de différentes espèces, mais on établit à cet égard des catégories qui embrassent à peu près toutes les classes ; les ouvriers mineurs et houilleurs ont été placés dans la catégorie qui doit être envoyée la première en congé ; cette mesure a été prise de commun accord avec le département de l’intérieur, et j’ai cru satisfaire en cela à un besoin réel du pays ; mais on envoie également en congé des miliciens de toutes les classes : une des règles qu’on consulte le plus généralement, c’est celle du besoin des familles, et sous ce rapport, je crois que le département de la guerre peut se rendre cette justice qu’il a fait tout ce que l’équité exige, et qu’il n’y a réellement aucun reproche à lui adresser.

Il y a encore, je pense, un seul point du discours de l’honorable M. de Man d’Attenrode, auquel je n’ai pas répondu, c’est ce qui concerne les revues sur le terrain qu’il désirerait voir faire par les intendants militaires. C’est là, messieurs, une question assez importante, et je m’en suis déjà occupé moi-même : s’il y a des avantages dans cette mesure, elle présente aussi des inconvénients ; il est nécessaire de peser mûrement les uns et les autres. Les inspections se font fréquemment ; on exige un contrôle très exact, et pour qu’il pût y avoir des malversations, il faudrait un concours réellement impossible entre un très grand nombre de personnes. Je crois donc que la chambre peut être convaincue qu’il n’existe pas d’abus sous ce rapport, et que par conséquent la mesure dont a parlé l’honorable M. de Man d’Attenrode, et qui a surtout pour objet de prévenir ces abus, n’est pas d’une urgente nécessité. Néanmoins, je le répète, cette question fait l’objet d’un examen sérieux.

M. Dumortier. - Je ne crois pas, messieurs, qu’il serait convenable que le gouvernement se chargeât de pourvoir aux remplacements ; le gouvernement ne peut pas entrer dans cette espèce de trafic, il doit le laisser aux particuliers, d’autant plus que le système de l’honorable M. de Man d’Attenrode amènerait encore un surcroît de dépenses.

Je crois donc que l’état actuel des choses est le meilleur et qu’il n’est pas prudent d’engager le gouvernement à le modifier ; mais il est un point sur lequel je dois présenter quelques observations. M. le ministre a dit qu’au moyen de l’association qui s’occupe de remplacement, on est parvenu à conserver à l’armée beaucoup de sous-officiers qui ont pris un nouvel engagement.

Ce système présente un avantage réel en ce qu’il tend à faire avoir de bons cadres composés de gens habitués au service ; mais je désire que ce système ne fasse pas méconnaître les droits qu’ont à l’avancement les miliciens capables. L’avancement les déterminera à rester au service, et ils feront une bonne pépinière d’officiers.

Un honorable collègue s’est plaint de l’incertitude qui a régné relativement au concours des soldats aux représentations théâtrales. M. le ministre de la guerre, dans sa réponse, a dit que cet usage reposait sur des habitudes d’ordre et qu’il convenait de le maintenir. Je trouve cette règle très sage quand les soldats ne se refusent pas à figurer au spectacle ; puisque c’est un usage consacré, il ne faut pas les en empêcher ; mais, d’un autre côté, on ne doit pas empêcher les soldats d’assister aux cérémonies religieuses, car cet usage repose éminemment sur des idées d’ordre.

Je demande que M. le ministre de la guerre fasse cesser les difficultés que les soldats rencontrent dans certains corps pour assister aux cérémonies religieuses, d’autant plus qu’il n’est résulté aucun inconvénient des ordres que M. le ministre de la guerre a donnés à Bruxelles dans ce sens. Je ne pense pas qu’il faille forcer les militaires, s’ils refusent d’assister aux cérémonies religieuses ; je suis d’accord avec M. le ministre de la guerre qu’il ne faut pas les y forcer ; mais d’un autre côté, je crois que la plupart ne s’y refuseront pas et que tout se passera ainsi qu’il convient.

J’ai un mot à ajouter à ce qu’a dit mon honorable ami M. Brabant sur le logement militaire : il est certain que de toutes les charges qui pèsent sur une nation, c’est incomparablement la plus lourde. On prend son parti du paiement des impôts ; mais recevoir des soldats chez soi, n’être plus maître dans son domicile, jamais on ne prendra son parti de pareille charge.

Dans tous les pays, le logement militaire est considéré comme une charge extrêmement lourde. Dans l’ancienne Belgique la charge du logement militaire n’était pas imposée aux citoyens.

Il en est encore ainsi en Angleterre ; quand les troupes voyagent, elles logent dans les auberges, elles logent comme elles l’entendent, jamais les habitants ne sont contraints de les loger. Ce principe posé dans les plus anciennes constitutions de la Belgique fut respecté dans la loi fondamentale qui porte à son article 212 :

« Le logement et la nourriture des gens de guerre, les prestations de quelque nature qu’elles soient à faire aux troupes du roi ou aux forteresses, ne peuvent être à la charge d’un ou de plusieurs habitants, d’une ou de plusieurs communes. »

Voilà le principe consacré dans la loi fondamentale. Depuis la révolution, un changement total s’est opéré, aujourd’hui, il n’y a pas d’année où chaque citoyen ne doive à plusieurs reprises et même souvent loger des militaires. Je sais qu’il est des circonstances où le département de la guerre ne peut pas éviter cela ; mais il ne semble que l’on devrait viser par tous les moyens à rendre cette charge aussi rare que possible.

Il y a beaucoup de villes où les lits de fer sont en plus grand nombre que les soldats de la garnison ; l’Etat paie à la compagnie Legrand pour les lits de fer, occupés ou non ; d’autre part il paie aux citoyens une indemnité pour les logements militaires, il résulte de là une double dépense ; si donc M. le ministre de la guerre disposait des lits de fer, maintenant inoccupés, pour les militaires qui sont logés chez l’habitant, il en résulterait le double avantage de diminuer la dépense et de débarrasser les citoyens d’une charge qui leur est odieuse.

J’ai vu dans le rapport qu’a fait, aux termes de la loi communale, l’administration de la ville de Tournay, qu’il y a dans les casernes de cette ville 500 lits de fer inoccupés ; cependant à chaque instant il y a des logements milliaires à Tournay ; il me semble que quand il passe moins de 500 hommes, on pourrait, au lieu de les loger chez l’habitant, leur donner ces lits de fer disponibles.

Je pris M. le ministre de la guerre de prendre en considération ces observations.

M. le ministre de la guerre parle du droit qu’aurait le gouvernement de faire loger les militaires chez l’habitant ; il a dit que ce droit résultait des règlements militaires ; pour moi, je ne saurais admettre que les règlements militaires puissent établir ni ce droit, ni aucune espèce de droit à la charge des citoyens.

Je sais que les citoyens ne se refusent pas aux logements militaires, mais ils n’en trouvent pas moins pour cela cette charge odieuse ; j’engage donc le gouvernement à ne pas abuser de la bonne volonté des citoyens et à recourir aux moyens que j’ai indiqués pour diminuer les logements militaires.

M. Pirmez, dans un discours écrit qui ne nous a pas été communiqué, se plaint de l’état d’infériorité dans lequel sont les officiers de santé, relativement aux autres officiers de l’armée ; il attribue à cet état de choses les décisions données dans le service de santé, et établit que les médecins de l’armée, en raison de l’instruction coûteuse qu’ils ont reçue et des achats de livres et de journaux de médecine, devraient être assimilés, quant à la solde aux officiers des armes spéciales.

M. Brabant. - Il y a deux points du discours de M. le ministre de la guerre sur lesquels j’ai à m’expliquer. C’est d’abord sur les logements. On a prétendu que d’après les règlements les troupes avaient le droit de loger pendant deux ou trois jours chez les habitants. Puisqu’on ne connaît pas les règlements, je vais en donner lecture. L’article 73 du règlement porte :

« Art. 73. Dans les villes où il n’y aura point de casernes, ou dans lesquelles les casernes seront déjà occupées, les troupes seront logées chez les habitants, sans distinction, exception, ni privilège. »

Eh bien, à Namur, il y a des casernes, et ces casernes ne sont pas occupées, puisque dans ce moment il y a tout au plus 1,600 hommes de garnison à Namur et que, d’après les documents fournis par le ministère de la guerre à la commission des lits de fer (les honorables membres qui en faisaient partie peuvent se le rappeler) Namur a des casernes qui peuvent contenir 6,000 hommes ; ce sont, après celle d’une autre ville, je ne me rappelle plus laquelle, les plus grandes casernes qu’il y ait dans le royaume.

Quand on a dit que les troupes avaient droit au logement pendant deux ou trois jours on a confondu les droits des officiers avec ceux des soldats ; je trouve dans le règlement du général Goethals :

« Art. 206. Dans les garnisons, les officiers, quel que soit leur grade, devront se loger à leurs frais ; cependant, à leur arrivée, on ne pourra leur refuser des billets de logement pour trois nuits au plus. »

Voilà la seule disposition que j’aie pu trouver sur laquelle on puisse s’appuyer pour réclamer le logement chez l’habitant pendant deux ou trois jours, même dans le cas où il y a des casernes.

