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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 17
novembre 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet
de loi portant le budget de la dette publique et des dotations pour l’exercice
1838. Discussion des articles. Remboursement des
cautionnements versés par les comptables à Amsterdam et partage de la dette
belgo-hollandaise (d’Huart, A.
Rodenbach, de Brouckere, Angillis,
Zoude, Verdussen, Mercier, de Foere, Gendebien, Mercier, d’Huart, A. Rodenbach, Metz, Dumortier, de Brouckere, Gendebien, Metz, Gendebien, d’Huart,
Verdussen, Metz, de Brouckere, Verdussen, Dumortier, A. Rodenbach, Brabant, Dumortier, Gendebien, Lebeau, Gendebien, de Brouckere, d’Huart, de Brouckere, Verdussen, Dumortier)
(Moniteur belge n°322, du 18 novembre 1837, et Moniteur belge n°323, du
19 novembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur belge n°322, du 18 novembre 1837)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 1/2 heure.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ;
la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes, qui
ont été adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« L’administration
communale de Stabroeck demande le paiement des prestations militaires faites à
l’armée française en 1832 et 1833. »
________________
« Des négociants
détaillants d’Anvers réclament contre les ventes à l’encan de marchandises
neuves. »
________________
« Des boutiquiers d’Alost
réclament contre les ventes à l’encan de marchandises neuves. »
________________
« Le sieur F.-M. Clercx,
distillateur à Overpelt, demande des modifications aux lois des
distilleries. »
________________
- Ces pétitions sont renvoyées
à la commission des pétitions.
________________
« Trois fabricants d’étoffes
de crin et crin frisé, à Vilvorde, demandent la prohibition des produits venant
de France ou la réciprocité entre les deux pays. »
- Cette pétition est renvoyée
à la commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE LA DETTE
PUBLIQUE ET DES DOTATIONS POUR L’EXERCICE 1838
Discussion des articles
Titre premier. - Dette publique
Chapitre III. - Fonds de dépôt
M. le président. - La discussion continue sur l’article premier du
chapitre III, et sur les amendements à cet article, proposés par la section
centrale et par M. Zoude ; ces dispositions sont ainsi conçues :
Article du projet :
« Art. 1er. Intérêts des cautionnements dont les fonds sont encore en
Hollande : fr. 160,000. »
Amendement de la section
centrale : « Art. 1er. Remboursement de cautionnements, à faire à titre
d’avance et avec garantie envers l’Etat en immeubles ou en fonds publics
belges, aux comptables qui ont obtenu leur quitus de la cour des comptes de la
Belgique. Et dont les fonds, versés en numéraire, sont restés en Hollande : fr.
100,000. »
Amendement de M. Zoude :
« J’ai l’honneur de proposer à la chambre d’autoriser le remboursement des
cautionnements des comptables qui y auront droit, au moyen d’une garantie
personnelle. »
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - A la fin de la
dernière séance, un honorable représentant a demandé des renseignements sur le
chiffre des anciens cautionnements, et je me suis empressé de les donner de
mémoire. Ce matin, j’ai pris une connaissance exacte des documents, et je me
suis assuré que les indications que j’ai fournies hier à la chambre sont
entièrement exactes. Le montant de ces cautionnements, consigné jusqu’à ce jour
dans les écritures de la trésorerie, est de 3,913,675 fr. ; mais il peut se
présenter encore de nouvelles demandes d’annotations : je répète donc qu’il
faut compter sur 4,000,000, qui ont été versés en numéraire à la Hollande, à
titre de cautionnement, avant la révolution. Sur cette somme, 800,000 fr,
environ pourraient nous être réclamés prochainement ; par conséquent, la
subdivision du chiffre global que j’ai annoncée hier est égaiement exacte. Des
demandes pour remboursements de sommes s’élevant à 612,000 fr. sont déjà
enregistrées à mon département, et j’estime, d’après les écritures de la
trésorerie générale, que 180 à 200,000 fr. nous seront encore demandés de même
très prochainement ; c’est donc 800,000 fr. qu’il faut considérer maintenant
comme remboursables.
Avant de m’expliquer sur le
fond de la question, j’attendrai la suite de la discussion, pour vous soumettre
en même temps mon opinion sur les objections qui seront produites de part et
d’autre.
M. A. Rodenbach. - Il y a quelques jours, j’ai proposé la réduction
de la rente 5 p. c. Cela devait procurer au gouvernement environ 900.000 fr. ;
le ministre des finances m’a dit que le moment n’était pas opportun ; j’ai
supposé que ce million à peu près doit servir à rembourser ceux qui ne
voudraient pas consentir à recevoir l’intérêt à 4 p. c. seulement, et auxquels
il faudrait rembourser de suite le capital ; maintenant on demande 800,000 fr.
; mais, pour faire face à cette dépense, il faudrait chercher des moyens
pécuniaires ; pour moi je trouve qu’on ne doit adopter ni la proposition de la
section centrale, ni celle de M. Zoude ; car si vous adoptez le principe, plus
tard vous devrez payer 4,000,000 fr.
La question me semble si importante,
si grave que je ne voudrais pas même voter 100,000 fr. Ces 4,000,000 de
cautionnement sont en Hollande ; il y a donc déjà une grande générosité de la
part de la nation belge à payer les intérêts.
Le gouvernement, si vous payez
100,000 fr., devra plus tard payer 4,000,000 ; et croyez-vous que ces 4
millions vous soient un jour rendus par la Hollande lors de la liquidation ?
Pour moi, je n’en crois rien ; elle nous fera des comptes néerlandais, et au
lieu de vous rendre 4 millions, elle vous demandera d’autres millions.
Qu’on me démontre que la
proposition qui nous est faite est juste et équitable, et je voterai pour son
adoption ; sinon, je ne voterai pas même 100,000 fr.
M. de Brouckere. - Les motifs que vient de développer l’honorable
préopinant ne seraient pas ceux qui me feraient refuser de voter, soit pour la
proposition de la section centrale, soit pour celle de l’honorable M. Zoude. Si
je ne me décide pas à consentir au remboursement des cautionnements versés en
Hollande, ce ne sera pas parce que dans ce moment le budget est plus ou moins
élevé ; car, quelque élevé que soit le budget des voies et moyens, si je
reconnaissais que les réclamations d’anciens titulaires de cautionnements sont
fondées, je dirais qu’il faut payer et se procurer de l’argent.
Je ne reconnais pas plus au
gouvernement qu’à un particulier le droit de se refuser à payer une dette,
parce que cette dette est d’une somme élevée ; mais voici les difficultés qui
m’arrêtent, et si on peut les résoudre, je suis prêt à donner un vote
affirmatif.
Le gouvernement belge est
substitué au gouvernement des Pays-Bas en ce qui concerne la Belgique ; je
crois qu’il n’y a aucun doute à cet égard ; ainsi le gouvernement belge fait
rembourser les créances dues à l’ancien gouvernement des Pays-Bas, et paie, en
ce qui concerne la Belgique, les dettes de l’ancien gouvernement des Pays-Bas ;
mais pour qu’il paie une dette, il faut que celui qui la réclame prouve
l’existence de la dette ; il faut ensuite que le gouvernement belge soit mis
vis-à-vis de la Hollande au lieu et place des créanciers auxquels il rembourse
; je crois que ces deux choses sont possibles ; mais un ancien comptable, dont
le cautionnement est en Hollande, se présente au gouvernement belge pour demander
le remboursement de ce cautionnement ; comment fera-t-il pour prouver que ce
remboursement n’a pas été effectué par le gouvernement hollandais, pour
substituer le gouvernement belge, pour le mettre dans son lieu et place, pour
lui donner ses droits vis-à-vis de la Hollande lors de la liquidation ? Voilà
deux points sur lesquels il faudrait qu’on trouvât une solution avant
d’admettre en principe que le gouvernement beige est tenu de rembourser tous
les anciens cautionnements.
Remarquez bien qu’il ne s’agit
pas ici de cent mille francs seulement ; il s’agit d’une question de principe
qui, selon la manière dont elle sera résolue, pourra nous entraîner à une
dépense de plus de 4 millions. Cela résulte des expressions mêmes de M. le
ministre des finances ; car bien qu’aujourd’hui on ne demande que 800,000
francs, les 3,200,000 autres francs seront exigibles successivement en mesure
que les comptables qui ont versé leur cautionnement avant la révolution,
cesseront leurs fonctions.
Je demande qu’on veuille résoudre
les deux difficultés que je viens de soulever, et alors je m’engage à voter
pour la proposition.
Vous voyez que la section
centrale elle-même a éprouvé les craintes que je viens le manifester ; elle
vous propose en quelque sorte un palliatif ; elle voudrait qu’on ajoutât dans
le libellé de l’article qui alloue une somme pour remboursement de
cautionnement les mots « avec garantie envers l’Etat en immeubles et en
fonds publics. »
Je
conçois qu’un comptable qui présenterait la garantie de fonds belges ou
d’immeubles, à celui-là on pourrait rembourser le cautionnement, sans crainte
de ne pouvoir répéter un jour contre lui le montant de ce remboursement.
Mais l’honorable M. Zoude
lui-même, en présentant sa proposition, a en plutôt en vue les comptables qui
n’ont pas de fortune ; car il a dit qu’il y a beaucoup de comptables malheureux
qui n’ont pu lever l’argent dont ils ont eu besoin, qu’à un intérêt de 6 à 7
fr., et qui aujourd’hui, n’en touchant que 4, sont obligés de payer un
supplément de 2 ou 3 pour cent sur le montant de leur cautionnement. Que
ferez-vous pour soulager l’infortune de ces comptables ? Ce sont cependant là
ceux qui devraient vous intéresser ; car, quant à ceux qui ont de la fortune,
je ne vois pas que leur sort soit malheureux lorsqu’ils touchent 4 pour cent du
capital qu’ils ont placé.
En résumé, je déclare que je
consentirai pour ma part au remboursement des cautionnements, si on me donne
mes apaisements sur les difficultés que j’ai soulevées. Sinon, je crois que la
chambre ferait une imprévoyance en votant aujourd’hui 100,000 fr., qui
l’engageraient pour l’avenir jusqu’à concurrence de 4 millions.
M. Angillis. - Il m’est impossible de voter, soit la proposition
de la section centrale, soit celle de l’honorable M. Zoude, et je voterai
contre l’une et l’autre, parce qu’elles ne sont ni justes ni raisonnables.
