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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 14 novembre 1836

(Moniteur belge n°321, du 15 novembre 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Lejeune lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Antoine Brentant, négociant à Bruxelles, résidant en Belgique depuis 15 ans, demande la naturalisation. »


« Le sieur Manuel Cortès y Campomanés, propriétaire, né en Espagne, domicilié à Liége avec sa famille depuis 1820, demande la naturalisation. »


« Le sieur Halleyne Albert, né à Arras, le 25 janvier 1800, ayant servi en Belgique et aux Indes orientales depuis 1819, et obtenu la retraite et une gratification annuelle de 76 fr. 19 cent. sur le fonds dit de Waterloo, réclame le paiement de l’arriéré de sa gratification et des intérêts de sa pension depuis 1830. »


« Les vicaires de la ville de Namur demandent le paiement de leur traitement pour 1835 et le premier semestre de 1836, payé autrefois par la ville. »


« La chambre de commerce et des fabriques de Courtray adresse des observations sur le projet de loi portant des modifications au tarif des douanes. »


« Trois fabricants et négociants en tulles unis adressent des observations sur le projet de fixer les droits à 6 p. c. sans distinction entre les tulles écrus et les blancs. »


« Des électeurs communaux et habitants notables de la commune de Marche-les-Ecaussines réclament contre le projet de distraire ladite commune du canton de Roeulx pour la joindre à celui de Soignies. »


« Le sieur P.-J. Mouchette demande l’annulation d’une décision des états de Namur, prise en opposition à la loi sur la milice. »


- Les demandes en naturalisation sont renvoyées à M. le ministre de la justice les autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.


« Il est fait hommage à la chambre, par la commission royale d’histoire, de la collection des chroniques belges inédites publiées par ordre du gouvernement. »

- Le dépôt à la bibliothèque en est ordonné.

Composition des bureaux de section

M. Lejeune fait connaître la composition des bureaux des sections de novembre ; ils sont formés comme suit :

Première section

Président : M. Liedts

Vice-président : M. Legrelle

Secrétaire : M. Kervyn

Rapporteur des pétitions : M. d’Hoffschmidt


Deuxième section

Président : M. Demonceau

Vice-président : M. Vanderbelen

Secrétaire : M. Mast de Vries

Rapporteur des pétitions : M. Doignon


Troisième section

Président : M. Eloy de Burdinne

Vice-président : M. Milcamps

Secrétaire : M. Scheyven

Rapporteur des pétitions : M. Andries


Quatrième section

Président : M. Raymaeckers

Vice-président : M. Desmanet de Biesme

Secrétaire : M. Lejeune

Rapporteur des pétitions : M. Zoude


Cinquième section

Président : M. Fallon

Vice-président : M. Wallaert

Secrétaire : M. de Jaegher

Rapporteur des pétitions : M. Van Hoobrouck


Sixième section

Président : M. de Roo

Vice-président : M. Keppenne

Secrétaire : M. Vuylsteke

Rapporteur des pétitions : M. Morel-Danheel


M. Lehoye, proclamé membre de la chambre dans une séance précédente, prête serment.

Projet d'adresse

Discussion des paragraphes

Paragraphe 10

M. le président. - La discussion continue sur l’article 10°. M. de Puydt propose de rédiger ce paragraphe comme suit :

« Notre système de communications et le développement qu’il reçoit, pourrait faire honneur à des nations plus vieilles en organisation que la nôtre. L’entreprise des chemins de fer, la confection des routes ordinaires que la rivalité heureuse et féconde entre les provinces fait entreprendre, et l’amélioration et l’extension des voies navigables, le concours du gouvernement et de l’industrie particulière pour l’exécution de tant de travaux, permettront à la Belgique, par la facilité et l’économie des transports, de rivaliser plus avantageusement avec les peuples industriels. Le projet de loi sur les chemins vicinaux qui viendra compléter ce système de travaux publics, sera l’objet de notre sérieux examen. »

M. Gendebien vient de déposer l’amendement suivant au même paragraphe :

« Les développements progressifs de nos moyens de communication, l’entreprise des chemins de fer, la multiplication de nos routes ordinaires, l’amélioration et l’extension des voies navigables permettront à la Belgique de rivaliser plus avantageusement avec les peuples industriels.

« Le concours du gouvernement et de l’industrie particulière, l’heureuse et féconde émulation entre les provinces feront éclore de nombreux projets, et réaliseront les plus utiles travaux.

« Le projet de loi sur les chemins vicinaux complètera notre système de travaux publics ; il sera l’objet de notre sérieux examen.

« Comme S. M., la chambre est convaincue que la facilité et l’économie des transports sont une source certaine de prospérité ; aussi elle désire ardemment, Sire, que le département de l’intérieur ne néglige aucun moyen d’en faire jouir promptement le pays, tout en rapprochant l’époque où les produits de ces communications feront disparaître la charge de l’emprunt qui pèse sur le trésor. »

M. de Puydt. - Messieurs, comme l’amendement de M. Gendebien rend tout à fait ma pensée, et qu’il est plus complet que mon amendement, je crois devoir m’y rallier.

M. Gendebien. - Messieurs, il me paraît difficile de bien exprimer en une seule phrase toutes les idées renfermées dans le dixième paragraphe du projet d’adresse. J’ai cru qu’il était nécessaire de le diviser en plusieurs paragraphes ; c’est dans ce sens qu’est rédigé l’amendement que je viens de déposer.

Messieurs, je ne sais s’il est besoin de nous vanter à la face de l’Europe, et s’il est nécessaire de dire que notre système de communications et le développement qu’il reçoit pourrait faire honneur à des nations plus vieilles en organisation que le nôtre ; car notre organisation sociale et nationale ne date pas d’hier ; elle est tout aussi ancienne que les autres. Personne de nous n’ignore que la Belgique a donné la première l’exemple de l’intérêt que l’on doit porter à l’amélioration et à l’extension des communications, dans des temps déjà bien loin de nous.

Lorsque nous étions sous la domination de l’Autriche, les principales routes de grande communication étaient pavées avant que la capitale de l’Autriche le fût, et c’est un souvenir que j’aime à rappeler ici : ce sont des hommes de notre pays qui sont allés payer les rues de Vienne ; et à cet égard, qu’il me soit permis de citer une anecdote qui n’est pas sans intérêt : c’est que ces hommes dont j’ai parlé et qui appartenaient au Hainaut et au pays de Liége ont procuré à la ville de Vienne ces belles eaux qui font aujourd’hui l’ornement de cette capitale. Voici dans quelle circonstance la chose eut lieu.

A l’époque où on s’occupait du pavage de la ville de Vienne, Joseph II voulait donner une brillante fête à sa mère Marie-Thérèse, à l’occasion de l’anniversaire de cette princesse ; il avait fait exécuter de nombreux travaux, pour obtenir quelques cascades, quelques jets d’eau ; cependant rien ne réussit. Joseph II, fort inquiet et déconvenu, voulut s’assurer par lui-même des causes de ce contretemps, il traversa la foule et entendit ces hommes du Hainaut exprimer franchement, selon leurs habitudes, leurs opinions sur les motifs ou plutôt les bévues qui avaient empêché la réussite des travaux ; l’empereur les fit venir à la cour, et là ils lui parlèrent des galeries d’écoulement dont on se sert dans les houillères du Hainaut ; et grâce à l’emploi du même moyen qu’ils furent chargés de diriger, Vienne fut pourvue d’eau.

Je le répète, il est inutile de nous vanter de notre situation actuelle pour faire honneur au pays, puisque la Belgique, personne ne l’ignore, est le pays qui a toujours été à la tête de l’industrie et du commerce.

J’évite, en conséquence, de parler de l’honneur qui résulte pour nous de notre position actuelle.

Mais je vais un peu plus au fond des choses.

Il me paraît, messieurs, que le dixième paragraphe du projet d’adresse est entortillé et qu’il peut difficilement exprimer toutes les idées qu’il renferme.

