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Note d’intention
Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du jeudi 19 janvier 1837
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions relatives à
l’impôt des distilleries (Donny), à une élection
communale contestée (Gendebien)
2) Demandes de naturalisation (Gendebien, Dubus)
3) Projet de loi relatif à la contribution personnelle. Discussion des articles.
Taxe sur les chevaux, essentiellement ceux des médecins et des agriculteurs (Dechamps, d’Huart, Eloy
de Burdinne), garde civique (d’Huart, Dechamps, de Theux, F. de Mérode, Eloy de Burdinne, Pollénus), (d’Huart, Pollénus, Gendebien, d’Huart, Gendebien), chevaux des
médecins et/ou des agriculteurs et de la garde civique (Eloy
de Burdinne, d’Huart, Vandenbossche,
d’Huart), recours à la députation permanente en cas de contestation
(comme tribunal administratif) (d’Huart, Fallon, Pollénus, Dechamps, d’Huart, Pollénus, Dubus, d’Huart,
Dechamps, Fallon, Verdussen, d’Huart, de Jaegher, Gendebien, Fallon, Verdussen, Gendebien, Pollénus, Fallon), date (rétroactive) d’entrée en vigueur (d’Huart, Eloy de Burdinne, Fallon, d’Huart, Dechamps)
3) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre (acquisition de la
bibliothèque Van Hulthem) (de
Theux)
4) Projet de budget de la chambre des représentants pour l’exercice 1837
5) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Concessions de mines (Rogier, de Theux), impôt sur les
distilleries, budget de la guerre (Fallon, d’Huart)
6) Projet de loi portant le budget du département de la justice pour
l’exercice 1837 (Pollénus)
(Moniteur
belge n°20, du 20 janvier 1837)
M. Verdussen
procède à l’appel nominal à 1 heure.
M. Lejeune lit le
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« La dame veuve Cloquet,
à Bruxelles, dont le mari est mort par suite des blessures qu’il a reçues en
combattant pour la cause nationale, demande une pension. »
_______________
« Le sieur Davreux aîné,
propriétaire d’ardoisières, à Bouillon, demande une loi qui établisse les
droits respectifs de l’inventeur, du possesseur du terrain et des propriétaires
contigus des ardoisières. »
_______________
« La
dame veuve Jacques Serruys, à Couckelaere,
adresse des observations sur le projet présenté par M. le ministre des
finances, portant des modifications à la loi sur les distilleries. »
_______________
« Le
sieur H. Leydlitz, saunier à Venlo, adresse des
observations sur le projet de loi relatif aux sels. »
« L’administration communale de Tohogne (Luxembourg) réclame l’intervention de la chambre
pour obtenir de la société dite de Luxembourg le paiement de la redevance
annuelle qu’elle devait payer aux propriétaires des terrains pour exploration
du minerai de fer. »
_______________
« Le sieur Pierre Tallois, propriétaire à Ham-sur-Heure, réclame contre un
arrêté du ministre de l’intérieur en matière d’élection communale. »
- Sur la demande de M. Donny,
la pétition qui contient des observations sur le projet de loi relatif aux
distilleries est renvoyée à la commission chargée de l’examen de ce projet.
La pétition qui concerne le projet de loi sur les
sels est renvoyée à la section centrale chargée de l’examen de ce projet ; elle
sera en outre déposée sur le bureau pendant la discussion du projet de loi
auquel elle se rapporte.
M. Gendebien. -
Messieurs, parmi les pétitions dont vous venez d’entendre l’analyse, il en est
une qui est relative aux élections communales de Ham-sur-Heure : il s’agit là
d’une question de validité d’une élection, et vous comprenez à ce seul mot
toute l’urgence de la pétition ; je demande que la commission des pétitions
soit invitée à nous faire un prompt rapport sur cette requête.
- Cette proposition est adoptée ; en conséquence la
pétition du sieur Tallois est renvoyée à la
commission des pétitions avec demande d’un prompt rapport.
Les autres pétitions sont renvoyées à la même
commission.
- Par divers messages en
date du l décembre dernier, le sénat annonce qu’il a pris en considération les
demandes en grande naturalisation de MM. le général Niellon,
de Radzisky, Steinbach,
Bresson, le comte de Briey et Gautier, ainsi que les demandes en naturalisation
ordinaire de MM. Garand, Stenmans,
Arnould, de Joug, Dezantis et Heidemann.
M. le président. -
D’après la loi sur les naturalisations et le règlement de la chambre, il y aura
maintenant lieu de renvoyer ces demandes à une commission ou aux sections.
M. Gendebien. -
Je ne sais pas s’il est nécessaire de faire une nouvelle instruction sur ces
pétitions ; je ne me rappelle pas bien les termes du règlement, mais il me
semble que, puisque le rapport a été fait, que la prise en considération a eu
lieu, l’instruction est complète ; il n’y a plus qu’à discuter et à accorder ou
refuser définitivement les naturalisations dont il s’agit. Je pense donc que
nous n’avons autre chose à faire que de fixer un jour pour la discussion.
M. Dubus (aîné). - Il y a lieu, messieurs,
à formuler des projets de loi sur les demandes dont il s’agit ; il faut un
projet de loi séparé pour chaque grande naturalisation, tandis que les
naturalisations ordinaires pourront être réunies en un seul projet ; il faut
donc renvoyer les demandes à une commission quelconque.
M. Gendebien. -
Si l’on entend que la commission à laquelle on renverrait les requêtes n’aurait
plus à compulser les dossiers, à examiner les motifs de chaque demande, en un
mot, qu’elle ne serait chargée que de rédiger les projets de loi accordant les
naturalisations, je ne m’oppose plus au renvoi.
- La chambre, consultée, renvoie les pièces à la
commission des naturalisations.
COMPOSITION DES BUREAUX DES SECTIONS
Première section
Président : M. de Nef
Vice-président : M. Duvivier
Secrétaire : M. B. Dubus
Rapporteur : M. Hye-Hoys
Deuxième section
Président : M. Legrelle
Vice-président : M. de Terbecq
Secrétaire : M. Milcamps
Rapporteur : M. Doignon
Troisième section
Président : M. Vanderbelen
Vice-président : M. Simons
Secrétaire : M. Scheyven
Rapporteur : M. Verrue-Lafrancq
Quatrième section
Président : M. Fallon
Vice-président : M. H. Vilain XIIII
Secrétaire : M. Dequesne
Rapporteur : M. Vergauwen
Cinquième section
Président : M. Desmanet de Biesme
Vice-président : M. Thienpont
Secrétaire : M. d’Hoffschmidt
Rapporteur : M. de Longrée
Sixième section
Président : M. Dubus aîné
Vice-président : M. Pollénus
Secrétaire : M. Lejeune
Rapporteur : M. de Jaegher.
__________________
M.
