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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du lundi 2 mai 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Rapport sur la passation du marché des lits militaires (Desmaisières,
Verdussen)
3) Projet
de loi portant création d’un conseil des mines. Mines de charbon. Interdiction
faite aux ingénieurs des mines d’être intéressés dans l’exploitation des mines
(Pollénus), composition (notamment incompatibilités)
du conseil des mines (de Theux, Fallon,
Verdussen, Verdussen, Fallon, Trentesaux, Verdussen, Dubus, Gendebien, Jullien, Gendebien, Fallon, de Theux, Pirmez, Gendebien, Jullien, Pollénus, Fallon, Gendebien, Jullien, Pollénus, Gendebien, Fallon, Dubus, Jullien,
Gendebien), mode de délibération (Pollénus,
de Theux, Jullien, Pollénus, Gendebien, Jullien, Gendebien, F. de Mérode, Pollénus, Dubus, Fallon, Gendebien,
de Theux, Coghen, Dubus, Jullien, de
Theux, Gendebien, Dubus),
interdiction faite aux ingénieurs des mines d’être intéressés dans
l’exploitation des mines (Pollénus, Gendebien)
(Moniteur
belge n°126, du 5 mai 1836 et Moniteur belge n°127, du 6 mai 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°126, du 5 mai 1836)
La séance est ouverte à une heure et demie.
M. de Renesse
procède à l’appel nominal. Il lit ensuite le procès-verbal de la séance
précédente, dont la rédaction est adoptée.
Le même fait connaître l’objet des pièces suivantes
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Les sieurs Louis-Joseph, Jean-Baptiste-Joseph,
François-Joseph et Henri-Joseph Salembier, nés en
France et domiciliés à Hérinnes (Hainaut), depuis
1815, demandent la naturalisation. »
_______________
« Le sieur Jos. Thielen,
propriétaire de la commune de Broekhuysen, né à Breyel (Prusse), domicilié en Belgique depuis 1814, demande
la naturalisation. »
_______________
« Le
sieur H. Desprets, né en France, domicilié en
Belgique, demande la naturalisation. »
_______________
« Les
fabricants de porcelaine de la ville d’Andenne adressent des observations
contre le projet portant des modifications au tarif des douanes en ce qu’il
concerne les porcelaines. »
_______________
- Les trois premières pétitions sont renvoyées au
ministère de la justice, et les deux dernières à la commission des pétitions
chargée d’en faire le rapport.
RAPPORT SUR
M. Desmaisières,
rapporteur de la commission chargée d’examiner le marché des lits
militaires, monte à la tribune et s’exprime ainsi. - Messieurs, la commission
que vous avez nommée à l’effet d’examiner le marché des lits militaires, m’a
chargé de vous présenter le résultat de son travail.
Comme le rapport est très volumineux, j’espère que
la chambre me dispensera d’en donner lecture, et qu’elle se bornera à en
ordonner l’impression.
Plusieurs
membres. - Lisez les conclusions du rapport.
M. Verdussen. -
Je demande que la chambre décide seulement l’impression du rapport, sans
ordonner que la lecture des conclusions soit faite ; car les conclusions étant
nécessairement la suite du rapport qui est très long, il est à craindre qu’on
ne se fasse une fausse idée des motifs qui peuvent avoir provoqué les
conclusions de la commission,
- La demande de M. Verdussen est mise aux voix et
adoptée.
En conséquence, le rapport de la commission sera
imprimé et distribué aux membres de la chambre, sans aucune lecture.
PROJET DE LOI PORTANT
CREATION D’UN CONSEIL DES MINES
Discussion des articles
Titre Ier. - Du conseil des mines
Article 2
M. le président. -
La discussion est ouverte sur les articles 2 et 4, qui ont été ajournés dans la
séance précédente.
« Art. 2. (rédaction de la commission). Le
conseil ne pourra délibérer qu’au nombre de trois membres.
« Les membres du conseil, ni leurs parents en
ligne directe, ne peuvent être intéressés dans une exploitation de mines.
« Les conseillers cessent de prendre part aux
délibérations si eux-mêmes ou leurs parents en ligne directe, conservent
pendant plus de six mois un intérêt dans cette exploitation.
« Ils ne peuvent exercer la profession
d’avocat.
« Ils ne peuvent prendre part aux
délibérations relatives à des affaires sur lesquelles ils auraient été
consultés avant leur nomination.
« Les délibérations du conseil sont soumises à
l’approbation du Roi.
« Aucune concession, extension ou maintenue de
concession ne pourra être accordée contre l’avis du conseil.
Par suite des amendements qui ont été proposés à
l’art. 2 par MM. Pollénus, Fallon, Liedts, Frison et le ministre de
l’intérieur, et qui ont été rapportés par M. Fallon dans la séance précédente,
l’article 2 se trouve rédigé comme suit :
« Art. 2. Le conseil ne pourra délibérer qu’au
nombre de trois membres ; son avis sera motivé.
