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Note d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du jeudi 20 avril 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projets de loi visant à accorder des naturalisations
3) Projet de loi relatif à l’aliénation de biens domaniaux
4) Prise en considération de demandes de naturalisation
5) Projet de loi relatif à l’impôt des distilleries. Second vote des
articles. Taux de l’impôt, lutte contre l’ivresse ((+possibilité d’établir une
patente pour les débits de boissons, impôt sur le sel) Seron,
(+octrois communaux) (Legrelle, Mast
de Vries, d’Huart), Desmet, d’Huart, Dumortier, Desmet, F. de Mérode, Dumortier), (+octrois communaux) (Legrelle,
de Brouckere, Raikem, d’Huart, Dubus, Dumortier),
restitution des droits (A. Rodenbach, d’Huart)
6) Projet de loi portant des modifications au tarif des douanes.
Discussion générale (politique commerciale du gouvernement et négociations
commerciales avec
(Moniteur belge n°111, du 21 avril 1837)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et 3/4.
M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est
adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Des habitants
propriétaires de Cruchten et quelques propriétaires
de fermes de la commune de Nomeren (Luxemboug), demandent la séparation de la section de Cruchten et de 3 fermes indiquées pour être érigées en
commune séparée. »
________________
« Des propriétaires
de la commune de Lodelinsart, demandent de pouvoir
extraire de la terre-houille. »
________________
« Des conseillers
municipaux de la commune d’Eyne (Flandre orientale),
demandent la reforme de la loi électorale. »
________________
« Des extracteurs
de minerai de fer, demandent qu’il ne soit pas accordé de concessions de
minerai de fer. »
________________
« Le sieur J. Mairy à Braibant (Namur), réclame
contre une décision de la députation provinciale, qui exempte le sieur Thiry du
service de la milice, pendant un an, et oblige son fils Jean-Joseph à le
remplacer. »
________________
- Ces pétitions
sont renvoyées à la commission des pétitions.
PROJETS
DE LOI VISANT A ACCORDER DES NATURALISATIONS
M. Lejeune, au nom de la commission des naturalisations,
dépose deux projets de loi tendant à accorder la naturalisation aux sieurs C. Godechaux et Joseph Collart.
- La chambre
ordonne l’impression et la distribution de ces projets de loi et, sur la
proposition de M. Desmet, en fixe la discussion à lundi prochain.
M. Mast de Vries, au nom de la commission des naturalisations, dépose le rapport sur
plusieurs demandes de naturalisation.
- La chambre
ordonne l’impression et la distribution de ces rapports.
PROJET DE LOI RELATIF A L’ALIENATION DE BIENS DOMANIAUX
M. Milcamps, au nom de la section centrale, chargée de
l’examen du projet de loi relatif à l’aliénation de parcelles de biens
domaniaux.
- La chambre
ordonne l’impression et la distribution du rapport ; et sur la proposition de
M. le ministre des finances, fixe la discussion du projet de loi entre le
premier et le deuxième vote du projet de loi tendant à apporter des
modifications au tarif des douanes.
PRISE EN CONSIDERATION
DE DEMANDES EN NATURALISATION
1° Demande de
grande naturalisation formée par le sieur J.-B. Meurice
:
Nombre des votants,
65.
Boules blanches, 9.
Boules noires 56.
En conséquence, la
demande n’est pas prise en considération.
________________
2° Demande de
naturalisation ordinaire formée par le sieur A. Amand :
Nombre des votants,
65.
Boules blanches,
57.
Boules noires, 8.
En conséquence, la
demande est prise en considération. Il en sera donné avis au sénat.
PROJET DE LOI RELATIF A L’IMPOT DES DISTILLERIES
Second vote des articles
Articles 1 et 2
Les articles 1er et
2 sont de nouveau adoptés et tels qu’ils ont été votés la première fois.
M. le président. - L’article 3 taxe l’impôt à 30 centimes par
hectolitre de matière en fermentation ; un début s’élève sur ce chiffre de 30
centimes.
M. Seron propose de porter l’impôt à 50 centimes. Il motive
ainsi sa proposition. - Vous avez, messieurs, adopté l’article 2 du projet
ministériel. Ainsi, le distillateur paiera désormais le droit d’accise en
raison de tous les vaisseaux employés pour la trempe, la macération et la
fermentation des matières premières. Par cette disposition la fraude va devenir
impossible ou du moins fort rare, car elle ne pourra plus se faire que par
l’emploi des distilleries clandestines ; et les fabricants n’usant guère de ce
moyen, de peur de s’exposer à des amendes ruineuses et qui leur font perdre en
un jour leurs gains illicites de plusieurs années.
Mais votre premier
vote a rejeté l’accise très faible cependant de 40 centimes par hectolitre de
matières que proposait aussi le gouvernement. Vous l’avez portée à 30 centimes
seulement, conformément au projet de la commission spéciale. Cette fixation est
insuffisante, surtout pour diminuer, dans l’intérieur du royaume, la
consommation de l’eau-de-vie indigène. M. le ministre des finances l’a reconnu.
Le droit tel qu’il résultera de la loi, a-t-il dit dans votre séance
d’avant-hier, n’ira pas au-delà de 10 centimes par litre et ne pourra guère,
dès lors, arrêter les excès de boisson. Il faut donc recourir à d’autres
moyens. En conséquence, M. le ministre a pris l’engagement d’examiner s’il ne
conviendrait pas d’assujettir à une patente suffisante les débitants de
boissons spiritueuses, les cabaretiers et les distillateurs eux-mêmes.
Pour moi messieurs,
je n’adopterai jamais une semblable mesure. Je n’aime pas les impôts indirects,
car ils nécessitent des exercices, une armée de commis et des frais de
perception considérables. Mais ils ont au moins un bon côté ; ils sont
proportionnels à la consommation ; ils ont une base. Le droit de patente au
contraire n’en a aucune. Je le trouve moins raisonnable que la contribution
personnelle, toute mauvaise qu’elle est.
On se trompe
grandement si l’on suppose que ce droit atteint les contribuables dans la juste
proportion des bénéfices de leur métier, de leur industrie et de leur commerce.
Voyons, en effet, la loi existante, dans son application.
Un boutiquier est
imposable d’après son débit. Mais ce débit, comment le connaît-on ? Par la
déclaration du boutiquier lui-même, et quand les employés du fisc la jugent
insuffisante, ils y suppléent avec ou sans le consentement des répartiteurs. Le
boutiquier est donc taxé arbitrairement. Si, pour d’autres cas, la loi semble
offrir des règles moins incertaines, la fixation des taxes, en dernière
analyse, n’en est pas plus conforme aux principes de la justice distributive.
Par exemple, deux
entrepreneurs emploient chacun le même nombre d’ouvriers, mais il peut y avoir
une énorme différence dans leurs bénéfices ; toutefois leurs patentes sont
égales. De deux débitants d’eau-de-vie l’on en vend beaucoup l’autre fort peu.
Cependant, ils paieront le même droit de patente, car ce droit est fixé d’après
la profession et non d’après le débit qu’on ne connaît pas. Ou pourrait citer
une foule de cas analogues. C’est l’égalité à la manière de Procuste, mais ce
n’est pas l’égalité proportionnelle, base de toutes les contributions dans un
gouvernement libre où la constitution n’admet aucune espèce de privilège. En
vérité, au lieu de donner au droit de patente plus d’étendue qu’il n’en a, il
faudrait plutôt chercher les moyens, je ne dis pas de le restreindre, mais de
le supprimer entièrement.
D’ailleurs, les
distillateurs ne sont-ils pas déjà au nombre des patentables ? Si on les soumet
à une patente supplémentaire, sans doute le montant en sera calculé en raison
des produits de la fabrication constatés par les exercices. Dans ce cas, elle
ne sera rien autre qu’un droit additionnel d’accise. Mais il est plus simple
d’augmenter l’accise et de n’avoir qu’un seul droit ; il ne faut pas multiplier
les titres sans nécessité.
Des personnes bien
intentionnées désireraient que l’accise fût remplacée par un abonnement. Ce
moyen est excellent en théorie, mais que devient-il dans la pratique ? Où trouver,
en l’absence des exercices, les bases d’un abonnement propre à faire contribuer
les distillateurs en raison de leur fabrication respective, à empêcher les
injustices et les plaintes ? Ne voit-on pas qu’ils se prétendront surtaxés,
quand même on s’en rapporterait à leur propre déclaration ou soumission ? Et
quels produits l’Etat obtiendrait-il ? Puis, si l’on abonne les distillateurs,
il faudra abonner aussi les brasseurs de bière, comme fit en France l’empereur
Napoléon à son retour de l’île d’Elbe, car les brasseurs ont également droit à
votre sollicitude. Il faudra enfin abonner les sauniers et les vinaigriers.
