Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 18 avril 1837

(Moniteur belge n°109, du 19 avril 1837)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Verdussen procède à l’appel nominal à midi et demi.

M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Verdussen présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Antoine Mazure, né à Sailly (France), habitant la Belgique depuis 34 ans, demande la naturalisation. »


« Le sieur J.-G. Renette, à Andenne, déclare convertir sa demande en grande naturalisation en celle de naturalisation ordinaire. »


- La première de ces pétitions est renvoyée à M. le ministre de la justice, l’autre à la commission des naturalisations.

Propositions de loi relatives à la pêche nationale

Lecture, développements et prise en considération

M. Donny monte à la tribune et fait connaître deux propositions relatives à la pêche nationale et au poisson étranger, propositions dont les sections ont autorisé la lecture.

M. le président. - Quand M. Donny désire-t-il développer ses propositions ?

M. Donny. - Je suis prêt à le faire maintenant si la chambre juge convenable de m’entendre en ce moment.

Plusieurs membres. - Oui ! oui !

M. Donny lit les développements de ses propositions.

- Les propositions sont appuyées. Elles sont ensuite prises en considération.

La chambre les renvoie à l’examen d’une commission qui sera nommée par le bureau.

Prise en considération de demandes en naturalisation

M. le président. - L’ordre du jour appelle en premier lieu la mise en considération de quelques demandes de naturalisation.

1° Nicolas Thisse, serrurier à Ethe (grande naturalisation).

Résultat du vote au scrutin :

Nombre des votants, 69.

Boules blanches, 21.

Boules noires, 48.

En conséquence, la demande en grande naturalisation faite par le sieur Thisse n’est pas prise en considération.


2° Charles-Remy-Isidore Sohet (naturalisation ordinaire).

Résultat du vote au scrutin :

Nombre des votants, 66.

Boules blanches, 54.

Boules noires. 12.

En conséquence, la demande en naturalisation ordinaire formée par le sieur Sohet est prise en considération. Il en sera donne avis au sénat.

Projet de loi relatif à la compétence en matière civile

Motion d'ordre

M. de Jaegher (pour une motion d’ordre.) - Messieurs, depuis plus d’une année M. le ministre de la justice a présenté à la chambre un projet de loi concernant la compétence en matière civile ; ce projet a été renvoyé à l’examen d’une commission spéciale.

Comme la décision à intervenir doit servir de base à l’avis que les députations provinciales ont été appelées à émettre sur le projet de loi relatif à la circonscription des justices de paix, il serait important qu’avant leur prochaine réunion elles connussent au moins de quelle manière le projet doit être accueilli par la chambre, et s’il a des chances d’adoption.

Je rappellerai que le projet propose la suppression d’un certain nombre de juges de paix dont les places sont vacantes ; le gouvernement a jugé convenable de ne pas les remplir provisoirement, jusqu’à ce qu’une décision soit intervenue sur la question des suppressions : circonstance qui doit avoir pour effet de laisser en souffrance cette partie du service judiciaire dans les cantons intéressés.

Je voudrais savoir où en est le travail de la commission, et pour quel motif elle n’a pas présenté son travail jusqu’ici.

M. de Behr. - M. Fallon, retenu chez lui par la maladie grave de son fils, n’a pu réunir la commission dont il est membre et président. La commission ne s’est jusqu’ici livrée à aucun travail.

M. de Jaegher. - Je désirerais alors qu’on donnât connaissance à M. Fallon, aussitôt après son retour, de l’objet de ma motion d’ordre.

Projet de loi relatif à l'impôt sur les distilleries

Discussion des articles

Article 2

M. le président. - La discussion continue sur l’art. 2

M. Lejeune. - Messieurs, je désirerais la suppression de deux mots dans le deuxième paragraphe de l’art. 2. Les lois ne peuvent pas être trop claires ; cela est vrai surtout pour les lois dont l’exécution dépend d’une foule d’employés subalternes.

Le paragraphe 2 porte :

« Sont exempts de l’accise les alambics et les colonnes distillatoires d’appareils à vapeur... »

On pourrait croire que ce ne sont que les alambics d’appareils à vapeur qui sont exempts de l’accise, tandis qu’il est certainement dans l’intention et de la chambre et du ministre d’en exempter tous les alambics. Les mots « appareils à vapeur » me paraissent absolument inutiles ; j’en propose en conséquence la suppression, et je ne pense pas que M. le ministre s’y oppose.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne crois pas qu’il y eût eu doute sur l’exécution de ce paragraphe ; cependant, puisqu’on pense que la rédaction en deviendrait plus claire par la suppression des mots « appareils à vapeur, » je ne m’oppose pas à l’amendement de M. Lejeune.

- L’amendement de M. Lejeune est mis aux voix et adopté.

L’art. 2, ainsi amendé, est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. La quotité de l’accise est fixée pour chaque jour de travail, et sans égard à la nature des matières, à 30 centimes par hectolitre de capacité brute des divers vaisseaux compris dans l’article précédent, et non spécialement exemptés.

« On entend par jour de travail, servant de base à l’impôt, les jours effectifs de minuit à minuit, pendant lesquels on effectue soit des trempes, des mises en macération ou des fermentations de matières, soit des distillations ou des rectifications.

« Les jours où les travaux ne sont pas continuels, sont comptés comme jour entiers.

« Les taxes municipales sur la fabrication des eaux-de-vie ne peuvent en aucun cas excéder la moitié du montant de l’impôt de l’Etat. »

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je viens proposer deux légers changements de rédaction dans cet article.

Au premier paragraphe, après ces mots « la quotité de l’accise, » il faut ajouter les mots « en principal, » par suite du vote que la chambre a émis hier.

Je demande ensuite que le dernier paragraphe soit précédé de ces mots : « A partir du 1er janvier 1838 » ; le dernier paragraphe de l’article serait alors rédigé ainsi :

« A partir du 1er janvier 1833, les taxes municipales sur la fabrication des eaux-de-vie ne pourront... »

Comme les budgets des communes pour 1837 sont actuellement arrêtés, il y a lieu de ne pas y apporter de perturbation,

Du reste, quant à la disposition en elle-même, si elle était contestée, je pourrais donner des raisons très plausibles pour son adoption.

- Les deux amendements de M. le ministre des finances sont successivement mis aux voix et adoptés.

L’art. 3, ainsi amendé, est adopté.

Article 4

« Art. 4. Il est accordé une déduction de 10 p. c. sur la quotité du droit, aux distillateurs qui n’emploient et n’ont qu’un seul alambic d’une capacité inférieure à 5 hectolitres et servant alternativement à la distillation et à la rectification.

« Cependant, ceux de ces distillateurs qui ne nourrissent pas dans l’enclos même de leur exploitation, et pendant toute la durée des travaux, quatre têtes de gros bétail au moins, les chevaux non compris, ainsi que ceux qui établissent ou laissent établir plus d’une distillerie dans un même bâtiment, n’ont pas droit à la déduction prémentionnée. »

- Adopté.

Article 5

« Art. 5. Il est interdit d’établir ou de mettre en activité une brasserie et une distillerie dans un même bâtiment, à moins que chacune de ces usines ne soit séparée par un mur interceptant toute communication entre elles. »

M. Brabant. - Messieurs, si cette disposition n’est introduite que pour l’avenir, je n’y vois pas beaucoup d’inconvénients ; mais si elle doit faire fermer les distilleries établies dans les mêmes locaux que des brasseries, il y aurait injustice.

Jusqu’ici aucune disposition n’avait défendu d’établir une distillerie et une brasserie dans un même bâtiment ; plusieurs industriels ont réuni les deux usines ; ils ont fait en cela ce que la loi leur permettait, et on leur porterait un grand préjudice en les forçant de renoncer à l’une ou à l’autre de leurs industrie. Je proposerai de rédiger ainsi l’article : « A l’avenir, il sera interdit, etc. »

M. Verdussen. - Si la proposition de M. Brabant était adoptée, on pourrait en conclure qu’il faudra encore une nouvelle disposition pour interdire, car il propose de dire : « Il sera interdit. » Je propose de rédiger ainsi l’article : « Il est dorénavant interdit, etc. » Le langage de la loi qui est toujours au présent serait plus correct.

M. de Jaegher. - J’ai demandé la parole pour appuyer l’amendement de M. Brabant. Il est des brasseurs qui ont réuni une brasserie et une distillerie dans le même local et font marcher les deux usines par une seule et même machine à vapeur. Si on obligeait ces industriels à séparer les deux usines, dans lesquelles ils peuvent avoir engagé de grands capitaux, on leur porterait un grand préjudice. Il serait bon, ce me semble, d’ajouter à l’article un dernier paragraphe, par lequel il serait dit que les distilleries existantes peuvent continuer à travailler, bien que se trouvant dans le même local qu’une brasserie.

