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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 16 novembre
1837
Sommaire
1) Pièces adressées à
la chambre
2) Projet de loi portant le budget de la dette
publique et des dotations pour l’exercice 1838. Discussion des articles. Pensions
à charge de l’Etat, notamment fixation d’un maximum (Verhaegen,
d’Huart, Dumortier, d’Huart, Dumortier, de Brouckere, Desmet, (+contrôle
par la cour des comptes) (Andries, de Brouckere), Desmet),
traitements d’attente (d’Huart, Milcamps,
de Brouckere, Gendebien, d’Huart, Dumortier, de Brouckere, d’Huart, Milcamps, A. Rodenbach, Gendebien, Van Volxem, d’Huart, Lebeau, Dumortier, Dumortier, Coghen, d’Huart, Van Volxem, Dumortier), caisse de retraite des agents du ministère
des finances (Dumortier), secours aux veuves et
orphelins de fonctionnaires (d’Huart, Verdussen), remboursement
des cautionnements versés par les comptables à Amsterdam et partage de la dette
belgo-hollandaise (Zoude, Coghen, de Brouckere, d’Huart)
(Moniteur belge n°321, du 17 novembre 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse fait l’appel nominal à deux heures.
M. Kervyn donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ;
la rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M. de Renesse annonce que des distillateurs de Swereghem et Durlyk
proposent des modifications aux lois de 1833 et 1837 sur les distilleries.
- Ce mémoire est
renvoyé à la commission des pétitions.
________________
M. le ministre des travaux
publics (M. Nothomb).
- Messieurs, il est dit dans le rapport de la section centrale concernant le
budget des voies et moyens que je me suis réservé de donner des explications
sur les redevances des mines et sur leur montant pour les exercices de 1837 et
1838 ; je dépose ces explications sur le bureau en priant la chambre d’en
ordonner l’impression.
PROJET DE LOI PORTANT
LE BUDGET DE LA DETTE PUBLIQUE ET DES DOTATIONS POUR L’EXERCICE 1838
Discussion des
articles
Titre premier. - Dette publique
Chapitre premier. - Intérêts de la dette
Articles 7 à 9
« « Art. 7.
Intérêts de la dette viagère : fr. 7,300. »
- Adopté.
______________
« Art. 8.
Intérêts à payer aux anciens concessionnaires de la ambre canalisée : fr.
2,000. »
- Adopté.
______________
« Art. 9. Intérêts
à payer à la société générale pour favoriser l’industrie nationale, en
exécution de la transaction avec lesdits concessionnaires, autorisée par la loi
du 26 septembre 1835 : fr. 230,705. »
- Adopté.
Chapitre II. - Rémunérations
« Pensions
ecclésiastiques : fr. 720,000. »
M. Verhaegen. - Messieurs, au sujet de ce chapitre, nous avons à
vous faire observer, comme vous a fait observer M. le ministre des finances dans
son discours d’introduction, que le sort des ecclésiastiques, ainsi que celui
des magistrats, des fonctionnaires, de leurs veuves et de leurs orphelins, a
souvent été l’objet de votre sollicitude et de celle du gouvernement ; et nous
dirons avec le ministre des finances qu’il existe dans la liquidation des
pensions des anomalies qu’une loi doit faire cesser ; et nous réclamons à cet
égard l’application de l’article 139 de la constitution. Le congrès national a
déclaré dans cet article qu’il était nécessaire de pourvoir, par des lois
séparées, à divers sujets et notamment à la révision de la liste des pensions :
il est urgent, messieurs, d’arriver à cette révision, et on a eu plus d’une
raison pour, dans l’article 139, imposer ce devoir à la législature. Le ministre
des finances, dans son discours, annonce qu’une loi sera bientôt présentée ;
et, comme on l’a fait remarquer, il est des sujets pour lesquels l’initiative
doit être laissée au gouvernement, et celui-ci est du nombre.
Nous venons donc
attirer l’attention de la chambre sur ce point, et engager le gouvernement à
présenter la loi qu’il annonce dans le plus court délai.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Nous
pouvons déclarer que dans très peu de jours, une loi générale sur les pensions
civiles et ecclésiastiques sera soumise aux délibérations de la chambre.
M. Verdussen. - Vous avez pu remarquer que dans la section
centrale nous avons adopté provisoirement un chiffre global de réduction sur
les pensions ; j’invite M. le ministre à vouloir bien indiquer sur quelles
subdivisions des articles des pensions on fera peser la réduction proposée ; ce
chiffre s’élève à 13,000 francs.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je ne
m’oppose pas à la réduction proposée par la section centrale ; c’est sur le
chiffre de 590,000 fr. concernant les pensions civiles qu’on fera peser la
réduction de 13,000 Fr. ; ainsi, ce chiffre sera réduit à 577,000 Fr.
- Le chiffre des pensions
ecclésiastiques, mis aux voix, est adopté.
__________________
« Pensions civiles
: fr. 577.000. »
- Adopté.
_________________
« Pensions
civiques : fr 240,000. »
- Adopté.
« Pensions
militaires : fr. 1,550,000. »
M. Dumortier. - Je comprends difficilement les augmentations
successives qu’éprouve chaque année ce chiffre des pensions militaires ; avant
la révolution il était loin d’être à la hauteur où il est parvenu ; si on
procède toujours de la même manière, vous finirez par avoir deux budgets, l’un
pour ceux qui travaillent dans les services publics, et l’autre pour ceux qui
ont cessé d’y travailler.
Il me semble qu’il
y a des mesures à prendre pour arrêter cette progression funeste. J’appuierai
la proposition faite par M. Verhaegen pour que nous révisions les pensions.
L’arrêté-loi d’après lequel on accorde les pensions, est sans doute à la
convenance du gouvernement ; mais le congrès, en déclarant qu’il y avait lieu à
réviser les pensions, a déclaré implicitement que beaucoup d’abus étaient à
réformer dans cette partie de l’administration. Que l’on regarde les pensions
concédées comme des droits acquis, à la
bonne heure ; mais je voudrais que le gouvernement procédât d’après des règles
et ne pas dépasser certaines limites. Je citerai un seul exemple pour montrer
combien il importe de réviser la législation sur les pensions, surtout en
présence des interprétations que le gouvernement lui donne aujourd’hui.
Le gouvernement
admet comme principe qu’une pension doit se liquider d’après la moyenne du
traitement des trois dernières années du service du titulaire ; et il ne fixe
aucun maximum pour les pensions.
En France, on a
posé le maximum de 6,000 pour les premiers présidents de la cour de cassation,
pour tous les autres magistrats, pour les ministres mêmes ; mais chez nous, en
conséquence des principes admis par le gouvernement, que peut-il arriver ?
C’est que si un ambassadeur qui touche 50,000 francs venait à demander sa
pension, il pourrait obtenir 30,000 francs ou 40,000 francs pour ne rien faire.
Il y a donc vice dans la législation actuelle et nécessité d’y apporter remède.
Lorsque nous avons
porté la loi sur l’organisation judiciaire, nous avons déterminé le maximum de
la pension des magistrats à 6.000 francs ; on n’a pas compris les intentions de
la chambre, car on n’a point appliqué cette disposition aux autres branches de
l’administration où l’on ne reconnaît aucun maximum.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Cela
n’est pas exact ; c’est complétement inexact.
M. Dumortier. - Je vais montrer au ministre des finances que c’est
complétement exact. Vous avez accordé des pensions sans considérer de limites.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - C’est une
erreur !
M. Dumortier. - Je vous citerai un ancien gouverneur de la
province du Hainaut, homme d’ailleurs très respectable et qui a rendu de grands
services au pays ; la pension de cet honorable fonctionnaire a été liquidée, je
pense, à neuf ou dix mille francs : on lui a donc donné les deux tiers de son
traitement sans tenir aucun compte du maximum de 6,000 francs. J’ai cité cet
exemple parce que le fonctionnaire dont il s’agit n’existe plus, mais je
pourrais en citer bien d’autres ; du reste, ce fait seul prouve à l’évidence
qu’en admettant cette jurisprudence, si demain on liquidait la pension d’un
ambassadeur, il n’y aurait aucun motif pour lui refuser trente à quarante mille
francs.
L’arrêté de 1814
est la cause de tous les abus qui existent en matière de pensions, abus dont on
s’est plaint si vivement au congrès et qui ont donné naissance à la disposition
de la constitution citée tout à l’heure par l’honorable M. Verhaegen ; il est
donc indispensable, messieurs, de réviser cet arrêté le plus tôt possible,
comme nous le prescrit la constitution.