Voyez où cela nous conduit.
Quant aux
débitants, on vous a dit : « S’il y en a 55 mille, une moyenne de 20 francs
donnerait déjà un million, ce serait un beau revenu. Oui, assurément. Mais
l’impôt serait éludé, parce qu’il deviendrait excessif pour les débitants
proprement dit, dont la patente aujourd’hui ne coûte pas deux francs. La
plupart y renonceraient, mais on ne pourrait les empêcher de vendre du genièvre
sans employer contre eux une armée de commis chargés de les surveiller et de
verbaliser. Ainsi, le remède serait pis que le mal. Mais je veux supposer que
la plupart des débitants cesseront leur commerce. La consommation du genièvre en
diminuera-t-elle ? Non ; car ce spiritueux continuant d’être à vil prix, les
particuliers, au lieu de le boire au cabaret le boiront en famille. Ils
s’approvisionneront chez le distillateur plutôt que chez le boutiquier qui le
leur vendra au litre, et à bien meilleur marché que ne le fait le débitant.
L’unique remède au
mal, c’est d’augmenter suffisamment le droit à la fabrication. La proposition
de votre commission spéciale n’est qu’un vain palliatif, et cependant vous
l’avez votée une première fois. Ainsi, vous, dont la mission a principalement
pour objet l’amélioration des mœurs du peuple et qui avez à cœur de la remplir,
vous lui laissez les moyens de s’abrutir par l’usage immodéré d’une boisson si
nuisible à la raison et à la santé ! Le tableau des crimes nombreux produits
par l’ivresse et que vous a tracé M. le ministre de la justice n’aurait-il fait
aucune impression sur voire esprit ?
Le sel est
indispensable aux besoins de la vie ; les pauvres le consomment, proportion
gardée, en bien plus grande quantité que les riches ; il sert à une foule
d’usages ; mêlé à la nourriture des bestiaux, il les préserve de maladies :
c’est un objet de première nécessité, non imposable. La gabelle du sel était de
tous les impôts de l’ancien régime le plus odieux au peuple ; quand Bonaparte
l’introduisit dans les départements réunis, elle y fut accueillie par la haine
publique. Les puissances alliées l’abolirent en 1814 ; le roi Guillaume ne la
rétablit qu’en promettant de la supprimer aussitôt après l’adoption de la taxe
des barrières. Cependant elle existe et nous la maintenons, malgré une
révolution entreprise dans l’intérêt des masses ; nous la maintenons, et tandis
qu’elle rapporte au trésor près de 4,000,000 de francs par année, nous n’avons
pas le courage de doubler, de tripler l’accise du genièvre qui donne à peine
2,000,000. Nous hésitons, quoique, de toutes les matières imposables, les
boissons spiritueuses soient la seule que les charges publiques puissent
atteindre sans inconvénient.
J’ose espérer, messieurs, que vous reviendrez sur votre premier vote.
J’ai donc l’honneur de proposer que l’accise du genièvre soit provisoirement et
en attendant mieux portée à 50 centimes par hectolitre de matières premières.
Il suffit à cette fin de changer les chiffres de l’art. 3. Que si cet
amendement est rejeté dans ce moment comme portant atteinte à une branche
d’industrie précieuse, à la prospérité de l’agriculture, je n’en croirai pas
moins avoir fait mon devoir en vous le soumettant, et demeurerai persuadé que
vous-mêmes, messieurs, vous ne tarderez pas à reconnaître la nécessité d’élever
l’accise de l’eau-de-vie indigène non pas à 50 centimes, mais à un franc par
hectolitre de matières premières.
M. Legrelle. - Messieurs, je regrette de n’avoir pu assister à
la première discussion ; je n’aurais pas donné mon vote au chiffre qui a été
présenté par la commission, parce qu’il n’atteindra pas le but qu’on doit se
proposer. Je donnerai tout mon appui à l’amendement de M. Seron, et aux
réflexions faites par cet honorable membre, je me permettrai d’en ajouter
quelques autres.
Je vous ferai
d’abord remarquer que si vous persistez à adopter le chiffre de 30 centimes,
vous irez en sens inverse du vœu exprimé par la chambre, c’est-à-dire qu’au lieu
d’augmenter le droit, vous le réduirez réellement pour plusieurs localités.
Indépendamment du
droit en faveur du trésor, il y a un droit en faveur des caisses municipales.
Dans la cité que j’habite, ces deux droits s’élèvent en tout à 61 centimes, tandis
que par la nouvelle loi ils ne pourront désormais s’élever qu’à 53 centimes ;
ainsi, comme je le disais, au lieu d’augmentation il y a diminution pour cette
localité. Ceci résultera de la disposition par laquelle vous avez prescrit que
les villes ne pourront exiger à l’octroi qu’un droit égal à la moitié de celui
qui est établi par le trésor.
Il est reconnu par
tout le monde qu’il importe de porter un remède efficace à l’immoralité, suite
de la législation de 1833. Aux faits cités par le ministre de la justice, j’en
ajouterai d’autres.
Je me suis fait
délivrer une note des individus que l’on dépose provisoirement dans ces prisons
que dans nos villes on appelle « amigos », parce qu’on les rencontre vaguant
dans les rues, la nuit ; or, dans le courant de 1836, dans la seule cité
d’Anvers, 226 individus ont été transportés à l’amigo, et dans un état
d’ivresse tel que plusieurs d’entre eux seraient morts si on les eût abandonnés
à eux-mêmes.
Il y en a qu’on a
eu en effet beaucoup de peine à rappeler à la vie.
Lorsque dans ma
cité on a voté un droit d’octroi montant à 33 centimes sur les genièvres, il y
a eu concours unanimes pour admettre ce chiffre. C’est en considérant la
question sous toutes ses faces qu’on a été porté à adopter ce taux. Les uns ont
élevé le chiffre de l’octroi parce qu’ils ont vu un moyen d’arrêter les progrès
de l’immoralité ; les autres ont admis le chiffre élevé dans l’intérêt de la
santé publique.
Il est inutile de
vous dire que les chefs militaires et les médecins éclairés partageaient l’avis
du conseil municipal.
Les chefs
militaires demandent aujourd’hui, d’une commune voix, que l’impôt sur le
genièvre sont assez élevé, afin que les soldats ne puissent plus, par suite
d’excès de cette boisson, s’abandonner à d’autres excès, troubler l’ordre et
perdre leur santé. Dans plusieurs occasions on a demandé que les soldats, hors
du service, ne portassent pas d’armes ; j’ai applaudi à cette proposition, mais
faites mieux : empêchez le soldat de boire du genièvre, et vous arriverez au
résultat que vous désirez atteindre. C’est quand il est pris de boisson que le
soldat fait mauvais usage de ses armes.
Les médecins vous
disent que l’usage des boissons fortes ruine la santé des populations, et qu’au
lieu d’avoir, comme autrefois, des hommes robustes, on n’a pas que des spectres
vivants… (On rit.)
M. Lardinois. - Il a raison !
D’autres membres. - Il a raison ! il a raison !
M. Legrelle. - A des populations dont la santé est ruinée
succèderont des générations débiles, et au lieu d’avoir, en Belgique, des
hommes vigoureux, comme par le passé, vous aurez des enfants qui ne
ressembleront plus à leurs pères. (Hilarité
générale et prolongée.)
Messieurs, je crois qu’en votant les 30 centimes, vous n’avez peut- être
pas songé à l’octroi des villes qui ont besoin aussi d’être soutenues par des
contributions, et qu’il n’est pas de contribution plus morale que celle qui est
mise sur les boissons fortes.
Ce n’est pas un
esprit étroit de localité qui m’inspire ; mais je demande qu’on ne porte pas la
perturbation dans les caisses municipales en faveur de l’ivrognerie. La ville
que j’habite, au lieu de recevoir 40, ne recevra désormais que 18. Je voterai
donc pour l’amendement de M. Seron.
Si cet amendement salutaire n’était pas admis, je proposerai 40 centimes comme
dans le projet ministériel.
