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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 30 janvier 1837

(Moniteur belge n°31, du 31 janvier 1837 et Moniteur belge n°32, du 1er février 1837)

(Moniteur belge n°31, du 31 janvier 1837)

(Président de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart.

M. Kervyn lit le procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« L’administration communale et 107 habitants de la commune de Gerpinnes demandent l’annulation des concessions de mines de fer. »


« Le sieur Vincent de Camberlain, chevalier de l’éperon d’or, habitant Beveren, né en Italie, demande la naturalisation ordinaire. »


« Le sieur H. Renaud, né à Rotterdam en 1814, et habitant la Belgique depuis l’âge de 5 ans, demande la naturalisation. »


« Des propriétaires et intéressés dans des fabriques de sucre de betterave établies dans la province de Hainaut, déclarent adhérer aux motifs énoncés dans le mémoire rédigé par les fabricants de sucre de betterave. »


M. Pirmez demande que la pétition relative aux mines de fer soit imprimée dans le Moniteur, afin qui tout le monde puisse en prendre connaissance, avant la discussion de la loi sur les mines.

M. Fallon. - Il existe au ministère de l’intérieur une commission chargée de l’examen de la question agitée dans la pétition ; il faudrait la lui renvoyer.

M. le président. - Veut-on le renvoi au ministre de l’intérieur ?

M. Fallon. - Je fais une observation à M. Pirmez ; je ne fais pas de proposition formelle.

M. Pirmez. - C’est parce qu’il sera impossible d’obtenir un rapport sur cette pétition avant la discussion sur les mines que j’ai demandé son impression dans le Moniteur.

M. Frison. - Il me paraît que l’on atteindrait plus facilement le but que l’on se propose en renvoyant la pétition au ministre des travaux publics.

M. Pirmez. - Je ferai remarquer que dans tous les cas le rapport ne parviendra qu’après la discussion de la loi sur les mines.

M. Dubus (aîné). - Je crois qu’il s’agit d’une pétition sur les mines ; je crains fort que les demandes d’impression n’aient un effet tardif si l’impression ne doit avoir lieu qu’après les rapports. Le projet sur les mines est à l’ordre du jour ; que signifierait l’impression d’une pétition après la discussion ? Si quelques membres croient que la pétition doit être imprimée séparément, et distribuée, j’y consens.

Il s’agit d’une question très grave ; il faut s’entourer de tous les documents propres à l’éclairer.

M. Desmanet de Biesme. - La pétition dont il s’agit n’a pas trait particulièrement au mines de houille ; elle a trait aux minerais de fer ; je demanderai qu’elle soit renvoyée au ministre des travaux publics, afin qu’il la communique à la commission créée dans son ministère et qui s’occupe des déchéances.

- Le renvoi de la pétition au ministre des travaux publics est mis ans voix et ordonné.

L’impression de la pétition au Moniteur est également ordonnée.

Une pétition relative aux mines, et présentée dans une séance précédente, sera également imprimée dans le Moniteur d’après décision de la chambre.

Projet de loi qui autorise le gouvernement à accorder remise des droits d’entrée sur des mécaniques et ustensiles

Rapport de la section centrale

M. Duvivier, au nom d’une section centrale, dépose sur le bureau de la chambre le rapport sur le projet de loi relatif à l’entrée en franchise de tous droits des ustensiles et des machines des fabricants qui veulent s’établir en Belgique.

L’honorable rapporteur, attendu que la loi existante sur le même objet expire le 22 du mois de février, demande que la discussion de ce projet ait lieu après la délibération sur le budget des affaires étrangères et de la marine.

Quelques membres. - Après les mines !

M. Eloy de Burdinne. - Mais si nous retardons la discussion de la loi sur l’entrée des machines après l’adoption des budgets, elle ne sera pas portée, en février ; admettons la proposition de M. Duvivier.

- La chambre fixe la discussion de ce projet après celle du budget des affaires étrangères et de la marine.

Projet de loi concernant la taxe des barrières

Rapport de la section centrale

M. Duvivier, comme organe d’une autre section centrale, dépose encore sur le bureau un rapport sur le projet de loi concernant les barrières.

- La chambre fixera ultérieurement la discussion de ce projet.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1837

M. Heptia, rapporteur de la section centrale qui a examiné le budget du ministère de l’intérieur, dépose son travail sur le bureau de la chambre.

- L’impression en est ordonnée.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l'exercice 1837

Discussion générale

M. le président. - La discussion continue sur l’ensemble du budget.

La parole est à M. de Brouckere.

M. de Brouckere. - Messieurs, à la fin de la dernière séance j’ai demandé à pouvoir dire quelques mots. Mais le ministre des finances ayant annoncé que si je parlais, il me répondrait, la chambre a décidé que la discussion serait renvoyée à la séance de ce jour.

Si j’ai insisté pour pouvoir présenter à la chambre les observations que j’avais à lui soumettre, je dois lui dire que ces observations n’avaient pas pour but de rentrer dans la discussion, Je voulais uniquement faire remarquer à la chambre que M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères ne m’avait pas réfuté. Maintenant la chambre désire-t-elle que la discussion continue ? je suis prêt à répondre en peu de mots au ministre. Si la chambre trouve au contraire que la discussion a été assez longue, je me soumettrai à garder le silence. C’est à la chambre à décider. (Parlez ! parlez !)

La chambre veut bien y consentir, je parlerai.

Ainsi que je viens de le dire et comme vous l’avez déjà reconnu vous-mêmes, M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères, qui a parlé immédiatement après moi, ne m’a en aucune manière réfuté. Il a senti qu’il convenait de ne pas laisser mon discours sans réponse et pour mettre les apparences de son côté, ou plutôt, comme j’aime à le croire, sans que ce soit son intention, au lieu de me répondre, M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères m’a prêté différentes choses que non seulement je n’avais pas dites, mais auxquelles je n’avais pas même pensé.

Ainsi M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères a prétendu que l’avais insinué qu’il était un ambitieux, et il a pris texte de cela pour prouver qu’il n’était pas un ambitieux, pour en appeler à cet égard au témoignage de ses collègues. Mais j’en appelle à vous, messieurs. Je ne me suis pas permis sur ce point la plus légère insinuation. Il était inutile que M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères se disculpât d’une accusation que je n’avais pas lancée contre lui. Je reconnais et je reconnais avec plaisir que M. le ministre n’est pas un ambitieux. Je reconnais même, si l’on veut, que c’est par dévouement et par résignation qu’il a consenti à se charger de deux ministères. Mais je me permets de répéter ce que j’ai dit, c’est qu’à mes yeux cette résignation, ce dévouement, sont une résignation et un dévouement mal entendus et contraires aux intérêts du pays.

J’ai prononcé le mot de « ambitieux, » cela est vrai ; mais ç’a été pour faire sentir à la chambre que l’antécédent posé à l’occasion de la recomposition du ministère pouvait être dangereux si, quelque jour, venait au pouvoir un homme ambitieux qui s’appuyât sur cet antécédent pour réunir en ses mains différents ministères et exploiter ainsi le gouvernement à son profit. Voilà ce que j’ai dit ; et ceci n’a rien de personnel à M. le ministre de l’intérieur ; et je puis dire de plus que, dans toutes les paroles que j’ai prononcées à la séance de samedi, il n’y a pas un mot dont M. le ministre ni aucun de ses collègues puissent être blessés.

Le même orateur a prétendu ensuite que j’avais soutenu que l’ont était en souffrance au ministère des affaires étrangères. Je citerai, à cet égard, ses propres paroles ; il s’est exprimé ainsi :

« Vous avez dit que telle et telle chose n’avaient pas été faites ; je répondrai : Ces choses ont pu être faites ou elles n’ont pu l’être ; si elles ont pu être faites, elles pourront encore l’être ; dans le cas contraire, on ne gagnerait rien à laisser le département des affaires étrangères former un ministère séparé. »

C’est un dilemme que M. le ministre a voulu présenter ; et certes en logique un dilemme est un excellent argument ; mais la première condition d’un bon argument c’est d’être clair. Or, j’avoue que je n’ai pas compris le dilemme du ministre, et ne m’en rapportant pas à ma propre intelligence, j’ai consulté des personnes auxquelles je connais plus de sagacité, et elles n’ont, pas plus que moi, compris ce qu’a voulu dire le ministre

« Vous avez dit que telle et telle chose n’avaient pas été faites ; je répondrai : Ces choses ont pu être faites ou elles n’ont pu l’être ; si elles ont pu être faites, elles pourront encore l’être ; dans le cas contraire, on ne gagnerait rien à laisser le département des affaires étrangères former un ministère séparé. »

Voilà le dilemme, et le ministre conclut qu’on a bien fait de supprimer le ministère des affaires étrangères. Je vous abandonne les paroles du ministre. Peut-être quelqu’un plus heureux que moi trouvera moyen d’y répondre. Pour moi, j’y renonce,

Enfin M. le ministre m’a reproche d’avoir cherché un côté plaisant dans la recomposition du cabinet. Je ne sais si j’y ai trouvé un côté plaisant, mais je sais que je ne l’ai pas cherché.

Il doit donc s’être présenté de lui-même.

Je ne puis pas me dissimuler qu’il y a quelque chose de plaisant à voir former un « ministère monstre, » composé des deux départements les plus importants, et à côté de cela un tout petit ministère (on rit), qui pouvait être le partage d’une direction ou d’un fonctionnaire placé en dessous d’un ministre.

D’ailleurs, si j’avais voulu être plaisant, aussi bien que je ne l’ai pas voulu, je vous aurais conté une petite anecdote que je tiens d’une bonne source et que cependant je ne garantis pas comme certaine, parce que je ne donne cette garantie que pour ce que j’ai vu par moi-même. Enfin l’on m’a assuré que l’honorable M. de Theux qui, lorsqu’il s’adresse à la chambre ou aux fonctionnaires de l’administration se qualifie de ministre de l’intérieur et des affaires étrangères, change son titre quand il s’adresse aux agents extérieurs ou, à des fonctionnaires résidant à l’étranger, et ne s’appelle plus alors le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères, mais le ministre des affaires étrangères et de l’intérieur. (On rit.)

C’est parce que ceci a quelque chose de plaisant que je n’avais pas voulu le dire, jugeant l’objet de la discussion trop sérieux et si je raconte maintenant cette anecdote, c’est le ministre lui-même qui en est cause.

Enfin si la recomposition du ministère a un côté plaisant, elle a aussi un côté très sérieux, très grave ; et c’est plutôt de ce côté que j’aime à traiter les questions.

Je répète, comme je l’ai dit dans la séance de samedi, que l’on a commis une maladresse et même une inconvenance en supprimant le ministère des affaires étrangères ; car quoi qu’a en ait dit, ce ministère est supprimé. Je vais même plus loin et je prétends que si le ministère des affaires étrangères n’avait pas existé jusqu’ici, il faudrait le créer : et, en effet, je vous ai prouvé qu’il y avait au ministère des affaires étrangères assez de choses à faire pour que ce ministère soit, sinon l’occupation unique, au moins l’occupation principale d’un homme d’Etat.

Je vous ai rappelé qu’il n’existait aucun traité avec la Hollande, qu’il importait que tous les soins d’un ministre des affaires étrangères soient employés afin de hâter le moment où ce traité pourra être fait.

Je vous ai fait voir qu’il existait encore des pays qui ne nous avaient reconnus qu’un instant, et qui ne voulaient plus entrer avec nous en relations.

Je vous ai démontré que parmi les puissances avec lesquelles il nous importait le plus de vivre en bonne harmonie, il en est qui, si elles ne se refusent pas à nous reconnaître, n’ont pas du moins avec nous des relations de bien bonne amitié.

Je vous ai rappelé que plusieurs des agents diplomatique qu’il est question d’établir dans différents pays ne sont pas encore nommés, et que nous ignorons même s’ils seront reconnus.

Vous voyez donc qu’il y a beaucoup à faire au département des affaires étrangères, et qu’il importe qu’un homme spécial plus ou moins initié, par la nature de ses études, à tout ce qui concerne la diplomatie, soit chargé de la direction du département des affaires étrangères ; et nous voyons le ministre de ce département chargé en même temps d’autres attributions qui elles-mêmes suffisent ou à peu prés pour absorber tous ses moments.

Mais, me dit-on, vous voulez donc que le département des affaires étrangères soit exclusif ; et cependant vous voulez l’on y rattache certaines branches de l’administration intérieure. Mais je n’ai jamais dit que le ministère des affaires étrangères dût être exclusif. J’ai dit qu’il doit faire le premier objet qui occupe les soins et les moments d’un ministre. Mais après cela rien n’empêche d’y rattacher quelques branches des autres ministères. La preuve que la chambre partage mon opinion à cet égard, c’est que depuis plusieurs années elle a placé la marine dans les attributions du ministre des affaires étrangères

J’ai ajouté que l’on pourrait plutôt charger de l’industrie et du commerce le ministre des affaires étrangères ; il importe en effet que ces attributions soient réunies, car le ministre des affaires étrangères est chargé des consulats. Qu’on y joigne, je le répète, le commerce et l’industrie, et l’on fera quelque chose de très logique. Il n’y aurait à cet égard aucune réclamation.

« On avait demandé spécialement, à plusieurs reprises, que le commerce fût réuni au département des affaires étrangères, parce qu’on espérait que de cette manière le ministre des affaires étrangères pourrait donner plus de soins à nos intérêts commerciaux ; mais d’un autre côté, on objectait que les affaires du commerce se lien aussi très intimement au département de l’intérieur, de manière que les opinions étaient partagées sur la convenance de réunir le commerce au département des affaires étrangères ou de le laisser réuni à celui de l’intérieur ; par la combinaison qui vient d’être adoptée, les deux opinions doivent être satisfaites puisque le commerce se trouve maintenant annexé aux départements. »

Messieurs, poussez ce raisonnement jusqu’à ses dernières conséquences, et vous en viendrez à réunir tous les ministères dans une même main ; vous avez un ministère à peu près semblable à celui de don Carlos (on rit) ; je ne pense pas que l’honorable M. de Theux veuille prendre sur lui de diriger les cinq ministères qui existent en Belgique.

Vous voyez donc que la réponse qu’il m’a faite est insignifiante à cet égard, et qu’elle ne prouve absolument rien,

On en a appelé à l’exemple de pays voisins, et l’on a dit que dans ces pays il arrivait souvent qu’une division d’un département passait dans un autre ; c’est apparemment de la France qu’on a voulu parler : mais moi-même j’ai dit que je ne voyais pas d’inconvénient à cela, j’ai cité l’exemple de ce qui avait eu lieu chez nous : l’exemple de la police qui, de la justice est passée à l’intérieur ; celui des bureaux de bienfaisance, qui de l’intérieur ont passé à la justice, Il n’y pas là de grands inconvénients ; mais quelle ressemblance y a-t-il entre de semblables mutations et la suppression d’un ministère tout entier ?