Un point grave en matière militaire, c’est le tir à la cible. Comment se fait-il qu’un objet aussi important ait été tellement perdu de vue, qu’un régiment à ce que l’on m’a assuré, n’ait pas même tiré au blanc cette année ?

J’ai dit que parmi les troupes envoyées au Luxembourg, il y a un régiment qui n’a pas encore brûlé un grain de poudre.

Savez-vous quand on commence en France à tirer à la cible ? Dès qu’on a terminé l’école du soldat. Les appels se font au mois d’avril, soit trois mois pour apprendre l’école du soldat. Vous voyez donc qu’il y avait du temps de reste pour tirer à la cible.

On a dit qu’on faisait tirer dans les villes de garnison où il se trouvait des lieux où les troupes pussent recevoir l’instruction, et on a pris prétexte de ce que certaines administrations communales se seraient refusés à donner des terrains propres aux exercices, pour dire que s’il n’y a pas de tir à la cible, c’est à cette cause que cela tient ; mais parmi les villes ayant garnison, ayant au moins de fortes garnisons, je ne connais que Louvain et Bruxelles qui ne soient pas des places fortes, et dans toutes les places fortes les fossés des fortifications offrent des emplacements où le tir à la cible peut avoir lieu sans aucun danger, moyennant quelques mesures de police relatives à la circulation sur les glacis pendant la durée des exercices.

M. le ministre de la guerre a révoqué en doute ce que j’ai dit du tir à la cible ; je tiens pourtant de trois officiers de corps différents qu’on ne tire à la cible dans aucun de ces corps. Je me garderai bien de les nommer ; car, quoique M. le ministre de la guerre ait dit qu’il faille se fonder sur autre chose que sur des paroles proférées dans les lieux publics, je crois qu’en pareil cas il se fonderait sur une conversation intime pour pincer ceux qui m’ont communiqué ces renseignements.

M. Mast de Vries. - Je demanderai à M. le ministre de la guerre si dans les villes qui ont des casernes avec des lits garnis des fournitures nécessaires, les militaires doivent être logés chez l’habitant. Ainsi, à Lierre, il y a une caserne, la plus belle caserne de la Belgique ; elle contient 700 lits garnis de leurs fournitures, il n’y en a pas 350 d’occupés ; s’il arrive de la troupe à Lierre, faut-il la loger chez l’habitant ? Voilà ce que je demande.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je pourrais me référer à ce que j’ai dit : car, malgré les assertions contraires, tout ce que j’ai dit demeure exact.

L’honorable M. Brabant a cité l’article 73 du règlement, qui porte :

« Dans les villes où il n’y a point de casernes ou dans lesquelles les casernes sont déjà occupées, les troupes sont logées chez les habitants. » Mais je pense que quand les casernes sont dépourvues de fournitures, c’est comme si elles n’existaient point. Or c’est le cas qui s’est présenté à Namur, cas auquel M. Brabant a fait allusion et que j’ai expliqué tout au long. Cela est tellement vrai, que, ainsi que je l’ai dit, les hommes ont dû coucher site le plancher.

Lorsqu’il n’y a pas de fournitures dans les casernes ou lorsqu’il n’y a pas le temps de les mettre en place, on regarde toujours les casernes comme n’existant pas.

Cette question du logement militaire doit être envisagée en rapport avec la situation extraordinaire du pays. Nous avons des casernes pour loger l’armée sur le pied de paix, mais nous n’en avons pas pour la loger sur le pied de quasi-guerre actuel ou sur le pied de guerre réelle où elle se trouve pendant la durée du camp. Voilà les seules raisons qui multiplient les logements, que l’on cherche à toujours diminuer autant que possible.

Si dans la ville de Tournay il y a eu un moment 500 lits inoccupés, c’est que les troupes composant la garnison se trouvaient au camp. Mais en général on a soin d’envoyer des troupes là où les fournitures de la compagnie Legrand se trouvent disponibles. Lorsqu’une garnison est supprimée ou diminuée pour un terme assez long, on fait déplacer les lits. Ainsi dans ce moment les 700 lits dont on vient de parler n’existent plus à Lierre, où une bonne partie est sur le point d’être éloignée, parce qu’il n’est pas question d’augmenter la force de la garnison ; c’est la manière dont on opère chaque fois que le besoin s’en est fait sentir.

L’honorable M. Pirmez a traité une question à laquelle j’attache toute l’importance qu’elle mérite. Je crois qu’il peut être juste d’améliorer en général le sort des officiers de santé, et de mettre, comme cela est dans un pays voisin, leur traitement de niveau avec la solde des officiers du génie ; mais je ne partage pas l’opinion de cet honorable membre sur les inconvénients qu’il prétend être le résultat de l’état actuel des choses. Quant au nombre des démissions, il y a beaucoup d’exagération.

Il a été donné des démissions pour défaut de capacité des médecins, cas extrêmement rare, ou bien parce que des médecins, après s’être formés dans le service sanitaire de l’armée, trouvaient plus d’avantages à se livrer à la clientèle civile.

Néanmoins, je n’aurais pas hésité à proposer d’améliorer la position des officiers de santé si je n’avais pas été arrêté par la considération des sommes considérables que coûte déjà le budget de la guerre.

M. Dubus (aîné), vice-président, remplace M. Raikem au fauteuil.

- La discussion générale est close.

La chambre passe à la discussion des articles.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 à 5

Les cinq articles suivants composant le chapitre premier sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion.

« Art. 1er. Traitement du ministre et indemnité de logement : fr. 25,000. »

« Art. 2 Traitement des employés et gens de service : fr. 165,000. »

« Art. 3. Frais de route et de séjour : fr. 10,000. »

« Art. 4. Matériel du ministère : fr. 60,000. »

« Art. 5. Matériel du dépôt de la guerre : fr. 8,000. »

Chapitre II. Soldes et masses de l’armée, frais divers des corps

Section I. Soldes des états-majors
Article premier

« Art. 1er. Etat-major général : fr. 750,538 95 c. »

La section centrale propose de réduire ce chiffre de 11,542 fr. et de le diviser de la manière suivante :

« Art. 1er. Traitement des officiers généraux en activité et disponibilité : fr. 402,965 fr. 10 c. »

« Art. 2. Traitement des officiers titulaires et adjoints de l’état-major général, et supplément de solde aux officiers d’infanterie, aides-de-camp, officiers d’ordonnance et détachés au ministère : fr. 316.041 fr. 85. c. »

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je demande le maintien de l’article tel qu’il a été présenté par le gouvernement, et je viens développer mon opinion qui est diamétralement opposée à celle de la section centrale.

J’aurai d’abord besoin de rappeler quel a été en général le système du gouvernement en fait de promotions et surtout celui que j’ai suivi. Ce début est naturel puisque l’objet de la division proposée par la section centrale est de rendre impossible, à l’avenir, la nomination d’officiers généraux. Je dirai donc que le système généralement suivi par le gouvernement et auquel je me suis conformé avec le plus grand soin, a été de prendre pour objet les choses et non les hommes, les besoins du service et non les récompenses à accorder pour services rendus : les promotions de généraux qui ont eu lieu dans le courant de 1837 ont été faites d’une manière parfaitement conforme à ces principes. C’est ce que je ne chercherai pas à établir ici, mais ce qui aurait pu être l’objet d’une discussion au sein de la section centrale, si des explications avaient été demandées.

La section centrale veut évidemment rendre impossibles des nominations nouvelles, et par suite elle blâme implicitement le gouvernement des nominations qu’il a faites. Il me semble que si la chambre veut y réfléchir, il doit lui paraître évident que, dans la situation où nous nous trouvons, des promotions parmi les généraux peuvent devenir nécessaires, et que par conséquent il y a danger à lier les mains au gouvernement à cet égard. Si ce cas arrivait et que, par suite de l’adoption de la proposition de la section centrale, le gouvernement se trouvât dans l’impossibilité de choisir l’homme qu’il croirait convenir à une circonstance donnée, à un besoin donné de la situation du pays, ce n’est pas au gouvernement que la responsabilité en resterait.

Je n’ai pas besoin de rappeler à la chambre que le Roi est le commandant en chef de l’armée, qu’il confère les grades et emplois, et que cette faculté lui est accordée d’une manière absolue ; car pour d’autres fonctions il est dit dans la constitution qu’il y nomme, sauf les exceptions établies par les lois, ou en vertu d’une disposition expresse d’une loi ; tandis que, pour les grades militaires, c’est de la manière la plus absolue que la faculté de les conférer lui est donné comme commandant en chef de l’armée. De là, il me paraît que dans le refus de toute latitude au gouvernement, dans l’intention avouée de le mettre hors d’état de conférer un grade, il y a une atteinte à la constitution. Surtout il peut y avoir un danger réel pour la sûreté de l’Etat.

Messieurs, profiter d’une latitude que laisse un chapitre du budget pour faire une promotion qu’on sait ne pas être conforme à l’opinion de la chambre, engage toujours la responsabilité d’un ministre, présente un inconvénient, une sorte de danger pour lui. Par conséquent, quand il se résout à faire pareille chose, il faut qu’il soit bien persuadé de l’importance et de la nécessité qu’il a de la faire. La chambre n’a donc véritablement pas à craindre qu’il soit fait abus de cette latitude qu’elle laisserait au gouvernement, et il n’y a pas lieu d’adopter la division proposée par la section centrale.