Elles ne sont pas raisonnables parce que la nation belge ne peut pas être tenue
de rembourser des capitaux qu’elle n’a pas reçus et qui n’ont jamais tourné à
son profit, soit directement, soit indirectement.
Les cautionnements om été
versés à la caisse d’amortissement. Jamais ils n’ont figuré dans le budget des
voies et moyens, de manière que la caisse d’amortissement les employait pour
des transactions commerciales et jamais dans l’intérêt du pays.
Il n’est pas juste de payer
des capitaux que la Belgique n’a pas reçus, qu’un autre pays tient en sa
possession, et dont cet autre pays perçoit les intérêts qu’ils produisent.
Ces propositions ne sont pas
plus raisonnables que justes, parce qu’elles tendent à aggraver les charges de
la nation, et à lui faire payer une dette qui n’est pas la sienne.
Pour appuyer ces propositions
on a invoqué les sentiments, on a parlé humanité à la chambre : mais il ne faut
pas s’adresser aux sentiments des membres de cette assemblée, mais à leur
justice. D’ailleurs, le premier devoir que l’humanité vous impose, c’est de ne
pas surcharger inutilement les peuples qui paient déjà d’assez forts impôts. Si
on nous demande d’être généreux, je dirai que notre fardeau est trop lourd pour
que nous puissions l’être.
Nos vrais devoirs d’humanité,
c’est de veiller aux intérêts des habitants qui nous ont envoyés ici : ils ne
nous ont pas donné leur confiance pour prodiguer leur argent, mais pour
soutenir les intérêts du trésor, et pour maintenir notre indépendance ; en
agissant ainsi, nous remplissons véritablement les devoirs que nous imposent
nos mandats, et ceux que nous impose l’humanité bien entendue.
Mais, dit-on, il ne s’agit que
d’une somme de 800,000 fr. M. de Brouckere a déjà répondu à cette observation,
et je vais compléter sa réponse.
Il s’agit d’une question de
principe. Admettez une fois que nous rembourserons les cautionnements, et voyez
quelles seront les conséquences de cette détermination ?
Vous voterez d’abord une somme
de 800,000 fr. ; mais, à mesure des changements et des décès, en vertu du
principe, chacun viendra réclamer la restitution d’une somme que nous n’avons
pas reçue, et dont vous payez gratuitement les intérêts ; ainsi vous ne pouvez
pas calculer où vous mènera le vote qu’on vous demande.
Le
sort de ces anciens agents de comptabilité n’est pas si malheureux : la nation
leur paie un intérêt que nous ne pourrons jamais récupérer. Ceux qui sont
restés en place n’ont pas fourni de nouveaux cautionnements, de manière que la
nation n’a aucune garantie de leur bonne gestion ; c’est déjà avoir fait
beaucoup que de n’avoir pas exigé d’eux ce qu’une sage prévoyance nous
prescrivait de faire.
On semble, dans la
proposition, prendre une garantie envers ceux que l’on rembourserait ; mais
cette garantie est une mesure illusoire. Je pense que la meilleure que nous
puissions prendre, c’est de ne pas faire des avances de remboursement.
Voilà le peu de considérations
qui me détermineront à voter contre la proposition de la section centrale et
contre les amendements.
M. Zoude. - L’honorable M. de Brouckere a demandé comment on
constaterait le versement des comptables : rien de plus facile ; ces comptables
sont porteurs de titres, et ce serait sur la remise de leurs titres qu’ils
seraient remboursés.
On fait remarquer que les
fonds n’ont pas été touchés par le gouvernement belge ; mais vous remboursez
d’autres fonds que l’Etat belge n’a pas touchés non plus, et ce n’est pas là
une considération qui puisse vous arrêter dans un cas et point dans l’autre.
On dit qu’il y aura des
mutations dans les places et que cela augmentera les remboursements ; mais les
nouveaux titulaires verseront de nouveaux cautionnements, et votre situation ne
sera pas empirée.
Je ne vois pas que les raisons
alléguées soient de nature à pouvoir vous arrêter.
M. Verdussen, rapporteur. - Messieurs, vous avez pu remarquer, tant dans le
rapport de cette année que dans le rapport de l’année dernière, sur le budget
des dotations et de la dette belge, que nous avons cherché à mettre en présence
les arguments favorables et contraires au remboursement, et plusieurs des
observations que l’on présente maintenant n’auraient pas été renouvelées, si
l’on avait jeté les yeux sur notre travail.
Nous avons fait valoir et nous
avons soutenu que la nation, en stricte justice, ne devait rien ; que c’était
une considération d’humanité envers les comptables qui seule nous avait
déterminés. On a exagéré le danger pour la Belgique, relativement à la hauteur
de la somme qu’il y aurait à rembourser ; on prétend que le principe du
remboursement vous conduirait à débourser près de quatre millions.
M.
Zoude vous l’a déjà dit, à mesure qu’il y aura des démissions et des décès, les
vides du trésor seront remplis par les cautionnements donnés par les nouveaux
titulaires. Il y a plus : c’est qu’il est indifférent pour le pays qu’il
rembourse ou qu’il ne rembourse pas ; car aujourd’hui nous avons placé les
cautionnements versés en notre trésor, en achats de rentes, soit dans l’emprunt
Rothschild, soit dans l’emprunt de 30 millions, et ils nous procurent un
intérêt que nous verserons dans les mains des titulaires : nous verserons d’une
main pour verser de l’autre, et le pays ne pourra en souffrir.
Quant à l’objection faite par
M. de Brouckere, que le gouvernement ne pourrait pas se mettre en lieu et place
du comptable envers le gouvernement hollandais, je pense que cette difficulté
n’est pas très grave. Lorsque nous aurons à faire des remboursements de
cautionnements, nous serons saisis du titre de ce comptable, car s’il ne
pouvait pas nous donner son titre, il n’y aurait pas lieu à remboursement ; or,
d’après le traité des 24 articles, nous représenterons le comptable (voyez-en
l’article 23). Il y est dit que la Hollande ou la Belgique est chargée, chacune
pour sa part, envers les comptables qui ont versé des cautionnements.
M. Mercier. - Messieurs, je partage l’opinion émise par
plusieurs honorables préopinants, et dont il résulte qu’en stricte justice le
gouvernement beige n’est pas tenu de rembourser les cautionnements versés entre
les mains du précédent gouvernement et restés en Hollande, par d’anciens comptables
qui ont reçu leur quitus définitif du gouvernement belge. Comme eux, je pense
aussi que cette question doit être envisagée sous le point de vue de l’humanité
et de l’équité, et s’il nous est démontré que le remboursement à titre d’avance
peut se faire sans danger, nous ne devons pas hésiter à l’effectuer.
L’honorable M. de Brouckere a soulevé deux difficultés de la solution
desquelles il fait dépendre son vote. Je crois, messieurs, qu’elles peuvent
être écartées : l’honorable membre a demandé d’abord comment on acquerra la
certitude que le gouvernement hollandais n’a pas effectué le remboursement de
ces cautionnements : il est impossible, messieurs, que le gouvernement
hollandais ait opéré de tels remboursements, car ils sont soumis à une forme
légale qu’il ne peut remplir : ce n’est qu’en représentant son quitus définitif
qu’un comptable peut obtenir le remboursement des fonds versés comme
cautionnement de sa gestion : or, le gouvernement hollandais, ne reconnaissant
pas les autorités belges, n’admettra pas un quitus délivré en Belgique, et ne
pourra donc légalement se dessaisir d’aucun cautionnement de comptables belges.
L’honorable M. de Brouckere a
ensuite exprimé la crainte que le gouvernement belge ne pût se mettre en lieu
et place du comptable qui aurait reçu le montant de son cautionnement.
L’amendement de la section
centrale me paraît avoir prévu cette difficulté, en ne stipulant ces
remboursements qu’à titre d’avance. Il me semble que lorsque le gouvernement
belge sera, par le fait, substitué aux comptables ou bailleurs de fonds
mentionnés dans l’acte de cautionnement ; ce n’est donc pas en réalité un
remboursement ou une simple avance qui sera faite par le gouvernement.
Cette avance me paraît
d’ailleurs entourée de toutes les garanties désirables par le moyen des
cautions qui seront exigées en vertu des amendements de la section centrale et
de l’honorable M. Zoude. Dès lors le gouvernement belge ne pourra essuyer aucun
préjudice de la mesure équitable qu’il aura adoptée.
Il
me reste une seule observation à faire sur les termes de l’amendement de la
section centrale, en ce qu’il n’étend la mesure proposée qu’aux comptables qui
ont obtenu leur quitus de la cour des comptes : avant l’institution de cette
cour, les quitus étaient délivrées légalement par le ministre des finances :
pour que la mesure soit d’une application générale, il faut donc modifier
l’amendement dans le sens qu’il comprendra tous les comptables qui ont obtenu
leur quitus en Belgique.
Par suite des considérations
qui précèdent, je voterai pour le remboursement à titre d’avance des
cautionnements des comptables qui ont obtenu leur quitus définitif.
- M. Mercier dépose son
amendement, qui comprend en même temps ceux de la section centrale et de M.
Zoude, dans les termes suivants :
« Remboursement des
cautionnements à faire à titre d’avance et avec garantie envers l’Etat, soit en
caution personnelle, soit en immeubles, soit en fonds publics belges, aux
comptables qui ont obtenu leur quitus en Belgique, et dont les fond versés en
numéraire sont restés en Hollande. »
M. de Foere. - Messieurs, je partage entièrement l’opinion de
l’honorable rapporteur de la section centrale sur les 4,000,000 qui devraient
être remboursés ; cette somme doit peu épouvanter la chambre ; car, messieurs,
vous en payez les intérêts, et si vous payez les intérêts d’un capital ou que
vous remboursiez le capital lui-même, c’est absolument la même chose. Ce n’est
donc pas là qu’est la question.