La preuve que je ne vois pas de grands inconvénients dans ces mutations, c’est que moi-même j’en ai réclamé ; c’est que moi-même j’ai demandé que l’on fît passer des attributions de l’intérieur à celles des affaires étrangères, le commerce et l’industrie.

Enfin, messieurs, j’examinerai ce qui a été allégué relativement aux prérogatives royales.

On a prétendu que j’avais en quelque sorte porté atteinte aux prérogatives royales. Au Roi appartient la nomination des ministres ; au Roi et au Roi seul appartient le droit de partager entre eux les différentes attributions gouvernementales. Messieurs, je ne crois pas que ce soit sérieusement que l’on ait voulu m’adresser le reproche d’avoir cherché à porter atteinte à la prérogative royale. Je puis d’abord dire comme un fait que l’on ne contestera pas, c’est que jamais je n’ai cherché à porter atteinte à aucun pouvoir quel qu’il soit, et que je les ai toujours respectés. Oui, au Roi appartient le droit de nommer ses ministres ; et je reconnais qu’à lui seul appartient le droit d’en régler les attributions ; mais aux chambres appartient, en dernière analyse, la censure directe ou indirecte de ces nominations et de ces partages d’attributions.

Ainsi, si nous voyons au banc des ministres un homme qui n’ait pas notre confiance, nous n’avons pas le droit de lui dire : « Vous cesserez d’être ministre ; » mais la chambre a le droit de rejeter le budget de son département, ou de rejeter les lois qu’il présenterait et de le forcer à se retirer. Eh bien, ici, il en est de même : nous n’avons pas le droit de déclarer directement que les choses doivent retourner à leur ancien état, mais nous aurons celui d’émettre des votes qui signifieront assez que la combinaison ministérielle ne convient pas à la chambre, que cette combinaison n’est pas dans l’intérêt du pays ; que la chambre partage l’opinion que j’ai exposée, que l’intérêt du pays n’a pas été consulté, et qu’on a uniquement consulté les convenances particulières.

Faudra-t-il dans les circonstances actuelles rejeter le budget des affaires étrangères et de la marine ? La chambre en décidera ; mais je ne crains pas de le dire, quand elle n’en viendrait pas à cette extrémité, parce que nous n’avons pas l’habitude de rejeter des budgets pour des questions de gouvernement, avant peu de jours, cependant, il se présentera une occasion d’émettre un vote significatif, et par lequel la chambre montrera clairement si elle entend approuver la suppression du ministère des affaires étrangères et la création d’un autre ministère.

Je bornerai là mes observations, et je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit relativement au cartel passé entre le gouvernement belge et le gouvernement prussien pour l’extradition. Je reste convaincu que l’article 6 de la loi sur les extraditions n’a pas été observé, et je m’arrêterai ici.

M. Desmanet de Biesme. - Je n’ai que quelques courtes observations à présenter relativement à la division opérée dans les attributions du ministère de l’intérieur. Quant à moi, loin de blâmer cette direction, je l’approuve ; et dans d’autres occasions je l’ai provoquée. Le ministre de l’intérieur est tellement surchargé qu’il y a lieu de partager ses attributions. Les travaux publics sont d’une si grande importance pour la Belgique qu’il est bon d’en faire un département séparé.

Quant au ministère des affaires étrangères, j’aurais désiré qu’il ne fût pas supprimé : c’eût été un ministère de plus, mais il me semble qu’il aurait pu être utile au pays, et la considération de la dépense n’aurait pas dû arrêter le gouvernement.

J’ai à faire quelques observations sur les légations. J’avouerai que ma critique retombera plus sur l’ancien ministre que sur celui-ci.

Vous savez que l’on a toujours sollicité des chambres l’envoi de plénipotentiaires près de plusieurs puissances ; on représentait ces envois comme choses urgentes ; on se plaignait qu’en Prusse nous n’en eussions pas ; mais M. Gendebien a donné à entendre que notre ministre à Berlin avait dû quitter cette capitale. Je ne pense pas que cette assertion soit exacte. Cependant je juge convenable qu’il y ait toujours à Berlin un de nos ministres, non sous le rapport politique, mais sous le rapport des intérêts commerciaux.

Quant à la légation en Italie, on la regardait comme urgente ; il fallait, disait-on dans les sessions précédentes, y envoyer sur-le-champ un ministre ; néanmoins ce ministre n’est pas encore parti.

Nous ignorons, ou nous sommes censés ignorer, les raisons pour lesquelles le ministre désigné pour l’Italie reste à Bruxelles ; néanmoins on nous représentait son envoi comme très urgent tant pour nos intérêts sacrés que pour nos intérêts profanes ; et je trouve entre les faits et les discours qui ont été tenus dans cette enceinte une espèce d’anomalie.

La conclusion à tirer de la marche du gouvernement à cet égard est assez naturelle ; c’est que l’on pourrait peut-être se passer d’un ministre en Italie et y laisser faire la besogne par un secrétaire qui la fera probablement aussi bien : les missions nous paraissent inutiles, puisqu’on se montre si peu empressé à les remplir.

J’en dirai tout autant pour la Suède. Là le souverain est très vieux ; à sa mort, il peut y avoir des complications ; la Belgique n’y jouera sans doute pas un rôle politique ; mais il y faudrait quelqu’un pour protéger notre commerce.

J’engage donc le ministère à remplir les missions vacantes, ou mieux encore à les faire remplir par des agents commerciaux, si cela es suffisant.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’honorable préopinant a fait allusion à une insinuation que j’avais remarquée en relisant dans le Moniteur le discours de M. Gendebien au sujet de la légation de Berlin : je puis assurer que notre ministre à Berlin n’a nullement quitté cette résidence par un motif politique, mais parce qu’il a sollicité. Bien loin qu’il eût un motif de quitter Berlin, j’ai la satisfaction de pouvoir annoncer que ce ministre y jouissait de la plus grande considération.

En ce qui concerne la légation de Vienne, je n’ai pas pu imaginer ce qui avait donné lieu au doute émis par un honorable membre sur ce sujet ; seulement j’ai appris que les bruits qu’on a répétés ici avaient été répandus par un journal qui n’est nullement national ; les bruits relatifs à la légation de Berlin doivent leur origine au même journal.

Quant à la légation d’Italie, on dit que l’année dernière le gouvernement avait demandé avec instance une allocation pour la remplir d’urgence ; ceci n’est pas tout à fait exact. Le ministère, en vous demandant cette allocation, vous a exposé qu’elle était nécessaire parce que la cour de Rome ayant un ministre près la cour de Bruxelles, il était dans les convenances d’accréditer également un ministre à Rome. Ce motif fut accueilli par les chambres ; mais le ministre nommé ayant été dans la nécessité de continuer provisoirement le gouvernement de la province de la Flandre orientale, et ensuite de régler quelques intérêts de famille, par suite du décès de son beau-père, il a été forcé de retarder son départ ; mais ce départ aura lieu incessamment ; j’en puis donner l’assurance à la chambre.

Le premier orateur à prétendu, messieurs, que je n’avais pas rencontré les objections qu’il a faites à l’ouverture de la discussion : je pense que les démonstrations qu’il a cherché à faire vous auront suffisamment convaincus que j’ai réellement renversé tout ce qu’il y avait de fondamental dans son discours.

Je commencerai par déclarer que j’accepte avec plaisir la déclaration faite par l’honorable membre qu’il n’y avait rien qui me fût personnel dans les observations qu’il vous a présentés ; aussi n’avais-je pas dit que je considérais comme personnelles les observations qu’il a faites relativement à la réunion des deux ministères, mais j’avais dit que ces observations « étaient de nature à laisser croire qu’il pourrait y avoir » quelque chose de personnel dans les motifs qui ont amené la réunion dont il s’agit.

Je n’ai pas cru devoir répondre à ce qui a été dit relativement aux dangers qu’il pourrait y avoir dans la réunion du département des affaires étrangères à celui de l’intérieur, parce que je ne pense pas que personne puisse croire sérieusement qu’il y ait quelque danger dans cette réunion.

On a pensé que je n’aurais pas non plus rencontré l’assertion de l’honorable préopinant, qu’il y avait une quantité d’affaires en souffrance au département des relations étrangères : j’ai eu l’honneur de vous dire à cet égard que si ces affaires n’avaient pas pu être terminées jusqu’à présent, c’est que probablement elles ne devaient ou ne pouvaient pas l’être immédiatement, et que cela était tout à fait indépendant de l’isolement du ministère des affaires étrangères ou de la réunion de ce département à celui de l’intérieur ; j’ai dit d’un autre côté que si les affaires dont il s’agit n’avaient pas été terminées, ce n’était pas parce que le temps avait manqué, car tout le monde sait très bien que le ministre des affaires étrangères avait assez de temps pour donner à la direction de son département tous les soins nécessaires : j’ai ajouté que, d’après la combinaison qui vient d’être adoptée, j’aurai également le temps nécessaire pour donner à la direction des affaires étrangères tous les soins qu’elle réclame.

L’honorable préopinant a cru que le ministère de l’intérieur n’avait été déchargé que de quelques attributions insignifiantes : il me semble qu’il a perdu de vue tous les soins qu’exigent les travaux publics, si nombreux, si importants aujourd’hui, et qui tous les jours prennent plus d’extension ; il ne semble qu’il a surtout perdu de vue la construction et l’exploitation des divers chemins de fer qui demandent un travail considérable.

Si nous prenons, en outre, en considération que l’existence de la loi à intervenir sur les mines augmentera considérablement la besogne du ministère des travaux publics, nous reconnaîtrons sans peine que les attributions de ce ministère, tel qu’il est composé aujourd’hui, sont suffisantes pour occuper les moments d’un homme laborieux ; je sais par expérience combien la direction des travaux publics exige de soins. J’ajouterai que la milice et la garde civique sont encore des objets d’une grande importance ; bientôt il faudra discuter des lois sur ces deux matières et les mettre à exécution : ce sont encore là des choses qui ne sont nullement indifférentes.

L’honorable orateur a dit aussi que dans ma correspondance avec les légations étrangères j’avais renversé mon titre, m’intitulant : « ministre des affaires étrangères et de l’intérieur, » au lieu de « ministre de l’intérieur et des affaires étrangères. »

Ce n’est pas seulement, messieurs, dans la correspondance avec les légations étrangères que ce renversement a eu lieu, il a été fait aussi dans les rapports de mon département avec les autres ministères et avec les gouverneurs des provinces : ce n’est là, messieurs, qu’une simple mesure d’ordre administratif. (Ici M. le ministre explique l’utilité de cette mesure par rapport à la régularité du travail : nous ne saisissons pas bien toutes ses paroles.) Cette circonstance prouve du reste que le ministère des affaires étrangères n’est nullement supprimé comme on a semblé le croire ; la nomination d’un secrétaire-général spécial pour les affaires étrangères vient encore à l’appui de ce fait.

Sous le rapport de la convenance, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le faire remarquer, je ne vois pas que le département des affaites étrangères eût été plus honoré des nombreuses attributions que l’honorable préopinant voulait y adjoindre que de la combinaison qui le réunit au ministère de l’intérieur. Je ne vois là aucune question honorifique.

Sous le rapport du temps dont le ministre des affaires étrangères a besoin pour diriger convenablement son département, j’ai dit que si l’on ajoutait à ses attributions toutes celles que l’honorable membre voulait y adjoindre, ce ministre aurait eu autant d’affaires que celui qui a l’honneur de vous parler en ce moment, d’après la combinaison qui a été adoptée sous ce rapport ; donc encore l’arrangement proposé par M. de Brouckere ne présente aucun avantage.

On a cru, messieurs, renverser ce que j’avais dit en m’appuyant de l’exemple d’un pays voisin, en disant que dans ce pays on introduit bien quelquefois des modifications dans telle on telle division, mais qu’on n’y fait pas des changements aussi importants que celui dont il s’agit. Mais, messieurs, ce ne sont pas seulement des changements dans l’une ou l’autre division que nous voyons dans le pays auquel j’ai fait allusion, mais des remaniements tout aussi fondamentaux que celui dont il s’agit ; il suffit de reporter ses souvenirs deux ou trois ans en arrière pour en voir deux exemples successifs.

L’honorable membre a dit que si au Roi appartenait la nomination des ministres et le règlement de leurs attributions, aux chambres aussi appartenait le droit de contrôle : oui, messieurs, aux chambres appartient le droit de contrôler les actes des ministres, d’adopter ou de rejeter les propositions du gouvernement ; nous sommes loin de contester cette prérogative, puisque nous avons même été au-devant de l’honorable membre, en disant que vous jugeriez par nos actes si nous méritons de continuer à jouir de la confiance que vous nous avez jusqu’ici accordée.

L’honorable membre en a appelé à un vote significatif ; nous nous soumettons bien volontiers à cet appel, nous désirons qu’un vote significatif puisse être émis le plus tôt possible par la chambre.

M. Gendebien. - Je ne puis passer sous silence une expression que le ministre a laissée tomber dans le discours qu’il vient de prononcer : il vous a dit, messieurs, que je m’étais permis une insinuation relative à la position de notre ambassadeur à Berlin ; ces termes entraînent un reproche que je dois repousser. Voici, messieurs, mes expressions ; Je crois qu’il est impossible d’user de plus de prudence et de modération :

« S’il faut en croire le bruit public, notre ambassadeur à Berlin aurait été obligé de quitter sa résidence ; je n’affirme rien, mais je demande que le ministre nous rassure sur cet objet dans son rapport. »

(La chambre se rappellera que j’ai demandé un rapport sur notre position à l’étranger.)

M. le ministre vient nous rassurer à cet égard ; j’aime à croire qu’il est bien informé et j’accepte volontiers les assurances qu’il nous donne, mais il est un fait cependant sur lequel je ne veux pas rester plus longtemps dans l’incertitude. Je demanderai si, récemment, le gouvernement n’a pas reçu du gouvernement prussien une communication contenant des menaces pour le cas où le gouvernement belge ne s’occuperait pas incessamment de la liquidation d’indemnités que le roi de Prusse prétend être dues à des sujets prussiens pour marchandises brûlées à l’entrepôt d’Anvers lors du bombardement de cette ville par le général Chassé ? Voilà, messieurs, le côté sérieux de la question ; mais en voici le côté plaisant :

On m’a assuré que la communication qui avait été adressée au ministre des affaires étrangères a été renvoyée par le secrétaire-général de ce département, au nom de son chef M. de Theux au ministre de l’intérieur M. de Theux, ou au second volume de chef. (On rit.)

