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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 12 novembre 1836

(Moniteur belge n°319, du 13 novembre 1836 et Moniteur belge n°320, du 14 novembre 1836)

(Moniteur belge n°319, du 13 novembre 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi trois quarts.

M. le président procède à la composition des sections par la voie du tirage au sort.

M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur E. Robert, né à Paris en 1804, et habitant la Belgique depuis 1823, où il a épousé une femme belge, demande la naturalisation. »


« Le sieur Dezautis, substitut du procureur du Roi, à Ruremonde, par pétition subsidiaire demande que la chambre lui accorde la petite naturalisation pour le cas où la grande naturalisation, qu’il a sollicitée, ne pourrait lui être accordée. »


« Le sieur J. Daubresse, marchand-saunier à Wervicq, habitant la Belgique depuis l’âge de 11 mois, demande la naturalisation. »


« Le sieur J.-B. Heines, conseiller de la commune de Deesel (Limbourg), n’ayant pas fait la déclaration prescrite par l’article 133 de la constitution, demande la naturalisation. »


« Les boutiquiers et débitants de boissons de la ville de Venloo adressent des observations contre certaines facilités accordées au vivandière de la garnison de cette ville, qui portent préjudice à leur commerce. »


« Le sieur Nicolas-Joseph Antoine, demeurant à Compogne (Luxembourg) demande le paiement du secours qui était payé à son parent feu Nicolas-Joseph Antoine, pour remplacer la pension à laquelle il avait droit, ou l’indemnisation des frais qu’il a supportés pendant la longue maladie du défunt. »


« Le sieur J.-A. Bouckens, à Ixelles, demande que la pétition du sieur Deridder, d’Anvers, tendant à ce que le gouvernement se constitue garant, comme l’avait fait l’ancien gouvernement, aux porteurs d’obligations créées pour la construction d’un entrepôt général à Anvers, soit rapportée à la chambre par la commission des pétitions. »


« Des habitants de diverses communes du canton de Meersch (Luxembourg) demandent la libre entrée du minerai. »


« Le sieur François Collens, ébéniste à Bruxelles, demande le remboursement à titre d’indemnité d’une somme de 2,000 fr. qui lui ont été enlevés par les Hollandais en 1830. »


« Le sieur Prosper Gally, coiffeur à Liége, ci-devant sous-lieutenant au premier bataillon de la garde civique mobilisée de Liége, réclame les deux mois de solde accordés par le Roi aux officiers qui étaient en congé illimité depuis le 1er septembre 1834, paiement qui lui a été refusé. »


« 140 fabricants et propriétaires des villages de Heusy, commune de Stembert (Liége), demandent que Heusy soit érigé en commune séparée de Stembert. »


« Le conseil communal, les cloutiers, serruriers et maréchaux-ferrants d’Echternach, demandent un abaissement des droits sur les houilles de la Sarre. »


M. Pollénus. - Je demande que la pétition du sieur Dezautis soit renvoyée à la commission des naturalisations, pour qu’elle en fasse un prompt rapport. Déjà il a formé une demande sur laquelle des renseignements ont été pris. Il est donc inutile de renvoyer celle-ci au ministère de la justice.

- La pétition du sieur Dezautis est renvoyée à la commission des naturalisations, avec demande d’un prompt rapport. Les autres demandes de naturalisation sont renvoyées à M. le ministre de la justice. Les autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.

Démission d'un membre de la chambre

M. de Renesse. donne lecture de la lettre suivante adressée à la chambre :

« Messieurs, placé de nouveau par le vœu de mes concitoyens et par la confiance du Roi à la tête de l’administration de la capitale, et considérant que l’accroissement incessant des affaires communales ne me permettra plus de participer avec l’assiduité désirable aux nombreux et importants travaux de la chambre, je me suis déterminé à vous prier de recevoir ma démission de député de la nation, élu par le district de Bruxelles.

« En vous témoignant les regrets que j’éprouve de me séparer de vous, messieurs, je vous supplie d’agréer l’expression de ma vive et profonde gratitude pour les marques d’estime et de bienveillance que vous avez bien voulu m’accorder pendant tout le temps que j’ai eu l’honneur de siéger parmi vous.

« Recevez, etc.

« Rouppe. »

- Cette lettre est prise pour notification ; elle sera communiquée à M. le ministre de l’intérieur.

Projet d'adresse

Discussion générale

M. le président. - L’ordre du jour est la discussion de l’adresse.

La discussion est ouverte sur l’ensemble.

M. de Nef. - Je demande la parole.

Messieurs, ne pouvant guère espérer une diminution dans les dépenses que par le moyen d’une réduction de nos forces militaires, je regrette certainement que l’attitude menaçante d’un Etat voisin nous force à tenir l’armée sur un pied respectable.

D’un autre côté, cependant, la continuation de cet état de choses offre aussi de tels avantages que, non seulement on peut l’envisager avec tranquillité, mais qu’on peut même désirer d’en voir éloigner le terme aussi longtemps que possible.

En effet, pendant ce temps la navigation de l’Escaut est libre ; le chemin de fer marche vers son achèvement, nos institutions libérales se développent successivement, l’industrie fait des progrès rapides, et non seulement nous ne participons pas aux charges de l’ancienne dette, mais nous avons de plus l’espoir fondé que les intérêts arriérés devront rester exclusivement à charge de l’Etat dont l’opiniâtreté aura empêché la conclusion des affaires.

Ce court aperçu suffit pour démontrer que l’annonce de la continuation du statu quo doit être reçue par nous plutôt avec satisfaction qu’avec déplaisir, tandis que dans un pays voisin elle est de nature à n’inspirer que des sentiments d’impatience et d’inquiétude.

Le projet d’adresse indique successivement les avantages de cette position, et fait voir qu’elle est appréciée de la même manière par le chef de l’Etat et par la représentation nationale ; approuvant également les autres parties, moins importantes, du projet d’adresse, je me propose, en conséquence, de voter pour son adoption.

M. Doignon. - Je demande la parole.

Messieurs, depuis 1834 nous n’avions pas eu le bonheur d’entendre dans cette enceinte des paroles royales. Les gouvernements constitutionnels sont dans l’usage, à l’ouverture de chaque session, de faire connaître au pays la situation de ses affaires. La chambre a donc accueilli avec joie la communication que lui a faite le gouvernement par le discours du trône.

L’organisation communale et provinciale qui a été dans cette assemblée l’objet de si longs et de si vifs débats, est enfin terminée. Le calme admirable qui a généralement régné dans nos communes et nos provinces a prouvé à l’Europe que la Belgique est mûre pour les institutions qu’elle s’est données, et elle a dans cette circonstance donné un démenti éclatant aux craintes exagérées de ces hommes d’Etat qui déjà voyaient ou feignaient de voir autant de petites républiques dans nos 2,700 communes.

Le grand bienfait de l’élection directe, c’est, nonobstant quelques inconvénients imparables de toute institution publique, de donner au peuple le moyen de se délivrer peu à peu de tous ses mauvais administrateurs. Un bon nombre de communes ont réussi cette fois à éliminer des magistrats qui ne leur convenaient point, et jamais on n’eût osé espérer un pareil résultat sans l’élection directe, car l’expérience ne nous prouve que, trop souvent que ce sont surtout les plus mauvais fonctionnaires que le gouvernement craint de déplacer.

Je persiste à penser qu’il eût été préférable de laisser aux électeurs ou à la présentation du conseil le choix des bourgmestre et échevins conformément à la constitution. L’agitation n’a été aussi grande dans plusieurs communes que parce que, d’après la loi adoptée, le peuple se voyait forcé d’exclure absolument certaines personnes du conseil chaque fois qu’il voulait empêcher qu’elles fussent nommées par le Roi.

Mais encore, quand ces mauvais administrateurs parvenaient malgré tout à se faire placer dans le conseil au nombre de ceux qui avaient réuni le moins de suffrages, le ministère en tirait la conséquence qu’il y avait lieu de les conserver, comme s’il n’était pas évident dans ce cas que d’autres ayant obtenu un plus grand nombre de suffrages, c’était en général à ceux-ci qu’il devait donner la préférence ; car tout ce qu’on pouvait ordinairement inférer de la circonstance que ces anciens avaient été réélus, mais avec moins de voix que plusieurs autres, c’est que les électeurs n’avaient pu l’empêcher, ou que seulement ils consentaient à ce qu’ils fissent encore partie du conseil.

Je reste donc persuadé que les électeurs ou le conseil auraient ordinairement fait de meilleurs ou de moins mauvais choix que le gouvernement lui-même. Je puis le dire, car sans doute mon district à moins à se plaindre sous ce rapport que certains autres, le ministère s’est souvent déterminé par des renseignements puisés à de mauvaises sources. Tous les inconvénients d’une trop grande centralisation se sont reproduits dans l’organisation communale, pour laquelle il n’a pu souvent agir que de confiance et sur des rapports erronés.

On doit le reconnaître, nos élections communales et provinciales ont en général produit une réaction dans un sens, je ne dirai point libéral, mais démocratique et constitutionnel. Le peuple se montre d’autant plus jaloux de ses droits qu’il s’aperçoit qu’on prétend les lui disputer. Tous les ministères qui se sont succédé depuis 1831 ont, eux-mêmes, provoqué cette réaction, notamment en luttant avec tant d’opiniâtreté contre l’opposition, qui ne réclamait cependant pour la commune et la province que l’exécution sincère et loyale de la constitution.

Le gouvernement a exprimé sa pensée dans le discours du trône ; notre devoir est aussi de lui dire la nôtre.

On ne doute plus maintenant que, depuis 1831, il existe au gouvernement une pensée, un système immuable, qui voir à regret, et avec quelque répugnance, des institutions aussi libérales que celles que nous avons conquises par la révolution : ainsi le pays est averti qu’il doit tenir les yeux ouverts et veiller sur la conservation de ses droits acquis. Les communes et les provinces, aujourd’hui constituées, seront donc les premières gardiennes de nos libertés constitutionnelles, et elles s’uniront à nous pour opposer une résistance légale contre tout empiétement, et défendre la constitution comme autrefois la joyeuse entrée dans le cercle de leurs intérêts.

Depuis 1831, la tendance de tous les ministères à introduire dans la chambre le plus grand nombre possible de fonctionnaires amovibles frappe au cœur notre régime constitutionnel et décèle l’intention bien décidée de fausser la représentation nationale : c’est là, à mon avis, l’attentat le plus grave à la constitution dont tous les ministres se rendent coupables depuis 1831. Comment la chambre saurait-elle défendre les libertés constitutionnelles contre les envahissements du gouvernement, lorsqu’au moyen de ses propres agents il se crée lui-même une majorité dans une assemblée ? Comment obtenir des économies sur le budget de l’Etat lorsqu’elles doivent être votées par ces mêmes agents qui vivent du budget ? Comment, en présence d’une semblable majorité, oserait-on proposer une loi sur la responsabilité ministérielle ? Je ferai la même interpellation pour toutes les questions importantes où l’opposition est en lutte avec le ministère.

Je ne croirai jamais que des ministres veulent sincèrement la constitution aussi longtemps qu’ils chercheront à faire entrer dans la chambre autant de leurs agents ou qu’ils souffriront au pareil abus.

Rappelons-nous, messieurs, que la corruption parlementaire est souvent la plaie des gouvernements représentatifs. C’est elle qui a amené la chute de Guillaume et de Charles X ; c’est elle, dans la chambre haute d’Angleterre, qui oppose aujourd’hui le plus grand obstacle aux justes réformes demandées par ce pays ; c’est elle encore en Hollande qui entrave ou ajourne indéfiniment tout arrangement de nos affaires avec ce pays ; car la volonté bien connue du peuple hollandais est d’en finir avec la Belgique ; mais cette volonté, quoique unanime, ne peut se faire jour aux états généraux.

Si notre gouvernement pouvait comprendre ses vrais intérêts et ceux du pays, il renoncerait à ce système d’influence gouvernementale qui ne peut lui rendre sa tâche facile que pour un moment, mais qui doit nécessairement pour l’avenir lui préparer de mauvais jours. Il faut que lui-même se reconnaisse bien faible pour croire qu’il ne peut trouver ses principaux appuis que parmi ses agents, et regarder comme suspects des députés consciencieux indépendants de toutes fonctions.

Dans un gouvernement réellement représentant, le véritable pouvoir central est tout entier dans la constitution ; mais, en introduisant à la chambre législative une foule de fonctionnaires amovibles, il est évident qu’au mépris de ce principe, on cherche à déplacer ce pouvoir souverain pour le remettre entièrement à la merci du seul pouvoir exécutif.

Malheureusement pour les peuples, c’est le propre des gouvernants de s’efforcer d’envahir par degrés les autres pouvoirs constitutionnels et la discussion longue et pénible de la loi communale nous a, elle seule, fourni la preuve que tel est aussi le faible de notre ministère. Or, l’entrée de beaucoup de fonctionnaires dans la chambre est le premier moyen que partout on emploie pour atteindre ce but.

Nous faisons donc ici un appel à la loyauté des membres du cabinet, afin qu’il propose lui-même dans le cours de cette session des mesures efficaces pour réformer la chambre elle-même. En France où la chambre fourmille de fonctionnaires, le gouvernement s’est imposé lui-même quelques restrictions.

Depuis un certain temps il se passe dans le pays quelque chose tout à fait remarquable : c’est un parti pris de saisir toutes les occasions, d’exploiter tous les événements pour déprimer et décrier absolument dans l’opinion publique le principe démocratique en lui-même, principe qui est cependant la pierre fondamentale de notre édifice constitutionnel. Il semble que l’on veuille faite oublier qu’en Belgique tous les pouvoirs, y compris le pouvoir royal, émanent du principe démocratique. N’est-ce pas en vertu de ce principe que nous siégeons dans cette chambre ? N’est-ce pas à lui que nos communes et nos provinces doivent leurs franchises ? Il est donc vrai que les ennemis de ce principe sont, par cela même, les ennemis de la constitution que nous avons jurée.

D’autres, se jetant dans un autre extrême, veulent la démocratie sans le principe monarchique également adopté par la charte belge.

Craignons, messieurs, de nous laisser entraîner par ces doctrines dangereuses, et qui les unes comme les autres cachent le dessein de détruire notre pacte fondamental, palladium de nos libertés constitutionnelles. Repoussons les insinuations de ceux qui, sous prétexte des inconvénients ou des excès de la démocratie pure, voudraient dans leur cœur déchirer les plus belles pages de notre constitution pour étendre arbitrairement le pouvoir exécutif au-delà de ses limites et nous ramener même, s’il était jamais possible, au régime des ordonnances.

Je dirai à ces gouvernements qui ont accepté malgré eux le régime constitutionnel, que le temps n’est point venu de réaliser leur arrière-pensée. Je leur dirai plus, je leur dirai que le plus sûr moyen d’abolir peu à peu les constitutions qu’ils n’aiment point, c’est de les accepter sincèrement avec toutes leurs conséquences ; c’est de s’en montrer très fidèles et très religieux observateur, afin d’acquérir ou plutôt de récupérer de cette manière toute la confiance et tout le respect des peuples : car les constitutions ne sont au total que des actes de défiance et de garanties contre les injustices, les abus et les passions des gouvernants ; et le jour où ceux-ci administreront avec assez de sagesse, de loyauté et de justice pour faire tomber ces défiances, ce jour-là même on pourra se passer de chambres législatives et de lois de budget. Je leur dirai enfin : Faites aimer le principe monarchique en rendant la nation heureuse par votre sincère attachement à la constitution jurée, par votre amour pour la justice, par votre respect pour ses droits et ses libertés, par une sage économie des deniers du peuple, et vous ferez même oublier tout à fait jusqu’au système républicain.

Mais je verrais à regret que mes paroles fussent mal interprétées : je n’entends point soulever ici une question de ministère : je l’ai déjà dit, cette guerre déclarée contre nos libertés publiques vient de la pensée immuable qui préside constamment notre cabinet depuis 1831 comme tous les cabines du Nord. Dans l’état actuel des choses, je ne doute pas que si nos ministres se retiraient nous aurions à nous repentir de ce changement en voyant arriver au banc ministériel des hommes plus ardents encore à poursuivre le but des adversaires de nos droits constitutionnels.