Je
partage aussi l’avis qu’en stricte justice la Belgique n’est pas tenue à
rembourser les cautionnements dont il s’agit ; mais voici, messieurs, les
conséquences qui vont résulter de ce principe : Si vous faites le
remboursement, quoique la justice ne vous y oblige pas, c’est par générosité
que vous le faites ; il s’agit de savoir si la Hollande consentira à nous payer
les intérêts qui commenceront à courir dès l’instant où nous aurons opéré le
remboursement ; il s’agit de savoir si, au jour de la liquidation, la Hollande
ne viendra pas vous dire : « Mais vous avouez vous-mêmes que ce n’est pas
par devoir que vous avez fait ce remboursement, que ce n’est que par humanité,
par générosité ; or, je ne suis pas obligé moi de supporter les charges de
votre générosité. » Je pense, messieurs, que la Hollande ne consentira
jamais à vous payer les intérêts des sommes que vous aurez remboursées ; (erratum inséré au Moniteur belge n°325, du
21 novembre 1837) de sorte que vous vous exposerez non seulement au danger,
mais à la presque certitude de ne jamais recevoir l’intérêt de ces capitaux.
C’est là, messieurs, la seule observation que j’avais à faire pour le moment.
M. le président. - M. Mercier propose de retrancher les mots :
« de la cour des comptes, » et de dire : « qui ont obtenu leur
quitus en Belgique. »
- Cet amendement est appuyé.
M. Gendebien. - Je crois, messieurs, qu’en stricte justice comme
en équité, nous sommes tenus au remboursement des cautionnements dont les
titulaires ont obtenu un quitus définitif. Je crois inutile toutefois
d’examiner ici la question de strict droit ; s’il s’agissait de plaider devant
un tribunal la question de savoir si le gouvernement doit ou ne doit pas, il
faudrait traiter la question de strict droit ; mais, devant une question
législative, il ne s’agit plus de règle de strict droit à appliquer, il s’agit
de savoir s’il est équitable et juste de proclamer législativement cette
disposition. Eh bien, messieurs, sous le rapport de la justice et de l’équité,
je crois que la question n’est pas sérieusement contestée et qu’elle n’est pas
contestable.
S’il fallait examiner la
question de droit, je demanderais qu’on voulût bien me dire si nous ne sommes
pas au lieu et place du gouvernement hollandais, et en mettant cette question
de côté, si nous ne sommes pas tenus au remboursement. Qu’importe aux anciens
comptables, qui ont versé un cautionnement dont les fonds sont restés en
Hollande, qu’importe à ces comptables que nous ayons fait une révolution qui
les a séparés, qui a mis une barrière entre eux et leur cautionnement ? Est-ce
leur fait à eux ? Non, sans doute, messieurs ; c’est le fait de la nation. Eh
bien, la nation doit donc supporter toutes les conséquences de ce fait ; elle
n’en peut imputer aucune à ces comptables ; ainsi nous sommes tenus, par ce
qu’on appelle en droit un quasi-délit, de supporter toutes les conséquences du
fait de la révolution, et nous ne pouvons en imposer aucune aux comptables.
Nous ne pouvons donc, sans manquer aux principes du strict droit et à ceux de
l’équité, repousser les comptables.
Cette question résolue, il
nous reste toutefois, comme législateurs, un autre devoir à remplir ; c’est
celui des précautions à prendre pour garantir le trésor de toutes supercheries.
Je commencerai pas dire que quand bien même il n’y aurait aucun moyen de
garantie, cela ne nous dispenserait pas d’accomplir notre devoir, cela ne nous
dispenserait pas de subir toutes les conséquences de la révolution, lesquelles,
encore une fois, nous n’avons pas le droit de rejeter sur d’autres.
Mais est-il vrai, messieurs,
que le remboursement des cautionnements doive donner lieu à des inconvénients
graves et inévitables ? Non, messieurs on vous a dit en quoi consistait tout le
mécanisme des cautionnements ; les titulaires de ces cautionnements sont bien
et dûment en règle ; leurs titres reposent à la cour des comptes, où on en a
exigé le dépôt pour payer les intérêts ; eh bien, messieurs, vous ferez ce que
font tous les particuliers qui paient les dettes d’autrui (en supposant que ce
soit la dette d’autrui), vous stipulerez
les conditions moyennant lesquelles vous ferez le remboursement et qui vous
donneront toutes les garanties à l’égard du débiteur, et du créancier cédant ;
et vous aurez soin de dire dans la loi que les titulaires ne seront soumis à
aucun droit d’enregistrement ou de timbre, ni à aucune autre formalité onéreuse
quelconque ; car, encore une fois, ces titulaires ne sont pas obligés de
supporter les conséquences de la révolution, sans laquelle ils eussent reçu le
remboursement sans frais.
Il me semble, messieurs, que
la question, ainsi réduite à ses plus simples
expressions, ne consiste plus qu’à savoir si nous voulons payer nos
dettes oui ou non.
Eh
bien, messieurs, quand le budget s’élèverait à 200 millions, je dirai qu’il
faut encore y ajouter un million, ou 4 millions, s’il le faut, pour payer nos
dettes ; car, ce qu’il y a de plus sacré pour un gouvernement, comme pour un
particulier, c’est d’acquitter ses dettes.
Quant à moi, messieurs, alors
même que le strict droit n’ordonnerait pas le remboursement des cautionnements,
alors même qu’il n’y aurait que la question d’équité, je voterais encore pour
la proposition de la section centrale.
Toutefois, je n’admettrai
aucun libellé qui puisse nous lier sans conditions ; car il faudra
nécessairement qu’une loi intervienne pour régler la manière dont se feront les
remboursements, à moins qu’on ne veuille laisser les choses s’exécuter sous la
responsabilité des ministres, je ne trouverais pas grand inconvénient à cela ;
les ministres seront nécessairement les premiers intéressés à faire les choses
en règle. Dans tous les cas, je ne trouve aucun inconvénient à ce qu’on fasse
le remboursement, moyennant subrogation d’action et les précautions ordinaires
en pareille occurrence.
M. le président. - M. Mercier
propose de libeller l’article de la manière suivante :
« Remboursement des
cautionnements à faire à titre d’avance et avec garantie envers l’Etat, soit en
caution personnelle, soit en immeubles, soit en fonds publics belges, aux
comptables qui ont obtenu leur quitus en Belgique, et dont les fond versés en
numéraire sont restés en Hollande. »
- Cet amendement est appuyé.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je crois,
messieurs, qu’il importe de faire une observation préalable sur la question qui
nous occupe. Le premier orateur que vous avez entendu, et qui n’a été contredit
par personne, a supposé que l’adoption du chiffre de 100,000 fr. augmenterait
le budget des dépenses ; c’est là une erreur ; le vote de cette somme n’aura
d’autre effet que de diminuer les fonds provenant des nouveaux cautionnements
versés depuis 1830 et qui sont en dépôt à la trésorerie du royaume. Il ne faut
donc pas trop s’effrayer des résultats financiers de la mesure proposée, en ce
qui concerne les contribuables.
Je ne me chargerai pas,
messieurs, d’examiner le point de droit que la question soulève ; des
jurisconsultes viennent de la traiter contradictoirement, et du reste, la
chambre peut toujours décider comme elle l’entend en toute équité. Nous ne
sommes pas obligés d’appliquer, en ce cas, les règles du strict droit ; nous
pouvons, comme vient de le dire l’honorable M. Gendebien, prendre une disposition
d’équité, pour autant, bien entendu, qu’elle n’offre pas de danger ni de
préjudice pour le pays, dans ses conséquences. Eh bien, messieurs, la
proposition de la section centrale, ainsi que l’extension même que vient d’y
donner l’amendement de M. Mercier, me paraissent renfermer à cet égard toutes
les précautions désirables ; il me semble en effet que du moment où le
titulaire d’un cautionnement donnerait une garantie en immeubles ou en fonds
publics, le remboursement ne pourrait jamais occasionner aucun préjudice à
l’Etat ; mais ces conditions, comme l’a fort bien dit l’honorable M. de
Brouckere, seraient généralement inexécutables, et surtout pour ceux auxquels
on voudrait qu’elles pussent servir, c’est-à-dire pour les pauvres comptables,
les malheureux qui ont le plus grand besoin de leurs fonds, qui ont été obligés
d’emprunter à chers deniers. Aussi, messieurs, je crois que si la chambre se
déterminait à adopter le principe d’un commencement de remboursement des
cautionnements, il faudrait qu’elle le rendît raisonnablement applicable, il
faudrait qu’elle admît tout au moins le sous-amendement présenté par MM. Zoude
et Mercier, tendant à considérer comme garantie valable la caution personnelle
d’individus qui interviendraient dans les actes à passer.
Messieurs, d’après les
observations de l’honorable M. Gendebien et d’autres orateurs qui ont parlé
avant lui, vous pourriez croire que les garanties qui ont été regardées comme
indispensables par la section centrale et par les auteurs des amendements sont surabondantes
; mais ce serait là une grave erreur, et je prie la chambre de prêter un peu
d’attention aux différentes hypothèses que je vais lui citer, et dans
lesquelles le gouvernement belge pourrait être frustré s’il remboursait les
cautionnements sans se réserver des garanties.
D’abord on a supposé que du
moment où un comptable est dessaisi de la déclaration d’inscription qu’il a
reçue en Hollande, et qui est déposée à l’administration de la trésorerie
belge, ou à la cour des comptes, il ne lui resterait plus aucun titre valable
au moyen duquel il pourrait être reçu à réclamer le remboursement de son
cautionnement en Hollande ; or, il n’en est pas ainsi, messieurs : le comptable
pourrait se faire rendre postérieurement un pareil titre en Hollande ; on en délivre
assez facilement, et c’est toujours le titre le moins ancien qui est
valable, tandis que les autres seraient
considérés comme nuls et non avenus par l’administration hollandaise, qui est
dépositaire des fonds et des registres d’inscription, et qui pourrait, par
conséquent, rembourser le cautionnement au vu du dernier titre ; ainsi,
messieurs, le dépôt d’un titre d’inscription chez nous n’offrirait pas la
garantie qu’on croirait y trouver.
Voici d’autres cas encore qui
démontreront mieux le danger qu’il y aurait en l’absence de toute garantie : je
suppose, messieurs, qu’un comptable ait vendu son cautionnement en Hollande, et
qu’il se présente à nous pour en obtenir le remboursement : nous ne connaîtrons
pas la convention particulière qu’aura faite ce comptable, et nous lui
rembourserons le cautionnement qu’il nous réclamera, bien qu’il ne lui
appartienne plus. Notez qu’il peut avoir très aisément aliéné son
cautionnement, c’est ce qui arrive fréquemment ; les règles administratives qui
déterminent les conditions des cautionnements facilitent même ces sortes de
vente au moyen d’un simple transfert dans les écritures du registre des
inscriptions.