Je prie le ministre de nous donner des explications sur la demande, ou plutôt la sommation du gouvernement prussien, car c’est la un fait important ; mais, encore une fois, je n’affirme rien, c’est une question que j’adresse et j’espère qu’on n’y trouvera pas, cette fois encore, une méchante insinuation.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je suis surpris, messieurs, que l’honorable préopinant se soir trouvé offense du mot insinuation que j’ai employé, mais qui, dans la circonstance présente, n’avait rien d’offensant, puisque les paroles de l’honorable membre auxquelles je faisais allusion ne contenaient rien de personnel à notre ambassadeur à Berlin, et qu’il s’agissait uniquement de savoir si son départ de cette résidence avait une cause politique.

Quant à la question que l’orateur vient de m’adresser, je crois avoir suffisamment dit qu’il n’existe aucun différend entre la Belgique et la Prusse ; le gouvernement prussien nous a effectivement adressé, comme les gouvernements des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne une réclamation relative à des indemnités pour marchandises incendiées dans l’entrepôt lors du bombardement d’Anvers, mais cette réclamation a été faite dans des termes convenables ; lorsqu’il sera question de la loi sur les indemnités je donnerai communication à la chambre de toutes les réclamations qui ont été faites tant de la part de l’étranger que de la part de citoyens belges.

L’honorable membre a parlé en dernier lieu d’un fait qui, tel qu’il vous l’a présenté, serait réellement une plaisanterie ; mais la vérité est que la réclamation dont il s’agit a été adressée au ministre des travaux publics, parce qu’il a les polders inondés dans ses attributions et qu’à ce titre les questions d’indemnités se rattachent à son département.

Lorsqu’une affaire concerne en même temps le département des affaires étrangères et celui de l’intérieur, il faut nécessairement qu’elle soit portée à la connaissance de chacune des divisions qu’elle regarde ; de cette manière l’affaire se tient en partie double, et il n’y a pas de confusion entre les deux départements.

Ainsi quand on voudra plus tard opérer la séparation de ce qui est réuni aujourd’hui, on en aura toujours toutes les facilités.

(Moniteur belge n°32, du 1er février 1837) M. Devaux. - Messieurs, je ne partage pas l’opinion qui a été émise sur la formation d’un nouveau département. A mon avis, il y avait assez d’affaires pour créer deux départements ; et quant au défaut de connexité qu’on a reproché aux attributions du nouveau département, je dirai que ce défaut existait lorsque les mêmes affaires se trouvaient réunies au ministère de l’intérieur ; car tout ce dont se compose le département des travaux publics, à l’exception des postes, je pense, faisait partie des attributions du ministère de l’intérieur.

J’approuve, je le répète, la création du nouveau département des travaux publics ; et vous le sentez, ce n’est pas avec déplaisir que j’ai dû y voir entrer un homme dont la capacité n’a jamais été contestée même par ses adversaires, et qui est entré dans le cabinet, j’en suis sûr, non seulement avec des projets d’activité administrative, mais encore avec les idées politiques qu’il a de tout temps professées, qui sont celles que j’ai moi-même toujours défendues dans cette enceinte.

On a critiqué un autre effet de la formation du nouveau cabinet : c’est la confusion des affaires étrangères avec l’intérieur.

Messieurs, la formation des cabinets dans tous les pays constitutionnels du monde, et la Belgique ne fait pas exception à cet égard ; la formation des cabinets, dis je, est chose souvent très difficile ; là, messieurs, il arrive bien souvent que les choses doivent subir la loi des hommes ; il y a des nécessités auxquelles il faut, quoi qu’on veuille, céder quelquefois.

Ces nécessités de fait, nous représentants, nous ne sommes guère appelés à les juger. Quant à moi, je suis très disposé à les admettre sur la foi du ministère. Je dois dire cependant que si le fait de la réunion du ministère des affaires étrangères à l’intérieur devait être regardé comme une mesure permanente, comme une mesure consacrée en quelque suite en principe, elle me paraîtrait peu convenable.

Encore une fois, comme fait nécessaire et dans les limites de la nécessité, je dirai que je suis prêt à l’admettre ; mais je crois qu’il est de mon devoir de député de dire que la mesure, si elle devait être consacrée comme permanente, entraînerait les plus grands inconvénients.

Je crois que si les difficultés qui ont pu exister venaient un jour à disparaître, le gouvernement devrait s’empresser de revenir à l’ancien état de choses, en rétablissant le département des affaires étrangères.

En fait, messieurs, la réunion de deux départements qui paraissent si distincts me semble devoir entraîner un double genre d’inconvénients ; il doit y en avoir pour l’intérieur ; il doit y en avoir aussi pour les affaires étrangères.

Je ne pense pas qu’ôter du ministère de l’intérieur les travaux publics, la milice, la garde civique, pour remplacer ces attributions par les affaires étrangères, je ne pense pas dis-je, que ce soit là diminuer les affaires de l’intérieur.

Je dirai tout à l’heure comment j’entends les affaires de l’extérieur.

Je crois, messieurs, que vous conviendrez tous avec moi qu’aujourd’hui il y a bien plutôt augmentation que diminution dans les attributions réelles de ce département de l’intérieur. Infailliblement, à mon avis, je ne dis pas en quelques jours, mais au bout de quelques temps, l’extérieur sera sacrifié à l’intérieur, ou l’intérieur à l’extérieur, ou bien les deux département souffriront de leur réunion.

Messieurs, un ministre chez nous, outre les nombreuses affaires dont il est surchargé, passe dans les chambres un temps beaucoup plus long qu’aucun ministre dans quelques pays constitutionnel que ce soit. En outre, le ministre de l’intérieur dans les autres Etats a des auxiliaires, des sous-secrétaires d’Etat, des conseillers d’Etat, et d’autres aides dont les noms varient suivant les pays ; chez nous, nous n’avons rien de semblable.

Il en résultera que si le ministre de l’intérieur est surchargé, les affaires de l’intérieur du pays seront conduites non pas par le ministre, mais pas des subalternes.

Or, nous sommes peut-être, de tous les pays, celui qui est le moins en position d’être régi par les bureaux. La raison en est bien simple ; les traitements des employés chez nous sont en général peu élevés, de manière que nous ne pouvons guère espérer de voir les emplois au ministère occupés par de hautes capacités ; ce ne sera que fort rarement et par exception que des hommes réellement éminents consentiront à occuper des fonctions aussi peu rétribuée, et à s’y maintenir.

Et qu’arrive-t-il quand les bureaux administrent ? C’est que l’on voir régner la routine ; toute idée d’amélioration est ajournée ; car comme ce ne sont pas les bureaux qui ont l’honneur des idées de perfectionnement, mais qu’ils n’en subissent que les inconvénients, ils résistent à toute innovation.

Voilà, messieurs, une partie des inconvénients d’une réunion prolongée du ministère des affaires étrangères au ministère de l’intérieur, quant à ce qui concerne les affaires de l’intérieur.

Si je considère maintenant les inconvénients de la réunion, en ce qui concerne les affaires étrangères, je les trouve plus graves encore.

Je me rappelle que dans le flagrant de la révolution, on proposa un jour au sein du congrès, moitié sérieusement, moitié par plaisanterie, la suppression du département des affaires étrangères.

Dans un pareil temps, et de la part de l’opposition d’alors, une semblable proposition pouvait être concevable ; mais nous qui ne jugeons pas avec les mêmes yeux les intérêts nationaux, nous ne devons pas songer à réaliser une pareille idée ; ce n’est pas surtout le gouvernement qui doit faire un pas vers la réalisation d’une mesure aussi anti-gouvernementale. Or, si la réunion des affaires étrangères à l’intérieur n’est pas la suppression des affaires étrangères, c’est du moins quelque chose qui y ressemble un peu.

Je sais qu’il y a beaucoup de personnes qui se figurent qu’il n’y a aucune besogne aux affaires étrangères. Je sais qu’il y a manière et manière de remplir les devoirs de ministre des affaires étrangères ; je conviendrai même que le ministre des affaires étrangères, s’il le veut, peut être le plus grand fainéant de la Belgique ; mais je crois aussi que s’il comprend l’étendue de ses devoirs, il y aura en Belgique peu d’hommes aussi occupés et surtout aussi préoccupés que lui.

Certes, si l’on ne veut traiter les difficultés diplomatiques qu’à mesure qu’elles se présentent, quand elles sont toutes faites, oh ! alors la besogne ne sera pas considérable : il suffira, la correspondance sous les yeux, d’assembler le conseil et de prendre une décision. Si l’on ne veut rien prévoir, rien préparer d’avance, si l’on veut se décider à n’exercer de l’influence sur rien, encore une fois le besoin du ministre des affaires étrangères sera peu de chose ; mais ce n’est pas aussi que je comprendrais les devoirs d’un ministre des affaires étrangères.

Le travail du chef de ce département est d’un tout autre genre que les travaux de vos collègues des autres ministères. Là, il est vrai, il n’y a pas une grande besogne de bureau, il n’y a pas beaucoup de circulaires à faire ; il n’y a pas un énorme tas de papier à signer tous les jours. Mais s’il n’y a pas une grande besogne matérielle au département des affaires étrangères, il y a, en revanche, un grand travail d’esprit : à défaut d’une longue correspondance journalière, on y prépare de longue main et mûrement les affaires les plus importantes du pays ; c’est ainsi qu’une dépêche qui aura souvent exigé deux mois d’étude et de réflexion n’aboutira qu’à un travail matériel de quelques dépêches.

Aujourd’hui, messieurs, la question hollandaise semble sommeiller ; et, par suite, l’on pourrait être induit à croire que les affaires d’un ministre de l’extérieur seraient à l’avenir assez restreintes.

Tel n’est pas mon avis ; je pense au contraire que la question hollandaise n’est pas la plus difficile des affaires qui incombent à ce ministre.

La raison en est bien simple ; là les questions sont nettement posées, la ligne est faite, la voie est tracée.

Mais ce qui sera toujours très difficile, très important pour la Belgique, c’est la nature de son rôle politique à l’égard des grands Etats de l’Europe.

Par sa position topographique, la Belgique sera appelée en tout temps à jouer un très grand rôle diplomatique.

Situés entre des puissances qui toutes convoiteront notre alliance, nous avons à nous conduire entre divers écueils, avec beaucoup de prudence et d’habilité.

Dans mon opinion, l’indépendance de la Belgique est assurée à l’intérieur, et n’a plus rien à craindre à l’extérieur ; il n’y a plus que deux causes qui, je crois, puisse la compromettre sérieusement dans l’avenir, c’est la guerre et la diplomatie ; j’ajouterai, et surtout la diplomatie : une fausse alliance, une hostilité imprudente, fût-elle secrète, une dangereuse sécurité même, pourraient avoir encore dans un moment donné, les résultats les plus périlleux.

C’est ainsi, messieurs, qu’au siècle dernier, la Hollande a payé cher, a payé de la ruine de son commerce, les fautes ou l’imprévoyance de sa diplomatie.

Aujourd’hui l’horizon est calme, soit ; mais demain, quel sera-t-il ? qui de nous peut le dire ? La mort d’un monarque influent, un changement dans les grandes alliances européennes, une guerre quelconque, tout cela peut compliquer singulièrement notre politique extérieure.

Vous parlerai-je de cette idée qui préoccupe, je pourrais même dire qui poursuit, des esprits politiques très sérieux, qu’un remaniement territorial est inévitable en Europe au premier grand événement qui surgira ? Devant de pareilles circonstances dont quelques-unes au moins peuvent se réaliser si facilement, n’importe-t-il pas d’être préparé de loin, de n’être pas pris au dépourvu ?

Or, est-ce trop qu’un seul homme soit chargé de préparer l’avenir du pays, de réfléchir pour tous, de se consacrer à méditer pour tous sur de si graves intérêts ?

Messieurs, le ministre des affaires étrangères seul, en temps de paix, avec ses agents agissant et pensant pour lui, le ministre des affaires étrangères me paraît tenir en main l’avenir de notre indépendance nationale. Seul il est chargé de prévoir les vrais dangers qu’elle peut encore courir. Je ne pense pas que ce soit trop de l’esprit d’un homme pour une tâche aussi grande.

Des besoins nouveaux naissent d’ailleurs de notre situation toute exceptionnelle. Nous naissons d’hier, nous sommes jeunes en matière de gouvernement, en général ; mais si nous sommes jeunes en matière d’administration, nous le sommes davantage en diplomatie. Car des administrateurs, il y en a toujours en Belgique ; mais c’est pour la première fois depuis sept ans qu’il y a une diplomatie belge. Là tout est à faire. Des traditions, il n’y en a pas ; une ligne politique tracée, éprouvée par le temps, il n’en existe pas non plus.

Nous sommes mal connu à l’étranger, nous avons le plus grand intérêt à nous faire connaître, notre diplomatie doit diriger sur ce point une influence de plus en plus active. Nous connaissons également mal l’étranger, et nous n’avons pas moins d’intérêt à connaître les hommes et les choses du dehors qu’à être connus nous-mêmes. Tout cela est à faire. L’étranger n’a pas non plus d’idées faites sur notre situation ; c’est aujourd’hui que ces idées, que ces traditions naissent et se forment : n’est-il pas important, dans une semblable circonstance, que nous exercions une influence utile par nos relations diplomatiques en imprimant toute cette activité intelligente dont elles sont susceptibles ?

Pour tout cela, messieurs, vous en conviendrez, il faut un esprit libre ; il faut un homme qui ait du temps à lui pour remuer de si grandes idées, pour s’occuper de si grandes choses ; si à des préoccupations si sérieuses viennent se joindre des détails de bureau, il ne pourra pas, quel que soit son zèle, remplir ses devoirs.

Tout à l’heure, je disais qu’un ministre de l’intérieur surchargé devrait finir par se laisser conduire par ses bureaux. Il en est de même d’un ministre des affaires étrangères. Dans le premier cas les inconvénients sont moins graves, car les faits qu’on peut commettre à l’intérieur sont presque toujours réparable.s Il n’en est pas de même à l’extérieur : les fautes que l’on y commet ne sont le plus souvent réparées qu’au préjudice du pays.

Si une main ferme ne tient pas les rênes de notre diplomatie, il arrivera que cette diplomatie si jeune encore, dont le personnel est à former, qui n’a pas de traditions ; il arrivera, dis-je, que notre diplomatie au loin sera sans lien, que chaque ambassadeur agira selon ses vues personnelles, et quelquefois, sans le savoir et le vouloir, dans des intérêts qui ne seront pas ceux du pays qui l’a envoyé, intérêts qui ne peuvent toujours être bien appréciés du dehors ; c’est ainsi que lorsque le jour du danger sera venu, vous vous trouverez des instruments indociles ; et en attendant même, n’ayant pas gouverné la diplomatie d’une main assez ferme, vous vous trouverez en plus d’une occasion avoir, sans le savoir, avoir plus ou moins compromis à l’extérieur la dignité ou les intérêts du pays.