L’amendement que j’ai eu l’honneur de déposer se compose de quatre paragraphes.

Le premier est la reproduction de la première partie du projet, à la rédaction près ; la deuxième contient outre la seconde phrase du projet de la commission, la disposition proposée par M. de Puydt, mais dans un meilleur ordre ; le troisième paragraphe se trouve, à peu prés, dans le projet ; mais le quatrième renferme une disposition toute nouvelle sur laquelle j’appelle toute votre attention.

J’ai pensé, messieurs, non pas qu’il était nécessaire de donner un stimulant à M. le ministre de l'intérieur, moins encore aux ingénieurs chargés de la direction du chemin de fer, mais qu’il était bon de faire connaître qu’il serait agréable à la chambre, comme à la nation, de voir appeler un plus grand nombre d’ingénieurs à concourir à la conduite des travaux ; voilà ma pensée tout entière ; elle n’a pas d’autre but.

Il serait possible, messieurs, que le ministre de l’intérieur fût placé dans une position fâcheuse vis-à-vis des deux ingénieurs dirigeants, et qu’il craignît peut-être de les blesser en leur donnant des adjoints. Il serait possible d’un autre côté que ces ingénieurs fussent contrariés par de mauvais vouloirs précisément à cause de leur isolement ; il conviendrait, en conséquence, que la chambre s’expliquât à cet égard, afin de faire comprendre à ces fonctionnaires, dont, au reste, je reconnais le zèle, l’activité et les lumières, que si nous leur adjoignons 2, 4 ou 6 ingénieurs, c’est afin que les travaux puissent arriver plus promptement à leur terme ; il est dans l’intérêt du pays, dans celui du trésor, le ministère lui-même a exprimé le regret de ce que l’intérêt de l’emprunt que vous avez autorisé dans votre session dernière pour le chemin de fer et pour les routes pèse tout entier sur le trésor, en attendant que les routes produisent ce que leur achèvement promet. Or, en achevant promptement les travaux, non seulement l’intérêt de cet emprunt ne pèsera plus sur le trésor, mais même la route produira de quoi amortir en peu de temps le capital.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je ne m’occuperai pas du changement de rédaction proposé par M. Gendebien ; je me bornerai à examiner le dernier paragraphe de son amendement.

D’abord, je sais gré à cet honorable membre d’avoir reconnu toute la bonne volonté, tout le zèle que montrent le département de l’intérieur et les deux ingénieurs en chef pour admettre la rédaction de ce dernier paragraphe, attendu qu’il semble consacrer un empiètement sur l’administration.

En effet, d’après les développements que vient de présenter l’honorable membre, son but est d’engager le département de l’intérieur à activer davantage les travaux du chemin de fer, et à adjoindre d’autres ingénieurs aux deux fonctionnaires qui sont actuellement préposés à ces travaux ; je vais donner à cet égard quelques explications.

D’abord, je déclare que, bien que l’adjudication d’une partie de la section du chemin de fer dans le Hainaut ait été annoncée, je n’ai pris encore aucune résolution ni décision relativement aux ingénieurs qui seront chargés de la direction des travaux de cette section.

Il est possible, messieurs, que l’exécution de cette section, ainsi que de celle de Gand vers Lille, ne puisse pas incomber aux deux ingénieurs qui ont jusqu’à présent dirigé des travaux du chemin de fer, et que d’autres en soient chargés ; mais le moment de prendre une décision n’est pas encore venu.

Il existe, quant à la section du Hainaut, encore une question très grave à résoudre, c’est celle du tracé à partir de Tubise. A cet égard, les ingénieurs qui furent chargés de la levée des plans pour la société générale, et ceux chargés du tracé général du chemin de fer, sont d’un avis différent. Ce n’est que lorsque cette question sera résolue que j’aurai à examiner comment il convient d’organiser définitivement le service du personnel pour l’exécution de cette section.

Sous ce rapport donc, il n’y a jusqu’à présent aucun péril en la demeure, aucun préjudice à craindre. En ce qui concerne les sections entamées, je crois que ce serait une faute que de distraire tout ou partie des travaux de l’administration qui les dirige actuellement, qui en a conçu tous les plans.

Un honorable membre est revenu sur ce qu’on ne s’occupait pas assez de la section de Bruges à Ostende. Mais, ainsi que je l’ai déjà dit, les mesures préparatoires sont prises, le plan est déjà approuvé depuis longtemps, mais des réclamations sont survenues qui ont nécessité un nouvel examen. Maintenant les difficultés soulevées ont été approfondies ; sous peu j’aurai le rapport, et l’adjudication de cette dernière section des Flandre pourra être annoncée.

Je pense donc que c’est à tort qu’on est venu se plaindre au nom des provinces flamandes comme si le gouvernement en prenait moins soin que des autres.

J’ai dit que le chemin de fer serait terminé au plus tard en même temps sur la route d’Ostende que sur celle de Verviers. A l’époque où la construction des routes en fer a été votée, on ne s’attendait guère à voir cette route aboutir en même temps aux deux extrémités du royaume. J’ai lieu de croire cependant que la section d’Ostende sera terminée avant celle de Verviers, à cause des difficultés plus nombreuses qu’on a rencontrées dans cette dernière direction. Au surplus, toutes les opérations se font simultanément sur toutes les parties de la route.

Je ne pourrais donc, sans injustice vis-à-vis des ingénieurs, directeurs des travaux du chemin de fer, admettre l’amendement de l’honorable M. Gendebien. Je ne pense pas que ce soit après des travaux aussi assidus que l’administration puisse être exposée, si pas à un blâme, au moins à une espèce de doute sur l’activité des travaux.

Que l’on compare les travaux, de quelque espèce que ce soit, exécutés à une autre époque : je défie qui que ce soit de démontrer que, dans aucune occasion, des travaux aussi nombreux ont été conduits avec plus d’activité et d’intelligence. C’est une justice que je me plais à rendre aux directeurs du chemin de fer. On n’a peu d’idée des difficultés nombreuses que rencontre une entreprise de cette nature. On perd de vue qu’on est obligé de s’entendre tantôt avec le génie militaire, quand il s’agit des abords d’une forteresse, tantôt avec les régences qui réclament des modifications au tracé, pendant avoir découvert des endroits plus favorables pour les stations.

Il résulte de là des discussions qu’il est nécessaire d’approfondir, car il faut satisfaire les réclamations, leur donner de justes apaisements.

Pour mieux apprécier ce que je viens de dire et pour servir de point de comparaison, je ne citerai qu’un seul exemple, celui des difficultés élevées entre deux villes d’un pays voisin pour la direction à suivre, qui, depuis plusieurs années, font l’objet de discussions et ne paraissent pas encore terminées. Nous avons rencontré des difficultés de même nature pour chaque ville qui se trouvait dans la direction de la route en fer ; elles ont été résolues dans l’intérêt général et à la satisfaction des localités. Et les travaux ont pu se poursuivre simultanément dans toutes les directions.

Véritablement on ne devait pas s’attendre à voir retentir dans cette enceinte des plaintes quelconques sur la marche de cette entreprise, que le gouvernement et les ingénieurs tiennent à honneur de conduire à une heureuse et prompte fin.

Lorsque, dans le discours d’ouverture, nous avons dit que la charge de l’emprunt contracté pour la continuation des chemins de fer pesait sur le trésor, nous n’avons pas entendu censurer l’ordre des travaux : loin de là ; nous l’eussions fait bien à tort, car cette entreprise a été dirigée de manière à avoir le moins possible de dépenses improductives.

On a commencé par les travaux qui demandaient le plus de temps, pour que les grandes lignes pussent être ouvertes dans un même temps dans toute leur étendue. De cette manière il n’y a aucun fonds improductif. On a parlé encore de la section de Termonde ; puisque je suis obligé de revenir sur ce point, je dirai que quand on croyait pouvoir mettre la main à l’oeuvre pour le point le plus important, pensant avoir obtenu l’assentiment de la régence de Bruxelles, tout à côté de nouvelles discussions se sont élevées qui ont duré très longtemps et ont même fait craindre un procès, qui cependant a été prévenu à l’amiable malgré des parties. De même des difficultés imprévues ont été soulevées par le génie militaire. Tout cela ralentit nécessairement les travaux. Ce n’est pas en divisant la direction qu’on parviendra à hâter davantage leur marche.