M. Lejeune. - Je n’ai pas appuyé l’amendement de M. Brabant ; je désirerais avoir une explication de M. le ministre, avant de me prononcer. Pourquoi M. le ministre propose-t-il d’interdire l’établissement d’une brasserie et d’une distillerie dans un même bâtiment, à moins que les usines ne soient séparées par un mur interceptant toute communication entre elles ? C’est probablement pour éviter la fraude.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Oui.

M. Lejeune. - Si la réunion de ces usines est un moyen de fraude, il faut appliquer la mesure proposée à tous les établissements, à ceux qui existent comme à ceux qui pourraient se former à l’avenir.

Je ne pense pas qu’il soit impossible d’appliquer cette mesure même aux établissements où les deux usines marchent au moyen d’une seule machine à vapeur, car il suffit de faire un mur de séparation entre les deux usines. Il ne faut pas laisser les distilleries actuellement établies jouir d’un avantage qu’on refuse aux autres. La règle doit être générale et s’appliquer aux usines actuellement existantes comme à celles qui pourront s’établir à l’avenir.

M. Brabant. - Il me paraît que le sens de l’art. 5 est que des brasseries et des distilleries ne pourront pas exister dans le même bâtiment, à moins que la communication entre ces deux usines ne fût tellement interceptée qu’on ne pût aller de l’une à l’autre qu’en empruntant la rue. Dès lors, si vous n’admettiez pas mon amendement, vous mettez dans la nécessité de supprimer l’une ou l’autre des deux usines un grand nombre d’industriels qui ont formé des établissements sur la foi des lois existantes.

Je connais plusieurs établissements où il y a une brasserie et une distillerie réunies dans le même local, et où il serait impossible d’exécuter l’article comme je viens de l’indiquer, c’est-à-dire d’intercepter entre elles toute communication autre que par la rue. Cette disposition serait une grande injustice vis-à-vis de ces industriels, qui ont consacré de grands capitaux à la formation de leurs établissements.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, il n’y a pas de motif bien puissant pour établir l’exception réclamée par M. Brabant en faveur des brasseries et distilleries qui existent actuellement dans un même bâtiment sans aucune séparation.

La dépense à faire pour remplir la condition de la loi sera bien faible, puisqu’il suffit tout au plus un simple mur ou même simplement de murer une porte et d’en ouvrir une autre à l’extérieur, s’il n’en existe pas, pour séparer deux usines aujourd’hui confondues. Au surplus, il n’y a peut-être pas six établissements qui soient dans ce cas. Sous l’empire de la loi que nous discutons, qui augmente le droit, on pourrait en établir de semblables dans des vues de fraude à exercer assez aisément au moyen des vaisseaux de la brasserie qui se trouvent, par leur destination, chargés de matières très propres à être distillées. Voilà les motifs de l’article.

Si toutefois on trouvait, contre mon avis, que les établissements de la nature de ceux dont il s’agit, existant déjà, ont des droits acquis, tels qu’on ne puisse pas les leur enlever sans injustice, je dois avouer qu’il n’y aurait pas de bien graves inconvénients à admettre l’amendement proposé, parce que, je le répète, il n’existe que très peu d’usines réunissant une brasserie et une distillerie confondues dans un même local.

- L’amendement de M. Brabant est mais aux voix.

Deux épreuves sont douteuses.

On procède à l’appel nominal qui donne le résultat suivant :

Nombre des votants, 63.

Pour l’adoption, 24.

Contre, 39.

En conséquence l’amendement n’est pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Beerenbroeck, Brabant, Coghen, David, de Brouckere, de Jaegher, de Longrée, Dequesne, de Renesse, Doignon, Dubois, Dubus (aîné), Gendebien, Heptia, Keppenne, Kervyn, Liedts, Raikem, Raymaeckers, Scheyven, Troye, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen.

Ont répondu non : MM. Andries, Bekaert-Baeckelandt, Berger, Goblet, Lehoye, Coppieters, de Behr, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, de Nef, de Puydt, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Donny, B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Ernst, Jadot, Lardinois, Lebeau, Lejeune, Milcamps, Morel-Danheel, Polfvliet, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Seron, Simons Thienpont, Ullens, Vandenbossche, Van Hoobrouck de Fiennes, C. Vuylsteke.

M. de Jaegher. - Je crois que l’on ne s’est pas bien entendu dans la courte discussion de l’amendement.

L’intention de M. le ministre des finances n’est pas de rendre toute communication impossible, si ce n’est pas la rue, mais simplement d’exiger qu’il y ait un mur de séparation.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Evidemment, l’article doit être entendu ainsi que vient de le dire l’honorable M. de Jaegher. D’après le texte même du projet, deux usines établies dans le même bâtiment devraient seulement être séparées par un mur interceptant toute communication entre elles à l’intérieur.

Article 6

« Art. 6. La déclaration des travaux que le distillateur se propose d’opérer, devra contenir :

« 1° Les noms, profession et domicile du déclarant ;

« 2° Les indications précises de la distillerie, par enseigne, situation et autres renseignements propre à la faire reconnaître.

« 3° Le jour de la première mise en trempe ou en macération des matières.

« 4° La durée des travaux par série d’une ou de plusieurs quinzaines de jours.

« 5° Le nombre et le numéro des cuves qu’il emploiera pour la trempe, la macération, la fermentation ou la réunion des matière premières propres à la distillation.

« 6° Le nombre et le numéro des cuves à levain, des cuves de vitesse ou des condensateurs dont il fera usage pour le dépôt des matières macérées ou fermentées.

« 7° Le nombre, le numéro et l’emploi des alambics et des colonnes distillatoires qu’il entend exempter de l’impôt.

« 8° Le nombre, le numéro et l’emploi des alambics et des colonnes distillatoires qu’il entend soumettre à l’impôt.

« 9° La capacité de chacun des vaisseaux mentionnés aux quatre paragraphes qui précèdent.

« 10° Le jour de la fin des travaux.

« 11° S’il entend jouir de la déduction mentionnée à l’art. 4, et, dans ce cas, le nombre de têtes de gros bétail qu’il nourrit.

« Dans aucun cas une même déclaration ne peut être admise pour plus de quatre séries de 15 jours consécutifs.

« Sont seuls admis à déclarer des travaux moindres de 15 jours, les distillateurs de lies de vin.

« La déclaration mentionnée au présent article n’est valable pour justifier les travaux, qu’autant qu’elle ait été admise par le receveur et qu’il en ait été délivré ampliation. »

M. Andries. - Vous vous rappelez, messieurs, qu’il a été adressé à la chambre des pétitions tendant à obtenir que l’on prenne en considération l’art. 13 de la constitution qui garantit la liberté des cultes. D’après cet article, personne ne peut être contraint à observer les jours de repos. De là découle logiquement que personne ne peut être contraint de les violer. Or, je crois que dans l’état des choses, et d’après la loi actuelle, les distillateurs qui observent les jours de repos sont contraints à le violer, au moins indirectement, puisqu’ils doivent payer au fisc aussi bien que ceux qui ne les observent pas. Il n’y a pas là liberté. Pour qu’il y ait liberté, il faut qu’il y ait liberté d’agir et de ne pas agir.

Il faut donc prendre en considération les intérêts matériels de ceux qui veulent observer les jours de repos.

Pour qu’il n’y ait pas violation de la liberté, il faut que la position des distillateurs qui observent les lois de l’église et de ceux qui ne les observent pas, soit égale vis-à-vis du fisc. Ce n’est pas une faveur que je demande pour les premiers, c’est un droit, messieurs, c’est un droit constitutionnel. Cela mérite bien qu’on y pense. Je crois que si la loi ne met pas les distillateurs dans une position égale, il y a violation de cette liberté la plus sacrée de toutes les libertés, il y a violation de l’article 13 constitutionnel.

Puisqu’on a montré dans toute cette discussion un intérêt si vif pour tout ce qui touche à la morale, je ne doute pas que la chambre n’accueille favorablement ce qu’on trouvera nécessaire de proposer dans ce but.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Lors de la première discussion de la loi de 1833, les mêmes observations ont été faites sur la durée de la déclaration. Il a été démontré alors, comme il serait facile de le faire maintenant, que les distillateurs n’ont aucun intérêt à obtenir que la déclaration soit moindre de 7 jours. En effet les droits sont imposés, non sur la distillation, mais seulement sur la fermentation ; d’où résulte que l’intérêt des distillateurs ne les obligera pas à travailler le dimanche. La fermentation des matières se fera pendant ce jour-là ; or, elle s’opère seule sans aucun travail manuel ; seulement la distillation, interrompue dès le samedi soit, sera reprise avec plus d’activité le lundi.

Voilà sommairement les observations qui ont été présentées en 1833 pour faire rejeter semblable disposition ; elles me paraissent concluantes.

J’ajouterai que l’amendement de M. Andries serait préjudiciable aux distillateurs qui s’en feraient l’application. Si vous donnez aux distillateurs la faculté de déclarer seulement 6 jours de travail afin de chômer le dimanche, ils devront suspendre leurs travaux le samedi, et tenir les vaisseaux vides le dimanche, puisqu’ils ne paieraient pas de droits pour ce jour-là. Mais chaque lundi, il y aurait là perte de temps inhérente à chaque reprise de travaux de distillerie.