Relativement à nos finances, le discours du trône garde le plus profond silence sur l’affaire la plus grave dont la chambre ait eu à s’occuper : je veux parler de nos rapports avec la société générale de Guillaume qui continue, malgré nos protestations et celles du sénat, à tenir la caisse de l’Etat.

Que sont devenues ces résolutions fermes et énergiques que M. le ministre des finances semblait d’abord manifester à l’égard de cette société qui jouit en paix de presque tous les domaines de l’Etat dont Guillaume a dépouillé la nation d’une manière aussi scandaleuse qu’elle est illégale ? qui nous expliquera cette condescendance ou plutôt cette mollesse pour une société qui ne mérite certainement pas de tels égards ?

M. le ministre accusera-t-il la chambre de n’avoir point discuté le rapport dans la dernière session ? Mais ce n’est certes point la chambre qui a fait disparaître cet objet de l’ordre du jour, et s’il avait plu à M. le ministre de faire décider les questions, il n’aurait point manqué de lui en témoigner l’intention. Je demeure donc dans cette opinion que si l’on n’a point abordé cette discussion c’est que M. le ministre ne l’a point voulu. C’est que peut-être le courage lui a manqué pour refuser des délais ou des ajournements favorables aux vues de la banque, et il s’est d’autant plus gravement compromis qu’il paraît qu’avant même toute décision de la chambre, il s’est engagé dans des instances judiciaires sans lui en faire aucun rapport ni aucune communication, et que d’ailleurs il ne pouvait ignorer que des prescriptions couraient contre l’Etat à l’égard des principales questions dont on a négligé l’examen.

Le projet de convention avec la banque, présenté dans la séance d’hier, laisse à mes yeux subsister tous les torts de M. le ministre. Si, comme plusieurs le pensent, ce projet, qui n’est d’ailleurs relatif qu’à un seul point en litige, n’est point acceptable, il n’aura servi encore qu’à traîner cette affaire en longueur et déjà, à la seule lecture qui en a été donnée, il semble aisé d’apercevoir que son adoption emporterait, de la part des chambres, une approbation des spoliations du roi Guillaume, une reconnaissance au moins implicite de sa part que tous les domaines lui ont appartenu et lui appartiennent légitimement et irrévocablement, même en privé nom, enfin une renonciation aux droits et actions de l’Etat, tandis que rien n’est stipulé pour prix de pareilles reconnaissance et renonciation. J’espère que la chambre ne donnera pas dans un semblable piège.

Nous l’avons déjà dit, c’est une haute imprudence et une duperie inconcevable de laisser le maniement de nos millions de recettes à une banque dont Guillaume possède à lui seul et en son nom les 19/24 des actions. Chez toutes les nations qui ont renversé des rois despotes, l’on a toujours reconnu qu’il était d’un danger immense de permettre à ceux-ci de continuer après leur chute à posséder des domaines et encore moins de grands établissements en activité dans les pays qui les avaient expulsés. Ici, le gouvernement marche dans un sens absolument opposé au sens commun des nations. La banque du roi Guillaume, exclu à perpétuité de tout pouvoir en Belgique, n’est pas seulement protégée, favorisée par tous les moyens, mais on souffre que sa puissance s’étende d’une manière effrayante dans tout le pays ; que, sous son nom ou le nom de financiers affilés, elle achète partout des établissements considérables d’industrie et de commerce ; qu’elle ait ainsi dans sa dépendance ou à sa solde 50 et peut-être 100.000 ouvriers dont le moindre mécontentement, si facile à susciter quand les maîtres le veulent, peut troubler l’ordre et la tranquillité dans le royaume, et provoquer de graves désordres dont on ne saurait prévoir toutes les suites : et l’on permet à cette banque de se livrer librement à toute espèce d’entreprise, lorsqu’aux termes de l’art. 21 de ses statuts, dont la surveillance appartient à l’Etat, tout commerce lui est interdit à l’exception seulement des opérations de banque énumérées dans l’art. 22, et lorsque l’art. 61 donne formellement au gouvernement le droit d’empêcher ou de suspendre les opérations de la société qu’il croirait contraires à la sûreté et aux intérêts du royaume. On laisse ainsi toute liberté, et l’on abandonne à l’implacable ennemi de notre royauté et de notre indépendance et la caisse de l’Etat et toutes les facilités possibles de nous nuire, et de jeter la perturbation dans le pays. Je conçois qu’en général il soit dans l’intérêt d’un Etat de voir s’élever chez lui des établissements avec des capitaux venant de l’étranger.

Mais si cet étranger lui-même est le souverain chassé du pays à perpétuité, n’est-il pas clair que ce n’est là qu’une prospérité perfide et qui peut couver ou les plus mauvais desseins ou les plus grands dangers pour le présent et pour l’avenir. Pourquoi ne pas adopter le droit des autres nations, qui déclarent, en pareil cas, que le roi déchu est par cela même désormais inhabile à posséder aucun bien directement ou indirectement, et l’obligent à s’en défaire de la manière et dans certains délais voulus par la loi ? Si, par des cessions simulées, le roi déchu cherche à se soustraire à cette mesure toute politique, la législature décrète alors d’autres moyens plus efficaces encore. A plus forte raison, la simple prudence du droit des gens nous fait-elle un devoir de lui refuser toute protection et faveur.

Au milieu de tout ce que nous voyons relativement à cette banque, est-ce à la négligence, à la faiblesse, à l’imprévoyance ou à un fatal aveuglement qu’il faut attribuer l’état actuel des choses Je me garderai de prononcer les mots de connivence, de corruption, de trahison ; j’attends qu’on nous donne enfin des explications franches et précises.

Dans ce moment où, si je ne me trompe, on est à la veille de renouveler le personnel de la banque, qui est à la nomination du Roi, on voit la société générale faire sa cour et s’insinuer partout. Pour moi, je l’avoue franchement, je ne me puis défendre d’un sentiment de défiance contre les hommes de la haute finance. A mon avis rien n’est impossible au génie financier ; il est habile à saisir l’à-propos, et pour arriver à ses fins, il empruntera le désintéressement, la philanthropie et le patriotisme comme toute autre chose.

Sans attendre l’avis des chambres de commerce, le gouvernement ne devait pas hésiter un seul instant pour refuser son autorisation à la dernière association projetée par la société générale. L’intérêt politique du pays est lui seul un motif suffisant pour justifier ce refus.

Sous prétexte de s’unir à d’autres et de travailler en commun pour faire des bénéfices, la banque de Guillaume, il n’en faut pas douter, s’y ménagera pour elle-même la plus grande part d’intérêt, et elle y puisera de nouveaux moyens pour étendre de plus en plus son influence déjà redoutable et toutes ses ramifications dans le pays. On lui donnera un titre pour s’immiscer dans toutes nos sociétés et entreprises industrielles et commerciales, et les dominer à son gré. On l’armera d’un nouveau moyen de faire hausser on de décréditer à volonté les fonds nationaux comme les autres actions et fonds publics. On la rendra ainsi de plus en plus maîtresse de faire naître quand elle le voudra des commotions terribles dans tout le commerce et l’industrie du royaume.

Dans toute société, les directeurs et administrateurs ne sont-ils pas sous l’influence directe des actionnaires à qui ils doivent compte ? Je dirai donc toujours, malgré toutes leurs protestations, qu’ils sont sous la dépendance du roi Guillaume. Moyennant encore le droit de dissolution qui lui appartient comme propriétaire de presque toutes les actions, il peut même les congédier tôt ou tard. Certes, il est grandement de leur intérêt personnel de maintenir chez nous une pareille institution. Mais l’intérêt du pays, mais notre indépendance et le salut de la patrie ne sont-ils donc comptés pour rien ?

Il paraît que cette nouvelle société n’émettrait dès le principe que le quart ou la moitié de ses actions, en tenant le surplus en réserve. Serait-il vrai qu’elle ne ferait cette réserve que pour la jeter ensuite à la bourse au moment où elle aurait fait mousser assez haut les actions aujourd’hui offertes, afin d’obtenir de cette manière un bénéfice certain de plusieurs millions sur ces autres actions tenues en réserve ? Que nos capitalistes et nos industriels se tiennent donc en garde contre ces sortes d’opérations, qu’ils se bornent à un intérêt modéré plutôt que de prêter la main à de pareils agiotages.

Enfin, je me permettrai de demander encore à M. le ministre des finances pourquoi lui-même n’a point examiné plus tôt ou fait examiner deux questions préalables a toutes les autres, questions dont on ne s’est même peut-être pas encore sérieusement occupé : celle de l’inaliénabilité des domaines assignés au roi Guillaume en paiement d’une partie de la liste civile par la loi du 26 août 1822, et celle de savoir si dans la circonstance que cette assignation a eu lieu en masse, et sans être accompagnée d’aucune estimation préalable, elle ne peut avoir eu d’autre effet que de transmettre au roi Guillaume, non la totalité de ces domaines en propriété, mais une part indivise seulement à concurrence de 500 mille florins de revenus, afin d’assurer annuellement à la liste civile le paiement de pareille somme en tant moins des 2,400,000 fl., formant alors la dotation de la couronne ? Ces deux questions n’ont été posées ni à la commission de la chambre ni aux avocats consultés par le gouvernement dont on a vu les avis dans certaine brochure.

L’objection tirée de la prescription, si on la croit sérieuse au premier aperçu, devait également être soumise à l’examen ; et dans tous les cas, en la supposant fondée, ne reste-t-il pas au gouvernement le droit de réclamer des détenteurs les prix des ventes non remboursés ou des dommages et intérêts équivalents aux prix, et en outre le droit de revendiquer sa part dans les biens non encore aliénés.

M. le ministre voudrait en vain se retrancher derrière le travail de la commission pour décliner sa responsabilité ; car la nomination d’une commission ne diminue en aucune façon la responsabilité ministérielle, et du reste le rapport lui-même prouve que M. le ministre ne devait pas attendre l’institution de pareille commission, pour soigner ici les intérêts de l’Etat et exercer ses droits.

J’aurais voulu au moins que dans l’adresse on émit le vœu de voir compléter de suite l’instruction de toutes nos affaires avec la banque ; car si la chambre est une assemblée de législateurs, elle n’est point une assemblée de jurisconsultes. J’aurais également désiré qu’elle contînt quelques paroles de blâme contre la conduite du gouvernement à l’égard de cette banque.

J’espère que M. le ministre de l'intérieur est maintenant convaincu de la nécessité de proposer dans cette session une loi nouvelle pour l’organisation de la garde civique. Les obstacles insurmontables que cette organisation rencontre dans toutes les provinces ne laissent plus de doute que la loi actuelle est vicieuse et surtout trop onéreuse pour le citoyen. Ce qui le prouverait encore, c’est que dans les provinces, malgré les plus grands efforts des autorités, on est à peine parvenu à obtenir des officiers, bien que l’attrait des épaulettes et la distinction attachée à ces fonctions aient dû faire paraître cette charge assez légère.

J’inviterai aussi le gouvernement à fixer son attention sur le nombre tout à fait extraordinaire des associations commerciales et industrielles qu’on voit en ce moment éclore de tous les côtés. Je voudrais qu’avant d’accorder d’autres autorisations le gouvernement fît aux chambres un rapport détaillé sur cette matière. Il est désirable qu’on puisse mettre un frein à cette insatiable avidité de faire des bénéfices sans qu’il en coûte aucun travail. L’esprit d’agiotage et de monopole ne peut fonder une prospérité durable ; mais la démoralisation et les malheurs qui en sont la suite, doivent en être les effets.

Ou est dans ce temps trop avide de bonheur matériel, sans songer aux intérêts moraux. Cette passion pour tout ce qui se rattache au bien-être matériel, exerce aussi une fâcheuse influence sur l’éducation et l’instruction. Il convient sans doute de favoriser les progrès de l’intérêt matériel ; mais c’est une erreur funeste de leur donner plus d’importance qu’aux intérêts moraux. En livrant trop exclusivement la jeunesse aux sciences physiques et d’application, insensiblement on « matérialisera » l’enseignement : on formera des hommes au cœur étroit et égoïste, et non au cœur noble et généreux ; et peu à peu, avec ce système, l’amour de la justice et l’amour de la patrie ne seront bientôt plus connus que de nom.

En un mot, si l’on veut des études fortes pour tout ce qui tient à la prospérité matérielle, il faut au moins que l’instruction morale et religieuse soit forte au même degré, sinon votre système d’éducation est aussi faux qu’incomplet ; car, rappelez-vous toujours que l’intérêt matériel, tout prospère qu’il paraît, n’est rien par lui-même sans la force morale qui doit le dominer et le diriger.

Le jury d’examen établi par la loi a bien rempli sa mission, mais l’expérience qu’on en a faite doit maintenant avoir démontré que les matières d’examen sont trop multipliées ; et que si l’on désire des études approfondies, il devient nécessaire de limiter ces matières dans un cercle moins étendu. Nous prions donc le gouvernement de nous proposer quelques modifications à la loi d’août 1835.

Le gouvernement, en reproduisant dans le discours du trône son projet sur l’instruction primaire, nous a donné une nouvelle preuve qu’il ne recule pas d’une ligne quand il s’agit des projets qui portent atteinte à nos libertés les plus chères. Il est manifeste que son projet, calqué en partie sur la loi française, viole l’art. 17 de la constitution, en imposant à toutes les communes du royaume des conditions préventives pour l’enseignement, à péril même d’agir contre elles d’office et à leurs frais. Les bases de ce projet sont tellement inconstitutionnelles qu’aucun amendement ne saurait le faire admettre. Ce n’est pas le moment de nous expliquer plus au long sur cette matière.

Mais, en l’examinant avec attention, le système ministériel dans ses conséquences donnerait avec le temps au gouvernement le monopole de fait dans nos communes ; car on ne doit pas s’y tromper, sous quelque forme que le gouvernement veuille cacher son action dans ce projet, il est certain que toute école établie par la loi doit finir par être une école de gouvernement puisque c’est à celui-ci qu’il appartient de surveiller, de diriger l’exécution de la loi, et qu’il le ferait ici par ses commissaires, ses inspecteurs et l’influence de tous ses agents.

S’il existe des lacunes, il ne manque point de moyens au gouvernement pour les combler : on lui alloue chaque année de sommes considérables pour l’enseignement primaire, et si cela est absolument nécessaire, qu’il crée des écoles à part et à ses frais avec l’autorisation des chambres, mais qu’il n’enlève pas à nos communes leur liberté.

Au surplus, on peut aujourd’hui se reposer sur la sollicitude des conseils provinciaux. Tous les rapports des gouvernements provinciaux font foi que jamais l’enseignement primaire n’a été autant en progrès qu’a cette époque. Pour ne parler que d’un seul de ces rapports, je dirai qu’il résulte de celui du Hainaut qu’en 1829 on comptait dans cette province 509 écoles et 35,755 élèves, et au 1er janvier 1836, 762 écoles et 62,611 élèves, par conséquent 253 écoles et 28,856 élèves de plu qu’en 1829. Un pareil résultat est la réponse la plus victorieuse aux attaques dirigées contre la liberté de l’enseignement.

En tout cas, s’il était vrai, ce que je ne pense pas, que cette branche de l’instruction fût en souffrance dans une province, ce n’est nullement un motif pour faire une loi qui s’appliquerait à toutes les autres ; et une simple allocation au budget suffirait pour remplir le but désiré.

C’est dans le sens des explications qui précédent, que je voterai pour le paragraphe du projet relatif à l’instruction primaire. Pour le surplus, je réserve mon vote.

M. Nothomb. - Messieurs, à la fin de la séance dernière je m’étais réservé de prendre la parole dans la discussion générale de l’adresse ; cependant j’y renoncerai pour la seconde fois si la chambre est disposée à fermer la discussion générale pour commencer la discussion partielle des paragraphes. Si au contraire la discussion générale continue je maintiendrai mon droit.

Un grand nombre de voix. - Parlez ! parlez !

M. Nothomb. - Je ne ferai pas un reproche à l’honorable M. Dumortier d’avoir anticipé sur la discussion générale de l’adresse par sa motion d’ordre ; tout en demandant des explications au ministère, il les a rendues inutiles, en définissant lui-même la position acquise au pays ; cette position, selon lui, et je suis de son avis, est déterminée par la convention du 21 mai, convention dont l’honorable député de Tournay a été, dans l’origine, un des plus ardents adversaires.