M. Mast de Vries. - Je ne sais pas si désormais les enfants ne ressembleront plus à leurs
pères, cela n’est pas la question que nous avons à examiner ; j’appellerai
seulement l’attention du gouvernement sur les octrois. Dans quelques villes, ce
qui se perçoit sur les spiritueux à leur entrée, et sur les spiritueux qui s’y
fabriquent, est une ressource pour les caisses municipales ; la loi sur
laquelle nous délibérons va porter un changement notable à ces ressources
locales ; il faudrait donc modifier cette partie de la loi, ou dire au moins
quand commencera la nouvelle mesure.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - On l’indique
dans la loi, ce sera le 1er janvier 1838. Lorsque j’ai proposé de modifier le
dernier paragraphe de l’art. 3, afin d’éloigner l’époque de l’application de ce
paragraphe, c’était pour donner aux régences le temps de combiner leurs taxes
municipales pour l’avenir, de manière à n’éprouver aucune perturbation dans
leurs ressources actuelles. Je prie, du reste, la chambre de remarquer qu’il ne
s’agit en aucune façon, dans cet article, des octrois municipaux ; les villes
demeureront libres de proposer tels droits à l’entrée des genièvres en ville
qu’elles voudront. Nous ne nous occupons ici que de la fabrication des
eaux-de-vie, et si nous posons une limite à l’impôt sur cette fabrication, c’est
pour ne pas stimuler la fraude en détruisant l’économie des bases de la loi, ce
qui arriverait nécessairement si le droit pouvait, par exemple, être doublé ou
triplé.
Nous irions ainsi
en sens inverse du but que nous nous proposons. L’on frauderait à la fois les
droits dus au trésor et à la caisse municipale, et cette fraude ne se ferait
pas seulement à l’intérieur des villes, elle continuerait à se pratiquer du
dehors, comme on le voit chaque jour à Bruxelles même.
Par la disposition telle qu’elle est conçue, on évitera que le trésor
soit lésé, et l’impôt municipal, quoique réduit partiellement, produira en
définitive pour les villes au-delà de ce qu’elles ont retiré de cette taxe
jusqu’ici.
Je ne reviendrai
pas sur la disposition que le gouvernement vous a proposée. Quant au chiffre du
droit, s’il ne l’a pas demandé plus élevé que celui de 40 centimes, c’est que
nous avons craint de nous écarter trop de l’opinion d’un grand nombre de
membres de cette chambre. Ce droit est très modéré, il est vrai ; mais aussi je
suis convaincu qu’il pourra être perçu sans donner lieu à une grande fraude.
M. Desmet. -
Répondant à l’honorable député d’Anvers, je ne dirai pas que l’acceptation ou
le rejet de la loi pourrait faire que les enfants n’auraient plus de
ressemblance avec leurs pères, car ce n’est pas d’aujourd’hui que le genièvre
est bu en Belgique, et quoique je ne sois pas admirateur de cette boisson, je
suis cependant sûr qu’elle sert aujourd’hui d’un excellent prétexte pour
détruire une loi libérale et la faire remplacer par une loi fiscale. Il y a un
adage en finance, c’est que deux et deux ne font pas quatre en fait d’impôt
indirect, et quand on pense qu’en haussant extraordinairement un droit
d’accise, l’impôt produira tout ce qu’il devra produire, on se trompe fort ; au
contraire, on prépare un appel à la fraude. Mais une chose dont on est plus
certain, c’est qu’en aboutissant à une prime d’exportation sur un objet qui
prête à la fraude, on ne doit plus craindre que le trésor paie ce qu’il ne doit
pas payer, et qu’il ne nourrisse pas un privilège qui n’a aucun côté de
justice. Je veux parler de la prime sur les sucres ; il m’étonne fort qu’on
soit si peu empressé d’abolir cette prime, et qu’on soit si lent à provoquer la
discussion du projet qui la concerne. Revenant à la question, je ferai
remarquer que M. le ministre des finances, répondant dans une séance
précédente, à M. Andries a reconnu que les modifications apportées dans la loi
ne pouvaient exercer aucune influence sur le nombre des cas d’ivrognerie : tout
le monde est d’accord avec le ministre sur ce point ; en conséquence, ce ne
peut être un motif pour modifier la loi actuelle sur les distilleries.
La cause de l’excès en boisson de toutes espèces,
bière et genièvre, c’est l’aisance dans les classes ouvrières et le peu de
police qui règne dans tout le pays sur la fermeture des cabarets après l’heure
de retraite.
A cet égard, je citerai un fait. Dans un canton de
mon district, un canton qui n’a pas une très bonne réputation depuis deux ans,
aucun procès-verbal de contravention aux règlements qui défendent aux
cabaretiers de donner à boire chez eux, après les heures de retraite, n’a été
remis au tribunal de simple police de ce canton.
C’est une négligence dans l’administration municipale
qui devrait, il me semble, éveiller l’attention de l’administration supérieure.
Je demanderai maintenant à M. le ministre des
finances s’il persiste à croire qu’on pourra supprimer les vaisseaux
auxiliaires dont on fait emploi dans les appareils, de la distillation à la
vapeur comme le condensateur et la cuve de réunion ; je désire que M. le
ministre s’explique aussi à ce sujet, car je pense qu’il devra aussi faire
l’aveu qu’on ne peut les supprimer.
D’après le signe que M. le ministre fait, il ne peut
plus être douteux qu’il reconnaît que ces vaisseaux ne peuvent être supprimés
sans détruire entièrement le système de la distillation continue, dite à
Un fait est donc constant, c’est que M. le ministre
a reconnu par cet aveu qu’il y avait inégalité dans l’impôt, et précisément au
détriment des appareils qui avaient perfectionné la distillation et rendu un
immense service au pays en donnant des moyens pour concourir avec les
Hollandais dans la bonne fabrication du genièvre.
Cette inégalité sera tellement forte que dans
divers cas elle sera du double de l’impôt : j’en ai déjà présente le calcul, il
n’est pas besoin que je le répète. Et en outre remarquez, messieurs, que vous
avez établi 10 p. c. de faveur pour les alambics ordinaires. Qu’en
résultera-t-il ? c’est que toutes les distilleries à la vapeur devront
succomber. Des personnes intéressées ont déclaré à des membres de cette chambre
qu’elles devront stater leurs travaux.
Il m’est donc permis de dire que nous faisons la
guerre au progrès. Il y a quelques années, messieurs, nous n’avions pas en
Belgique de fabriques d’esprit ; nous étions sous ce rapport tributaires de
Je crois vraiment qu’on ne pèse pas assez
l’importance des progrès que la fabrication des esprits a faits en Belgique
depuis peu d’années ; elle nous procure tous les bienfaits de la distillation
et ne donne aucun inconvénient : nous avons le résidu pour l’engrais du bétail,
et nous n’avons pas l’inconvénient de la boisson.
Il est assez étrange que dans une époque de
lumières on veuille faire rétrograder une industrie dont la grande importance
et l’utilité pour l’agriculture ont toujours été reconnues, et qu il y a 6 à 7
ans, on donnait des primes pour ceux qui auraient fait des progrès dans les
travaux de la distillation des grains, et ces primes n’étaient pas petites : le
décret de 1777 accordait aux distillateurs belges une défalcation du tiers du
droit quand ils travaillaient selon la méthode hollandaise.
Si la loi passe, on peut dire que c’est un triomphe
pour
J’ai aussi une crainte que dans une de nos
provinces on abusera d’un privilège que la loi de 1833 lui a accordé, et que le
nouveau projet laisse entièrement subsister.
Je veux parler de la distillation des fruits dans
le Luxembourg, non pas que je veuille faire du tort à cette province, je m’en
garderai, et je me glorifie toujours d’avoir fait la proposition, dans la
commission qui avait formulé le projet de loi de 1833, d’exempter de droit la
distillation de fruits, surtout qu’elle a eu un si plein succès, que, de 700
distilleries qui existaient avant la loi, le nombre en est monté à 1,669 : mais
je dois faire remarquer que quand je fis cette proposition, le taux du droit
était modique, ce qui était une raison pour ne pas craindre la fraude, tandis
qu’avec les nouvelles modifications et la grande majoration du droit, il y aura
grand appât à la fraude, et je n’oserais répondre que l’abus n’aura pas fréquemment
lieu ; déjà des fraudes ont été constatées, comme on peut le voir dans le
tableau des contraventions annexé au rapport, et, dans l’enquête qui a eu lieu
des distillateurs de Liége ont déclaré qu’on fraudait dans le Luxembourg en
mélangeant de la farine aux fruits.