Une autre éventualité contre
laquelle il faut aussi se prémunir, est celle où une saisie-arrêt aurait été opérée
en Hollande sur le cautionnement.
Il pourrait arriver, du reste,
qu’un ancien comptable qui occupe maintenant des fonctions en Belgique, et qui
était auparavant receveur en Hollande, ait quitté le bureau qu’il y occupait,
en laissant un déficit dans sa caisse. Or, nous avons admis le cautionnement
qu’il a versé en Hollande pour garantie de sa gestion actuelle en Belgique. La
Hollande, détentrice des fonds de cautionnement, dirait avec raison : « Je
conserve ces fonds pour me payer du déficit causé à mon préjudice. » Et il
ne nous resterait plus aucun recours. Veuillez remarquer qu’un tel déficit,
nous n’aurons pu ni le connaître, ni, à plus forte raison, le constater.
Il
peut se faire enfin, messieurs, que des cautionnements aient été touchés en
Hollande vers la fin de 1830, par exemple, dans les mois d’août et septembre,
et qu’on en vienne demander de nouveau le remboursement à la Belgique, car il
n’y aurait rien d’impossible que les titulaires de ces cautionnements eussent
obtenu, sur la reproduction frauduleuse de leurs pièces, un quitus de notre
cour des comptes, après avoir fait usage en Hollande de celui qu’ils avaient
obtenu précédemment de leur administration ; avant 1830 c’étaient les
administrations respectives du département des finances qui délivraient ces
quitus. Il y aurait sans doute fort peu de comptables qui réclameraient ainsi
un double remboursement, mais cela pourrait néanmoins arriver.
D’après ces diverses
considérations, je pense que si l’on se détermine à rembourser ces cautionnements,
il importe de prendre des garanties contre les doubles emplois ; celle de la
caution personnelle qu’on propose d’ajouter au moyens indiqués par le section
centrale, est-elle suffisante ? C’est là une nouvelle question. Si vous
l’admettiez, le ministre qui serait dans le cas d’accepter la caution
personnelle devrait nécessairement s’assurer avant tout si elle est suffisante
; il invoquerait les dispositions générales du code civil et notamment celle
renfermée, je crois, dans l’article 2018 du code civil, qui détermine les
conditions d’admissibilité des cautions.
J’ai cru utile, messieurs, de
vous soumettre ces considérations pour éclairer la continuation du débat.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, les raisons que M. le ministre vient
d’avancer doivent nous faire voter contre le crédit de 100,000 fr. Le ministre
a dit que les garanties que l’on propose ne sont pas certaines ; donc l’Etat
court des risques.
L’honorable M. Angillis vous
fait remarquer tout à l’heure que les millions provenant du versement des
cautionnements n’ont pas été versés dans la caisse de l’Etat, mais bien dans la
caisse de l’amortissement, qui était pour ainsi dire la caisse particulière du
roi Guillaume, dans laquelle il puisait à plaisir et sans contrôle. Je vous le
demande, messieurs, devons-nous rembourser les sommes qui ont été versées dans
cette caisse ?
Les uns ont examiné le cas qui
nous occupe comme une question de justice ; les autres, comme une question
d’humanité. Si réellement les comptables ont des droits rigoureux, pourquoi ne
s’adressent-ils pas aux tribunaux ? Nous avons des tribunaux en Belgique, et
les tribunaux sauront leur rendre justice. Des jurisconsultes qui se trouvent
dans cette enceinte, les uns pensent d’une manière, les autres d’une autre ;
pour nous, qui ne sommes pas jurisconsultes, nous devrons nous abstenir. C’est
ce que je ferai, en ne votant pas le crédit de 100,000 fr.
M. Metz. - Messieurs, le principe que vous venez d’entendre
professer par l’honorable M. Gendebien, à savoir qu’il ne fait reculer devant
aucun sacrifice, quand il s’agit d’acquitter une obligation à laquelle on s’est
loyalement soumis ; ce principe, dis-je, me plaît ; il me plaît surtout quand
c’est une nation jeune qui le met en avant, et qui, entrant dans la grande
famille, doit donner des gages de sa bonne foi.
Devons-nous ou ne devons-nous
pas aux comptables (qui ont obtenu leur quitus) le montant du cautionnement
qu’ils ont versé dans la caisse de l’Etat ?
Il faut attendre, dit l’honorable
M. Rodenbach, que nous ayons été forcés par la justice à payer. Autant me
plaisait le principe posé par l’honorable M. Gendebien, autant je me montre
hostile à celui qu’a proclamé M. A. Rodenbach. Ce principe n’est pas digne de
nous ; une chambre législative ne doit pas être contrainte à payer une dette,
ce ne sont que les mauvais payeurs contre qui on a recours aux tribunaux.
Voyons donc si nous devons
payer, c’est là la première question. Je ne veux pas entrer dans les raisons
d’humanité et de générosité : notre budget, dit-on, ne nous permet pas d’être
généreux et humains ; mais du moins il ne nous défend pas d’être justes.
Devons-nous nécessairement ce qu’on réclame ? Je crois que la divergence des
opinions à cet égard provient un peu de ce qu’on n’est pas bien fixé sur la
nature des dépôts faits par les comptables qui réclament aujourd’hui.
On a parlé d’une caisse des
fonds de cautionnement ; mais, messieurs, je ne vois dans la caisse des
cautionnements qu’une division de la caisse de l’Etat ; c’est un grand coffre
divisé en divers compartiments, dont l’un s’appelle caisse des cautionnements,
l’autre caisse les consignations, etc.
Si l’on veut appliquer les
principes émis par quelques honorables membres de cette chambre, qu’avons-nous
à nous occuper du chapitre III du présent budget qui ne concerne guère que ces
services particuliers, connus sous le nom de cautionnements, consignations,
etc.
Si le gouvernement a déjà
senti qu’il convenait de payer les intérêts des cautionnements si la chambre a
compris qu’il fallait faire des avances, alors même que la position financière
du pays n’était pas aussi bonne qu’aujourd’hui, il en résulte que le
gouvernement et la législature ont reconnu que le pays était engagé, comme
débiteur, au paiement de toutes les dettes dont, en en payant les intérêts, on
a retardé le remboursement, jusqu’au moment où les ressources financières du
pays permettraient d’opérer le remboursement.
L’on a dit, et avec raison,
que le gouvernement belge a été substitué au gouvernement hollandais ; j’irai
même plus loin, je pense moi qu’il n’y a pas eu substitution ; il y a eu
continuation d’un gouvernement que nous avons rendu seulement national, en
chassant du pays des souverains dont la nation ne voulait plus ; c’est donc
bien plus une révolution de palais qu’une substitution d’un gouvernement à un
autre qui a été accomplie en 1830.
M. A. Rodenbach. - Ce gouvernement serait pire alors que celui dont la
Belgique s’est affranchie.
M. Metz. - Je n’entends pas discuter avec M. Rodenbach sur le
mérite du gouvernement nouveau que la Belgique s’est donné ; je dirai seulement
que l’état de choses né de la révolution a justifié les espérances des
patriotes belges.
Il faut, messieurs, comme l’a
dit M. Gendebien, réduire la question à sa plus simple expression. Qu’y a-t-il
dans le traité qui intervient entre le comptable et le gouvernement ? D’une
part le comptable reçoit une fonction pour la gestion de laquelle il doit une
garantie ; le gouvernement la lui demande, et le comptable verse un
cautionnement dans la caisse de l’Etat, à la condition expresse que le
gouvernement lui restituera cette somme, dès que sa gestion sera terminée.
Que résulte-t-il de ce traité
? c’est que le gouvernement est obligé de rembourser aussitôt que les
conditions auxquelles le remboursement doit avoir lieu seront accomplies. Or,
dans l’espèce, les conditions sont remplies ; vous devez dès lors rembourser.
Il est véritablement curieux
d’entendre d’honorables membres prétendre qu’il y a lieu de se soustraire à
cette obligation, parce que le gouvernement belge ne doit pas payer les dettes
du gouvernement précédent, que néanmoins, il représente pour ainsi dire de ce chef
; tandis que lorsqu’il s’agit de toutes les personnes qui ont contracté des
dettes envers le gouvernement des Pays-Bas, on ne dit plus que le gouvernement
actuel ne représente pas le gouvernement hollandais, et l’on trouve tout
naturel que ces personnes viennent verser le montant de leurs dette dans les
caisses du trésor belge.
Pourquoi fait-on verser dans
les caisses de l’Etat les sommes dues au gouvernement des Pays-Bas ? Parce
qu’on reconnaît que le gouvernement belge est héritier du gouvernement hollandais.
Qu’on reconnaisse aussi franchement que nous devons satisfaire aux obligations
que nous a laissés le gouvernement hollandais.
Envisagée sous ce point de
vue, la question ne présente pas la moindre difficulté. Quand nous
appartiendrons à un gouvernement existant par droit de conquête, le
gouvernement nouveau qui, par la force, se serait substitué au gouvernement
précédent, devrait encore l’acquit des obligations loyalement contractées.
D’après cela il est évident
que nous devons rembourser les cautionnements restés entre les mains du
gouvernement hollandais ; nous ne pouvons pas nous soustraire à cette
obligation. Il est digne de la nation de le déclarer ; il y a quelque chose de
plus digne encore, c’est de le faire.
Je conçois qu’il y a des
précautions à prendre pour éviter les prévisions exprimées par M. d’Huart. Je
crois bien qu’il y aurait peut-être une certaine imprudence à payer sans
garantie les sommes que les comptables réclament. Le cas sera fort rare sans
doute ; mais il pourrait se présenter, non pas que le comptable ait été
remboursé, mais qu’il ait eu des
saisies-arrêts. Dès lors le gouvernement ne pourrait payer sans garantie, car
il s’exposerait à des difficultés sous ce rapport, quand viendra la
liquidation. Je crois qu’il faut demander une garantie ; mais je crois aussi
qu’il faudrait laisser la possibilité de concilier l’humanité, avec les droits
du trésor, en permettant au gouvernement de dispenser les comptables créanciers
de petites sommes, de la garantie qu’ils ne pourraient pas fournir. Car si nous
leur disions : « Nous vous paierons à telles conditions, » quand on sait
qu’ils ne peuvent pas les remplir, c’est comme si on leur disait : « Nous ne
voulons pas vous payer. » Il faut donc laisser quelque latitude. Mais, nous a dit
M. de Brouckere, comment fera-t-on pour substituer le gouvernement belge aux
comptables remboursés ? Je ne crois pas qu’il soit besoin de substitution, car
nous acquittons notre dette ; nous n’avons pas besoin de faire de substitution,
car il n’y a pas d’autres créanciers que nous. Nous agirons vis-à-vis de la
Hollande, comme un individu à qui on aurait enlevé une somme à laquelle il
avait droit. Plus tard, lors de la liquidation avec la Hollande, nous ferons
entendre de justes réclamations. Nous avons par-devers nous un nantissement
dans la portion de la dette que nous reconnaissons devoir légitimement, sauf à
appliquer au paiement de cette portion de la dette les sommes que le
gouvernement hollandais pourrait nous avoir fait dépenser.