Voilà plus de trois ans que cette convention est venue suspendre, par rapport à la Hollande, l’exécution du traité du 15 novembre, en conservant l’intégrité du territoire, en ajournant toutes les charges et en nous assurant tous les avantages matériels de l’arrangement futur.

Menacé de voir démembrer la province à laquelle j’appartiens, j’ai accueilli avec joie ce sursis, qui, sans détruire le passé, nous laisse néanmoins toutes les chances de l’avenir ; je souhaitais, dans votre séance du 20 juin 1833, que cet état de choses, qui alors n’avait pas encore un mois de durée, pût être éternel, et aujourd’hui, après une expérience de plus de trois animes, je n’ai pas d’autre vœu à former. En le réitérant, je reste conséquent avec moi-même, et je me tiens dan les limites de nos droits.

Depuis la convention du 21 mai 1833, notre position n’est point changée ; cette position a été attaquée, le ministère l’a défendue, et il nous a déclaré qu’il a su la maintenir. Faut-il exiger davantage ? Faut-il qu’il nous rende compte de ces diverses tentatives, faut-il qu’il nous dise comment on s’y est pris pour attaquer notre position, comment il s’y est pris pour la défendre ?

Je ne le pense pas, messieurs : le gouvernement ne conteste pas ses obligations ; s’il les niait, s’il cherchait seulement à les affaiblir, une manifestation de notre part pourrait être nécessaire.

Lorsque le ministère est arrivé au pouvoir, il a trouvé l’arrangement définitif avec la Hollande ajourné, à des conditions agréées par le pays ; supposer aujourd’hui qu’il soit indispensable de rappeler au ministère ses devoirs, c’est non seulement lui manquer de confiance, mais lui refuser l’intelligence de ses propres intérêts. Dans les premières années qui ont suivi la révolution, gouverner était chose bien difficile ; et ici, messieurs, je ne fais à personne de part exclusive, puisque deux membres du cabinet actuel ont été associés à tous les périls de cette époque. La condition du pouvoir est aujourd’hui meilleure ; la convention du 21 mai a contribué à ce résultat.

Je tiens compte sans doute de la réaction générale qui s’est opérée dans les esprits, mais cette réaction elle-même a été hâtée par cet acte. Et le ministère actuel, heureux légataire du ministère précédent, renoncerait bénévolement à la convention du 21 mai qui lui donne et force et repos ; il sortirait complaisamment ou se laisserait entraîner sans résistance hors de cette belle position, pour se rejeter avec le pays dans la tourmente diplomatique. J’ai l’habitude de juger les hommes d’après leurs intérêts, et je dis que personne n’est plus intéressé au statu quo que le ministère lui-même.

Je ne rechercherai pas quels étaient les partisans ou les adversaires de la convention du 21 mai ; peu m’importe ; je consulte les nécessités actuelles. Si l’on vaut tenir compte des circonstances, il est vrai de dire que l’exécution intégrale du traité du 15 novembre emportera une plus grave responsabilité que celle qui retombe sur la proposition même de cet acte. Cette considération qui ressort des faits, me suffit ; c’est pour une puissance garantie. Grâce à la convention du 21 mai, le cabinet actuel est, principalement, un ministère d’administration intérieure.

Au-dehors, il n’a à défendre qu’une position négative, restée sans atteinte jusqu’aujourd’hui, d’après les assurances qu’il nous donne et dont nous devons nous borner à prendre acte. Si donc le ministère précédent a eu le mérite d’amener la convention du 21 mai, le ministère actuel aura celui de l’avoir maintenue ; en la maintenant, il a déjoué bien des prédictions ; il a donné à l’ancienne opposition le plus éclatant démenti. On avait annoncé que si le statu quo était avantageux, on nous obligerait d’en sortir ; les avantages du statu quo ne sont plus contestés par personne, et nous y sommes restés.

Nous avons donc, messieurs, pour garant de la sincérité du ministère, son propre intérêt, l’intérêt de sa conservation. « La position acquise au pays a été défendue avec persévérance, » est-il dit dans le discours du trône, « elle a donc été attaquée, » ont observé deux honorables membres ; « comment l’a-t-elle été ? » Rien d’étonnant, messieurs, que la position de la Belgique ait été attaquée. Il est arrivé au roi Guillaume ce qui est arrivé à l’honorable M. Dumortier ; le roi Guillaume a cru d’abord que la convention du 2 mai serait onéreuse à la Belgique, que le statu quo nous serait intolérable ; il n’a pas tardé à se détromper. Il a voulu dès lors nous faire sortir de cette position trop avantageuse, où M. Dumortier, détrompé à son tour, veut que nous restions. (Hilarité générale.)

Rien donc de plus naturel que les tentatives du roi Guillaume ; pour croire à ces tentatives, je n’ai pas besoin d’avoir sous les yeux un document diplomatique ; la force des choses me dit qu’il a dû en être ainsi.

Le ministère a déjoué ces tentatives ; quels moyens a-t-il employés ? C’est ce que nous n’avons pas le droit de lui demander ; nous n’avons aucun intérêt à le savoir. Loin de là : le ministère commettrait une grave imprudence dont vous seriez les complices, s’il venait vous révéler ses moyens de défense. Qui nous assure que les mêmes tentatives ne se renouvelleront pas, et que les mêmes moyens ne seront pas nécessaires ? Vous demandez le maintien d’une position que vous appréciez enfin ; et vous voulez l’affaiblir par des révélations prématurées ! Est-il d’usage de jeter les armes avant la fin du combat ? Vous renfermez le ministre dans la convention du 21 mai, vous lui dites de se défendre jusqu’à la dernière extrémité, et vous exigez qu’il publie une description de la place, qu’il fasse connaître les mines et les contre-mines !

Que le gouvernement annonce chaque année, à l’ouverture de la chambre, qu’il a défendu et su maintenir la position acquise au pays, je n’en demande pas davantage ; ces deux lignes sont pour moi très significatives ; je me tiens pour satisfait comme député belge et comme Luxembourgeois, et chaque année, je croirai pouvoir me féliciter d’avoir conservé cette position. Je ne lui demanderai pas le récit de ses combats de cabinet, parce qu’en divulguant ses moyens de défense, il les rendrait probablement inefficaces pour l’avenir ; comme député, je lui laisserai bien volontiers le secret de la stratégie diplomatique. S’il offrait à cette assemblée de lui communiquer tous ces détails, j’engagerais cette chambre à refuser cette offre ; à laisser au ministère et tous ses moyens et toute la responsabilité. Mais si le gouvernement venait nous dire que la position n’est plus intacte, alors les explications, les justifications deviendraient nécessaires ; alors il aurait à nous prouver qu’il a compris toutes les ressources de la situation que lui a faite la convention du 21 mai, il aurait à nous montrer qu’après avoir tout épuisé, il en est arrivé à cette alternative où il ne reste qu’a opter entre la nationalité belge ou l’exécution du traité du 15 novembre ; il aurait à nous prouver qu’il n’a point été en son pouvoir de prévenir cette alternative.

Je voudrais, messieurs, pouvoir aller plus loin ; je voudrais pouvoir dire que le traité du 15 novembre n’existe plus, ou qu’il est libre de la révoquer.

Pourquoi s’obstiner, m’objectera-t-on à regarder comme valable un acte que la Hollande n’a point accepté ? L’une des parties est-elle engagée, quand l’autre ne l’est pas ? Il y a ici, messieurs, une erreur de fait qui vous a été souvent signalée.

La Hollande n’est point engagée, mais les cinq puissances le sont ; la Belgique a contracté avec chacune d’elles ; ces cinq traités subsistent ; ils lient les puissances comme représentant des intérêts européens qui se rattachent à la révolution de 1830, et comme médiatrices dans l’arrangement à intervenir entre la Belgique et la Hollande. Ils forment le titre de la Belgique aux yeux de l’Europe. Il nous reste un traité à conclure avec la Hollande ; c’est ce sixième traité dont la conclusion est ajournée aux conditions énoncées dans la convention du 21 mai.

J’ai dit que, depuis 1833, notre situation était restée intacte, et ceci me semble vrai, par rapport à la Belgique ; néanmoins, de nouveaux actes sont intervenus au-dehors du gouvernement belge. Bien que le ministère soit étranger à ces actes, bien qu’il n’ait pas été appelé à se prononcer sur ces actes, il nous est cependant permis, comme députés, de nous y arrêter, et de nous demander jusqu’à quel point ils nous rapprochent d’un dénouement que je ne demande pas. Les agnats de la maison de Nassau et de la diète germanique ont adhéré, sous certaines conditions, aux arrangements territoriaux du 15 novembre ; le moment n’est pas venu d’examiner ces conditions ; je n’ai en vue que l’adhésion même ; cette adhésion, que l’on avait si longtemps crue impossible, est un fait nouveau. Quelle que soit la résolution définitive du gouvernement belge, ce fait subsiste ; c’est un pas de plus dans la voie diplomatique.

Toutefois, je n’exagère pas les conséquences de ces actes que je considère d’un point de vue particulier ; abandonné par la diète germanique, le roi Guillaume a vu s’agrandir l’intervalle qui le sépare des puissances au nord comme au midi ; son refus ne s’adresse plus à la conférence de Londres, mais à la diète, sur l’appui de laquelle ou croyait qu’il pouvait compter. Il lui restait un moyen de justification aux yeux de son peuple : c’était la non-adhésion de la diète aux arrangements territoriaux : ce moyen lui manque aujourd’hui. Il est devenu plus évident encore qu’il n’existe qu’un seul et grand intérêt pour le roi Guillaume, intérêt à côté duquel tous les autres ne sont que secondaires : l’intérêt dynastique. Il s’agit de savoir si le roi Guillaume abdiquera ses droits sur la Belgique ; question qui n’est nulle part posée d’une manière expresse, mais qui se trouve au fond de toutes les questions partielles.

C’est devant cette question que le roi Guillaume recule ; c’est pour en ajourner indéfiniment la solution qu’en 1833 il a accepté la convention du 21 mai qui prive la Hollande de tous les avantages matériels du traité du 15 novembre. Ce qui me rassure, c’est la presque impossibilité morale où se trouve le roi Guillaume de renoncer à ce qu’il appelle les droits de sa maison. Ces situations, messieurs, ne sont point nouvelles, et notre propre histoire en offre un exemple ; lorsque la nationalité hollandaise fut reconnue par l’Espagne en 1648, Philippe II était mort ; son fils même l’avait suivi dans la tombe après un règne de 25 ans ; il était réservé à son petit-fils Philippe IV de consommer le sacrifice. La Hollande recueillit tous les bénéfices du temps, et elle obtint de Philippe IV des conditions qu’elle aurait vainement demandées à Philippe IV. L’avenir entier d’une dynastie est en cause, d’une dynastie dont trois générations se trouvent en présence ; cette dynastie descendra-t-elle du haut rang où l’avaient placée, de l’aveu de l’Europe, les traités de 1815, en élevant à son profit la plus belle des monarchies de second ordre ? Cette question vaut bien qu’on y réfléchisse ; il est permis de croire que le roi Guillaume en abandonnera la solution à ses descendants, et qu’il voudra mourir dans l’intégrité de ses droits.

En terminant, messieurs, je ne puis m’empêcher d’exprimer le désir de ne plus voir se renouveler ces discussions ; à force de parler de notre belle position, nous pourrions bien finir par la compromettre.

(Moniteur belge n°, du 14 novembre 1836) M. Dumortier. - Je n’attendrai pas jusqu’à demain pour répondre à ce que vient de dire l’honorable préopinant ; je vais répondre à l’instant à l’allusion qu’il a faite aux paroles que j’ai prononcées dans la séance d’hier.

L’honorable préopinant prétend que je suis en contradiction avec moi-même par la manière dont j’envisage aujourd’hui la convention du 21 mai. Je pourrais me borner à dire : peu importe comment j’ai pu envisager à une autre époque la convention du 21 mai ; mon devoir de patriote est de considérer l’intérêt actuel du pays et de prêcher l’union pour le défendre. Mais j’en appelle à vos souvenirs, je pense qu’ils sont encore assez frais pour que chacun de vous puisse se rappeler la manière dont je me suis exprimé dans la discussion sur la convention du 21 mai. J’ai envisagé cette convention sous une double considération. Sous le rapport du statu quo, j’ai reconnu que la convention était très avantageuse ; je suis donc encore d’accord avec moi-même.

Mais sous quel point de vue ai-je blâmé la convention du 21 mai ? C’est sous le rapport des conséquences qui découlaient de la rédaction. Le Luxembourg entier se trouvait placé sur la même ligne que la partie du Limbourg qu’on voulait céder à la hollande.

Je l’ai blâmée en outre par cette grave considération que le ministère avait commis une faute énorme en ne saisissant pas la belle occasion qui se présentait de soustraire le pays à une clause onéreuse que le traité du 15 novembre lui imposait. Puisqu’on a fait de l’histoire ancienne, rappelons-nous quelle était la position de la Belgique à l’époque de la convention du 21 mai. Les puissances avaient été obligées de recourir à des mesures coercitives contre la Hollande. La citadelle d’Anvers lui avait été reprise.

Le ministère de cette époque avait un tel désir d’arriver à une reconnaissante qu’il offrait de céder les parties du Limbourg et du Luxembourg réclamées par la Hollande, contre la seule évacuation de la forteresse de Liefkenshoek. Le ministère avait poussé les choses jusqu’au dernier point pour arriver à une reconnaissance. L’Angleterre, par suite de l’engagement qu’elle avait pris de forcer le roi Guillaume à accepter le traité du 15 novembre, avait établi un blocus sur les côtes de la Hollande ; la France avait agi de même. Trois puissances se trouvaient infiniment gênées par cette mesure ; la Hollande souffrait beaucoup du blocus de ses ports ; le commerce de la France et de l’Angleterre ne souffrait pas moins et faisait entendre des plaintes très vives.

Il était donc de l’intérêt de la France, de l’Angleterre et de la Hollande, de sortir de ce faux pas ; car c’était un faux pas qu’avaient fait la France et l’Angleterre. Quel était le devoir du gouvernement belge dans ces circonstances ? C’était de profiter de l’embarras de la France et de l’Angleterre pour nous débarrasser des conditions onéreuses du traité du 15 novembre. Nous devions dire : Vous avez, par le traité du 15 novembre, pris l’engagement formel de faire exécuter immédiatement ce traité ; ce n’est qu’à cause de cette stipulation que nous avons consenti à ce que ce traité avait d’onéreux pour nous, sans cela nous ne l’eussions jamais signé. Vous vous dégagez des clauses onéreuses pour vous qui ont motivé votre adhésion, nous voulons aussi de notre côté être dégagés des clauses onéreuses pour nous, puisque nous ne les avions acceptées qu’en présence des engagements que vous aviez pris et que vous n’avez pas remplis. J’aurais voulu en un mot que le ministère profitât de la position fausse dans laquelle les puissances s’étaient mises, pour dégager la Belgique des conditions onéreuses qu’elle avait consenties.

Voilà sous quel rapport j’ai blâmé la convention du 21 mai. J’aurais encore les mêmes choses à dire, si j’examinais la question sous ce point de vue. Mais quant au statu quo, quant à la conservation de nos frères du Luxembourg et du Limbourg, et le non-paiement de la dette, personne n’a été plus ami que moi de cette position. J’aurais désiré que l’honorable membre fût toujours dans ces sentiments, nous aurions toujours été d’accord.

Au reste quand je me serais trompé lors de la première discussion, ce qui n’est pas, et je viens de le prouver, quel besoin était-il de faire de l’histoire ancienne ? Ce que nous devons faire, c’est de maintenir le statu quo, la position créée par la révolution. Ne récriminons pas sur les fautes commises par le ministère ; il les a réellement commises, mais n’en parlons pas ; le moment est venu où il faut de l’union pour arriver à la fin de nos affaires. Sachons profiter de la situation du pays et des embarras que l’Espagne et le Portugal donnent à l’Europe, pour tirer la Belgique du faux pas où l’a jetée un moment de crise.

Mais ce n’est pas par de vaines récriminations que nous arriverons à ce résultat. Ce qui a été fait a été fait ; n’en parlons plus, abdiquons tous nos dissentiments sur l’autel de la patrie, réunissons-nous pour conserver ce que la révolution a fondé et ne consentons jamais à la ruine, à la honte et au déshonneur de notre patrie.

C’est là le langage que j’ai tenu hier, et je crois avoir obtenu à tous votre assentiment.