Il y aurait donc aussi préjudice pour le distillateur, et je vous ai expliqué tout à l’heure que ceux qui veulent observer le dimanche, sous l’empire de la loi actuelle, peuvent le faire sans le moindre préjudice, et sans être obligés de se livrer à aucun travail ce jour-là.

Je dois cependant convenir que pour les distilleries ordinaires ces explications sont tout à fait incontestables, tandis que pour les grandes distilleries à la vapeur, sans y être forcé à un travail continu le dimanche, on est pourtant obligé d’y veiller de temps en temps le dimanche.

Mais quant à celles-là, vous n’obtiendrez jamais qu’elles chômassent totalement le dimanche parce que la perte serait trop considérable si chaque semaine il fallait y interrompre complètement les travaux.

M. Desmet. - Je dois cependant appuyer la proposition de l’honorable M. Andries, car je la trouve très utile.

Ce que vient de dire M. le ministre des finances est vrai. S’il faut borner la déclaration à la durée de six jours, on gênera beaucoup de distillateurs. Mais ce n’est pas là l’intention de l’honorable M. Andries. Il veut que les distillateurs ne soient pas contraints à travailler le dimanche, comme ils le sont maintenant par la concurrence. Que résulte-t-il de là ? Des querelles entre les distillateurs et les ouvriers.

Les distillateurs veulent travailler comme tous les autres et soutenir la concurrence ; les ouvriers veulent respecter le dimanche et en jouir ; ils ne veulent pas travailler. De là viennent les querelles. Je crois qu’il y aurait un moyen d’obvier à cela : ce serait de donner une déduction de droits pour ceux qui déclareraient ne pas travailler le dimanche.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il faudrait alors des exercices.

M. Desmet. - A cet égard M. le ministre a raison. Il faudrait augmenter les exercices. Cependant je crois que l’on préférerait cet état de choses. Plusieurs distillateurs l’ont demandé dans l’enquête.

On pourrait admettre une réduction de 6 p. c.

Si la chambre veut le permettre, je lui donnerai lecture d’un amendement que j’ai rédigé dans ce sens.

Il est ainsi conçu :

« Les distillateurs ne jouiront d’une défalcation de droit de 6 p. c. quand ils auront fait la déclaration, que pendant les jours de dimanche et de fêtes ; ils n’effectueront aucun travail dans leurs distilleries, soit pour la trempe, pour la mise en macération ou la fermentation des matières, soit pour les bouillées ou la rectification, et en général aucun travail qui servirait de préparation à la fermentation et à la distillation.

« Ceux des distillateurs qui auront fait cette déclaration et y contreviendront, seront envisagés comme avoir travaillé hors le temps de la durée de leur déclaration, et seront punis comme tels. »

J’ai établi 6 p. c., et en voici le motif : Si on établissait à la rigueur, il faudrait 15 p. c., puisqu’on perd 1/7. Mais, ainsi que l’a dit M. le ministre des finances, il se trouve des matières en macération et que je crois que 6 p. c. des droits suffiraient ; cependant, depuis le changement que le vote d’hier a porté dans l’économie de la loi, qui est entièrement bouleversée, il m’est plus difficile de bien établi le tantième.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Une simple observation suffira pour déterminer la chambre à ne pas admettre l’amendement proposé, ni aucune disposition semblable.

Si quatre cents distillateurs, par exemple (cela pourrait arriver, et dans l’opinion des auteurs de la proposition, ils doivent désirer que tous les distillateurs soient dans ce cas), si quatre cents distillateurs font la déclaration qu’il ne travaillent pas, que feront les employés le dimanche ? Pourront-ils visiter les quatre cents usines pour s’assurer si réellement les travaux sont suspendus ?

M. Lardinois. - Les employés seront privés par conséquent de la faculté d’aller à la messe !

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Cela est vrai ; les employés ne pourront remplir leurs devoirs religieux.

Messieurs, le distillateur qui voudra vaquer le dimanche n’éprouvera aucun préjudice d’après la loi ; en effet, il laissera fermenter les matières sans s’occuper de la distillation, et il n’y perdra rien, puisque nous n’imposons pas l’alambic ; il se borne à charger tous les vaisseaux à macération le samedi, et, en les abandonnant ainsi à eux-mêmes le dimanche, n’éprouvera aucune perte, seulement la distillation devra durer plus longtemps le lundi que les autres jours de la semaine.

Si cet amendement ou toute autre disposition semblable était introduite dans la loi, elle ne servirait donc qu’à la fraude. Il faudrait exiger que les vaisseaux fussent vides le dimanche, et cette condition occasionnerait un préjudice assez considérable aux distillateurs qui, après avoir arrêté tout travail de fermentation le samedi, devraient le recommencer le lundi en échauffant d’abord les vaisseaux qui contiennent les matières et les vaisseaux distillatoires, et en supportant ainsi la perte de temps et de combustible inévitable, dans le commencement de chaque reprise de travaux.

M. Duvivier, rapporteur. - J’ai peu de chose à ajouter à ce que vient de dire M. le ministre des finances contre l’amendement.

Je considère la proposition comme portant à la fraude. Elle ne remplirait pas le but qu’on se propose, c’est-à-dire, qu’elle ne permettrait pas de remplir les devoirs religieux le dimanche. Par la raison qu’une telle disposition porterait à la fraude, les employés ne préviendront pas le distillateur du moment où ils se présenteront dans l’usine ; il faudra donc que le distillateur les attende toute la journée, sans quoi il y aurait refus d’exercice s’il était absent au moment où les employés se présenteront ; ainsi les employés et le distillateur ne pourront remplir leurs devoirs religieux.

On peut ne pas distiller le dimanche ; la fermentation peut marcher sans travail ; il faut 36 heures pour avoir une bonne fermentation ; ainsi on peut, sans dommage, cesser la distillation le dimanche.

M. Andries. - Les paroles du ministre des finances ne me tranquillisent pas. Il convient que les grands distillateurs auront de la peine à ne pas travailler le dimanche ; je vois, par là, que notre loi mettra à l’étroit la conscience de quelques-uns de nos distillateurs ; leurs intérêts seront en présence de leurs sentiments religieux, et on ne peut pas dire que leur conscience sera véritablement libre. Cependant la liberté de conscience est un droit constitutionnel. Tout ceci tient aux scrupules les plus délicats ; et je dis que si l’on ne peut pas mettre, par la loi, les grands distillateurs sur le même pied que les petits, il n’y a plus égalité de liberté religieuse. Il ne doit pas en être ainsi,

M. F. de Mérode. - Il ne s’agit, à ce qu’on vient de me dire, pour les grands distillateurs, que d’un travail insignifiant ; il ne s’agit, pour eux, que d’entretenir le feu dans leur usine pour qu’ils ne fassent aucune perte ; or, je ne pense pas qu’entretenir le feu soit un travail bien assujettissant et de nature à empêcher de remplir les devoirs religieux. Pour éviter de grandes difficultés et pour ne pas exciter à la fraude, qui est un scandale aussi, je préfère qu’on n’admette pas l’amendement.

M. Duvivier, rapporteur. - Il n’est pas plus difficile d’entretenir le feu dans l’usine que dans la cuisine.

M. Desmet. - Si vous n’admettez pas mon amendement, il n’y a plus de liberté de conscience.

M. Dumortier. - Si l’on mettait dans la loi que les distillateurs seront obligés de travailler le dimanche, je concevrais les réclamations que l’on fait, mais la loi n’oblige pas à cela.

Quelques membres. - On fait payer le droit le dimanche.

M. Dumortier. - Quand la cuve fermente le dimanche, il faut bien qu’elle paie ; c’est la matière qui paie, ce ne sont pas les personnes. Votre amendement ne produira aucun effet si les employés peuvent surveiller le dimanche ; s’ils ne surveillaient pas, tout le monde travaillerait le dimanche.

M. Lejeune. - L’honorable préopinant vient de dire que la loi n’oblige pas les distillateurs à travailler le dimanche ; je lui répondrai que l’amendement ne défend pas non plus de travailler le jour du dimanche ; on ne peut ni forcer ni défendre de travailler le dimanche ; c’est en cela que consiste la liberté.

M. Gendebien. - On ne les oblige pas à frauder, et cependant ils fraudent quand ils en trouvent l’occasion ; c’est ce qu’il faut éviter, même le dimanche.

M. Lejeune. - C’est en quelque sorte les obliger à travailler le dimanche que de les faire payer ce jour-là. Mais, dit le ministre, il n’y aura pas perte pour ceux qui ne travailleront pas, parce que la matière fermente sans manipulation, mais il est évident que celui qui travaillera le dimanche dans sa distillerie gagnera quelque chose que ne gagnera pas l’autre.