J’ai acquis une expérience personnelle qui m’a donné la conviction que plus il y aura d’ingénieurs directeurs, plus il y aura de lenteur dans les travaux, parce qu’on rencontrerait constamment des divergences d’opinions, et qu’on aurait beaucoup plus d’écritures.

On évite tous ces inconvénients en ramenant tout à un centre commun plutôt que de diviser la ligne en une infinité de sections. Je pense donc que si vous préférez la rédaction du député de Mons, vous devrez vous arrêter à ce passage :

« Aussi elle désire ardemment, etc. »

Le département de l’intérieur et les ingénieurs désirent, beaucoup plus qu’aucun membre de cette assemblée, voir achever les travaux du chemin de fer. Il faut être témoin de la sollicitude de l’administration supérieure et de l’administration inférieure pour être convaincu de ce désir.

Je n’en dirai pas davantage sur ce point ; je croirais abuser vos moments.

Je profiterai de cette occasion pour dire un mot des travaux du port d’Ostende.

Le député d’Alost voudrait qu’un ingénieur spécial fût chargé ces travaux. Je lui ferai observer qu’il y a un ingénieur qui réside à Bruges, et qui par conséquent se trouve très à portée de surveiller de qui se fait.

Quant à l’entrepreneur, nous reconnaissons qu’il a mis de la lenteur dans l’exécution des travaux, mais lorsqu’il s’est agi de prendre des mesures sévères de réadjuger, j’ai pris l’avis de l’ingénieur en chef et du gouverneur, j’ai entendu l’entrepreneur, et de cette enquête il est résulté qu’il était plus avantageux de laisser les travaux à l’entrepreneur et de lui appliquer les pénalités comminées par le cahier des charges. L’entrepreneur a même consenti à ce que ces pénalités fussent augmentées. Depuis, les travaux ont été conduits avec plus d’activité.

On désirait aussi, en conservant un entrepreneur, augmenter pour l’avenir la concurrence pour les adjudications des travaux.

Je pense avoir répondu à tout ce qui a été dit sur la question des travaux.

M. Desmet. - J’ai demandé la parole pour appuyer l’amendement proposé par l’honorable M. Gendebien. Je ne puis concevoir que M. le ministre trouve que ce serait empiéter sur le pouvoir administratif que de voter cet amendement. Que faisons-nous par cet amendement ? seulement exprimer au souverain le voeu pour qu’il daigne ordonner que les travaux du chemin de fer, qui sont à présent commencés et pour lesquels vous avec voté le grand emprunt de 30 millions, soient exécutés avec plus d’activité et qu’on mette plus de surveillance dans l’exécution des travaux. Dire que ces travaux ne sont pas en souffrance, quoique je loue le zèle des deux ingénieurs spéciaux, pour les routes en fer, je ne le pourrais, car je suis d’opinion qu’ils pourraient être exécutés avec plus d’ordre, de célérité et d’activité. Et comme M. le ministre nous donne une espèce de défi de démontrer que ces travaux ne sont pas exécutés comme ils le devraient, je ne citerai, par exemple, que ce fait, qui me paraît un défaut dans l’exécution : c’est que dans les mêmes endroits on emploie pour traverses les bois de chêne à côté du peuplier de Canada. Et, comme je l’ai encore fait remarquer dans notre dernière séance, c’est à la veille de la Toussaint qu’on baisse les eaux du canal de la Dendre pour y jeter les fondements des culées du pont à y placer les rails.

Mais ce qui m’a surtout déterminer à prendre la parole, c’est que j’ai cru que le ministre avait dit que les travaux de la section de Termonde à Ostende auraient avancé avec la même vitesse que ceux de la section vers Liége.

Je voulais faire observer que, pour la section de Termonde à Ostende, il n’y avait pas d’études à faire que le terrain était plat et sablonneux, qu’il n’y avait ni déblais ni remblais à faire, et que par conséquent les travaux devaient marcher plus vite que dans le pays de Liége.

De plus, là les travaux peuvent s’exécuter pendant l’hiver et j’insiste pour qu’on le fasse, parce que, la navigation se trouvant en souffrance, on donnera aussi des moyens d’existence à ceux qui pendant l’hiver gagnaient leur vie sur les bords de l’Escaut et du canal de Bruges.

Pour ce qui concerne les travaux du port d’Ostende je les ai visités ainsi que plusieurs de mes collègues, et nous avons vu que les travaux se faisaient avec une telle lenteur, qu’avant qu’une chose fût terminée elle était enlevée par une tempête.

Comme il est encore arrivé il y a quelques jours, un mauvais temps survenu a détruit une grande partie des travaux faits à l’écluse du chenal, Il est possible que M. le ministre ne soit point informé de l’état des travaux dans le port d’Ostende, mais il peut être assuré que c’est l’exacte vérité que nous lui avançons ici, que ces travaux s’exécutent avec une lenteur répréhensible, et, dans l’intérêt du pays comme dans celui de son département, je ne puis assez l’engager d’établir en permanence et sur le lieu même un ingénieur spécial près des travaux du port d’Ostende jusqu’à leur entier achèvement. Je trouve donc très utile d’appuyer l’amendement de l’honorable M. Gendebien.

M. Donny. - J’appuierai l’amendement de l’honorable M. Gendebien.

Je ne pense pas qu’il y aurait aucun empiétement sur l’administration dans un vœu indirectement émis par la chambre de voir un plus grand nombre d’ingénieurs affectés à des travaux pour les faire marcher avec plus d’activité.

Je pense qu’il est utile d’énoncer cette opinion d’abord, parce que tout délai cause un grand préjudice au trésor et qu’ainsi il est de notre devoir de faire en sorte qu’il y ait le moins de délais possible ; ensuite, parce que je tiens de la bouche d’un des ingénieurs directeurs qu’une des causes de la lenteur des travaux, c’est que ces messieurs n’ont pas sous leurs ordres un assez grand nombre d’ingénieurs des ponts et chaussées.

De la manière dont j’envisage la question il ne s’agit pas de diviser le travail, il ne s’agit pas d’élever à côté des directeurs de nouveaux directeurs ; il s’agit d’augmenter le nombre des personnes qui travaillent sous les ordres des deux ingénieurs qui dirigent actuellement les travaux du chemin de fer.

Quant aux travaux du port d’Ostende, je ne partage pas non plus la manière de voir de M. le ministre de l'intérieur. D’après moi, dans les travaux maritimes chaque instant perdu est une grande perte. Lorsque les entrepreneurs n’ont pas achevé les travaux dans le terme fixé, ou ne doit leur faire aucune grâce ; on doit immédiatement réadjuger ; c’est le seul moyen d’en finir avec des travaux de cette espèce. Sans cela on sera toujours victime de nouveaux désastres. J’en citerai comme exempte un événement que j’ai vu il y a peu de temps à Ostende. La lenteur avec laquelle on a procédé aux travaux a été cause que l’on n’a pu assembler les pilots assez à temps, pour qu’ils pussent résister à la tempête ; aussi à la fin d’octobre un gros temps a renversé et brisé sept ou huit pilots. Voilà une dépense que le gouvernement devra supporter, et qu’il n’aurait pas eu à supporter si les pilots avaient été assemblés en temps utile.

Je vois M. le ministre de l’intérieur faire un signe négatif. Il veut dire, sans doute, que le dommage est pour le compte de l’entrepreneur. Cependant on m’a assuré qu’il y avait dans le cahier des charges une clause d’après laquelle tous les dégâts excédant la somme de mille francs doivent être à la charge du gouvernement. S’il en est ainsi, comme ici le dégât est de beaucoup supérieur à mille francs, il sera à la charge du gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je n’ai pas encore reçu de rapport sur les dégâts dont vient de parler l’honorable membre. Je ne puis dire si la dépense incombera à l’Etat ou à l’entrepreneur. Mais je ne pense pas qu’elle doive être à charge de l’Etat.