Do reste,
messieurs, les choses sont bien changées depuis l’époque où a été faite la
législation actuelle sur les pensions ; il y a maintenant des caisses
d’épargnes, qui présentent toute espèce de garantie ; eh bien, il me semble que
les fonctionnaires devraient bien profiter de cette institution et faire des
économies, pour éviter à l’Etat d’accorder ainsi des pensions aux veuves, aux
orphelins, et pour ainsi dire de génération en génération. Je crois, messieurs,
que le temps est venu où, pour me servir d’un vieux proverbe, chacun doit faire
son lit comme il veut se coucher, où les fonctionnaires doivent, par leurs
épargnes, assurer le sort de leurs veuves et orphelins. Je ne parle pas ici des
militaires qui tombent sur le champ de bataille, c’est là un cas tout à fait
fortuit ; mais, dans toutes les autres hypothèses, c’est, je le répète, aux
fonctionnaires à soigner pour l’avenir, à assurer par leurs économies, le sort
de leurs femmes et de leurs enfants.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). -
L’honorable M. Dumortier s’est complétement trompé, messieurs, lorsqu’il a
supposé que, d’après la législation existante et l’usage établi, on pourrait
donner à un fonctionnaire civil quelconque, à un ambassadeur, par exemple, une
pension qui irait jusqu’à 30 ou 40 mille fr. ; on ne doit en règle générale
accorder aucune pension supérieure à 6,000fFr. c’est là un maximum qui ne peut
être dépassé, si ce n’est toutefois pour les pensions de la caisse de retraite,
laquelle a, selon ses règlements, accordé cinq ou six pensions, depuis 1830,
excédant 6,000 francs ; mais vous savez que ces pensions sont en partie à titre
onéreux, et qu’il s’opère, sur les traitements des fonctionnaires des finances
qui ont droit à obtenir une pension de la caisse de retraite, une retenue
annuelle qui est destinée à permettre l’amélioration du taux de la pension
ordinaire des autres fonctionnaires civils, et à assurer en outre une pension à
leurs veuves et orphelins ; toutefois je suis tombé d’accord avec la commission
qui a été nommée par le gouvernement pour réviser les liquidations des pensions
de la caisse de retraite, qu’il ne serait plus accordé à l’avenir, même sur la
caisse de retraite, une seule pension excédant 6,000 fr.
J’ai dit tout à
l’heure, messieurs, qu’il n’est pas permis d’accorder des pensions dépassant
6,000 francs ; il y a pourtant une seconde exception à cette règle, et pour un
seul cas. Lorsqu’un fonctionnaire a plus de 40 ans de service et plus de 60 ans
d’âge, il peut avoir une pension qui aille jusqu’aux deux tiers du traitement
moyen de ces trois dernières années de service ; c’est là, messieurs, le seul
cas où il soit permis de dépasser gratuitement le maximum de 6,000 francs, et
je crois que ce cas se présentera très rarement.
L’honorable M.
Dumortier a parlé d’un ancien fonctionnaire du Hainaut dont la pension s’est,
dit-il, élevée à 9 ou 10 mille fr. ; il a été, en effet, accordé une semblable
pension à ce fonctionnaire, parce qu’il avait plus de 40 ans de service et plus
de 60 ans d’âge. Ce fonctionnaire n’existe plus, et il n’est, par conséquent,
plus question de payer sa pension. Du reste, on ne peut pas dire qu’il y avait
là une prodigalité, car on ne saurait considérer comme un abus qu’un
fonctionnaire qui a plus de 40 ans de service et plus de 60 ans d’âge, reçoive
une pension égale aux deux tiers de son traitement.
On parle toujours
de gros traitements ; mais, messieurs, il faut convenir que ce n’est pas en
Belgique qua les traitements sont trop élevés ; ils sont tous, sans exception,
au contraire, excessivement modérés ; ce qui est un bien, ce à quoi
j’applaudis, mais alors il faut aussi que la nation procure des moyens
d’existence aux fonctionnaires qui, par leur âge, leurs infirmités ou
autrement, ne sont plus en état de remplir leurs emplois, aux veuves et aux
orphelins de ceux qui ont rendu des services.
Je crois, messieurs, que le système le plus convenable et le plus
économique est celui de donner des traitements modiques aux fonctionnaires, et
de leur assurer en revanche des moyens d’existence lorsqu’ils sont forcés de
cesser leurs fonctions, ainsi qu’aux veuves et aux orphelins de ces
fonctionnaires qui n’ont pu, durant leur carrière publique, faire des économies.
L’honorable M.
Dumortier a d’abord commencé son discours en s’élevant contre les bases de la
liquidation des pensions militaires dont il s’agit exclusivement en ce moment ;
il a dit qu’on règle ces pensions sur la moyenne du traitement pendant les trois
dernières années, et qu’on peut ainsi les élever à un taux exorbitant ; mais,
messieurs, ce n’est pas là la base sur laquelle on liquide les pensions
militaires, c’est la durée des services et le nombre d’années dans le dernier
grade qui servent à déterminer le taux de la pension à laquelle un militaire a
droit, et jamais ce taux n’excède 6,000 fr.
Vous voyez donc,
messieurs, que les abus dont parle l’honorable M. Dumortier n’existent que dans
son imagination.
M. Dumortier. - Messieurs, l’honorable ministre des finances, en
voulant combattre mes observations, s’est mis à côté de la question, telle que
je l’avais posée : je n’ai point parlé des militaires, j’ai parlé en général,
et j’ai prouvé à l’évidence la nécessité de réviser la loi sur les pensions, et
en vertu de laquelle on peut accorder des pensions exorbitantes. M. le ministre
des finances a commencé par nier le fait, et ensuite il a paru cependant
convenir lui-même que ce fait est exact, en disant qu’on peut accorder aux
fonctionnaires qui ont 40 ans de service et 60 ans d’âge, une pension égale aux
deux tiers de leur traitement. Sans doute, messieurs, on n’accorde jamais de
pensions à une personne qui n’a aucun titre ; mais on ne peut disconvenir, que
d’après l’aveu même de M. le ministre des finances, si demain un ambassadeur
qui eût 40 ans de service et 60 ans d’âge, venait réclamer sa pension, on
pourrait se trouver dans le cas de devoir porter cette pension à 60 ou 70,000
francs ; cela est incontestable.
Vous voyez donc, messieurs, que la loi des pensions qui peut donner lieu
à de pareils abus, doit de toute nécessité être révisée.
Je ne partage pas
l’avis de M. le ministre des finances, qui vient nous dire que lorsqu’un fonctionnaire
est arrivé à un certain âge, il a bien mérité de recevoir les deux tiers de son
traitement ; je pense, messieurs, que, quel que soit l’âge d’un fonctionnaire,
il doit y avoir un maximum pour la pension à accorder, et que ce maximum doit
être égal pour les fonctionnaires de toutes les classes. En France, messieurs,
où certes on est généreux pour les fonctionnaires publics, aucun employé, de
quelque ordre qu’il appartienne, ne peut toucher une pension qui dépasse 6,000
fr.
Je le répète,
messieurs, d’après la législation existante, les pensions peuvent être portées
à un taux exorbitant : un ministre plénipotentiaire qui se trouverait dans le
cas où s’est trouvé l’honorable gouverneur du Hainaut, dont j’ai parlé tout à
l’heure, pourrait venir nous demander une pension de 70,000 fr., et d’après la
loi actuelle nous devrions l’accorder ; il faut donc de toute nécessité réviser
une loi qui peut donner lieu à de semblables abus.
M. de Brouckere. - Je répondrai à l’honorable M. Dumortier que la
révision des pensions du département des finances a déjà été faite, et qu’une
loi a été votée à cet égard par la chambre ; or, c’est le ministère des
finances qui a les plus fortes pensions à payer.
Maintenant
l’honorable membre se plaint de ce que les pensions se liquident encore
aujourd’hui d’après la législation existant autrefois, et qui a excité tant de
plaintes. Cela n’est pas tout à fait exact : ce qui a excité tant de plaintes
sous l’ancien gouvernement, c’est l’article 17 de l’arrêté-loi du 14 septembre
1814, qui était placé à la fin de cet arrêté et qui en détruisait toute
l’économie ; car, après avoir tracé certaines règles qui devaient servir de
base à la liquidation des pensions, on détruisait par cet article toutes les prescriptions
précédentes de la loi pour laisser en définitive au roi le pouvoir d’élever des
pensions aussi haut qu’il le voudrait et de déroger à tous les principes de
l’arrêté-loi. Or, messieurs, cet article 17 n’existe plus, et le gouvernement
est obligé de s’en tenir, dans la liquidation des pensions, à ce qui est
prescrit par les autres dispositions de l’arrêté-loi du 14 septembre 1814 ; eh
bien, si vous voulez examiner de près ces autres dispositions, vous verrez que
les abus sont très difficiles, et que les pensions en général ne peuvent pas
s’élever au-delà de 6,000 fr.
Une
seule exception a été admise à cette règle générale, c’est les fonctionnaires
qui ont 40 ans de service et 60 ans d’âge. Eh bien, messieurs, la meilleure
preuve qu’on puisse donner de ce que cette disposition n’est pas à craindre,
c’est que depuis la révolution, il n’a été liquidé qu’une seule pension qui
tombât dans cette exception, c’est celle de l’ancien gouverneur du Hainaut,
dont on a parlé tout à l’heure. Quant à moi, je vous avoue que je ne reconnais
pas la nécessité d’une semblable exception ; lorsque nous discuterons le projet
de loi qui vient d’être annoncé par M. le ministre des finances, je prouverai
qu’elle ne doit pas exister et que nous devons admettre en règle générale
qu’aucune pension ne peut aller au-delà de 6,000 francs.