Un ministre des affaires étrangères, s’il n’a pas de temps à lui, s’il n’a pas l’esprit dégagé d’autres préoccupations, comment pourra-t-il traiter tons ces grands intérêts ; et pour en venir à des choses moins importantes, comment voulez-vous qu’il suffise aux entretiens qu’il doit avoir tous les jours avec les ambassadeurs, comment voulez-vous, s’il est surchargé de mille travaux divers, qu’il soit toujours prêt à parler de tout avec la mesure et le tact nécessaires, car enfin il est telle position ou une parole imprudente, une mauvaise réception suffisent pour indisposer l’agent d’une puissance étrangère, quelquefois pour refroidir des relations, pour exciter des soupçons, envenimer une mésintelligence ?

Vous n’ignorez pas que souvent une causerie fugitive est couchée par écrit ; envoyée à un cabinet étranger où souvent alors elle est regardée comme matière très sérieuse.

J’ajouterai que des faits qui semblent s’être passés dans quelques-unes de nos légations, et qu’il est inutile de préciser davantage, doivent nous porter non pas à diminuer la vigilance du ministre des affaires étrangères mais plutôt à la rendre plus active et plus efficace.

Si nous voulons être traités dignement par les nations étrangères, il faut aussi les traiter avec dignité. Et il y a, selon moi, quelque chose qui ressemble à un manque de procédés à reléguer ainsi nos relations avec le monde entier, en quelque sorte dans une division d’un autre ministère. Si cet usage était établi chez d’autres nations, je concevrais qu’on pût sans inconvénient, sous ce rapport, le faire en Belgique ; mais je ne pense pas que nous, jeune nation, nous puissions nous mettre au-dessus des usages établis chez les autres peuples, au point de faire ce qui ne se fait, je crois, nulle part ou presque nulle part. Le seul titre de ministère des affaires étrangères semble indiquer que partout on a séparé ce qui s’y rattache de l’administration de l’intérieur, et réciproquement.

Nous faisons notre début dans le monde comme nation, et je crois que pour une nation comme pour un individu c’est à ce moment que la dignité et la circonspection sont le plus indispensables ; une mauvaise impression, une fois donnée, s’efface difficilement, et étend quelquefois ses effets fort loin dans l’avenir.

En résumé, je crois qu’on a bien fait de créer un nouveau département qui, sous le titre de ministère des travaux publics ou quelque autre, serve à diminuer les affaires trop nombreuses dont est chargé le ministère de l’intérieur. Ce département, en tout temps, offrira des ressources pour la formation des cabinets. Au moyen d’un département dont les attributions seront plus où moins élastiques, on pourra faciliter la répartition des attributions des divers ministres entre eux.

Je ne pense pas qu’on ait aussi bien fait en réunissant le ministère des affaires étrangères au ministère de l’intérieur. Ce qui était à faire, à mon avis, ce qui serait utile, c’est la création d’un sixième ministère. Ce ne serait pas trop de six ministres, sans sous-secrétaires d’Etat, sans conseillers d’Etat, et absorbés une grande partie de l’année par les discussions des chambres.

Quelques personnes ont exprimé le désir que les affaires commerciales fussent réunies aux affaires étrangères. Quant à moi, je craindrais même cette réunion. Le commerce et les relations étrangères sont deux intérêts élevés ; je craindrais que dans le choix de celui qui devrait présider à tous les deux, l’un ou l’autre, suivant les circonstances, fût nécessairement sacrifié.

Quant à la question d’économie, je ne crois pas que ce soit là ce qui doit exerce de l’influence sur la solution ; c’est bien peu de chose, elle se réduit à un traitement de ministre et au logement. Voilà toute la différence entre la dépense de six ministres et des cinq d’aujourd’hui.

J’ai besoin de répéter que je ne critique pas en fait la nouvelle combinaison, parce que je la regarde comme temporaire, comme l’effet de la nécessité, et comme telle je l’accepte volontiers. Je n’ai donc pas l’intention d’adresser des reproches, ni rien qui soit personnellement hostile aux ministres ; mais tout en gardant des ménagements à l’égard des personnes, j’ai cru que mon devoir de représentant m’obligeait à ne pas passer sous silence une mesure que, prise en elle-même, je regarde comme pouvant avoir les plus graves inconvénients.

M. le président. - La parole est à M. Gendebien.

M. Gendebien. - Avant de prendre la parole, je désirerais savoir si personne au banc des ministres ne se lèvera pour défendre la nouvelle combinaison ministérielle ? On vient de l’attaquer dans sa base essentielle, et de proposer un remède extrême pour réparer la faute qu’on juge avoir été faite.

Je demande si aucun ministre n’a un mot à dire en réponse aux observations du préopinant.

M. le ministre des finances (M. d'Huart)., M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Nous attendrons que M. Gendebien ait parlé.

M. Gendebien. - Je conclus du silence du ministère que toute cette opération, dans laquelle j’avais été assez bénin pour voir une perturbation, est tout simplement un arrangement pour arriver à un sixième ministère.

Il me semble qu’il y eût eu plus de franchise à demander tout simplement la création d’un sixième ministère, en en établissant la nécessité ; nous n’aurions pas perdu deux séances en conjectures sur les résultats probables de cette décomposition et recomposition ministérielle.

M. Devaux. - Je demande la parole pour un fait personnel.

M. Gendebien. - Je ne sache pas qu’il y ait quelque chose de personnel à M. Devaux dans ce que je viens de dire. Cependant, j’entendrai volontiers sa réponse.

Il est important de revenir sur la précédente discussion, parce qu’aujourd’hui on a faits des paroles que j’ai prononcées avant-hier, le texte d’un très beau thème, mais qui porte à faux. Le ministre de l’intérieur, c’est-à-dire le ministre des affaires étrangères et de l’intérieur, (je croyais qu’il avait parlé comme ministre de l’intérieur, mais c’est en sa qualité de ministre des affaires étrangères qu’il a pris la parole), le ministre des affaires étrangères a supposé qu’entre les prémisses de mon discours et les conclusions, il y avait contradiction. L’honorable préopinant, de son côté, a tiré de mon discours la conclusion que je ne voulais pas de ministère des affaires étrangères. Ces deux propositions me paraissent difficiles à concilier : quoi qu’il en soit, je ne me suis pas même associé à la proposition, moitié plaisante moitié sérieuse, fait au congrès, de supprimer le ministère des affaires étrangères ; c’est à tort qu’on insinue que j’ai voulu la renouveler dans le sens surtout de l’accusation du préopinant.

J’ai dit, en terminant mon discours, que puisque le gouvernement avait lui-même supprimé le département des affaires étrangères, puisqu’il l’avait absorbé dans le ministère de l’intérieur, nous pouvions faire un pas de plus, qui était de supprimer le budget du ministère des affaires étrangères. Cette conclusion était le résultat d’une démonstration que je croyais avoir établie, et qui, je crois, a été complétée par la réponse qu’on m’a faite.

Je crois avoir démontré que le ministère des affaires étrangères, alors qu’il était restreint uniquement à ses attributions, n’avait servi à rien, sinon, comme par exemple à Lisbonne, à nuire à nos intérêts commerciaux et industriels, qui seuls, pour une nation neutre comme la nôtre, peuvent faire l’objet de nos relations extérieures que vous appellerez diplomatiques, si vous voulez, mais que je préférerais que l’on appelât consulaires ou commerciales.

J’ai dit, en commençant mon discours de samedi, que je regrettais de voir supprimer le département des affaires étrangères, parce que je voulais pour ce département comme pour les autres une individualité responsable. Voila dans quel sens j’ai attaqué la nouvelle composition ministérielle ; et vous voyez que jusque-là je n’ai exprimé aucune idée anti-gouvernementale, comme on m’en a supposé l’intention si gratuitement et si obligeamment. Il faut, ai-je dit, au ministère des affaires étrangères une individualité responsable. En effet, que résultera-t-il de la réunion dans les mêmes mains des portefeuilles de l’intérieur et des affaires étrangères ? Quand on sera mécontent du ministre des affaires étrangères, le ministre restera ministre de l’intérieur et le portefeuille des affaires étrangères passera à un autre ministre. Quand ce nouveau ministre des affaires étrangères sera usé, il cédera son portefeuille à un troisième ministre ; ensuite en viendra un quatrième. Ainsi, pendant que les portefeuilles de l’intérieur et des autres ministères successivement resteront inféodés aux mêmes hommes, le portefeuille des affaires étrangères pourra user quatre ministres. C’est pour le personnel des ministres une chose qui peut être fort utile à leur inféodation au pouvoir, mais peu favorable au pays en cas de crise.

Après cela de quelle valeur sera la responsabilité ministérielle à l’égard du département des affaires étrangères, alors que pour apaiser les mécontentements de la chambre et de la nation, le ministre pourra se borner à passer successivement le portefeuille des affaires étrangères à son voisin ?

Voilà dans quel sens nous avons parlé contre l’absorption du ministère des affaires étrangères.

J’ajoutai que dans un moment de crise il pouvait être nécessaire qu’un ministre fût spécialement à la tête du département des affaires étrangères, qu’il fallait alors une individualité qui répondît des actes successifs qui pouvaient avoir amené cette crise. Voilà ce que j’ai dit ; or, si vous faites du ministère des affaires étrangères un accessoire à un autre ministère, si vous le rendez mobile à volonté, vous n’aurez en définitive aucune individualité responsable.

D’un autre côté, j’ai dit que puisque ce ministère avait peu de chose à faire, on pouvait y réunir diverses branches du ministère de l’intérieur ; par exemple : le commerce et l’industrie dont d’honorables membres ont réclamé l’adjonction au département des affaires étrangères, adjonction que j’ai réclamée depuis six ans ; car encore une fois, comme je le disais tout à l’heure, dans un petit pays comme le nôtre, la seule chose que l’on doit attendre des relations extérieures, c’est qu’elles favorisent notre commerce et notre industrie. Dès lors réunissons donc ces attributions au département des affaires étrangères, et d’autres encore, ce qui est très facile, mais ne le supprimons pas.

Ainsi, le commencement de mon discours de samedi n’est pas en contradiction avec la fin, comme l’a supposé gratuitement le ministre de l’extérieur, au lieu d’y répondre.

Le ministre des affaires étrangères et de l’intérieur vous a dit encore que je considérais le ministère des affaires étrangères comme inutile, et que cependant j’attachais la plus grande importance à obtenir un rapport de ce département des affaires étrangères ; rapport que je demande depuis longtemps. Est-ce là une contradiction ? Non assurément : j’ai dit, j’ai prouvé, je pense, que ce ministère était inutile et même dangereux de la manière qu’il était administré : eh bien, précisément du rapport que je demande, s’il était fait, résulterait la démonstration complète de cette double assertion que j’ai d’ailleurs suffisamment établie.

Sans doute elles étaient inutiles ou tout au moins inconsidérées, les mesures que l’on a prises à Lisbonne où, à prétexte de mission de famille et de compliments à la jeune reine, on a compromis nos intérêts commerciaux et industriels pour lesquels nous avions droit d’attendre quelques avantages de la sympathie du peuple portugais, auquel la légion belge a rendu d’immenses services pendant la guerre contre don Miguel.

Pour prouver que le ministère des affaires étrangères est inutile et même dangereux, j’établis, samedi dernier, que les mesures qu’il a prises à Lisbonne sont contraires aux vrais intérêts, aux intérêts matériels de la Belgique ; je rappelai à cette occasion les graves événements de la proclamation de la constitution de 1820, et les tentatives de contre-révolution dans lesquelles notre ambassadeur était accusé de s’être compromis.

Le ministre des affaires étrangères m’a répondu qu’il ne s’était rien passé d’extraordinaire a Lisbonne : « Nous avons envoyé, dit-il, un ambassadeur extraordinaire pour complimenter la jeune reine ; c’est là une affaire purement d’étiquette. » A coup sûr il n’y a aucun mal à cela. Mais je ferai remarquer à M. le ministre des affaires étrangères et de l’intérieur que ce compliment a duré fort longtemps ; car voilà dix mois bien comptés que votre envoyé passe à complimenter la jeune reine (on rit) ; et cependant il a été envoyé simplement pour faire un compliment. Il n’a eu d’autre mission, ses instructions en font foi. C’est la chose du monde la plus simple, au dire du ministre.

Nous devions, dit-on, avoir un agent diplomatique à Lisbonne. Mais il en a été nommé un. Je ne sais pas pourquoi on ne l’a pas envoyé faire ce compliment : Peut-être ne lui aurait-il pas fallu dix mois pour faire compliment à la jeune majesté : au moins il eût pu en même temps remplir la mission plus importante pour laquelle il avait été nommé.

Voilà cependant ce que l’on vient nous dire sérieusement au sujet de l’événement à l’extérieur le plus sérieux qui ait est lieu depuis six ans pour la Belgique. Je veux parler de la protestation que l’envoyé de famille a faite, au nom du peuple belge, contre la proclamation de la constitution de 1820, à Lisbonne. Je proteste à mon tour contre cette protestation.

On vous a dit qu’il s’agissait encore de compliments de famille lorsque j’ai demandé s’il était vrai, comme l’ont dit les journaux de tous les pays, que ce même envoyé de famille s’était, comme ambassadeur belge, compromis dans une tentative de contre-révolution au profit de la jeune dynastie portugaise contre les libertés portugaises.

On a répondu une bonne fois pour toutes et très sérieusement qu’il ne s’agissait pas d’autre chose que de faire un compliment à la jeune reine. Voilà, messieurs, la substance de tous vos succès diplomatiques pendant l’année 1836.

Après cela, lorsque le gouvernement efface lui-même le ministère des affaires étrangères, ne suis-je pas en droit de demander que nous effacions du budget la somme pétitionnée à ce titre ?

Ne suis-je pas en droit de dire qu’on ne fait que le mal, et qu’il ne s’est rien fait d’utile au département des affaires étrangères, puisque, sur mes interpellations souvent réitérées, on garde le silence ; on ne nous dit pas un mot des négociations que l’on aurait cherché à faire dans l’intérêt du pays. Qu’a fait le ministère des affaires étrangères des fonds alloués au dernier budget ? Qui nous révèlera un seul acte utile produit par le ministère ?