Dolez, élu par le district de Mons, qui a été proclamé
membre de la chambre dans une précédente séance prête serment.
Discussion des articles
M. le président
donne lecture de l’art. 1er du projet et des amendements qui s’y rapportent, sauf
de celui de M. Vandenbossche qui a été retiré par l’honorable membre.
M. Dechamps. - Je
n’avais présenté mon amendement que pour déterminer d’une manière plus précise
le sens de l’article premier. Comme M. le ministre des finances a déclaré hier
qu’il entendait cet article comme moi, et que je crains que si mon amendement
était écarté, les contribuables pussent croire que la chambre a voulu donner un
autre sens à la loi, je retire ma proposition. Je pense que l’article exprime
assez clairement le sens que j’y ai attaché, ainsi que M. le ministre des
finances lui-même.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est sur la position de la
question, messieurs, que je demande à parler. D’après l’amendement de M. Eloy
de Burdinne, on excepterait de la disposition de l’art. 1er les chevaux servant
à la selle, parce que, d’après l’article 2 qu’il propose, ces chevaux ne
seraient imposés que d’un droit de 5 fr. par cheval. Je pense qu’il importe de
voter d’abord sur cet art. 2 ; car s’il était rejeté, l’exception que réclame
M. Eloy de Burdinne à l’art. 1er se trouverait par cela même écartée.
M. Eloy de
Burdinne lit un discours dans lequel il développe son amendement. (Ce discours ne nous a pas été communiqué.)
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je ferai une simple observation ; le droit de
15 francs que nous proposons, et qui sera maintenant le plus souvent appliqué, est
très modéré ; le réduire encore, ce serait aller trop loin. L’on n’accorderait
du reste par là qu’un bien faible avantage à ceux qui se servent de chevaux, et
l’on diminuerait beaucoup les revenus du trésor ; celui qui a la faculté de
faire usage d’un cheval peut bien, sans s’imposer un grand sacrifice, payer le
droit modique de 15 fr. que vous adopterez, je n’en doute pas, de préférence à
celui de 5 francs, qui est véritablement en-dessous de toute proportion
équitable.
- Le chiffre de 5 fr, est mis aux voix ; il n’est
pas adopté.
Le commencement de l’art. 1er, jusqu’aux mots
« commis-voyageurs » inclusivement est mis aux voix et adopté.
L’addition du mot « notaires » est mise
aux voix ; elle n’est pas adoptée.
Il en est de même de la disposition concernant les
doyens ruraux domiciliés dans les villes.
L’amendement de M. Dubus, tendant à supprimer les
mots : « dont la culture forme le principal moyen d’existence, » est
mis aux voix et adopté,
L’ensemble de l’article 1er est ensuite mis aux
voix et adopté.
Article
2 (du projet du gouvernement)
(Projet du gouvernement.) Art. 2. Sont soumis à la
même taxe les chevaux tenus pour le service de la garde civique, lorsqu’ils
servent en même temps pour d’autres usages, à la selle ou à des voitures
suspendues. »
(Projet de la commission.) « Les chevaux servant à
la selle ou à l’attelage de voitures suspendue, mais employés habituellement à
l’usage de professions non désignées à l’article précédent, seront soumis à la
même taxe, lorsqu’ils seront indispensables à l’exercice de ces
professions. »
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense que la
commission ne propose pas de substituer l’art. 2 qu’elle a présenté à l’article
2 du projet du gouvernement.
Je ne me suis rallié à l’article 2 proposé par la
commission, comme devant former l’art. 3 ; ces deux articles sont indépendants
l’un de l’autre.
Je prierai donc M. le président de vouloir bien
mettre d’abord en discussion l’art. 2 du projet du gouvernement relatif à la garde
civique.
M.
le président. - La discussion est ouverte sur l’art. 2 du projet du
gouvernement.
M. Dechamps, rapporteur.
- Messieurs, la commission n’a pas cru pouvoir adopter l’art. 2 du projet du gouvernement
et cela se conçoit : la loi de 1822 faisait jouir de la taxe modérée les
militaires qui se servent de chevaux en exécution des règlements ; c’est une
obligation qui leur incombe de tenir des chevaux, et aucune idée de luxe ne
s’attache à cet emploi. Mais la commission n’a pas cru que les mêmes raisons
pouvaient être invoquées en faveur des membres de la garde civique à cheval.
La loi sur la garde civique laisse la faculté aux villes
d’établir des corps de cavalerie ; mais la loi n’oblige pas les membres de la
garde civique à tenir des chevaux. Les jeunes gens de la garde civique qui
s’incorporent dans ces compagnies de cavalerie ne le font que par fantaisie, et
les chevaux qu’ils emploient doivent être considérés comme de véritables
chevaux de luxe ; aussi, la commission n’a pas cru qu’ils devaient jouir de la
taxe modérée.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je pense que votre
commission n’a pas bien apprécié la question qui est actuellement en
discussion.
L’on a cru que les officiers de l’armée devaient
plutôt jouir du bénéfice de la loi, en ce qui concerne les chevaux mixtes, que
les membres de la garde civique à cheval et les officiers supérieurs de la
garde civique à pied.
Je pense, messieurs, qu’il y a, au contraire, plus
de motif pour exempter les chevaux tenus pour le service de la garde civique,
que ceux qui sont employés par les officiers de l’armée de ligne.
En effet, le service de la garde civique est
purement gratuit. Les officiers qui, aux termes des règlements, sont dans le
cas de tenir de chevaux, sont entraînés à des dépenses considérables pour leur
équipement. Ils ne retirent aucun bénéfice des fonctions qu’ils remplissent ;
ces fonctions sont généralement considérées comme onéreuses et comme un
sacrifice fait à la chose publique. Dès lors, il est de toute justice
d’assimiler les chevaux qu’ils sont obligés de tenir pour leur service, à ceux
que tiennent les officiers dans l’armée de ligne.
Quant aux simples gardes
civique à cheval, il existe des motifs également très légitimes pour les faire
jouir du bénéfice de la loi ; car s’il est vrai que leur service, aux termes de
la loi sur la garde civique, est tout à fait volontaire, il n’en est pas moins
vrai que si nous consultons l’esprit de la même loi, il est à désirer qu’il se
forme dans les villes des compagnies de garde civique à cheval ; c’est
précisément parce qu’on a reconnu que les dépenses d’équipement dans ces
compagnies seraient élevées, qu’on s’est borné, dans la loi, à rendre le
service volontaire. Mais il entrait certainement dans les vues du législateur
de faciliter la formation de ces corps. Dès lors il est juste que les personnes
qui consentent à y entrer, jouissent de l’exemption.
J’aime à croire, messieurs,
que pour la décision que vous prendrez, vous ne perdrez pas de vue que le
service de la garde civique est purement gratuit, qu’il est d’un intérêt
général, et qu’aucun membre de cette garde ne tire aucun avantage de ce
service.