Le traité se fera par la paix
ou la pointe de l’épée. S’il se fait de cette manière, on ne peut pas savoir
les conséquences auxquelles on pourrait arriver ; en se reportant à l’histoire,
on voit qu’on ne gagne pas toujours à jeter une épée dans la balance. S’il se
fait par la paix, les principes de raison el de justice domineront ; nous
pourrons faire concevoir à la Hollande que si nous avons payé des sommes qui
avaient été versées dans ses caisses, elle doit nous les rembourser.
Il
n’y a pas la moindre crainte à avoir.
J’ai encore une observation à
faire sur le chiffre de 100 mille fr. Je voudrais savoir comment on en fera
l’application, car cette somme ne suffit pas. La somme réclamée s’élève à
800,000 fr. Il faut donc une décision. Comment aura-t-elle lieu ? Je pense
qu’il conviendrait de faire un partage entre les plus anciens comptables, dont
les comptes ont été apurés en premier lieu. Ils paraissent avoir plus de droits
que les autres, parce qu’ils eussent été remboursés sans la difficulté de notre
position. Mais les plus pauvres ont aussi droit à être remboursés promptement,
par une raison d’humanité.
Je pense qu’il faudrait faire
un partage ; affecter 50 mille fr. au paiement des comptables les plus anciens,
et 50 mille fr. à ceux qu’on reconnaîtrait être les plus nécessiteux. C’est
dans ce sens que je proposerai un amendement.
M. Dumortier. - Messieurs, ayant été deux fois rapporteur du
budget qui nous occupe, je dois prendre la parole pour répondre quelques mots à
l’honorable préopinant.
On a commencé par examiner la
question de savoir si les cautionnements versés par les comptables, sous le
gouvernement hollandais, étaient ou n’étaient pas une dette pour la Belgique.
C’est là toute la question. C’est ainsi que nous l’avons toujours envisagée. Nous
ne sommes toujours demandé : Les cautionnements versés par les comptables, sous
le gouvernement hollandais, sont-ils pour nous une dette ?
Ici je dirai que l’opinion de
notre honorable collègue est très généreuse, mais ce n’est pas avec des
sentiments généreux que nous pouvons examiner les questions de finances. Si
nous nous laissions aller aux sentiments généreux en pareille circonstance,
nous pourrions poser des principes qui nous mèneraient où nous ne voulons pas
aller.
Notre honorable collègue M.
Gendebien a toujours professé que la Belgique devait rembourser toutes les
pertes occasionnées par la révolution. Si ce système pouvait rencontrer un vote
affirmatif, ce serait un précédent très fâcheux pour les pertes résultant de
l’incendie de l’entrepôt d’Anvers, et d’autres faits. Il importe de ne pas
trancher légèrement une semblable question. Pour moi, l’incendie de l’entrepôt
d’Anvers est le fait du roi Guillaume, c’est à lui à payer le dégât ; jamais la
Belgique ne doit consentir à en supporter la charge. Aussi elle doit repousser
la doctrine professée par vous, car si elle l’adoptait, elle poserait une
planche sur laquelle nos adversaires passeraient ensuite.
J’attache à cela d’autant plus
d’importance, que si je suis bien informé, un envoyé d’Amérique serait venu
pour demander le remboursement des pertes résultant de l’incendie de
l’entrepôt. J’espère que le gouvernement saura faire sentir que Guillaume seul
est responsable des pertes causées par cet incendie, dont nous avons pâti
autant que les Américains.
La question qui nous occupe
est une question de devoir. Devons-nous, ou ne devons-nous pas ? Voilà toute la
question. Pour moi, je n’hésite pas à dire que nous ne devons pas les sommes
versées pour cautionnement sous le roi Guillaume.
Pour justifier son opinion, M.
Metz regarde le gouvernement actuel comme la continuation du gouvernement
précédent. C’est là une chose que nous ne pouvons pas admettre. Si le
gouvernement actuel était la continuation du gouvernement précédent, nous
devrions faire face à toutes les dettes contractées par la Hollande, nous
devrions payer la moitié de la dette hollandaise. C’est là, je pense, ce que
l’honorable membre ne voudra pas admettre. S’il n’y avait eu qu’une révolution
de palais, et que le gouvernement actuel ne fût que la continuation du
gouvernement des Pays-Bas, vous devriez acquitter la moitié de la dette
hollandaise, et consentir à beaucoup de conditions que vous avez toujours
repoussées ; c’est ce qui prouve que cette allégation n’est pas fondée.
La révolution belge a tout
créé à nouveau ; c’est un fait consommé, un fait gigantesque, mais qui pose sur
une base neuve, sur la volonté nationale. L’innovation a été complète, il n’y a
pas eu de transition, il n’y en a eu que dans les provinces qui ont formé le
nouveau royaume de Belgique. Sous ce rapport les faits financiers qui ont pu
recevoir leur exécution sous l’ancienne Belgique, ceux-là méritent votre
attention et peuvent jusqu’à certain point vous lier ; mais pour les faits
passés sous le gouvernement hollandais, nous ne sommes en aucune manière
débiteurs.
D’après ces principes, il est
constant que nous ne devons pas les cautionnements qu’on nous réclame. Ces
cautionnements sont des rentes hollandaises déposées dans la caisse du
gouvernement hollandais. Devons-nous payer des rentes qui sont entre les mains
du roi Guillaume, faire face à quatre millions de la dette hollandaise ? Ce
serai un paiement en pure perte dont plus tard on ne nous saurait pas gré.
La Belgique, dit-il, en
liquidant les intérêts de la dette, en a reconnu la légitimité. Je prie la
chambre de remarquer que l’honorable membre est dans l’erreur sur ce point.
Quand le gouvernement nous a demandé de payer ces intérêts aux comptables,
c’était par humanité et rien de plus, parce que nous ne voulions pas que des
citoyens belges souffrissent par suite de la révolution. Quand, aussitôt après
la révolution, nous avons porté au budget une somme, nous avons, par
inadvertance, libellé l’article de telle manière que le gouvernement pouvait
rembourser le capital ou payer l’intérêt, comme il voulait. Si j’ai bonne
mémoire, voici comment était le libellé :
« Cautionnements
antérieurs à la révolution. » (Puis venait la somme allouée). Or, qu’a fait le
gouvernement ? Il a remboursé quelques cautionnements. Mais la chambre entière
s’est levée pour protester contre le remboursement, et elle a rédigé le nouveau
libellé de telle manière qu’on ne pouvait plus faire de remboursements, mais
seulement payer des intérêts.
Notre
position actuelle n’est pas la plus favorable pour l’intérêt du trésor, car
vous avons, d’un côté, à payer les cautionnements qui out été déposés dans les
caisses de la Hollande. D’autre part nous avons encore à payer les intérêts des
cautionnements que les comptables nous verseront et qui viendront en remboursement
si l’on opère la liquidation.
Quant à ce qu’a dit
l’honorable M. Verdussen, que nous trouverons dans le traité des 24 articles
une garantie suffisante quant à l’article en discussion, je ne veux pas de
cette garantie ; cette garantie, je la repousse de tous mes moyens. Il y a
longtemps que le traité des 24 articles, comme celui de la quadruple alliance,
est tombé en désuétude. La Belgique ne peut être liée par un semblable traité ;
il est, je le répète, tombé en désuétude, de même que le traité de la quadruple
alliance, plus jeune que lui.
Je ne puis donc admettre
l’observation de M. Verdussen, je la repousse de tous mes moyens ; je déclare
même, malgré le désir que j’en aurais, qu’il m’est impossible de voter pour
l’amendement de M. Zoude ; nous devons maintenir l’état actuel jusqu’à la
liquidation avec la Hollande.
M. de Brouckere. - Je n’examinerai pas la question de savoir si le
gouvernement belge est la continuation du gouvernement des Pays-Bas, ou si un
gouvernement a été substitué à un autre gouvernement, car cela m’importe assez
peu.
J’ai reconnu en commençant, en
ouvrant en quelque sorte la discussion, que le gouvernement belge est, selon
moi, tenu de payer les dettes du gouvernement des Pays-Bas en ce qui concerne
les créanciers belges ; mais, pour payer une dette, il faut que le créancier
prouve l’existence de la dette ; eh bien il a été établi à suffisance que les
anciens comptables qui ont leur cautionnement en Hollande ne peuvent prouver
qu’ils ont encore droit à ce cautionnement. M. le ministre des finances vous a
présenté plusieurs hypothèses dans lesquelles les anciens comptables ont
réellement perdu tous leurs droits. Eh bien, je vous le demande : qui peut
être tenu (gouvernement ou particulier) à payer une dette dont l’existence ne
peut être établie ? Assurément personne.
J’avais dit aussi que, pour
que le gouvernement pût rembourser les cautionnements aux anciens coupables, il
faudrait qu’il fût mis au lieu et place des créanciers. Encore une fois dans
l’état actuel des choses, il est impossible que cette substitution ail lieu. Ni
un acte entre le gouvernement et les créanciers, ni aucun contrat ne peuvent
opérer cette substitution, parce que toujours une troisième partie, le
gouvernement hollandais, serait étranger à cet acte, et pourrait répondre par
ce proverbe latin, que tout le monde connaît : Res inter alios acta.