Pour ma part, je ne puis ne pas protester contre cette proposition et contre le blâme qu’elle renferme implicitement, et j’avoue que je ne voudrais pas ne pas avoir fait les promotions qui semblent avoir excité du mécontentement et provoqué la disposition que je combats. Si la conséquence d’un pareil blâme était que je dusse me retirer, je pourrais partir avec le sentiment d’un service rendu.

Je dis que dans la situation où nous sommes, il peut y avoir un danger réel à refuser au gouvernement la latitude nécessaire pour mettre et maintenir l’armée dans la position la plus propre à rendre les services que les circonstances peuvent exiger. Je ne me servirai pas de l’exemple très frappant que l’affaire du Luxembourg vient me fournir. Dans l’état actuel de l’Europe, la guerre doit toujours être prévue. En Hollande on est toujours prêt à pouvoir l’entreprendre ; on donne des soins continuels à l’entretien de l’armée ; l’habillement, l’équipement et l’instruction des troupes sont toujours tenus dans le meilleur état.

L’armée est toujours rassemblée en masse, canonnée sur nos frontières, comme si d’un jour à l’autre elle devait se mettre en marche pour les envahir. La schuttery est toujours au grand complet. Ce n’est pas sans motif, sans arrière-pensée qu’on maintient un pareil état de choses ; il y a là attente d’événements quelconques, et certes il y a bien des événements, bien des combinaisons possibles, desquelles peuvent sortir des conflits ; partout les principes et les partis sont en présence ; partout des germes de guerre existent ; c’est une précaution sage que d’être partout prêt à la soutenir de son côté. Par conséquent, il est tout à fait désirable, nécessaire, que le gouvernement ait une action aussi libre que possible en tout ce qui concerne l’armée ; il est dangereux, irrationnel, inconstitutionnel même d’enlever au Roi la faculté de nommer au besoin un nouveau général de division ou de brigade, s’il en reconnaissait la nécessité.

Messieurs, il y a encore un autre motif pour ne pas arrêter d’une manière absolue l’avancement dans les grades supérieurs de l’armée. Ce motif est la nécessité de ne pas décourager l’esprit militaire. Il est aussi dangereux de faire naître ce découragement au haut de l’échelle qu’aux degrés inférieurs. Un grand motif de l’émulation qu’il faut entretenir, c’est que la carrière militaire exige un goût, une ardeur qui ne peut exister que là où il y a amour de son état.

L’esprit militaire dans un pays où règne une grande prospérité industrielle a sans cesse autour de lui une sorte de dissolvant, des motifs propres à le détruire ; car les professions industrielles offrent de l’avenir un bien-être toujours croissant, des avantages toujours en rapport avec la situation. Dans l’état militaire, au contraire, il y a presque toujours contraste entre les avantages personnels qu’une position donne et les obligations que cette position impose. Les dépenses croissent dans une proportion plus grande que les avantages. Ainsi il y a presque toujours position fausse, gêne, par conséquent défaut de goût, d’amour du métier.

Si maintenant cet encouragement qu’offre un avancement raisonnable est encore enlevé, alors le découragement descendra de la tête, dans les derniers rangs, et l’esprit militaire, je le crains beaucoup, finira pas s’éteindre.

J’ai dit que l’article 65 donne positivement au Roi le droit de conférer les grades. J’ai déjà fait remarquer la distinction que fait la constitution entre les grades militaires et les autres emplois qui ne peuvent être conférés qu’en vertu d’une loi. Puisque le droit de conférer les grades dans l’armée est attribué au Roi d’une manière absolue, une loi qui restreindrait ce droit porterait une véritable atteinte à la constitution.

Maintenant, d’après la proposition de la section centrale, ce droit serait limité, il ne pourrait plus être exercé dans sa plénitude ; il y aurait une véritable atteinte à la prérogative royale, et qui pourrait avoir des conséquences graves pour le pays.

Voilà pour la proposition de la section centrale de faire un article à part du traitement des officiers-généraux, article qui aurait pour but avoué d’empêcher des promotions nouvelles parmi les officiers généraux.

Une autre proposition de la section centrale est celle qui aurait pour résultat de ne pas accorder le nombre des généraux de brigade porté au budget. Je ne sais pas si les membres de la section centrale se sont rendu compte de la position de l’armée à cet égard. Ils auraient dû savoir que plusieurs brigades d’infanterie et de cavalerie ne sont pas commandées par des généraux, et que même, il n’y a aucune mutation possible entre les officiers généraux. Cependant il est impossible qu’il ne se présente pas des circonstances où des mutations seraient nécessaires.

Nulle part il ne faut des connaissances plus spéciales, pus en harmonie avec la situation dans laquelle les hommes sont placés, que dans le commandement des brigades. C’est qu’il faut à l’officier plus d’ardeur, plus de maturité, plus de prudence. Si l’on pouvait choisir, on ne pourrait mettre tel homme dans la position précisé où ses qualités le rendent le plus propre ; on ne pourrait obtenir les commandements désirables, et les plus grands malheurs seraient le résultat du manque de cette faculté.

Indépendamment de ce que plusieurs brigades ne sont pas commandées par des généraux, et qu’ainsi le nombre actuel de ces officiers est insuffisant, il serait nécessaire que, pour un cas donné, le gouvernement pût choisir un homme nouveau, lequel serait le plus convenable à une situation nouvelle.

Je reviens à la question relative à la division de l’article, parce que j’y attache toute l’importance qu’elle mérite ; cette importance est très grande.

La question n’est pas nouvelle ; elle a déjà été traitée dans la discussion du budget de la guerre de 1836. Jusqu’à cette époque, la solde de l’état-major général n’était pas séparée des autres soldes ; mais par un amendement de M. Desmaisières on fit un article à part pour tout ce qui concerne l’état-major général.

Je prierai la chambre de remarquer la marche qu’elle suit, marche qui me paraît un empiétement sur l’action du gouvernement.

Il y a deux ans, il lui a suffi d’avoir un article en bloc pour l’état-major-général ; maintenant elle trouve que ce n’est pas assez resserrer le gouvernement, que c’est lui laisser une latitude trop grande ; et la section centrale vient proposer de faire un article à part pour les seuls généraux.

Je ne sais pas où cette marche pourra s’arrêter, et si la chambre ne doit pas réfléchir gravement avant de faire ce pas qu’on lui demande. Un des motifs dont on s’est servi en 1836 pour faite passer la proposition était tiré de ce qu’il n’existait pas de loi sur l’avancement. On disait que quand on s’occuperait de cette loi, on donnerait à l’armée des preuves de bienveillance, et qu’on pouvait limiter la faculté de l’avancement en attendant que la loi sur l’avancement eût détruit toute possibilité d’abus. La loi sur l’avancement existe depuis 18 mois ; cependant voilà une proposition plus forte que celle faite alors, et qui était motivée, comme je viens de le dire, sur la non-existence de la loi sur l’avancement. Ces considérations répondent par avance aux arguments par lesquels on voudrait défendre la proposition nouvelle.

La section centrale a prétendu que cet article donnerait au ministre la force de repousser des prétentions exagérées ; ce que j’ai dit montre que cette observation n’a pas d’exactitude. Pour ma part, je n’ai pas besoin de cette force : un ministre de la guerre doit trouver en lui-même la force nécessaire pour repousser les exigences et les prétentions déplacées, et pour ne faire que les promotions commandées par le bien du service.

Le système auquel j’ai été fidèle jusqu’à ce jour, a été de ne proposer aux avancements qu’à raison des besoins du service. Je l’ai adopté, au fond, à regret ; je l’ai adopté par suite de l’esprit d’économie, peut-être poussé trop loin, qui a été manifesté dans la chambre. Je pense que ce système est fâcheux par la raison que je viens le développer ; c’est qu’on empêche une émulation suffisante de régner dans l’armée.

L’honorable M. Desmaisières a traité d’autres matières, et notamment la question de prérogative, et il a examiné les arguments que l’on a fait valoir en faveur de la prérogative royale ; il a dit : Nous aussi nous avons une prérogative, nous avons le vote des traitements. Ceci est incontestable, La chambre a le droit de refuser le budget ; quant au droit d’influer sur les traitements, par conséquent de limiter les promotions, droit qui, dit-on, suit du refus du budget, c’est un droit dont la lettre ne se trouve pas dans la constitution. C’est par induction seulement qu’on le tire ; mais de ce que la chambre peut refuser le budget, elle peut seulement, non pas empêcher le gouvernement de faire des nominations, mais lui en ôter le moyen. Ce que la constitution accorde de la manière la plus positive à la chambre, c’est le vote de toutes les dépenses ; relativement aux divisions et subdivisions qu’elle étend chaque année, ce droit n’est pas précisément l’œuvre de la constitution, c’est l’œuvre de la chambre elle-même ; c’est un pouvoir qu’elle s’attribue ; dans des cas donnés, c’est un véritable usage de la force, c’est sa dernière raison.

La prérogative de la chambre que l’on réclame consiste dans la faculté incontestable d’user de cette dernière raison ; mais par cela seul elle ne doit en faire usage que dans des cas extrêmes, et dans des limites qui ne portent pas atteinte à d’autres droits également concédés par la constitution. Or, il n’est pas possible d’avoir un droit plus clairement établi par la lettre même de la loi fondamentale qui celui qui assure au Roi la nomination des commandements et des grades militaires.