M. F. de Mérode.
- Je suis de l’avis de M. le ministre de l’intérieur, si l’on entend
n’appliquer cette faveur qu’aux officiers de la garde civique qui ont le droit
de tenir un cheval, et qui appartiennent en outre à des corps organisés ; car
l’on sait que dans beaucoup de communes la garde civique n’est pas organisée,
est purement nominale. Je pense qu’il faudrait ajouter le mot
« organisée » après celui de « garde civique. »
M. Eloy de Burdinne. - Nous sommes
d’accord qu’il est nécessaire de favoriser l’organisation de la garde civique
dans les communes. Or, nous irions évidemment contre ce but si nous adoptions
l’amendement de M. de Mérode. Tel voudra bien accepter les fonctions d’officier
supérieur dans la garde civique, avec la jouissance de l’exemption de la taxe
pour son cheval, qui ne le voudra plus, si vous l’astreignez à payer cette
taxe.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Il est en outre à remarquer que la loi
qui nous occupe est destinée à être permanente, et que dans le courant de la
présente session, ou au plus tard dans la session prochaine, la chambre aura à
s’occuper du projet de loi concernant la réorganisation de la garde civique
dans les campagnes. (Marques de
satisfaction.)
M. Pollénus. -
Messieurs, il me paraît que les observations de M. le ministre de l’intérieur
répondent à l’amendement proposé par M. de Mérode.
Comme M. le ministre l’a fait remarquer, la loi est
destinée à être permanente. En y insérant, par conséquent, l’amendement de M de
Mérode, qui suppose une situation temporaire, provisoire, on défigurerait cette
loi.
Je crois qu’il serait très peu convenable
d’employer dans la loi ces mots : « Garde civique non organisée ; »
car par là vous constateriez que la garde civique n’est pas organisée, et,
d’après la loi, elle devrait l’être partout.
Je crois, au reste, que l’intérêt qui s’attache à
l’amendement de M. de Mérode est tellement minime, qu’il ne vaut pas la peine
d’être inséré dans la loi. Je pense que les considérations qui viennent d’être
émises engageront l’honorable membre à renoncer à son amendement.
M. F. de Mérode.
- Je n’insiste pas sur l’adoption de mon amendement, parce qu’il pourra
toujours être constaté que la garde civique est organisée ou ne l’est pas.
M. le président. -
Dès qu’il n’y a pas d’amendement, je vais mettre aux voix l’art. 2 tel qu’il
est proposé par le gouvernement.
- L’article est adopté.
Art. 2 (du projet de la
commission), devenu art. 3
« Les chevaux servant à la selle ou à
l’attelage de voitures suspendues mais employés habituellement à l’usage de
professions non désignées à l’article premier, seront soumis à la même taxe,
lorsqu’ils seront indispensables à l’exercice de ces professions. »
- Adopté.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je demande la parole pour proposer un article
additionnel.
L’art. 42 de la loi de 1822 porte, au paragraphe 4,
que pour chaque cheval de militaire ou fonctionnaire tenu en exécution des
règlement sur le service, quand il sera employé à d’autres usages que ceux
prévus par les règlements, on paiera le droit de 7 florins.
Or, 7 florins faisant 14 fr. 82 c. Pour qu’il n’y
ait pas dans un même rôle des différences de taxe de quelques centimes pour des
chevaux qui se trouvent dans la même catégorie, je proposerai de dire que le
droit de 15 fr. remplace celui de sept fl., établi par le paragraphe 4 de
l’art. 42 de la loi de 1822.
M. Pollénus. - Je
ne puis, quant à présent, me prononcer sur la proposition de M, le ministre des
finances. Il m’a été impossible de méditer la portée de la disposition. Je dois
cependant faire observer qu’il n’est pas sans inconvénient de rédiger des lois
comme le propose M. le ministre des finances ; car, en renvoyant à des lois
dont très peu de personnes se souviennent, on fait des choses inintelligibles.
Il vaudrait mieux que M. le ministre reproduisît la disposition de la loi de
1822, et rappelât les catégories auxquelles s’applique sa proposition.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). L’article que je soumets à la
chambre est un amendement. Il sera soumis au second vote, et si alors on ne le
trouvait pas bien en rapport avec la loi de 1822, on pourrait l’écarter ou le
modifier.
M. Pollénus demande qu’on indique les catégories
auxquelles s’appliquera la disposition. Je lui ferai observer qu’il ne s’agit
que de militaires et de fonctionnaires, qui doivent connaître la loi de 1822.
M. Pollénus. - Il
vaudrait mieux répéter la disposition de la loi de 1822, ce serait plus clair.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Ceux qui sont passibles d’un droit en vertu de
la loi de 1822, connaissent les dispositions de cette loi. Les militaires et
les fonctionnaires qui attellent leurs chevaux à des voitures suspendues
continueront à se référer à l’art. 42 de la loi de 1822 comme à la disposition
que je propose.
M. Gendebien. -
Il me semble qu’il conviendrait de réduire en francs tous les droits établis
par la loi de 1822.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Non ! non !
M.
Gendebien. - Je ne veux pas réduire votre portion congrue ; il s’agit
ici d’un impôt de luxe, il ne peut entrer dans ma pensée d’en proposer la
réduction.
Je voudrais qu’à l’art. 1er, au lieu de 20 florins
qui font 42 fr. 32 c., on fixât ce droit à 43 fr. Comme vous voyez, j’augmente
l’impôt.
Au lieu de 5 florins je proposerai 10 fr. Ici je diminue
un peu, mais je ferai observer qu’il ne s’agit plus de chevaux de luxe, mais de
chevaux de diligence, de chevaux de poste, etc.
Je voudrais également qu’on diminuât au second
paragraphe relatif aux marchands de chevaux, en prenant le florin pour deux
francs ; ce ne sont pas ici non plus des chevaux de luxe, mais des objets de
négoce. De cette manière, nous ne verrons pas dans la loi cette bigarrure, de
fixer d’un côté l’impôt en florins et de l’autre en francs.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne vois pas l’utilité de la
proposition de M. Gendebien ; si on adoptait le mode qu’il suggère, il faudrait
revoir encore d’autres paragraphes de la loi que ceux qu’il a indiqués. Il y a
sept ou huit droits différents en florins, il faudrait les réduire tous en
francs. Nous ne révisons pas la sixième base de la loi de 1822 dans toutes ses
parties, nous ne la modifions que dans les articles qui ont donné lieu des
contestations. Je n’ai au surplus présenté mon amendement que pour éviter de
placer dans un même rôle un droit de 14-82 à coté d’un droit de 15 fr., pour
des objets imposables analogues ; mais si M. Gendebien persistait dans sa
proposition, je préférerais retirer la mienne pour faite cesser toute
discussion.