Je ne comprends pas trop
comment vous parerez à ce qui peut arriver. Je suppose que vous remboursiez
aujourd’hui le cautionnement d’un ancien comptable ; ce comptable vient à
mourir ; ses héritiers réclament le montant du cautionnement au gouvernement
hollandais, qui leur rembourse. Croyez-vous que, même avec un acte de cession
ou même de substitution, vous seriez fondés à réclamer du gouvernement
hollandais le remboursement de ce cautionnement ? En aucune manière. Le
gouvernement hollandais aurait toujours le droit de répondre : « Pourquoi donc
vous a-t-il plu de payer ma dette ? »
Ainsi, il me paraît prouvé
que, sans garantie, le gouvernement belge ne peut prendre sur lui de rembourser
les anciens cautionnements.
S’il s’agit de rembourser ces
cautionnements avec garantie, je ne m’y oppose pas ; mais on ne parvient pas à
s’entendre sur ces garanties.
Quels sont, je le répète, les
anciens comptables auxquels nous devons désirer le plus rembourser leur
cautionnement ? Assurément ceux qui n’ont pas de fortune ; ceux qui ont dû
payer de forts intérêts pour se procurer de l’argent ; mais comment voulez-vous
que ceux-là vous donnent la garantie d’immeubles ou de fonds publics belges ?
Leur demanderez-vous une caution personnelle ? Mais ils ne pourront pas plus
vous la donner que celle d’immeubles ou de fonds belges ; car les personnes
sans fortune trouvent difficilement qui veuille répondre pour elles pour une
somme assez considérable et surtout pour un temps éloigné.
M. Metz a cru trouver un terme
moyen ; il propose de demander des garanties à ceux qui ont de la fortune ;
quant à ceux qui n’en ont pas, il vous propose de vous en passer et de laisser
faire le ministre.
Mais croyez-vous qu’un
ministre voudrait prendre sur lui une telle responsabilité ? Non sans doute ;
aussi M. Metz, prévoyant qu’il en serait ainsi, demande qu’il soit nommé une
commission qui opérerait le remboursement sans garantie. Mais, messieurs vous
ne pouvez pas faire une telle distinction ; vous ne pouvez pas rembourser aux
uns en exigeant une garantie, et rembourser aux autres sans garantie de toute ;
c’est impossibilité ; vous imposeriez aux uns l’obligation de fournir un
nouveau cautionnement, vous en dispenseriez les autres ! Vous auriez donc deux
poids et deux mesures !
M. A. Rodenbach. - Ce serait une singulière justice.
M. de Brouckere. - D’ailleurs, comment déciderez-vous qu’un comptable
a de la fortune et qu’un autre n’en a pas ? Ils prétendraient tous qu’ils n’ont
pas de fortune, pour être dispensés de fournir un nouveau cautionnement ; une
semblable proposition ne peut pas être admise.
D’après ces considérations, je
persiste à croire qu’il est impossible d’admettre le principe du remboursement
des cautionnements qui sont en Hollande.
Nous continuerons à servir les
intérêts, comme nous l’avons fait jusqu’ici. On s’est appuyé sur la résolution
du pouvoir législatif de payer ces intérêts, pour établir la preuve que nous
devons le capital ; mais c’est peine perdue, personne ne soutient que nous ne
le devons pas ; nous le paierons, mais lorsqu’il aura été prouvé par la liquidation
avec la Hollande que ces cautionnements n’ont été, ni remboursés par la
Hollande, ni aliénés, ni grevés.
M. Gendebien. - Pour ne pas abuser des moments de la chambre, je
répondrai seulement aux principales objections qui ont été faites.
On a répété plusieurs fois une
assertion à laquelle je croyais avoir répondu. On a dit que le gouvernement
hollandais se refuserait à payer les intérêts de ce que nous aurions remboursé.
Mais j’ai indiqué un moyen
pour ne pas perdre l’intérêt ; c’est d’exiger une subrogation d’action ; par ce
moyen l’intérêt courra au profit du gouvernement belge, comme il courait au
profit du titulaire de cautionnement.
Le gouvernement hollandais
peut se refuser de fait à payer l’intérêt ; il peut, de fait et par violence
faire bien autre chose encore. Mais ce n’est pas là la question : il faut
supposer que, lors de la liquidation, nous aurons le courage de faire valoir
nos droits. C’est une question de droit et non une question de fait, de
violence, ou de mauvaise foi, qu’il s’agit de résoudre.
L’honorable M. Dumortier vous
a dit que si l’on adoptait mon système de payer toutes les calamités
inséparables de la guerre et de la révolution, il en résulterait des
engagements qui iraient jusqu’à nous imposer la charge de payer les pertes
résultantes de l’incendie de l’entrepôt d’Anvers. Mais M. Dumortier a confondu
deux choses distinctes ; il paraît même qu’il ne m’a pas compris. Si l’incendie
de l’entrepôt d’Anvers était notre fait, à nous Belges, nous en serions
responsables et nous serions obligés d’en réparer les pertes ; pour moi je
n’hésiterais pas, quelle que fût la hauteur du chiffre, à voter la somme
nécessaire pour les payer.
Mais comme l’incendie de
l’entrepôt d’Anvers est le fait du roi Guillaume ou plutôt de son digne
représentant la citadelle d’Anvers, le général Chassé, dès lors nous ne devons
rien. J’engage donc le gouvernement à dire à l’envoyé des Etats-Unis qu’il est
étranger à ce crime contre le droit des gens, et l’inviter à s’adresser au gouvernement
hollandais, vis-à-vis duquel il fera valoir, comme il l’entendra, les droits
des Etats-Unis au sujet de l’entrepôt d Anvers et de toute autre perte ; il en
sera de même à l’égard de toutes autres réclamations de même nature. Quant aux
pertes éprouvées par des indigènes, c’est tout autre chose ; je pense que nous
devons les dédommager, sauf notre recours contre le roi Guillaume. Toutefois,
c’est encore là une affaire de liquidation ; ce n’est pas une question de
droit, ce n’est pas celle que présente à résoudre la proposition de M. Zoude.
L’honorable M. Dumortier vous
a dit encore que si, nous reconnaissant au lieu et place du gouvernement
hollandais, nous remboursons des cautionnements versés au gouvernement
hollandais, nous reconnaîtrons par là que nous sommes tenus à la moitié de
toute la dette hollandaise ; c’est là une grave erreur. Nous continuons le
gouvernement hollandais, en ce sens que nous sommes tenus de notre part et
portion dans la dette contractée pendant la communauté.
Mais nous ne pouvons pas
devoir une partie, quelle qu’elle soit, des dettes hollandaises antérieures à
notre communauté avec la Hollande. Ce qui le prouve, d’ailleurs, c’est qu’on
l’a entendu ainsi en principe à la conférence de Londres ; c’est la base qui a
été adoptée. Si dans l’application du principe on nous a imposé une dette plus
forte, c’est une injustice contre laquelle j’ai protesté. La seule conséquence
qui en résulte, c’est que ce serait de notre part une grande faiblesse que de
nous laisser imposer 8 millions quatre cent mille florins que nous ne devons
pas et que, j’espère, nous ne paierons pas.
Je serai, dans 25 ans comme
aujourd’hui, du même avis ; car, si je veux qu’on paie loyalement les dettes de
la Belgique, je ne veux pas qu’on paie les dettes d’autrui. On prendra pour
base du paiement des dettes le moment de la cessation de la communauté, et le
moment où cette communauté a commencé. Ainsi il est inutile de répondre
ultérieurement sous ce rapport à M. Dumortier.
On a dit encore qu’il y a cinq
ou six ans, à l’aide d’un libellé obscur, on avait remboursé d’anciens
cautionnements, qui ne devaient pas l’être, et que la chambre, s’en étant
aperçue, a fait cesser les remboursements. La chambre a peut-être bien fait de
suspendre, mais pourquoi ?
Alors on promettait une paix
prochaine, une liquidation qui ne pouvait plus se faire attendre longtemps :
c’est ainsi que nous portions dans notre budget la partie de la dette que nous
croyions à notre charge, et maintenant on ne l’y porte plus ; et c’est par ce
motif, qu’on a suspendu les remboursements de cautionnements. Mais puisque nous
ne faisons plus figurer notre partie de la dette dans les lois de finances,
est-ce à dire que nous ne devons plus rien ? Evidemment non ; il en est de même
pour les cautionnements.
Aujourd’hui il s’est écoulé
cinq ou six ans de plus qui n’ont fait qu’ajouter aux souffrances des anciens
titulaires ; et nous n’apercevons pas de probabilité que la paix se fasse ; le
moment arrive donc de prendre une décision.
M. de Brouckere a dit qu’il
était d’accord avec nous sur la justice des prétentions des titulaires ; mais
il ne trouve aucun moyen de sécurité dans le paiement : je ne dis pas qu’il ne
faille pas prendre de précautions ; je sais bien qu’en nous faisant faire
cession des droits des anciens fonctionnaires, jusqu’à ce que nous ayons fait
dénonciation au débiteur, nous ne sommes pas en sécurité vis-à-vis du débiteur
; mais nous pouvons parer à cet inconvénient, et si le moyen de droit nous
manque le moyen de fait vient à notre secours.
Il n’est pas
exact de dire que le roi Guillaume pourra payer ceux qui auront fait cession
d’actions ; d’abord le roi Guillaume n’est pas disposé à ouvrir ses caisses aux
créanciers belges. Je demande comment il paierait sans avoir de quitus
définitif ; car il ne suffit pas d’avoir un titre, il faut encore avoir le
quitus, ou la preuve que l’agent comptable est déchargé de sa gestion. Quand le
gouvernement belge remboursera comme avance, il conservera l’acte de
cautionnement et il se fera remettre le quitus ; et l’un et l’autre titre
resteront dans les coffres-forts du ministère ; je voudrais bien savoir comment
Guillaume paierait sans ces deux pièces, et je voudrais savoir comment il se
justifierait, lors de sa liquidation, d’avoir payé sans ces mêmes pièces ?
L’impossibilité d’opérer le
remboursement comme avance n’est donc qu’imaginaire ; c’est au gouvernement à
prendre toutes les précautions convenables afin d’éviter les conséquences d’une
situation extraordinaire dans laquelle nous nous trouvons ; c’est à lui à
prendre des précautions qui puissent suppléer à celles auxquelles nous devrions
avoir recours aux termes des lois et du droit. Encore une fois il ne permettra
le remboursement que sur la remise de l’acte de cautionnement et du quitus.
Quant à ceux qui auront un quitus belge, nous paierons en vertu de ce quitus.