Aujourd’hui que la Belgique compte six années d’existence, aujourd’hui que les représentants légaux des provinces du Limbourg et du Luxembourg ont exprimé en termes énergiques la volonté inébranlable d’appartenir à la Belgique, de ne jamais consentir à rentrer sous le joug de la Hollande ou de la Prusse ; quand ces provinces, qui comme nous ont travaillé à la révolution, et versé leur sang pour la liberté, expriment d’une manière aussi énergique leur volonté de continuer à partager notre existence politique, nous devons être unanimes pour appuyer leur noble résolution. Il est inutile de prolonger une discussion sur une question de cette nature, et surtout de revenir sur des faits passés. Notre devoir est de nous réunir dans le but unique de maintenir l’état actuel.

Quant au traité du 15 novembre, il est tombé devant la convention du 21 mai qui est devenu le droit de la Belgique. Et ce traité est tombé parce que les puissances n’ont pas rempli les engagements qu’elles avaient pris, et parce qu’un traité doit être également obligatoire pour toutes les parties. Une partie ne peut pas se dégager des conditions onéreuses d’un traité et exiger que l’autre partie exécute celles qui sont à sa charge. En fait nous sommes aussi dégagés des stipulations onéreuses que ce traité nous imposait, puisque les conditions qui nous avaient fait consentir ces stipulations n’ont pas reçu d’exécution.

Nous devons être heureux devoir se réaliser cette prédiction qu’on nous a faite dans le congrès : Vous aurez le Luxembourg et vous n’aurez pas la dette.

Que les choses restent ainsi, je le désire du fond de mon cœur, et j’ai assez de confiance dans mon pays et dans la chambre pour croire qu’il en sera ainsi. En effet, cela dépend de vous. Si le gouvernement n’abdique pas ses devoirs, cette parole sera une vérité que la Belgique sera le pays le plus prospère et le plus libre qu’il y ait sur la terre.

M. Lebeau. - Messieurs, c’est bien à regret que je me trouve entraîné dans une discussion que je regarde comme un peu surannée et assez oiseuse.

Mais si, de mon côté, je suis toujours disposé à éviter de prolonger une discussion de cette nature, si je suis toujours disposé a répondre à un appel fait à l’union, je ne puis le faire au prix de l’amnistie offerte à l’ancien ministère par le préopinant.

J’ai été trop intimement associé aux actes qui viennent encore d’être attaqués avec assez de violence, pour ne pas revendiquer en tout temps ma part de responsabilité dans ces actes.

Je m’honore d’avoir compris la pensée de l’honorable général qui a dirigé avec tant de courage, avec tant de sagacité et au milieu de tant de difficultés, nos relations extérieures ; je m’honore de m’être associé à ces actes et notamment à celui qui a valu au pays la libération de sa métropole commerciale, libération qui, après avoir été mal comprise, a été l’objet d’un remerciement national voté par les chambres. Je m’honore aussi d’avoir été associé aux négociations qui ont amené la convention du 21 mai, convention que le préopinant a violemment attaquée lorsqu’elle fut conclue, et dont il est aujourd’hui le premier à proclamer les heureux fruits. Je ne lui en sais cependant pas trop de gré, car l’opinion publique le forcerait au besoin à tenir aujourd’hui ce langage.

Je ne sais comment l’honorable préopinant entend l’exécution des traités.

Je rappellerai que, pendant longtemps, le vœu des chambres manifesté dans plusieurs circonstances, la première obligation imposée au gouvernement, était, avant toute négociation ultérieure, l’évacuation du territoire. Cela ne peut pas être nié : les discours prononcés dans les deux chambres et insérés au Moniteur l’attestent. Or, à quel titre avons-nous invoqué l’intervention des puissances pour obtenir l’évacuation du territoire ? C’était évidemment au nom du traité du 15 novembre.

Ainsi, si nous faisions appel à l’intervention des puissances pour obtenir ce résultat, c’était, ce ne pouvait être qu’en acceptant les conditions onéreuses que ce traité nous imposait quant à la question territoriale. Il n’y a pas d’autre manière d’entendre un traité, pas plus entre nations qu’entre particuliers ; vous ne pouvez réclamer les clauses d’un contrat qui vous sont favorables et rejeter celles qui vous sont onéreuses.

De quel droit, lorsqu’on avait obtenu la libération de la citadelle d’Anvers, et rendu la vie et la sécurité au commerce du pays, de quel droit nous serions-nous refusés à livrer les autres parties du territoire qui, par le traité que nous invoquions, étaient attribuées à la Hollande ? Il y aurait eu là absurdité et injustice ; c’eût été ne pas connaître les premiers éléments de l’interprétation des traités.

Lorsqu’il s’est agi de la convention du 21 mai, lorsque nous avons vu le moyen d’échapper pour le moment à l’exécution entière du traité du 15 novembre, forts de l’assentiment du pays, sûrs que tôt ou tard on rendrait justice à nos intentions, nous nous sommes précipités au-devant du moyen d’ajournement qui nous était offert.

Nous nous sommes bien gardés de dire aux puissances : « Vous ne vous retirerez pas, vous ne cesserez pas le blocus avant l’exécution entière et immédiate du traité du 15 novembre. » Nous nous sommes bien gardés de tenir ce langage.

Un moyen nous était offert d’ajourner l’exécution d’un traité auquel nous n’avons pas plus applaudi que le préopinant. Ce moyen dilatoire qui nous était offert dans la convention du 21 mai, nous n’avons pas hésité à l’accepter.

Je ne sais pas dans quelle intention, je ne sais même si c’est sérieusement que le préopinant a reproduit ces éternels reproches au sujet de cette phrase qui m’est échappée dans l’improvisation, et que je n’ai pas du reste à désavouer : « Nous aurons le Luxembourg et nous n’aurons pas la dette. » Je ne sais quel caractère je dois donner à cette citation du préopinant. Je maintiens, du reste, ce que j’ai dit. Mais je fais observer qu’il n’est pas juste d’isoler de tout ce que je disais alors la phrase qu’on a citée. Quand j’ai dit : « Nous aurons le Luxembourg et nous n’aurons pas la dette, » je parlais avec un texte sous les yeux. Je commentais les 18 articles et non les 24 ; et, les 18 articles à la main, je soutenais que les conséquences que j’en tirais étaient indéniables.

Si par la suite un désastre s’est placé entre les 18 et les 24 articles il était en dehors de toutes nos prévisions. Les 18 articles ont péri dans les plaines de Louvain. Nous n’avons pas à supporter les conséquences d’un fait dont nous n’avons pas moins gémi que le préopinant ; nous n’avons pas à supporter les conséquences d’un fait qui a anéanti les 18 articles. Si ce document eût été commenté sous l’influence d’une victoire, au lieu de l’être sous l’influence d’une défaite, ou même toutes choses étant en état, il eût dû être interprété et appliqué comme je l’avançais.

En parlant comme je l’ai fait, j’ai dit alors ce qu’ont dit aussi, en d’autres termes peut-être, mais aussi explicitement, plus de 20 députés au congrès, dont le préopinant ne contestera ni la conscience ni les lumières.

Je regrette, messieurs, d’avoir eu à prolonger ces débats, ce n’est qu’avec un profond dégoût que je me mêle à des discussions qui ont quelque chose de personnel et de récriminant. La chambre sait avec quelle sobriété je prends part à de telles polémiques. Il a fallu que j’y fusse contraint pour entrer dans les détails que je viens de donner.

M. Gendebien. - Je dirai peu de mots, car ce n’est pas le moment, comme a dit le préopinant, de renouveler une discussion surannée et oiseuse. Au reste, ce n’est pas à moi que ce reproche s’adresse, mais à l’ami de M. Lebeau ; car c’est de son banc qu’est partie la nouvelle édition de cette histoire ancienne et bien malencontreusement reproduite d’une manière irritante.

Je ne dirai qu’un mot pour répondre à un prétendu démenti donné à l’ancienne opposition ; je dois une réponse, car j’ai toujours joui de la même faveur auprès du gouvernement ; il m’a toujours placé parmi les hommes de l’opposition ; je n’ai jamais eu des motifs pour repousser cette épithète, car je n’ai jamais eu à rougir de mes opinions, et je ne les ai jamais niées ni rétractées.

Quelle que soit donc l’intention dans laquelle elle m’a été adressée, je n’hésite pas à l’accepter.

Quant au démenti donné à l’opposition, ce n’est pas une simple allégation qui puisse justifier un démenti. Il faudrait le prouver, et j’attends une démonstration que je défie d’établir. Et dans quelle circonstance un des préopinants se permet-il de nous donner un démenti ? C’est en présence de la protestation solennelle, énergique et toute patriotique de la province du Luxembourg contre les 24 articles. Voilà un démenti formel et authentique auquel j’essaierais de répondre, avant de me hasarder à donner des démentis.

N’avons-nous pas le droit de nous étonner que, sous l’impression d’un démenti si récent, on prétende mettre l’opposition en contradiction avec elle-même, précisément sur les faits, sur les actes auxquels on a concouru, et qui ont été, il y a 15 jours, l’objet d’une solennelle protestation, ou, pour imiter le langage de nos adversaires, qui ont été flétri par un démenti ?

Si j’avais prévu que l’on revînt sur cette discussion surannée, j’aurais recherché les textes, et je prouverais par quelques citations de mes discours, que ce n’est pas nous qui méritons des démentis. Car, dans la discussion du traité de Zonhoven, que s’est-il passé ? Avons-nous nié certains avantages qu’il causerait ? Non. Nous les avons reconnus. Mais c’est précisément parce que nous étions d’accord avec vous sur ces avantages que nous vous reprochions ne les avoir pas fait consacrer par un traité, ainsi que les puissances réunies à Londres, c’est-à-dire, la France et l’Angleterre, vous y autorisaient et vous en avaient reconnu le droit d’une manière claire pour nous et impérative pour la Hollande.

La France et l’Angleterre avaient ouvert un protocole par lequel la Hollande devait assurer définitivement ces avantages en compensation des communications que nous lui ouvrions avec Maestricht.

Nous vous avons reproché d’avoir agi avec mollesse, alors que nous avions 120 mille hommes à opposer au roi Guillaume, pour soutenir les avantages et les droits que nous avait reconnus la conférence de Londres. Voilà ce que nous vous avons reproché, voilà ce que nous avons flétri et non pas toutes les dispositions du traité de Zonhoven.

D’un autre côté nous disions que le statu quo était, à cette époque, déplorable pour le roi Guillaume. Pourquoi ? Parce que la garnison de Maestricht était aux abois, parce qu’il n’y avait pas de communication de la garnison de Maestricht avec l’intérieur de la Hollande. Puis le roi Guillaume avait le plus grand intérêt à ravitailler Maestricht et à s’y faire un point d’appui pour ses attaques contre nous.

Nous vous avons reproché d’avoir donné à notre ennemi un point stratégique dangereux pour la Belgique, tout en lui faisant de honteuses concessions. Et, en effet, messieurs, comme rien n’a été stipulé pour régler les communications avec Maestricht, nous disions qu’en cas d’attaque éventuelle, le roi Guillaume pourrait réunir 25 ou 50,000 hommes dans un des points les plus vulnérables de la Belgique. Voilà ce que nous vous avons reproché, et non pas toutes les stipulations du traité de Zonhoven.

Je prie les membres qui n’ont pas assisté à cette discussion, ou qui l’ont oubliée, de la cherchera à la fin de novembre 1832 ; ils verront que j’ai dit l’exacte vérité et rien de plus, et que je n’ai pas tout dit.

Maintenant je n’ai pas à répondre aux observations que M. Lebeau vient de présenter à M. Dumortier. Il répondra s’il juge que cela en vaut la peine. Quant à moi, je me bornerai à lui rappeler que si des remerciements ont été votés et à l’unanimité, ce n’est pas au ministère de cette époque, mais à l’armée française et au brave maréchal qui la commandait. Quant au ministère, il n’a encouru que des reproches graves, et entre autres celui d’avoir abandonné, préalablement à tout traité définitif, les parties cédées du Limbourg et du Luxembourg, de les avoir abandonnées provisoirement et de fait, sans les garanties d’amnistie stipulées précédemment par le traité des 24 articles ; voilà le reproche qui a été adressé au ministère de cette époque ; et on ne contestera pas que ce fut de sa part un acte d’inhumanité, pour ne rien dire de plus, Nous lui reprochions d’avoir flétri nos drapeaux, en consentant au siége d’Anvers sans l’intervention de notre brave armée. Mais personne n’a jamais contesté l’utilité de l’évacuation de la citadelle d’Anvers.

Avions-nous le droit, dit M. Lebeau, de nous refuser à l’exécution du traité, en ce qui concernait l’abandon du territoire, alors que nous en demandions l’exécution sur d’autres points ? Mais ce n’est pas là ce que nous vous reprochions. Il ne s’agissait pas de l’exécution du traité du 15 novembre ; nous avons dit que vous vous étiez déshonorés en abandonnant, sans aucune garantie d’amnistie, 400,000 Belges qui avaient concouru à notre révolution : voila le point capital sur lequel nous avons insisté. C’était une question d’honneur et d’humanité et non une appréciation des avantages de l’évacuation d’Anvers, qui pouvait se faire et s’est faite contre votre attente et malgré vos imprudences sous le sacrifice honteux auquel vous aviez souscrit.

Maintenant on nous accuse de changer d’opinion. Mais quelle ligne de conduite a été suivie avec persévérance ? Le ministère venu aux affaires en octobre 1832 n’y est arrivé que parce qu’on accusait le ministère de ne pas savoir finir nos affaires diplomatiques, et qu’il se flattait et se vantait de forcer les puissances à l’exécution du traite du 15 novembre. Le nouveau ministère a pris à son arrivée l’engagement de les terminer promptement. Il considérait alors une prompte terminaison des affaires comme un point d’honneur, comme la source de la plus haute prospérité pour la Belgique.

Depuis trois ans et demi que nous sommes dans le statu quo, il trouve admirable cette position qui n’était pas tenable, disait-il, en 1832, alors que le roi Guillaume avait intérêt à faire cesser le premier le statu quo, pour dégager Maestricht, pour obtenir communication avec cette place, et en tirer parti, en cas d’attaque contre la Belgique. Le statu quo n’est devenu admirable, pour ces mêmes hommes, que depuis qu’il n’a plus pour le roi Guillaume les inconvénients dont ils n’ont pas su profiter.

Le tort le plus grave que nous avons sans cesse reproché au ministère de cette époque, c’est la prétention d’être quelque chose par lui-même après avoir étouffé la révolution ; c’est la prétention d’être fin, d’être fort en diplomatie, alors qu’il s’est toujours laissé entraîner ; c’est d’avoir toujours revendiqué comme des succès ce qui se réalisait contre toutes ses prévisions, et malgré les engagements qu’il prenait solennellement envers le pays. Je ne veux récriminer aucun antécédent, aucune déconvenue ; je reconnais même que si je m’étais trouvé aux affaires dans les mêmes conditions, j’aurais été entraîné par la même fatalité, ou par les mêmes exigences, si j’avais consenti à les servir.

Qu’on ne vienne pas nous dire que c’est par suite de zèle, par suite de négociations habilement conduites, vigoureusement soutenues, que nous avons obtenu notre position ou plutôt les diverses positions qui nous ont été successivement imposées. Car nous devons notre position au hasard selon les uns, à la providence selon les autres, à la force des choses selon moi, c’est-à-dire à la prudence ou à l’impuissance de nos voisins, et non à la puissance ou à la sagacité de nos hommes d’Etat. Voilà le secret de notre position. Sous ce point de vue j’admets le statu quo ; mais gardons le silence sur les causes de son existence ; et sans faire les fanfarons, n’ayons pas l’air de craindre les menaces de nos ennemis. Marchons librement dans la voie du progrès que la révolution nous a ouverte ; laissons faire notre commerce et notre industrie ; ils nous consoleront de tous les maux passés qu’on a beaucoup exagérés, et nous fourniront les moyens de nous défendre contre les chances de l’avenir.

M. Lebeau. - Il semblerait que le reproche que M. Gendebien vient d’adresser encore à l’ancien ministère, à savoir qu’il aurait livré, pieds et poings liés, les populations du Luxembourg et du Limbourg, serait resté sans réponse lorsqu’il a été fait, à l’occasion des mesures qui ont produit la libération de la citadelle d’Anvers ; mais il n’en est pas ainsi et puisqu’on paraît avoir oublié cette réponse, je vais la reproduire.