M. Gendebien. -
Je ne tiens pas du tout à ma proposition, mais M. le ministre des finances
paraît tenir beaucoup à la sienne, quoiqu’elle ne s’applique pas à des chevaux
de luxe. Quoi qu’il en soit, comme c’est une loi provisoire que nous faisons et
qui doit rentrer dans une loi générale que, j’espère, on nous présentera
prochainement, je ne persiste, pas dans ma proposition.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je retire mon amendement.
« Toutefois, les médecins, chirurgiens,
artistes vétérinaires, commis-voyageurs, et les gardes civiques, ne pourront
jouir pour plus d’un cheval du bénéfice des précédentes dispositions. Tous
autres chevaux tenus par eux, et servant aux mêmes usages, seront imposés comme
chevaux de luxe. »
M. le président. -
La commission ajoute les mots : « fabricants et cultivateurs. »
MM. Eloy de Burdinne et Vandenbossche proposent de
rédiger l’art. 4 de la manière suivante :
« Toutefois les commis-voyageurs et les gardes
civiques ne pourront jouir pour plus d’un cheval du bénéfice des précédentes
dispositions.
« Tous autres chevaux tenus par eux, et
servant aux mêmes usages, seront imposés comme chevaux de luxe. »
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je
crois que la rédaction que j’ai proposée est rationnelle, en ce que le garde
civique, n’étant tenu à avoir qu’un cheval pour son service, doit être passible
du surplus du droit pour les autres chevaux qu’il aurait. Il en est de même des
commis-voyageurs à qui un seul cheval peut suffire. Il n’en est pas de même des
médecins et chirurgiens, artistes vétérinaires ; car pour eux, surtout ceux qui
habitent les campagnes, pour peu qu’ils soient en vogue, ils ne peuvent exercer
leur profession avec un seul cheval ; il serait injuste d’exiger l’impôt de
luxe pour le second cheval qui leur serait nécessaire pour pouvoir donner les
soins convenables à leurs malades, qui pour la plupart sont des malheureux qu’ils
traitent gratuitement.
Un seul cheval ne suffit pas, par le motif qu’il ne
peut supporter la fatigue et franchir 12 ou 13 lieues par jour dans des chemins
souvent impraticables. Par ces motifs, je maintiens mon amendement.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Eloy de Burdinne demande,
contrairement à ce qui est proposé par le gouvernement et en partie par la
commission, d’autoriser toutes les professions désignées dans l’article 1er, à
l’exception des gardes civiques et des commis-voyageurs, à tenir plus d’un
cheval au droit de 15 fr. Ainsi les médecins, les chirurgiens, les artistes
vétérinaires, les fabricants, les cultivateurs et toutes les autres
professions, même non désignées dans la loi, pourraient tenir 2, 3 ou quatre
chevaux au droit de 15 francs.
Le gouvernement a pensé qu’en restreignant à un
seul cheval les besoins des médecins, chirurgiens, artistes vétérinaires,
commis-voyageurs, et gardes civiques, il posait réellement une limite raisonnable.
La commission a trouvé même que sous ce rapport le gouvernement a été trop
libéral, et qu’il ne fallait pas autoriser les cultivateurs et les fabricants à
tenir plus d’un cheval au droit de 15 francs ; la proposition du gouvernement
tient donc, entre les diverses propositions, une moyenne admissible et juste,
fondée sur les besoins réels des diverses professions mentionnées dans la loi :
d’une part, il ne convient pas de restreindre la loi comme le propose la
commission, et d’autre part il ne serait pas juste de l’étendre comme le
propose l’honorable M. Eloy de Burdinne.
M. Eloy de
Burdinne. - Je demande si l’on peut considérer comme cheval de luxe le second
cheval d’un médecin qui lui est indispensable pour remplir les devoirs de son
état, pour soulager l’humanité souffrante. Je dis qu’un médecin de campagne, un
peu en vogue, un peu achalandé, ne peut donner les secours de son art à ses
malades s’il n’a deux chevaux. Eh bien, vous allez frapper son deuxième cheval
du même droit que paie l’homme opulent qui tient un cheval uniquement par luxe.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il m’avait échappé de répondre à cette observation
de M. Eloy de Burdinne, je vais le faire. Si un médecin est obligé, pour
suffire à sa clientèle, d’avoir deux chevaux, il a une clientèle assez belle
pour pouvoir payer sans gène le droit de 20 florins sur le second cheval ; mais
chacun sait qu’en général les médecins de campagne n’ont qu’un seul cheval qui
suffit amplement aux besoins de leur profession il y en a même beaucoup qui
n’en ont pas du tout.
M. Eloy de
Burdinne. - Je répondrai à M. le ministre des finances qu’il peut en
être ainsi dans des localités populeuses, par exemple, dans les Flandres. Mais
il n’en est pas de même dans le Luxembourg, le Limbourg, une partie du Hainaut
et du Brabant, et dans les provinces de Liège et de Namur. Là, je le répète, il
est impossible à un médecin de remplir les devoirs de son état avec un seul
cheval. Donc, lorsqu’il en tient, on ne peut considérer son deuxième cheval
comme un cheval de luxe. M. le ministre des finances dit qu’un médecin de
campagne qui a deux chevaux gagne beaucoup d’argent. Oui, c’est bien dans les
campagnes que l’on gagne de l’argent à soigner les malades, le plus souvent des
malheureux auxquels le médecin doit plutôt porter ses honoraires qu’en recevoir
d’eux. Il serait injuste de frapper les médecins de campagne qui gagnent 10 ou
12 francs par jour d’un droit qui n’atteindrait pas les médecins de ville, eux
qui gagnent de 70 à 80 francs par jour en se promenant dans les villes où les
chemins sont très bons.
En outre je ferai remarquer que les médecins qui
parcourent un espace de 12 à 15 lieues par jour, et qui peuvent gagner douze
francs par jour, lorsqu’ils déduisent de cette somme les frais de nourriture de
leurs chevaux, ont réellement fort peu de chose. Je persiste à dire que l’on ne
peut considérer comme cheval de luxe le deuxième cheval d’un médecin de
campagne, puisqu’il lui est indispensable pour l’exercice de sa profession.
Si vous admettez la proposition du ministre des
finances, il en résultera que les malheureux ne recevront plus dans les
campagnes les soins des médecins.
- L’amendement de M. Eloy de Burdinne est mis aux
voix ; il n’est pas adopté.
L’amendement de la commission tendant à ajouter
dans l’article les mots « les fabricants et les cultivateurs, » est
mis aux voix ; il n’est pas adopté.