L’honorable M.
Dumortier se plaint aussi de ce qu’on paie des pensions aux veuves et aux
orphelins des fonctionnaires ; on ne paie point en général des pensions aux
veuves et aux orphelins des fonctionnaires ; cela n’a lieu que pour le
département des finances, dont les fonctionnaires ont droit à une pension pour
leurs veuves et leurs orphelins, par suite de la retenue qu’on opère
annuellement sur leurs appointements : c’est là une exception dont l’Etat ne
peut être grevé. A la vérité l’Etat a pu jusqu’ici accorder un subside pour la
caisse des pensions du département des finances, subside qui a été suffisamment
justifié, puisque la chambre l’a voté chaque année ; mais il faut supposer qu’à
l’avenir, dans un temps plus ou moins rapproché, la caisse des retraites
suffira au paiement des pensions des veuves et orphelins des fonctionnaires du
ministère des finances, qui sont les seuls qui ont droit à une pension.
M. Desmet. - Quoique l’honorable ministre des finances vienne
de faire la déclaration formelle que sous peu il présenterait à la législature
un projet de loi général sur les pensions, je pense cependant que les
observations que vous a présentées l’honorable M. Dumortier, sur les vices qui
existent dans l’arrêté du 14 septembre 1814, ont été faites très à propos, et
que les abus dont cet arrêté a donné lieu et qu’il vous a signalés, sont réels
; ces observations, je les trouve surtout à propos, qu’il m’a semblé que l’orateur
qui vient de parler avait voulu faire entendre que depuis que l’article 17, qui
contenait une disposition exceptionnelle en faveur du chef de l’Etat et pour
« des cas extraordinaires ou des services éminents rendus au pays, »
avait été supprimé, l’arrêté sur les pensions n’avait plus de défauts marquants
et ne pouvait plus donner lieu à des abus. Je partage entièrement l’opinion de
l’honorable M. Dumortier qu’il faille réformer et rendre légale la législation
inconstitutionnelle qu’on suit encore toujours pour les pensions, et ici nous
sommes tout à fait d’accord avec ce qu’a voulu le congrès national, quand il a
prescrit dans la constitution qu’aucune pension en gratification à charge de
l’Etat ne serait accordée qu’en vertu d’une loi, et que la liste existante des
pensions accordées d’après l’arrêté de 1814, sous le règne de Guillaume, serait
au plus tôt révisée.
Certainement que
le congrès, imbu des abus auxquels avait donné lieu l’arrêté de Guillaume,
avait voulu une réforme réelle et non point déguisée ; avait voulu, non pas
assurer des rentes viagères aux fonctionnaires qui déjà avaient joui des
faveurs du gouvernement, par les places lucratives qu’ils avaient remplies,
mais bien récompenser le citoyen, le patriote qui avait rendu des services au pays,
dignes de récompense.
Pourriez-vous donc
penser, messieurs, que le congrès aurait voulu récompenser des personnes qui
n’auraient rendu aucun service au pays, mais qui, au contraire, se seraient
continuellement opposées à l’ordre actuel des choses, et auraient fait des
efforts pour le retour de la famille déchue ? Jamais cela n’a été la pensée du
congrès ; j’en appelle ici au témoignage de tous ceux de mes collègues qui en
ont été membres.
Pourriez-vous
aussi croire que la pensée du congrès a été quand il a arrêté les dispositions
constitutionnelles sur les pensions de préparer des gratifications aux
créatures du roi Guillaume et d’en préparer surtout une forte de 6,000 fr. à un
conseiller d’Etat, à un individu qui n’a montré aucune sympathie pour la dynastie
qui nous gouverne, et qui, à en juger par ses actes publics, est plus partisans
de la restauration que de la révolution ? Eh bien, messieurs, cette
gratification antipatriotique a été faite l’an dernier, et certainement le chef
du département qui a dû prendre l’arrêté ne l’a pas fait de bon cœur ; mais il
y a été obligé par cet arrêté de Guillaume que nous laissons toujours en
vigueur et que nous ne rapportons pas.
Je pense donc,
messieurs, et je le répète encore, que les observations de M. Dumortier sont
très utiles, et je les appuie de tout mon pouvoir ; elles sont utiles pour M.
le ministre des finances ; quand il élaborera le projet qu’il vient de nous
promettre, il pourra prévoir tous les abus qui ont été signalés et dont
l’arrêté de
Vous devez, je pense, vous rappeler que l’arrête du
lieutenant-gouverneur des Pays-Bas n’a jamais été sanctionné par les
législatures, et qu’on l’a toujours considéré comme une mesure de circonstance,
qui a été prise en 1814 pour contenter et faire taire dans leurs réclamations
les anciens fonctionnaires du gouvernement autrichien qui, sous le régime
français, avaient été ôtés de leurs emplois, et qu’on ne voulait cependant plus
voir retourner aux places publiques. Qu’on lise les considérants de l’arrêté et
la disposition de l’article 7, on sera convaincu de l’exactitude de ce que
j’avance. Si plus tard, et surtout depuis la révolution, on a appliqué les
dispositions de l’arrêté, c’est bien abusivement ; et ici, je pense, le pays
pourrait faire un reproche à la représentation nationale, qu’elle n’a pas plus
fait d’efforts pour arrêter ces abus et contraindre le gouvernement à rester
dans les bornes de la constitution.
Je n’en dirai pas plus sur ces abus, mais je me flatte que le ministre
des finances ne laissera pas attendre son projet.
M. Andries. - Messieurs, l’on m’a assuré que contrairement à ce
qui se pratique dans les autres ministères, le département de la guerre n’envoie
à la cour des comptes que l’arrêté royal portant allocation d’une pension sans
y joindre les pièces justificatives. Si le fait est réellement vrai, la cour
des comptes ne peut pas vérifier si les lois et règlements de pension ont été
appliqués, et dès lors le pays perd dans la cour des comptes la garantie qu’il
peut et doit en attendre.
M. de Brouckere. - Je répondrai à l’honorable préopinant que je ne
pense pas que la cour des comptes puisse examiner si une pensions a été
liquidée conformément aux lois.
M. Dumortier. - Si ! si !
M. de Brouckere. - M. Dumortier répond : Si ! si ! Il pourra
justifier son opinion. Quant à moi, je crois que la cour des comptes n’a pas le
droit d’examiner si une pension a été conférée conformément aux lois ; cela
n’entre pas dans les attributions de cette cour, mais bien dans celles du
pouvoir législatif, qui critique les actes du gouvernement et qui peut attaquer
une pension comme ayant été mal liquidée.
Quel est le devoir
de la cour des comptes ? C’est d’examiner si le département qui a conféré la
pension, avait le droit de la conférer. Si vous admettiez le système que la
cour des comptes peut s’enquérir de toutes les sommes qu’on paiera, il en
résulterait qu’elle pourrait examiner si le taux des traitements n’est pas trop
élevé. Evidemment cette faculté ne peut faire partie des attributions de la
cour des comptes ; la cour empiéterait sur le pouvoir du corps législatif.
Je dois maintenant
répondre deux mots à l’honorable M. Desmet qui a cru que j’approuvais de tout
point l’arrêté-loi de 1814. Il n’en est rien ; au contraire, je suis d’avis que
cet arrêté doit être révisé, et je pense qu’il est urgent que nous nous
occupions d’une nouvelle législation sur les pensions. J’ai moi-même signalé un
abus qui peut résulter de l’application de l’arrêté de 1814, c’est le cas où la
pension peut s’élever au-delà de 6,000 fr. Je me suis borné à dire tout à
l’heure que, bien que l’arrêté de 1814 ne fût pas parfait, il ne pouvait donner
lieu, dans son application générale, a de très graves abus.
Cependant,
dit l’honorable M. Desmet, on a accordé des pensions à des fonctionnaires à qui
on eût dû les refuser : quant à cela, c’est un grief à articuler moins contre
la loi que contre le gouvernement. C’est le gouvernement qui a en tort
d’accorder ces pensions ; car, aux termes de l’arrêté de 1814, n’ont droit à la
pension que les personnes qui ont 60 ans d’âge et 40 ans de service. L’arrêté
dit que les employés peuvent demander une pension ; mais s’ils n’ont pas les
titres requis pour l’obtenir, c’est au gouvernement à faire à cet égard ce
qu’il juge convenable. Je pourrais citer tel fonctionnaire qui a 20 ans de
service et à qui on a refusé une pension.
C’est donc au
gouvernement qu’on doit faire le procès, quant aux pensions accordées illégitimement,
plutôt qu’à la loi qui, je le répète, est loin d’être parfaite, mais qui
cependant ne peut engendrer des abus aussi nombreux qu’on l’a prétendu.
M. Desmet. - Je répondrai à l’honorable M. de Brouckere que
l’allocation de la pension de 6,000 fr. dont j’ai parlé tout à l’heure était
due au conseiller dont j’ai parlé, en vertu de l’arrêté-loi de 1814, parce
qu’il avait 60 ans d’âge et 40 ans de service ; ainsi c’est à la loi et non pas
au gouvernement que l’on doit faire un grief d’un semblable abus.