Jamais il n’a été dans l’intention de l’ancien ministère de livrer, pieds et poings liés, les populations du Luxembourg et du Limbourg, et jamais ses actes n’ont donné le droit de lui attribuer de telles intentions. Les mesures à prendre pour la remise de ces territoires entraînaient par elles-mêmes l’exécution de toutes les clauses du traité.

On a cité la réponse faite par le cabinet belge aux sommations que la France et l’Angleterre adressaient simultanément à la Hollande et à la Belgique : mais lorsqu’il se serait agi d’opérer la remise des territoires, cette remise ne se serait pas effectuée purement et simplement ; il y aurait eu alors occasion de faire application des conditions insérées dans le traité du 15 novembre relatives aux garanties en faveur des personnes. Cela est une chose évidente : une remise de territoire ne se fait pas sans actes solennels, et c’est dans ces actes qu’on aurait mis les conditions stipulées dans ce traité du 15 novembre. Je n’entretiendrai pas la chambre plus longtemps sur ce point ; mais la réponse que je viens de rappeler a été faite à l’observation que présenta alors M. Gendebien et qu’il a renouvelée aujourd’hui.

M. Gendebien. - Je n’entends pas prolonger cette triste et pitoyable discussion ; toutefois permettez-moi un mot de réponse.

Pour prouver l’inexactitude des allégations de M. Lebeau, je prie la chambre de se rappeler qu’en 1832 le ministère mit pour condition à la reprise des négociations l’évacuation des territoires, c’est-à-dire l’évacuation par la Hollande de la citadelle d’Anvers, du fort de Lillo et de Liefkenshoek, et d’autre part des parties du Limbourg et du Luxembourg que la Belgique avait cédées. Voilà l’exacte vérité, et ceux qui en douteraient, je les prie de recourir aux textes. Ce n’est donc pas en exécution du traité du 15 novembre que le ministère Lebeau a consenti à l’abandon du Limbourg et du Luxembourg, mais comme un préalable à toute négociation pour conclure un traité définitif.

Au reste, je ne tiens pas à avoir raison dans ces tristes discussions, parce qu’elles ne peuvent avancer en rien le bonheur du pays.

Discussion des paragraphes

Paragraphe premier

M. le président. - Nous allons passer à la discussion des paragraphes.

« Sire, les circonstances heureuses au milieu desquelles notre session vient de s’ouvrir, ajoutent à la vive satisfaction que la chambre des représentants éprouve toujours en revoyant dans son sein le Roi que la nation s’est choisi. »

- Ce paragraphe est adopté sans discussion.

Paragraphes 2 et 3

« La justice de notre cause et l’intérêt des autres nations nous assuraient que nos rapports politiques ne pouvaient que s’affermir ; nous voyons avec plaisir que cette assurance ne nous a pas failli. »

M. Gendebien. - Il me semble qu’il y a tout au moins redondance entre ce second paragraphe qu’on vient de lire et le troisième. Je crois qu’il faudrait refondre ces deux paragraphes en un seul, et faire quelque chose de plus logique, ou au moins de plus français. Je ne sais pas, par exemple, si on peut dire qu’une assurance ne nous a pas failli. Je demande lecture du troisième paragraphe avant la discussion du second.

M. le président. - Voici le troisième paragraphe :

« La nation, appuyée sur ses droits qui seront, nous en avons la confiance, de mieux en mieux compris et respectés à mesure que les circonstances fâcheuses que nous avons subies s’éloigneront, la nation, Sire, attendra avec calme la fin de nos démêlés politiques dans la position que les traités lui ont faite, position que votre gouvernement, soutenu par les mandataires de la nation, saura défendre avec persévérance. »

M. Dechamps, rapporteur de la commission de l’adresse. - Messieurs, la commission a cru devoir répondre à deux paragraphes du discours du trône, par les paragraphes 2 et 3. Le paragraphe 2 concerne les relations d’amitié entre notre gouvernement et les puissances étrangères ; le troisième est relatif aux traités qui devraient avoir lieu entre la Belgique et la Hollande. Il a paru préférable de faire deux paragraphes pour ces deux objets. Cependant, pour ma part, je ne m’opposerai nullement à ce que la chambre n’en fasse qu’un seul ; mais ; comme rapporteur, je me permettrai de donner des explications sur le sens de quelques mots insérés dans le 3° paragraphe, parce que quelques personnes ont manifesté des doutes à l’égard de leur signification.

Pas plus que le gouvernement, la commission ne voulait trancher les points litigieux dans notre diplomatie ; elle a voulu interpréter dans un sens tout national le paragraphe du discours du trône auquel elle devait répondre, et mettre cette réponse en harmonie avec les explications données hier par le ministre des affaires étrangères. Je pense que la commission a réussi.

La position du statu quo, position que la convention du 21 mai nous a faite, personne n’a dit qu’elle nous fût désavantageuse ; et la Hollande elle-même tous les ans ne se fait pas faute d’assurer qu’elle est à notre avantage ; la commission a cru devoir déclarer simplement voir déclarer simplement que « la nation attendra avec calme la fin de nos démêlés dans la position que les traités lui ont faite. »

Le devoir du gouvernement, selon nous, est de maintenir le statu quo et de le prolonger indéfiniment s’il lui est possible, pour faire entrer de plus en plus dans l’ordre des faits accomplis la situation de la Belgique ; pour que la Belgique parvienne à des résultats analogues à ceux que la Hollande a obtenus par le traité de Munster ; pour que la situation actuelle de la Belgique devienne définitive ; car à mesure que les circonstances malheureuses sous l’influence desquelles le traité du 15 novembre a été signé, s’éloigneront, il deviendra de plus en plus difficile à la conférence de porter la main sur un ordre de choses consacré par le temps. Les puissances qui ont toujours eu pour but le maintien de la paix européenne, ne se hasarderont pas à venir de nouveau mettre cette paix en question ; elles ne se hasarderont pas à arriver à ce funeste résultat en provoquant dans le sein de la Belgique une secousse qui ne manquerait pas d’avoir son contrecoup à l’extérieur ; et cette secousse, elle aurait lieu s’il fallait arracher à la Belgique deux provinces qui lui seront de plus en plus acquises non seulement par les habitudes qu’on ne déracine pas facilement, mais encore par le vœu unanime des populations elles-mêmes.

Ces explications, messieurs suffiront pour manifester clairement les intentions de la commission. Comme rapporteur, je ne suis pas autorisé à proposer un changement de rédaction, et ce n’est qu’individuellement que j’adopterai les modifications que l’on propose. En voici une que je présenterai moi-même. On dit : « La position que les traités nous ont faite ; » il est évident que cela veut dire : « La position acquise à la Belgique par le traité du 21 mai. »

Je crois que pour ne pas équivoquer, il faut faire dans la rédaction un léger changement, de manière à rentrer dans les intentions de la commission et dans celles du ministre des affaires étrangères ; or il me semble que ces mots : « La position que la convention du 21 mai lui a faite, » seraient plus précis et satisferaient tout le monde.

M. Gendebien. - C’est ce point que je voulais plus particulièrement amender. Ce que l’on propose est déjà une amélioration sensible ; mais il reste encore quelques corrections à faire sur la rédaction du second paragraphe. Je ne sais pas si l’on peut dire : « Cette assurance ne nous a pas failli, » et je ne vois pas pourquoi on ne supprimerait pas cette dernière partie de l’alinéa. Il n’y aurait pas d’inconvénient à rédiger le second paragraphe en ces termes :

« La justice de notre cause et l’intérêt des autres nations nous assurent que nos rapports politiques ne pourront que s’affermir. »

Je crois que le sens serait tout aussi complet et que la phrase vaudrait mieux ; je crois même qu’elle serait plus significative.

Je voudrais ensuite que le troisième paragraphe fût conçu en ces termes :

« La nation, appuyée sur ses droits qui seront, nous en avons la confiance, de mieux en mieux compris et respectés, attendra avec calme la fin de nos démêlés politiques, dans la position que la convention du 21 mai lui a faite ; position que votre gouvernement, soutenu par les mandataires de la nation, saura défendre avec persévérance. »

De cette manière l’on éviterait de rappeler des circonstances fâcheuses, et cela me semble convenable, car je ne pense qu’il soit bon de rappeler sans cesse que la nation a été humiliée, quoiqu’elle n’ait rien à se reprocher, et qu’elle sache que la faute doive en être attribuée à d’autres qu’à elle-même. Il n’est pas convenable. Il est peut-être, pour cette raison, prudent, de ne pas renouveler de trop justes douleurs.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je viens appuyer les observations de M. Gendebien en vous proposant la rédaction suivante que j’avais l’intention de vous soumettre lorsqu’il a pris la parole :

« La Belgique, forte de ses droits, attendra avec confiance la fin de nos démêlés politiques dans la position que lui a faite la convention du 21 mai, position que votre gouvernement, soutenu par les mandataires de la nation, saura défendre avec persévérance et fermeté. »

Je crois, messieurs, que cette rédaction rendrait parfaitement l’idée de M. Gendebien, et en même temps celle que vient d’énoncer M. le rapporteur de la commission d’adresse ; d’un autre côté elle serait conforme aux vues du ministère lui-même, puisque M. le ministre des affaires étrangères nous a donné hier l’assurance que la position que le gouvernement continue à défendre est celle que nous a acquise la convention du 21 mai. J’aime donc à croire que MM. les ministres ne s’opposeront pas au changement de rédaction que nous réclamons dans le paragraphe en discussion.

Je puis borner ici mes observations sur la question politique qui nous occupe, car, messieurs, les protestations énergiques qui ont été faites par les conseils provinciaux du Luxembourg et du Limbourg contre toute espèce de déchirement du territoire belge, sont plus expressives et plus significatives que tout ce que nous pouvons dire sur la même question ; en effet, ces protestations votées par acclamations et enthousiasme feront connaître à l’Europe entière que les populations qui étaient cédées à la Hollande par le traité des 24 articles, abhorrent le gouvernement du roi Guillaume, et n’en veulent pas d’autre que celui de leur patrie, à l’émancipation de laquelle elles ont si puissamment contribué.

Je le répète donc, messieurs, les protestations éclatantes et unanimes des populations du Luxembourg et du Limbourg sont tout ce que l’on peut exprimer de plus fort à l’appui de nos droits politiques. Car il faut remonter à la source de ces droits, et sans doute nous avons eu celui de secouer le joug de l’étranger comme les autres provinces de la Belgique ont eu le droit de le faire, et c’est d’abord ce grand principe que nous invoquerons toujours, car nous ne reconnaissons à aucune puissance, à aucune alliance de potentats, le droit de disposer des peuples comme l’on dispose de vils troupeaux.

Ce n’est plus au siècle où nous vivons que les souverains peuvent impunément traiter de nous et sans nous ; aussi ce n’est que par la force brutale qu’une pareille iniquité pourrait se consommer, et alors c’est les armes à la main que nous protesterions. Que l’on cesse donc d’invoquer le traité du 15 novembre comme étant le droit public de la Belgique ; car ce traité est non seulement devenu de nulle valeur, même en diplomatie, mais encore il est inexécutable, à moins que par la force armée, ce qui pourrait allumer une conflagration générale en Europe.

Je n’en dirai pas davantage à l’occasion de l’adresse sur notre question politique, sur laquelle tout a déjà été dit à plusieurs reprises.

Je vais avoir l’honneur de déposer mon amendement, qui est en même temps signé par mon honorable collègue M. Pollénus, député du Limbourg.

M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, je ne sais pas s’il est véritablement prudent d’omettre dans l’adresse la phrase que M. Gendebien propose d’en ôter ; je crois, au contraire, qu’il est de l’intérêt de la Belgique de déclarer hautement, dans l’adresse, que si elle a pu consentir aux clauses défavorables du traité des 24 articles, ce n’a été que sous l’influence d’une dure nécessite et malgré elle. Si, toutefois, la chambre partageait l’opinion de M. Gendebien, et si elle croyait comme qu’il y a quelque chose d’humiliant pour la Belgique dans le souvenir des malheureux événements dont dérive le traité en question, je préférerais l’amendement de cet honorable membre à celui de M. d’Hoffschmidt ; car je ne comprends pas pourquoi cet honorable député a omis après : « La nation, appuyée sur ses droits, » ces mots : « qui seront, nous en avons la confiance, de mieux en mieux compris et respectés. »

Mais je crois qu’en tout état de cause la phrase qui fait l’objet de la discussion doit demeurer dans l’adresse, et qu’il convient de proclamer solennellement que ce n’est que par suite de circonstances malheureuses.

M. Pollénus. - L’honorable rapporteur de la section centrale regarde comme imprudent de ne pas faire mention des circonstances fâcheuses qui ont amené un précédent traité : je crois comme lui que ce ne serait pas une humiliation de convenir de ces circonstances, mais je demanderai s’il y a utilité à rappeler toujours le souvenir de nos malheurs ? Je pense qu’il n’y en a aucune, mais qu’il y a, au contraire, inconvenance. En effet l’opinion de tous les membres qui ont parlé sur l’adresse est qu’il est désirable que le statu quo, dans lequel nous nous trouvons, devienne définitif ; eh bien, la prolongation du statu quo efface le souvenir du fatal traite du 15 novembre, et si nous voulons que ce traité demeure complètement oublié et que la convention du 21 mai devienne définitive, nous devons nous garder de perpétuer le souvenir des circonstances déplorables qui ont amené le premier de ces actes, car si nous rappelions continuellement les événements dont il s’agit, l’on pourrait y voir un motif pour chercher à nous replacer dans la position qui s’en est suivie.

Il me semble donc qu’il est conforme aux intentions des rédacteurs du projet d’adresse eux-mêmes de ne pas parler de ces événements, et quand ce ne serait que par la considération que c’est inutile, il me semble que cela suffirait pour vous déterminer à voter dans ce sens, et pour engager les auteurs du projet d’adresse à ne pas insister pour le maintien des mots dont il est question.

Je crois, avec l’honorable M. d’Hoffschmidt, qu’on pourrait convenablement supprimer les deux premières lignes du troisième paragraphe, car il me semble que ce n’est qu’une répétition en autres termes de ce qui est déjà dit dans le paragraphe précédent : toutefois je n’attache pas une grande importance à ce changement ; mais pour ce qui concerne la mention des événements qui ont donné naissance au traité du 15 novembre, je pense qu’il est convenable de la retrancher, et qu’en la maintenant nous rendrions mal l’opinion de la commission du projet d’adresse et de tous ceux qui ont parlé en faveur de ce projet.

M. Gendebien. - Je regrette de devoir prendre de nouveau la parole ; il me semble que chacun de nous devrait sentir combien il est humiliant pour le pays d’entendre parler sans cesse d’une défaite dont la nation, elle le sait, n’est pas coupable, mais dont elle a été victime humiliée plus que les vrais coupables.

Mais je dis plus, il serait impolitique et inconvénient de rappeler aux puissances étrangères les revers que nous avons essuyés, tout en attribuant à de ces revers une plus grande considération au dehors et une plus grande confiance dans nos moyens de défendre nos droits. Ce n’est pas parce que nous avons été humiliés il y a 5 ans, plutôt qu’hier, que notre position s’améliore ; ce n’est pas en parlant de nos défaites que nous rendrons les puissances favorables. Ce qui nous peut rendre l’estime des peuples, c’est de montrer la nation forte et prospère, marchant avec confiance dans sa force et sa liberté ; de montrer à l’Europe que nous sommes forts et heureux, malgré notre révolution, on plutôt par les libertés que notre révolution nous a conquises ; de donner un démenti à ceux qui prétendent que la liberté est incompatible avec l’ordre et le bonheur, mensonge à l’aide duquel les despotes tiennent tant de peuples sous un joug humiliant.

Ajoutez à cela des preuves vivantes, palpables, d’une prospérité toujours croissante ; ce sont là les seuls moyens de faire respecter notre indépendance ; rappelez ces circonstances, la nation en sera fière, et ce sera pour elle un puissant encouragement à se défendre, si on l’attaque un jour ; mais, en lui remettant sous les yeux des circonstances malheureuses, vous ne faites que l’humilier, et un peuple humilié est à demi vaincu.