C’est donc certain que le
privilège de la province de Luxembourg a beaucoup augmenté, et je le dirai sans
reproche ni arrière-pensée, mais c’est fort heureux pour une province d’avoir
un représentant dans le cabinet.
Je n’en dirai pas plus ; mais je le répète, la loi
que vous allez voter va faire un tort immense aux progrès que les distilleries
avaient faits depuis quelque temps, depuis qu’elles travaillaient d’après le
système de Cellier et de Desrosne, et rendre un grand
service aux Hollandais et aux Prussiens, et ainsi vous allez arrêter la
fabrication des esprits qui étaient déjà si prospères dans le pays et qui
luttaient déjà si bien avec ceux de France. On n’aura rien fait pour le
perfectionnement de la morale de la classe ouvrière qui fait usage de la
boisson du genièvre, et on aura détruit une industrie qui est si importante
pour l’agriculture et pour le commerce du bétail. J’ai dit.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, il
n’est sans doute pas nécessaire de répondre à l’insinuation de M. Desmet, sur
ce que le Luxembourg serait très heureux en cette circonstance d’avoir un
ministre luxembourgeois pour traiter les intérêts spéciaux des distillateurs de
cette province.
J’ai le droit de
dire que dans toutes les questions qui se sont agitées depuis six ans dans
cette enceinte, les intérêts de localité n’ont jamais eu d’emprise sur moi ; je
ne me suis point occupé spécialement de la province de Luxembourg, les intérêts
de
Je n’aurais pas
relevé l’insinuation du préopinant, si je ne m’étais aperçu que dans un de ses
discours précédents, que je n’avais pu bien saisir à la séance, mais que j’ai
relu dans le Moniteur, l’honorable
membre m’avait adressé d’autres paroles également peu bienveillantes.
Je ne conçois pas
qu’à propos de la discussion qui nous occupe, ce député se soit laissé aller à
m’imputer, en ma qualité de ministre des finances, des intentions de fiscalité
outrée, le désir du retour de moyens vexatoires envers les contribuables, alors
que rien de semblable ne découle des propositions du gouvernement, et que tout
le monde est d’accord, par une foule de bonnes raisons, sur l’urgence de
modifier la loi des distilleries en renforçant le droit, alors que nous avons
en perspective pour 1838, des centimes additionnels à nos contributions, lesquels
seront indispensables, si nous ne nous empressons de majorer ceux de nos impôts
indirects qui, par leur nature, sont le plus convenablement susceptibles de
produire les sommes les plus fortes au trésor. Il n’y a donc pas de fiscalité
dans tout cela : nous avons un budget de dépenses d’un montant déterminé ; il
faut trouver les moyens d’y faire face. Or, il est incontestable qu’aucune
branche du revenu public ne peut être plus convenablement imposée que celle
dont il s’agit en ce moment.
L’honorable préopinant a rappelé, sans doute pour me l’opposer, que lors
de la discussion de la loi de 1833, j’avais voté contre un amendement de M.
Seron semblable à celui qu’il présente aujourd’hui ; cela est possible, car en
1833, ainsi que j’en ai déjà fait l’aveu, j’étais, comme vous tous, dans la
plus complète erreur sur la portée de la malheureuse loi des distilleries ; si
j’avais eu à cette époque l’expérience que nous avons aujourd’hui, j’aurais
rejeté avec toute l’énergie de mon caractère ce que l’on nous annonçait alors
comme une chose excellente, et de ce rejet, si la majorité de la chambre en eût
fait autant, le pays en eût retiré le plus grand bien ; car, à part quelques
vexations plus ou moins réelles que 7 ou 8 cents distillateurs auraient eu à
supporter, nous eussions évité au trésor la perte de 15 millions de fr., et
obvié aux maux et aux dangers de l’ivrognerie chez la classe ouvrière.
M. Dumortier. - J’appuie de tous mes moyens l’amendement de M.
Seron, à l’appui duquel je vous présenterai quelques considérations.
Le droit, avant les
modifications apportées à la législation dont il s’agit maintenant, était de 36
centimes le litre. Le droit tel qu’il est actuellement réduit, est de 6
centimes le litre. La proposition admise au premier vote élève à 30 centimes le
droit qui était de 22 centimes sur les matières premières. Ainsi le droit sur
les spiritueux sera porté à 8 centimes le litre ; c’est-à-dire que
l’augmentation est de 2 centimes par litre ; pas davantage. Voilà l’augmentation
de droits résultant du premier vote. Vous savez quels sont, relativement à la
morale publique, les déplorables effets du droit actuel. Une augmentation aussi
insignifiante peut-elle changer cet état de choses ? Assurément non !
Pour moi, je me propose
pour la proposition de M. Seron.
J’adjure tous les hommes qui veulent réellement apporter un remède aux maux
dont on se plaint de voter pour son adoption.
Si vous portez le
droit à 50 centimes, il en résultera que le droit sera de 13 centimes le litre.
Comparez ce droit à celui qui était établi sous le gouvernement précédent et
dans les premières années de la révolution. Alors ce droit était de 36 centimes
; aujourd’hui il ne serait encore que le tiers de ce qu’il était alors.
Pouvez-vous donc vous refuser à admettre un pareil changement, lorsque la
morale publique en réclame un ; la morale publique n’est-elle rien pour vous ?
On est venu dire
que du droit actuel sur les spiritueux résultait la prospérité de l’agricultre ; pour moi, je repousse une prospérité qui
engendre la démoralisation du peuple. Que l’agriculture arrive à la propspérité, j’y applaudirai de tous mes moyens ; mais
qu’elle y arrive par des moyens que la morale publique ne réprouve pas ; car
ces moyens, il est de notre devoir de les combattre.
On dit que nous faisons la guerre aux progrès ; oui, nous faisons la
guerre aux progrès de l’ivrognerie et aux maux qui s’ensuivent. Je crois que
tous les hommes qui veulent réellement que le peuple rentre dans la bonne voie
où il était précédemment, doivent voter pour la proposition. Je voterai pour,
et si elle est écartée, je modifierai la proposition de M. le ministre des
finances en demandant que les 40 centimes soient adoptés, non pas comme ils
l’on été, en principal et additionnels, mais additionnels non compris.
M. Desmet. - Il est très vrai que j’ai taxé le département
des finances d’avoir actuellement des intentions fiscales ; d’abord parce que
dans le second projet de loi sur les distilleries, on avait reproduit les
transactions et qu’on sait combien elles ont toujours prêté à vexer les
industries.
Ensuite, parce que,
il y a quelques jours, les journaux de Flandre ont retenti des mesures fiscales
qu’un inspecteur des finances se permettait d’exercer dans le canton de Dynse à l’égard des fabriques des églises ; il paraît que
ce zélé fonctionnaire avait exhumé quelque arrêté de l’époque de la terreur et
de la persécution de la religion en France, par lequel il se croyait autorisé à
venir fouiller dans les archives desdites fabriques.
J’ai dit plus
encore, j’ai dit qu’il y avait dans le public beaucoup de bruit au sujet d’un
impôt extraordinaire que le fisc voulait prélever sur les associations.
Enfin j’ai encore dit que les messageries avaient aussi eu leur tout en
fait de fiscalité, que des mesures arbitraires avaient été exercées à leur
égard.
De tout ce que j’ai
avancé je ne dois rien rétracter, et je puis même ajouter que, de tout ce qui
se passe et des projets qu’on présente, j’ai l’intime conviction que dans ce moment
on a la bonne intention dans le département des finances de marcher sur les
traces du fisc de Guillaume ; car pour arriver à la loi de 1822, les Hollandais
avaient pris ce chemin et même ils n’avaient pas été si vite !
M. F. de Mérode. - On a parlé de l’heure avancée à laquelle les
cabarets restent ouverts dans diverses communes. C’est un grand abus que l’on
devrait faire cesser.
Dans la ville de
Bruxelles, il me semble que la cloche de retraite n’a aucune autorité. (On rit.) On permet aux cabarets de
rester ouverts jusqu’à je ne sais quelle heure. On permet de vociférer dans les
rues toute la nuit. Il en résulte que la liberté du sommeil est supprimée à
Bruxelles (on rit) ; liberté beaucoup
plus précieuse que celle de vociférer dans les rues.
J’appellerai sur ce
point l’attention de M. le ministre de la justice qui a, je crois, une certaine
autorité sur cette partie de la police.
- Le droit de 50
centimes proposé par M. Seron est mis aux voix et rejeté.
Le droit de 40 centimes,
additionnels non compris, proposé par M. Dumortier, est mis aux voix ; deux
épreuves sont douteuses.