Non certainement,
je n’en fais point de reproche au ministre, car il n’a pas pu faire d’exception
pour l’individu en question, quand il se trouvait dans les termes de l’arrêté ;
mais je devrais plutôt en faire le reproche à la chambre qui a toujours laissé
l’arrêté qui donne lieu à ces abus.
- Le chiffre
relatif aux pensions militaires est mis aux voix et adopté.
_________________
« Pensions de
l’ordre Léopold : fr. 20,000. »
- Adopté.
_________________
« Arriéré des
pensions de toute nature : fr. 10,000. »
- Adopté.
- L’ensemble de
l’article premier du chapitre II est mis ensuite aux voix et adopté.
« Art. 2.
Traitements d’attente, traitement des pensions supplémentaires et secours
annuels : fr. 123,177 84 c. » (Chiffre proposé par le gouvernement.)
M. le président. - La section centrale propose de réduire ce chiffre
à 50,000 fr.
M. le ministre des
finances adhère-t-il à la rédaction proposée par la section centrale ?
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). -
Messieurs, le gouvernement a cru devoir, comme les années précédentes, vous
proposer l’intégralité de la somme qui est due, selon lui, pour les traitements
d’attente, les pensions supplémentaires et les secours annuels, et nous nous
considérerons comme tenus d’en agir ainsi, aussi longtemps qu’une disposition
législative m’aura pas prononcé formellement contre le droit que nous
reconnaissons aux titulaires de ces traitements. Cependant, comme depuis 6 ans
la chambre, après de longues discussions, a constamment réduit le crédit à
50,000 fr., je m’abstiendrai d’entrer dans des développements qui seraient sans
doute inutiles cette année comme précédemment, pour combattre la même
réduction, de nouveau proposée par les sections et par la section centrale.
M. Milcamps. - Messieurs, je viens appuyer les propositions du
gouvernement en faveur des fonctionnaires qui jouissent des traitements
d’attente, et m’élever ainsi contre les réductions proposées par la section
centrale.
Chaque année le
budget de l’Etat affecte une somme destinée à acquitter les traitements
d’attente, mais insuffisante pour les payer intégralement.
Dans chacune des
années 1831 le gouvernement a demandé, pour satisfaire à cette charge, une
somme de 100,000 florins ; le budget ne lui en a alloué que 30,000.
Dans chacune des
années postérieures et jusques et y compris 1837, le gouvernement demandait à
la même fin 137,000 fr. et en dernier lieu 15,000 ; le budget ne lui en a
alloué que 50,000.
Aujourd’hui, pour l’année 1838, le
gouvernement propose 123,000 fr., et la section centrale réduit encore ce
chiffre à 50,000.
Pour quels motifs
ces réductions ont-elles été votées chaque année ?
Si nous nous
reportons aux rapports des sections centrales et aux discussions des budgets,
nous voyons que ces réductions ont été motivées sur la pensée que quelques-uns
de ces traitements pouvaient être des actes de faveur émanés du chef du
gouvernement précédent ; nous y voyons aussi qu’on y a émis l’opinion qu’on ne
devait payer les traitements d’attente temporaires dits toelagen, et les
traitements de non activité wachtgelden, qu’aux anciens fonctionnaires dont le
traitement n’excédait pas 3,000 fr.
Quant au premier
de ces motifs, j’ignore s’il existe d’anciens fonctionnaires qui auraient
obtenu des traitements à titre de faveur. Je n’en ai trouvé aucune preuve, ni
dans les rapports des sections centrales, ni dans les discussions des budgets.
Et dans la supposition même qu’il en existât quelques-uns de cette catégorie,
est-ce une raison de refuser aux autres le paiement de leurs traitements ?
C’est cependant ce que nous faisons.
Ce que je vois,
c’est que depuis sept ans le gouvernement a constamment trouvé équitable et
juste de payer les traitements d’attente.
Quant à la distinction
entre les traitements d’attente temporaires ou de non-activité de 3,000 fr. et
au-dessous, qu’on paie peut-être en partie, car on ne les paie pas tous, et les
traitements au-dessus de 3.000 fr. dont on n’autorise pas le paiement, j’avoue
que je ne vois pas sur quelle raison plausible cette distinction repose.
Aussi, messieurs,
je ne pense pas trop que ce soit pour ces motifs que le plupart des membres de
cette chambre ont voté les réductions. La véritable raison de leur vote, dans
mon opinion du moins, a été qu’il y avait lieu de réduire le crédit jusqu’à ce
que la question fût examinée.
Mais nous sommes
dans la huitième année d’ajournement de cet examen, et un tel ajournement
ressemble un peu à un déni de justice.
Pour ce qui me
concerne, et voulant m’éviter ce reproche de déni de justice, j’ai examiné la
question, et cet examen m’a donné la conviction que les fonctionnaires qui
jouissent des traitements d’attente sont fondés à en réclamer le paiement, et
que leurs droits résultent de la loi même.
En effet, un
arrêté-loi du 14 septembre 1814, portant règlement des pensions, après avoir
désigné les emplois qui donnent lieu à la pension, après avoir établi comment
elles sont déterminées, demandées et obtenues, dispose, article 17, de la
manière suivante :
« Nous nous
réservons des exceptions à ce qui est statué par le présent règlement dans les
cas extraordinaires, où des services éminents ou d’autres causes pourraient
nous engager à donner des marques particulières de notre bienveillance. »
Une autre loi, messieurs,
en date du 5 juin 1824, porte dans ses considérants « que plusieurs changements
introduits dans les différentes branches d’administration donneront lieu à des
diminutions dans le nombre des fonctionnaires ;
« Que l’équité
réclame qu’il soit pourvu au sort des employés qui souffrent par lesdites
mesures (…) en accordant des pensions, traitements personnels, temporaires ou
de non-activité, le tout proportionnellement à leurs titres ; »
Et statue ensuite
:
« Art. 1er. A commencer
du 1er janvier 1825, le syndicat devra mettre le trésor à même de faire les
nouvelles pensions extraordinaires des traitements personnels temporaires
(toelagen) on de non-activité (waecht gelden), et autres dépenses qui
s’éteignent successivement, résultant des mesures d’économie, suppression de
places et autres arrangements pris et à prendre dans l’intérêt de l’Etat,
jusqu’à l’extinction finale de toutes ces pensions, traitements personnels
temporaires, et autres dépenses dont le maximum est 900,000 florins. »
Je le demande
maintenant, les fonctionnaires qui, en vertu de ces deux lois, ont obtenu des
traitements d’attente, n’ont-ils pas un droit acquis au paiement de ces
traitements, tant que leur titre subsiste ? Pour moi, messieurs, je n’éprouve
nul doute à cet égard.
Voulez-vous un
exemple d’application de ces lois, je le puise dans une lettre qui m’a été
adressée par un fonctionnaire jouissant d’un traitement d’attente.
« J’étais, dit-il,
receveur particulier ; je jouissais en cette qualité d’un traitement, y compris
la gratification de la recette du produit des barrières de fr. 9,800.
« Lors de l’introduction du nouveau système des finances, j’ai
cessé les fonctions de receveur particulier qui ont été supprimées, pour
remplir celles d’agent de la société générale, au traitement alors de 5,300 Fr.
et réduit depuis nos événements politiques à 4,200 fr.
« En 1824, pour
mes anciens services et pour la diminution essuyée dans mes émoluments de
receveur particulier, il m’a été accordé un traitement d’attente de 1,600 fr.
« Depuis 1824
jusqu’en 1830, j’ai été payé chaque année de mon traitement d’attente ; le
deuxième semestre de 1830 m’a été payé par le gouvernement provisoire ; par
suite de nos événements politiques, je n’ai plus touché mon traitement. »
Ne trouverez-vous
pas, messieurs, qu’il est de la loyauté publique de payer ce traitement, alors
que le titulaire a un titre fondé sur la loi, titre qui n’a point été révoqué ?
Pour moi,
messieurs, je croirai faire un acte de justice en votant le chiffre proposé par
le gouvernement, destiné à payer les traitements d’attente de cette nature.
S’il est des fonctionnaires qui ont obtenu des traitements contre le texte de
la loi, la chambre décidera ce qu’il appartiendra.
M. de Brouckere. - Messieurs, je crois que la cause que vient de
défendre l’honorable préopinant repose sur toute justice ; je l’ai moi-même
soutenue ; mais chaque année j’ai échoué, et l’honorable préopinant aura
probablement aujourd’hui le même sort.
Chaque année,
comme vient de le dire l’honorable M. Milcamps, le gouvernement a demandé la
somme nécessaire pour faire face au paiement des traitements d’attente, mais
chaque année la législature a réduit cette somme à 50,000 fr. Voici comment on
est venu là.
Lorsque le
gouvernement a proposé la première fois un crédit de ce chef, on s’est demandé
dans cette assemblée si les pensions d’attente devaient encore être payées oui
ou non : les uns, et j’étais de ce nombre, ont soutenu que ces pensions
devaient être payées, attendu qu’elles avaient été conférées en vertu de la
loi, et qu’elles étaient dues jusqu’au moment où l’arrêté qui les avait
conférées aurait été révoqué.