Croyez-moi, retranchez tout ce qui rappelle de fâcheux souvenirs. Admettez après cela l’un ou l’autre des amendements proposés, peu m’importe ; mais j’insiste pour qu’on supprime la phrase que j’ai signalée.

M. le président. - M. Gendebien propose, dans le deuxième paragraphe, la suppression des mots : « Nous voyons avec plaisir que cette assurance ne nous a pas failli. »

Dans le troisième paragraphe, le même membre propose de supprimer : « 1° les mots : « A mesure que les circonstances fâcheuses s’éloigneront. » 2° Les mots « les traités, » et de les remplacer par ceux-ci : « Par la convention du 21 mai 1833. »

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, ne vois aucune nécessité de modifier la rédaction primitive de votre commission ; en effet, il était impossible de se méprendre sur le sens que la commission avait attaché à ses paroles. Toutefois, messieurs, il me semble qu’il n’y a pas d’inconvénient non plus à admettre la nouvelle rédaction qui vous est proposée. En effet, de quoi s’agit-il ? La convention du 21 mai fait à la Belgique une position provisoire, en attendant la fin de ses démêlés politiques ; or, le but de la commission, c’est d’exprimer le vœu que la Belgique reste dans cette position jusqu’à la fin de ses démêlés politiques.

Messieurs, cette pensée se trouvait tout entière dans la rédaction primitive ; car, par les mots : « les traités, » on devait nécessairement se reporter à la convention du 21 mai ; mais, je le répète, je ne vois aucun inconvénient à substituer à la première rédaction celle qui a été proposée par un honorable préopinant.

M. d’Hoffschmidt. - D’après la déclaration de M. le ministre, mon collègue M. Pollénus et moi, nous nous rallions à l’amendement de M. Gendebien.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, je pense qu’il faut maintenir la suppression qui a d’abord été proposée par MM. d’Hoffschmidt et Pollénus, celle des mots : « qui seront, nous en avons la confiance, de mieux en mieux compris et respectés... ; » parce que ces mots formaient un sens complet, logique, avec la suite de phrase que M. Gendebien propose de supprimer.

M. Gendebien. - Je prie M. le ministre des finances de remarquer que la phrase présente un sens complet tout en retranchant ce qu’il considère comme la conséquence de ce qui est conservé. Si l’on croit un complément nécessaire, j’ai fait comprendre qu’on pourrait l’expliquer autrement que dans l’adresse ; si l’on veut ajouter que c’est par la volonté d’être libre et par la marche ferme, éclairée, du pays vers la prospérité, je le veux bien, mais cela n’est pas nécessaire, cela se comprend de reste.

- Le deuxième paragraphe avec l’amendement de M. Gendebien, est mis aux voix et adopté.

Le troisième paragraphe, également amendé par M. Gendebien, est mis aux voix et adopté.

Paragraphe 4

« Cette situation nous a permis de doter le pays des lois organiques de la commune et de la province et de celle réglant l’enseignement supérieur aux frais de l’Etat. »

M. Dechamps, rapporteur. - Il y a un léger changement de rédaction à faire dans ce paragraphe : au lieu de dire : « celle réglant, » il faut dire : « de celle qui règle. »

M. Gendebien. - Messieurs, il me semble que ce paragraphe ne présente pas une idée juste, il faudrait en changer la rédaction ; en effet, ce n’est nullement à raison de la situation politique dans laquelle nous nous trouvons que nous avons pu organiser la province et la commune ; car le gouvernement provisoire a organisé la commune dès le 7 octobre 1830, pour ainsi dire sous le canon de l’ennemi. De nombreuses élections ont été faites avec calme. Le congrès a organisé le pays sans se trouver dans la situation dont l’adresse fait mention.

M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, l’intention de la commission est ici bien évidente : si le pays n’avait pas joui de cette position acquise par le statu quo, certainement il n’aurait pu faire, comme il l’a fait, les lois de son organisation intérieure. En se servant de cette expression : « cette situation nous a permis, » la commission a voulu dire seulement que notre position nous avait mis à même de nous occuper avec plus d’activité de nos lois d’organisation intérieure. Du reste, si aux mots « nous a permis, » on veut substituer un autre terme, je ne m’y oppose pas.

M. le président. - M. Gendebien propose de rédiger le paragraphe comme suit :

« Le pays est doté des lois organiques de la commune et de la province, et de celle qui règle l’enseignement supérieur aux frais de l’Etat. »

- Le paragraphe, ainsi rédigé, est mis aux voix et adopté.

Paragraphe 5

Nous passons au paragraphe 5.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’il ne faut faire qu’un seul paragraphe du paragraphe 4 amendé par M. Gendebien et du paragraphe 5. Il serait ainsi rédigé :

« Le pays est doté des lois organiques de la commune et de la province, et de celle qui règle l’enseignement supérieur aux frais de l’Etat. Et nous partageons la persuasion que le gouvernement de V. M. nous exprime, de voir les conseils communaux et provinciaux se laisser toujours guider par cet esprit de sagesse et de modération si nécessaire à l’intérêt de leurs commettants et au maintien de l’ordre public.

M. Gendebien. - Je proposerai un léger changement à ce paragraphe ; ce serait de supprimer le mot « laisser, » qui implique de la part des conseils communaux et provinciaux une espèce d’abnégation.

M. Dechamps, rapporteur. - Je pense inutile de m’étendre sur une chose aussi peu importante que le changement proposé ; cependant, pour ma part, je ne vois ni humiliation, ni abnégation à se laisser guider par un esprit de sagesse et de modération. Cette phrase me paraît fort simple et fort naturelle.

M. Gendebien. - Cela est vrai mais je crains qu’on ne considère l’esprit de sagesse comme représenté par les gouverneurs et autres puissances gouvernementales.

- L’amendement de M. Gendebien est mis aux voix et adopté, ainsi que le paragraphe amendé.

Paragraphe 6

« La liberté d’enseignement a porté les fruits que l’on devait en attendre : les établissements qu’elle a fondés, la réorganisation des universités de l’Etat et l’institution impartiale du jury d’examen, concourront à améliorer encore la situation morale et intellectuelle du pays. S’il existe des lacunes dans notre système d’enseignement, elles seront comblées par le vote que nous aurons à émettre sur le projet de loi relatif aux écoles primaires et moyennes. »

M. d'Hoffschmidt. - Je ne comprends pas pourquoi la commission a rédigé ce paragraphe comme elle l’a fait. Il y est dit : « S’il existe des lacunes dans notre système d’enseignement, elles seront comblées. » C’est d’une manière dubitative que la commission s’exprime, tandis que nous n’avons pas de loi sur l’enseignement primaire et moyen ; il est donc évident qu’il y a des lacunes. Je ne puis comprendre les doutes que la commission a exprimés à cet égard. On me répondra peut-être que la constitution a déclaré l’enseignement libre et que dès lors il n’y a pas de loi à faire. Mais la constitution a dit aussi que l’instruction donnée aux frais de l’Etat serait réglée par la loi. Or, chaque année nous votons au budget 3 à 400 mille francs, pour l’instruction primaire et moyenne, et il est nécessaire qu’une loi règle l’emploi de ces fonds. Il n’y a donc pas de doute qu’il y a lacune.

Vous savez ce qui s’est passé lors de la discussion de la loi relative à l’enseignement. On était à la fin de la session, on a passé au titre III qui concernait l’enseignement supérieur, en disant qu’à la session suivante on s’occuperait des deux premiers titres.

Nous avons consenti à voter le titre III, et maintenant on élève des doutes sur la question de savoir s’il y a lacune relativement à ce qui faisait l’objet des deux premiers titres de la loi qu’on a ajournée, et quoique la constitution dise que l’instruction donnée aux frais de l’Etat est réglée par la loi. Si vous admettez le doute exprimé par la commission, on dira que puisqu’il n’y a pas de loi que règle l’enseignement primaire et moyen, on ne doit pas donner de subsides, surtout, dira-t-on, qu’ils ne sont pas nécessaires. Mais, quoi qu’en ait dit M. Doignon, je ne pense pas que l’instruction primaire fasse des progrès. Je ne nie pas qu’il y ait un grand nombre d’instituteurs et qu’un grand nombre d’élèves suivent leurs leçons ; mais ce n’est pas à dire pour cela que l’instruction fasse des progrès Je pense au contraire qu’elle rétrograde, parce que beaucoup d’instituteurs n’ont pas les connaissances nécessaires.

Dans les Flandres, dans le Hainaut, l’instruction pourrait peut-être bien se passer de loi et prospérer ; cela vient de ce que les communes sont riches et peuvent par conséquent salarier des instituteurs ; mais il n’en est pas de même dans les provinces le Namur, du Limbourg et du Luxembourg, où les communes sont trop pauvres pour faire cette dépense. Si vous ne voulez pas y protéger l’instruction, qui est la base de la moralité et de la prospérité d’un pays, les communes de ces provinces en seront à jamais privées, cela est positif.

Je ne comprends pas, je le répète, la manière dont s’exprime la commission. Une loi nous a été proposée, composée de trois titres ; nous en avons voté un, il nous reste à voter les deux autres. D’ailleurs le discours du trône fait mention de cette loi, et le sénat, dans sa réponse, parle également de la nécessité de s’en occuper. Voici comment il s’exprime :

« Votre gouvernement, Sire, a compris aussi l’importance de l’enseignement primaire et moyen ; nous examinerons avec le plus grand soin les projets de loi qui doivent compléter notre système d’instruction publique. »

Vous voyez, messieurs, que le sénat s’est exprimé d’une manière positive, et il paraîtrait sans doute singulier que la chambre ne se mît pas d’accord sur ce point avec la seconde branche du pouvoir législatif.

Je ne crois pas que la commission tiendra à sa rédaction dubitative, et je l’engage à la modifier elle-même, car elle ne se justifie sous aucun rapport, si ce n’est par une pensée qui ressemble à du jésuitisme.

M. Gendebien. - J’ai prévu tout d’abord que le projet d’adresse soulèverait une discussion très grave dans laquelle cependant il serait prématuré d’entrer en ce moment. Je proposerai un amendement qui doit contenter les plus exigeants parmi ceux qui pensent que nos lois sur l’enseignement ne présentent pas de lacunes, car il laissera la question intacte. Pour éviter d’entamer une discussion qui promet d’être assez orageuse, je propose de rédiger ainsi le paragraphe :

« Nous prendrons en sérieuse considération le projet de loi sur l’enseignement primaire et moyen qui nous est soumis. »

Cet amendement répond suffisamment au discours du trône et ne renferme rien qui puisse constituer un engagement. Je demande qu’on s’y rallie.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Messieurs, l’amendement de l’honorable M. Gendebien, que je viens appuyer, préviendra des débats longs et inutiles : nous espérons que la chambre, en l’adoptant, s’associera à la pensée du gouvernement : cette pensée n’est pas douteuse. Le vœu d’une organisation prochaine de l’instruction primaire et moyenne a été solennellement exprimé dans le discours du trône. Du reste, l’amendement proposé ne préjuge rien sur le fond de la question ; la chambre, en discutant le projet de loi qui lui est soumis depuis longtemps, restera libre de consacrer les principes qui lui paraîtront les plus convenables.

M. Dechamps, rapporteur. - L’intention de la commission a été celle de l’honorable M. Gendebien et du ministre de la justice, Elle a très bien senti que la chambre était divisée profondément sur cette question d’instruction publique ; elle savait que parmi les membres qui composent cette chambre, comme dans le pays, les uns pensent qu’une lacune existe et que d’autres sont d’avis qu’il n’y a pas de lacune.

Dans ces circonstances, la commission, pour ne froisser aucune opinion, a voulu laisser la question intacte et s’est servie d’une forme dubitative. Je pense que l’amendement de M. Gendebien a le même sens que la rédaction de la commission.

Cependant, nous avons cru rendre mieux compte de l’état des choses, de la divergence des opinions, en disant : « S’il existe des lacunes dans notre système d’enseignement, elles seront comblées. »

Nous supposons par là que nous aurons un vote à émettre sur l’enseignement primaire et moyen. Le doute ne porte que sur la question de savoir si une lacune existe ou non.

Le but de l’adresse est d’exprimer l’opinion de la chambre ; nous avons cru que la rédaction que nous adoptions était la meilleure manière de remplir ce but en ne froissant aucune opinion.

M. Gendebien. - Quant au sous-amendement que j’ai proposé, plus tard la discussion sur l’objet du message royal fera paraître une différence dont je ne veux pas m’occuper maintenant, parce que cela nous entraînerait dans une trop longue discussion.

M. Demonceau. - J’appuie l’amendement de M. Gendebien, et je pense que la rédaction proposée par la commission laisse à entendre qu’il existe un doute dans son opinion ; car on dit : « S’il existe des lacunes dans notre système d’enseignement, etc. ; » et si on se réfère à de la constitution portant : « L’instruction publique donnée aux frais de l’Etat est réglée par la loi, » on reconnaîtra qu’il y a une lacune dans notre système d’enseignement. Il est donc nécessaire d’adopter l’amendement de M. Gendebien.

- L’amendement de M. Gendebien est adopté. Le sixième paragraphe est adopté avec cet amendement.

Paragraphe 7

« Nous espérons, Sire, que les efforts du gouvernement parviendront à étendre de nation à nation des relations commerciales basées sur une équitable réciprocité. L’état florissant du commerce et de l’industrie s’en accroîtra, et avec lui le bien-être du peuple entier. »

M. Donny. - Je ne puis voter ce paragraphe sans dire quelques mots pour déterminer la portée que j’attribue à mon vote.

Je pense avec le gouvernement et avec la commission que l’on peut dire avec vérité que l’industrie de la Belgique est dans un état prospère, et même, si l’on veut, dans un état florissant. Mais cela n’est vrai, du moins selon moi, que quand on considère l’industrie sous un point de vue général ; car quand on examine séparément la position des diverses branches d’industrie, on en trouve qui sont dans un état de souffrance réelle. Je citerai comme exemple la pêche maritime ; elle est, comme ai déjà eu occasion de le dire, dans une situation telle, que si l’on ne prend des moyens efficaces pour prévenir sa ruine, dans peu de temps la Belgique pourra rayer la pêche maritime de la liste de ses branches d’industrie.

Comme je n’ai pas l’intention de traiter d’une manière incidente une question aussi importante, que je pourrai discuter dans quelque temps d’ici d’une manière approfondie, je me bornerai pour aujourd’hui à l’observation que je viens de faire.

M. Desmet. - Messieurs, on a à répondre à l’honorable M. Donny que des projets de loi nous sont présentés pour améliorer le sort de la pêche nationale ; mais, messieurs, ce ne sont pas des lois réglementaires, des règlements de police, dont nous avons besoin pour faire revivre notre pêche de mer ; au contraire, ces règlements ne pourront y porter que des entraves. Ce dont elle a besoin, c’est de la prohibition à l’entrée du poisson étranger, du poisson qui nous arrive en grande quantité de Hollande et qui vient totalement gâter notre marché. Dans ce moment, nos pêcheurs sont tous rentrés de la pêche de la morue ; eh bien, il y a impossibilité de vendre un seul baril de ce poisson ; c’est la même chose pour le poisson de marais, il nous est de même fourni par les Hollandais ; informez-vous de ce qui se passe encore quotidiennement en face du Doel ; vous apprendrez que les Hollandais y apportent de fortes quantités de poissons qui se transbordent dans des bateaux soi-disant de pêcheurs qui se rendent à Anvers et viennent à notre grand détriment fournir nos marchés.

Le seul moyen donc pour améliorer notre pêche est celui d’arrêter l’entrée du poisson hollandais, Il est assez étrange que le gouvernement soit si complaisant pour un ennemi, qui ne néglige aucun moyen et fait tout ce qui est en son pouvoir pour nous faire du mal. Je pense même que si des mesures énergiques étaient employées contre l’entrée en Belgique des produits hollandais, les arrangements que cette nation désire avec tant d’ardeur pourraient plus tôt se conclure et forcer leur souverain à écouter les justes plaintes du peuple qu’il gouverne.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je puis déclarer à la chambre que le gouvernement s’occupe, en ce moment, de la question de la pêche maritime ; nous espérons pouvoir présenter prochainement une loi qui complétera, avec le projet déjà présenté sur les primes, tout ce qui concerne cette matière, en ce sens qu’elle tendra à modifier convenablement le tarif des douanes en ce qui regarde l’introduction du poisson de pêche étrangère. Nous espérons par là contribuer à faire renaître cette industrie intéressante qui périclite en ce moment.