Je ne veux pas ravaler notre diplomatie aussi bas que Beaumarchais a ravalé la diplomatie en général : « Tailler des plumes et paraître très occupé ; » telle est la définition de Beaumarchais. Et vraiment, messieurs, lorsque je cherche ce qu’on a fait au ministère des affaires étrangères, je suis tenté de dire qu’on n’a pas fait autre chose que tailler des plumes et paraître occupé.

Voilà les réalités de notre diplomatie, voilà les faits qui répondent suffisamment à toutes les théories, à toutes les dissertations qu’il est si facile de développer.

Mais voici d’autres faits encore : Au sujet des Etats-Unis, il fut un temps où pour se donner de l’importance, on nous dit solennellement que la diplomatie belge venait d’obtenir non seulement pour la Belgique, mais encore pour tous les autres pays les stipulations les plus favorables : des changements au tarif des douanes. Il n’en était rien, messieurs : la diplomatie de cette époque était aussi stérile qu’aujourd’hui ; elle cherchait comme aujourd’hui à faire croire à son importance Mais, en réalité, c’était une résolution de la représentation nationale des Etats-Unis qui avait produit ce résultat, même avant l’arrivée de notre envoyé. Mais ce n’est pas tout : depuis il s’est trouvé que des négociants ont longtemps avant notre diplomatie instruit le pays d’une décision, prise sans l’intervention de notre diplomatie, par le président Jackson, à l’égard du commerce belge. La chose était des plus importantes ; car le président Jackson avait ordonné la restitution des droits perçus en trop sur les navires belges par suite d’une fausse imputation de la théorie des droits différentiels. Ce fait était important ; car si l’on avait obtenu la restitution des droits perçus en trop sur les marchandises belges, arrivées par bâtiments belges aux Etats-Unis, on devait en tirer la conséquence que le gouvernement des Etats-Unis avait abandonné à notre égard un système de vexations. Cependant, au mois de juin, quelques jours avant la clôture de la session, j’ai interpellé le ministre des affaires étrangères pour savoir si ce que disaient depuis plusieurs jours, à cet égard, les journaux étrangers et même ceux de Bruxelles, était vrai. M. le ministre des affaires étrangères m’a répondu qu’il lui était impossible de s’expliquer, qu’il n’avait rien reçu encore des Etats-Unis. Nouvelle preuve de l’immense utilité du ministère des affaires étrangères et de ce que nous devons attendre de ses profondes méditations.

Au commencement de la session j’ai prévenu M. le ministre des affaires étrangères que je l’interpellerais sur ce point. Mais il n’a rien dit, et son successeur a fait preuve du même zèle. A quoi sert donc le département des affaires étrangères, si, pour l’objet pour lequel seul il peut avoir de l’utilité ; si, pour notre industrie et notre commerce, il ne produit aucun renseignement ; s’il ne sait pas même certifier, officiellement, ce que le commerce a publié depuis plusieurs mois.

Il me reste à demander des explications sur l’ajournement prolongé du départ de notre envoyé à Rome. Je voudrais savoir quand il compte se rendre à son poste ?

Vous vous rappelez qu’en août 1835, à la fin de la session, au dernier moment, on a demandé à la chambre à peine en nombre, une somme de 40,000 fr. pour un envoyé extraordinaire à Rome. Il y avait la plus grande urgence, disait-on alors ; notre envoyé avait pour ainsi dire le pied dans l’étrier. Il n’y avait urgence que pour nous arracher un vote sans nous donner le temps de réfléchir ; car depuis le vote l’urgence a disparu, et notre envoyé nommé depuis longtemps n’est pas encore parti. Je demande à cet égard des explications.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je les ai données.

M. Gendebien. - Si vous les avez données, je ne les ai pas comprises ou ne les ai pas entendues ; c’est que sans doute elles ont été aussi complètes, aussi significatives que tout le reste.

Je dis quand au mois d’août 1835 le ministre vint nous demander un vote de 40,000 fr. en urgence pour un envoyé extraordinaire, et quand vingt mois après cet envoyé est encore dans le pays, la nation n’a-t-elle pas le droit de demander quels sont les motifs de ce retard ? De deux choses l’une : ou la mission était urgente, parce qu’elle était convenable à l’égard du souverain de Rome, et dans ce cas le ministre a manqué à ce souverain ; ou la mission était urgente, parce que nos intérêts l’exigeaient, et alors le ministre a manqué à la Belgique : de toute façon, il doit expliquer ce long retard ; il est vrai que lorsqu’on l’interpelle à cet égard, le ministre répond : il va partir ! mais au mois d’août 1835 on répondait aussi : il va partir.

On ne nous donnait pas seulement le temps de délibérer ; tellement la chose était pressée, l’ambassadeur allait partir ! Mais je le demande, messieurs, pourquoi aurions-nous plus de confiance aux assurances que le ministre nous donne aujourd’hui qu’à celles qu’il nous donnait alors ?

Ce n’est pas que j’attache la moindre importance à ce que nous ayons un ambassadeur à Rome ; mais j’attache une certaine importance à ce que le ministre des affaires étrangères, qu’on considère comme devant être un homme très grave, très soucieux des intérêts et de l’honneur du pays, constamment occupé d’en assurer le bien-être, soit au moins conséquent avec lui-même ; ce n’est pas, je pense, beaucoup exiger.

Je crois, messieurs, qu’un ambassadeur à Rome est inutile ; je crois même que, dans l’intérêt de la catholicité belge, il est dangereux ; je me suis expliqué à cet égard au mois d’août 1835. Ce dont nous avons besoin, messieurs, en Italie comme dans beaucoup d’autres pays, ce sont des agents commerciaux, des consuls salariés. J’ai vu au budget une somme destinée payer des consuls ; et bien, messieurs, tout en demandant la suppression d’autres dépenses que je considère comme inutiles, je suis très disposé à approuver celle-là. Je voterai contre le budget, mais je crois pouvoir m’expliquer sur les divers articles qu’il contient. Depuis que la constitution permet à chacun de s’adresser directement au souverain pontife, je ne sais pas à quoi servirait d’envoyer à Rome un intermédiaire. Je dis plus, un semblable intermédiaire peut devenir dangereux ; on peut en venir un jour à exiger que chaque citoyen qui croira devoir s’adresser au pape, passe par cet intermédiaire, pour arriver jusqu’au gouvernement pontifical.

Dans une précédente séance, messieurs, j’avais demandé des explications au ministre relativement à l’absence de notre envoyé à Berlin ; aujourd’hui j’ai eu l’occasion de l’interpeller au sujet d’une communication du gouvernement prussien : le ministre a dit qu’effectivement il avait reçu une semblable communication, mais qu’elle était conçue dans les meilleurs termes. Je ne suis pas du tout de l’avis du ministre : je suis persuadé que si la chambre avait cette communication sous les yeux, elle ne trouverait pas qu’elle est conçue en bons termes car, si je suis bien informé, on s’y plaint amèrement du retard qui est apporté à la liquidation d’une dette qui n’est pas la nôtre, et on va jusqu’à menacer d’user de représailles et de se faire justice soi-même : on est trop poli en diplomatie pour dire crûment de pareilles choses ; mais si mes informations sont exactes, c’est là tout à fait le sens de la communication dont il s’agit, et qu’on considère comme conçue en très bons termes. Je persiste dans mon interpellation.

Après avoir présenté le côté sérieux de l’affaire, je vous en ai fait voir un côté plus ou moins plaisant ; j’ai dit que la demande avait été adressée au ministre des affaires étrangères et remis par lui au secrétaire général qui, au nom de M. de Theux, ministre des affaires étrangères, l’a renvoyée à M. de Theux, ministre de l’intérieur. M. le ministre dit qu’il l’a renvoyée aux travaux publics, mais cela n’empêche pas qu’elle a d’abord été renvoyée de l’extérieur à l’intérieur, de manière qu’il n’y a pas seulement eu un double, mais un triple renvoi ; si maintenant le ministre des travaux publics ne juge pas convenable de s’en occuper, il la renverra de nouveau, et elle finira ainsi par tourner perpétuellement dans un cercle vicieux.

Mais, a-t-on dit, c’est pour le bon ordre, c’est pour maintenir chaque ministère séparé, que les choses passent par la même filière qu’autrefois. Dès que ces paroles ont été prononcées, je m’était dit : C’est à un sixième ministère qu’on veut en venir ; un honorable préopinant s’est empressé de démontrer la nécessité d’un sixième ministère : il est possible que ce ne soit pas l’intention de M. de Theux d’en créer un, mais qu’on soit tranquille, c’est une pierre d’attente, et il pourra en venir d’autres qui le formeront. Ceux qui tirent les marrons du feu ne sont pas toujours ceux qui les mangent Vous aurez donc six ministres : soit, six ministres, pourvu que le ministre des affaires étrangères ne se croie pas trop obligé de s’agiter, afin d’avoir l’air très occupé ; pourvu qu’il ne s’occupe pas trop des affaires étrangères. Vous voyez que je ne partage pas l’avis du préopinant, et je m’appuie à cet égard d’une autorité, qui vaut bien celle d’un ministre d’Etat ; c’est celle du précèdent ministre effectif des affaires étrangères qui, pour répondre au reproche que je lui adressais de ne rien avoir fait, puisqu’il n’avait rien à nous communiquer, disait : « Vous seriez trop heureux un ministre des affaires étrangères qui ne fit jamais rien ; la Belgique sera très heureuse aussi longtemps que le ministre des affaires étrangères n’aura rien à faire. » M. le ministre d’Etat qui a parlé avant moi voudra bien me permettre de lui opposer l’autorité de M. de Muelenaere, dont je partage entièrement l’avis dans cette circonstance, non pas parce qu’il n’est plus ministre ou parce qu’il le redeviendra bientôt, mais parce qu’il avait raison.

Je n’entrerai pas, messieurs. dans de bien longues considérations pour répondre à toutes les observations qui ont été longuement développées pour démontrer la nécessite d’un sixième ministère et surtout d’un ministère des affaires étrangères, à la tête duquel doit se trouver un homme qui n’ait à s’occuper d’aucune autre affaire afin de n’être jamais distrait dans ses profondes méditations, qui doivent un jour assurer à la Belgique une position respectable et digne vis-à-vis de toutes les puissances de l’Europe, grandes et petites. Chétifs que nous sommes, tâchons plutôt de faire oublier qu’il y a sur le globe un petit point qu’on appelle la Belgique révolutionnaire ; ne nous donnons pas trop de mouvement, car nous pourrions passer aux yeux des gens sensés pour des êtres semblables à l’écureuil qui s’agite sans cesse et qui ne produit jamais rien, et aux yeux des grands parents de la conférence pour des importants, des prétentieux, des turbulents qu’il est bon de mettre à la raison.

Ce qu’il convenait de faire, messieurs, c’était de soulager le ministre de l’intérieur, et en cela j’applaudis à ce qui a été fait ; car, quelque zèle qu’il y mette, un ministre de l’intérieur aura toujours beaucoup et laissera souvent beaucoup à faire, dans un pays comme le nôtre ; il aura toujours beaucoup de peine à satisfaire à tous les besoins ; tel qu’il était précédemment organisé, le ministre de l’intérieur aurait pu difficilement faire toujours marcher toutes les affaires de front. Seulement je me suis permis de critiquer l’anomalie que présente l’assemblage des diverses attributions du nouveau ministère des travaux publics, auquel on a attribué des choses qui lui sont le plus étrangères du monde. Pour ne parler que d’une seule de ses attributions, je dirai que la milice et la garde civique me semblent être essentiellement inhérentes au ministère de l’intérieur ; le ministre de l’intérieur a sa correspondance établie avec tous les gouverneurs, les commissaires de district, les bourgmestres ; la milice et la garde civique se rattachent, en un mot, à toutes les opérations du département de l’intérieur.

Il me semble donc que ces attributions devraient continuer à en faire partie, et qu’on devrait en détacher d’autres qui ont plus de rapport avec les travaux publics.

Quant à la création d’un ministère des affaires étrangères exclusivement chargé de la direction de nos relations extérieures, je crois avoir suffisamment répondu aux considérations qu’on a fait valoir en faveur d’un semblable projet, en citant les paroles de l’ex-ministre des affaires étrangères et à moins qu’on ne me prouve la nécessité d’un ministère exclusivement diplomatique par d’autres raisons que celles qu’on a alléguées aujourd’hui. Je persiste dans mon opinion qu’il convient de maintenir un ministère des affaires étrangères, mais en lui donnant des attributions qui puissent prévenir l’ennui qu’éprouverait souvent un ministre des relations extérieures qui n’aurait pas à s’occuper d’autres choses.

On a dit qu’un ministre des affaires étrangères n’est pas placé là uniquement pour attendre les dépêches, pour voir venir la correspondance tranquillement assis dans son fauteuil ; non ; messieurs, car alors il pourrait souvent attendre fort longtemps, puisque, selon le préopinant, on mettait quelquefois chez nous deux mois à rédiger une dépêche, et que dans les autres pays où l’on a sans doute à s’occuper d’affaires plus nombreuses et plus importantes que chez nous, il est à croire qu’on met au moins le même intervalle quand par hasard on prend la peine de nous écrire.

La correspondance ne sera donc jamais très considérable. En bien, messieurs, je suis assez d’avis qu’il faut attendre et rarement provoquer des correspondances. Cependant je ne pense pas que nos envoyés en mission doivent imiter certain missionnaire, envoyé en Angleterre en 1831 pour examiner, disait-on, les dispositions des différentes puissances ; à son retour, après avoir beaucoup parlé de ses rapports avec les membres du cabinet britannique, il répondit, quand on lui demanda s’il avait vu Talleyrand, il répondit, dis-je, non pas moitié sérieusement, moitié en riant, mais très sérieusement, qu’il avait voulu le voir venir.

Eh bien, je désire, moi, qu’en pareille occasion on n’ait plus la prétention de voir venir. Je désire que, sans vouloir provoquer des négociations bien ardues, ni même des correspondances bien compliquées, et tout en demandant qu’on ne se donne pas trop de mouvement ni l’air trop agité ; je désire enfin que lorsque notre ministre des affaires étrangères enverra des instructions soit à Londres, soit à Paris, soit partout ailleurs, il ait soin de bien recommander de n’avoir ni vues étroites, ni politique exclusive, et de traiter tous les ambassadeurs sur le même pied de neutralité. Dans ce sens, je veux bien qu’on voie venir tout le monde ; mais je désire que lorsqu’on recherche l’un de nos alliés, on ne se borne pas à voir arriver l’autre.

J’ai dit.