On procède au vote
par appel nominal, qui donne le résultat suivant.
Nombre des votants,
81.
Pour l’adoption,
40.
Contre, 41.
En conséquence la proposition
n’est pas adoptée.
Ont répondu oui :
MM. Bekaert, Brabant, David, de Behr, de Jaegher, de Man d’Attenrode, F. de
Mérode, Demonceau, de Nef, de Puydt, Dequesne, de Terbecq, de Theux,
d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubus (aîné), Dumortier, Ernst, Gendebien,
Goblet, Heptia, Jadot, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts, Nothomb, Pirson,
Rogier, Seron, Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenhove,
Verdussen, L. Vuylsteke et Raikem.
Ont répondu non :
MM. Andries, Beerenbroeck, Berger, Coghen, Coppieters, de Brouckere, de Foere,
de Longrée, W. de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Roo, Desmaisières,
Desmet, Devaux, Donny, Dubois, B. Dubus, Duvivier, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn, Lehoye, Lejeune, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Milcamps,
Morel-Danheel, Polfvliet, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Scheyven,
Simons, Vandenbossche, Vanderbelen, Vilain XIIII, C. Vuylsteke, Watlet et
Zoude.
M. le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre proposé par le
gouvernement, 40 centimes additionnels compris.
Plusieurs membres. - L’appel nominal ! l’appel nominal !
- On procède à
cette opération dont voici le résultat :
Nombre des votants,
82.
Pour l’adoption,
42.
Contre, 40.
En conséquence le
chiffre de 40 centimes, additionnels compris, est adopté.
Ont répondu oui :
MM. Bekaert, Brabant, David, de Behr, de Jaegher, de Man d’Attenrode, F. de
Mérode, Demonceau, de Nef, de Puydt, Dequesne, de Terbecq, de Theux,
d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubus (aîné), Dumortier, Ernst, Gendebien,
Goblet, Heptia, Jadot, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts, Mast de Vries,
Nothomb, Pirson, Polfvliet, Rogier, Seron, Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye,
Ullens, Vandenhove, Verdussen, L. Vuylsteke et Raikem.
Ont répondu non :
MM. Andries, Beerenbroeck, Berger, Coghen, Coppieters, Cornet de Grez, de
Brouckere, de Foere, de Longrée, W. de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de
Roo, Desmaisières, Desmet, Devaux, Donny, Dubois, B. Dubus, Duvivier, Hye-Hoys,
Keppenne, Kervyn, Lehoye, Lejeune, Manilius, Meeus,
Milcamps, Morel-Danheel, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Scheyven,
Simons, Vandenbossche, Vanderbelen, Vilain XIIII, C. Vuylsteke, Watlet et
Zoude.
M. le président. - Il y a encore un amendement de M. le ministre
des finances au dernier paragraphe de cet article, au commencement duquel on a
ajouté sur sa proposition : « A partir du 1er janvier 1838, les taxes
municipales etc. »
Si personne ne s’y
oppose, je le déclarerai définitivement adopté.
- Personne ne
demande la parole coutre l’ensemble de l’art. 3.
M. le président. - Je le déclare adopté. Je passe à l’art. 6.
M. Dumortier. - Mais le dernier paragraphe de l’art.
M. le président. - Je viens de mettre cette disposition aux voix ;
l’amendement a été définitivement adopté.
Plusieurs voix. - Oui ! oui !
M.
le président. - On a substitué
à n°11 de l’article 6 les mots : « A l’article 4 » à ceux-ci « A l’article
précédent. »
Si personne ne
demande la parole coutre cette substitution, je la déclare définitivement
adoptée.
M. Legrelle. - Messieurs, on a prétendu que, comme il n’y
avait pas eu d’amendement relativement aux taxes municipales, je ne pouvais
faire de propositions sur cet objet ; je demande à prouver que c’est une erreur
et que je pouvais présenter un amendement à l’article 3.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’article 3 est
voté ; c’est fini.
M. de Brouckere. - On vient de le voter pour la seconde fois.
M. Legrelle. - Je demande qu’on m’accorde la parole.
Le ministre des
finances a demandé que, le changement n’ait lieu qu’à partir de janvier 1838 ;
je demanderai maintenant que le changement ne soit introduit dans les octrois
qu’en 1840 ; j’ai le droit de proposer un amendement à une disposition qui
n’est elle-même qu’un amendement.
M. de Brouckere. - Le second vote a été émis. On ne vous dit pas
que vous n’aviez pas le droit de proposer un amendement ; mais, dans le moment de
le proposer, on se livrait à des conversations qui ont empêché de saisir
l’occasion de le présenter.
M.
Legrelle. - Nous n’avons pas eu le
temps de réfléchir. Pendant que nous prenions des informations pour savoir si
on pouvait présenter un amendement, l’art.
M. le président (M. Raikem). - Je suis obligé, aux termes du règlement, de
mettre aux voix toutes les propositions qui sont faites, et toutes les
modifications apportées aux articles ; c’est ce que j’ai fait, et, par
conséquent, je n’ai pas mal fait. L’amendement à l’art. 3 consistait en ce que
l’on avait mis : A partir du 1er janvier 1838. Quand il s’est agi du paragraphe
de l’art. 3 où se trouve cette proposition, j’ai demandé à haute voix si l’on
avait quelques observations à faire ; on n’a répondu que par le silence, et,
selon l’usage, j’ai déclaré l’art. 3 définitivement adopté. Sur cela M.
Dumortier a fait une observation, à quoi j’ai répondu que l’article était
adopté s’il n’y avait pas d’opposition, M. Dumortier a retiré sa proposition ;
et j’ai encore demandé à haute et intelligible voix s’il n’y avait pas d’opposition
; on n’a pas répondu ; j’ai déclaré une seconde fois que l’article était
définitivement adopté.
J’ai parlé assez haut, et je me suis exprimé de façon à pouvoir être
entendu. Il n’y a pas eu de surprise ; j’ai fait ce que je devais faire.
De toutes parts. - oui, oui !
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il y a si peu
eu surprise que M. Legrelle a discuté ce point et que je lui ai répondu assez
largement.
M.
Legrelle. - C’était pendant la
discussion générale.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il n’y a pas eu
de discussion générale ; il s’agissait de l’article 3. On ne peut pas revenir
sur ce qui a été adopté, sans cela on ne pourrait rien finir.
M. Dubus. - Je ne prends pas la parole pour appuyer
l’amendement de M. Legrelle, mais pour rectifier un fait à cause d’une
allégation d’après laquelle on nous accusait de nous livrer à des conversations
pendant la délibéation ; non, on ne se livrait pas à
des conversations sur nos bancs ; mais on faisait tant de bruit dans la chambre
que c’est avec surprise que nous avons entendu dire que l’article était voté.
L’adoption a eu lieu par le bureau pendant qu’une partie de l’assemblée ne
savait pas de quoi il s’agissait. Je crois que nous ne devons pas opposer une
fin de non-recevoir à l’amendement de M. Legrelle ; nous ne devons pas procéder
par erreur ou par surprise.
Plusieurs membres. - La question préalable !
M. le président. - J’ai appelé l’attention de la chambre sur
l’article 3 et à deux reprises différentes. Je regrette que le bruit ait
occasionné l’incident qui est l’objet du débat actuel. J’ai parlé de toutes mes
forces et du mieux qu’il m’a été possible. Il n’y a pas eu de surprise, et je
crois que le bureau a fait son devoir.
Il s’agit
maintenant de la question préalable.
M. Dumortier. - Je m’oppose à la question préalable. Nous
n’avons pu comprendre ce que disait M. le président, tant on faisait de bruit.
J’ai annoncé que je proposerais un amendement sur cet objet. Je demanderai que
l’on remette l’article en délibération. Nous devons désirer qu’il sorte de nos
débats une loi ayant pour elle la majorité.
Au moyen de l’amendement
qui est dans l’article 3, le droit sur le genièvre sera réellement réduit dans
les villes et c’est là précisément qu’on boit le plus de genièvre. Nous
n’atteignons pas le but que nous nous proposions.
- La question
préalable mise aux voix est adoptée après deux épreuves.
M. A. Rodenbach. - Je demanderai à M. le ministre des finances
s’il ne se propose pas de modifier la restitution du droit.
M. le ministre des finances
(M. d'Huart). - Messieurs, je
propose de porter la restitution du droit à 12 fr. 50 centimes, et de cette
manière, je reste dans les limites du taux qui a été adopté, alors que le droit
était porté à 33 centimes seulement.