Je pense que cette déclaration satisfera à la demande de M. Desmet. (Approbation.)

M. Gendebien. - On se rappellera qu’à la fin de la session dernière, j’ai demandé une explication sur le peu de faveur dont jouit notre navigation à l’étranger. J’ai cité comme exemple les Etats-Unis. Le ministre des affaires étrangères avait promis de s’occuper activement des justes réclamations du commerce. Les journaux ont annonce dernièrement que le président des Etats-Unis, faisant droit à nos réclamations, avait non seulement réglé pour l’avenir, mais encore avait ordonné la restitution des sommes indûment perçues. Le commerce se plaint de ce que le gouvernement n’a rien publié d’officiel à cet égard. Je prie M. le ministre des affaires étrangères de vouloir bien nous dire si le commerce peut regarder comme positif le fait que les journaux ont annoncé, et pourquoi il n’a rien fait publier à cet égard.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je crois avoir déclaré à la chambre dans une autre circonstance que le président des Etats-Unis, sur nos réclamations, avait proposé aux chambres législatives un projet de loi relatif à cet objet ; le projet a été présenté en effet. D’après ses dispositions, nous devons être traités par les Etats-Unis sur le même pied où nous étions en vertu du traité conclu entre les Etats de l’Union et l’ancien royaume des Pays-Bas. En outre, le projet de loi avait pour objet de faire restituer au propriétaire de l’Antonius les droits perçus sur ce navire.

Depuis lors, nous avons reçu des dépêches du ministre résident dans ce pays ; elles nous annoncent que la session a été close avant que les chambres législatives aient pu s’occuper de ce projet.

D’un autre côté, nous avons reçu de notre consul à New-York une lettre d’après laquelle le président des Etats-Unis aurait pris sur lui d’assimiler notre navigation à celle de la Hollande, c’est-à-dire que notre nation jouirait des privilèges dont elle jouissait avant les mesures prises contre nous. Il annonce en même temps que l’on aurait ordonné la restitution au propriétaire de l’Antonius des sommes perçues sur ce navire.

Comme ces renseignements ne s’accordent pas entre eux, nous n’avons pas osé prendre sur nous de faire aucune publication. Nous avons cru convenable (c’est dans ce sens qu’il a été répondu à toutes les personnes qui se sont présentées aux affaires étrangères) d’attendre des nouvelles plus certaines. Ces nouvelles nous les avons réclamées ; jusqu’à présent nous ne les avons pas reçues. Dès que nous saurons quelque chose de certain, nous nous empresserons de le publier.

M. Gendebien. - Je remercie le ministre des affaires étrangères de ses explications ; mais je regrette qu’elles ne soient pas plus complètes.

Je crois, que c’est au mois de juillet dernier que des mesures ont été prises au sujet de la restitution des droits qui avaient été perçus d’un navigateur belge, à un taux plus élevé que celui existant à l’égard de la navigation hollandaise. Le ministre a donc eu tout le temps de recevoir des communications ou de prendre des informations.

Si le président des Etats-Unis s’est cru suffisamment autorise à ordonner cette restitution, c’est qu’il a reconnu que la perception de ces droits ne devait plus avoir lieu à l’avenir. Cette conséquence me paraît logique et incontestable.

J’insiste donc pour que le commerce ait au plus tôt ses apaisements à cet égard. Je désire que le ministre sache au juste et sans retard ce qui a été fait.

C’est par négligence que nous ne savons pas ce qui s’est fait. Déjà on a restitué des droits ; on en doit conclure qu’il y a eu une résolution prise qui a autorisé le président à faire cette restitution. Je désire et je demande que l’on s’occupe au ministère des affaires étrangères des intérêts de notre commerce ; car c’est le seul moyen de tirer parti de ce ministère.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne pense pas que notre agent ait commis de négligence. Toutefois, je ne sais pourquoi je n’ai pas reçu de lettre confirmative de ce qui a été résolu et fait à New-York. Il est vrai que des retards peuvent être le résultat de circonstances imprévues et indépendantes de la volonté de notre agent. Quoi qu’il en soit, nous avons écrit depuis, et j’espère que nous recevrons une réponse à cette dernière lettre ; alors nous saurons ce qui a eu lieu à cet égard. Nous n’avons pas cru devoir publier la lettre de l’agent de New-York parce qu’elle était en contradiction avec celle de notre agent : ce dernier nous mandait que le projet n’avait pas pu être converti en loi par le congrès et qu’il n’y avait rien de définitif.

M. Dumortier. - Il est encore un point digne de fixer votre attention c’est la construction des navires en Belgique. Il faudrait que la législature fît une bonne loi sur cette matière, afin de nous assurer que nous aurons une marine nationale.

La pêche n’est pas moins digne de nos soins ; et, comme je vous l’ai déjà dit, la pêche est l’agriculture de la mer. C’est une source de richesses immenses pour les populations. Mais, pour pêcher, il faut deux choses : il faut premièrement des lois protectrices de cette industrie, et une loi pour la construction des navires. Ces lois manquent. Aussi qu’est-il arrivé ? Nos navires ont émigré à l’étranger.

Messieurs, je crois qu’il faut mettre un mot sur ce point dans notre réponse, encore que le discours du trône n’en ait rien dit.

Nous avons une grande prospérité industrielle en Belgique ; mais cette prospérité amènera une fabrication qui dépassera les besoins du pays ; une exportation de nos produits sera donc nécessaire ; mais, pour exporter, il faudra une marine ; or, pour avoir une marine, il faut une pêche nationale.

Je proposerai d’ajouter au paragraphe ces mots : « La pêche, la navigation seront l’objet de nos soins particuliers. »

M. Smits. - J’appuierai volontiers les observations présentées par M. Dumortier. Toutefois je ferai remarquer que le gouvernement a pris l’initiative sur deux des branches de prospérité dont en vient de parler. Il a, en effet, présenté un projet de loi sur la pêche nationale, et un projet pour l’encouragement des exportations maritimes. Un rapport a été fait pour l’un de ces projets, et je demanderai qu’il soit mis à l’ordre du jour immédiatement après la loi concernant le traitement des vicaires. Il résulte de ce que je viens d’avoir l’honneur de vous exposer, que le gouvernement a fait son devoir ; et c’est uniquement ce que je voulais faire remarquer.

M. Gendebien. - A propos de pêche j’ai une interpellation à faire à M. le ministre des affaires étrangères.

J’ai vu dans les journaux que les pêcheurs belges sont inquiétés dans l’Escaut ; que le gouvernement hollandais en a arrêté plusieurs qu’il tient en prison. Je demanderai que l’on donne des explications sur cette conduite tout à fait extraordinaire de la Hollande.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne sais pas de quoi il s’agit.

M. Gendebien. - Je dis que les journaux ont annoncé que des pêcheurs belges ont été pris dans l’Escaut par les Hollandais et mis en prison ; si cela est vrai, j’espère qu’on fera les démarches nécessaires pour les faire mettre en liberté, et qu’on prendra des mesures pour qu’à l’avenir de semblables faits ne se renouvellent pas.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je n’ai vu au ministère aucune réclamation sur ces faits.

M. Gendebien. - Il y a sept à huit jours que les faits se sont passés, s’il faut en croire les journaux.

M. A. Rodenbach. - Tous les journaux, et notamment ceux des Flandres, ont annoncé que des pêcheurs belges ont été mis en prison en Hollande. Il sera sans doute difficile de les en faire sortir ; mais avec de l’énergie nous pouvons mettre un terme à de pareils excès ; usons de représailles et montrons à nos ennemis que nous ne les craignons pas.

Un honorable député d’Anvers a parlé de deux projets de loi, sur la pêche et sur les exportations maritimes présentés par le gouvernement ; mais le ministre des finances vient de parler d’un projet qui réunirait ces deux lois. Pour atteindre le but désirable, un nouveau tarif est nécessaire. Maintenant les pêcheurs vont en France, à Dunkerque, et là ils se livrent à l’importante pêche de la morue. Cependant nous avons trois ou quatre ports très favorables à la pêche ; il est donc urgent de faire en sorte que nos pêcheurs ne soient pas obligés de s’expatrier, et que le poisson hollandais ne soit plus introduit à Anvers sous le titre de poisson belge. Il faut prohiber le poisson de la Hollande et prendre des mesures pour en constater l’origine. Dernièrement, les tribunaux, saisis d’une affaire de contrebande, ont déclaré ne pouvoir condamner, parce qu’on ne constatait pas l’origine du poisson.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne sais pas à quel port appartiennent les pêcheurs que l’on dit avoir été arrêtés. Je demande des renseignements ; les députés d’Ostende et d’Anvers n’en ont aucun à me communiquer. Il m’en faudrait de précis à cet égard.

M. Desmet. - Messieurs, il paraît que les bateliers qui ont été arrêtés et conduits dans les prisons de Tergoes, comme les journaux l’ont rapporté, n’étaient réellement pas des pêcheurs, mais des bateliers d’Anvers qui se dirigeaient vers le Doel pour chercher du poisson hollandais, et qui, en passant à Lillo, s’étaient rapprochés trop près de la station hollandaise qui couvre les deux forts de Lillo et de Liefkenshoek. J’ignore s’il y a une ligne fixée, laquelle nos bateliers ne peuvent franchir ; mais, en tous cas, je dois aussi engager M. le ministre à prendre des informations pour s’assurer si le fait est vrai de quelle manière cette voie de fait a eu lieu, et si ces malheureux Belges se trouvent réellement dans les prisons hollandaises.

M. Gendebien. - Je prie M. le ministre des affaires étrangères de prendre des informations sur le fait que nous avons allégué ; ce fait est grave puisqu’il s’agit de privation de la liberté de plusieurs Belges.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne sais comment prendre ces informations. Tous ceux auxquels je m’adressent ne peuvent me rien dire de précis.

M. Gendebien. - Ce sont des pêcheurs de Kieldrecht qui ont été conduits dans la prison de Tergoes. Voilà les renseignements que j’ai recueillis dans tous les journaux du pays.

M. de Jaegher. - Je voudrais que l’on dît au paragraphe septième :

« Nous espérons, Sire, que les efforts du gouvernement parviendront à étendre au-dehors des relations commerciales basées sur une équitable réciprocité. »

Ces mots : « au-dehors » valent mieux que ceux du projet : « entre les nations. »

- L’amendement présenté par M. de Jaegher est adopté.

L’amendement de M. Dumortier, mis aux voix, est adopté.

Le paragraphe 7 ainsi modifié est également adopté.

Paragraphe 8

« L’exploitation de nos houillères, un moment ralentie après la révolution, a repris une puissante activité. La loi sur les mines, que nous avons à parfaire, en provoquant une plus large concurrence, fournira un nouvel aliment à la consommation sans cesse croissante. »

M. de Jaegher. - Je crois, messieurs, qu’il y a dans ce paragraphe une inversion qu’il faut éviter, et qu’au lieu de dire « en provoquant une plus large concurrence, fournira, etc., » il conviendrait de mettre : « fournira, en provoquant une plus large concurrence, un nouvel aliment, etc. »

- Le paragraphe ainsi modifié est adopté.

Paragraphe 9

« La nation n’a pas oublié, Sire, qu’elle a toujours dû une grande part de sa prospérité à sa riche agriculture, et avec Votre Majesté elle remercie la providence d’avoir accordé une récolte abondante aux vœux du cultivateur. »

- Adopté.

Paragraphe 10

« Notre système de communications et le développement qu’il reçoit, pourrait faire honneur à des nations plus vieilles en organisation que la nôtre. La haute entreprise du chemin de fer, la confection des routes ordinaires que la rivalité heureuse et féconde entre les provinces fait entreprendre, et l’amélioration et l’extension des voies navigables, permettront à la Belgique, par la facilité et l’économie des transports, de rivaliser plus avantageusement avec les peuples industriels. Le projet de loi sur les chemins vicinaux qui viendra compléter ce système de travaux publics, sera l’objet de notre sérieux examen. »

M. Donny. - Messieurs, c’est avec la plus grande surprise que j’ai vu dans le discours du trône que les travaux du chemin de fer se poursuivent avec activité. En jugeant de ces travaux par ce qui se passe dans ma province, je m’étais figuré que depuis que la route d’Anvers à Bruxelles est achevée, on ne travaillait plus aux autres sections qu’avec une déplorable lenteur.

Comme député de la nation, j’ai été agréablement détrompé en apprenant par le discours de la couronne que, partout ailleurs que dans les Flandres et le Hainaut, les travaux sont poussés avec vigueur.

Mais, comme député des Flandres, je dois demander à M. le ministre de l’intérieur quel peut être le motif qui le détermine à négliger pour ainsi dire complètement l’embranchement de ces provinces pour concentrer toute son activité sur les autres sections.

La section de Malines à Termonde qui devait, vous le savez, messieurs, être terminée vers le milieu de l’été dernier, ne l’est pas encore et ne le sera peut-être que pour le milieu ou même pour la fin de l’été prochain.

La section de Termonde à Gand ne marche pas avec beaucoup plus d’activité, et l’on ne peut encore conjecturer pour quelle époque les travaux seront terminés.

La section de Gand vers Bruges vient seulement d’être adjugée, il y a fort peu de temps, et ce qui est surprenant, c’est qu’à l’époque de cette adjudication, déjà si tardive, le tracé définitif de la route n’était pas encore arrêté ; j’ignore s’il l’est même encore aujourd’hui ; mais s’il l’est, ce n’est certainement que depuis fort peu de temps.

Quant à la section de Bruges à Ostende, dont les travaux auraient, en bonne justice, dû commencer en même temps que ceux d’Anvers à Malines, celle-là n’est pas encore adjugée, et l’on ne peut prévoir quand elle pourra l’être, car il paraît que jusqu’ici on ne s’est pas encore occupé sérieusement d’en arrêter le tracé définitif.

Je le répète donc, parce que la chose est de toute vérité, quoi qu’en dise le discours du trône, les travaux du chemin de fer dans les Flandres marchent avec une déplorable lenteur.

Le gouvernement peut m’en croire : s’il tient à ce que les habitants des Flandres croient à son impartialité et à sa volonté de protéger leurs intérêts à l’égal des intérêts de toutes les autres parties du royaume indistinctement, il est plus que temps qu’il s’occupe enfin sérieusement de l’embranchement des Flandres et y fasse travailler d’une manière active, et non pas d’une manière dérisoire, comme il l’a fait jusqu’ici.

M. Desmet. - Messieurs, nous devons reconnaître que depuis la révolution de septembre beaucoup de travaux publics, très utiles, ont été exécutés dans le pays, et qu’à cet égard la Belgique peut servir de modèle ; mais cependant il y a dans ce moment peu d’activité dans les ouvrages qui sont en exécution. Je vous citerai d’abord, comme vient de le faire l’honorable préopinant, la section du chemin de fer qui se fait dans les Flandres ; on peut dire que cet ouvrage avance avec une répréhensible lenteur et qu’on y met beaucoup d’insouciance.

Les fonds sont votés, les terrains sur lesquels les rails des sections de Termonde à Ostende doivent être placés, sont plats et ne présentent aucune difficulté, ni n’obligent à aucun remblais ni déblais ; il est donc très étrange pourquoi les travaux n’avancent presque pas.

Peut-être qu’on nous dira que les deux ingénieurs qui ont la direction exclusive des travaux des chemins de fer, ne peuvent se trouver sur toute la ligne et surveiller les travaux qui s’exécutent dans les différentes provinces ; mais je demanderai si notre direction des ponts et chaussées est si mal fournie en capacités, qu’il n’y a que les ingénieurs Deridder et Simon qui sachent diriger les travaux d’un chemin de fer ; mais tout le monde sait le contraire, et il est de fait que nous avons beaucoup d’excellents ingénieurs civils qui pourront, aussi bien que les deux ingénieurs spéciaux, diriger ces travaux. C’est donc une chose incompréhensible que M. le ministre ne veuille employer aux chemins de fer les autres ingénieurs ; je voudrais bien qu’il nous en fît connaître les motifs.