En examinant froidement la
question et sous le rapport de l’équité, et sous le rapport du droit, et sous
le rapport des précautions à prendre il n’y a pas d’objections à faire. Au
reste, j’aimerais mieux être dupé un jour, que d’être accusé d’être mauvais
débiteur.
M. Metz. - M. de Brouckere s’est effrayé des conséquences qui
résulteraient, selon lui, du paiement ; il faut, dit-il, que le titulaire
prouve avant tout que le cautionnement lui appartient, que le gouvernement
hollandais n’a pas payé ; s’il en est ainsi, nous avons eu tort de payer même
les intérêts des cautionnements, nous avons été imprudents de faire ces
paiements. Non, messieurs, nous n’avons pas été imprudents, car il y a ici,
comme dans d’autres circonstances, force majeure, et l’on ne peut pas dire aux
comptables : Allez chercher telle pièce en Hollande. Le gouvernement hollandais
est animé de trop mauvais vouloirs envers les Belges pour leur rien accorder,
bien loin de consentir à les rembourser, comme on en a manifesté la crainte.
C’est
près de la frontière de ce pays qu’on apprend à connaître les intentions de ce
gouvernement. Qu’un Luxembourgeois, par exemple, veuille se marier avec une
femme de la ville de Luxembourg, les officiers de l’état-civil refusent les
actes provenant de la Belgique ; ainsi Guillaume ne paiera pas sur un quitus
belge. Examinez bien la question, il s’agit d’un cas de force majeure ; et si
vous obligez les comptables à prouver que la somme qu’ils réclament leur est
encore due, c’est les mettre dans l’impossibilité de faire cette preuve. Il est
d’autres cas de force majeure, admis dans notre législation ; il en est un que
vous devez connaître dans la législation commerciale, relativement aux lettres
de change.
Quand j’ai demandé qu’on payât
aux nécessiteux sans garantie, on m’a répondu qu’il y aurait danger ; au moins
payons à ceux qui offrent des garanties.
(Moniteur belge n°323, du 19 novembre 1837)
M. Gendebien.
- Messieurs, j’ai une simple observation à ajouter à celles que j’ai présentées
; j’ai oublié de répondre à une objection de M. de Brouckere. (Parlez ! Parlez !)
Il avait posé le cas de vente
; je dois faire remarquer qu’en cas de vente le gouvernement peut toujours
payer jusqu’à ce qu’il soit notifié du transfert qui seul peut le lier.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Mais si l’on a
déjà vendu en Hollande.
M. Gendebien. - J’ai déjà dit que le gouvernement hollandais ne
paiera pas sans qu’on lui présente le quitus. En possédant le titre et le
quitus, vous n’avez rien à craindre.
M. Verdussen, rapporteur. - Si on veut d’abord voter sur le principe, je ne
m’y opposerai pas. Remboursera-t-on ? telle est la question de principe.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je m’oppose à
ce qu’on mette simplement aux voix le principe.
Nous sommes tous d’accord sur
un point : M. de Brouckere, qui a contesté le droit au remboursement, a dit,
lui-même, que si on pouvait obtenir des garanties suffisantes, il ne
demanderait pas mieux qu’on remboursât. Nous voulons donc tous un commencement
de remboursement. On a cité des exemples de cautionnements qui pourraient avoir
été remboursés en Hollande et qu’on ferait rembourser encore en Belgique ; il y
a par conséquent des précautions à prendre ; ainsi ce qu’il faut mettre aux
voix, c’est si l’on exigera, oui ou non, des garanties pour accorder ce
remboursement, non comme un droit, mais seulement par avance. Ces garanties
sont celles indiquées par la section centrale et sous-amendées par M. Mercier :
en un mot, la caution personnelle, une hypothèque, un dépôt de fonds publics
belges ; c’est là-dessus qu’il faut voter.
M. Gendebien. - Nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’une
garantie.
M. Metz. - Pour la régularité du vote que nous avons à
émettre, il me semble qu’il faut d’abord mettre aux voix la question de
principe, c’est-à-dire la question de savoir si l’on remboursera, par avance,
au moins pour 100,000 francs. Quant à la garantie ce sera un objet de
discussion ultérieure, et chacun dira le mode de garantie qu’il préfère.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je ne verrais
pas d’inconvénient à mettre aux voix, comme le demande l’honorable M. Metz, la
question de savoir si l’on paiera ou si l’on ne paiera point ; mais l’honorable
membre n’explique pas s’il entend que nous tranchions par là la question de
droit, c’est-à-dire que nous sommes, oui ou non, véritables débiteurs. Si c’est
là ce qu’il veut, je m’y oppose, parce qu’il est dangereux de trancher
maintenant cette question qui est très grave, et dont cependant la solution n’a
rien d’utile du moment que nous votons le chiffre proposé. Bornons-nous donc à
décider si nous paierons ou si nous ne paierons point, sauf les conditions à
déterminer pour ce paiement.
M. de Brouckere. - Il me paraît, messieurs, que nous sommes d’accord
sur un fait (ce qui prouve du reste que la discussion a fait un pas), c’est
qu’il faut rembourser, mais pourvu que les créanciers donnent des garanties
suffisantes. Il me semble que nous sommes tous d’accord à cet égard. (Dénégations.)
Puisque l’on ne veut pas que
nous soyons tous d’accord, je dirai donc qu’il paraît que la majorité est
d’avis qu’il faut rembourser moyennant des garanties suffisantes. Il me semble
dès lors que pour aller régulièrement, il faudrait mettre d’abord aux voix
l’amendement qui exige le plus de garanties. Ainsi, par exemple en mettant
d’abord aux voix la question de savoir si l’on remboursera moyennant une
caution en immeubles ; secondement, si l’on remboursera à ceux qui fourniront
une garantie en fonds belges ; troisièmement, si l’on remboursera à ceux qui
donneront une caution personnelle reconnue suffisante par le gouvernement.
Voilà,
messieurs, comme il me semble qu’il faut marcher pour aller régulièrement ;
alors tout le monde peut voter en connaissance de cause : ceux qui veulent que
le remboursement ne soit jamais opéré, voteront contre toutes les propositions
; ceux qui qu’on rembourse, mais seulement contre un garantie en immeuble,,
voteront l’amendement qui exige cette garantie et rejetteront ceux qui en
admettent d’autres ; ceux qui veulent rembourser moyennant une garantie en
immeubles ou en fonds belges, voteront l’amendement qui admet ces deux espèce
de garantie et rejetteront celui qui admet la caution personnelle ; ceux enfin
qui veulent également admettre cette dernière garantie voteront l’amendement où
elle est admise. De cette manière chacun connaîtra parfaitement la portée du
vote qu’il aura à émettre. Mais si vous posez la question comme le propose l’honorable
M. Metz, vous mettrez beaucoup de membres dans l’impossibilité de voter. Si
vous mettez au voix la question de savoir si l’on remboursera, oui ou non,
comment voteront ceux qui veulent rembourser, mais pour autant seulement qu’il
y ait des garanties ? Vous ne pouvez donc procéder, messieurs, que de la
manière que je viens d’indiquer.
M. Verdussen. - Il est impossible, messieurs, de mettre aux voix
la question sans la poser d’une manière complexe et en disant : « Remboursera-t-on
moyennant garantie ? » C’est là, messieurs, la seule question sur laquelle
nous puissions voter, car il est bien certain que tous ceux qui veulent le
remboursement ne le veulent qu’avec des garanties. Mais pourquoi nous occuper
immédiatement des amendements et des sous-amendements qui ont été proposés ? Si
l’on ne voulait pas du remboursement, même avec garantie, alors toute
discussion sur ces amendements, n’aurait évidemment d’autre résultat que de
nous faire perdre du temps. Je pense donc qu’il faut poser la question de cette
manière : « Remboursera-t-on avec garantie et à titre d’avance ? »
M. Dumortier.
- Messieurs, la question posée par l’honorable M. Verdussen est complexe, et
j’en demande la division. Quant à moi, je ne veux point de remboursement, parce
que le fond sont entre les mains du roi Guillaume, qui les a emportés ; je
voterai donc contre tout remboursement ; mais si la chambre décidait que le
remboursement aura lieu, alors je voterai les plus fortes garanties possibles.
Je demande donc la division de
la question posée par l’honorable M. Verdussen, c’est-à-dire qu’on décide
d’abord s’il y a lieu, oui ou non, à rembourser les cautionnements, et que, si
l’affirmative est admise, on mette ensuite aux voix la question des garanties.
M. A. Rodenbach. - J’appuie, messieurs, la question qui vient d’être
faite par l’honorable M. Dumortier, qu’on mette d’abord aux voix la question de
savoir si l’on remboursera, et que dans le cas où cette question serait résolue
affirmativement, on s’occupe des garanties. Il est évident, messieurs, que la
première chose qu’il s’agit de voter, c’est de savoir si l’on paiera ou si l’on
ne paiera point. Quant à moi je voterai pour qu’on ne paie point ; car, même
avec des garanties, il serait encore possible que la Belgique perdît quatre
millions. M. le ministre des finances a dû convenir lui-même, en ce qui
concerne, par exemple, la caution personnelle, que cette garantie n’est pas
sûre. Je voterai donc contre tout remboursement, et je demande qu’on mette
d’abord aux voix la question de savoir si l’on paiera, oui ou non.
M. Brabant. - Il me semble, messieurs, que les questions doivent
être posées dans l’ordre suivant : « 1° En cas de remboursement,
exigera-t-on une garantie en immeubles en en dépôt de fonds belges ? 2°
Admettra-t-on la caution personnelle ? 3° Remboursera-t on ? »
M. Dumortier. - La proposition de notre honorable collègue ne peut
pas être admise ; car il commence par supposer ce qui est en question. Comment
voulez-vous, messieurs, décider la question de savoir si l’on exigera des
garanties, alors que vous ne savez pas encore s’il y aura remboursement ?
Suivez donc l’ordre naturel des idées : tranchez d’abord la question de savoir
si vous rembourserez ; si cette question est résolue affirmativement, la
question de savoir si l’on exigera des garanties et quelles seront ces
garanties viendra tout naturellement ; c’est là la seule marche rationnelle que
vous puissiez suivre.
M. Gendebien. - Nous ne pouvons pas, messieurs, admettre la
proposition de l’honorable M. Brabant, parce qu’il pourrait se faire qu’après
avoir longuement discuté la question des garanties, on décidât qu’il ne sera
pas fait de remboursement.