L’art. 3 du projet du gouvernement, qui devient
l’art. 4, est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
Article 4 (qui devient
l’article 5)
« Art. 4 du projet du gouvernement, qui
devient l’art. 5 : En cas de contestation relativement à l’usage du cheval ou à
la condition exprimée à l’égard du cultivateur, la cotisation sera établie
d’après une décision de la députation permanente des conseils provinciaux prise
sur l’avis de la commission instituée par l’art. 58 de la loi sur la
contribution personnelle, et dont chaque fraction avisera séparément lorsqu’il
y aura partage égal de voix.
« L’avis de la commission sera présenté à la
députation permanente par l’intermédiaire du directeur des contributions
directes, cadastre, douanes et accises. »
« Art. 4 (nouveau), proposé par M.
Vandenbossche. Les chevaux servant à l’attelage de voilures suspendues, ou
servant principalement à la selle, mais employés en même temps à l’agriculture
par les cultivateurs, dont la culture forme le principal état, seront soumis à
la même taxe de 15 francs.
« Les cultivateurs et les fabricants sont en
droit d’atteler à des voitures suspendues, alternativement tous leurs chevaux,
en payant la taxe pour un, ou pour deux, si simultanément ils emploient deux
chevaux à une voiture suspendue. »
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Cet article me paraît complètement inutile.
L’art. 1er a pourvu au cas prévu par le premier paragraphe de cet amendement.
Quant au deuxième paragraphe, il est évident que
c’est d’après le nombre des chevaux qu’on attelle régulièrement aux voitures
suspendues que le droit est réglé. Si on attelle deux chevaux, deux chevaux
seulement paient.
M. Vandenbossche.
- Je retire cet article.
« Art. 5 (proposé par M. Vandenbossche). Les
particuliers qui n’ont point de cheval, mais qui possèdent une voiture
suspendue sur ressorts ou soupentes, sont admis, moyennant de payer la taxe de quinze
francs, à y atteler un cheval de cultivateur, servant principalement et
habituellement à la culture, sans que ce cultivateur soit sujet à la
taxe. »
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je dois faire remarquer que ce second
amendement de M. Vandenbossche est également inutile. L’administration ne
s’enquiert jamais si celui qui attelle un cheval à sa voiture est propriétaire
de ce cheval. Il suffit d’atteler à une voiture suspendue un cheval dont on est
ou non propriétaire, en même temps qu’il est principalement et habituellement
employé à la culture de la terre ou pour d’autres professions, pour qu’il y ait
lieu à l’application de la taxe de 15 francs. Il ne s’agit pas de savoir si la
propriété de la voiture appartient à tel ou tel individu qui s’en sert.
- L’art. 5
nouveau, proposé par M. Vandenbossche, est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il paraît que par suite d’un retranchement
opéré dans l’art. 1er, il faut retrancher dans l’art. 4 ces mots ; « ou à
la condition exprimée à l’égard du cultivateur. »
M. Fallon. -
J’allais faire la même observation.
- Le retranchement est adopté.
M.
Pollénus. - C’est au conseil provincial qu’est dévolue la faculté de
déterminer à quel usage le cheval est consacré ; je demanderai à la section
centrale, ou à M. le ministre des finances, si la députation des états aura en
même temps le droit de prononcer les peines portées par la loi de 1822 dans le
cas de fausses déclarations. Voici ce qui m’engage à faire cette interpellation
:
S’il appartient à la députation des états de
prononcer définitivement relativement à l’usage du cheval, cette décision
entraînerait nécessairement l’application de la peine, et les tribunaux ne
pourraient se dispenser de la prononcer ; mais je ne crois pas qu’il puisse en
être ainsi. Si l’on veut enlever aux tribunaux la connaissance de ces sortes
d’affaires, il faut que la députation des états puisse infliger les peines.
M. Dechamps. -
L’honorable membre demande si les peines portées par la loi de 1822 existent
encore : la commission n’a pas cru devoir abolir les articles de la législation
de 1822 contre les fraudeurs, et ils restent en vigueur.
M. Pollénus. - La
réponse de M. le rapporteur me démontre que nous n’entendons pas l’article en
discussion de la même manière. Selon moi, il amènera un conflit interminable ;
car il pourra y avoir deux décisions diamétralement opposées et qui
subsisteront ensemble. Il s’agit d’une contravention ; eh bien, je suppose que
la question soit jugée d’une manière par la députation, et d’une autre manière
par le tribunal : qu’arrivera-t-il, puisqu’on ne peut pas forcer un tribunal à
prononcer une peine sur une appréciation administrative ? Les moyens
d’instruction par la députation permanente sont indiqués dans la loi ; elle
base sa décision sur un avis de la commission ; on ne réserve pas à la partie
intéressée la faculté de se défendre, dès lors il n’entrera dans l’esprit de
personne de vouloir qu’une décision de cette députation puisse entraîner la
décision des tribunaux ; et dans ces circonstances ne serait-il pas préférable
que la députation permanente prononce les amendes ?
Si elle ne les prononçait
pas, on pourrait se pourvoir devant les tribunaux, et il pourrait y avoir deux
décisions contradictoires.
Si M. le ministre ou si la section centrale avaient
laissé à la députation la faculté de régulariser les moyens d’instruction, je
crois qu’il y aurait garantie suffisante, et il n’y aurait plus lieu à des
conflits qui font toujours un mauvais effet, s’ils ne font pas scandale.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est évident que nous
n’avons pas entendu, par l’art. 4 du projet, supprimer les pénalités qui
existent dans la loi de 1822 contre les fausses déclarations ; sans quoi on ne
manquerait jamais de déclarer le cheval au taux le plus bas, puisqu’on
n’encourrait aucune peine.
L’honorable membre se demande ce qui arrivera
lorsque la députation des états aura statué ; mais, pour le savoir, il suffit
d’examiner dans quelles circonstances la députation prononcera.
Comment parviendra l’affaire devant la députation ?
Par suite d’un procès-verbal. Si ce procès-verbal est mal fondé, la députation
permanente déclare que le cheval est mixte, et alors il n’y a pas lieu à aller
devant les tribunaux ; si le procès-verbal est déclaré fondé par la députation
des états, ce procès-verbal ira devant les tribunaux comme si le recours devant
la députation n’avait pas eu lieu. Il n’y aura, du reste, aucune espèce de
scandale dans cette manière de procéder.
M.
Pollénus. - Je rends justice aux intentions du ministre des finances ;
mais il me semble que l’inconvénient que j’ai signalé existe réellement ; que
l’on veuille y faire attention.
La députation des états prononçant sur une
contestation, elle peut se trouver en contradiction avec la décision du
tribunal, si la faculté d’aller devant le tribunal n’est pas supprimée ; mais
comme on doit éviter tout conflit, il faut laisser, si on le juge convenable,
la décision entière à la députation des états.