Nous avons vu que pendant cet été un haut fonctionnaire des ponts et chaussées a prêté ses soins et dirigé à peu près comme conducteur les travaux de dévasement d’un canal, qu’exécutait l’administration municipale d’une ville du royaume ; ce n’est pas que je veuille critiquer le zèle que ce fonctionnaire a montré pour cette ville, mais cependant il me semble que quand les travaux de l’Etat sont en souffrance, il est du devoir des fonctionnaires des ponts et chaussées de soigner ceux-ci avant de s’occuper de ceux d’une ville qui doit avoir ses employés propres.

Il n’y a que quelques jours que, sur le canal d’Alost à Termonde, on vient encore d’avoir un témoignage du peu d’ordre et de la grande négligence qui règnent dans les travaux d’exécution du chemin de fer ; on a choisi les derniers jours d’octobre pour baisser les eaux de ce canal afin de pouvoir jeter les fondements des culées d’un pont qui doit servir de passage au chemin sur ce canal ; vous devez avouer que l’époque de l’année est on ne peut pas plus mal choisie ; la saison est souvent pluvieuse, et les jours sont tellement courts, qu’on ne peut travailler que peu d’heures pendant la journée et que les travaux ne peuvent avancer qu’avec une grande lenteur. Aussi, au lieu que le travail de ces fondements eût été terminé en 15 jours ou 3 semaines, on a eu besoin d’environ 6 semaines, et tenir basses les eaux aussi longtemps, et comme vous sentez, au grand détriment de la navigation, du commerce et des usines qui se trouvent au bord du canal et de la Dendre. Les plaintes ont été fortes et se faisaient entendre de toutes parts ; les motifs en étaient bien simples ; tout commençait à manquer, et par l’achèvement les magasins de charbon se trouvaient vides et les diverses usines devaient chômer à cause du manque de combustible. Un grand nombre de personnes intéressées ont à ce sujet adressé une plainte à M. le ministre de l’intérieur ; nous devons espérer que l’administration y aura eu quelque égard et daignera faire soigner que désormais il y ait plus d’ordre et une meilleure surveillance dans l’exécution des travaux du chemin de fer.

Comme la section de ce chemin de Termonde à Ostende présente tant de facilité pour son exécution, que les terrains sont tous sablonneux et très plats, qu’il n’y a aucun mouvement de terrain à faire, qu’il y a grande facilité à faire arriver en toute saison les matériaux nécessaires, il nous semble qu’on peut faire continuer ces travaux pendant toute la saison d’hiver. Ce sera un moyen de procurer du travail à la classe ouvrière qui en manque souvent pendant cette saison, et comme nous l’avons vu il y a quelques jours, par l’exposé de M. le ministre des finances, que le chemin de fer donne un si grand revenu au trésor ; le gouvernement ne peut de même être que très intéressé à ce que les diverses sections du chemin s’achèvent le plus tôt possible, Il y a lieu d’espérer que l’honorable ministre de l’intérieur aura de même quelque égard à ces considérations et qu’il ordonnera que les travaux de la section de Termonde à Ostende soient mis en adjudication le plus tôt possible, et qu’on les entame sans retard sur toute l’étendue ; ce serait tout à fait contre l’intérêt du pays et au détriment du trésor que les sections des Flandres devraient dépendre de l’avancement des travaux vers l’Allemagne.

On ne conçoit même pas quels en seraient les motifs, car l’achèvement du chemin de fer entre Malines et Ostende ne peut faire aucun tort aux villes de Liége et de Verviers : pourquoi devrait-on priver le pays des avantages de cette partie achevée qui est très importante puisqu’elle ouvre un chemin de fer vers la mer et vers l’Angleterre ?

Messieurs, je dois encore signaler et attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur un ouvrage important de l’état qui est en souffrance ; je veux parler de la jetée et des autres travaux qui doivent se faire au port d’Ostende. Vous avez, messieurs, voté toutes les années de fortes sommes pour les travaux nécessaires et très urgents de ce port de mer. Eh bien ! on ne voit aucun avancement dans ces ouvrages, et pendant cette année on peut dire qu’on n’y a rien fait. On répondra que ce n’est pas la faute de la direction des ponts et chaussées, que ce n’est pas aux ingénieurs qu’on doit faire le reproche de négligence, mais que c’est la faute des entrepreneurs.

Nous croyons bien que c’est la faute des entrepreneurs ; mais pour un ouvrage si important, et qui requiert tant d’urgence, le devoir des ingénieurs n’est-il point d’exécuter les conditions du cahier de charge et de faire les travaux d’office ? Un tel exemple une fois donné, on ne verrait pas tant d’entreprises faites à la légère et par des personnes qui n’ont ni les moyens ni les capacités pour les entreprendre. Il nous semble que les travaux à faire au port d’Ostende sont d’une telle importance, que le gouvernement devrait tenir sur le lieu même et en permanence un ingénieur spécial jusqu’à ce qu’ils soient entièrement achevés…

C’est surtout nécessaire d’avoir un ingénieur spécial pour le port parce qu’il paraît constant que ce port est dans ce moment négligé ; on en a encore eu un exemple il n’y a guère longtemps : un pieu, dont la tête se pourrissait, avait été scié, et on n’avait pas eu le soin de le scier à profondeur suffisant, un navire chargé, arrivant dans le port, a couru dessus et s’est fait une telle ouverture, qu’une voie d’eau s’y est pratiquée, qui a causé une perte d’au-delà de 100,000 à la cargaison qu’il contenait ; tout le monde se demandait si le gouvernement n’était pas tenu à dédommager une perte, qui avait eu lieu par la propre faute de l’ingénieur du gouvernement. Il y a encore un autre point que je signale à l’attention de M. le ministre de l'intérieur, c’est la négligence qu’on met à faire manœuvrer les écluses de chasse : il paraît qu’on ne fait jouer que la petite, nommée la Française et que l’écluse militaire ne manœuvre plus ; cependant c’est celle-là qui contient le plus grand volume et qui serait la plus utile pour approfondir le chenal. Je ne puis donc assez répéter qu’il y a une urgente nécessité de désigner pour le port d’Ostende un ingénieur spécial, afin que les travaux commencés puissent être bien exécutés et achevés le plus tôt possible, car si on ajourne cet achèvement, le port pourrait beaucoup se gâter ; et très souvent des malheurs pourraient y avoir lieu.

M. de Puydt. - J’ai à vous proposer, messieurs, un léger changement au paragraphe que nous discutons en ce moment. Au lieu de dire : « La haute entreprise du chemin de chemin, » qu’on dît : « Les entreprises des chemins de fer. » Remarquez, messieurs, et l’adresse elle-même le reconnaît, que le grand développement industriel, qui promet une si haute prospérité à la Belgique, est dû en grande partie au concours de l’industrie particulière. D’ailleurs la chambre a consacré le principe de l’association, dans la loi sur les concessions. D’un autre côté, ne perdez pas de vue qu’il n’y a pas seulement en Belgique un chemin de fer, mais un grand nombre de chemins de fer ; outre celui qui s’établit au compte du gouvernement, l’industrie particulière en fait un grand nombre dans plusieurs provinces. Il serait bon de signaler cela dans l’adresse, et c’est pour cela que je propose mon amendement.

M. Demonceau. - Je viens aussi me plaindre, messieurs, du défaut d’activité qui règne dans les travaux du chemin de fer, et surtout dans la direction de Liége vers la frontière prussienne. A entendre deux de nos honorables collègues des Flandres, on travaillerait avec la plus grande activité partout ailleurs que dans les Flandres et le Hainaut.

Pour moi, je déclare qu’on ne travaille pas du tout du côté de Verviers ; et cependant je pense, et MM. les ingénieurs en sont même probablement convaincus, qu’il n’y a pas une partie de route plus difficile à faire que celle qui liera Liége à Verviers et cette ville à la frontière prussienne ; j’élève en ce moment des réclamations parce qu’il est de la dernière importance pour l’industrie en général et celle de Verviers en particulier, de voir l’achèvement du chemin de fer.

Vous le savez, messieurs, les houilles ont subi une hausse considérable, et si par la communication du chemin de fer on pouvait au moins économiser dans les transports (car toutes les houilles doivent venir de Liége et des environs), il y aurait moyen par là d’améliorer la position de nos industriels.

Je ne fais pas un crime aux ingénieurs de ce que les travaux n’avancent pas avec plus de rapidité ; je sais qu’ils font tout ce qui dépend d’eux. Mais il me semble qu’il est impossible que deux hommes, malgré la meilleure volonté du monde, puissent arriver à un résultat tel que nous devons le désirer.

Je fais donc ici des vœux, pour qu’on s’occupe avec plus d’activité de la partie de la route qui doit lier Liège et Verviers à la frontière prussienne ; car je suis persuadé que cette route ne sera pas de longtemps achevée, si les travaux se continuent avec la même lenteur qu’aujourd’hui ; je crains même de voir achever toute la partie d’ici à Liége avant qu’il ne s’agisse de mettre en adjudication celle de Liége à la frontière de Prusse : il est cependant de l’intérêt du trésor et de tout le pays d’atteindre le plus tôt possible cette frontière.

Je saisis donc cette occasion pour engager le gouvernement à s’expliquer sur ma réclamation, et j’ose espérer qu’il reconnaîtra que les plaintes qui s’élèvent de toute part dans le district qui m’a fait l’honneur de m’appeler à siéger ici ont certain fondement.

Le gouvernement nous dit que la charge de l’emprunt contracté pour la continuation du chemin de fer pèse en entier sur le trésor sans qu’il jouisse de tous les bénéfices à provenir de cette voie de communication, Il est un moyen facile, selon moi, de faire cesser cet état de choses, c’est de travailler à achever cette route le plus tôt possible, aujourd’hui surtout que l’argent ne manque pas ; et, dans mon opinion, elle ne sera réellement productive et avantageuse au pays que lorsqu’elle aura atteint la frontière prussienne : alors vous verrez bientôt (j’en ai la conviction) les industriels prussiens, secondés par leur gouvernement, s’entendre pour la continuer jusqu’à Cologne.

Je borne là mes observations pour le moment, et j’attends une explication des organes du gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je m’étonne de l’empressement que témoignent quelques députés d’obtenir l’exécution des travaux du chemin de fer dans leurs localités ; je prierai la chambre de porter son attention sur plusieurs points qui sans doute lui donneront un complet apaisement.

Le chemin de fer devait être commencé par la capitale (c’est ainsi qu’on l’avait décidé), pour aboutir à Anvers. Pendant qu’on a exécuté ces travaux, on s’est occupé également de la section de Louvain à Tirlemont, et ensuite de celle de Tirlemont à Liége, attendu que ces sections exigeaient des travaux plus longs ; on a aussi adjugé successivement la section de Malines à Termonde, celle de Termonde à Gand puis celle de Malines à Louvain, et enfin celle de Gand à Bruges : de cette manière les diverses provinces se trouveront presque simultanément dotées des avantages du chemin de fer.

Un honorable député d’Ostende a dit que jusqu’à présent le tracé du chemin de fer de Gand à Bruges n’est pas arrêté ; c’est là, messieurs, une grave erreur ; les terrains sur lesquels la route doit passer entre ces deux villes sont presque entièrement acquis ; et, par cette acquisition préalable, les travaux de cette section marcheront avec d’autant plus de vitesse.

L’étude du tracé du chemin de fer entre Bruges et Ostende se poursuit également avec activité ; et dès qu’elle sera complète, on procédera à l’adjudication des travaux ; de telle manière qu’on arrivera probablement à Ostende avant d’arriver à Verviers, ou au moins en même temps car, comme l’a dit un honorable membre, il n’y a pas de section du chemin de fer plus difficile à faire que celle de Verviers.

Messieurs, le zèle des ingénieurs ne s’est nullement ralenti dans l’étude de la route de Liège à Verviers ; mais cette étude présentait de très grandes difficultés. La question du plan incliné aux environs de Liège, la traversée du bassin de Liège et la direction sinueuse entre Liége et Verviers, présentaient de grands obstacles ; au surplus, j’ai la satisfaction de pouvoir vous annoncer que depuis peu de jours j’ai obtenu une partie des plans qui doivent servir à l’expropriation des terrains pour la section de Verviers.

Nous venons de mettre en adjudication la section de Bruxelles à Tubize et de cette manière le Hainaut se verra aussi prochainement doté de son embranchement.

On a demandé pourquoi les travaux déjà entamés n’avaient pas été confiés à la direction des divers ingénieurs en chef ; mais, messieurs, pour peu qu’on connaisse ce que c’est que l’exécution des travaux du chemin de fer, on comprend très facilement combien il était nécessaire qu’il y eût unité de pensée dans la direction des travaux de la ligne principale ; j’ajouterai que la décision prise sur les stations aux abords d’une ville sert souvent de précédent pour les stations d’autres villes, et que l’expérience qu’on acquiert dans ces sortes de questions en facilite la solution. Mais il est à remarquer que les deux ingénieurs du chemin de fer ont des subordonnés qui sont spécialement chargés de la conduite des travaux, tandis qu’eux s’occupent des questions les plus importantes.

Pour moi, messieurs, j’ai examiné la marche des travaux qui se font pour le chemin de fer, et je ne puis m’empêcher de déclarer ici que j’ai remarqué beaucoup d’activité dans les travaux, quoi qu’on en dise.

M. Dechamps, rapporteur. - Messieurs, vous voyez que tous les membres de cette chambre sont loin d’être d’accord avec M. le ministre de l’intérieur sur l’article des travaux du chemin de fer. La chambre s’est sans doute aperçue que la rédaction du paragraphe dans le projet de la commission diffère de la rédaction du paragraphe correspondant dans le discours du trône. Le projet de la commission mentionne simplement « la haute entreprise du chemin de fer, » sans s’expliquer sur la marche des travaux. Ainsi, messieurs, je pense que la chambre ne peut mieux faire que d’adopter la rédaction du projet, telle qu’elle vous est proposée, sauf toutefois la modification présentée par M. de Puydt, et à laquelle, pour ma part, j’adhère bien volontiers.

M. A. Rodenbach. - Vous savez, messieurs, qu’entre Gand et Lille il règne un immense mouvement commercial ; qu’il se fait annuellement entre ces deux villes pour plusieurs millions d’affaire ; le chemin de fer qui joindrait ces villes offrirait donc des avantages considérables aux concessionnaires, de même qu’au gouvernement.

Vous n’ignorez pas, messieurs, que les Flandres avaient conçu le projet d’un chemin de fer de Gand jusqu’à la frontière française ; toutefois, un amendement du sénat est venu entraver l’exécution de ce projet ; sans cette entrave, peut-être on aurait déjà pu, au moyen d’une concession, entreprendre les travaux de ce chemin de fer ; et le mouvement commercial déjà si grand entre Gand et Lille, aurait pris plus d’extension encore. Je pourrais citer de nombreux exemples ; je me bornerai à rappeler celui de Manchester et de Liverpool : les affaires entre ces deux places, depuis l’érection d’un chemin de fer, ont été triplées.

Je prie donc instamment M. le ministre de l’intérieur de nous présenter un projet de loi, tendant à autoriser la création d’une route en fer entre Gand et Lille ; et nous déciderons alors si l’entreprise doit se faire aux frais de l’Etat, ou par voie de concession.

M. Donny. - M. le ministre de l’intérieur vient en me répondant, de faire une déclaration qui, j’en suis sûr, fera une impression pénible dans les Flandres : il a dit que la section du chemin de fer vers Ostende serait terminée en même temps que celle de Verviers ; or, celle-ci est une des plus difficiles et ne sera terminée que dans plusieurs années d’ici, tandis que l’embranchement des Flandres est d’une construction extraordinairement facile et peut être terminée promptement, si l’on y met un peu de bonne volonté, Là, nulle difficulté, le terrain s’y trouve pour ainsi dire de niveau d’un bout à l’autre, et d’ailleurs il n’y a qu’un petit nombre de travaux d’art à exécuter. Une autre différence entre ces deux sections, c’est que celle de Verviers ne peut être productive qu’autant qu’elle soit liée aux autres sections ; jusque-là, elle ne peut être d’aucun rapport tant soit peu considérable, tandis que l’embranchement pour les Flandres donnera un produit notable aussitôt qu’il sera achevé.

J’espère donc que ce n’est que par erreur que le ministre a fait une déclaration aussi peu faite pour me tranquilliser, et qu’avant la fin de la discussion, il fixera à une époque plus rapprochée l’achèvement de l’embranchement des Flandres.

Des membres. - A lundi ! à lundi !

- La séance est levée à 5 heures.