Quant à la surveillance des employés, elle est la même dans le cas de l’amendement ou dans le cas de la loi : car, que le distillateur ait éclaté vouloir travailler ou ne pas vouloir travailler, il peut frauder dans un cas comme dans l’autre ; et la surveillance des employés être également active dans tous les cas, pour prévenir la fraude ou pour la découvrir. (Aux voix ! aux voix !)

M. F. de Mérode. - Il ne faut pas empêcher de parler ; des cris aux voix ne sont pas une réponse. Je suis de ceux qui veulent de la liberté de conscience et qui tiennent à son maintien, cependant je me suis opposé à l’amendement. Les scrupules des honorables membres qui ont fait la proposition et qui l’ont soutenue sont très respectables à mes yeux ; mais, d’après ce qui leur a été répondu, je voterai contre.

- L’amendement, mis aux vois, est rejeté.

L’art. 6 est adopté.

Articles 7 et 8

« Art. 7. La déclaration des distillateurs de fruits, en ce qui concerne les mises en macération, contiendra seulement les indications des paragraphes 1, 2, 3, 5, et 9 de l’article précédent.

« En ce qu concerne les distillations et rectifications, ces distillations continueront à se conformer aux dispositions du deuxième paragraphe de l’article de la loi du 18 juillet 1833. »

- Adopté.


« Art. 8. Aucune déclaration, faite en vertu de l’article 17 de la loi du 18 juillet 1833, à l’effet de rectifier les eaux-de-vie, ne sera définitivement admise qu’après que les employés du service actif de l’administration auront constaté dans le lieu du dépôt du liquide, qu’il consiste réellement en eau-de-vie détériorée ou en eau-de-vie affaiblie par l’évaporation au-dessous de 45 degrés de l’alcoomètre de Gay-Lussac, à la température de 15 degrés du thermomètre centigrade. »

- Adopté.

Article 9

« Art. 9. Le montant des droits est évalué, pour les cas énoncés à l’art. 27 de la loi du 18 juillet 1833, à 10 francs par hectolitre d’eau-de-vie marquant 50 degrés de l’alcoomètre de Gay -Lussac, et les qualités inférieures ou supérieures en force proportionnellement à cette base.

« La justification requise pour emmagasinage des eaux-de-vie dans le rayon des douanes, ainsi que pour la délivrance de documents de circulation, ne sera admise qu’à raison d’un produit de 5 litres à 50 degrés par hectolitre de capacité des vaisseaux déclarés à l’impôt et par jour de travail. »

M. le président. - Il y a un amendement de M. Donny, qui propose de remplacer le chiffre de 10 fr. par celui de 12 fr.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, le droit avait d’abord été évalué pour la restitution à 9 fr., et je me réserve de donner ultérieurement, si on le désire, la justification de ce chiffre, qui est suffisamment élevé ; cependant, si la chambre, voulant encourager l’exportation, était d’avis d’adopter le chiffre de 10 fr., je déclarer que je me m’y opposerais nullement : de cette manière la restitution serait d’un moins un franc plus élevée que le droit réel, calculé sur les bases les plus larges ; mais restituer 12 fr. serait véritablement accorder une prime d’exportation considérable ; d’où je conclus qu’on ne peut réellement admettre un chiffre plus élevé que celui de 10 fr., qui sera déjà un stimulant pour l’exportation.

M. Donny. - Vous savez, messieurs, que l’exportation par mer est nulle : elle est nulle parce que la décharge à l’exportation est loin d’être l’équivalent du montant de l’accise. J’ai déjà eu plusieurs fois l’honneur de vous dire, sans que jusqu’ici personne m’ait contredit, que pour que le genièvre envoyé aux colonies puisse supporter les chaleurs de la zone torride, il faut que la fermentation ait été conduite avec plus de lenteur, que les produits aient été rectifiés un plus grand nombre de fois ; or, on ne peut parvenir à ce résultat qu’en consacrant plus de temps à la fabrication. Dans le système actuel, consacrer plus de temps à la fabrication, c’est payer plus de droits ; il suit de là que le genièvre fabriqué pour l’exportation paie un accise beaucoup plus élevé que celui qui est fabriqué pour la consommation intérieure. On n’a pas eu égard à cette circonstance lors du vote de la loi de 1833, et aujourd’hui M. le ministre veut commettre la même faute : il calcule que l’accise qui frappe actuellement le genièvre de fabrication ordinaire est de 9 fr. par hectolitre, et il tire de là la conséquence que restituer 9 fr. à l’exportation, c’est faire tout ce qu’on peut raisonnablement exiger, et qu’aller au-delà serait accorder une prime d’exportation, Je le répète, messieurs, c’est là tomber dans l’erreur où l’on est tombé en 1833, c’est méconnaître la différence qu’il y a entre les droits payés pour le genièvre destiné à l’exportation et ceux qui sont payés pour le genièvre destiné à la consommation intérieure. Si la proposition de M. le ministre est admise, on n’exportera pas plus à l’avenir qu’on a exporté jusqu’ici ; cependant, messieurs, ce n’est pas une chose peu importante que l’exportation du genièvre : songez qu’exporter du genièvre, c’est exporter des céréales ; c’est même plus que cela, c’est exporter des céréales qui ont déjà donné à l’industrie du pays un produit majeur, qui ont déjà augmenté les ressources du pays. C’est pour remédier au défaut d’exportation du genièvre par mer que j’ai proposé mon amendement, qui porte à 12 fr. le montant de la restitution ; je pense que ce taux n’est pas trop élevé ; si cependant l’expérience prouvait qu’il en est autrement (et l’on s’en apercevrait bientôt, puisque aujourd’hui on n’exporte presque rien, et que dans ce cas on exporterait beaucoup). On pourrait revenir à une restitution plus faible ; mais je ne pense pas que l’expérience prononce contre mon système.

- L’amendement de M. Donny est appuyé.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne pense pas, messieurs qu’il soit nécessaire de vous entretenir de tous les éléments de calcul qui prouvent que la restitution de 10 francs est plus élevée que le droit qui est réellement payé pour la fabrication ; pour vous démontrer cela, je n’ai qu’à me référer à la page 31 du rapport de la commission où vous verrez que, dans l’hypothèse même que les alambics seraient imposés, la commission n’avait évalué le droit qu’à 9 francs 62 1/2 ; or, messieurs, ce chiffre est calculé sur des bases assez larges, attendu que la commission a compté sur 36 heures pour le temps de la fermentation et qu’elle a supposé que chaque hectolitre de matière ne produirait que 6 litres de genièvre, tandis qu’il peut en produire 7. Quoi qu’il en soit, je ne conteste pas les chiffres de la commission, je ne cherche pas à atténuer en faveur de mon raisonnement les éléments sur lesquels elle a opéré ; je vais au contraire plus loin qu’elle, je porte le chiffre pour la restitution à 10 fr. alors que l’alambic n’est plus imposé, tandis que la commission, dans l’hypothèse de l’imposition de l’alambic, n’évaluait le droit qu’à 9 francs 62 1/2.

Les partisans de l’exportation conviendront que le remboursement que je propose est aussi large qu’il est possible de l’établir sans tomber dans les abus qui résultent des systèmes de primes d’exportation.

M. A. Rodenbach. - Nous devons, messieurs, tâcher de soutenir, autant que possible, la concurrence avec les Hollandais ; or, vous savez qu’outre la restitution entière du droit, on accorde encore en Hollande une prime de 2 fl., soit 5 fr., par hectolitre. Si donc vous accordez 10 fr., c’est, pour la concurrence avec les Hollandais, comme si vous n’accordiez que 5 fr. Je le répète, messieurs, si vous n’accordez qu’une restitution de 10 fr., on n’exportera rien, parce qu’on ne pourra pas soutenir la concurrence avec les Hollandais. Si vous voulez donc exporter quelque chose, vous devez adopter la proposition de M. Donny ; je ne suis pas non plus partisan des primes d’exportation, mais en France et en Angleterre on en accorde, en Hollande on fait également pour le genièvre une exception au système de ne pas accorder de primes ; c’est là un moyen d’empêcher le commerce des pays voisins ; c’est là ce qui nuit extrêmement à l’exportation du genièvre belge ; remarquez en outre que les Hollandais ont introduit dans leurs distilleries des perfectionnements que nous n’avons pas encore. Si donc vous voulez favoriser les Hollandais, adoptez le chiffre de 10 fr. ; mais si vous voulez que nos distilleries puissent exporter quelque chose, il faut au moins admettre le chiffre de 12 fr.

M. Duvivier, rapporteur. - Messieurs, la principale considération qu’on a fait valoir pour faire élever le taux de la restitution, c’est ce qui se fait en Hollande ; mais on oublie que nos distillateurs ne sont pas sur le même pied que les distillateurs hollandais ; ceux-ci emploient presque toujours des céréales qui viennent du dehors, et qui, par conséquent, ont déjà payé un droit d’entrée, tandis que les distillateurs belges emploient les produits du sol. Notre position est donc, sous ce rapport, tout à fait différente de celle de la Hollande.