L’honorable député d’Alost veut absolument que son opinion prévale sur le port d’Ostende. Il dit qu’à tout prix il faut réadjuger. Mais lorsque l’opinion, la conviction profonde du gouvernement, sont que la réadjudication ferait perdre un temps extrêmement précieux, lorsque l’entrepreneur se soumet à une pénalité triple, enfin lorsque sa capacité est connue par les nombreux travaux qu’il a fait exécutés, il serait contraire à la saine raison et à toutes les règles de l’administration de ne pas lui continuer l’adjudication.

On insiste sur la nécessité d’activer les travaux du chemin de fer ; on dit qu’il ne s’agit pas de diviser les travaux entre un plus grand nombre d’ingénieurs chargés de les diriger, mais qu’il s’agit de donner aux directeurs actuels des travaux un plus grand nombre de subalternes. Eh bien, aujourd’hui même, j’ai vu un des directeurs du chemin de fer ; il m’a dit qu’il était satisfait du personnel placé sous ses ordres, à moins qu’on ne le chargeât de la direction des travaux des nouvelles sections du Hainaut et de Gand vers Lille. Cette déclaration doit, je pense, me donner mes apaisements.

Lorsque les travaux du chemin de fer n’exigent pas un personnel d’ingénieurs plus considérable, pourquoi irions-nous l’augmenter, alors que dans les provinces les ingénieurs suffisent à peine pour les travaux de toute espèce qui sont à faire ?

Je le demande à l’honorable député de Mons, trouverait-il convenable qu’on enlevât, pour le chemin de fer, à la province du Hainaut, son ingénieur en chef, ces ingénieurs ordinaires ou des sous-ingénieurs ? Mais une telle mesure donnerait lieu aux réclamations de toute l’administration de cette province.

Je dis qu’il faut être placé à la tête de l’administration des travaux publics pour connaître tous les besoins du service et y satisfaire suivant leur nature.

Je le répète, dans ce moment les ingénieurs chargés de la direction des travaux du chemin de fer sont satisfaits du personnel placé sous leurs ordres. Ils me l’ont déclaré, et cette déclaration doit suffire à la chambre.

Je demande que le dernier paragraphe de l’amendement ne soit pas adopté, parce qu’il empiète sur l’administration.

S’il y a des plaintes a faire, qu’on les signale dans cette enceinte. Je serai le premier, si elles sont fondées, à faire tout ce qui dépendra de moi pour qu’il y soit fait droit.

M. Demonceau. - Il résulte de tout ce qui vient d’être dit, que la section de Liége à Verviers est la plus difficile à faire. Je désirerais savoir si les plans dont M. le ministre de l’intérieur a parlé dans la séance de samedi comprennent toute la partie de Liège à Verviers. (M. le ministre fait un signe affirmatif.) Si mes renseignements sont exacts, ces plans ne seraient définitivement arrêtés que jusque vers Chaudfontaine ; cependant les travaux sont partout difficiles ; Car, outre un pont sur la Meuse, il y a différents ponts sur la Vesdre et des rochers à percer. Si donc l’on veut que cette partie du chemin de fer soit achevée en même temps que la partie d’Ostende, il importe qu’on y mette une grande activité, car un honorable membre disait que le chemin vers Ostende pourrait être terminé en un an, et je dis que la section de Verviers, s’y mît-on de suite et avec une grande activité, ne pourrait être terminé avant deux ans.

J’appuie l’amendement de M. Gendebien, non dans l’intention de déverser du blâme sur le ministère de l’intérieur. Je serais au désespoir d’avoir à le blâmer. Je désire seulement que l’on comprenne une bonne fois qu’il est de la plus haute importance d’activer les travaux du chemin de fer de Liége à Verviers. C’est dans ce sens que j’appuie l’amendement de M. Gendebien.

M. A. Rodenbach. - Dans la séance de samedi, j’ai tâché de démontrer la nécessité et l’urgence d’un chemin de fer de Gand à la frontière française. Je désirerais savoir de M. le ministre de l’intérieur si un projet de loi à cet égard est prêt et doit nous être bientôt soumis. Il n’y a qu’une voix dans les Flandres sur la nécessité de cette communication que réclame à grands cris le commerce. C’est le voeu des 1,500,000 habitants des Flandres. Je voudrais savoir à quelle époque le ministre compte y déférer.

M. Gendebien. - Je répète ce que j’ai eu l’honneur de dire. Mon intention n’est en aucune façon de jeter du blâme sur le ministère de l’intérieur, encore moins sur les deux ingénieurs chargés de diriger les travaux du chemin de fer. Je n’ai pas besoin de protester que telle n’est pas mon intention. Il suffit de lire mon amendement pour s’en convaincre.

« Comme V. M., la chambre est convaincue que la facilité et l’économie des transports sont une source certaine de prospérité ; aussi, elle désire ardemment, Sire, que le département de l’intérieur ne néglige aucun moyen d’en faire jouir promptement le pays, tout en rapprochant l’époque où les produits de ces communications feront disparaître la charge de l’emprunt qui pèse sur le trésor. »

Je vous demande s’il est possible devoir dans ce texte l’intention de blâmer. Quant à l’intention, je déclare qu’elle n’est pas telle, et je ne sais pas vraiment d’où ou pourrait la faire résulter. Tout homme de bon sens et de bonne foi reconnaîtra qu’il n’y a aucun blâme ni dans le texte ni dans l’esprit de l’amendement.

Maintenant convient-il de parler dans ce sens dans l’adresse au Roi ? Mais dans les gouvernements constitutionnels les chambres sont une seule fois par an en communication directe avec le gouvernement ; c’est dans leur réponse au discours du trône.

On ne peut contester sérieusement à la chambre le droit d’exprimer le désir de voir activer les travaux de communication, et le reproche qu’on nous adresse à cet égard est bien puéril ; il me semble, d’ailleurs, que si nous usons de ce droit, nous le réduisons à sa plus petite expression. Il est impossible, à moins d’applaudir à tout ce qui se fait, de dire quelque chose de moins significatif.

Mais a-t-on des motifs plausibles pour demander que nous nous montrions moins sévères ? Voilà bientôt 3 ans que nous avons voté la loi relative au chemin de fer.

Voilà deux ans et demi employés, à quoi ? à faire la section la plus facile de Bruxelles à Anvers, car il n’y avait là aucune difficulté ; il s’agissait simplement de faire quelques terrassements et très peu de constructions. Voilà deux ans et demi que vous avez voté la loi, et à l’heure qu’il est le ministère n’a pris, vient-il de vous dire, aucune résolution pour le choix de l’ingénieur qui sera chargé d’exécuter la section de Bruxelles à Mons. Si depuis deux ans et demi on avait suivi une autre méthode, si on avait tenu compte de nos observations et réclamations, nous aurions déjà une bonne partie des travaux terminés.

Si on avait assigné à divers ingénieurs des sections spéciales du chemin de fer, si on avait dit à deux ingénieurs : « Vous êtes chargés de prendre toutes les notions nécessaires, de lever les plans et de tout préparer pour établir le chemin de fer de Verviers à Liége ; » à deux autres : « Vous étudierez la section de Malines à Liége ; » à deux autres, « la section de Malines à Ostende ; » si on avait agi de même pour la section de Bruxelles à la frontière de France par le Hainaut, il y aurait eu économie de temps ; on aurait plus de besogne faite ; loin que cette manière de procéder entraînât des inconvénients, il y aurait eu un avantage immense : chaque ingénieur aurait fait preuve de zèle ; il se serait établi entre eux une émulation dont tout le monde aurait profité ; tandis qu’en laissant tout le travail à deux ingénieurs seulement, on évite sans doute des discussions, comme l’a dit le ministre, puisqu’en n’entendant qu’un seul avis, il n’y a pas contestation ; mais on ne prend pas le moyen de hâter les travaux ni de les faire plus parfaits. Si depuis deux ans et demi on avait divisé les sections, nous aurions des plans arrêtés sur toutes les parties depuis plus de deux ans. Pour vous parler uniquement de la section de Bruxelles à Mons, il est évident qu’on a le plus grand intérêt à en accélérer la confection jusqu’à Mons ; cependant, on n’est d’accord que sur un point de cette section, c’est sur la partie de Bruxelles à Tubise qui présente le moins de difficultés.