L’honorable M. Desmaisières a dit que l’amendement limitera seulement les nominations aux grades supérieurs de l’armée aux dépenses que le pays peut faire : si cela était juste, je ne comprendrais pas pourquoi une limitation plus grande serait nécessaire. Est-ce parce qu’il y a eu promotion d’un général de brigade au grade de général de division, et d’un colonel au grade de général de brigade ? Si c’était là la limite que le pays ne peut dépasser, je le plaindrais ; mais heureusement il n’en est pas ainsi.

La question de prérogative a été traitée par M. Dubus, et à peu près dans les mêmes termes que ceux dont s’est servi M. Desmaisières ; ainsi je me dispenserai de répéter les mêmes arguments pour le réfuter. Toutefois, je crois devoir répondre à quelques considérations nouvelles sur lesquelles il s’est appuyé.

Il a dit que c’était au ministre à faire connaître les promotions nécessaires, et que c’était à la chambre à juger de leur nécessité. J’avoue que je ne puis reconnaître à la chambre la possibilité de l’exercice de ce droit ; car je demanderai quels seront les éléments d’après lesquels la chambre formera ses jugements ? Je demanderai si elle connaît assez bien les détails de la situation de l’armée, les relations du pays avec les pays voisins, pour qu’il lui soit possible de juger de la nécessité d’une promotion dans l’armée ? Ce qui appartient à la chambre d’une manière incontestée, c’est la possibilité de refuser les moyens de faire de telles promotions, faculté qui peut être éclairée, qui peut être aveugle, qui peut reposer sur le savoir, mais qui peut aussi reposer sur de faux aperçus. Le pouvoir législatif, dont la chambre fait partie, peut déterminer les divers grades dans l’armée ; la chambre seule peut refuser les budgets, mais elle ne peut forcer l’adoption d’une autre loi, parce qu’il faut le concours d’autres pouvoirs pour rendre la loi exécutoire.

L’exercice de ce droit serait donc encore une sorte d’induction à tirer de l’esprit de quelques articles de la constitution, mais il ne résulte nullement du texte même de la constitution. Les droits de la chambre en ce qui concerne l’armée sont clairement établis dans les articles 118 et 119 de la constitution, et ces articles ne renferment pas un mot relativement à l’organisation même de l’armée, pas un mot sur la détermination du nombre des grades.

L’article 118 dit : « Le mode de recrutement de l’armée est déterminé par la loi. Elle règle également l’avancement, les droits et les obligations des militaires. »

« Art. 119. Le contingent de l’armée est voté annuellement. La loi qui le fixe n’a de force que pour un an, si elle n’est renouvelée. »

Certes, messieurs, il n’y a rien dans ces articles d’où l’on puisse conclure que le pouvoir législatif doive intervenir dans l’organisation de l’armée.

Voici maintenant ce que porte l’article 120 :

« L’organisation et les attributions de la gendarmerie font l’objet d’une loi. »

Il me semble, messieurs, que cet article qui établit le droit d’organisation pour un corps spécial, l’exclut par cela même pour le reste de l’armée.

Ainsi, messieurs, ce droit qu’on veut attribuer à la chambre de limiter le nombre des grades dans l’armée, n’est véritablement pas écrit dans la constitution. L’honorable M. Dubus veut faire dériver ce droit de celui le voter le contingent ; mais, messieurs, il n’y a pas le moindre rapport entre ces deux droits : le contingent doit être voté tous les cas ; il faudrait donc que les cadres puissent être également changés tous les ans ! Le vote du contingent, c’est le vote de l’impôt en hommes, mais il n’a pas le moindre rapport direct ou nécessaire avec la manière d’enrégimenter ces hommes. L’honorable membre dit que la nomination d’officiers généraux occasionne un avancement général dans toute la série de l’ordre hiérarchique et par là une augmentation de dépenses ; cela n’est pas exact, messieurs, et les faits l’ont prouvé, puisqu’aucune autre promotion n’a suivi celle des généraux dont il s’agit. Il en a été de même de celle qui a été faite en 1835, et qui a donné lieu à une vive discussion dans cette enceinte.

L’honorable M. Dumortier a dit alors que le gouvernement devait avoir les coudées franches pour les grades subalternes, mais qu’il n’en était pas de même pour les officiers généraux ; je vous avoue, messieurs, que la distinction dans un sens inverse serait beaucoup plus raisonnable, car les qualités que réclament les fonctions d’officiers subalternes sont en général d’un ordre tel qu’il est facile de voir si un individu les possède ; il est loin d’en être de même pour les officiers supérieurs et surtout pour les officiers généraux ; là il faut certaines qualités tout à fait spéciales qu’il n’appartient de bien apprécier qu’à celui qui possède une connaissance parfaite de tous les détails, de tout le mécanisme de l’armée, de sa situation et de la situation du pays.

L’honorable M. Desmaisières a parlé de l’effectif réel des officiers généraux, et il s’est plaint de ce que le ministre ne veut pas se conformer à cet effectif ; je demanderai à l’honorable membre ce qu’il entend par effectif des officiers généraux de l’armée ; je lui demanderai quelle est, dans notre situation militaire, la limite que le gouvernement ne peut pas franchir quant au nombre des officiers ? La chambre a décidé de nouveau cette année que la force de l’armée pourrait, au besoin, être portée jusqu’à 110,000 hommes ; or, messieurs, il me semble que les cadres actuels de l’armée sont loin d’être exagérés en proportion de cette force à laquelle, dans des circonstances qui ne sont pas impossibles, il serait nécessaire de porter notre armée.

Une armée de 110,000 hommes devrait être divisée en 11 divisions ; elle formerait 4 corps d’armée, pour lesquels il faudrait 5 chefs d’état-major général, y compris le chef de l’état-major de l’armée ; les armes spéciales qui acquerraient une importance plus grande à mesure que l’armée serait montée sur une plus vaste échelle, demanderaient aussi 2 généraux de division ; en sorte qu’on arriverait à 22 généraux de division en activité. Ces 11 divisions formeraient 22 brigades qui auraient chacune un sous-chef d’état-major-général, lequel devrait être général de brigade. Vous avez les provinces frontières qui demandent la présence d’un officier-général pour le commandement ; vous avez les officiers-généraux des armes spéciales ; si vous voulez encore récapituler cela, vous trouverez un nombre de 31 généraux de brigade. Voilà uniquement pour l’armée active ; mais le service non-actif réclamerait encore au moins 3 généraux de division et 1 général de brigade ; enfin vous aurez nécessairement toujours des généraux en disponibilité ; si vous récapitulez tout cela, vous arriverez à un cadre de 25 généraux de division et 36 généraux de brigade ; ajoutez-y le ministre de la guerre qui doit convenablement être officier-général, et vous aurez un total de 62 officiers-généraux.

Eh bien, messieurs, vous en avez 27, et vous voulez fixer le maximum à ce nombre ! Il me semble que ce n’est pas là avoir un sentiment suffisant de la situation du pays. Si des besoins se présentent, où prendra-t-on les officiers nécessaires pour commander l’armée, dont il faudrait considérablement augmenter la force ? Recourrait-on à l’étranger ? Je crois que cette idée doit répugner au pays en général et aux membres eux-mêmes qui me combattent en ce moment. Cette idée est aussi très loin de moi, et je ne pense pas que nous devrions avoir recours à ce moyen ; je suis persuadé que lorsque le besoin serait venu les commandements pourraient très convenablement être remplis par des officies d’un grade inférieur. Je pense que quant aux promotions, il faut se renfermer dans des limites très étroites ; mais je pense aussi que la marge est tellement grande entre 62 et 27 qu’il serait réellement exorbitant de vouloir s’arrêter d’une manière fixe à ce dernier nombre. Je crois qu’il serait ridicule de traiter aussi l’armée dans ce qu’elle a de plus important, et qu’il vaudrait mieux la supprimer tout à fait ; alors au moins l’économie vaudrait la peine, tandis que celle que l’on propose n’est absolument rien en comparaison des inconvénients qui en résulteraient.

Je prierai donc la chambre d’accorder le chiffre tel qu’il a été demandé par le gouvernement, et je pense qu’elle trouve dans nos antécédents la garantie que nous n’en abuserons pas.

M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, la section centrale a cru devoir vous proposer l’allocation pour les officiers-généraux distincte de celle pour les autres officiers de l’état-major-général, parce que depuis le vote du budget de l’année dernière, un fait est venu démontrer qu’il n’y a pas d’autre moyen d’arriver à ce que les intentions de la chambre soient dorénavant remplies.

La chambre se rappellera que, presque chaque année, une discussion très vive a eu lieu sur l’augmentation des cadres des officiers-généraux, et que chaque fois le ministre de la guerre, prédécesseur de l’honorable général qui vient de parler, avait pris l’engagement de ne pas outrepasser le nombre des généraux pour lesquels il demandait des traitements, et que cependant chaque année ce nombre a été augmenté. L’année dernière, deux discussions ont eu lieu à cet égard et chaque fois nous avons refusé l’augmentation demandée. Cependant cette augmentation a eu lieu, et cela parce que les traitements des officiers-généraux se trouvant englobés avec ceux des autres officiers de l’état-major, on a trouvé le moyen, en ne tenant pas ceux-ci au complet, de solder un plus grand nombre d’officiers-généraux.