M. Donny. - Messieurs, si j’ai bien compris l’honorable M. Duvivier, je puis tirer parti de l’argument qu’il vient de poser : il dit qu’en Hollande les distillateurs emploient des céréales importées de l’étranger, et qui, par conséquent ont payé des droits d’entrée, tandis que nous qui faisons usage de nos propres céréales, nous n’avons pas à supporter cette charge ; l’honorable membre sait sans doute comme moi que, malgré le droit d’entrée dont il a parlé, le prix des céréales est ordinairement moins élevé en Hollande que dans notre pays ; il résulte de là que loin que nos distillateurs aient sous ce rapport un avantage sur les distillateurs hollandais, ce sont ceux-ci qui ont un avantage sur les nôtres.

M. A. Rodenbach. - J’ajouterai encore, messieurs, une observation à celles qui viennent d’être faites. On emploie en Hollande beaucoup de seigle séché qui donnent beaucoup plus d’alcool que le seigle dont on se sert chez nous. C’est encore une raison de plus pour que l’on augmente le drawback. Je le répète encore une fois, il n’y aura réellement pas d’exportation avec un droit de 10 francs ; même si le droit est porté à 12 francs l’exportation sera très peu considérable.

M. Andries. - Messieurs, nous devons favoriser l’exportation des produits de nos distilleries. C’est pour atteindre ce but que je voudrais de préférence l’amendement de M. Donny.

Si j’en crois une assertion alléguée dans des pétitions qui nous ont été adressées, le genièvre hollandais arrive encore aujourd’hui à l’entrepôt à Anvers, pour alimenter les cargaisons qui partent de cette ville. Ce fait-là seul prouve que notre législation est en défaut ; il faut y porter remède ; il faut que nous puissions nous-mêmes fournir les cargaisons des vaisseaux qui entrent dans nos ports.

Pour ce motif, je voterai pour l’amendement de M. Donny.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, il me semble que tout ce que nous avons à chercher, c’est de nous assurer si, par le drawback à la sortie, nous rembourserons suffisamment le droit de fabrication à l’intérieur.

Or, il est certain qu’un droit de 10 francs est pour cela plus élevé qu’il ne faut.

Si outre cela l’on voulait entrer dans la voie des primes, ce serait une nouvelle question à examiner ; mais nous paraissons être tous d’accord qu’il ne faut pas de primes en cette matière.

Voyons maintenant si la loi que nous discutons en ce moment ne sera pas infiniment plus favorable à l’exportation que la loi de 1833 ; je me charge de démontrer cela à toute évidence.

D’après la loi qui nous régit actuellement, la restitution à la sortie est de 5 francs par hectolitre de genièvre.

On a toujours prétendu que cette restitution n’était pas suffisante. Eh bien, j’admets que ce droit n’est pas tout à fait suffisant et qu’il est tout au plus l’équivalent des frais de fabrication. Or, selon ma proposition, il n’en sera plus ainsi ; les déclarations des distillateurs eux-mêmes, et les calculs de la commission établis dans l’hypothèse de l’imposition de tous les vaisseaux, prouvent que non seulement le droit proposé est suffisant, mais qu’il constitue même une petite prime à la sortie. La loi en discussion sera donc beaucoup plus favorable au commerce d’exportation que la loi de 1833.

On a souvent parlé des avantages que la Hollande avait sur nous pour l’exportation de son genièvre. Permettez-moi de vous donner une courte explication à cet égard.

Le droit de l’accise en Hollande, ainsi qu’en France et en Prusse, est beaucoup plus élevé que le nôtre. Ainsi, messieurs, si les industriels de ces pays-là font infiltrer en Belgique du genièvre en fraude, ils ont un désavantage sur nous de ce chef, parce que le droit ne leur est pas remboursé dans ce cas.

J’en conclus donc que les dispositions de la loi que nous allons porter, doivent nécessairement favoriser l’exportation légale des produits de nos distilleries, si en réalité ces produits sont d’aussi bonne qualité que ceux des pays voisins, et que l’exportation par le commerce interlope devra être aussi plus avantageuse à nos distillateurs qu’à ceux de l’étranger, puisque le droit qu’ils auront à ajouter à la valeur intrinsèque de la marchandise, sera encore beaucoup plus élevé qu’il ne l’est en Belgique.

M. A. Rodenbach. - Messieurs, on est allé jusqu’à prétendre que le droit de restitution de 5 fr., porté par la loi de 1833, avait été suffisant pour encourager l’exportation. Mais je le demande, a-t-on exporté sous l’empire de cette loi ? Non, aucune exportation n’a eu lieu, ce qui est une preuve irrécusable de l’insuffisance du drawback voté en 1833.

M. le ministre des finances a dit que le droit de fabrication était plus élevé en Prusse que chez nous ; dans les développements de son projet, M. le ministre porte ce droit à 72 centimes ; mais je ne pense pas que M. le ministre soit persuadé que c’est là le taux du droit qui existe en Prusse, car il s’exprime à cet égard sous forme dubitative. Le fait est que ce droit est infiniment moins élevé ; on peut consulter à ce sujet les pétitions qui ont été adressées à la chambre.

M. F. de Mérode. - Je crois, messieurs, que le droit de restitution à la sortie, tel qu’il est proposé par le gouvernement, est suffisant ; car, indépendamment du droit que l’exportateur aura payé du chef de la quantité d’eaux-de-vie fabriquées qu’il aura déclarée, il recevra en outre la prime d’exportation pour la portion de ces liquides qu’il parvient à soustraire à l’impôt. Je ne pense donc pas que le drawback doive être augmenté.

En l’augmentant, nous léserions les intérêts du trésor ; nous ne devons pas perdre de vue ces intérêts, pour ne nous occuper exclusivement que de ceux des fabricants de genièvre.

J’ai déjà fait observer que nos voies et moyens sont insuffisants, et lorsqu’on vient demander de les augmenter, l’on trouve toujours des difficultés qui empêchent en définitive le revenu public de s’accroître.

Articles 10 à 14

« Art. 10. La capacité de tous vaisseaux imposables est constatée par empotement ou dépotement à l’exception des colonnes distillatoires dont le jaugeage sera opéré par cubage métrique et intégral, et sans aucune déduction pour les compartiments et tubes ultérieurs de ces colonnes.

« Le distillateur doit être invité à être présent à toute opération d’empotement, de dépotement ou de jaugeage. »

- Adopté.


« Art. 11. Les dispositions des articles 16, 35, 34, 35 et 36 de la loi du 18 juillet 1833, de même que les pénalités qui s’y rapportent, sont rendues applicables à tous les vaisseaux soumis à l’impôt par l’article 2. »

- Adopté.


« Art. 12. Indépendamment des dispositions de l’art. 49 de la loi du 18 juillet 1833, les pénalités suivantes sont appliquées aux auteurs des faits ci-après spécifiés :

« Pour la non-existence du vide exigé dans le cas prévu par le paragraphe 2 de l’article 2 de la présente loi, une amende de 20 fr. par hectolitre de capacité illégalement employée.

« Pour infraction aux conditions exigées par l’art. 4, à l’effet d’obtenir la déduction de 10 p. c. y mentionnée, de même que pour l’établissement d’une brasserie et d’une distillerie sans la séparation exigée par l’art. 5, une amende de 200 francs.

« Pour le dépôt d’une colonne distillatoire non déclarée, l’amende établie par le paragraphe 4 de l’art. 49 précité.

« Pour le défaut de décharge ou pour la no-reproduction dans les lieux ou dans les délais fixés des acquits à caution mentionnés à l’art. 44 de la loi du 18 juillet 1833, une amende de 20 centimes pour chaque litre d’eau-de-vie indique dans les acquits. »

- Adopté.


« Art 13. Sont modifiées :

« 1° Les dispositions des paragraphes 10 et 12 dudit art. 49, en ce sens que les mots cuves à trempe, à macération ou à fermentation qui s’y trouvent soit isolément, soit cumulativement, sont remplacés par les mots suivants : vaisseaux imposables ;

« 2° Celles du paragraphe 11 du même article, en ce sens que l’amende y établie est restreinte aux anticipations ou prolongations de moins de 12 heures. Toute anticipation ou prolongation excédant ce nombre d’heures est assimilée à un travail de macération ou de distillation sans déclaration. »

- Adopté.


« Art. 14. Sont remplacées par les dispositions ci-après celles du paragraphe 14 de l’art. 49 prémentionné :

« Pour tout travail de trempe, de macération, de fermentation, de distillation ou de rectification sans déclaration ; pour tout dépôt de matières trempées, macérées, fermentées ou en fermentation ailleurs que dans les vaisseaux désignés pour cet usage dans l’ampliation de la déclaration ; pour l’introduction de ces matières du dehors dans l’usine ; enfin pour tout fait de fraude ayant pour but de soustraire à l’impôt la matière imposée, une amende égale au quintuple du droit qui serait dû pour un travail supposé de 15 jours dans les vaisseaux déclarés et non-déclarés, en y comprenant la capacité de ceux qui ne sont pas imposables, mais dont l’usage est soumis à une déclaration.