La construction du chemin de Bruxelles à Tubise, quels avantages présentera-t-elle ? Aucun, tant qu’on n’aura pas terminé la partie de Tubise à Mons, comme si l’on ne faisait rien ; quant à la section de Liège à Verviers, il ne s’agit pas seulement, comme dans beaucoup d’autres localités, de lever des plans, da déterminer de quel côté on dirigera le chemin de fer, ou de quel côté il sera le plus facile à ériger ; mais il faut encore déterminer la qualité des terrains, afin d’apprécier les difficultés à vaincre. Car il y a plusieurs souterrains à faire dans la pierre, et il est difficile de déterminer le temps nécessaire pour ces travaux. Dans l’exploitation des houillères, il est telle nature de roche où il faut dix fois plus de temps que dans une autre pour arriver à la mine ; la pierre a des qualités différentes dans les différents endroits, et de là résultent des travaux plus ou moins considérables. Connaît-on toutes les qualités de roche dans la section de Verviers ? Et si on ne les connaît pas, comment savoir dans combien de temps le travail sera terminé. Cependant si on avait employé deux ingénieurs de Liége à Verviers, on connaîtrait depuis deux ans tout ce qu’il y a à faire, et l’on aurait pu mettre la main à l’œuvre depuis cette époque.

Je n’ai aucune critique à adresser aux deux honorables ingénieurs qui dirigent le chemin, je n’ai au contraire que des éloges à adresser à leur zèle ; et si je me plains, c’est de leur excès de zèle. Ils sont d’ailleurs plus à plaindre qu’à blâmer, car ils sont chargés de tout, même de l’exploitation du chemin de fer, au moins pour ce qui concerne la partie mécanique. (M. le ministre de l’intérieur fait un signe négatif.)

Dans les commencements ils étaient même chargés de l’exploitation matérielle du chemin de fer. Ils avaient tant d’occupations, ils étaient si préoccupés des accidents toujours nombreux dans les premiers moments d’une entreprise nouvelle, qu’ils n’avaient pas une heure de repos.

Ayez pour la partie mécanique un ingénieur spécial, lequel avisera aux moyens de les faire faire en temps utile, de les faire réparer ; qu’il y en ait un autre chargé de surveiller la confection et le transport des rails en temps utile et à pied d’œuvre ; que l’on soulage enfin les deux ingénieurs principaux de tout le fardeau qu’on peut leur ôter sans danger, et vous hâterez le travail de plusieurs années.

Si le ministre refuse d’admettre la phrase que je propose, je ne verrai de sa part que de l’obstination et un amour-propre mal entendu, D’ici à un an nous n’aurons plus d’occasion de nous trouver en relation directe avec le Roi ; ainsi d’ici à un an on ne pourrait changer de système, quoiqu’il soit incontestable et incontesté dans le public comme à la chambre, que les travaux se font lentement, non par le défaut de zèle des ingénieurs mais par impuissance où ils sont de suffire à tout.

Messieurs, nous avons fait les fonds depuis deux ans et demi ; ici les capitaux ne manquent pas comme pour beaucoup d’autres entreprises particulières, on n’a qu’à puiser ; nous avons le bois, le fer sous la main ; nous avons des hommes habitués à tous les travaux hydrauliques ; nous avons des ingénieurs capables dans toutes les parties ; malgré tous ces avantages nous n’aurons le chemin que dans trois ans au plus tôt.

Vous avez intérêt à couvrir au plus tôt les intérêts de l’emprunt ; et à cet égard veuillez remarquer les regrets exprimés dans le discours du trône d’en voir longtemps encore les intérêts peser sur le trésor, puisqu’ils devront peser jusqu’à ce que le chemin de fer, complètement achevé, comble ce déficit.

« Vous ne perdrez pas de vue, dit le ministre par la bouche du Roi, vous ne perdrez pas de vue que la charge de l’emprunt contracté pour la continuation des chemins de fer et l’extension des routes ordinaires pèse déjà en entier sur le trésor sans que celui-ci jouisse encore de tous les bénéfices que l’emploi des fonds de cette levée produira plus tard. »

Eh bien, que répond le ministre aux observations que nous présentons ? que nous empiétons sur l’administration et que nous la blâmons ; mais est-ce empiéter sur l’administration que de dire qu’en mettant de la célérité dans les travaux, nous hâterons le moment où le trésor sera dégrevé du paiement des intérêts ?

Si nous voulons agir dans le véritable intérêt du pays et du trésor, il faut agir de façon que le gouvernement soit bien pénétré de la nécessité d’augmenter les moyens d’exécution. Mon amendement n’a nullement pour but de jeter le blâme sur qui que ce soit ; j’émets le vœu, avec toute la chambre, que le moment où toute la Belgique sera sillonnée de routes soit rapproché.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne suis pas étonné que quelques membres attaquent l’administration relativement au chemin de fer. Il leur est agréable et facile de faire valoir par là près de leurs commettants la sollicitude de localité qui les anime. Toutefois dans cette discussion on a confondu tous les faits, et on a véritablement parlé dans l’ignorance de ce qui existe.

Ainsi, messieurs, en parlant de la section dans le Hainaut, on vient d’assurer que l’on n’en avait pas encore tracé le plan ; voici ce qui en est. Il y a environ un an et demi que trois ingénieurs en chef ont été chargés de l’étude du tracé dans le Hainaut, et du tracé de Gand à Lille. Ces tracés ont été étudiés pour servir soit à une concession, soit aux travaux que le gouvernement jugerait convenable de faire exécuter aux frais de l’Etat. Ces tracés ont été communiqués aux ingénieurs en chef du chemin de fer, parce qu’ils avaient déjà des notions assez parfaites sur les deux directions dont il s’agit, et je pense n’avoir rien à regretter dans la marche que j’ai suivie.

Après avoir examiné attentivement les deux rapports contradictoires qui m’ont été communiqués sur la section de Bruxelles à Mons, j’ai commencé à prendre une décision pour la direction de Bruxelles à Tubise ; mais quant à la direction de Tubise à Mons, il y a une question d’économie politique autant qu’une question d’art à approfondir. Comme les deux rapports qui m’ont été faits sont en opposition, j’ai soumis la question à un nouvel examen, et quand j’aurai reçu les nouveaux rapports, je prendrai une résolution et le travail commencera, car les plans sont faits dans une double direction.

Tout ce que je dis justifie pleinement ce que j’ai avancé sur le danger d’avoir constamment des collisions entre plusieurs ingénieurs et sur la nécessité qui m’a déterminé à confier la direction principale aux deux ingénieurs actuels.

Toutefois, qu’on ne croie pas que lorsque des questions vraiment difficiles se sont présentées, j’ai cru pouvoir me passer d’autres lumières ; quand il s’est agi des abords de Louvain, de Liége, j’ai consulté d’autres ingénieurs ; et moi-même j’ai, en plusieurs circonstances, été sur les lieux, afin de prononcer en connaissance de cause.

Messieurs, ce qui embarrasse l’administration, ce sont ces conflits journaliers, qui entraînent des écritures perpétuelles et des embarras de toute espèce, surtout lorsqu’ils proviennent d’un esprit de corps comme cela arrive la plupart du temps, ce sont ces conflits, messieurs, qu’il est si nécessaire d’éviter.