M. Dubus. -
Messieurs, il me semble aussi que l’article en discussion laisse beaucoup à
désirer ; car on établit une jurisprudence extraordinaire, et on n’en détermine
pas les règles : vous n’avez pas de garanties que celui qu’il s’agit de condamner
pourra présenter ses moyens de défense ; comment, en effet, celui contre lequel
on aura dressé procès-verbal, et qui prétendra n’être pas en contravention,
pourra-t-il prouver qu’il est dans les conditions prévues par la loi et qu’il
ne doit payer que 15 francs au lieu de quarante francs ? On dit que la
députation des états prononcera ; comment prononcera-t-elle ? Sur l’avis d’une
commission, dit l’article en discussion ; mais d’entendre la personne
intéressée, il n’y a pas un mot relatif à cela dans cet article. Cependant si
cette personne annonçait qu’elle a 10 ou 20 témoins à faire entendre, rien
n’indique comment ils seront entendus, comment on procédera aux enquêtes. Il me
paraît que c’est là de l’arbitraire tout pur que l’on formule dans la loi.
Tout contribuable doit
cependant pouvoir se défendre ; il faut qu’il ait les mêmes moyens de se
défendre devant une députation que devant un tribunal.
Je ne saisis pas bien les raisons pour lesquelles
on veut soustraire ces sortes d’affaires à la connaissance des tribunaux ; toutefois, si on veut que la députation
décide seule, il faut que celui à qui on impute une contravention soit mise à
même de se défendre devant cette députation.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - C’est à tort que l’on taxe la loi
d’arbitraire, car aucune loi ne présente de pareilles garanties aux
contribuables.
En effet le procès-verbal
devrait, sans la disposition de l’article, aller directement devant les
tribunaux, tandis que nous, au contraire, nous voulons le faire passer d’abord
devant la députation permanente.
La députation des états prononce sur les pièces
produites tant par la personne à charge de laquelle le procès-verbal a été
dressé que par l’administration, attendu que l’article n’exclut aucune espèce
de preuve ; si la députation déclare que le procès-verbal n’est pas fondé,
l’administration se soumet à cette décision ; si, au contraire, la députation
déclare que le procès-verbal est fondé, alors le contribuable reste dans tous
les droits que lui donne la loi de 1822 : il peut se pourvoir devant les
tribunaux, y faire prévaloir ses raisons et gagner son procès ; l’instance
devant la députation des états n’est qu’un simple moyen d’instruction
administrative, qui n’enlève aucun droit au contribuable et qui lui donne de
plus des garanties contre toute fausse interprétation de la loi. La disposition
mérite dont d’être accueillie favorablement par la chambre.
M.
Dechamps, rapporteur. - Messieurs, d’après ce que vient de nous dire M.
le ministre des finances, la députation provinciale ne ferait que donner un
simple avis pour éclairer l’administration, et si je l’ai bien compris, le
contribuable restera dans tous ses droits et pourrait toujours recourir aux
tribunaux s’il le jugeait convenable. D’après ces explications, il me semble
que le mot « décision » n’est plus le terme propre, et qu’il faut le
remplacer par le mot « avis » ou par une expression équivalente.
M.
Fallon. - Messieurs, je considère aussi la disposition de l’art. 4 du
projet du gouvernement comme une amélioration à la loi sur la contribution
personnelle ; c’est, comme vient de le M. le ministre des finances, une
garantie de plus qu’on accorde au contribuable ; par exemple, un procès-verbal
a été dressé contre un médecin par le fisc, qui trouve que son cheval n’est pas
employé principalement dans l’exercice de sa profession ; ce médecin s’adresse
à la députation des états qui déclare que le cheval sert effectivement à cet usage
et qu’il rentre par conséquent dans l’application de l’art. 1er ; eh bien,
cette décision lie l’administration qui ne peut plus donner suite au
procès-verbal.
Je suppose maintenant que sur une semblable
réclamation la députation provinciale déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer
; en ce cas l’administration poursuit le médecin devant les tribunaux, et là le
médecin se défend par tous les moyens que lui fournit la procédure ordinaire.
Voilà, messieurs, comme j’entends la disposition, et il me semble qu’elle est
tout en faveur des contribuables.
M. Verdussen. - D’après les observations qui
ont été présentées par l’honorable M. Dechamps, je crois qu’il faudrait ajouter
quelque chose à l’article ; car si nous disons dans la loi que la cotisation
sera établie d’après une décision de la députation des états, et que nous ne
parlions pas du recours aux tribunaux, il s’en suivra que la décision de la
députation des états sera sans appel ; il faudrait donc, me semble-t-il, dire :
« sauf le recours à l’autorité judiciaire. »
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il faut alors que la faculté
de recourir aux tribunaux soit réciproque.
M. Verdussen. -
Sans doute.
M. de Jaegher.
- Il y aurait un inconvénient très grave à établir la réciprocité de la faculté
de recourir aux tribunaux, il résulterait de là un grand nombre de procès ; il
est arrive souvent que l’administration poussait jusqu’en cassation des causes
souverainement injustes ; c’est ce que je veux éviter autant que possible et
pour cela je m’opposerai à ce que le principe de réciprocité soit établi dans
la loi.
M. Gendebien. -
Si j’ai bien compris M. le ministre des finances, je ne vois pas la nécessité
d’introduire dans la loi la disposition proposée par mon honorable collègue M.
Verdussen ; il me semble que le ministre entend l’article dans ce sens que la
décision de la députation provinciale lierait toujours l’administration, mais
que le particulier contre lequel la députation aurait prononcé pourrait
toujours former opposition à la contrainte décernée contre lui par
l’administration ; voilà je crois ce qu’a dit le ministre.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - C’est ce qui résulte du projet.
M.
Gendebien. - Dès lors, messieurs, lorsqu’il s’agira d’appliquer la loi,
on en consultera l’esprit, ou se reportera à la discussion qui aura précédé son
adoption, on y verra les paroles du ministre, et aucun tribunal ne pourra se
méprendre sur le sens de la loi. D’ailleurs, messieurs, la disposition fait une
exemption au droit commun en faveur du contribuable, et l’on pourrait presque
dire contre l’administration ; il faudrait donc une stipulation expresse du
législateur pour qu’on pût y donner l’extension qu’on semble craindre.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - La disposition proposée par M.
Verdussen me paraît inutile, puisque nous entendons l’article en ce sens qu’il
ne fait que donner au contribuable à charge duquel un procès-verbal est dressé,
la faculté de recourir à la députation des états, qui émet un avis obligatoire
pour l’administration, mais qui ne lie pas le contribuable devant les
tribunaux.
M.
Fallon. - Messieurs, d’après le sens que nous attribuons à l’article 4,
je ne vois pas qu’il soit possible d’admettre l’amendement de M. Verdussen. Si la députation des états
donne gain de cause au contribuable, l’administration se trouve arrêtée dans
son action ; dans le cas contraire le contribuable a toujours son action
ouverte devant les tribunaux, ou plutôt il n’aura pas d’action à intenter : il
attendra celle que lui intentera l’administration et alors il se défendra ; je
ne vois donc pas à quoi servirait la réserve que propose l’honorable M. Verdussen.