Je me souviens
qu’à cette époque j’ai moi-même invité le gouvernement à opérer la révision des
pensions d’attente le plus tôt possible, parce que j’étais convaincu qu’à la
suite de cette révision l’on reconnaîtrait que plusieurs traitements de
l’espèce ne devraient réellement plus être payés à l’avenir ; il en serait
résulté que les arrêtés conférant ces traitements étant révoqués, c’était une
dette éteinte.
Mais, j’ai soutenu
alors, et je soutiens encore, que tant que ces arriérés ne sont pas révoqués,
les titulaires ont droit au paiement de leur pension.
A la suite de la
première discussion, un membre a proposé un crédit de 50,000 francs, pour être
réparti per le gouvernement entre celles des personnes jouissant de pensions
d’attente, qui seraient reconnues avoir le plus de titres, ou être dans une
position nécessiteuse.
Le gouvernement,
voulant en partie se décharger de la responsabilité qui pesait sur lui du chef
d’un semblable vote, a nommé une commission à l’effet de faire la répartition
des 50,000 francs.
Je crois que
l’honorable M. Gendebien était membre de cette commission ; j’ai en l’honneur
d’en faire partie aussi. Nous avons fait la répartition, et je crois que nous
l’avons opérée de la manière la plus équitable, à tel point, comme le dit en ce
moment M. le ministre des finances, qu’il n’y a jamais eu de réclamations
touchant cette répartition.
Mais il y a eu des
réclamations de la part de ceux à qui on ne payait pas, et ces réclamations
tendaient à ce que l’on augmentât le crédit qui avait été alloué.
Il résulte de ce
que je viens de dire que depuis la révolution on est chaque année resté en demeure
de payer une somme de 70 à 80,000 fr., en ce qui concerne les traitements
d’attente ; et chaque année, sans qu’on décide que les personnes à qui ces
traitements ont été conférés n’y ont pas droit, chaque année, dis-je, la
chambre répond seulement qu’elle n’entend voter qu’un crédit de 50,000 fr.
Il en résulte que
la position des anciens fonctionnaires à qui l’on refuse chaque année le
paiement de ce qu’ils réclament, que leur position, dis-je, reste incertaine,
et je crois véritablement qu’il serait temps qu’on prît une mesure qui les mît
à même de savoir ce qu’ils ont à attendre, ou ce à quoi il leur faut
définitivement renoncer.
Je demande donc
que l’on veuille s’occuper de cet objet, si tant est que la chambre ne soit pas
disposée à voter la somme qui est demandée par le gouvernement. Il me semble
que le gouvernement pourrait nommer une commission qui serait chargée de faire
un rapport sur les pensions de l’espèce. A la suite de ce rapport, le
gouvernement pourrait prendre sur lui de révoquer une partie des arrêtés qui
ont conféré des traitements d’attente ; les arrêtés, par exemple, qui n’étaient
pris qu’en reconnaissance de services spéciaux : non point de ces services
loyaux qui donnent droit aux récompenses ; on a cité des exemples, on a rappelé
des fonctionnaires qui n’avaient pas de longues années de services, qui
n’avaient pas non plus servi l’Etat d’une manière signalée, mais auxquels le
gouvernement avait voulu accorder des gratifications. Mais après la révision on
pourra révoquer les pensions de cette nature, et la dette cessera. Il y a une
classe de fonctionnaires qui n’a rien touché jusqu’à présent, c’est celle des
anciens receveurs-généraux et receveurs particuliers. Lorsque la recette de
l’Etat a été donnée à la société générale pour favoriser la société de
commerce, les receveurs généraux et particuliers out été presque tous placés
par cette nouvelle administration, mais avec des appointements de beaucoup
inférieurs.
Le gouvernement avait trouvé juste de les indemniser,
de donner un supplément de traitement à ces receveurs-généraux et particuliers
dont quelques-uns avaient été très mal traités. Aucun n’a été compris dans la
répartition des 50 mille francs, aucun n’a touché la plus minime partie de ce
supplément. Il semble cependant qu’il serait temps de prendre une décision sur
leur sort. C’est par ce motif que j’engage M. le ministre des finances à
s’occuper de cet objet. S’il ne veut pas en prendre la responsabilité entière,
qu’il charge une commission d’examiner la question et de préparer un projet.
M. Gendebien. - Depuis six ans, nous développons tous les ans le
même thème ; nous passerons deux ou trois heures sans nous entendre, et nous
rejetterons la majoration qu’on demande. Quant à moi, je la rejetterai, parce
que je ne me trouve pas assez éclairé pour voter la somme qu’on demande. Le
moyen d’en finir, c’est d’adopter le proposition de M. de Brouckere. M.
d’Hoffschmidt avait proposé un projet de loi pour régler cet objet.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Ce projet
a pour but de supprimer ces traitements.
M. Gendebien. - Soit ; mais qu’on discute ce projet, nous pourrons
présenter des amendements, arriver à une loi ; ce sera, si vous voulez, un
prétexte pour s’occuper ailleurs qu’ici de cet objet, sur lequel il est
impossible de continuer la discussion aujourd’hui avec fruit. Je demande qu’on
ajourne la discussion, qu’on alloue le chiffre de la section centrale, sans
préjudice d’un examen ultérieur. De cette manière, nous gagnerons du temps et
les réclamants aussi.
M. le président. - La parole est à M. Dumortier.
M. Gendebien. - Sur la motion d’ordre.
M. Dumortier. - J’ai cédé mon tour de parole. je prie M. Gendebien
de me laisser parler.
M. Gendebien. - Vous me m’avez pas cédé de tour de parole ;
j’avais droit de faire une motion, j’en ai usé. Et c’est ma motion qu’on doit
discuter.
M. le président. - Comme on ne demande pas l’ajournement ou le renvoi
à une commission, et qu’il s’agit de voter un chiffre, il y a lieu de discuter la
question plus au fond.
M. Gendebien. - Une motion d’ordre doit toujours être discutée et
votée avant tout.
M. Dumortier. - Diverses propositions sont faites : l’une par M.
Milcamps, qui a reproduit l’amendement que le gouvernement paraissait
abandonner ; la seconde est celle de la section centrale, qui propose
d’allouer, comme l’année précédente, une somme de 50,000 fr. Une troisième est
faite par M. Gendebien, qui propose de suspendre toute discussion. M. de
Brouckere en a fait une quatrième, qui est de nommer une commission pour
examiner la question des traitements d’attente. Il est bon que les nouveaux
membres sachent bien ce que c’est que l’article en discussion. Qu’est-ce que
ces traitements d’attente ? C’étaient des moyens indirects par lesquels le roi
Guillaume se croyait en droit d’accorder des gratifications des personnes qui
n’y ont aucune espèce de droit en vertu des lois existantes. C’est pour faire
cesser cet abus que le congrès a stipulé dans la constitution qu’aucune
gratification ne pourrait être donnée qu’en vertu d’une loi.
Les traitements
d’attente sont donc des moyens indirects d’éluder les lois sur les pensions.
Vous verrez à
combien d’abus ces traitements d’attente ont donné naissance.
Ils se composent
de trois catégories : les traitements d’attente proprement dits, les
traitements supplémentaires et les secours annuels.
Les traitements
d’attente s’appliquaient aux fonctionnaires qui avaient cessé d’exercer leurs
fonctions et qui attendaient un autre emploi. Les traitements supplémentaires
s’accordaient dans certaines circonstances, à des personnes dont on réduisait
les appointements par une mesure générale. La troisième catégorie comprenait
les gratifications annuelles.
Quand nous avons
examiné les divers objets relatifs à cette question, nous avons commencé par
nous faire reproduire le tableau des personnes auxquelles on avait accordé de
ces sortes de traitements. Nous en avons trouvé une foule qui n’avaient pas,
qui n’avaient jamais eu et ne pouvaient avoir aucune espèce de droit à une
pension. Ainsi, par exemple, on avait accordé un traitement d’attente à un abbé
qui avait servi la cause du roi Guillaume, qui avait reçu 800 fr. pour un
sermon ; il avait eu un traitement d’attente de 375 florins. On avait accordé
un traitement d’attente à d’anciens nobles qui avaient perdu leurs droits
seigneuriaux, en attendant probablement qu’ils fussent rétablis. On en avait
accordé un à un ancien architecte du palais, qui avait construit des palais
pour le compte de la liste civile. Il y en avait une foule comme cela. Vous voyez
par ce simple exposé que c’était là une source d’abus.
Les membres qui
vous ont parlé de droits acquis, de pensions accordées en vertu des lois, se
sont trompés sur la nature de ces traitements d’attente.
Je conteste ce
qu’ils ont dit à leur égard ; il n’y a jamais eu de loi qui les autorise, mais
seulement un arrêté rendu avant la mise en vigueur de la loi fondamentale. Mais
cela n’a jamais été régularisé par une loi.
Les droits que les
titulaires pourraient réclamer, ne résultent pas d’une loi existante, d’une loi
en vigueur.