M. le ministre de la guerre dit qu’en fait d’organisation, en fait de nominations, il ne faut voir que les choses et non pas les hommes. Je me permettrai de lui faire observer qu’il a oublié ici de prendre en considération une chose très essentielle : c’est le vote de la chambre. Voilà une chose qu’il devrait avant tout prendre en considération.

Quant aux hommes, nous avons toujours évité avec le plus grand scrupule d’entrer dans des questions de personnes et si, l’année dernière, j’ai été, en ma qualité de rapporteur de la section centrale, obligé de faire connaître, sans nommer personne, quelle était la distribution des emplois entre les divers généraux de l’armée, je ne l’ai fait qu’à mon corps défendant, et lorsqu’il n’y avait plus moyen de faire autrement.

Quant aux promotions qui ont eu lieu cette année, aucun membre de la section centrale n’a trouvé à redire à ces promotions en elles-mêmes ; les nominations qui ont été faites, nous les croyons méritées. Mais ce que nous voulons, c’est que, lorsqu’une fois plusieurs budgets successifs ont arrêté le nombre des officiers généraux, une fois que la chambre a émis plusieurs votes formels à cet égard, ce nombre ne soit pas dépassé.

M. le ministre de la guerre a dit qu’il fallait, avant tout, tâcher de faire naître, de raviver et ensuite de continuer l’esprit militaire dans l’armée. Mais, messieurs, il est un autre principe qui aussi peut amener l’esprit militaire ; c’est un principe de toute nécessité que l’on doit mettre en action lorsqu’on veut avoir constamment une bonne armée : c’est qu’il faut aussi rajeunir cette armée ; et si on la rajeunissait, comme elle doit être rajeunie, il y aurait de l’avancement pour tous les officiers qui en méritent, et nous estimons qu’il y en a qui en méritent. Voilà aussi, messieurs, une cause de découragement (puisqu’il nous a parlé de causes de découragement) que M. le ministre ne devrait pas perdre de vue.

M. le ministre de la guerre a également parlé d’une opinion que j’ai émise à une autre époque ; j’aurais proposé alors cette division

De l’allocation concernant l’état-major-général, et d’après ce que vient de rappeler M. le ministre de la guerre, je me serais appuyé sur ce que la loi d’avancement n’était pas encore votée ; il est possible que j’aie agi ainsi ; mais parce qu’alors la loi sur l’avancement n’était pas votée et qu’aujourd’hui elle est promulguée, s’ensuit-il que je doive me reporter à cette époque et que je doive maintenir ce que j’ai dit alors, et l’appliquer au fait d’aujourd’hui ? Mais, messieurs, encore une fois, lorsque j’ai parlé ainsi, si la loi d’avancement n’était pas votée, le fait qui s’est passé cette année n’avait pas non plus eu lieu.

Ce fait que je viens de citer est que les intentions de la chambre ont été formellement transgressées ; et dès lors il n’y avait plus moyen pour nous (car nous, membres de la section centrale, nous avions aussi des prérogatives à défendre), et dès lors, dis-je, il n’y avait plus moyen pour nous, qui voulions que les intentions de la chambre fussent dorénavant ponctuellement exécutées, de vous proposer autre chose que ce que nous avons proposé, c’est-à-dire, la séparation des deux allocations qui composent le crédit pour la solde de l’état-major-général.

M. le ministre de la guerre a cité les articles 118 et 119 de la constitution, pour arriver à prouver qu’il était dans la prérogative royale de nommer autant d’officiers de tout grade qu’il lui plairait.

Messieurs, je respecte beaucoup, et nous devons tous respecter les prérogatives royales, si nous voulons que les nôtres soient respectées. Mais je crois que ni l’un ni l’autre des pouvoirs de l’Etat ne peut empiéter sur les attributions de l’autre.

Messieurs, que dit l’article 119 de la constitution ? Il porte :

« Le contingent de l’armée est voté annuellement. »

Cela veut-il dire simplement que nous avons à voter le nombre de soldats ? Eh bien, messieurs, je ne le crois pas ; car si M. le ministre de la guerre vous a cité les articles 122 et 123, relatifs à la garde civique, pour vous rappeler que là il est dit que l’organisation est réglée par une loi, il a oublié de citer l’article 139 de la constitution où le congrès national déclare « qu’il est nécessaire de pourvoir, et dans le plus bref délai possible, aux objets suivants. » Et parmi ces objets se trouve au n°10 l’organisation de l’armée.

Ainsi, vous le voyez, messieurs, nous n’avons qu’à voter ou à rejeter purement et simplement, le budget en masse sans pouvoir diviser les diverses allocations, sans pouvoir diviser le nombre des traitements. D’ailleurs, à quoi se réduirait notre vote du budget s’il était dans la prérogative du gouvernement de créer autant de grade qu’il lui plairait, et si toute notre opposition pouvait se réduire à refuser tout le budget ? Mais refuser tout le budget de la guerre c’est vouloir une révolution, c’est vouloir empêcher que le pays puisse se défendre contre les attaques de ses ennemis. Jamais il ne pourra entrer dans l’esprit d’une chambre de refuser le budget de la guerre tout entier, et cependant c’est là où l’on voudrait nous amener.

La constitution dit positivement que le Roi confère les grades ; mais dire que l’on confère les grades, ce n’est pas dire qu’on pourra en créer autant qu’on en voudra. Sous ce rapport, je crois que la charte française s’exprime à peu près de la même manière que notre constitution. Il y a aussi le nombre des maréchaux de France qui est limité. Or, dans un des derniers budgets l’on avait outrepassé ce nombre, et sur la proposition de M. le président Dupin, la chambre a refusé le crédit nécessaire pour payer le maréchal en plus. Les chambres françaises revendiquent donc aussi pour elles le droit de limiter le nombre des traitements à accorder.

Le ministre de la guerre a dit encore que probablement la section centrale ne s’était pas rendu compte de ce que plusieurs divisions ou brigades de l’armée se trouvaient sans général pour les commander. Messieurs, par la note que j’ai eu l’honneur de vous faire connaître l’année dernière, vous avez pu voir que s’il y a des brigades, des divisions, qui ne sont pas commandées par des généraux, il y a des généraux qui sont employés à autre chose, et il faut le dire, sans utilité, sans nécessité aucune. D’ailleurs, je le répète, ce n’est pas nous qui avons fixé le nombre des généraux ; nous avons accordé tous les ans le même nombre de généraux ; je crois même que nous avons acquiescé à quelques augmentations sous ce rapport d’année en année.

Ce n’est pas à nous, j’en conviens, à juger s’il faut 10, 15, 30 ou 40 généraux ; mais au moins c’est au gouvernement à nous demander le nombre dont il a besoin, et c’est à lui à justifier la nécessité de ce nombre. Or, le gouvernement a reconnu pendant plusieurs années que le nombre que nous avions accordé suffisait aux besoins de l’armée, et l’on ne peut par conséquent nullement nous accuser de ce dont l’on nous accuse, de ne pas accorder ce qui est nécessaire pour la bonne organisation de l’armée, puisque c’est d’après le gouvernement lui-même que nous avons accordé et déterminer ainsi tacitement le chiffre des officiers-généraux, au point où il est arrivé. Si ce nombre n’est pas suffisant, c’est au ministère à en demander les augmentations qu’il juge nécessaires ; mais je dois faire observer qu’il y a pour lui en même temps obligation de justifier toute demande d’augmentation qu’il croit devoir nous soumettre.

Je bornerai là pour le moment me observations.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, vous votez en ce moment le budget de la guerre, mais je vous ferai remarquer que vous votez implicitement le budget des voies et moyens. Le vote déféré en ce moment à la chambre, qui se trouve réduite à peu près à la moitié ses membres, est peut-être le vote le plus important de la session, car vous allez poser les bases d’une augmentation d’impôts, augmentation qui vous est demandée par le gouvernement et contre laquelle toutes les sections et la section centrale se sont élevées.

C’est parce que le principe de l’augmentation de l’impôt se trouve dans le budget des dépenses qu’on a reconnu la nécessité de voter ce budget préalablement au budget des voies et moyens. La section centrale vous propose sur le budget de la guerre des réductions qui s’élèvent à environ 1,700,000 fr.

Prenez garde, maintenant, que par des raisons plus ou moins spécieuses, on ne nous les fasse rejeter toutes isolément. Il ne nous restera qu’à voter les augmentations d’impôt contre lesquelles tout le pays en quelque sorte a déjà réclamé.

Par l’article en discussion, le gouvernement a demandé une augmentation d’environ 43,500 fr. ; la section centrale ne propose qu’une réduction de 11 mille et des cents francs. Il restera toujours 57,000 fr. d’augmentation. Quelque modérée que soit cette proposition, le ministre la combat.