M. Devaux. - Au début du discours du préopinant, j’ai demandé la parole pour un fait personnel ; il a ajouté ensuite que dans ce qu’il venait de dire, il n’y avait rien qui me fût personnel ; s’il en est ainsi, je suis heureux de m’être trompé. J’avais cru entendre que dans son idée les paroles que j’ai prononcées tout à l’heure m’auraient été inspirées par le ministère, et qu’ainsi j’aurais parlé d’accord avec lui. Contre une telle interprétation de mes paroles, j’aurais dû, messieurs, protester avec force ; car elle serait aussi contraire à la vérité, qu’à mon caractère.

N’ayant demandé la parole que pour un fait personnel, je n’ai pas le droit d’aborder plusieurs autres points dont on vient de parler. Je dois dire cependant que le préopinant a eu tort de prendre pour lui ce que j’avais dit au sujet d’une proposition faite au congrès ; je ne sais si l’honorable préopinant reproduit avant-hier cette proposition ; si ma mémoire est fidèle, ce sont d’autres membres du congrès qui ont présenté celle dont j’ai parlé en passant, et si je ne me trompe, c’est pendant que l’honorable membre était au pouvoir.

Le même orateur vient de prêter à un diplomate (je crois que c’est ainsi qu’il a désigné la personne) des paroles que ce diplomate aurait prononcées dans cette enceinte en comité secret ; il aurait dit « qu’il avait voulu voir venir le prince Talleyrand. »

je sais, messieurs, que ce diplomate, puisqu’on l’appelle ainsi, a vu le compte rendu de ce comité secret, travesti de la manière la plus grotesque dans un journal de Paris ; mais ce diplomate a cru indigne de lui de répondre à une pareille caricature.

L’honorable membre n’avait sans doute pas assisté à cette séance secrète ; sans cela il saurait que le prétendu diplomate, qui a été mis en cause, n’a pas prononcé les paroles qu’on lui a prêtées : jamais.

M. Gendebien. - L’honorable M. Devaux conteste que les paroles que j’ai rappelées aient été prononcées par un diplomate, à son retour de Londres, dans une séance secrète du congrès.

Je ne veux pas m’en rapporter uniquement à ma mémoire, qui me trompe rarement sur les faits de cette époque ; mais je pourrais invoquer, au besoin, les souvenirs de l’immense majorité des membres qui ont assisté à cette séance secrète, et qui affirmeraient, comme je l’affirme actuellement, que les paroles citées par moi ont été prononcées dans cette séance.

Je n’ai pas dit que c’est M. Devaux qui a tenu ce langage. Il n’était donc pas nécessaire qu’il s’excusât ; je n’ai nommé personne.

Je dois déclarer seulement au diplomate, quel qu’il soit, qui s’y plaint d’avoir été représenté grotesquement dans un journal de Paris, et avoir joué le rôle d’un très sot personnage, je déclare, dis-je, que si un article offensant pour lui a été inséré dans un journal de Paris, ce n’est pas ma faute, je n’en suis pas l’auteur ; je n’ai jamais de temps de reste pour le consacrer à ce genre de polémique, j’ai mieux à faire que cela. Je dois dire enfin, que lorsque j’écris des articles de journal, j’ose les signer, et que surtout je ne les nie jamais.

M. Devaux. - Je demande la parole.

J’affirme de nouveau que si les paroles auxquelles on a fait allusion se rapportent à moi, je ne les ai jamais prononcées. Je sais bien que certains membres du congrès ont dû me les attribuer ; car, la séance ayant été secrète, eux seuls ont pu en révéler les détails. Mais j’affirme encore n’avoir jamais dit rien de semblable.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je dois d’abord déclarer que dans la combinaison actuelle, nous n’avons eu nullement en vue de poser une pierre d’attente pour la création d’un sixième ministère.

Nous avons cru, au contraire, que dans l’état de choses actuel, cette répartition nouvelle diminuait ou éloignait la nécessité d’une pareille création.

Toutefois, si dans la suite des temps une telle nécessité se montrait, le gouvernement, messieurs, n’hésiterait pas à vous faire des propositions, non d’une manière détournée, mais franchement et ouvertement ; nous sommes assurés aussi, messieurs, que si alors cette nécessité vous était démontrée, vous n’hésiteriez pas à voter les dépenses nécessaires.

Au reste, nous n’avons pas besoin de le dire, nous éloignerons cette nécessité autant qu’il dépendra de nous ; car il est incontestable que ce n’est pas en multipliant les rouages de l’administration supérieure que l’on en facilite la marche.

Nous le répétons donc, ce n’est que dans le cas d’une absolue nécessité que l’on devrait, dans notre opinion, recourir à la création d’un sixième ministère.

Je me félicite, messieurs, de la discussion générale qui vient d’avoir lieu à l’occasion du budget des affaires étrangères. Nous avons eu lieu de nous convaincre que, si quelques opinions dissidentes sur la combinaison actuelle avaient été émises dans cette enceinte, du moins ces opinions n’étaient pas concordantes entre elles ; et je ne veux pas d’autre preuve qu’il eût été difficile de faire mieux que ce que nous avons fait.

En effet, chacun a mis en avant un système d’organisation différent : c’est une vérité qui ressort tout entière de la discussion.

Ainsi, messieurs, pendant qu’un orateur place aujourd’hui en première ligne le ministère des affaires étrangères, lequel, dans des discussions antérieures, avait été regardé comme celui qui avait le moins d’attributions, un autre orateur a combattu ce système dans un discours longuement développé.

Pour nous, messieurs, nous n’avons partagé ni l’une, ni l’autre de ces deux opinions. Nous n’avons pas pensé que le ministère des affaires étrangères fût le plus important de tous ; nous n’avons pas cru non plus que ce ministère fût sans importance ; nous pensons que les affaires étrangères, ainsi que celles de l’extérieur, exigent beaucoup de prudence, de vigilance et d’intelligence pour être menées à bonne fin.

Quant à moi, messieurs, si j’ai assumé un nouveau fardeau, ç’a été seulement en considération du dégrèvement qui a été opéré dans les attributions du département de l’intérieur ; je n’hésité pas à déclarer que si, contre mon attente, l’expérience venait à démontrer que l’étendue des affaires est trop grande pour qu’elles puissent être convenablement traitées, je serais le premier à ne pas assumer une telle responsabilité, et surtout à ne pas compromettre les intérêts de l’Etat qui, dans mon opinion, doivent aller avant tout.

Une autre circonstance qui me paraît heureuse, au moment de la prise de possession des nouvelles attributions, c’est que la discussion a eu en quelque sorte pour objet de faire un inventaire, d’établir un état de situation ; nous serons un jour, messieurs, appelé à rendre compte de notre gestion, et l’on verra alors si les affaires ont été détériorées.

L’on est revenu, messieurs, sur la longue mission de notre envoyé extraordinaire à Lisbonne. Je pourrais me dispenser de répondre à un fait qui m’est entièrement étranger ; mais je dois déclarer qu’il n’a pas été dans notre pensée de dire que notre envoyé extraordinaire n’a eu d’autre mission que celle de complimenter la reine de Portugal.

Nous avons dit que c’était là l’origine de sa mission, et il est facile de comprendre que, dans un état de choses nouveau, cet envoyé ait eu à observer les événements, dans l’intérêt de la Belgique, et de voir s’il ne pouvait pas être établi des relations plus particulières entre les deux pays.

Pour prouver combien les légations étaient peu utiles, on a dit que ce n’était que par une voie particulière qu’on avait appris la restitution de droits extraordinaires perçus aux Etats-Unis sur un navire belge. C’est une erreur ; notre envoyé en Amérique nous a adressé un rapport qui à la vérité nous est arrivé un peu tard, mais on sait que les communications avec l’Amérique ne peuvent pas avoir lieu d’une manière aussi régulière qu’avec les pays du confinent. Nous aven reçu un rapport très circonstanciée sur cette affaire.

En ce qui concerne la mission de Rome, l’honorable orateur qui a parlé le dernier aurait désiré des explications plus pertinentes. Je vous éviterai les ennuis de la redite, parce que les explications que j’ai données me paraissent tout à fait complètes, et je me bornerai à inviter l’honorable membre à les lire dans le Moniteur.

Je ne crois pas devoir en dire davantage dans la discussion générale ; si dans la discussion des articles de nouvelles observations sont présentées, je donnerai les explications que la chambre désirera.

- La discussion générale est close.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Article premier

« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000. »

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’il y a lieu de transposer le vote de cet article, parce qu’il doit être placé aux travaux publics. Comme il n’y a pas d’appointements dans les budgets, tels qu’ils sont proposés, pour le ministre des travaux publics, et qu’il n’y a plus de ministre spécial des affaires étrangères, je propose d’ajourner le vote du traitement jusqu’à la discussion du budget des travaux publics.

M. de Brouckere. - Je m’oppose à l’ajournement proposé par M. le ministre des finances ; je demande que la chambre vote l’article 1er du budget des affaires étrangères. Si vous admettez l’ajournement proposé c’est déclarer que vous ne voulez pas que, pendant l’année entière, il y ait un ministre des affaires étrangères, qu’on rétablisse ce ministère ; c’est dès à présent déclarer que vous approuvez la nouvelle combinaison. La chambre doit voter les appointements du ministre des affaires étrangères, sauf à examiner comment on fera toucher ses appointements au ministre des travaux publics ; chose à laquelle je ne fais aucune opposition, tant que l’état de choses actuel durera.

Ce serait pour la chambre une grande imprudence que de mettre une proposition qui sanctionnerait la distribution actuelle des attributions ministérielles.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si on veut trancher de suite cette question, en la considérant comme une question ministérielle, nous sommes tout disposés à accepter la discussion sur ce terrain ; nous ne reculerons en aucune manière, et il me sera au contraire très agréable de connaître le vœu de la chambre. Si c’est là ce que demande le préopinant nous sommes prêts. Mais s’il demande, par exemple, de réserver la question de savoir s’il y aura changement d’attributions de ce sixième ministre, nous ne pouvons l’admettre, car nous n’avons pas à examiner ce dont nous ne sommes pas saisis.

Le préopinant voudrait-il faire cumuler les deux traitements par le ministre qui réunit les deux ministères dans ses attributions ? Je ne pense pas que telle puisse être son intention. Dès lors, il y a lieu de transporter le traitement proposé, alors qu’il y avait spécialement un ministre des affaires étrangères, au ministère des travaux publics où il y a un ministre.

M. de Brouckere. - Il ne s’agit pas du tout ici d’une question ministérielle ; le vote de la chambre n’entraînerait pas, dans aucun cas, la retraite des ministres ; et pour mon compte, je désire si peu leur retraite, que si tel avait dû être le résultat de ma motion, je ne l’aurais pas faite. J’ai voulu seulement empêcher que la chambre, en ajournant, comme le propose le ministre des finances, le vote sur le traitement du ministre des affaires étrangères, ne décide, d’une manière indirecte qu’il n’y aura plus de ministre des affaires étrangères, au moins pour toute cette année,

Maintenant le préopinant entend-il qu’on traite dès aujourd’hui la question de savoir s’il y aura un sixième ministère ou non ? Je ferai observer que la chambre n’a pas décidé cette question d’une manière directe. Ce n’est que d’une manière indirecte que la chambre peut exprimer son opinion à cet égard.

Si la chambre pense qu’il ne faut plus à l’avenir de ministre des affaires étrangères, elle doit ajourner l’article premier relatif au traitement du ministre. Si, au contraire, elle pense qu’il ne faut pas décider dès aujourd’hui, et pour toujours, que le ministre des affaires étrangères est supprimé, il faut voter les 21 mille fr.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il est difficile de concevoir le but que se propose le préopinant. Sans doute, il ne veut pas que le ministre de l’intérieur cumule les deux traitements ; son but n’est pas non plus de créer un sixième ministre. Au surplus, je ne pense pas que la chambre, fût-ce même son opinion, puisse prendre l’initiative pour la création d’un sixième ministre.

Quelle serait donc alors la conséquence de la proposition qu’il a faite ? Je ne peux la concevoir. La proposition de M. le ministre des finances, au contraire, est toute logique ; elle est appropriée à l’organisation des départements ministériels telle qu’elle existe aujourd’hui. Je demande donc qu’on fasse du budget des affaires étrangères la distraction du traitement alloué qui était alloué au ministre de ce département, parce que je n’entends pas cumuler les deux traitements. Si les deux traitements étaient votés, la conséquence serait que je devrais les toucher. Je me contente de celui de l’intérieur, et je demande que le traitement du ministre des affaires étrangères soit ajourné pour être affecté au département des travaux publics, nouvellement créé.

M. Gendebien. - L’intention de M. de Brouckere n’est certes pas de faire cumuler les deux traitements par M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères ; elle n’est pas non plus de préjuger la question d’un sixième ministre ; il faut que la nécessité d’un nouveau ministère soit démontrée, et ce n’est pas dans une discussion incidente qu’on peut se prononcer sur cette question. Ce que veut l’honorable membre, comme beaucoup d’autres orateurs que vous avez entendus, c’est qu’on ne supprimer pas le ministère des affaires étrangères et qu’on lui donne des attributions suffisantes pour l’occuper. Si nous supprimions le traitement du ministre des affaires étrangères, nous supprimerions ce ministre pour une année.

Je suppose que d’ici à la fin de l’année on trouve nécessaire de reconstituer un ministère des affaires étrangères, on n’aura pas de traitement à lui donner, car vous ne pourrez pas faire de transfert.

Une voix. - On demandera un crédit !

M. Gendebien. - On demandera un crédit ? Mais si les chambres ne sont pas assemblées vous ne pourrez pas le faire. Il est plus naturel de laisser les choses comme elles étaient, au lieu de supprimer un ministère pour mettre deux portefeuilles dans la même main. Laissez donc les choses comme elles étaient, en donnant au ministre des affaires étrangères des attributions telles qu’il ait quelque chose à faire.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il ne faut pas se contenter de mots, il faut des choses. Voici notre position : Nous nous présentons avec les attributions telles que le Roi nous les a confiées. Si dans cette position vous nous croyez dignes de la confiance que nous vous avez accordée jusqu’à ce jour, nous tâcherons de la justifier ; si au contraire vous adoptez la proposition de M. de Brouckere, nous considérerons le vote de la chambre comme un retrait de sa confiance, et notre parti sera pris.

M. Devaux. - Je ne voterai pas dans le sens de la proposition de M. de Brouckere. Je ne vois pas d’inconvénient à adopter la proposition de M. le ministre de l'intérieur, malgré les observations que j’ai faites au commencement de la séance. Pour moi, je me contente d’avoir présenté ces observations ; je n’ai eu aucune intention de les formuler en un vote. Je conçois que la question étant posée comme elle vient de l’être, le ministère n’en ayant pas pris l’initiative et n’y ayant pas acquiescé, il serait très difficile de ne pas la regarder comme une question de cabinet.