Parmi les
fonctionnaires qui avaient des suppléments de traitement, on voyait figurer des
agents actuels de la banque. Quand le gouvernement a cessé d’avoir des
receveurs-généraux et particuliers pour donner à la banque la caisse de l’Etat,
ces fonctionnaires ont été employés par la banque et l’Etat leur a donné des
suppléments de traitement.
Je vous demande si
nous devons encore donner des suppléments de traitement aux employés de la
banque.
La banque
trouverait cela commode ; elle pourrait se dispenser de payer ses employés. Je
vous demande si on peut faire tomber à charge de l’Etat les frais d’une
administration qui fait ses affaires à elle. Si ces employés, pour des services
antérieurs, ont des droits à la charge de l’Etat, qu’ils les fassent valoir, le
ministre est là pour les liquider. Mais s’ils n’ont pas de droits, devons-nous
leur donner la moitié du traitement que la banque devrait leur payer. C’est ce
que M. Ch. de Brouckere, le frère d’un des préopinants, avait senti. Voici ce
qu’il disait dans l’exposé des motifs du budget de 1831, qu’on devrait imprimer
en lettres d’or…
Un membre. - Ce serait une belle économie !
M. Dumortier. - Oui, ce serait une grande économie.
C’était pendant le
congrès ; on gouvernait alors avec zèle, avec dévouement, avec des sentiments
généreux, et très peu de traitements.
M. de Brouckere
disait dans le projet de budget présenté pour 1831, au congrès national, qu’il
avait l’intention de faire cesser toutes les sinécures.
Eh bien cette
opinion de l’honorable M. de Brouckere est absolument celle que la chambre a
proclamée. Il faut faire disparaître toutes les sinécures colorées du nom de
traitements d’attente. Si, parmi ceux qui jouissent de ces traitements,
quelques-uns croient avoir des droits, qu’ils les fassent valoir, qu’ils
demandent la liquidation de leurs pensions.
La chambre en
1834, année où j’eus l’honneur d’être rapporteur des budgets des finances et
des dotations, a admis l’allocation annuelle de 50,000 fr. pour faire face aux
besoins des titulaires les plus nécessiteux. En cela elle n’a voulu reconnaître
aucun droit aux titulaires des traitements d’attente. Mais comme il y en avait
parmi eux qui étaient nécessiteux, elle a voulu qu’ils pussent être secourus au
moyen de cette allocation de 50,000 francs.
A cette époque il résultait des calculs faits à la section centrale
qu’on pouvait, avec cette somme de 50,000 fr., accorder à tous les titulaires
de traitements d’attente au-dessous de 3,000 fr. l’intégralité de leurs
traitements. Depuis lors, 4 années se sont écoulées, de nouveaux décès ont eu
lieu, de sorte que les 50 mille fr. doivent être plus considérables qu’il ne
faut pour allouer tous les traitements d’attente inférieurs à 3,000 fr., en
écartant les agents de la banque qui doivent être payés par la banque. Je pense
que, par ces considérations, vous devez vous borner au vote de 50 mille fr.
Au reste, il m’est
revenu que la liquidation du ministre des finances n’était pas parfaitement
juste, et qu’il y a des titulaires qui ont obtenu peu de chose ou rien, tandis
que d’autres ont obtenu l’intégralité de leur traitement. Je pense que le
ministre des finances doit procéder à une nouvelle révision ; mais je ne pense
pas, comme le fait l’honorable M. de Brouckere que le gouvernement puisse
abroger l’arrêté-loi de 1814. Le gouvernement est sans pouvoir pour abroger
cette loi. Ce qui le prouve, c’est qu’il a fallu la loi d’organisation
judiciaire pour modifier quelque chose à cet arrêté-loi.
M. de Brouckere. - Je crois qu’il faut revenir à la motion de M.
Gendebien.
Puisque l’on désire
s’occuper d’une manière définitive des traitements d’attente, et statuer
prochainement, soit sur la proposition de M. d’Hoffschmidt, soit sur une
proposition présentée à cet égard par le gouvernement, il me semble inutile
d’examiner maintenant si les traitements sont dus ou non.
Il me paraît
décidé que le chambre ne votera pas aujourd’hui autre chose que 50,000 fr.
Si M. le ministre
des finances ne s’est pas rallié à la proposition de la section centrale, c’est
que dans sa position il ne le peut pas...
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - C’est que je ne la crois pas juste.
M. de Brouckere. - Mais il sait que la chambre ne votera que 50,000
fr. ; ainsi toute discussion est inutile.
Seulement
j’insiste pour qu’on s’occupe le plus tôt possible du sort des personnes qui
jouissaient de traitements d’attente. Si on décide qu’elles n’ont aucun droit,
qu’on ne leur paie plus le montant de ces traitements d’attente ; mais au moins
qu’on fixe leur sort le plus tôt possible.
M. Milcamps. - Je me rallie aux observations que M. de Brouckere
vient de présenter.
M. A. Rodenbach. - Je n’ai qu’une chose à dire : puisqu’on a demandé
l’ajournement, je ne m’y oppose pas ; mais je crois que le gouvernement aurait
dû réviser l’arrêté-loi de 1814, et placer ceux qui sont dignes d’occuper des
emplois ; au reste, il y a des hommes, ennemis du gouvernement, qui reçoivent
des indemnités sans les avoir méritées et même pour des chose scandaleuses
qu’on ne peut dire dans une chambre ; je crois donc que le ministre devrait
réviser l’arrêté-loi, nous n’aurions pas alors des sommes énormes à payer. Nous
sommes à la veille de voter un budget de 100,000,000, et il y a des traitements
qui vous feraient rougir si vous deviez savoir pourquoi ils ont été donnés.
M. Gendebien. - Quand j’ai demandé la parole pour une motion
d’ordre, je m’étais fondé sur l’article 24 du règlement ; je demandais
l’ajournement parce que la chambre est saisie d’un projet de loi ; dès lors il
n’y avait pas lieu examiner la question, il fallait se borner à voter la somme
de 50,000 fr.
Au reste, je n’ai
plus d’observations à faire ; le temps est perdu maintenant. Que l’on vote
comme on voudra ; qu’on veuille se rappeler seulement qu’il y a un projet de
loi à examiner en commission ou en sections.
M. le président. - Je ferai observer que, comme il y avait un chiffre
à voter, il y avait toujours lieu à discussion.
M. Gendebien. - Je ne suis pas de votre avis, M. le président.
M. le président. - La proposition suivante vient d’être déposée par
M. Van Volxem :
« J’ai
l’honneur de proposer à la chambre d’inviter M. le ministre des finances à lui
faire prochainement un rapport détaillé, accompagné des pièces à l’appui, sur
tout ce qui concerne les traitements d’attente, traitements ou pensions
supplémentaires et secours annuels, faisant l’objet de l’article 2 du chapitre
II du budget de la dette publique et des dotations, afin que la chambre puisse
discuter en pleine connaissance de cause la proposition de M. d’Hoffschmidt,
relative à la matière. »
M. Van Volxem. - La chambre
a entendu combien d’orateurs se sont plaints de l’état dans lequel se trouvent
les personnes qui jouissaient de traitements d’attente.
Il est
incontestable qu’il existe des lois sur la matière ; l’arrêté-loi du 14
septembre 1814 avait accordé au chef de l’Etat la faculté de donner de pareils
secours ; la loi du 5 juin
Tous les ans le
ministère demande un chiffre considérable pour faire face aux traitements de
ceux qui ont obtenu des traitements d’attente ; tous les ans les chambres
votent arbitrairement un chiffre de 50,000 fr. qui ne forme pas la moitié des
sommes réclamées au gouvernement ; il me semble que cet arbitraire doit cesser
; il faut qu’on sache quelle est la dette de la Belgique, et que la Belgique
fasse honneur à cette dette. Il faut examiner les réclamations, satisfaire à
celles qui sont fondées sur des droits réels, repousser les autres ; ce n’est
qu’ainsi qu’on pourra, avec justice, accorder l’allocation qu’il demande pour l’acquit
de son devoir.
Comme
une proposition tendant à ce qu’il soit statué sur ces traitements d’attente
est soumise à la chambre, il me semble nécessaire qu’un rapport soit fait par
le ministre des finances à la chambre sur tout ce qui concerne ces traitements
; la chambre examinera alors quels sont ceux qui ont des titres, et enfin une
loi déterminera quelle somme doit être de ce chef porté au budget.
Aussi longtemps
que la chambre n’aura pas pris ce parti, aussi longtemps que la législature
n’aura pas porté une loi motivée sur tous les éléments de la discussion, nous
ne pourrons arriver à une solution légale.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Si la
chambre adopte la proposition de l’honorable M. Van Volxem, qui n’est nullement
contraire au vote de 50,000fFr., je m’engage à déposer sur le bureau tous les
renseignements relatifs aux traitements d’attente.
M. Lebeau. - Je crois que pour bien rendre la pensée des
honorables préopinants, il faudrait décréter la nomination d’une commission
chargée d’examiner la proposition de l’honorable M. d’Hoffschmidt et de
présenter un rapport à la chambre.