« L’amende sera double lorsque les faits se passent ailleurs que dans les locaux où se trouvent réunis les vaisseaux compris dans la déclaration de travail. »

- Adopté.

Article additionnel

M. le président. - M. Raymaeckers propose un article additionnel ainsi conçu :

« Tout distillateur qui, à l’expiration de sa déclaration, négligera de la renouveler, sera censé continuer les travaux d’après sa déclaration précédente, et sera, sur ce pied, pris en charge d’office par le receveur jusqu’à déclaration contraire. »

La parole est à M. Raymaeckers pour développer sa proposition.

M. Raymaeckers. - Messieurs, d’après l’art. 49 de la loi du 18 juillet 1833, celui qui travaille sans déclaration encourt une forte amende, à laquelle il ne peut pas même se soustraire par la voie de transaction, puisque cette voie est proscrite par la loi. Il est arrivé souvent que le distillateur le plus exact a été soumis au paiement de cette amende, sans avoir eu la moindre intention de frauder, et par simple oubli d’avoir renouvelé sa déclaration à l’expiration du terme.

Par l’amendement que j’ai l’honneur de proposer, tous les intérêts sont conciliés. Si les distillateurs veulent cesser leurs travaux, ils devront en faire la déclaration chez les receveurs des accises ; à défaut de cette déclaration, ils seront pris d’office en charge à l’expiration de chaque terme, et leurs travaux continueront à être contrôlés et surveilles d’après la déclaration précédente.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, l’honorable M. Raymaeckers a proposé son amendement sans doute pour la plus grande facilité des distillateurs et dans leur intérêt ; mais je pense que l’honorable membre, contre son intention, présente ainsi une disposition qui leur serait plus nuisible qu’avantageuse. En effet, si un distillateur oubliait de faire une nouvelle déclaration, on continuerait à le prendre en charge peut-être pendant six mois, un an ; et après ce temps, on lui signifierait une contrainte. Il en résulterait que parce qu’il n’aurait pas renouvelé sa déclaration, il serait astreint au paiement des droits comme s’il eût continué à travailler, quoiqu’il eût cessé. Cet amendement serait donc incomplet, car il faudrait exiger qu’au bout de la quinzaine le distillateur qui ne voudrait plus distiller en fît la déclaration ; or, l’auteur de l’amendement craint l’oubli de la première déclaration, portant la continuation du travail ; et cependant il est bien plus naturel qu’il oubliât de faire la seconde qui serait une déclaration négative. En effet, celui qui ne veut plus travailler peut aisément oublier d’en faire la déclaration et les exemples du vice de semblable disposition ne seraient pas difficiles à trouver.

Dans la loi sur les vinaigres, il y a une disposition semblable à celle que propose M. Raymaeckers. L’art. 42 porte que les déclarations de travail seront censées renouvelées pour un nouveau tiers de l’année chaque fois que, durant ces quatre mois, on ne se présentera pas pour avertir qu’on cesse de fabriquer du vinaigre ; eh bien, il est arrivé que des individus qu’il n’avaient pas continué à travailler, mais qui avaient oublié de le notifier à l’administration, ont été pris en charge pour un terme de deux à trois années et c’est quand on est venu à réclamer le droit, que ces fabricants de vinaigre ont assuré n’avoir pas travaillé. Il s’est élevé alors une contestation difficile à résoudre ; car, comment justifier après deux ans écoulés que l’usine n’avait pas été du tout en activité ? Heureusement pour un de ces industriels il a été reconnu par une visite qu’avaient faite les employés, qu’à une certaine époque il ne travaillait pas et l’administration a trouvé ainsi un moyen de réduire équitablement la charge exigible.

Les distilleries étant beaucoup plus nombreuses que les vinaigres, il y aurait bien souvent des distillateurs lésés par la disposition que l’on vous propose. D’un autre côté l’administration, comment serait-t-elle au courant des travaux distillatoires, si on ne renouvelle pas les déclarations ? A moins de l’obliger à une complication de surveillance, qui faciliterait nécessairement la fraude.

Il faut remarquer, du reste, qu’il y a déjà à l’égard des inconvénients dont a parlé M. Raymaeckers, une amélioration notable dans un des articles que vous venez de voter. La tolérance pour la continuation ou l’anticipation des travaux au-delà du temps déterminé, qui n’était que d’une heure est portée à 12 heures ; de sorte que si le distillateur oublie pendant quelques heures de renouveler sa déclaration, il ne sera puni que d’une très faible amende pour les 12 premières heures. On a remédié par là, autant que possible, à la rigueur signalée par l’honorable préopinant.

M. de Brouckere. - Messieurs, le ministre s’oppose à l’amendement de M. Raymaeckers, d’abord parce qu’il serait nuisible aux distillateurs et ensuite qu’il rendrait la surveillance plus difficile à l’administration. En ce qui concerne les distillateurs, je crois que les meilleurs juges sont les intéressés eux-mêmes. Ce qui a suggère à mon honorable ami l’idée de présenter son amendement, c’est une enquête adressée à la chambre par les principaux distillateurs de Hasselt, au nombre de 19, le 21 décembre dernier. Ces distillateurs demandaient une disposition de la nature de celle qui vient d’être soumise à la chambre.

La disposition telle qu’elle est présentée, dit M. le ministre, serait incomplète ; il faudrait ordonner aux distillateurs de signaler à l’administration qu’ils cessent de travailler. Cela n’est pas nécessaire ; quand le distillateur aura cessé de travailler et n’aura pas fait de déclaration, il sera censé avoir travaillé pendant la quinzaine, et paiera le droit pendant cette quinzaine. Mais il ne le paiera pas pendant plusieurs quinzaines, parce que les employés, ne restant pas 15 jours sans se présenter dans une usine, ne manqueront pas, en y allant, de donner au distillateur avis de la position dans laquelle il se trouve. Pour ce qui concerne les intérêts des distillateurs, il est évident que la proposition leur est favorable.

Le ministre craint ensuite que la surveillance ne soit rendue plus difficile par cette disposition.

Je ne puis concevoir en quoi la surveillance serait plus difficile. Il y a une première déclaration faite ; tant qu’elle n’a pas été révoquée, le distillateur est censé travailler selon cette déclaration. S’il ne continue pas à travailler, au premier avis des employés il la révoquera : et il gagnera beaucoup à ce changement ; car, d’après la disposition existante aujourd’hui, le distillateur qui oublie de renouveler sa déclaration est condamné au quintuple du droit, qui est une peine très sévère. En admettant la proposition, il n’aura qu’une fois le droit à payer pendant 15 jours, parce que s’il cesse de travailler, les employés dans la quinzaine lui donneront avis de la position dans laquelle il se trouve. Je pense que l’intérêt du distillateur exige que nous adoptions l’amendement proposé, et que cet amendement ne peut pas nuire à la surveillance.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois contester ce qu’a dit l’honorable préopinant, que les distillateurs, par l’amendement proposé, ne seraient jamais exposés à payer le droit que pendant une quinzaine ; rien dans l’amendement ne le détermine ; les employés ne sont nécessairement obligés à aller tous les 15 jours chez un distillateur, ils surveillent plus spécialement ceux qu’ils croient le plus enclins à la fraude, et ils pourraient rester un mois et plus sans se présenter dans certaine usine. D’ailleurs pour quinze jours ils paieraient 15 fois le droit au lieu de 5, selon la supposition de M. de Brouckere. Cet amendement serait donc nuisible aux distillateurs. Il serait du reste incomplet, comme je l’ai déjà dit, il faudrait qu’il renfermât une disposition par laquelle le distillateur serait tenu à faire une déclaration pour ne pas travailler, c’est-à-dire une déclaration négative. Or, évidemment il oublierait bien plus facilement de faire une déclaration de cessation que de continuation de travaux, parce qu’alors on ne pense plus à son usine, on n’y rentre plus.

Les oublis qui ont préoccupé l’honorable M. Raymaeckers ont été très rares. Il y a eu très peu de procès-verbaux de contraventions de ce genre, et quand il a été bien reconnu qu’il y avait eu oubli réel, et non volontaire, le Roi a fait la remise de la peine. Cela est arrivé, je crois, deux ou trois fois en trois ans.

La mesure proposée ne s’appliquerait donc qu’à un petit nombre d’exceptions, et il est de principe qu’une loi doit être générale et renfermer le moins d’exceptions possible.

M. de Brouckere. - Messieurs, le ministre raisonne comme si le distillateur resté en demeure de renouveler sa déclaration n’était passible que du quintuple du droit qu’il devrait payer par jour ; mais c’est le quintuple du droit pour un travail supposé de 15 jours. Il faudrait donc, pour que le distillateur fût, avec l’amendement proposé, dans la position où le met le système du gouvernement, qu’il restât cinq quinzaines sans renouveler sa déclaration.