- La proposition de
M. le ministre des finances, tendant à porter la restitution du droit à 12 fr.
50 c., est mise aux voix et adoptée.
Vote sur l’ensemble du projet
Il est procédé au
vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.
81 membres prennent
part au vote.
48 répondent oui.
32 répondent non.
Un membre (M.
Legrelle) s’est abstenu
En conséquence, le
projet de loi et adopté il sera transmis au séant.
Ont répondu non :
MM. Andries, Beerenbroeck, Berger, Coppieters, de Brouckere, de Foere de
Longrée, de Muelenaere, de Renesse, Desmaisières, Desmet, Devaux, Donny,
Dubois, B. Dubus, Duvivier, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn, Lejeune, Manilius,
Meeus, Morel-Danheel, Raymaeckers. A. Rodenbach, C.
Rodenbach, Scheyven, Simons, Vandenbossche, Vanderbelen, C. Vuylsteke et Zoude.
Ont répondu oui :
MM. Bekaert, Brabant, Coghen, Cornet de Grez, David, de Behr, de Jaegher, de
Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Puydt,
Dequesne, de Roo, de Terbecq. de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus (aîné),
Dumortier, Ernst, Gendebien, Goblet, Heptia, Jadot, Lardinois, Lebeau, Lehoye.
Liedts, Mast de Vries, Milcamps, Nothomb, Pirson, Polfvliet, Rogier, Seron,
Smits, Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenhove, Verdussen, H. Vilain
XIIII, L. Vuylsteke, Watlet et Raikem.
M. Legrelle motive ainsi son abstention. - Messieurs, je n’ai
pas voulu voter contre, parce que la loi pose une majoration de l’impôt ; mais,
d’un autre côté, je n’ai pas voulu voter pour, parce que la mesure me paraît
inefficace, et cause en même temps préjudice à différents octrois municipaux.
Discussion générale
M. le ministre de
l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) se lève et
fait connaître que les tableaux dont la chambre a demandé hier la communication
seront distribués dans la soirée.
M. le président.
- La parole est à M.
Lardinois.
M. Lardinois.
- Messieurs, si je viens combattre le projet ministériel et soutenir celui de
la section centrale, ce n’est pas certes dans l’intérêt du système prohibitif
qui m’a toujours rencontré parmi ses adversaires ; mais bien pour prouver que
je veux de bonne foi consacrer le principe tant de fois proclamé dans cette
enceinte depuis la révolution, à savoir : de respecter les droits acquis pour ne
pas sacrifier ce qui existe, et de ne modifier notre tarif de douanes qu’en
maintenant la protection due à l’industrie.
Je sais que ce mot de « protection » va
faire sourire plusieurs de mes honorables amis, et que je serai accusé d’hérésie
en matière d’économie sociale ; mais que voulez-vous ? La pratique me sert de
guide plutôt que la théorie, et je n’ai pu encore me faire à l’idée qu’il y
aurait avantage pour
Pour justifier la portée de ce projet, le
gouvernement est sans doute entré dans de hautes considérations, a fait valoir
de puissants motifs ? Pas du tout. Voici sur quel pauvre raisonnement il s’est
appuyé. C’est dans le but, est-il dit dans le projet, de faire disparaître les
droits exceptionnels contre un pays ami, dont l’existence ne saurait se
concilier plus longtemps avec les relations de bon voisinage, dans lesquels il
doit être placé. C’est encore parce qu’on a apporté au tarif des douanes de France
des modifications dont plusieurs sont favorables à nos produits industriels ou
territoriaux.
Des réclamations sont parties de tous les points de
Nous pouvons dire que depuis 20 ans
Je prévois qu’on va m’objecter que ce sont des
mesures exceptionnelles contre
Eu usant de représailles contre
Le même régime fiscal contre le commerce étranger
gouverne encore
Quand on oppose tarif à tarif ; il faut reconnaître
que le cabinet français doit avoir manœuvré le nôtre avec une grande habilité
pour le décider à présenter un projet de loi tel que celui que nous discutons.
Car, que pourraient répondre des hommes de bonne foi à notre ambassadeur, par
exemple, qui, s’appuyant sur des faits, dirait aux ministres français : Vous
voulez que
Indépendamment de la prohibitif, votre tarif frappe
140 articles d’un droit dépassant 15 p. c. de la valeur, et en Belgique, 14
articles seulement sont frappés d’un droit de plus de 5 p. c. Ainsi, nous
pouvons prouver que le tarif belge est dix fois plus libéral que le tarif
français ; et dans ce cas, à qui dont appartient le droit de réclamer des
concessions à son voisin ?
Cependant nous voulons bien encore effacer de notre
tarif le mot de prohibition, à condition que
Je vous ai déjà dit que nos chambres de commerce
avaient estimé à leur juste valeur les modifications que le gouvernement
français a apportées à sa législation des douanes. Il n’est pas inutile de vous
faire connaître l’opinion des Anglais à ce sujet, et voici comment ils
s’expriment dans une de leurs revues : « Jamais, disent-ils, avorton plus
ridicule n’a été exposé au microscope d’une législature. Nous serions tentés de
croire que le ministère a voulu amener le public et avoir l’air de faire
quelque chose pour ne rien faire en réalité. » En fait de système de
douanes, messieurs,
Lorsque l’enquête française fut décidée, chacun se
disait que le monopole succomberait sous l’évidence des faits. Cependant,
malgré que l’on convînt généralement que le système prohibitif ne peut
qu’entraver la prospérité des Etats et qu’une de ses conséquences inévitables
est d’étendre le fléau de la contrebande, le gouvernement français n’osa
s’appuyer de l’instruction publique, et se prononcer avec courage en faveur de
la justice et de la vérité. Il recula devant les menaces des privilégiés qui
proclamaient qu’à l’existence du système prohibitif est attaché la prospérité
publique et le maintien de la tranquillité intérieure.
En présence de cet événement, je crains, messieurs,
que
De son côté, notre gouvernement devrait toujours
avoir présent à l’esprit que nous sommes placés sous l’empire de cette
circonstance impérieuse, la nécessité d’exporter. Sans débouchés, les
fabricants belges se consumeront en efforts impuissants, car la production
dépassant toujours la consommation, nos manufactures finiront par étouffer dans
un état de pléthore, et des catastrophes funestes en seront la conséquence
inévitable.
Deux moyens se présentent pour obvier à ce malheur
: une union commerciale avec
Nous considérons la nation française comme le
premier et le plus puissant de nos alliés. Nous parlons le même langage, nos
mœurs et nos usages diffèrent peu ; la régénération politique des deux peuples
procède du même principe, et
Quant à l’accession au
système des douanes de la confédération commerciale de l’Allemagne, je ne m’en
expliquerai pas aujourd’hui, notre situation politique nous imposant la
réserve. Je ferai seulement remarquer qu’un grand nombre de pétitions nous ont
été adressées à ce sujet, et dans ma manière de voir, je crois que nous devons
adopter toutes les combinaisons politiques qui pourront nous ouvrir des
débouchés. Ce n’est pas assez pour
Je me borne à ces considérations générales, me
réservant de prendre la parole sur les détails lors de la discussion des
articles.
M. A. Rodenbach.
Messieurs, je ne me proposais pas de prendre part à la discussion générale ; je
ne voulais d’abord énoncer mon opinion que lors de la discussion des articles. Cependant,
je ne crois pas inopportun de demander à MM. les ministres ce qui a été fait
depuis plusieurs années avec
Si je suis bien informé, il y a eu des pourparlers
relativement à un traité de commerce entre
Il importe donc pour nous de connaître si le
gouvernement a répondu à ces communications officieuses. Rien jusqu’à présent
ne nous a été révélé à cet égard.
On a agité, tant chez nous que chez nos voisins, la
question de la réunion douanière de
Messieurs, quelles sont aujourd’hui nos relations
de commerce avec
La moyenne de nos exportations en France depuis
quatre ans a été de 60 millions par an, tandis que
Voyons maintenant nos rapports avec l’Angleterre.