On a parlé de la direction de Verviers : mais il y a plus de 18 mois qu’un ingénieur spécial s’est exclusivement occupé de cette partie du chemin de fer ; un ingénieur très entendu, qui est sous les ordres du directeur ; maintenant les plans arrivent successivement ; nous sommes au moment où toutes les questions d’art sont étudiées, où l’on va commencé les adjudications, et c’est à présent que mes récriminations naissent, lorsque presque toutes les difficultés sont terminées.

Cette impatience est naturelle, messieurs, mais il faut au moins que la justice préside aux observations qu’on adresse au gouvernement. Que l’on se rende bien compte que souvent le travail ne paraît pas aussi avancé qu’il l’est réellement, parce qu’il faut au préalable que toutes les difficultés soient résolues et alors quand le travail est bien combiné dans son ensemble. On voit tout à coup apparaître le résultat. C’est ce que nous avons vu à l’ouverture de chaque section : rappelez-vous, messieurs, qu’au printemps dernier tout le monde a été étonné de voir tout à coup avoir lieu l’ouverture de la section d’Anvers.

C’est ce qui arrivera également pour toutes les autres sections ; ainsi, par exemple, dans le courant de l’été prochain, on aura les sections de Gand et de Liége, ce sera là, sans doute un très bon résultat obtenu. J’en appelle, messieurs, à l’équité de chacun des membres de la chambre : s’ils pouvaient tous prendre connaissance de l’ensemble et de tous les détails de cette grande entreprise, il n’en est pas un seul, quelque opposé qu’il ait été à ce qu’elle fût exécutée aux frais de l’Etat, il n’en est aucun, dis-je, qui ne reconnût que cette entreprise a été conduite avec beaucoup de discernement, beaucoup d’activité, beaucoup d’économie.

Ce n’est pas d’aujourd’hui, messieurs, que nous avons eu l’occasion d’entendre des observations sur des entreprises de ce genre ; il est même impossible qu’il n’y en ait pas : très fréquemment les plus grandes entreprises sont arrêtées court par suite des réclamations sans nombre qu’elles soulèvent, et je féliciterai bien sincèrement MM. les entrepreneurs du chemin fer s’il peuvent continuer leurs travaux au milieu des obstacles qu’on leur suscite de toutes parts. Quant à moi, messieurs, qui ai ces travaux dans mes attributions, je serais bien charmé de voir qu’une autre personne pût être chargée de ce fardeau.

On a aussi parlé de la section de Gand à Lille : eh bien, messieurs, le projet en a été doublement étudié, mais il se présente là une question préalable à résoudre, c’est celle de savoir si cette route sera faite aux frais de l’Etat ou par voie de concession : la loi n’a pas prononcé sur ce point. J’ai fait préparer un projet à cet égard, je le soumettrai au conseil qui sera appelé à émettre son opinion, et ce sera ensuite à la chambre à décider la question ; question qui ne me paraît pas être si importante, si majeure, si difficile qu’on a semblé le croire. Quoi qu’il en soit, tous les travaux préparatoires sont prêts, et d’ici à peu de temps un projet de loi pourra vous être soumis à cet égard.

On vous a dit, messieurs, que les ingénieurs sont encore chargés de l’exploitation du chemin de fer : mais la partie dont ils sont chargés n’est pas très considérable, elle rentre dans leurs attributions. Quoi de plus naturel, par exemple, que de leur avoir laissé le soin de désigner les locomotives qui conviennent le mieux, puisque ce sont eux qui, par leur grande expérience, sont le plus à même d’en juger ? Quant au remplacement des rails, c’est l’affaire la plus simple du monde, et qui ne cause aucun embarras. Les autres parties administratives sont entièrement indépendantes des ingénieurs, qui ne s’en occupent aucunement.

M. Desmet. - Il me semble que M. le ministre de l’intérieur a dit au commencement du discours qu’il vient de prononcer, que les membres qui demandent que diverses sections du chemin de fer soient poussées avec plus d’activité, parlent pour leurs commettants et dans l’unique intérêt de leurs localités.

Comme je suis un des membres qui ai parlé dans cette occasion et appuyé l’amendement pour les travaux publics, je ne puis laisser passer sans réponses l’étrange reproche de l’honorable M. de Theux, que j’ai trouvé assez déplacé et même inconvenant, et je déclare à M. le ministre et à la chambre, que jamais je ne parle pour plaire à qui que ce soit, et que je n’ai pas l’habitude de le faire pour mes commettants ; je déteste l’esprit de coterie et de localité ; mes seules vues sont toujours celles du pays en général, et je crois que depuis que je siége dans cette enceinte on ne pourrait me faire le reproche que je n’ai sur ce point oublié les devoirs que mon mandat m’impose.

A présent je demanderai à tous ceux qui entendent un peu la chose, n’est-ce pas dans l’intérêt du pays en général et dans celui du trésor de l’Etat que la section de Termonde à Ostende soit entièrement achevée ? Aussi longtemps que vous n’avez que des morceaux de section, la recette sera nulle ; mais quand vous aurez la voie ouverte jusqu’à Ostende, jusqu’en Angleterre, alors vos recettes de cette section seront complètes. M. le ministre vient de nous faire la promesse que la section de Termonde à Gand sera achevée pour l’année prochaine, mais je demanderai à M. le ministre ce qui empêche de faire en même temps la section de Gand à Ostende ? Comme je l’ai encore dit, c’est un terrain très plat sur cette section et qui n’offre aucune difficulté, il n’y a vraiment que les ingénieurs qui manquent. Eh bien qu’on emploie, comme pour les autres travaux de l’Etat, les agents ordinaires de la direction des ponts et chaussées ; car n’est-ce pas le comble du ridicule que, pour l’exécution d’un ouvrage de 30 millions, on n’emploie que deux simples ingénieurs, et que quand il s’agit d’un ouvrage de moins de 5,000 fr., toute la direction est sur pied ?

J’ai aussi été étonné que M. le ministre nous dît que la section vers la France était de peu d’importance ; si on veut parler de son exécution, il est vrai qu’elle ne peut être difficile, car de même le terrain se prête extraordinairement ; mais si on conteste l’importance de la section, sous le rapport de la voie qu’elle ouvrira vers la France, alors je ne comprends point qu’on eût si peu de notions des intérêts et du commerce de la Belgique ; messieurs, vous le savez tous, comme moi, que la section vers les frontières de France sera la plus importante et la plus utile pour la Belgique, car, quoi qu’on en dise, nous sommes la basse-cour de la France, et c’est elle qui enlève le plus de nos produits...

J’ose donc espérer que M. le ministre aura égard au vœu exprimé par mon honorable ami, M. Alexandre Rodenbach, et qu’il ne tardera pas à nous présenter un projet de loi pour l’exécution d’un chemin de fer des Flandres vers la France.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il est vraiment étonnant, messieurs, qu’on vienne prétendre que j’ai dit que le chemin de Gand vers Lille est sans importance ; je voudrais que quand on cite mes paroles on le fît avec exactitude. J’ai dit, messieurs, que la chambre ne trouverait pas de difficulté grave à résoudre la question de savoir si la route dont il s’agit doit se faire pour le compte du gouvernement ou par voie de concession. Je demande qu’on soit plus juste en rapportant mes paroles ; c’est encore là un reste des récriminations de l’opposition qui a été faite contre le système de l’exécution du chemin de fer par le gouvernement.

M. Gendebien. - Je dois répondre, messieurs, à un reproche que m’adresse le ministre de l’intérieur. Je n’ai pas dit qu’on n’avait pas encore songé à la section de Mons ; seulement j’ai fait remarquer l’inconcevable et l’impardonnable obstination qui a amené le ministre à faire aujourd’hui l’aveu qu’il n’avait pas encore pris de résolution sur le choix de l’ingénieur qui sera chargé de l’exécution des travaux pour la section de Bruxelles à Mons.