M. Desmet. - Je dois appuyer l’amendement de M. Raymaeckers, qui est à l’avantage des distillateurs, et ne peut faire aucun tort au fisc. Il y a eu un exemple frappant, qui s’est passé il y a quelques mois, et qui prouve l’utilité de cet article. Une grande distillerie des environs de Bruxelles avait oublié de renouveler sa déclaration ; on s’en aperçut au milieu des opérations ; que fit-on ? On jeta les matières à la rivière avec perte. Vinrent les employés pour verbaliser mais heureusement les matières avaient été jetées à temps. Eh bien s’il n’y avait pas eu obligation de faire de déclaration, il n’y aurait pas eu perte de la quantité de matière à distiller.

Mais les employés, mécontents qu’ils avaient perdu leur proie, que firent-ils dans leur mauvaise humeur ? ils se rendirent de suite vers la demeure du receveur du canton pour s’assurer si la déclaration n’était pas encore renouvelée : chemin faisant, ils rencontrèrent le domestique du distillateur qui revenait avec le renouvellement de la déclaration ; l’accostant et voyant qu’il l’avait en main, ils la lui enlevèrent et la déchirèrent en pièces.

Messieurs, je vous cite ce fait, pour vous faire voir ce que vous aurez à attendre de la loi fiscale qui a été votée hier. Dès qu’il y a matière à exercer, soyez certains que les vexations suivront de près.

Je dis que le fisc ne perdra rien par l’adoption de cet amendement, et que les distilleries y gagneront beaucoup pour leurs libertés.

Et quand M. le ministre allègue que c’est dans l’intérêt des distillateurs que le renouvellement soit déclaré rigoureusement, je vous prie, messieurs, ne soyez pas dupes, car je puis vous assurer que tous les distillateurs font la même demande que celle que contient l’amendement de l’honorable M. Raymaeckers ; il la demandent afin qu’un simple oubli ne soit pas puni d’une amende de quelques mille francs ; et, messieurs, il est tellement nécessaire que ce rigorisme soit rayé de la loi, que dans ce moment les employés visitent continuellement les bureaux des receveurs pour s’informer si les déclarations se trouvent renouvelées et guetter leur proie pour pouvoir l’atteindre.

M. Berger. - J’ai pensé au premier abord que l’on pouvait adopter l’amendement de l’honorable M. Raymaeckers. Cependant les observations fort exactes que vient de présenter M. le ministre des finances m’ont fait changer de manière de voir. L’honorable M. Raymaeckers dit qu’il n’y a pas à craindre que cet amendement soit préjudiciable aux distillateurs puisqu’eux-mêmes en demandent l’adoption. A cet égard il faut faire une observation assez importante. Je conviens que l’amendement est favorable à une certaine classe de distillateurs ; mais il n’en est pas moins vrai qu’il serait préjudiciable à une classe de distillateurs beaucoup plus nombreuse. Je comprends que pour les distillateurs de Hasselt, qui travaillent toute l’année, il serait commode de ne déclarer que la première quinzaine de travail, et d’être dispensés de renouveler cette déclaration à chaque quinzaine.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On peut faire la déclaration pour quatre séries, et par conséquent pour deux mois.

M. Berger. - Cette faculté ôte tout embarras aux distillateurs qui travaillent toute l’année ; d’un autre côté, l’amendement obligerait tous les distillateurs agricoles qui ne veulent travailler que pendant deux quinzaines, à faire deux déclarations au lieu d’une. Car ces distillateurs qui maintenant sont obligés de déclarer seulement au commencement de leur travail, serait obligés d’en déclarer en outre la cessation. Or, si l’on suppose que l’on peut oublier la première déclaration, on supposera bien sans doute qu’on peut oublier la seconde.

Tout le monde, sans doute, est censé connaître la loi. Mais si la chambre adopte l’amendement, je suis persuadé que les distillateurs agricoles ne connaîtront la loi qu’au moyen des procès-verbaux qui leur seront faits.

Je crois qu’il vaut mieux s’en tenir à la législation existante.

M. Coghen - J’ai demandé la parole parce que je ne puis appuyer l’amendement proposé par M. Raymaeckers.

Le fait cité par l’honorable M. Desmet n’est que trop vrai. On avait oublié une déclaration ; le fabricant fut obligé de sacrifier les matières en infraction. Cela est très exact. Il n’y avait aucun intérêt, ni même aucune possibilité de fraude. Je crois que les tribunaux auront égard à cela.

Si l’on était obligé d’après la loi à faire une déclaration par huitaine de travail, je reconnais que cela pourrait offrir des inconvénients, et que les distillateurs pourraient quelquefois oublier la déclaration ; mais le paragraphe 12 de l’art. 6 permet de faire la déclaration pour quatre séries de quinze jours consécutifs ; il y aura donc assez de latitude dans la loi pour qu’on n’adopte pas la proposition de M. Raymaeckers qui pourrait dans tous les cas tourner au préjudice des distillateurs.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ajouterai encore une courte observation pour faire sentir les inconvénients de l’amendement : c’est qu’il est contraire aux principes d’une bonne comptabilité ; attendu que la prise en charge doit être établie à jour fixe dans un registre à ce destiné, et que sans cela on laisserait cette prise en charge à l’arbitraire du receveur, qui pourrait, s’il n’était pas honnête homme, inscrire la déclaration pour une quinzaine et laisser l’autre de côté, chose dont il importe d’éviter la possibilité.

Comme vient de le faire remarquer l’honorable préopinant, la déclaration est permise pour 4 séries de 15 jours consécutifs. Les distillateurs qui travaillent toute l’année n’ont donc que 6 déclarations à faire par an : ce n’est assurément pas une gêne bien grande.

- La disposition additionnelle proposée par M. Raymaeckers est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.

Article additionnel

M. Scheyven. - D’après les lois en vigueur la circulation ou le transport des eaux-de-vie dans le rayon des douanes ne peut avoir lieu qu’accompagnées de documents d’acquits à caution ou de permis ; cette mesure, introduite évidemment pour prévenir ou empêcher la fraude, n’en est pas moins vexatoire ou gênante pour les distillateurs qui demeurent près la frontière, et qui y font les transports. C’est ainsi que tous les distillateurs du district de Ruremonde sont assujettis à ces formalités dont ceux qui sont établis dans l’intérieur du pays sont exempts ; cependant ce n’est pas contre une mesure semblable que je viens m’élever, parce que je la crois nécessaire pour empêcher la fraude. Mais d’après l’art. 47 de la loi du 18 juillet 1833 sur les distilleries, on exige un droit pour le transport ou la circulation des eaux-de-vie ; voici comme il est conçu : « Le coût des acquits à caution et des autres permis nécessaires au transport et à la circulation des eaux-de-vie sera de 50 centimes pour un à 10 hectolitres et d’un franc pour toute quantité supérieure. »

Je pense qu’il conviendrait de supprimer le droit qui pèse exclusivement sur ceux qui circulait dans les rayons et surtout sur les petits distillateurs du Limbourg, ils sont déjà assez à plaindre d’être tenus de se soumettre à toutes ces formalités, et ce serait certainement trop exiger d’eux, que de continuer à leur faire payer un droit dont sont affranchis ceux qui dont des transports dans les autres parties du pays, pour lesquels des documents ne sont pas exigés.

Je proposerai en conséquence la disposition additionnelle suivante :

« Les acquits à caution et autres permis nécessaires au transport et à la circulation des eaux-de-vie sont exempts de timbre et délivrés gratis. »

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Veuillez vous rappeler, messieurs, que dans la loi de 1833, on a opéré une réduction énorme sur les quittances des droits, et l’on voudrait maintenant faire encore de nouvelles réductions sur le coût des acquits à caution qui, à cette époque, étaient aussi frappés d’un droit bien plus élevé qu’aujourd’hui.

Un droit fixe de 50 centimes lorsqu’il s’agit de transporter dix hectolitres dans le territoire réservé, et d’un franc lorsqu’il s’agit d’une quantité supérieure à 10 hectolitres, est sans doute fort peu de chose. Alors encore on a stipulé que les passavants seraient délivrés gratis. Les réductions faites en 1833 sont considérables, puisque le timbre collectif était un additionnel de 10 p. c.

Pour vous prouver combien sont faibles les droits de quittances et autres, à présent, il me suffira de dire qu’ils ont produit :

En 1834, 4,964

En 1835, 4,693

En 1836, 4,519

Je demande si pour un pareil droit, imposé sur une fabrication qui produit peu, mais enfin qui produit 2,000,000 ou trésor, c’est la peine de changer ce qui est établi dans la comptabilité de l’administration.

S’il s’agissait de quittances et permis comme ceux qui existaient sous la législation précédente, je comprendrais qu’on en demandât l’exemption ; à cette époque elles rapportaient jusqu’à 400,000 fr. ; mais aujourd’hui que ces mêmes documents ne coûtent plus en totalité qu’environ 40,000 fr., faut-il, pour un droit aussi minime, apporter des changements dans l’organisation de notre comptabilité.