Quant à l’objection tirée du cas où on voudrait nommer un titulaire spécial aux affaires étrangères, elle n’est pas bien importante, il n’y aura qu’à demander un crédit.

M. Gendebien. - Et si les chambres ne sont pas assemblées ?

M. Devaux. - Alors ce sera le ministre qui fera crédit au pays pour quelques mois.

M. de Brouckere. - Si ma proposition était restée telle que je l’ai présentée, j’ai la conviction que la chambre eût résolu la question affirmativement. En la faisant, je n’avais qu’un seul objet, je désirais mettre la chambre à même de se prononcer sur la question de savoir si elle approuve la suppression du ministère des affaires étrangères. Voilà la seule question que je voulais faire décider.

Il ne s’agissait pas de savoir si M. de Theux cumulerait deux traitements ou si M. Nothomb toucherait ou ne toucherait pas les appointements qui lui reviennent, ce que je ne conteste pas ; une seule chose était à décider, c’était de savoir si la chambre approuvait ou n’approuvait pas la suppression du ministère des affaires étrangères.

Maintenant les ministres qui ont senti qu’ils allaient succomber, que la chambre allait se prononcer en faveur de ma proposition, ont trouvé moyen d’empêcher cette énonciation de son opinion, en déclarant que si la chambre se prononce dans ce sens, ils se retireront.

J’ai cependant déclaré au commencement de cette discussion que mon intention n’était pas de faire de ma proposition une question de cabinet, et que, si j’avais pensé qu’elle pût avoir cette conséquence, je ne l’eusse pas faite.

Ce que vient de dire M. le ministre de l'intérieur me met dans la nécessité de retirer ma proposition. Je la retire donc, mais convaincu que si le ministre des finance n’y avait pas attaché des conséquences qui n’étaient pas dans ma pensée, moyen auquel le ministère n’a eu recours que dans le but d’empêcher la chambre de se prononcer, cette proposition eût été adoptée.

Je la retire pas les motifs que je viens d’énoncer ; je trouverai un autre moyen d’amener la chambre à se prononcer sur la question.

- L’ajournement de l’article premier est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Traitement des fonctionnaires employés et gens de service : fr. 42,000. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je demanderai de retrancher de ce chiffre quatre mille fr., attendu que dans ce crédit se trouvent compris les gens de service de la marine et le concierge de l’hôtel. Nous avons pensé que de ce chef nous devions distraire une somme de quatre mille fr. pour les porter au budget des travaux publics.

M. de Brouckere. - Je demanderai si la somme de 38,000 fr. est celle qui était précédemment affectée au traitement des fonctionnaires et employés de l’administration centrale, s’il n’est rien de changé à l’allocation.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Non ! Il n’est rien changé du tout.

- L’art. 2 est adopté avec le chiffre de 38,000 fr. 4,000 fr. sont ajournés jusqu’à la discussion du chiffre du ministère des travaux publics.

Article 3

« Art. 3. Matériel : fr. 15,000. »

- Sur la demande de M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux)., cet article est adopté avec le chiffre de 12,000 fr. 3,000 fr. sont ajournés jusqu’à la discussion du budget du ministère des travaux publics.

Article 4

« Art. 4. Achat de décorations de l’ordre Léopold : fr. 7,000. »

Chapitre II. Traitement des agents diplomatiques

Articles 1 et 2

« Art. 1er. France : fr. 58,000. »

- Adopté.

« Art. 2. Grande-Bretagne : fr. 80,000. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Prusse : fr. 54,500. »

M. de Brouckere. - M. le ministre des affaires étrangères vient de nous dire que le titulaire actuel était en congé à Bruxelles. Je lui demanderai si cet agent diplomatique compte retourner à Berlin ou s’il n’a pas manifesté l’intention de résilier ses fonctions.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - L’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire du Roi à Berlin, accrédité près cette cour il y a deux ans, a quitté cette résidence sur sa demande pour affaires de famille. Mais il a exprimé au gouvernement le désir de ne pas continuer ses fonctions. Néanmoins sa position n’est en rien changée par rapport au gouvernement prussien ; c’est-à-dire que le gouvernement belge n’a pas notifié au gouvernement prussien les lettres de rappel de cet agent diplomatique. Lorsque des lettres de rappel auront été notifiées, il sera nécessaire de songer à un nouvel envoyé à Berlin.

Jusque-là, vis-à-vis du gouvernement prussien, la place est toujours censée occupée.

Cependant, d’un autre côté (et je n’ai pas besoin d’ajouter cela pour qui connaît l’honorable comte de Baillet qui remplit ces fonctions), aucun traitement ne lui est alloué depuis le jour où il a quitté Berlin.

- L’article 3 est adopté.

Articles 4 à 11

« Art. 4. Italie : fr. 40,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Autriche : fr. 30,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Etats-Unis : fr. 25,500. »

- Adopté.


« Art. 7. Brésil : fr. 21,000. »

- Adopté.


« Art. 8. Portugal fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 9. Espagne : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 10. Suède ou Danemarck : fr. 15,000. »

- Adopté.


« Art. 11. Grèce : fr. 15,000. »

- Adopté.

Chapitre III. Traitements des agents en inactivité, de retour de leur mission

Article unique

« Art. unique. Traitements des agents politiques en inactivité, de retour de leur mission sans qu’ils y soient remplacés : fr. 10,000. »

- Adopté.

Chapitre IV. Traitements à allouer à quelques agents commerciaux

Article unique

« Art. unique. Traitements à allouer à quelques agents commerciaux ; chiffre proposé par le gouvernement : fr. 60,000 ; chiffre proposé par la section centrale et auquel le gouvernement se rallie : fr. 30,000. »

M. le président. - Le rapport de la section centrale, au sujet de cet article, est ainsi conçu :

« Nous avons entendu le ministre, qui a fait connaître qu’il s’agissait ici, non pas de consuls ordinaires, mais d’agents commerciaux qui auraient pour mission spéciale de chercher à établir des relations commerciales, dans l’intérêt de notre industrie nationale, avec des pays où nos négociants n’ont point encore pénétré, ou bien n’ont pénétré qu’imparfaitement.

« Sur les observations de la section centrale, le ministre s’est rallié au chiffre qu’elle a proposé à l’unanimité, et qui est de 30,000 au lieu de 60,000 fr.

« Un membre a proposé de substituer le mot « rétribution » à celui de « traitement, » mais cette proposition a été rejetée à la majorité de cinq voix contre une.

« La section centrale a en outre décidé qu’il serait inséré expressément dans son rapport à la chambre, qu’il était bien entendu que, dès qu’un consul viendrait à être salarié en qualité d’agent commercial, tout commerce pour son propre compte lui serait interdit dès ce moment. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - La réserve faite par la section centrale de n’allouer aucun traitement à des agents commerciaux qui en même temps feraient quelque commerce pour leur compte est une opinion qu’en principe nous partageons également. Cependant nous ne devons pas laisser ignorer que les chambres de commerce ayant été consultées par mon prédécesseur sur les traitements à allouer aux agents commerciaux et sur la question de savoir si dans aucune circonstance il ne devait en être alloué à des agents commerciaux qui feraient en même temps un commerce, plusieurs chambres de commerce ont fait remarquer que cette restriction serait nuisible, attendu que si l’on admettait en principe absolu que les agents rétribués ne pourront faire aucun commerce, les traitements devront être considérables et la dépense très forte. Ces chambres de commerce ont donc pensé qu’il n’était pas prudent de s’engager et qu’il fallait se déterminer suivant l’opportunité des circonstances.

Une chose certaine c’est que si un traitement est alloué à des agents commerciaux faisant un commerce, nous exigerons avant tout qu’ils soignent les rapports consulaires et qu’ils ne se laissent pas absorber par les détails de leur commerce particulier au détriment de la Belgique, dont ils recevront un traitement.

C’est dans ce sens que j’admets en principe la proposition de la section centrale. Cependant je crois qu’il serait bon que le gouvernement pût au besoin, comme l’ont demandé plusieurs chambres de commerce, agir suivant l’opportunité des circonstances.

M. de Brouckere. - Je n’ai rien à opposer à ce que vient de dire M. le ministre des affaires étrangères. Je me bornerai à le prier de répondre à cette question :

« Le ministre compte-t-il s’occuper dans l’année courante de nommer deux agents commerciaux dans le Levant, par exemple à Constantinople ? »

C’est, ce me semble, le premier soin dont doive s’occuper le ministre, en faisant usage des 30,000 fr. que nous sommes disposés à voter.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Notre intention est bien certainement de nous occuper immédiatement de compléter le service des agents commerciaux. Mais quant à dire de suite si nous aurons cette année un agent commercial à Constantinople, je ne suis pas en mesure de donner à cet égard une assurance à la chambre. Tout ce que je puis dire, c’est que ce consulat fera certainement l’objet de mes soins.

M. Desmanet de Biesme. - J’ai une observation à faire, que j’ai laissée passer dans la discussion générale. Mais au moment où l’on demande des applications nouvelles, je crois pouvoir proposer un changement par suite duquel le département des affaires étrangères produirait au moins quelque chose.

Dans tous les autres pays, au moins dans la plupart, on exige des visa pour les passeports ; je crois que dans notre pays cela n’existe pas ; pourquoi cette différence ? J’ai déjà fait cette observation il y a deux ans. Ce visa rapporte des sommes assez considérables ; je ne sais pourquoi nous serions généreux vis-à-vis des sujets des autres puissances et nous n’userions pas de réciprocité ? Par exemple, je ne vois pas pourquoi nous paierions le visa de nos passeports pour la France, et nous ne ferions pas payer aux Français un semblable visa.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Un seul gouvernement fait percevoir des frais de visa, c’est la France. La Prusse, l’Angleterre, l’Autriche, en un mot toutes les légations qui se trouvent à Bruxelles, hors celle de France, ne perçoivent rien pour le visa et légalisation. Le gouvernement belge a songé à user de représailles à l’égard de la France ; mais le gouvernement français a désiré que cette résolution restât suspendue, en faisant espérer pour l’avenir la remise du droit de visa, ou au moins une réduction. Je crois que le ministre des affaires étrangères fera bien de renouveler nos réclamations près du ministère français qui, occupé de grandes questions, aura pu perdre de vue celle-ci.

Si nous ordonnions le visa dans toutes nos légations, et comme mesure générale, nous nous exposerions à nous trouver, vis-à-vis des puissances qui ne perçoivent rien, dans la position où la France est à notre égard, c’est-à-dire que nous serions exposés à des actes de réciprocité. Si la France ne répondait pas à nos vues, nous verrions jusqu’à quel point le gouvernement peut, sans loi, imposer la réciprocité en cette matière ; nous examinerions si, aux termes de la constitution, il ne faut pas une loi pour percevoir un droit de visa, ou si on peut établir ce droit par un simple arrêté.

M. Gendebien. - Ce n’est pas la première fois que l’on s’est plaint au sujet du visa ; tous les ans j’ai fait entendre cette plainte. La France non seulement fait payer des rétributions aux voyageurs, mais elle fait payer pour la légalisation de tous actes, et pour des certificats de vie nécessaires pour toucher les plus petites rentes. Il y a des malheureux qui ont 25, 30 ou 50 fr. de rentes, qui sont forcés de produite des certificats de vie, de payer des visa et des agents à Paris pour toucher en France des sommes aussi faibles, en sorte qu’il leur reste très peu de chose ; aussi attendent-ils quatre ou cinq ans avant de réclamer rien de ce qui leur est dû. Cette attente et ces sacrifices sont souvent très pénibles pour de malheureux rentiers.

On songe, dit-on, à changer cet état de choses ; on nous promet encore de s’en occuper ; mais nous ne pouvons plus nous contenter de promesses, il faut des actes. On nous a dit, toutes les fois que nous avons fait entendre des plaintes, que la France seule percevait des droits de visa, qu’elle était sourde à nos réclamations ; eh bien, usez de représailles. Il est indigne d’un gouvernement, comme celui de la France, de faire payer des malheureux, et d’exiger d’eux quelquefois un quart de leur revenu. J’insiste pour qu’on prenne une mesure. Si les démarches que fera le gouvernement belge, et que je désire être très prochaines, ne sont suivies d’aucun effet, qu’il prenne l’initiative, ou qu’un membre la prenne pour demander les dispositions législatives nécessaires.

Quant à la question de savoir si le gouvernement peut, par un arrêté, établir des droits de visa, je crois que la constitution l’a résolue négativement, et qu’il faut une loi, car c’est là un véritable impôt. Cette loi, je le vois avec regret, frappera sur de malheureux Français ; elle les gênera beaucoup, mais c’est le seul moyen d’arriver à une juste réciprocité utile aux deux pays.

Relativement à l’article des agents consulaires, j’appuie, moi aussi, la proposition de la section centrale ; et je suis bien loin de blâmer le ministre d’avoir demandé une allocation pour les consuls, car ce sont les seuls agents ressortissant du ministère des affaires étrangères, qui soient utiles au commerce et au pays.

La question de savoir si les consuls peuvent faire le commerce est des plus graves. Le titre de consul donne la faculté d’obtenir des renseignements ; et si ces agents font le commerce, il est très à craindre qu’ils n’en tirent, avant tout, parti pour leur propre compte. Si on ne peut trouver de consuls que parmi les négociants, obéissons à la nécessité ; mais dans les choix, il faudra mettre la plus grande prudence et la plus grande surveillance dans leur gestion, On pourrait, par exemple, exiger la promesse formelle de ne point profiter au détriment des Belges des renseignements qu’ils obtiennent à titre de leur office, et de ne point faire de commandes, avant que le ministre ait reçu ces renseignements et ait mis le commerce belge à même d’en profiter.

Mais cela sera très difficile dans l’exécution ; il vaudrait mieux nommer des agents non commerçants et les payer convenablement, et ne prendre des négociants que quand on n’en trouverait pas d’autres. Je le répète, on doit craindre qu’un commerçant ne reçoive un titre et de l’argent que pour faire valoir ses spéculations au détriment des négociants belges.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, je dois ajouter un mot d’explication à ce que j’ai déjà eu l’honneur de vous dire. Le préopinant semble supposer que le gouvernement français perçoit des droits sur tout le monde, même sur les malheureux ; c’est une erreur que la justice exige que je rectifie. Les légations françaises n’exigent aucun droit sur les indigents ; le visa est alors accordé gratis, et il suffit que la demande en soit faite d’office ; dans ce cas, l’indigence est présumée ; à plus forte raison est-il accordé gratis quand l’indigence est constatée.

Je crois avec l’honorable préopinant que l’emploi de l’allocation relative aux consuls rencontrera beaucoup de difficultés dans la pratique ; mais, pour les diminuer, il faut écarter l’interdiction absolue qui résulterait du rapport de la section centrale.