Il eût été absurde de ma part de dire que le ministre ne s’est pas encore occupé de cette section, puisque j’ai vu les plans de la section dont il s’agit, et qui sont achevés depuis plus de 4 mois. On vient nous dire, pour justifier les retards, que la confection de ce chemin soulève les questions d’économie politique, de graves questions d’art ; mais qu’est-ce que cela prouve, sinon la nécessité de s’en occuper plus tôt ?

Si l’on avait commencé il y a deux ans et demi, ces questions auraient été résolues depuis deux ans, et depuis lors on aurait pu mettre la main à l’œuvre, tandis qu’aujourd’hui tout est encore à faire, même les discussions préliminaires.

On nous a promis la route de Gand à Bruxelles et de Bruxelles à Liége pour l’été prochain ; je conçois que c’est une chose faisable, toutefois le ministre de l’intérieur me permettra de douter quant à la section de Malines à Liège ; je pense qu’elle ne sera pas achevée pour l’époque qu’il indique, tandis que si on s’en était occupé plus tôt elle aurait pu l’être facilement. D’ailleurs, il ne s’agit pas de savoir si nous aurons cette route pour l’été prochain, mais pourquoi l’on s’est obstiné à ne pas faire tout ce qu’il fallait pour terminer plus promptement.

Je dois encore répondre à une insinuation du ministre. Il a dit qu’on cherche à chagriner les ingénieurs, à leur susciter des embarras dans l’opinion publique. Je dois protester contre de pareilles insinuations, qui sont fort mal adressées à des hommes qui n’ont cessé de rendre justice à ces ingénieurs, et qui ne leur ont reproché tout au plus qu’un excès de zèle, plus excusable dans le cas dont il s’agit qu’en tout autre, fort honorable même, mais qui ne justifie pas le ministre de n’avoir pas pris des mesures pour que les travaux du chemin de fer soient poussés avec plus d’activité.

Je le répète donc pour la dernière fois, mon amendement n’a d’autre but que de faire comprendre au Roi, et cette seule occasion que nous ayons d’ici à un an de nous adresser directement à lui, que le pays désire vivement voir accélérer le plus que possible, les travaux du chemin de fer ; si le ministre s’y oppose je ne puis voir dans cette conduite autre chose que de l’obstination, et la volonté de donner, par sa résistance, un sens de blâme à ce qui n’est de ma part qu’un stimulant qui ne sera désavoué par personne dans cette enceinte et moins encore dans le public.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Lorsque j’ai dit, messieurs, qu’on cherchait à susciter des embarras aux ingénieurs du chemin de fer, je suis loin d’avoir eu en vue l’honorable M. Gendebien ; je sais qu’il est au-dessus de ces petites passions. Mais l’honorable membre perd toujours de vue que ce n’a été qu’avec la plus grande difficulté qu’on est parvenu à introduire dans la loi la section du Hainaut. Depuis lors il s’est présenté une question très grave, savoir, s’il ne serait pas plus utile d’en faire l’objet d’une concession ; cette question méritait certainement d’être mûrement examinée.

- La première partie de l’amendement de M. Gendebien est mise aux voix et adoptée.

Le second paragraphe de l’amendement de M. Gendebien est mis aux voix et adopté.

La chambre adopte ensuite les troisième et quatrième paragraphes du même amendement.

Paragraphe additionnel

M. le président. - Il vient d’être déposé sur le bureau le paragraphe additionnel suivant :

« Au milieu de tant d’éléments et de preuves de prospérité générale, il serait à désirer, Sire, que toutes les parties du territoire pussent y prendre part et que les infortunés habitants des polders, dont les terres et la demeure restent submergées, vissent la fin de leurs souffrances. »

Cet amendement est présenté et signé par MM. Legrelle, Ullens, Van Hoobrouck, Stas de Volder, Smits, Kervyn, B. Dubus et Donny.

M. Legrelle. - Messieurs, je pense que le paragraphe additionnel que j’ai l’honneur de vous soumettre, avec sept de mes honorables collègues, n’a pas besoin de développements ; le voeu qu’il contient a été trop souvent exprimé dans cette chambre y a rencontré trop de sympathie, pour qu’il me soit nécessaire d’entrer dans de longs détails, et j’ai l’assurance, messieurs, que vous sentirez comme moi, le besoin d’en parler dans l’adresse.

L’adresse, selon moi, doit renfermer notre opinion entière, et ne pas être simplement un assemblage de phrases laudatives sur notre situation intérieure ; vous savez, messieurs, combien sont réelles, combien sont amères les souffrances qu’endure une partie de notre population, pour le maintien du statu quo, dont le reste du pays ressent les avantages.

Le conseil provincial d’Anvers a ouvert noblement sa session, en laissant entendre des accents de pitié sur le sort de ces infortunés ; et si j’élève de nouveau la voix en leur faveur dans cette enceinte, ce n’est nullement dans l’intention de blâmer la conduite du ministère ; mais il me semble rationnel et même dans les convenances que nous exprimions le vœu que les souffrances de ces malheureuses victimes viennent à cesser ; voilà le but unique de mon amendement.

Je désirerais encore que le ministre de l’intérieur pût déclarer ici qu’il n’a pas dépendu de lui que la digue, projetés le temps, ne fût déjà faite ; je sais que des négociations sont entamées ; mais il importerait, je pense, que les victimes de l’agression hollandaise fussent persuadées qu’il ne dépend du pays qui leur malheureux sort n’ait déjà cessé.

M. de Foere. - Mon intention n’est pas de m’élever contre l’amendement de M. Legrelle ; seulement je ferai observer qu’il n’est pas d’usage de parler dans une adresse d’intérêts locaux, d’intérêts particuliers.

(L’honorable membre prononce encore quelques paroles qui ne parviennent pas jusqu’à nous.)

M. Legrelle. - Il ne s’agit pas ici d’intérêts de localités, puisque les personnes dont je plaide en ce moment la cause souffrent dans l’intérêt du pays.

M. Gendebien. - Messieurs, pour lever les scrupules de M. de Foere, je propose de rédiger l’amendement comme suit :

« Au milieu de tant d’éléments et de preuves de prospérité générale, il serait à désirer, Sire, que toutes les parties du territoire pussent y prendre part, et que toutes les victimes des événements de la révolution et de la guerre vissent la fin de leurs souffrances. »

M. Legrelle déclare se rallier à cette rédaction, qui est adoptée par la chambre.

Paragraphes 11 et 12

« Les récents succès de nos artistes, et les noms qui honorent déjà la Belgique dans les sciences et les lettres, nous donnent l’espérance que notre régénération politique fera revivre les jours de notre ancienne renommée dans les beaux-arts et les travaux de l’intelligence. Cette impulsion, Sire, votre sollicitude particulière a puissamment aidé à la produire, et nous nous réunissons d’avoir secondé les efforts de votre gouvernement. »

« Nous apporterons une attention spéciale à l’examen des budgets qui nous sont soumis pour l’exercice de l’année 1837. »

Paragraphe 13

« Nous savons, Sire, que le trésor public n’a pas encore pu jouir des bénéfices que produira l’emploi des fonds provenant de l’emprunt contracté pour la continuation des chemins de fer et des routes ordinaires. SI cette charge momentanée, jointe à la diminution des revenus que produisait l’accise sur les sucres, ne permet pas de déduire les impôts existants, au moins avons-nous la satisfaction d’apprendre qu’ils suffisent aux besoins de l’Etat. La réduction de la dette flottante sera l’objet de toute notre sollicitude. Le taux avantageux auquel l’emprunt a été réalisé est une nouvelle preuve de la consolidation du crédit national ; ce résultat, et la facilité avec laquelle s’opère la perception des impôts, particulièrement celle de l’impôt foncier désormais plus équitablement réparti, contribueront à l’état prospère de nos finances. »

M. Jadot. - Je ne proposerai aucun amendement, ni sous-amendement à l’adresse ; je la voterai amendée ou non, parce qu’il faut une réponse au discours du trône. et puis je suis persuadé que le vote que l’on émet dans cette circonstance n’engage à rien pour l’avenir. Je ne partage donc pas l’opinion de l’honorable M. Legrelle qui dit que nous devons ici manifester toute notre pensée.