M. Scheyven. - Ce que vient de dire M. le ministre des finances prouve que le droit est trop élevé : les motifs qui ont fait diminuer le droit précédemment doivent vous le faire diminuer encore aujourd’hui. Pourquoi les distillateurs de la frontière supporteraient-ils un droit que ne supportent pas les autres distillateurs ? Ce sont eux seuls qui supportent les droits dont M. le ministre des finances a fait connaître le montant.

M. Brabant. - Les permis de circulation, exigés pour le territoire réservé, sont une mesure de précaution dans l’intérêt du trésor, et une mesure dans l’intérêt des distilleries qui se trouvent dans le rayon réservé. C’est une mesure dans l’intérêt du trésor, en ce sens que les eaux-de-vie étrangères ne peuvent circuler puisqu’elles ne peuvent obtenir un permis de circulation ; par la même raison, elle est en faveur des distillateurs de la frontière qui sont plus exposés que d’autres à la concurrence résultant de l’infiltration des eaux-de-vie étrangères. Il est juste que le surcroît de besogne, résultant pour l’administration de la délivrance de ces permis, soit compensé par un droit à la charge des distillateurs. Et sans doute l’on ne trouvera pas trop considérable le droit de 50 centimes pour la quantité de 1 à 10 hectolitres et le droit d’un franc pour la quantité qui dépasse 10 hectolitres.

- La disposition additionnelle proposée par M. Scheyven est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.

Article premier

M. le président. - Nous allons passer à l’article 1er. Il est ainsi conçu :

« Art. 1er. Les dispositions des art. 1, 3,14, 29, 30, 51, ainsi que celles du premier paragraphe de l’art. 2, du deuxième paragraphe de l’art. 5, du premier paragraphe de l’art. 15, des neuvième et quatorzième paragraphes de l’article 49 de la loi du 18 juillet 1833, sont abrogés et remplacés par les articles suivants : »

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous viendrons après à l’art. 15 qui déterminera l’époque où loi sera obligatoire.

Quant à l’article premier, je prie la chambre de remarquer qu’il renferme une disposition qui peut donner lieu à contestation : l’article 51 de la loi de 1833 abroge la faculté de transiger qui auparavant était accordée à l’administration ; si vous voulez rétablir la voie de transaction entre l’administration et le distillateur, il faut conserver l’article premier du projet en son entier, sinon supprimer la mention de l’art. 51.

M. Berger. - La question relative à la faculté de transiger entre l’administration et le distillateur pris en contravention, a été agitée en 1833, et a donné lieu à d’assez longs débats, et je pense que les motifs qui ont, alors, fait rejeter la voie de transaction, subsistent encore aujourd’hui. A cette époque, le rapporteur s’exprimait ainsi : « La faculté de transiger sur les contraventions a été une source abondante de vexations et de fiscalités odieuses ; introduite dans l’intérêt du contribuable, on a constamment tourné cette faculté contre lui ; elle était devenue un appât à la fraude, une source de scandale ; et une cause de démoralisation pour l’agent du trésor comme pour le contribuable… »

Vous voyez, messieurs, que deux principaux motifs avaient engagé la commission à écarter de la loi de 1833 la faculté de transaction. Elle a cru que cette faculté pouvait devenir pour le distillateur un appât à la fraude. Et, en effet je pense que les distillateurs qui se trouvaient en présence de fonctionnaires avec lesquels ils pouvaient transiger, étaient plus portés à éluder la loi que lorsqu’ils se trouvaient en présence d’un tribunal, ou en présence de juges qui doivent l’appliquer sévèrement.

En second lieu je crois que ces transactions pourraient être une cause de démoralisation pour les employés eux-mêmes. J’ai remarqué que les employés sont plus facilement portés à dresser procès-verbal de contravention, lorsqu’ils savent que dans le doute les distillateurs, en s’adressant à l’administration, en seront quittes pour une légère indemnité. Mais quand les employés dressent un procès-verbal qui sera porté devant les tribunaux, ils ne verbalisent pas pour les cas douteux. A cet égard il me semble que le système actuel ou de la loi de 1833 assujettit bien moins les distillateurs à des vexations que le système de transaction.

Cependant le système de transaction avait son bon côté. On peut encourir des pénalités fiscales pour fait de fraude, mais aussi pour fait d’omissions, d’oublis de certaines formalités ; dans ces cas la faculté de transiger est dans l’intérêt du distillateur. Ces cas, il est vrai, sont rares, et les contraventions sont les plus fréquentes. Le système de transaction entraînant donc plus d’inconvénients que d’avantages, je m’oppose au changement proposé dans l’art. 1er par le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Par notre proposition nous avions cru introduire une amélioration en faveur des distillateurs ; mais puisque la commission a été unanime pour ne pas admettre cet amendement à la législation de 1833 et que les distillateurs (ils doivent être bons juges dans cette question) préfèrent passer devant les tribunaux quand ils sont prévenus de contravention, je n’insisterai pas pour le maintien de la disposition. L’administration n’a pas d’intérêt à demander la faculté de transiger ; c’était par devoir qu’elle en avait réclamé le rétablissement, croyant faire par là chose utile uniquement au contribuable.

Je déclare donc ne pas m’opposer à l’opinion de la commission appuyée par M. Berger.

- Le chiffre 51 est supprimé dans l’article premier,

L’article 1er, après cette suppression, est adopté.

Article 15

M. le président. - L’art. 15 est ainsi conçu :

« La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation.

M. Andries. - Je voudrais qu’on rassemblât en une seule loi toutes les dispositions relatives aux distilleries, car on conserve beaucoup de la législation existante.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Lorsque la loi en délibération aura été votée, je me propose d’y réunir les articles conservés de l’ancienne loi, en les faisant imprimer dans un même texte, de façon que chacun puisse se procurer toutes les dispositions en vigueur en un seul volume. Si l’on adoptait la proposition de M. Andries, il faudrait mettre en discussion tous les articles de l’ancienne loi, et cette loi est longue ; elle a 55 articles, cela nous mènerait trop loin.

Il sera plus convenable, me semble-t-il, de faire imprimer simplement dans le Bulletin officiel, à côté de la loi nouvelle, et comme annexe, tous les articles conservés de la loi de 1833.

Messieurs, je déclare retirer comme inutile l’art. 15 relatif au délai à partir duquel la loi sera obligatoire, et m’en référer au délai ordinaire qui résulte de la promulgation.

Article additionnel

M. le président. - Il reste, messieurs, une proposition faite par M. Andries.

M. Andries. - Messieurs, j’avais rédigé ma proposition dans l’intention de satisfaire au désir de plusieurs membres de l’assemblée, qui voyaient dans l’établissement de la patente une ressource pour le trésor public et un moyen de diminuer les excès de boisson qui ont lieu parmi le peuple ; l’adoption de l’art me semble avoir satisfait aux intérêts du fisc. Mais il me paraît aussi que le but moral dont on a tant parlé depuis cinq jours a été complètement perdu de vue, puisque nous sommes arrivés à la fin de la loi, et il n’y a pas un seul article qui ait rapport à ce but moral : je crois que par suite de la loi telle qu’elle est maintenant votée, rien ne sera change à l’état actuel des choses en ce qui concerne la morale publique ; les excès dont on s’est plaint à si juste titre auront lieu comme auparavant. Le seul moyen d’y porter remède, c’est de frapper d’un droit de patente de patente assez élevé toutes ces cantines, ces nombreuses échoppes où le peuple va s’enivrer ; telle est du moins mon opinion. Je demanderai à M. le ministre des finances s’il croit avoir atteint le double but qu’il s’est proposé, le but financier et le but moral ; et si dans le cas qu’il n’aurait atteint que le premier but, et telle est l’opinion générale, il se propose de faire quelque chose dans l’intérêt de la morale publique.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai déjà déclaré, messieurs, la première fois que j’ai parlé dans cette discussion, que je ne croyais pas que sous le rapport moral, la loi produise l’effet désirable ; j’ai déjà dit qu’en partant des bases les plus larges on ne pouvait évaluer le droit tel qu’il résulterait de la loi, qu’à 10 centimes le litre, et que ce droit est tellement faible qu’il ne peut guère arrêter les excès de boisson ; j’avoue donc avec l’honorable M. Andries, que sous ce rapport il faut tâcher de trouver d’autres moyens que la loi qui vient d’être votée, aussi je prends volontiers l’engagement de méditer sur ces moyens, de rechercher si l’on pourrait convenablement, politiquement imposer une patente suffisante aux débitants de boissons spiritueuses, aux cabaretiers et aux distillateurs eux-mêmes. Cette question mérite d’être examinée mûrement, car l’honorable M. Andries reconnaîtra sans doute que son amendement, tel qu’il est rédigé, n’est pas de nature à être adopté ; je suis même porté à croire qu’il ne l’a présenté que dans l’intention de provoquer une discussion sur ce point.

M. Andries. - D’après la promesse que vient de faire M. le ministre des finances, et dans l’espoir qu’il pourra bientôt nous soumettre une mesure qui amène une diminution notable dans les abus de boisson, je retire ma proposition.

- La séance est levée à 4 heures et demie.