M. Dumortier. - Il y a une commission ; je puis le dire
positivement, car j’en faisais partie.
M. Lebeau. - S’il y a une commission, elle n’a jamais, que je
sache, donné signe de vie ; je demanderai qu’elle veuille bien enfin faire son
rapport.
M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Mais il n’y a pas de commission.
M. Lebeau. - J’entends dire qu’il n’y a pas de commission ;
d’un autre côté M. Dumortier nous dit qu’il y a une commission et qu’il en fait
partie ; il me serait assez difficile de concilier ces assertions
contradictoires ; je prie les honorables membres de vouloir bien s’en charger.
M. le président. - La proposition de M. d’Hoffschmidt a été examinée par
les sections et par la section centrale en même temps que le budget de la dette
publique de l’exercice de 1834. Je ne crois pas que la section centrale ait
pris à cet égard des conclusions. Dans tous les cas, la chambre n’a pas statué
à cet égard.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - La
chambre depuis lors a été renouvelée deux fois.
M. Lebeau. - Dans le cas où il y aurait doute sur l’existence
de l’ancienne commission, doute bien légitime après deux renouvellements de la
chambre, je proposerai la nomination d’une commission pour procéder à l’examen
du projet présenté par M. d’Hoffschmidt.
M. Dumortier. - Quand M. d’Hoffschmidt a présenté son projet, il
s’agissait d’examiner le budget de 1834. On a renvoyé sa proposition à la
section centrale qui avait été chargée de faire en rapport sur les lois de
finances, en la considérant comme commission. Cette section centrale, dont j’ai
eu l’honneur de faire partie, n’a pas cru à propos de faire son rapport sur ce
projet. M. d’Hoffschmidt proposait de suspendre les traitements d’attente et
les suppléments de traitements ; mais cette proposition, juste en droit,
n’était pas sans inconvénient en fait. La chambre a discuté bien des fois ce
qui regarde la caisse des pensions. Les traitements d’attente ont été
l’occasion de grands abus ; on en a même donné à un principal de collège.
Depuis six années nous avons examiné, chaque session, les questions que
soulèvent les traitements d’attente, et nous avons eu plusieurs rapports
détaillés.
En 1833. j’ai eu
l’honneur de présenter à la chambre des observations sur cet objet. Ce fut M.
Bourgeois, depuis conseiller à la cour de cassation, qui démontra que les
titulaires n’avaient aucun droit aux traitements d’attente. Il faut prendre une
décision et résoudre définitivement la question.
M. Coghen. - C’est au mois de septembre 1832 que M.
d’Hoffschmidt a présenté son projet de loi concernant les traitements d’attente
et les suppléments de traitements ; cependant il n’a été l’objet d’aucun
rapport. Je demande qu’on forme une commission spéciale pour l’examiner, et
pour recevoir les renseignements du ministre des finances sur les titulaires,
afin que la chambre puisse discuter ce sujet assez important et prendre une
décision.
Lorsque j’étais au
ministère, j’ai demandé dans les budgets les sommes que je croyais dues ;
ordinairement les titulaires sont des fonctionnaires ou des personnes qui, en
vertu de l’arrêté-loi de 1814, ont obtenu des gratifications du gouvernement.
Je crois qu’il y a eu beaucoup d’abus dans cette distribution des faveurs, et
que toutes les prétentions ne seront pas reconnues par la chambre pour être des
droits. Il faut l’avouer aussi, il y a des personnes qui ont droit à une
rémunération ou à être employées.
Ce qu’il y a de
mieux à faire, c’est, ainsi que je le demande, de nommer une commission
spéciale, afin d’avoir promptement un rapport et d’être saisi le plus tôt
possible des questions que soulève un pareil sujet.
- Le chiffre de 125.177 fr. 74 c., mis aux voix, est rejeté.
Le chiffre de
50,000 fr., mis aux voix, est adopté.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Il me
paraît que la proposition de M. Van Volxem est la même au fond que celle de M.
Coghen et de M. Lebeau.
M. Van Volxem. - Je n’aurais pas hésité à demander la nomination
d’une commission, si j’avais pu penser qu’il n’en existât plus. Je me réunis à
la proposition de M. Lebeau.
M. le président. - M.
Dumortier demande le renvoi du projet devant les sections.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Une
semblable question ne peut être renvoyée devant les sections ; car, pour être
examinée, il faut qu’on ait communication des signalements, pour ainsi dire, de
tous les individus qui reçoivent des traitements ; on ne peut pas colporter
dans toutes les sections des renseignements semblables. Une commission
prendrait connaissance de toutes les pièces d’une manière bien plus convenable.
- La chambre
consultée décide que le projet sera examiné par une commission nommée par le
bureau.
« Art. 3.
Subvention à la caisse de retraite : fr. 200,000. »
- Adopté.
Article 4
« Art. 4.
Crédit supplémentaire remboursable sur les fonds de la caisse de retraite des
employés des finances, retenus en Hollande : fr. 270,000 fr. »
M. Dumortier. - Je regrette, dans cette circonstance, de devoir m’élever
contre l’allocation demandée, Cette allocation portera le chiffre total pour la
caisse de retraite à 470,000 fr., ce qui fait près d’un demi-million ; il est à
remarquer que, sous le gouvernement précédent, la caisse de retraite qui, en
principe, devait se suffire à elle-même, ne pouvait toucher que 30,000 fl. du
trésor, et cela en vertu de ses propres statuts. Mais, d’augmentations en
augmentations, cette somme de 30,000 fl. a fini par s’élever à un demi-million
; c’est une plaie pour notre trésor public.
On demande un
crédit supplémentaire ; nous avons déjà, pendant trois ans, voté de semblables
crédits ; y a-t-il quelqu’un qui puisse penser que ce crédit pourra jamais être
remboursé ? Evidemment non. Le gouvernement ferait donc mieux de demander un
crédit pur et simple de 470,000 fr. ; il y aurait à cela plus de franchise qu’à
demander une somme remboursable quand ou reconnaît qu’elle ne pourra jamais
l’être.
Si, parmi les
titulaires qui ont appartenu à l’administration du ministère des finances, il
s’en trouvait qui fussent encore valides, que le gouvernement les replace et
évite l’abus de donner des pensions à des hommes qui peuvent travailler encore.
Je parle ici de ceux qui ont été pensionnés depuis la révolution.
La révision des
pensions de la caisse de retraite, quoique prescrite par la constitution, n’a
pas été faite ; car on ne peut pas regarder comme une révision ce qui a été
fait par des commissaires nommés par le pouvoir exécutif. Ce qu’a voulu la
constitution, c’est qu’il fût pourvu par une loi à la révision des pensions.
Je vous le demande
maintenant, messieurs, ira-t-on prétendre qu’une commission nommée par le
gouvernement puisse faire une loi ? Evidemment non, et dès lors l’article 139
de la constitution n’a pas encore été exécuté.
Je pense donc que
nous ne pouvons pas accorder le crédit demandé ; nous avons déjà fait trop
d’avances à la caisse de retraite, et je ne vois pas de moyen pour jamais
récupérer ces avances.
- L’article 4 est
mis aux voix et adopté.
Article 5 (nouveau)
« Art. 5 nouveau
(proposé par la section centrale). Avance à faire aux titulaires de pensions
acquises avant le 1er octobre 1830, à la charge du fonds des veuves et des
orphelins, resté en Hollande : fr. 7,000. »
M. le président. - M. le ministre des finances s’est rallié à cet
article, dont le chiffre a été retranché de l’article des pensions civiles.
- L’art.icle5 est
mis aux voix et adopté.
M. le président. - Il y a encore une somme qui a été également
retranchée de l’article des pensions civiles, et que la section centrale
propose de reporter au budget des finances, où ce crédit formerait un article
ainsi conçu :
« Secours à des
veuves, orphelins ou autres représentants de fonctionnaires et employés des
administrations générales, décédés depuis 1830, après avoir contribué, sous le
gouvernement précédent, à former le fonds des veuves et orphelins, créé en
vertu de l’arrêté royal du 18 janvier 1814, et qui ont des titres à l’obtention
d’un secours, à raison de leur position malheureuse : fr. 3,150. »
Il s’agit de
prononcer sur l’ajournement de cette proposition jusqu’à la discussion du
budget des finances.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - Je ne
m’oppose pas, messieurs, à la proposition de transférer cet article au budget
des finances, mais je dois faire remarquer que les secours dont il s’agit ne
concernent pas tous le département des finances ; il s’agit de sept secours
dont deux seulement se rapportent à ce département. J’ai voulu faire cette
simple observation afin que l’on ne croie pas que ce nouveau article constitue
exclusivement une augmentation dans les dépenses du ministère des finances.
M. Verdussen. - Messieurs, en examinant la liste qui nous a été
envoyée par M. le ministre, nous avons vu que les secours dont il s’agit
concernent en effet divers départements ; mais nous avons cru qu’il ne fallait
pas disséminer en petits articles, dans différents budgets, une somme que nous
pourrons peut-être réclamer un jour de la Hollande, et qu’il convenait mieux la
placer tout entière dans un seul budget. Peu importait, du reste, que ce fût
dans le budget des finances, ou dans tout autre.