En prenant toujours la moyenne des quatre dernières années, nous trouvons que
l’Angleterre importe annuellement en Belgique pour une valeur de 60 millions,
tandis que
Elle ne pourrait pas voir de mauvais œil que nous
améliorions notre position matérielle ; elle gagne des millions avec notre
pays, et ce n’est guère que sur
Je désirerais que le gouvernement nous dît s’il a
été question de traité de commerce avec
Notre réunion aux douanes allemandes ne nous serait
pas aussi avantageuse. Verviers et Liège pourraient y trouver quelque avantage
sans doute, mais je parle ici des intérêts de
Notre commerce avec l’Allemagne présente un
excédant en notre faveur de cinq millions. Nous recevons pour 21 millions de
produits de l’Allemagne, et nous lui en fournissons pour 3. Notre commerce avec
Je désirerais que M. le
ministre s’expliquât sur les observations que je viens de faire, avant
d’aborder la discussion des articles du tarif. Car la douane ne nous rapporte
que 8 millions et nous en coûte 4. C’est un bien faible produit en présence
d’un objet d’un aussi grand intérêt que notre commerce en Europe. Nous recevons
plus de cent millions de l’étranger.
Je prie, je le répète, M. le ministre de
s’expliquer sur ce qu’on a fait. Je sais qu’il y a eu des avances faites de la
part de
Je sais que les traités sont faits par le pouvoir
législatif, mais les gouvernements peuvent les proposer, sauf à les faire
sanctionner par les chambres ; et ensuite les ministères ont leur majorité.
Je me borne donc quant à présent à demander qu’on
nous dise ce qu’on a fait et ce qu’on entend faire dans l’intérêt de notre
commerce.
M. Smits. -
Messieurs, des exceptions prohibitionnelles qui font
tache dans notre code des douanes en ce qu’elles lui ôtent le caractère de
généralité qui est de son essence, continuent de subsister contre
Le gouvernement vous demande aujourd’hui de faire
disparaître, de replacer
Cette proposition qui domine le projet de loi
présenté le 14 avril 1836 par MM. les ministres de l’intérieur et des finances,
est-elle susceptible d’être accueillie par la législature, ou bien faut-il
simplement, comme le propose la section centrale qui a été chargée de son
examen, se borner à admettre quelques réductions partielles sur des droits
grevant certains produits français, sans toucher à la généralité des exceptions
dont je viens de parler ?
Permettez-moi, messieurs, d’examiner cette question
avec la franchise et la conviction que j’apporte toujours dans l’examen de ces
sortes de matières.
Rappelons d’abord les faits :
Par un arrêté du 20 août 1823, converti en loi, le
8 janvier 1824, le roi Guillaume, irrité de ce que
1° Des verres et verreries de toute espèce à
l’exception des glaces à miroir ;
2° Des draps et casimirs ;
3° Des acides muriatique, nitrique et vitriolique, ainsi que des eaux-de-vie de grains ;
La prohibition, mais par terre seulement, fut également
décrétée pour les boissons distillées, du vinaigre et du vin ; et les surtaxes
suivantes furent en outre établies sur certains produits français :
20 florins par
14 florins par
9 p. c. de la valeur sur les poteries de terre et
de grès également de toute espèce ;
10 p. c. de la valeur sur les bas, bonnets,
mitaines, etc. ;
Et 2 florins
par 1000 ardoises.
Après la révolution, le gouvernement provisoire et
le congrès national levèrent successivement la prohibition à l’importation par
terre des vins, vinaigres et eaux-de-vie ; les droits d’entrée sur les vins
furent fixés à 1 fl. 60 c. par hectolitre en cercle et à 6 fr. 50 c. par
hectolitre en bouteille ; les bateaux charbonniers français furent admis à
naviguer en Belgique aux mêmes conditions que les bateaux belges, et le droit
d’entrée sur le charbon français, fut en outre réduit dans une forte
proportion.
Les autres dispositions prohibitives continuèrent à
demeurer en vigueur et ce sont ces dispositions qu’on vous propose de remplacer
par des droits protecteurs de l’industrie nationale, également applicables à
toutes les nations.
Une remarque essentielle à faire d’abord, c’est que
Des commissaires furent nommés de part et d’autre
pour s’entendre, non sur la conclusion d’un traité de commerce, comme on l’a
dit souvent erronément, mais bien sur les modifications qu’il serait possible d’apporter
aux tarifs des douanes de Belgique et de France, dans l’intérêt de l’industrie
et du commerce des deux pays. Les chambres de commerce furent consultées sur
ces modifications, et des commissaires, avant de se rendre à Paris, eurent soin
de se rendre dans les différentes provinces, afin de bien se pénétrer des
besoins et des intérêts des différentes localités.
Cependant, aucun arrangement définitif ne peut être
conclu ; mais, sur la promesse faite par
Cette proposition, messieurs, me paraît légitime et
fondée en droit et en raison. Elle est légitime et fondée en droit, parce que
rien ne peut justifier une tarification faite par pays de production au lieu de
l’être par articles ; ainsi le veut l’usage de tous les peuples : en raison,
parce que de tous les pays qui nous entourent
D’ailleurs, des moyens comme ceux qui résultent de
l’arrêté du 20 août 1823, ne sont le plus souvent qu’illusoires, surtout dans
un pays qui, comme le nôtre, est ouvert de tous côtés et où l’expérience
démontre toujours qu’ils n’atteignent leur but, que quand ils égalisent avec
une certaine faveur pour les nationaux, les conditions de la production
indigène avec celles de la production étrangère ; mais les employer comme
représailles, comme mesure de colère ou d’irritation, c’est compromettre les
intérêts du pays. Ils appellent alors des mesures d’hostilité réciproques, dont
les résultats sont toujours préjudiciables au pays de production.
Dans mon opinion, on ne doit jamais recourir à ces
moyens violents et extrêmes, et quelles que soient les représailles à opérer
contre des dispositions de tarifs étrangers, on ne doit le faire que par
mesures générales, sans spécifier les productions de tel ou de tel pays. Agir
différemment, c’est sortir du droit commun international ; c’est s’attirer les
conséquences les plus graves.
La proposition qui nous occupe est donc, comme je
le disais, fondée non seulement en droit et en raison, mais on s’appuie
également sur les vrais principes de l’économie sociale ; car veuillez ne pas
perdre de vue, messieurs, que
Je n’aime pas à rappeler de tristes souvenirs pour
mon pays. Mais l’injustice de notre tarif de douanes, à l’égard de
Nous discuterons les droits lorsque nous en serons
venus aux articles du projet ; mais en attendant je me hâte d’ajouter que
Que si l’on objecte que
S’il était fondé, il le serait également pour
Et ici se présente naturellement cette autre
question de la réciprocité qu’on invoque si fréquemment, qui a été si souvent
éclaircie et qui paraît encore si peu comprise.
En effet, messieurs, la réciprocité commerciale et
industrielle n’existe-t-elle point entre
Permettez-moi de vous rappeler un fait :
Il faut donc abandonner ces théories ou, pour mieux
dire, ces utopies, et revenir aux vérités pratiques des relations et des
échanges ; celles-là seules vous feront découvrir s’il y a ou non réciprocité
entre
Un de nos honorables collègues a fait hier un
singulier raisonnement. Il a dit : Comme
Messieurs, il faut raisonner plus sérieusement de
pareilles questions ; il ne faut pas vouloir obscurcir la vérité par des
abstractions théoriques qui ne trouvent plus de place dans ce siècle tout
positif : consultez le pays, et il vous répondra que nos échanges avec
C’est en se pénétrant de cette vérité que douze
chambres de commerce, tout en proposant certaines modifications au projet, y
ont donné leur adhésion, loin de l’avoir repoussé unanimement, comme l’a avancé
par erreur le rapport de la section centrale ; et c’est probablement parce
qu’elles ont vu
En effet, messieurs, ce qui frappe d’abord dans les
lois des 2 et 5 juillet 1836, c’est une assez forte réduction des droits sur
les toiles, droits qui ont été en quelque sorte l’origine des mesures de
représailles prises par le roi Guillaume.
Je sais, messieurs, que ces modifications n’ont pas
grandement touché plusieurs d’entre vous, mais j’avoue que, quant à moi, je ne
saurais comprendre comment elles pourraient ne pas être avantageuses à un pays
comme
Les tableaux comparatifs qui seront mis sous les
yeux de la chambre lui permettront d’apprécier ces changements et les critiques
dont ils ont été l’objet.
Un second changement à la tarification française,
et qui n’est pas sans intérêt pour nous, c’est celui apporté à l’article des
tapis. Autrefois, ces tissus, à l’exception des tapis en nœuds et fil, des
moquettes veloutées et à points ronds, étaient prohibés, et ces derniers
étaient frappés d’un droit d’entrée par terre de 317 fr. 50 c. les 10 kilog.