Si l’on vote d’abord sur la
question de savoir si l’on remboursera moyennant garantie, ceux qui ne veulent
pas de remboursement voteront pour la négative ; mais si l’on propose le
remboursement sans garantie, ceux qui veulent le remboursement avec garantie
hésiteront. Si, après avoir voté le remboursement avec garantie, l’on ne trouve
pas de moyens de garantie, le vote deviendra nul par le rejet de l’ensemble ;
toutefois, en votant de cette manière, nous ne nous exposerons pas à
l’inconvénient que j’ai signalé tout à l’heure, de finir par décider qu’on ne
remboursera pas, après avoir discuté longuement la question de savoir moyennant
quelle garantie on remboursera.
Il faut donc commencer par
décider si l’on remboursera moyennant garantie. Si l’on veut diviser cette
question et dire d’abord tout simplement : « Remboursera-t-on ? » je ne
m’y opposerai pas ; mais il me paraît beaucoup plus simple de dire :
« Remboursera-t-on avec garantie ? »
M. Lebeau. - Avant de voter, messieurs, j’ai besoin d’une
explication qui est très importante pour connaître la portée du vote que nous
allons émettre « Remboursera-t-on avec garantie ? » : telle est la
formule sur laquelle on paraît se mettre d’accord ; mais que remboursera-t-on ?
Est-ce 4 millions ?
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - 100,000 francs
cette année.
M. Lebeau. - Quoique j’aie examiné de bien près la
question de strict droit qui a été agitée, je vous avoue cependant, messieurs,
que j’ai besoin de l’étudier encore avant de me prononcer d’une manière
solennelle. La question de principe est extrêmement grave, et nous n’avons pas
été appelés à l’examiner : l’honorable M. Zoude ne nous l’a pas soumise, la
section centrale ne nous l’a pas soumise.
La section centrale nous
propose une mesure d’équité qui a une parfaite analogie avec celle que nous
avons prise relativement au paiement des intérêts des cautionnements ; car, en
prenant cette mesure, nous n’avons pas non plus tranché la question de
principe. Le paiement des intérêts est une mesure d’humanité, d’équité si vous
voulez ; mais il n’est pas du tout le résultat d’une solution donnée à la
question de principe, car si la question de principe avait été résolue pour les
intérêts, je ne vois pas de quel droit on se refuserait à rembourser le capital
lorsque ce remboursement serait demandé. Vous voyez donc, messieurs, que la
question que nous avons à décider aujourd’hui est de même nature que celle qui
a été décidée lorsqu’il s’est agi du paiement des intérêts des cautionnements,
et que la résolution que nous allons prendre ne préjugera pas la question de
principe, puisque ni l’honorable M. Zoude, ni la section centrale n’ont voulu
la préjuger.
Ainsi,
messieurs, quand on nous demande : « Remboursera-t-on ? », c’est
comme si l’on demandait : « Accordera-t-on 100,000 fr. (ou 150,000 si l’on
veut) ? » Mais je pense que la législature ne sera pas liée pour l’avenir
par le vote qui interviendra. C’est dans ce sens que je voterai.
Quant aux garanties,
messieurs, je crois que la garantie la plus forte que nous puissions établir,
ce serait de laisser au ministère le soin d’exiger, sous sa responsabilité,
telles garanties qu’il croirait suffisantes. Nous avons témoigné au ministre
une confiance beaucoup plus étendue que celle que nous lui témoignerions en
votant une disposition de cette nature ; nous lui avons témoigné cette
confiance, notamment pour l’emprunt de 30 millions, et vous savez, messieurs,
qu’il y a répondu de la manière la plus satisfaisante. Je crois que nous
ferions bien de lui laisser aussi le soin de déterminer les garanties à exiger
pour le remboursement des cautionnements.
Quoi qu’il en soit, messieurs,
je demande qu’il soit bien entendu que dans le vote que nous allons émettre,
nous nous renfermons dans la question traitée au budget, et que la question de
principe reste intacte.
M. Gendebien. - Il faut la trancher.
M. Lebeau. - Je prie l’honorable membre de remarquer que nous
n’en sommes pas saisis et que nous ne l’avons pas examinée ; je sais qu’on a
trop dit pour ne pas traiter la question de principe, mais on n’a pas dit assez
pour la traiter, et je crois que beaucoup d’honorables membres ont besoin de
l’examiner plus mûrement pour pouvoir la résoudre. Je n’entends donc en aucune
manière préjuger la question de principe par le vote que je vais émettre.
M. de Brouckere. - Messieurs, c’est la question de principe qui nous
allons décider ; c’est la question de principe qu’a décidé la section centrale,
et je vais le prouver : d’abord je rappellerai à la chambre, pour répondre à ce
qu’a dit l’honorable préopinant, que nous ne sommes nullement saisis de cette
question ; je rappellerai à la chambre qu’un projet de loi, qui renfermait
nécessairement la solution de la question de principe, a été formulé par
l’honorable M. Zoude, et qu’au lieu d’examiner ce projet de loi à part, la
chambre a décidé qu’il serait joint au budget, et qu’elle prendrait une
décision sur ce projet de loi en votant le budget. Voilà, messieurs, comment la
chambre a été saisie de la question de principe. Il me reste à prouver que la
section centrale a décidé cette question. Eh bien, messieurs, voici comment
elle s’exprime :
« La question, mise aux
voix, a été décidée par la majorité de membres présents à la délibération, en
faveur du principe du remboursement, sous la condition, toutefois, que le
gouvernement ne l’accordera qu’avec garantie réelle en immeubles ou en fonds
publics belges. »
Maintenant, comme la section
centrale s’y est-elle prise pour en venir au chiffre de 100,000 fr. ?
Voici comment elle s’est
exprimée :
« Dans l’incertitude si
beaucoup d’anciens comptables réclameront le remboursement de leurs
cautionnements en fournissant le gage à exiger d’eux, votre section centrale
n’a pas cru devoir ajouter au chiffre proposé par M. Zoude, ni retrancher de
celui demandé par le gouvernement pour l’acquittement des intérêts des
cautionnements, sauf à allouer un nouveau crédit si celui qui est ouvert n’est
pas suffisant. »
Voilà
une allégation assez claire ; vous voyez que c’est la question de principe qu’il
faut décider, et que ce vote de 100,000 fr. n’est qu’un vote qui rendra
obligatoire le vote d’autres fonds jusqu’à concurrence de 4 millions.
Maintenant l’on veut poser la
question du remboursement avec garantie, et d’un autre côté vous avez entendu
l’honorable M. Lebeau demander que la chambre votât les 100,000 fr., sauf au
gouvernement à prendre telles garanties qu’il jugerait à propos.
Eh bien, je vais faire une
interpellation au ministre, et je le prie de vouloir bien y répondre.
Voudrait-il se charger d’une responsabilité comme celle-là ? Voudrait-il se
charger de l’exécution d’un vote qui l’autoriserait à rembourser tous les
cautionnements sauf à lui de prendre les garanties suffisantes ?
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Messieurs, je
répondrai à l’honorable préopinant que je préfère beaucoup que la chambre
détermine elle-même les garanties à prendre ; j’appliquerai ainsi la lettre
même de la loi purement et simplement, ce qui sera beaucoup plus convenable à
ma responsabilité que la latitude qui me serait laissée si les garanties
n’étaient pas précisées ; par là aussi la législature aura plus de certitude
que ses intentions seront remplies. Je demande donc pour ma part que l’on
spécifie les garanties dans la loi.
Je ferai maintenant observer à
l’honorable M. de Brouckere qu’il est dans l’erreur lorsqu’il pense que la
section centrale a voulu trancher la question de principe. Je trouve,
messieurs, le contraire dans le libellé proposé par la section centrale, puisqu’il
y est parlé de « remboursement des cautionnements, à titre d’avance. » La
section centrale ne décide donc pas que nous sommes tenus, en droit, au
remboursement, puisqu’elle n’en veut qu’à titre d’avance. Du reste, personne ne
devrait demander autre chose, puisque nous pouvons arriver à notre but, sans
trancher une question aussi grave que celle-là.
M. de Brouckere. - J’ai dit que la section centrale a tranché la question
de principe, en ce sens que si nous votons maintenant les 100,000 fr. qu’on
nous propose, à l’effet de rembourser quelques cautionnements à titre d’avance,
nous serons obligés plus tard de voter de nouveaux fonds, jusqu’à concurrence
de quatre millions, en remboursant toujours à titre d’avance.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je me félicite
d’avoir provoqué ces explications, car elles sont très importantes.
Il s’agit d’arriver à un vote.
Je persiste à croire que ce qu’il y a de plus logique à faire, c’est de
commencer par les garanties, comme je l’ai demandé d’abord. Qu’on prononce
d’abord sur la garantie la plus forte, et que l’on aborde successivement toutes
les autres garanties proposées. Il n’y aurait non plus, à mon avis, aucune
espèce de danger à ce que l’on posât et décidât la question de savoir si l’on
paiera, à titre d’avance et avec garanties, la somme de 100,000 fr. qui fait
l’objet de l’amendement de la section centrale. Car, en procédant ainsi, nous
ne préjugerons rien pour l’avenir.
M. Verdussen. - Messieurs, les dernières observations de M. de
Brouckere rendent tout à fait la pensée de la section centrale. La section centrale
n’a pas voulu trancher la question de droit ; elle a seulement voulu faire
entendre que si la législature adoptait le chiffre de 100,000 fr., et que tous
les comptables vinssent plus tard réclamer le remboursement de leurs
cautionnements, en offrant des garanties réelles, il y aurait lieu de voter de
nouveaux fonds jusqu’à concurrence de 4 millions.
Au reste, cela ne doit pas
vous effaroucher, car cela ne nous coûtera pas un sou. Au fur et à mesure que
des comptables démissionnés réclament le remboursement de leurs cautionnements,
il y a de nouveaux cautionnements qui se présentent et qui servent à rembourser
les autres.
- Un grand nombre de membres
se disposent à quitter leurs bancs.
M. Dumortier. - A raison de l’heure avancée, messieurs, et comme
la chambre paraît disposée à lever la séance, je demanderai la permission de
pouvoir présenter mes observations demain. (Oui
! oui !)
- La séance est levée à 4
heures.