La section centrale a fait remarquer en même temps que si vous ne changiez pas le libellé de l’article, le ministre pourrait faire une application de ce crédit, contraire à l’intention de la chambre. Ce libellé, le ministre le combat encore ; il conteste à la chambre le droit de formuler un article de manière à avoir la garantie que la somme qu’elle vote recevra l’application qu’elle désire. C’est une chose inouïe dans les fastes parlementaires, de notre pays du moins, que l’on vienne dénier à la chambre le droit de rédiger le libellé d’un article de façon que nous puissions assurer l’application d’un crédit telle que nous la voulons. Cela, dit-on, n’est pas dans la prérogative de la chambre, et on vient nous opposer la prérogative royale, on vient chercher dans l’article 78 des limites en ce qui concerne le budget de la guerre.

Selon le ministre, tout ce que la constitution n’accorde pas à la législature, par celui seul doit lui être dénié. Il s’attache à faire ressortir un argument a contrario de l’article concernant la gendarmerie ; de ce qu’on n’a parlé que de l’organisation de la gendarmerie, on lui a dénié le droit de s’occuper de la partie de l’armée qui n’est pas la gendarmerie. Voilà le principe que pose M. le ministre. La représentation nationale n’a de pouvoirs que ceux qui sont écrits dans la constitution, tout le reste appartient à la prérogative royale. C’était le principe contraire qu’il fallait proclamer, parce qu’il est écrit en toutes lettres dans la constitution.

L’article 78 porte :

« Art. 78. Le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la constitution et les lois particulières portées en vertu de la constitution même. »

Ainsi c’est nous qui pouvons dire : Vous devez trouver écrits en termes exprès dans la constitution les droits que vous prétendez être réservés au pouvoir exécutif ; tout ce que vous n’y trouverez pas écrit, appartient au pays, à la représentation nationale. Ce seul article renverse déjà par sa base toute l’argumentation du ministre de la guerre. Il s’est complétement trompé de principe ; il a pris le contre-pied de ce qui est écrit. Il a prétendu que la chambre n’avait de pouvoirs que ceux écrits dans la constitution, tandis que c’est le pouvoir exécutif qui n’a de prérogatives que celles expressément écrites dans la constitution.

M. le ministre a débuté par une considération tirée de l’importance qu’il y a à conserver l’esprit militaire, de la nécessité, afin d’atteindre ce but, de pouvoir accorder de l’avancement aux officiels qui en méritent. Je conteste formellement cette considération mise en avant par le ministre. Je prétends que la carrière militaire ne diffère pas des autres carrières. Je prétends que pas plus les grades dans l’armée, que les fonctions appartenant aux autres départements ministériels, ne doivent être créés par les hommes ; on doit uniquement les créer pour les besoins du service. Vous ne pouvez y nommer que lorsqu’ils sont vacants. Lorsqu’ils sont suffisants et qu’il n’y a pas de vacants, il n’y a pas de droit, il n’y a pas plus de raison de créer un nouveau grade de général de division ou de brigade, pour récompenser les services d’un individu, que vous n’auriez le droit de nommer un gouverneur en plus pour donner à un fonctionnaire public de l’avancement en récompense de longs services, que vous n’auriez le droit de nommer un conseiller surnuméraire à la cour de cassation ou à une cour d’appel pour récompenser les longs services de juges qui appartiendraient aux tribunaux inférieurs.

Le principe est le même pour toute espèce de fonctions, leur nombre est déterminé d’après les besoins du service. Ce n’est que quand une fonction est vacante par décès, démission ou révocation du fonctionnaire, dans le cas où on a le droit de le révoquer, qu’on doit le remplacer et donner de l’avancement, s’il y a lieu, à un autre fonctionnaire du même ordre. Le texte de l’article relatif à la prérogative royale ne présente rien de contraire à ce que je viens de dire. L’article 66 porte que le Roi confère les grades dans l’armée. Il suppose que les grades existent. Il examine à qui appartient de conférer la fonction. C’est au Roi. Il résulte de là que là que vous ne pourriez pas faire une loi qui, en instituant un nombre déterminé de grades, attribuerait à un autre qu’au pouvoir exécutif le droit de nommer. S’il convenait au gouvernement de nommer deux colonels par régiment, deux capitaines et quatre lieutenants par compagnie, vous n’auriez pas le droit de faire une loi qui porterait qu’il y aurait un tel nombre de régiments, un colonel par régiment et un capitaine par compagnie ? Evidemment vous avez ce droit. Et vous n’auriez pas celui de dire qu’il y aura tel nombre de généraux de division et de généraux de brigade !

On a confondu deux clauses : le droit de conférer les grades et celui de les créer en tel nombre que l’on voudrait.

Certes, il n’est écrit dans aucun article de la constitution que le Roi a droit de créer autant de fonctions d’officiers qu’il lui plaît. De ce que cela n’est pas écrit dans la constitution, il en résulte que cela n’appartient pas à la prérogative royale. C’est l’article 78 qui l’a déclaré d’avance.

Le ministre a argumenté des articles 118 et 120 de la constitution. Il a vu dans l’article 118 une disposition limitative, il a vu que la législature n’avait aucun des pouvoirs qui n’étaient pas compris dans cet article. Je rappelle qu’il a perdu de vue l’article 78.

Il a comparé l’article 118 à l’article 120, et parce que dans ce dernier il a trouvé qu’il s’agissait de l’organisation de la gendarmerie, il a conclu à contrario que l’organisation de l’armée, que l’organisation de ce qui n’est pas la gendarmerie, ne peut pas faire l’objet d’une loi. Mais on lui a répondu que l’article 139 faisait de l’organisation de l’armée l’objet d’une loi. Ainsi voilà toute l’argumentation du ministre renversée par un article de la constitution.

Voici comment est conçu cet article :

« Art. 139. Le congrès national déclare qu’il est nécessaire de pourvoir par des lois séparées, et dans le plus court délai possible, aux objets suivants :

« … 10° L’organisation de l’armée, les droits d’avancement et de retraite, et le code pénal militaire ; »

Or, si le congrès a non seulement laissé le droit, mais fait un devoir à la législature, de pourvoir par une loi à l’organisation de l’armée, sur quel texte se fondera-t-on pour prétendre, lorsque la législature s’en occupera, qu’elle n’a pas le droit de limiter les fonctions militaires ? Quel est le texte qui prête seulement à une pareille supposition ? Aucun, messieurs.

Ainsi, c’est un point constant, constitutionnellement, que la législature a réellement le droit de limiter, si elle trouve sage et convenable de le faire, le nombre des fonctions militaires. Une fois cette limitation écrite dans la loi, en résulterait-il qu’on aurait porté atteinte à l’article 66 ? Le Roi pourrait toujours conférer, rejeter les grades. Cet article ne dit pas que le nombre en sera illimité.

Cependant le ministre n’a pas tout refusé à la législature. Il a dit : Vous avez le droit de rejeter l’article s’il ne convient pas. Je ne comprends plus comment on vient nous concéder le droit le plus étendu ; si nous avons le droit de rejeter la proposition, à plus forte raison nous avons celui de l’amender. Qui peut plus peut moins.

Ce qui a particulièrement fait l’objet de la critique du ministre de la guerre, c’est la division que la section centrale propose de l’article, afin d’introduire dans l’application plus de spécialité, pour mieux s’assurer qu’on n’appliquera pas la somme allouée d’une manière qui lui semble abusive. Ce droit de diviser est écrit en toutes lettres dans la constitution, article 42.

Ainsi, c’est là l’une des prérogatives formellement attribuées aux chambres par la constitution, c’est qu’elles peuvent introduire dans les budgets autant de spécialités qu’elles désirent, qu’elles peuvent diviser les articles, afin d’empêcher que ce qui a été demandé pour cette dépense ne soit appliqué à une autre pour laquelle les chambres n’auraient pas voulu l’accorder peut-être.

Ainsi ce que propose la section centrale, elle le fait en conséquence et en vertu de l’article 42 de la constitution. Elle propose par amendement de diminuer de 11,000 francs le chiffre proposé, de changer le libellé et de diviser l’article en deux. Je ne sais pas comment le ministre pourra persister à soutenir que cet amendement présente une violation de la constitution, alors que ce n’est que l’exercice du droit attribué aux chambres par l’article 42 de la constitution.

Je me bornerai à ces observations qui portent sur l’objection principale du ministre de la guerre, me référant pour le reste aux développements qui seront donnés par les membres de la section centrale dont je n’ai pas fait partie.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je désire répondre à quelques-unes des observations très importantes présentées par l’honorable préopinant. Je pense qu’il ne m’a pas suffisamment compris. Je commence par dire qu’il n’est nullement entré dans ma pensée de contester à la chambre le droit de diviser les articles ou de les amender, d’une manière absolue. Mais, mon opinion est toujours que s’il existe dans la constitution une disposition quelconque qui fait que tel ou tel amendement serait contraire à cet article, alors la chambre doit s’abstenir de la faculté qui lui est accordée par l’article 42 de la constitution. Voilà la limite dans laquelle je crois que ce droit est restreint. Je persiste à dire que l’organisation de l’armée, dans le sens qu’il faut donner à ce mot, appartient au Roi comme commandant en chef de l’armée.

C’est dans ce sens que j’entends encore qu’un amendement ayant pour objet une organisation implicite de l’armée serait par cela même contraire à la constitution et que la chambre doit s’en abstenir.