M.
Verdussen. - Je crois, messieurs, que les tribunaux pourront se récuser
; lorsqu’il est dit dans la loi que la cotisation est établie d’après une
décision de la députation des états, je ne conçois pas pourquoi les tribunaux
ne pourraient pas dire : « Puisque, conformément à la loi, la cotisation a
été établie par la députation provinciale, nous n’avons pas à
intervenir. » Il faut laisser la porte des tribunaux ouverte aux
contribuables qui se croiraient lésé, et vous ne pouvez, me semble-t-il, le
faire qu’en adoptant mon amendement.
M. Gendebien. -
On pourrait peut-être, messieurs, éviter toute espèce de doute en ajoutant les
mots suivants, qui compléteraient l’amendement de M. Verdussen : « sauf
recours aux tribunaux, par les contribuables, sur opposition à la
contraintes. »
M. Pollénus. - M.
le ministre des finances ne peut pas contester que le projet de loi ne rend pas
l’opinion qu’il vient d’énoncer ; l’honorable M. Verdussen et d’autres orateurs
l’ont assez dit, le texte du projet porte : « La cotisation sera établie
d’après une décision de la députation permanente. » Or, si vous ne dites
pas dans la loi que la députation ne donnera qu’un simple avis, si vous ne
réservez pas le recours aux tribunaux, l’administration ne pourra-t-elle pas
dire que les tribunaux n’ont plus à connaître de ce qui concerne la cotisation,
puisque, d’après l’article 4 de la loi, elle a été définitivement arrêtée par
la députation provinciale ? Ce ne sera donc pas un avis qu’émettra la
députation, mais elle prendra une véritable décision ; et cela est tellement
vrai, que la loi suppose qu’il y aura déjà eu des contestations, puisqu’elle
dit : « en cas de contestation, etc. » Si donc vous ne réservez pas
expressément le recours contre la décision de la députation, il en résultera
qu’elle sera définitive et que l’autorité judiciaire ne pourra pas intervenir.
Je crois donc que l’amendement de l’honorable M.
Verdussen est nécessaire, ou qu’au moins un changement de rédaction dans le
projet est indispensable. Je pense même que l’amendement de M. Verdussen est
suffisant, et qu’il est inutile d’y ajouter de quelle manière les tribunaux
seront saisis, car il va de soi qu’ils seront saisis par suite de l’opposition
des contribuables.
Je crois toutefois qu’il
conviendrait d’ajouter un mot à l’amendement qui nous occupe. M. le ministre
des finances a dit qu’il considérerait l’administration comme étant
irrévocablement liée par la décision de la députation permanente ; mais il ne
peut ravir aux contribuables la faculté de se pourvoir devant les tribunaux. Je
proposerai, en conséquence, d’ajouter à l’amendement ces mots : « Sauf le
recours aux tribunaux de la part des contribuables. »
Un
membre. - Ces mots se trouvent dans l’amendement.
M. Pollénus. - Si
ces mots s’y trouvent, mon observation devient inutile ; je n’avais pas compris
de cette manière l’amendement de M.
Verdussen. Au reste, dans tous les cas, il est indispensable d’adopter
cet amendement, ou bien de modifier la rédaction du projet du gouvernement.
M. Fallon. - Je
suis disposé à donner mon assentiment à l’amendement proposé. Mais comme je ne
crois pas nécessaire de charger la députation permanente des conseils
provinciaux de faire la cotisation, je proposerai un changement de rédaction.
A ces mots : « La cotisation sera établie
d’après une décision de la députation permanente des conseils provinciaux,
prise sur l’avis… » je demande qu’on substitue ceux-ci :
« Il y sera statué par la députation
permanente des conseils provinciaux sur l’avis… »
- Ce changement de rédaction est mis aux voix et
adopté.
M.
le président. - Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement de M.
le ministre des finances, qui consiste à ajouter à la fin de l’article les mots
: « le tout sans préjudice de l’opposition et du recours aux tribunaux de
la part des contribuables. »
- Cet amendement est mis aux voix et adopté.
L’ensemble de l’article, avec les deux amendements
ci-dessus, est ensuite mis aux voix et adopté.
Article nouveau
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, je demande la parole pour présenter
la disposition finale suivante, que je crois indispensable.
« La présente loi sera
applicable à partir du 1er janvier 1837. »
Je ne pense pas que la moindre objection puisse
être soulevée contre l’espèce de rétroactivité consacrée par l’article
additionnel que je propose.
La loi qui nous occupe vous est déjà soumise depuis
l’année 1835. L’on pouvait croire, en conséquence, qu’elle aurait été votée
assez tôt en 1836 pour pouvoir sortir ses effets au 1er janvier 1837.
D’ailleurs les rôles ne sont pas faits, la
disposition n’aura donc réellement pas d’effet rétroactif, puisqu’il n’y aura
pas de droit acquis ; et comme, en outre, la loi tend plutôt à entraîner une
diminution qu’une augmentation pour le trésor, je pense, messieurs, que vous
n’éprouverez pas le moindre scrupule à adopter l’article additionnel que j’ai
l’honneur de vous présenter.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne partage pas
l’opinion de M. le ministre des finances, qui prétend que la loi ne peut
entraîner une nouvelle charge pour les contribuables : je vais citer un exemple
du contraire.
Un médecin qui aura déclaré deux chevaux mixtes se
trouvera, contre son intention, appelé à payer pour un cheval, à raison de la
taxe modérée ; et, pour le second, à raison de 20 florins.
Je crois donc qu’il n’y a pas lieu de donner un
effet rétroactif à la loi ; et qu’elle doit seulement sortir ses effets pour
l’année prochaine.
M. Fallon. - Je ne vois pas d’inconvénient à donner un
effet rétroactif à la loi ; toutefois, je crois qu’il serait nécessaire
d’accorder aux contribuables un temps quelconque pour qu’ils pussent rectifier
leurs déclarations.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je ne vois pas d’inconvénient à dire que les
déclarations seront rectifiées dans les 15 ou les 20 jours après la
promulgation de la loi.
Cette disposition aura plus de poids qu’une simple
mesure ministérielle, parce qu’elle tendra à faire exécuter plus strictement la
loi dans un délai déterminé.
Je prierai donc M. Fallon de vouloir bien déposer
un amendement dans le sens qu’il vient d’indiquer.
M. le président. -
Voici, avec l’amendement de M. Fallon, la disposition finale, présentée par M.
le ministre des finances :
« La présente loi sera applicable à partir du
1er janvier 1837.
« Toutefois, les déclarations qui ont été
faites avant l’époque à laquelle la présente loi sera obligatoire, pourront
être rectifiées dans les 20 jours qui suivront cette époque. »
- Cette disposition est mise aux voix et adoptée.