Il s’agit de compléter le système des agents commerciaux en nommant des agents salariés dans quelques contrées ; dans le Levant, par exemple, et dans plusieurs parties de l’Amérique du Sud, où certainement il n’est pas dans l’intention du gouvernement et des chambres d’établir des légations permanentes et fortement rétribuées. Il faut avoir des consuls au Mexique, à Colombie, au Pérou, et dans d’autres Etats de l’Amérique du Sud. Il sera difficile de trouver des négociants qui consentent à remplir ces fonctions sans rétribution ; mais le gouvernement a pensé qu’il obtiendrait de quelques négociants belges, établis dans ces Etats, moyennent une indemnité, qu’ils remplissent les fonctions consulaires.

Si la réunion de ces fonctions à la profession de négociant présentait des inconvénients, le gouvernement en serait juge dans et il y porterait remède selon les circonstances. Cette somme de 30,000 fr. offre d’ailleurs peu de ressources, surtout si on veut payer des traitements complets : que pourrait-on faire avec 30,000 francs pour avoir des agents nés en Belgique, les seuls en qui on puisse avoir confiance, et les envoyer en pays éloignés ? Il y aurait là de quoi faire tout au plus trois traitements, si la profession de négociant est regardée comme incompatible. Il faut laisser toute latitude au gouvernement, et voici ce qui arrivera dans les budgets futurs : on n’y portera plus la somme allouée aux agents en masse, car on pourra alors rendre compte de son emploi en détail.

Dans l’un des prochains budgets vous verrez figurer en détail les traitements des agents consulaires, comme vous voyez maintenant figurer les traitements des agent politiques ; vous aurez une rubrique portant : « Traitement des agents commerciaux ; » les résidences seront marquées. Du reste, cette somme de 50 ou de 60,000 francs est insuffisante : il ne faut pas vous faire illusion, ce qu’on vous demande n’est qu’un essai.

M. Desmanet de Biesme. - J’appuierais les observations faites par M. Gendebien, si je n’étais pas persuadé de leur inutilité. Il est des pays où l’on défend aux agents commerciaux de faire aucun négoce ; mais ils éludent cette injonction, en le faisant faire à leur profit, sous un nom emprunté ; et cela offre alors tous les inconvénients qui ont été signalés par l’honorable M. Gendebien. Je crois que, dans la position où nous nous trouvons, nous ne pouvons mieux faire que d’adopter la proposition du gouvernement d’accorder des traitements aux consuls sans imposer des conditions trop absolues, et que l’expérience seule indiquera ce qu’il conviendra de faire.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Pour avoir dans les divers pays des agents consulaires convenablement rétribués, il faudrait des sommes considérables ; l’Angleterre a adopté ce système, mais cela lui coûte 2,500,000 fr. … La France dépense pour le même objet une somme de 1,670,000 francs.

De cette manière tout commerce est interdit aux agents consulaires de ces deux pays. Quant à la Belgique, il faut bien observer que les agents consulaires ne sont pas rétribués ; ils ont cependant une indemnité résultant des droits qu’ils perçoivent dans l’exercice de leurs fonctions, ce qui équivaut dans certaines localités au traitement qu’on sera obligé de leur accorder dans d’autres localités où leurs relations sont moins nombreuses ; c’est seulement dans ces dernières localités que nous nous réservons de les payer. Quant à la question de savoir si le commerce leur sera interdit, nous la déciderons suivant les circonstances, et n’autoriserons le cumul d’opérations commerciales avec les fonctions consulaires que quand la nécessité l’exigera.

M. Lebeau. - J’ai une explication à demander à M. le ministre des affaires étrangères ; je désirerais savoir s’il a connaissance que quand on voyage en France, muni d’un passeport délivré par le département des affaires étrangères qu’on a eu la précaution de faire viser à Bruxelles par le ministre de France, on est encore obligé d’échanger ce passeport, à la première ville de France, contre un passeport à l’intérieur ; le fait n’est pas contestable, mais je désirerais savoir s’il est justifié et s’il y a réciprocité à cet égard de la part de la Belgique, si le Français qui voyage en Belgique est également obligé d’échanger son passeport français contre un passeport belge : s’il y a réciprocité, un de mes principaux griefs cessera d’exister, bien que la mesure soit extrêmement gênante et que je n’en aperçoive pas l’utilité, bien qu’il soit à certains égards humiliant pour le gouvernement qui a accordé un passeport que ce passeport ne peut servir qu’à en faire délivrer un autre. Je signale cette mesure, messieurs, comme plus ou moins vexatoire, comme entraînant plus ou moins d’inconvénients pour les voyageurs.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Le fait que vient de signaler l’honorable préopinant est parfaitement exact ; de notre côté, nous avons pris des mesures de réciprocité, et nous ne nous en départirons que quand les faits qui y ont donné lieu cesseront. Cependant nous avons fait une exception dans l’intérêt des voyageurs ; lorsqu’on ne fait que traverser le pays, ou qu’on ne fait qu’un séjour tout à fait momentané, de manière que le renvoi serait impossible, alors nous usons d’indulgence.

M. Gendebien. - On n’a pas toujours exigé des Français qu’ils prissent un passeport belge en échange du leur ; il n’y a pas bien longtemps que cela se pratique : quoi qu’il en soit, il me semble que la réciprocité à cet égard peut avoir un bien si elle tend à faire disparaître la gêne que nos voyageurs éprouvent en France ; toutefois, je pense que cette mesure est plus ou moins contraire aux principes constitutionnels ; car, sans une loi qui y autorise, on perçoit un droit de deux francs par passeport.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - On ne peut pas taxer cela de perception d’un impôt puisqu’il dépend du gouvernement d’établir des règlements à l’égard des passeports délivrés aux étrangers ; si nous exigeons que le Français qui voyage en Belgique fasse le dépôt de son passeport et en prenne provisoirement un autre pour voyager en Belgique, c’est là une mesure de sûreté intérieure dans laquelle il n’y a rien d’illégal.

M. Gendebien. - Messieurs, sans contester ni reconnaître l’utilité de la mesure, en restant dans la question constitutionnelle, je dis que, si l’on croit utile de faire échanger les passeports, qu’on le fasse, mais qu’on n’exige pas de rétribution de ce chef ; ce n’est pas seulement la mesure de police que j’attaque, mais la rétribution qu’on perçoit à l’occasion de cette mesure. Si dans l’intérêt de la sûreté intérieure on croit l’échange des passeports nécessaire, qu’on donne alors le passeport belge gratis ou qu’au moins on ne fasse payer que le coût de et passeport, mais qu’on n’exige pas deux francs pour une pièce qui en définitive ne coûte peut-être pas 5 centimes.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je répondrai aux deux points du discours de l’honorable préopinant ; d’abord, quant à la mesure qui consiste à exiger des Français voyageant en Belgique, dans certains cas, le dépôt de leur passeport français et l’échange de ce passeport contre un passeport à l’intérieur de la Belgique, ceci se rattache, messieurs, à la question qui a été soulevée tout à l’heure : nous avons vainement réclamé pendant trois ans pour obtenir du gouvernement français qu’il fît cesser une semblable mesure envers les Belges, mesure qui s’applique du reste à toutes les nations ; quiconque se présente à la frontière française, soit Belge, Prussien, Autrichien, n’importe, doit se dessaisir de son passeport et en prendre un autre pour voyager à l’intérieur de la France ; dans l’impossibilité d’obtenir la révocation de cette mesure, nous avons été forcés d’user de représailles et d’exiger de notre côté, lorsqu’un Français se présente à notre frontière, qu’il se dessaisisse de son passeport français et qu’il prenne un passeport belge ; ce dernier passeport est frappé d’un timbre de 2 francs qu’on perçoit comme droit de timbre et pas autrement. Vous voyez donc d’une part que cette perception est légale, puisque c’est l’impôt du timbre, et d’un autre côté que si le gouvernement belge a pris cette mesure, c’est qu’il a été forcé de le faire.

Nous ne sommes pas dans la même position à l’égard de l’Allemagne, où les Belges peuvent voyager librement sans se dessaisir de leur passeport belge ; de même les Allemands peuvent venir en Belgique avec leur passeport allemand : ici la loi de réciprocité s’applique en sens inverse.

M. Gendebien. - D’après les explications que vient de nous donner le ministre des travaux publics, je reconnais qu’il n’y a rien d’inconstitutionnel dans la mesure, puisque l’étranger est traité chez nous comme on y traite les Belges, et que la rétribution dont il s’agit se perçoit en vertu de la loi du timbre ; toutefois je demande qu’on cherche à amener un changement dans cet ordre de choses qui est très désagréable.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Nous ne demandons pas mieux.

M. Gendebien. - Quand j’ai été dernièrement en France, j’ai été humilié de l’obligation qu’on m’a imposée de faire échanger mon passeport ; ces formalités qui ne servent à rien sont extrêmement vexatoires pour les personnes qui voyagent.

Un honorable voisin me fait remarquer une chose que j’avais oubliée, c’est que quand on va reprendre son passeport belge à Paris, on est encore obligé de payer une rétribution de 10 fr. ; il faudrait absolument réclamer contre cet usage.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - L’observation de l’honorable préopinant est très juste, c’est celle qui a déjà été faite par M. Desmanet de Biesme ; nous avons souvent réclamé contre la mesure dont se plaignent ces honorables membres, mais jusqu’à présent nous n’avons obtenu aucun succès, parce que le droit dont il s’agit fait partie des émoluments ou plutôt des frais de bureaux des légations que le gouvernement français devrait dédommager pour la perte de ce droit, s’il l’abolissait ; c’est donc une question de finance pour la France. Maintenant convient-il que la Belgique établisse le même droit ? C’est là ce que les chambres auront à examiner si les réclamations nouvelles qui seront faites n’obtiennent pas de résultat.

M. Gendebien. - Je propose de rétablir le chiffre de 60,000 fr. qui avait été proposé par le gouvernement ; en France on porte tous les ans au budget une somme de 1,670,000 fr. qui, divisée par huit, selon la proportion entre la population de notre pays et celle de la France, représente pont la Belgique la somme de 208,750 fr.

Je crois donc que le chiffre de 60,000 fr. n’est pas trop élevé, et j’espère que si vous l’adoptez, ce sera plus tard un motif pour réduire d’autres traitements attachés à des fonctions qu’on peut à juste titre considérer comme de véritables sinécures sans aucune utilité pour le pays.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Mon prédécesseur a consenti à la réduction et j’y avais moi-même consenti ; si la chambre, sur la motion de l’honorable préopinant, veut rétablir le chiffre de 60,000 fr., je considérerai plutôt cette décision comme un vote de principe que comme l’allocation d’un crédit destiné à servir cette année : c’était pour ces motifs que j’avais adhéré à la réduction proposée.

Je crois, du reste, avec l’honorable préopinent, que la somme de 30,000 fr. n’est pas suffisante pour l’année entière, bien entendu.

Je ferai observer que quant à la proportion que l’honorable préopinant a établie entre la France et la Belgique, cette proportion ne peut recevoir d’application parce que la Belgique aurait à rétribuer le même nombre de consuls et serait entraînée dans une dépense à peu près égale ; mais nous n’admettons pas le principe que tous les agents consulaires soient rétribués sur le trésor.

M. Gendebien. - D’après les explications de M. le ministre, je consens à retirer ma proposition.

M. Desmaisières, rapporteur. - J’avais demandé la parole pour soutenir la proposition de la section centrale ; mais j’y renonce, puisque M. Gendebien a retiré sa proposition.

- Le chiffre de 30,000 francs pour traitement à allouer à quelques agents commerciaux est mis aux voix et adopté.

Chapitre V. Frais de voyage des gens du service

Article unique

« Art. unique. Frais de voyage des gens du service extérieur, frais de courriers, estafettes et courses diverses : fr. 70,000. »

- Adopté.

Chapitre VI. Frais à rembourser aux agents de service extraordinaire

Article unique

« Art. unique. Frais à rembourser aux agents de service extraordinaire : fr 50,000. »

- Adopté.

Chapitre VII. Missions extraordinaires et dépenses imprévues

Article unique

« Art. unique. Missions extraordinaires et dépenses imprévues : fr. 65,000. »

- Adopté.


M. Doignon. - Si ce que dit la presse est vrai, un envoyé aurait été envoyé à Londres pour ouvrir des négociations concernant les droits différentiels. Cette mission intéresserait essentiellement le commerce maritime.

Pourrait-on savoir si réellement ces négociations ont eu lieu, et en cas d’affirmative, à quel point elles en sont venues ?

Il paraîtrait que l’Angleterre aurait élevé des prétentions exorbitantes.

J’attendrai les explications de M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, il serait prématuré d’aborder en ce moment l’objet auquel l’honorable préopinant a fait allusion. Il est très vrai qu’un envoyé spécial s’est rendu à Londres, à l’effet d’entamer des négociations, et c’est aujourd’hui que la première réponse à ses ouvertures nous est parvenu.

La chambre comprendra aisément que je ne puis en dire davantage pour le moment.

M. Doignon. - D’après cette explication, je n’insiste pas.

Mais j’ai deux mots à dire sur un autre objet

Il y a quelques mois, le Moniteur a publié divers arrêtés royaux qui nomment des « attachés » aux légations. Il serait bon que l’on sût en quoi consistent les fonctions de ces attachés.

Déjà, messieurs, les agents diplomatiques ont près d’eux des secrétaires et des commis qui sont salariés sur l’allocation affectée à chaque légation.

L’on m’a assuré que les fonctions d’attaché n’étaient pas salariées, qu’elles étaient purement honorifiques.

S’il en est réellement ainsi, je ferai cette observation : ces nouvelles fonctions sont inutiles ou superflues ; si elles sont superflues, il était inutile de les créer : si, au contraire, elles sont utiles, il arrivera que d’ici à peu de temps on prétendra qu’il est nécessaire de les rétribuer, qu’on ne peut s’en passer ; il faudra, dès lors créer une nouvelle dépense au budget.

J’attendrai enfin sur ce point les explications de M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, la nomination des « attachés » de légation n’est pas une création nouvelle ; ces fonctions ont existé de tout temps.

Effectivement, messieurs, comme l’a dit l’honorable préopinant, aucun de ces attachés ne touche de traitement.

Quant à l’emploi en lui-même, on ne peut nier qu’il soit utile de le conserver, puisqu’il importe au pays que des jeunes gens qui se destinent à la carrière diplomatique puissent faire leur éducation politique près de nos agents à l’étranger.

- Le chiffre de 65,000 fr. est mis aux voix et adopté.

M. le président. - Des amendements ayant été introduits dans le budget des affaires étrangères, le vote définitif en est remis à un autre jour.

- La séance est levée à 4 heures et demie.