Dans l’article 139 de la constitution qui demande que le pouvoir législatif, que le gouvernement s’occupe d’une organisation de l’armée, à la suite des mots « l’organisation de l’armée, » se trouvent ceux-ci, que j’en considère comme l’explication : « les droits d’avancement et de retraite, et le code pénal militaire. » Voilà, à mon avis, avec la position des officiers et la perte des grades, objets qui ont déjà été réglés par une loi, que je regarde comme du domaine du pouvoir législatif. Ce que je crois du domaine du gouvernement, c’est l’organisation de l’armée résultant de sa division et de sa subdivision en corps, et de la détermination de la manière dont les corps doivent être composés. Ce droit d’organisation me paraît attribué au Roi par l’article 66 de la constitution.

On a dit que si on nommait deux colonels par régiment, deux capitaines par compagnies, la chambre aurait le droit d’empêcher les abus. Sans doute ; mais je crois que si de tels abus avaient lieu, la chambre ne pourrait les faire cesser qu’en usant du droit qu’elle a de refuser le budget, droit que je n’ai contesté en aucune façon.

On a voulu conclure de mon argumentation que je prétendrais que le Roi, comme commandant en chef de l’armée, aurait le droit de créer des grades en nombre indéfini. Telle n’a pas été ma pensée ; mais je crois avoir prouvé que si on voulait établir le maximum des grades susceptibles d’être donnés, on serait obligé de le fixer à un chiffre supérieur au nombre des grades existants. La limite que l’on pourrait fixer n’a donc pas été atteinte par le gouvernement. Mais le fait est qu’il n’y a aucun motif pour fixer le nombre des officiers généraux ; il y a au contraire de très fortes raisons pour que cette fixation n’ait pas lieu.

On a cru que je voulais que l’on créât des grades pour encourager l’esprit militaire ; mais je n’ai jamais prétendu qu’il fallût, pour encourager l’esprit militaire, donner autre chose que l’avancement nécessaire pour porter les grades au complet.

Parce que j’ai cité la constitution et les lois portées en vertu de la constitution, on a prétendu que je voulais faire accorder au Roi des pouvoirs par induction. J’ai trouvé dans les articles 66 et 68 de la constitution que le Roi confère les grades dans l’armée et qu’il commande l’armée ; j’ai conclu de là que l’organisation résultant de la division et de la subdivision en corps lui appartenait.

Quant aux droits de la chambre, je ne les ai pas contestés, mais j’ai fait un appel aux lumières de la chambre pour savoir si c’était le cas de faire usage de ce que j’appellerai la dernière raison de la chambre, en refusant l’allocation nécessaire pour un objet d’une importance financière si minime et d’une importance si grande au contraire pour le gouvernement dans l’intérêt de la bonne organisation de l’armée.

On a commencé par appeler l’attention de la chambre sur la nécessité d’adopter les amendements de la section centrale afin de diminuer les dépenses de l’Etat, et de ne pas avoir besoin de voter un budget des voies et moyens trop fort.

A mon tour je prierai la chambre de songer à la situation du pays, à la nécessité d’avoir une armée bonne et forte, animée d’un bon esprit, et qui, quand l’occasion se présenterait comme cela vient d’avoir lieu, fût prête à voler partout où la défense du pays peut la réclamer. On ne peut pas dire que nous avons des généraux en masse, lorsque nous n’avons pas la moitié du nombre des généraux qui seraient nécessaires pour commander l’armée sur le pied où elle est susceptible d’être portée ; nous n’avons donc pas des généraux en masse, c’est là une erreur véritable. Je crois que la chambre ne doit pas voter sous cette impression qui véritablement ne repose pas sur un fait exact.

L’honorable M. Desmaisières a justifié la mesure proposée par la section centrale, par la nécessité d’empêcher l’augmentation des charges publiques. Je conçois que la proposition de la section centrale peut, jusqu’à, un certain point, faire atteindre ce but ; le gouvernement n’aurait alors d’autre ressource que de s’en rapporter au patriotisme des généraux, et de supposer qu’ils pourraient servir sans le traitement de leur grade.

Messieurs, je ne crois pas qu’on ait recours à ce moyen ; je ne crois pas qu’on augmente le nombre des généraux et qu’on le porte au-dessus du cadre sans de grandes nécessités. La chambre doit donc renoncer aux intentions de sa section centrale, aux intentions de limiter l’action du gouvernement en tout ce qui tient au commandement des troupes.

Je n’ai pas dit que la section centrale eût un motif de mécontentement dans le choix du général qui a été nommé ; j’ai dit qu’elle avait été mécontente de ce qu’on avait fait une nomination ; mais la nomination n’a en lieu que parce qu’elle était extrêmement utile.

On a dit qu’un moyen de donner de l’avancement à l’armée était celui de la rajeunir : je crois que ceci est une erreur. Je ne pense pas que le respect réel pour d’anciens services, pour des positions acquises au prix de nombreux dévouements, au prix du sang versé, soit une cause de découragement ; je pense qu’il entre dans l’esprit militaire d’avoir du respect pour ces positions, afin que chacun puisse se dire que, s’il y parvient, le pays les lui conservera.

M. de Brouckere. - Faut-il que la loi règle l’organisation de l’armée, dans ce sens que cette loi établisse combien il y aura de généraux de division, combien de généraux de brigade, combien de colonels, combien d’officiers de chaque grade ? En l’absence d’une semblable loi, entre-t-il dans les attributions de la chambre de suppléer à la législation et de fixer ainsi le nombre des officiers de chaque grade qu’il pourra y avoir dans l’armée ? Ce sont là des questions d’une grave importance et des questions qui peuvent donner lieu à de très longs débats ; mais je ne vois pas, moi, la nécessité de les résoudre aujourd’hui dans un sens absolu ; je me fais une autre demande, et c’est de la solution de cette demande qu’il doit s’agir actuellement.

Dans les circonstances où nous nous trouvons, convient-il de circonscrire les droits du gouvernement à tel point que, quelles que soient les circonstances qui se présentent, il ne lui soit pas loisible de nommer un colonel général de brigade, ou un général de brigade général de division ? Voilà la question que je me fais ; et à celle-là je réponds : Non, il ne convient pas de circonscrire ainsi les droits du gouvernement dans les circonstances où nous nous trouvons.

Y a-t-il dans les nominations de ce genre des abus si graves que nous devions nous tenir en méfiance ? Je ne le pense pas ; je ne pense pas que le ministre en fonctions ait tellement abusé de la confiance qui lui a été donnée qu’on puisse se récrier beaucoup contre les nominations qu’il a faites. Eh bien, si le passé n’est pas de nature à nous donner de la méfiance, je ne vois pas pourquoi nous nous montrerions aussi méfiants envers lui qu’on nous le propose.

Croyez-vous qu’il soit impossible qu’il se présente de tels événements qu’il soit dans l’intérêt du pays que le gouvernement ait la faculté de nommer un ou deux officiers généraux ? Croyez-vous qu’il ne pourrait pas arriver de telles circonstances où vous auriez des reproches à vous faire d’avoir mis le gouvernement dans l’impossibilité de compléter le cadre des généraux, ainsi que le gouvernement le jugerait nécessaire afin de répondre aux besoins du service ?

Pour moi, je ne veux pas prendre sur moi la responsabilité d’entraver l’action du gouvernement à cet égard ; je ne veux pas que si des événements malheureux arrivaient, on puisse en rejeter la responsabilité sur la chambre et lui dire : Si l’armée n’a pas été conduite comme les représentants du peuple avaient droit de l’exiger dans l’intérêt du pays, c’est à eux qu’on doit l’attribuer, parce qu’ils ont mis le gouvernement dans l’impuissance d’organiser convenablement le service.

C’est par ces considérations et sans m’enquérir aujourd’hui de la nécessité de porter une loi sur l’organisation de l’armée, que je voterai dans le sens du gouvernement.

M. Dumortier. - L’honorable préopinant a singulièrement déplacé la question. Le ministre de la guerre était venu dans cette enceinte dénier à la chambre les droits que la constitution lui assigne ; et l’honorable préopinant vient de nous parler de l’exercice de ce droit : cette dernière question est une question de personnes, et c’est s’écarter de l’objet primitif du débat. Quant à moi je ne voulais pas parler dans cette discussion, mais je croirais manquer à mon mandat si je ne repoussais les prétentions du ministre ; je croirais trahir mon mandat si je ne défendais les prérogatives de la représentation du peuple.

Le ministre vient de dire que puisque la constitution déclarait que l’organisation de la gendarmerie serait faite par une loi, il en résultait que l’armée ne serait pas organisée par une loi ; mais je demande quelle différence il y a entre les termes des articles qui concernent l’armée et les termes des articles qui concernent la gendarmerie ? Aucune ; en présence d’une pareille déclaration de la part de la constitution, n’est-il pas extraordinaire de voir raisonner comme on a fait ?

N’attribuez pas au Roi les mêmes pouvoirs qu’avait le roi de France d’après la première charte ; la différence entre les deux prérogatives est immense.

D’après l’article 66 de notre constitution, le Roi confère les grades dans l’armée ; il nomme aux emplois d’administration générale et de relations extérieures, sauf les exceptions établies par les lois... Mais d’après l’article 14 de l’ancienne charte française le Roi était le chef suprême des armées de terre et de mer ; il faisait les traités de paix, d’alliance, et de commerce ; il faisait la guerre ; il était chargé de veiller à la sûreté de l’Etat... Il avait enfin une véritable dictature.