« Les membres du conseil, ni leurs parents en
ligne directe, ne peuvent être intéressés dans une exploitation de mines ; ils
cessent en ce cas de prendre part aux délibérations.
« Ils sont censés démissionnaires, si eux-mêmes, ou
leurs parents en ligne directe, conservent pendant plus de six mois un intérêt
dans une exploitation.
« Ils ne peuvent exercer la profession
d’avocat ; ils ne peuvent prendre part aux délibérations relatives à des
affaires sur lesquelles ils auraient été consultés avant leur nomination.
« Tout membre du conseil des mines peut être
récusé pour les mêmes causes qui donnent lieu à la récusation des juges aux
termes de l’article 378 du code de procédure civile.
« La récusation sera proposée par acte
signifié au ministre de l’intérieur, avant que le conseil n’ait émis son avis.
« Le ministre, après avoir entendu le membre
récusé, statuera sans recours ultérieur.
« Si, par suite de récusation ou d’abstention,
le conseil ne se trouvait plus en nombre pour délibérer, il serait complété par
des membres suppléants.
« Les délibérations du conseil sont soumises à
l’approbation du Roi.
« Aucune concession, extension ou maintenue de
concession ne pourra être accordée contre l’avis du conseil.
« L’avis du conseil
sera précédé d’un rapport écrit fait par l’un de ses membres.
« Ce rapport contiendra les faits et l’analyse
des moyens.
« Il sera déposé au greffe ; la notification
du dépôt sera faite, aux parties intéressées, par huissier, en la forme
ordinaire, à la requête du président, et aux frais du demandeur en concession,
maintenue ou extension. Les parties seront tenues d’être domicilié à Bruxelles.
Les notifications seront faites à ce domicile.
« Dans le mois du dépôt les parties seront
admises à adresser leurs réclamations au conseil.
« Le conseil sera tenu de donner, par la voie
du greffe et sans déplacement, communication aux parties intéressées de ces
délibérations et de toutes les pièces qui concernent, soit les demandes en
concession, en extension ou en maintenue de concession, soit les oppositions ou
les interdictions. »
M. Pollénus propose le nouvel amendement suivant :
« Les ingénieurs des mines ne peuvent être
intéressés dans l’exploitation des mines situées dans la province où ils
résident. »
M. Pollénus. - Je n’ajouterai que peu de mots à
ce que j’ai déjà dit dans une séance précédente, pour établir la nécessité de
placer en dehors de tout intérêt l’opinion de personnes qui peuvent être
influentes et décisives, selon moi, sur les délibérations du conseil des mines.
L’article premier du projet prévoit le cas où le
conseil des mines doit requérir le concours des ingénieurs des mines. Je n’ai
qu’à admettre les prévisions du gouvernement qui a présenté cette proposition,
pour être sûr que trop souvent le concours des ingénieurs sera requis par le
conseil des mines.
Les motifs qui vous ont portés à exiger que les
conseillers des mines ne soient pas intéressés dans l’exploitation des mines
dont la concession est demandée, ces motifs, dis-je, existent avec plus de
force encore, quant aux ingénieurs des mines qui sont placés sur les lieux et
dont l’opinion ne manquera pas d’influencer la décision du conseil des mines.
Il me semble, messieurs, que, pour être conséquents
avec la disposition que vous avez déjà adoptée, vous devez également exiger que
les ingénieurs des mines n’aient aucun intérêt dans la solution des questions
sur lesquelles ils peuvent être consultés ; et remarquez que leur avis sera
demandé pour le plus grand nombre des affaires qui seront soumises au conseil.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
déclare se rallier à la nouvelle rédaction de l’art. 2.
M. Fallon, rapporteur.
- Avant que la chambre entame la discussion de l’art. 2, je serai observer que
cet article pourrait être divisé en deux parties.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense aussi que cet article peut et
doit être divisé en deux parties. Nous pourrons nous occuper de cet objet lors
du second vote.
M. Verdussen. -
Je pense aussi que l’article doit être divisé en plusieurs autres :
Le premier article pourrait être composé de 1er et
8ème paragraphes ; il serait ainsi conçu :
« Le conseil ne peut délibérer qu’au nombre de
3 membres. Son avis sera motivé.
« Les délibérations du conseil des mines sont
soumises à l’approbation du Roi. »
Ensuite, je ferais un article à partir des mots :
« Aucune concession. »
Enfin, je ferais un troisième article à partir des
mots : « Tout membre du conseil. »
Ainsi vous auriez trois articles : le premier, sur
la manière de délibérer du conseil ; le deuxième, sur l’objet de ses délibérations
; le troisième ayant uniquement trait aux membres du conseil et à leurs
récusations.
M. le président. -
On pourra régler au deuxième vote la division de l’article.
M. le ministre de la justice
(M. Ernst). - La chambre pourrait s’en remettre au bureau pour cette
division.