Ainsi, par exemple, le gouvernement a reconnu le vice de nos lois de finance et le préjudice qu’elles causent au trésor. Cependant il est décidé à ne rien y changer : il me semble qu’en répondant ainsi qu’on le fait dans l’adresse, on reconnaît qu’il y a lieu de maintenir ce qui existe. Je n’entends pas quant à moi m’interdire le droit de revenir plus tard sur cet objet.,

- Le paragraphe 13 est mis aux voix et adopté.

Paragraphe 14

« Les mesures que le gouvernement a prises pour achever l’instruction et consolider la bonne discipline des troupes, rendront l’armée de plus en plus digne de la haute sollicitude que V.M. n’a cessé d’avoir pour elle. Notre devoir est d’assurer son avenir par les lois relatives à l’école et aux pensions militaires que nous nous empresserons d’examiner. En portant notre scrupuleuse attention sur les dépenses proposées par le département de la guerre, nos tâcherons de concilier ce qu’exige la sûreté de l’Etat avec l’intérêt des contribuables. »

M. A. Rodenbach. - A propos du paragraphe relatif à l’armée, je regrette que M. le ministre de la guerre ne soit pas présent ; j’avais une interpellation à lui adresser sur le rapport que trois généraux ont été chargés de faire concernant le service sanitaire de l’armée. Je voulais aussi lui parler du sulfate de quinine qui, de l’aveu d’un fournisseur, a été sophistiqué avec une poudre blanche appelée salicène.

La santé et la vie de nos soldats doivent nous être chères, nous ne pouvons pas laisser passer des faits semblable sans explications. Je me proposais également d’adresser une interpellation au ministre sur les lits en fer, lui demander ce qu’il a fait depuis la retraite de son collègue.

Vous savez, messieurs, que le couchage de nos soldats nous coûte 2 fr. 75 c. par homme et par an ; que nous payons 57 mille francs de loyer par an, pour le couchage de 20,700 hommes, tandis que d’après l’aveu de l’ancien ministre, du général Evain, un capital de 560 mille fr. eût suffi pour faire l’acquisition des lits ; nous n’aurions eu ainsi que 28 mille fr. d’intérêt à payer par an, et au bout de 30 ans les lits nous fussent restés en propriété, tandis qu’avec le système qu’on a adopté, nous n’aurons rien.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - M. le ministre de la guerre s’est trouvé indisposé et n’a pas pu assister à la séance d’aujourd’hui.

Quant au service sanitaire de l’armée dont vient de parler l’honorable préopinant, ce n’est pas le moment de s’en occuper, il est l’objet d’une enquête administrative et judiciaire. Et quant aux autres questions qu’il a soulevées, ce n’est pas non plus le moment de les discuter, elles trouveront leur place.

M. A. Rodenbach. - Si mes renseignements sont exacts, le ministre a, depuis trois semaines, dans ses bureaux le rapport des généraux sur le service sanitaire. Je sais ensuite que nous sommes à la veille de recevoir un mémoire qui dénonce des vols scandaleux. Si le rapport des généraux ne nous est pas communiqué avant que ce mémoire ne nous arrive, notre jugement pourrait en être empoisonné. Je répète que des fournisseurs ont déclaré avoir falsifié du sulfate de quinquine. C’est une chose très grave ; nous devons savoir si nos soldats sont exposés à être tués par ceux qui sont payés pour les guérir.

M. Gendebien. - J’avais l’intention d’appeler l’attention de la chambre sur ce qui fait l’objet de la réclamation de l’honorable M. A. Rodenbach ; mais, comme il y a litige, j’ai cru devoir m’abstenir. Cependant, je me joins au vœu qu’il a exprimé de voir porter la sollicitude du gouvernement sur des abus qui peuvent être funestes à nos soldats et dont il importe de prévenir les conséquences le plus tôt possible.

J’ai demandé la parole pour faire observer que le paragraphe ne parle que de la sollicitude du Roi pour l’armée qui cependant n’excite pas à un moindre degré la sollicitude de la nation. Voici comment je désirerais que cette partie du paragraphe fût rédigée :

« Les mesures que le gouvernement a prises pour achever l’instruction des troupes consolidera la bonne discipline et rendront l’armée de plus en plus digne de la haute sollicitude de V. M. et de la nation. »

La nation éprouve beaucoup de sollicitude pour l’armée. On doit le dire dans l’adresse.

Quant à ce qu’on dit de la discipline, je n’entends en aucune façon approuver les moyens qu’on a employés. Je me réserve d’articuler plus d’un grief quand un moment plus opportun sera venu.

M. Jadot. - Comme je l’ai déjà dit, je voterai l’adresse, mais tout en rejetant le paragraphe concernant les mesures prises pour assurer la discipline, parce que toutes ces mesures ne me sont pas connues et que je sais qu’il en est plusieurs d’arbitraires dont les militaires ont à se plaindre.

Je rejette donc le paragraphe dont il s’agit ; nonobstant cela, je voterai l’adresse.

M. Dumortier. - Je trouve quelque chose de blessant pour la dignité de la chambre, dans cette phrase : « Notre devoir est d’assurer son avenir par les lois relatives à l’école et aux pensions militaires que nous nous empresserons d’examiner. » La chambre ne manque jamais à ses devoirs, elle les remplit tous.

D’un autre côté, il y a une énumération qui me semble inutile et dangereuse, car les lois relatives à l’école et aux pensions militaires ne sont pas les seules lois que nous ayons à faire pour assurer l’avenir de l’armée. J’ai proposé une loi qui a été prise en considération par l’unanimité de l’assemblée et dont tout le monde a vivement désiré l’examen. Nous devons aussi nous occuper d’un code pénal militaire. Si nous adoptions l’énumération qui se trouve dans le paragraphe, il semblerait que nous ne voulons nous occuper que des lois dont il y est question, Il est mieux de supprimer cette énumération et de dire : « Nous nous empresserons de nous occuper des lois qui tendent à assurer son avenir. »

Paragraphe 15

- La chambre adopte sans discussion le dernier paragraphe du projet d’adresse ainsi conçu :

« L’unité de vue entre le gouvernement et la représentation nationale est une condition essentielle de la gloire et de la prospérité du pays. La situation heureuse dont nous jouissons prouve que nos efforts communs pour atteindre ce but n’ont pas été vains. Vous pouvez compter, Sire, que les représentants de la nation répondront par une coopération franche et active aux efforts de votre gouvernement pour la consolidation de la paix publique et du bonheur de notre patrie. »

Vote sur l’ensemble et formation de la délégation au Roi

La chambre procède à l’appel nominal sur l’ensemble de l’adresse ; elle est adoptée à l’unanimité des 72 membres présents..

La chambre décide que l’adresse sera présentée à S. M. par une députation de 12 membres, y compris M. le président. Le sort désigne pour composer, avec M. le président, cette députation : MM. Vanderbelen, de Longrée, Pollénus, Bernard Dubus, de Jaegher, de Nef, Lebeau, Bekaert, David, de Terbecq, Desmaisières.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Il y a à l’ordre du jour la loi sur les vicaires.

- Tous les députés quittent leurs banquettes.

M. le président. - Un instant, messieurs. Les budgets seront distribués aujourd’hui, il faut les examiner dans les sections.

Plusieurs membres. - Réunissons-nous alternativement dans les sections et en assemblée générale.

M. Dumortier. - Si on adopte cet avis, un grand nombre de députés iront chez eux et nous ne serons pas en nombre pour délibérer.

M. Lebeau. - Il faut nous occuper de la loi concernant le traitement des vicaires ; plusieurs communes, et j’en sais quelque chose, sont en retard de présenter leurs budgets, parce qu’elles ne peuvent y déterminer une dépense importante, celle des vicaires.

M. le président. - Demain séance à midi pour délibérer sur la loi relative au traitement des vicaires.

- La séance est levée à 4 heures.