Vous voyez combien la comparaison entre les prérogatives du Roi en Belgique et les prérogatives du Roi en France est erronée, et qu’il n’y a aucune similitude, à cet égard, entre les deux pays.

Je regrette que le ministre de la guerre ait entamé d’une manière si imprudente une discussion de prérogatives : en 1829, un ministre audacieux est venu ainsi dénier à l’assemblée ses droits constitutionnels ; on l’écarta avec indignation ; je dois aussi repousser avec indignation de semblables propositions.

Vous demandez la faculté de nommer de nouveaux généraux ; n’en avez-vous pas assez ? Ouvrez votre budget, vous y verrez figurer sept généraux de division ; et je pense qu’un huitième vient récemment d’être nommé ; il existe même neuf généraux de division ; et comme vous n’avez que quatre divisions dans votre armée, vous en avez cinq sans emploi. Si vous n’en avez pas assez, il en existe encore d’autres dont on pourrait se servir ; vous avez le général Daine, par exemple, qui peut être très utile.

N’est-ce pas un abus de voir qu’un de ces généraux de division à la retraite ne reçoive de pension que pour commander la garde civique, tandis que ce commandement est une infraction flagrante à la loi sur l’organisation de la garde civique qui ne veut pas de militaires à sa tête ?

Si vous voulez, mettez à la retraite ceux des généraux de division qui doivent y être afin de les remplacer par ceux des autres généraux de division dont les services peuvent être réclamés.

Les ministres de la guerre qui se sont succédé, nous ont tous assurés qu’ils n’avaient besoin que de cinq à six généraux de division.

A quoi bon augmenter le personnel de l’état-major de l’armée en temps de paix ? Est-ce le moment de faire de plus grandes dépenses quand nous voyons qu’il faudra augmenter les charges du pays ?

Mais, a-t-on dit, nous ne voulons pas assumer la responsabilité des calamités qui pourraient peser sur la Belgique ; je suis étonné d’entendre le préopinant s’exprimer de la sorte. Nous votons un budget pour quarante à cinquante mille hommes ; et les généraux sont assez nombreux pour une armée semblable. Si des événements malheureux arrivaient, que le ministère assemble la chambre, qu’il demande les crédits nécessaires, et il les aura ; mais lorsqu’on présente un budget qui consacre une armée infiniment moins forte, je ne consentirai pas à augmenter le nombre des officiers généraux. C’est une absurdité de vouloir augmenter l’état-major alors qu’on n’augmente pas le nombre des soldats, qui sont les véritables défenseurs du pays.

Que le ministre de la guerre vienne nous demander, au nom de l’honneur et de la défense du pays, les moyens de mettre 110,000 hommes sous les armes, nous nous empresserons de les lui accorder, et nous lui permettrons alors d’augmenter les cadres des officiers généraux ; mais je ne pense pas qu’il faille voter des centimes additionnels pour le seul plaisir de créer des généraux ; je ne les voterai donc pas, surtout lorsque le gouvernement vient de dénier les prérogatives de la chambre.

M. Brabant. - Messieurs, il se présente ici une double question : l’article premier du chapitre II sera-t-il divisé, comme le propose la section centrale ? Refuserons-nous les 11,600 fr. demandés pour un général de brigade, comme le propose également la section centrale ? Quant à la division je ne vois pas quel intérêt le gouvernement peut avoir à s’y opposer ; la section centrale a proposé de faire deux articles afin qu’on ne puisse pas, contre l’intention de la chambre, augmenter le nombre des officiers généraux, et c’est peut-être le meilleur moyen d’atteindre ce but.

Je conçois très bien que M. le ministre de la guerre s’oppose à la réduction de 11,600 fr., qui lui enlèverait la possibilité de créer un 20ème général de brigade ; mais je ne conçois pas du tout qu’il s’oppose à la division de l’article, s’il n’a pas l’intention d’employer à une autre destination les fonds demandés pour les officiers de l’état-major. Ou bien ces officiers sont indispensables, et alors vous ne pouvez pas distraire un centime des fonds qui leur sont destinés, pour les donner aux généraux ; ou bien une partie de ces fonds sont inutiles, et alors dites-le, nous pourrons affecter la somme qui pourra être prise sur le crédit que vous demandez pour eux, au traitement des officiers généraux à nommer. On n’a jamais rien perdu dans cette chambre à agir avec franchise : posez la question de savoir si le nombre des généraux de brigade est insuffisant, et chacun y répondra suivant ses lumières, suivant sa conscience, et suivant la confiance qu’il aura dans le gouvernement ; mais refuser de consentir à la division, cela cache une arrière-pensée, cela prouve qu’on veut donner au crédit qu’on demande une autre destination que celle pour laquelle on le sollicite.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, il y a une chose très importante à remarquer, quant à cette division, c’est qu’on la propose dans le but de limiter l’action du gouvernement et surtout dans une pensée de blâme de ce que le gouvernement a fait dans le courant de l’année qui vient de s’écouler : c’est sous ce rapport, messieurs, que je dois repousser la division. On dit que je ne la repousserais pas si je n’avais pas l’intention de faire un usage irrégulier des fonds que je réclame. On demande si les officiers d’état-major sont ou ne sont pas nécessaires. Il est bien certain, messieurs, qu’on se tient toujours dans les limites du budget ; mais lorsqu’un article présente quelque généralité ; qu’il embrasse un certain nombre de fonctionnaires, s’il arrive dans la suite que les fonds destinés aux appointements de quelques-uns deviennent disponibles, et qu’en même temps il se présente une nécessité d’augmenter le nombre des autres, on ne croira pas commettre une infraction en faisant des nominations en conséquence.

C’est là, messieurs, ce qui a été fait dans le courant de 1837 ; après cela, messieurs, il me semble que les reproches qui nous ont été adressés n’ont pas de fondement, et qu’on ne peut pas craindre que nous voulions abuser de la latitude que nous demandons. Je n’ai aucunement l’intention de proposer la nomination de généraux qui ne seraient pas nécessaires au service ; tout ce que je demande, c’est qu’on laisse au gouvernement assez de liberté d’action pour qu’il ne soit pas dans l’impossibilité de faire les nominations qui deviendraient indispensables.

L’honorable M. Dumortier s’est élevé beaucoup contre la prétention qu’il m’attribue de dénier les droits de la chambre. Je crois, messieurs, m’être suffisamment expliqué à cet égard ; je n’ai voulu dénier aucun droit réel de la chambre, j’ai simplement réclamé pour le gouvernement l’exercice de ses propres droits, qui lui est indispensable pour qu’il puisse assumer la responsabilité de la défense du pays. Je ne sais pas où l’honorable M. Dumortier a trouvé que j’aurais établi un parallèle entre la charte française et la constitution belge, je n’ai pas dit un mot de cela.

M. Brabant. - M. le ministre de la guerre a dit, messieurs, que c’est dans une intention de blâme que la section centrale a proposé la division de l’article qui nous occupe. Eh bien, messieurs, oui, c’est dans une intention de blâme, dans le sens qui a été expliqué par l’honorable M. Desmaisières, parce que le gouvernement s’était engagé pendant trois années de suite à ne pas nommer au-delà du nombre d’officiers généraux portés au budget, et que cependant il l’a fait ; mais le blâme ne porte en aucune façon sur la proposition qui a été faite cette année, car la section centrale a été unanime pour approuver le choix du gouvernement ; si elle l’a blâmé, ce n’est que parce qu’il a devancé l’époque où il aurait pu demander un crédit pour faire face à la dépense résultant de cette nomination.

- Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Je vais consulter la chambre sur la question de savoir si l’on divisera l’article en deux.

Plusieurs membres. - L’appel nominal ! l’appel nominal !

Il est procédé au vote par appel nominal.

56 membres y prennent part

21 répondent oui.

35 répondent non.

En conséquence la division de l’article n’est pas adoptée.

Ont répondu oui : MM. Andries, Brabant, de Meer de Moorsel, Demonceau, Desmaisières, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Gendebien, Heptia, Kervyn, Lecreps, Lejeune, Mast de Vries, Metz, A. Rodenbach, Thienpont, Trentesaux, Vandenbossche et Wallaert.

Ont répondu non : MM. Bekaert, Berger, Corneli, de Brouckere, de Florisone, de Longrée, F. de Mérode, W de Mérode, de Nef, de Puydt, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Hye-Hoys, Lardinois, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Raymaeckers, Troye, Ullens, Vandenhove, Vilain XIIII, Willmar, Peeters et Raikem.

Plusieurs membres. - A demain ! à demain !

M. de Brouckere. - Il ne peut pas y avoir séance demain. La députation de la chambre doit se rendre auprès du Roi, et je crois que les ministres y seront retenus beaucoup plus longtemps que la députation.

Un membre. - Qu’on fixe la séance à deux heures.

M. le président. - Je vais consulter la chambre par appel nominal ; ceux qui voudront fixer la séance à deux heures, répondront oui, ceux qui voudront qu’elle ait lieu à l’heure ordinaire répondront non.

- Le résultat de l’appel nominal constate que la chambre n’est pas en nombre.

En conséquence, la séance de demain est fixée à midi.

La séance est levée à 4 heures et demie.