Aujourd’hui, sur les réclamations de
Les dentelles dites point de Bruxelles,
c’est-à-dire celles dont le réseau est fait en fil et dans le pays, paient à
leur entrée en France un droit de 5 p. c. à la valeur ; mais, depuis
l’invention des tulles à la mécanique, la fabrication des dentelles, qui
heureusement semble vouloir reprendre aujourd’hui, a dû, comme bien d’autres
branches, subir le joug des découvertes ; il a fallu substituer le tulle au
réseau et y appliquer les fleurs de dentelles de Bruxelles ; cependant comme le
tulle est prohibé en France, il en résultait que, bien qu’il n’entre dans la
fabrication des dentelles que pour un dixième, ces dernières étaient également
repoussées. Sur les réclamations du gouvernement, la loi française du 5 juillet
Il ne vous aura pas échappé, messieurs, que des
trois modifications dont je viens de vous entretenir, deux ont eu pour effet de
lever des prohibitions anciennes, en même temps qu’elles auront pour résultat
de procurer certains avantages à nos localités des Flandres, de Tournay et de
Bruxelles, non pas précisément dans les proportions que nous avions pu espérer,
mais au moins dans les limites des possibilités que le gouvernement français
peut atteindre dans ce moment, dominé, comme il l’est encore, par cette foule
d’intérêts privilégiés nés du système ultra-protecteur
de l’empire.
Je ne vous entretiendrai pas, messieurs, de la
réduction des droits accordés par
Les droits sur les fontes étaient, comme vous le
savez, fixés à 6 et 9 francs les 100 kilog. suivant les frontières, et
seulement à 4 francs pour le territoire qui s’étend depuis Solre-le-Château
jusqu’à Rocroy, c’est-à-dire sur une ligne de 4 à 5
lieues environ. C’était un avantage accordé à une partie de notre frontière du
Hainaut, de Namur et de Luxembourg, mais dont toutes les localités, surtout
quelques-unes de cette dernière province, ne pouvaient pas également profiter à
cause de la difficulté des communications et de l’éloignement des usines.
D’après le vœu de nos industriels, le gouvernement belge demanda en conséquence
que la ligne du moindre droit susdite fût étendue, et le gouvernement français
s’est empressé de satisfaire à cette demande ; la ligne a été élargie par la
loi du 2 juillet 1836, et elle s’étend actuellement sur une surface de près de
28 lieues, depuis Blancmisseron-Quiévrain jusqu’à Sassogne près la route de Montmédy, à la presque extrémité
est du Luxembourg. Il est encore difficile d’apprécier tous les résultats de
cette mesure ; mais il résulte déjà du rapport de la députation du Luxembourg
sur la situation commerciale de cette province que les exportations des fontes
qui n’étaient en 1833 que de 50,000 kilog. auront atteint en 1836 le chiffre de
700,000 kilog.
La loi française du 27 juillet 1822 avait élevé les
droits sur les fers travaillés à la houille et au laminoir à 25 fr,, et stipulé
que les fers travaillés au bois et au marteau continueraient à ne payer d’après
l’ordonnance du 21 décembre 1814 que 15 fr., mais seulement lorsqu’ils seraient
importés par les ports de Dunkerque, Calais, le Havre ou Dieppe. Par suite de
cette disposition restrictive, le Luxembourg où le fer ne se travaille
généralement qu’au bois et au marteau était privé d’un bienfait accordé à
d’autres pays, puisque sa situation géographique et le défaut de communications
ne lui permettaient pas d’exporter vers et par les ports de mer. Sur les représentations
de nos commissaires, le gouvernement français a fait cesser cet état de choses
: indépendamment d’une réduction générale d’un quart sur les droits de toutes
les espèces de fers étirés et en barres, il a permis l’entrée par les
frontières du Luxembourg, au droit de 15 fr., des fers belges travaillés au
bois et au marteau. Divers bureaux ont été ouverts à cet effet, nommément celui
de Thoune-la-Longne près de Virton et de Longwy par Fellencour.
Enfin, les droits sur le zinc de première fusion, que
Je pourrais encore étendre cette nomenclature des
concessions faites par
On a dit que les concessions de
Sans doute, messieurs, la plupart des concessions
faites par
Messieurs, il faut considérer les choses d’un point
de vue plus élevé : car quand il serait vrai que « toute considération de
puissance amie doit disparaître vis-à-vis de l’industrie nationale, »
comme le dit M. le rapporteur de la section centrale, il est vrai aussi qu’un
gouvernement éclairé ne doit jamais se laisser guider par les intérêts de
détail, mais par les intérêts généraux considérés par l’ensemble des rapports
qui existent entre nations.
Et ici je dois relever une erreur fondamentale dans
laquelle est tombée la section centrale lorsqu’elle dit qu’il faut s’arrêter
dans la voie des concessions, et que, pour justifier cette opinion, elle
s’appuie sur les arrêtés du gouvernement provisoire et du congrès national de
1831 et 1832 pour repousser les concessions nouvelles.
Ces arrêtés ont en effet eu pour but de détruire
déjà quelques effets de l’arrêté exceptionnel de 1823, mais en levant la
prohibition par terre pour les vins, vinaigres et eaux-de-vie : en fixant un
droit d’entrée uniforme pour les vins sans distinction d’origine ni
d’importation, en assimilant les bateaux charbonniers français aux bateaux
belges et en réduisant enfin les droits d’entrée sur les charbons français, le
gouvernement consultait l’intérêt du pays tout en en donnant à
En effet, les changements apportées alors à la
tarification des vins et eaux-de-vie avaient pour but de faire cesser l’espèce
de monopole que le gouvernement précédent avait établi en faveur du commerce
maritime ; l’assimilation des bateaux charbonniers français était vivement
réclamée dans l’intérêt des districts houillers du pays, et la réduction des
droits d’entrée sur les charbons de France avait été jugée indispensable aux
chaufourniers de l’arrondissement de Tournay, à cause des difficultés que
rencontraient ceux-ci à se procurer dans le pays la qualité spéciale de houille
nécessaire à leur industrie.
Vous le voyez, messieurs, dans cette circonstance,
comme dans toutes les autres, le gouvernement belge, tout en faisant quelque chose
d’agréable à
D’ailleurs la question n’est pas de savoir si
Secondons donc, messieurs, le gouvernement français
dans ses efforts pour arriver graduellement à l’abolition du système
restrictif, et ne venons point, par un refus que rien ne saurait d’ailleurs
justifier, donner de nouveaux arguments à ceux qui seraient tentés de l’arrêter
dans sa marche vers des concessions nouvelles.
Nous devons d’autant plus nous en garder qu’il
n’est même pas exact de dire que les modifications apportées par
Je pourrais, messieurs, étendre ces questions si je
n’étais obligé de m’imposer à leur égard une prudente réserve qui, je l’espère,
sera comprise par vous ; mais je dois insister, messieurs, pour vous faire bien
comprendre que nous n’avons réellement fait d’autres concessions à
Rappelez-vous, d’ailleurs que
Je comprendrais néanmoins les scrupules de
quelques-uns de nos collègues à l’égard du retrait des mesures exceptionnelles
existantes contre
Quant à moi, je déclare
d’avance que j’admettrai, et que je proposerai même, au besoin, tout amendement
à la loi qui me paraîtra utile pour protéger convenablement les intérêts
nationaux ; mais en même temps vous me permettrez de tenter, s’il est
nécessaire, de nouveaux efforts pour replacer
M. Doignon. -
Je demande la parole.
M. Berger. -
Je demande la parole pour une motion d’ordre.
J’ai déposé un amendement sur l’article du projet
de M. le ministre relatif à la faïencerie ; comme il renferme un système
nouveau, je demanderai qu’on en ordonne l’impression et le renvoi à la section
centrale, afin qu’elle soit à même d’éclairer la chambre sur sa portée, quand
on le mettra en discussion
M. le président.
- L’impression est de droit.
M. Dumortier.
- J’appuie la proposition de M. Berger.
La section centrale, dans l’examen du projet, a
commis une erreur en ce qui concerne l’article sur lequel M. Berger propose un
amendement. Elle est toutefois innocente de cette erreur, Dans le tarif comparé
que le gouvernement lui a soumis, il y a une omission relativement à la
faïence.
J’appuie le renvoi proposé, afin que la section
centrale puisse nous faire un rapport, et que la discussion ne soit pas
arrêtée, quand cette question se présentera, par la nécessité d’un examen
particulier.
- Le renvoi est ordonné.
La séance est levée à 4 heures un quart.