- L’ajournement
jusqu’à la discussion du budget des finances, de l’article dont il s’agit, est
mis aux voix et adopté.
Chapitre III. - Fonds de dépôt
Article premier
« Art. 1er.
Intérêts des cautionnements dont les fonds sont encore détenus en Hollande :
fr. 160,000. »
- Adopté.
M. le président. - La section centrale propose un article 2 nouveau,
ainsi conçu :
« Remboursement
de cautionnements à faire à titre d’avance, et avec garantie envers l’Etat en
immeubles ou en fonds publics belges, aux comptables qui ont obtenu leur quitus
de la cour des comptes de la Belgique, et dont les fonds, versés en numéraire,
sont restés en Hollande : fr. 100,000. »
M. Zoude. - Messieurs, lorsque j’ai eu l’honneur de proposer à
la chambre l’allocation d’un crédit pour rembourser, au moins partiellement,
les cautionnements des comptables belges dont les fonds sont en Hollande, j’ai
été guidé par des motifs d’équité et d’humanité.
Je me suis appuyé
sur l’équité, parce que ces comptables, en se soumettant à l’arrêté-loi du 15
avril 1814, ont souscrit à un contrat qui liait également le gouvernement et
les comptables, les derniers en fournissant le cautionnement requis, et le
premier en s’obligeant à le rembourser dans les circonstances et d’après les formalités
indiquées au contrat. Toutes les conditions ont été remplies de la part des
comptables dont je parle : ils se présentent avec le jugement de la cour des
comptes, qui prononce leur libération envers le trésor et ordonne le
remboursement des cautionnements qu’ils ont fournis. Ces jugements, en matière
de finances, doivent avoir la même force que ceux des tribunaux civils en
matière de consignation, ainsi le veut la justice ; cependant le gouvernement
accorde aux uns et refuse aux autres ; mais toutes les raisons dont on veut
s’étayer pour les cautionnements sont applicables aux consignations ; il ne
peut y avoir deux poids et deux mesures, il faut exiger de tous deux les mêmes
garanties, ou ne les exiger d’aucun.
Ce que l’on
propose de demander aux comptables les constituera dans des frais
considérables, qui doivent encore être acquittés préliminairement au
remboursement, ce qui aggravera la position assez pénible de beaucoup d’entre
eux.
Je demanderai
qu’on veuille se contenter d’un cautionnement personnel, comme on l’a déjà fait
pour le paiement des intérêts, et je pense que M. le ministre des finances
trouvera aisément le moyen de faire donner une garantie au trésor pour le
remboursement du principal comme il a été fait pour les intérêts.
D’ailleurs, il
n’en a pas été exigé davantage pour le paiement des entreprises et fournitures
faites à l’ancien gouvernement, et je vais la proposition formelle de ne pas
imposer une charge plus pénible aux comptables.
Si ma demande
était rejetée, je proposerais alors l’amendement suggéré par la section
centrale, celui d’exempter les actes de garantie de tout droit de timbre,
enregistrement et autres ; j’en ferai aussi la proposition formelle.
J’ai invoqué le
motif d’humanité, il doit agir puissamment sur vos esprits en présence de la
majeure partie de ces comptables, qui n’ont quitté leur emploi que lorsqu’ils
ont été accablés par l’âge ou par des infirmités.
Et
cependant, je peux le dire, car ce fait est connu, la plupart des
cautionnements ont été levés à des taux qui surpassent celui du gouvernement de
2 à 6 p. c., et lorsqu’arrive l’époque attendue impatiemment par plusieurs,
celui du paiement des intérêts, c’est l’époque de douleur, du renouvellement
des regrets pour les comptables dont je parle, car c’est alors qu’ils doivent
suppléer aux intérêts dont ils sont débiteurs, en prenant sur la modique
pension qu’ils ont achetée au moyen des retenues exercées sur leurs
appointements ; et c’est alors où les besoins de l’âge exigent les plus grands
secours, qu’ils doivent se livrer à plus de privations.
Messieurs, vous ne
serez pas justes à demi, vous rembourserez les cautionnements à tous les
comptables qui seront porteurs du jugement de la cour des comptes. Vous vous
rappellerez ce qui a souvent été dit dans cette enceinte, que les gouvernements
ne sont forts que quand ils sont justes.
Vous vous
contenterez d’un cautionnement personnel pour garantie, et si, ce que je n’ose
croire, vous l’exigiez impitoyablement en immeubles, vous exempteriez tous les
actes qui y auront rapport des frais de timbre, enregistrement et autres.
M. Coghen. - Messieurs, la question qui nous occupe est une
question d’équité ; il est impossible qu’on puisse refuser plus longtemps le
remboursement des cautionnements fournis per les anciens comptables : beaucoup
en ont été déplacés par suite des événements politiques, d’autres ont obtenu
leur retraite per suite de leurs infirmités, et ils ont obtenu le quitus qui
prouve que leur gestion a été apurée, et que l’Etat n’a plus rien à réclamer
d’eux. Refuser le remboursement des cautionnements qui ont servi à l’Etat de
garantie pour cette gestion, ce ne serait pas, je pense, faire acte de justice.
Lorsque j’avais
l’honneur d’être au ministère, le gouvernement avait, si ma mémoire m’est
fidèle, permis le remboursement de quelques cautionnements ; mais la pénurie,
les embarras financiers dans lesquels le pays se trouvait alors nous ont fait
reculer devant des remboursements plus considérables, et nous les avons remis à
des temps plus prospères, à des temps où le pays pourrait faire usage du crédit
et rembourser ce qui est légitimement dû.
Vous exigez
aujourd’hui que les comptables fournissent un cautionnement en immeubles ou en
fonds publics ; c’est, pour le plus grand nombre, demander une chose
impossible.
Dès l’instant où un comptable a obtenu son quitus, que la cour des
comptes a apuré sa gestion, il me semble, messieurs, qu’on n’a plus rien à lui
demander, et que dès lors il faut lui restituer les sommes qu’il a déposées
pour servir de gage de sa gestion.
Quant au moment
des sommes qui reviennent aux comptables de l’Etat, je ne le connais pas
exactement ; M. le ministre des finances pourra plus tard fournir à la chambre
des renseignements exacts à cet égard.
Peut-être
s’élèvera-t-il quelques difficultés pour les cautionnements fournis en fonds
publics ; cela est possible ; j’attendrai les débats qui vont s’élever à cet
égard pour expliquer par quels moyens on pourra vaincre ces difficultés. Cette
question est très importante.
M. de Brouckere. - Messieurs, la proposition qui vous a été faite par
l’honorable M. Zoude et qui a donné lieu à celle qui vous a été soumise plus
récemment par la section centrale, soulève une question extrêmement délicate.
Je suppose que l’honorable M. Zoude a été porté à faire cette proposition par
des motifs d’humanité seulement, car il est certain que si nous ne consultons
que la stricte justice, nous ne sommes point tenus de rembourser les
cautionnements dont il s’ agit. Je dis cela, messieurs, pour placer la question
sur son véritable terrain ; après cela nous la résoudrons comme nous le
trouverons équitable.
Ainsi
donc, en droit, je ne pense pas que les anciens comptables qui ont obtenu leur
quitus aient droit au remboursement de leurs cautionnement : serait-il
équitable d’accorder ce remboursement ? Des considérations d’humanité
doivent-elles nous y porter ? C’est ce que nous aurons à examiner. Mais, avant
de rien résoudre à cet égard, je désire savoir jusqu’où un vote affirmatif
m’engagerait ; et pour cela, il faut que le gouvernement puisse nous dire d’une
manière plus ou moins positive à quelle somme pourront s’élever les
cautionnements à rembourser.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). - A 4
millions.
M. de Brouckere. - Vous voyez donc, messieurs, que la question est de
la plus haute importance. Pour ma part, je compte la traiter avec quelque
détail, mais je pense que l’heure est trop avancée pour que la chambre puisse
aujourd’hui commencer cette discussion, et je me borne à demander qu’elle soit
renvoyée à demain. Je prie en même temps M. le ministre des finances de vouloir
bien nous fournir alors tous les renseignements qui peuvent nous mettre à même
de traiter cet objet en connaissance de cause.
M. le ministre des finances (M.
d’Huart). -
Messieurs, quand j’ai interrompu tout à l’heure M. de Brouckere pour dire que
les cautionnements anciens s’élevaient à 4 millions, j’ai entendu parler de
tous les cautionnements qui ont été déposés avant la révolution et dont les
fonds se trouvent en Hollande ; mais on ne nous demandera pas maintenant le
remboursement de ces 4 millions ; les sommes qu’on pourrait actuellement
réclamer seraient d’environ 800,000 fr. ; les autres 3,200,000 fr. ayant été
déposés par des comptables qui se trouve encore aujourd’hui en fonctions, ils
n’auraient aucun titre par conséquent pour en exiger le remboursement.
Je vois que les membres
de la chambre sont disposés à quitter leurs bancs ; je donnerai demain de plus
amples explications.
- La séance est
levée à 4 heures.