Considérant
M. Dechamps, rapporteur.
- J’ai une explication à demander à M. le ministre des finances. Ne serait-il
pas nécessaire de faire précéder la loi d’un considérant dans lequel on
mentionnerait que les articles de la législation précédente, contraires à la
présente loi sont abrogés ?
M. le ministre des
finances (M. d'Huart) et d’autres membres. - Cela va de soi !
M. Dechamps. - Si
telle est l’opinion de M. le ministre, je n’insiste pas.
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Messieurs, je demande que la chambre veuille
bien fixer le vote définitif de la loi entre les deux votes du budget du
département de la justice. De cette manière, nous aurons le temps de revoir
tous les amendements qui ont été introduits dans la loi. En outre, en procédant
ainsi, nous n’interromprons pas la discussion du budget de la justice, qui sera
probablement entamée demain.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je demanderai à la chambre de vouloir
bien fixer la discussion du projet de loi relatif à l’achat de la bibliothèque
van Hulthem, entre les deux votes du budget de la
justice.
Aux termes du contrat il faut que les fonds
nécessaires soient alloués avant le 1er février.
Le sénat, il est vrai, n’est pas réuni, mais je
sais que les héritiers seront satisfaits, si la chambre des représentants s’est
prononcée avant l’époque fixée.
- La proposition de M. le ministre de l'intérieur
est adoptée.
PROJET DE BUDGET DE LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS POUR L’EXERCICE 1837
M. d'Hoffschmidt.,
rapporteur de la commission de comptabilité, dépose le rapport sur le budget de
la chambre.
- l’impression et la distribution en sont ordonnées,
et la discussion est fixée après le vote du budget de la justice.
M. Rogier. - La
discussion très importante sur la loi des mines devant avoir lieu très
prochainement, et ne voulant pas la retarder par des demandes de renseignements
auxquelles le gouvernement ne pourrait satisfaire que dans un certain délai, je
crois convenable de présenter dès aujourd’hui quelques questions sur lesquelles
je crois que la chambre serait bien aise d’être éclairée avant que la
discussion ne commence.
Il serait utile de connaître d’une manière
approximative et officielle le nombre, l’étendue et la situation des mines de
houille concédées ;
Les quantités et le prix par tonneau des houilles
extraites par année, en Belgique, de 1830 à 1836 ;
Le nombre, l’étendue et la situation des mines de
houille pour lesquelles des demandes en concession ont été adressées au
gouvernement ;
Même question sur les demandes en extension ou
maintien de concession.
Je crois que ces renseignements sont entre les
mains du département de l’intérieur, aujourd’hui des travaux publics, et par
conséquent qu’ils pourront facilement nous être fournis.
La Belgique renferme des richesses considérables
qui de jour en jour acquièrent plus d’importance. Ce serait le moment de savoir
au juste en quoi consistent ces richesses. C’est le but des questions que j’ai
l’honneur de présenter.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense qu’il pourra être donné des
renseignements satisfaisants sur les questions posées par l’honorable
préopinant : cependant, à l’égard de celles relatives à l’étendue et la
situation des mines concédées et des concessions demandées, on ne pourra donner
que des renseignements approximatifs.
Quant à la quantité et au prix dès houilles
extraites, cela a été l’objet d’une enquête ; on pourra donner à la chambre des
renseignements tout à fait satisfaisants.
M. Rogier et M. Gendebien. - Il ne serait pas mal de
remonter jusqu’à 1829.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - M. le ministre des travaux publics
pourra donner tous les renseignements désirables avant la discussion.
M.
Rogier. - Il faudrait qu’ils fussent imprimés.
M. le président. -
M. le ministre des travaux publics n’est pas présent et pourra s’expliquer à la
prochaine séance.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Si la chambre, comme l’auteur de la
motion, veut se contenter de renseignements approximatifs sur les deux
questions que j’ai indiquées, je puis dès à présent déclarer que les
renseignements demandés pourront être fournis.
M.
le président. - Nous avons à l’ordre du jour la loi sur les
distilleries et le budget de la justice, mais un nouveau projet sur les
distilleries ayant été présenté et des pétitions ayant été renvoyées à la
commission, dans cet état de choses, je ne pense pas qu’on puisse s’occuper de
cet objet.
Nous avons ensuite à l’ordre du jour la discussion
du budget de la justice.
M. Fallon. - Il a
été déposé par la commission des finances un rapport sur les créances arriérées
du département de la guerre pendant les exercices 1830, 1831 et années
antérieures. La discussion de ce rapport est urgente, car la position de
plusieurs négociants serait gravement compromise si on tardait à les payer.
Cette discussion ne sera pas longue ; je proposerai de la fixer immédiatement
après le vote du budget de la justice.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je ne sais si la commission de finances a
présenté son rapport sur les autres demandes de crédit pour liquider les
créances arriérées ; si ce rapport est fait, je demanderai qu’il soit mis à
l’ordre du jour avec celui que vient d’indiquer l’honorable préopinant ; s’il
n’est pas fait, je demanderai que la commission soit invitée à le présenter
dans le plus bref délai possible.
M. Fallon. - La
commission a dû consacrer un grand nombre de séances à l’examen des créances
arriérées du département de la guerre, elle s’est déjà occupée de celles du
département des finances ; et elle présentera son rapport le plus tôt possible.
La commission sait qu’il y a urgence de liquider ces créances pour éviter des
poursuites judiciaires.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Il y a aussi celles du département de la
justice.
M. Fallon. -
L’examen de celles-là sera l’affaire d’un instant.
M. Verdussen. -
Cela ne doit pas arrêter la discussion de la chambre sur le rapport déjà déposé
par M. Fallon.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Non ! Non !
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Si le budget du ministère de la justice
n’occupait pas toute la séance, je demanderais qu’on la remplît par la
discussion des petits projets qui ont été indiqués.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA JUSTICE POUR
L’EXERCICE 1837
M. le président. -
La discussion générale sur le budget de la justice est ouverte.
Plusieurs
voix. - A demain ! à demain !
M. Pollénus. - On
devait penser que le budget de la justice ne serait pas discuté aujourd’hui, le
projet de loi sur les distilleries étant placé avant sur le bulletin de l’ordre
du jour. Rapporteur de la section centrale je ne m attendais pas à ce que cette
discussion commençât aujourd’hui ; je n’ai pas avec moi le dossier concernant
ce budget. Il est quatre heures, nous ne serions guère avancés à commencer
aujourd’hui cette discussion.
M. le président. -
J’ai déjà fait observer pourquoi on ne pouvait pas discuter le projet de loi
sur les distilleries. L’heure est avancée : nous pouvons, puisque beaucoup de
membres le désirent, renvoyer à demain la discussion du budget de la justice.
- La séance est levée à 4 heures.