- La chambre passe au vote de l’art. 2, paragraphe
par paragraphe.
« Art. 2. § 1. Le conseil ne peut délibérer qu’au
nombre de 3 membres. Son avis sera motivé. »
- Adopté.
« § 2. Les membres du conseil, ni leurs
parents en ligne directe, ne peuvent être intéressés dans une exploitation de
mines ; et, dans ce cas, ils cessent de prendre part aux délibérations. »
M. Verdussen. -
C’est avec une espèce de timidité que je viens proposer de modifier une
rédaction admise par tous les membres de la commission. Mais je crois une
modification indispensable.
J’ai souvent entendu dire dans cette enceinte que
le langage des lois devait être simple et clair. Je ne crois pas qu’elle soit
conforme à cette règle une rédaction qui semble imposer des obligations aux
parents en ligne directe des membres du conseil. Que nous disions que les
membres du conseil, dans le cas où leurs parents sont intéressés dans une
exploitation de mines, cessent de prendre part à ses délibérations, je le
conçois ; mais je ne conçois pas que par une disposition législative nous
défendions aux parents en ligne directe des membres du conseil, sur lesquels
nous n’avons pas d’action, d’être intéressés dans une exploitation de mines.
Je crois qu’on obvierait à cet inconvénient en
rédigeant le deuxième paragraphe ainsi qu’il suit :
« Dans le cas ou les membres du conseil ou
leurs parents en ligne directe sont intéressés dans une exploitation de mines,
ils cesseront de prendre part aux délibérations du conseil. »
M.
Fallon. - Si on ne trouve pas suffisamment claire la rédaction de la
commission, j’adhère volontiers à celle proposée par l’honorable M. Verdussen.
M.
le président. - M. Trentesaux
vient de déposer l’amendement suivant :
« Les membres du conseil des mines cessent de
prendre part aux délibérations si eux-mêmes, leurs épouses, ou leurs parent en
ligne directe, sont intéressés dans une exploitation de mines. »
Plusieurs
membres. - Cela vaut mieux.
M. Verdussen. -
Je me rallie à M. Trentesaux.
M. Dubus. - Je
crois que dans l’intention de M. Trentesaux, si son amendement est adopté, il y
aura quelque chose à ajouter au troisième paragraphe. Il faudra dire :
« Ils sont censés démissionnaires si eux-mêmes, leurs épouses, ou leurs
parents en ligne directe, etc. » (Adhésion.)
- L’amendement de M. Trentesaux est mis aux voix et
adopté ; il formera le deuxième paragraphe de l’art. 2.
_______________
« § 3. Ils sont censés démissionnaires, si
eux-mêmes, leurs épouses, ou leurs parents en ligne directe, conservent pendant
plus de six mois un intérêt dans une exploitation. »
- Adopté.
« § 4. Ils ne peuvent exercer la profession
d’avocat ; ils ne peuvent prendre part aux délibérations relatives aux affaires
sur lesquelles ils auraient été consultés avant leur nomination. »
M. Gendebien. -
J’ai déjà fait remarquer à la chambre que la commission et le gouvernement
avaient jugé nécessaire et même indispensable d’exclure les membres du conseil
qui par eux-mêmes, leurs épouses, ou leurs parents en ligne directe, avaient ou
acquéraient un intérêt dans une exploitation de mines. J’ai demandé s’il
n’était pas nécessaire de s’expliquer sur les porteurs d’actions de sociétés
anonymes. J’ai fait remarquer qu’on aurait beau prendre des précautions contre
les porteurs d’actions nominales, cela n’aboutirait à rien. Car celui qui aura
une action nominale de 600 fr., ou dont l’épouse ou un parent en ligne directe
aura une telle action, sera exclu du conseil, sera obligé de donner sa
démission, tandis que si un million ou deux d’actions au porteur appartiennent
à un membre du conseil, à son épouse ou à ses parents en ligne directe, il n’en
restera pas moins pour cela membre du conseil. Avez-vous réfléchi à ce grave
inconvénient ? quel remède proposez-vous ?
Il faudrait pourvoir à cela ; et quand vous y aurez
pourvu, quel moyen aurez-vous de vérifier la possession au porteur ? Cependant
vous avez jugé indispensable d’exclure du conseil tout membre propriétaire
d’actions, soit par lui-même, soit par ses ascendants ou descendants, et vous venez
d’ajouter pour son épouse. Vous avez considéré cette exclusion comme une
condition essentielle de l’impartialité des membres du conseil ; que devient
cette impartialité si vous êtes dans l’impuissance d’en réaliser les conditions
essentielles ?
L’inconvénient que je
signale, vous n’auriez pas eu à le craindre si vous aviez admis la compétence
des tribunaux. Car si en première instance les juges avaient pu être influencés
par une considération que vous jugez de nature à influencer les membres de
votre conseil des mines, au moins les juges d’appel auraient pu rectifier les
erreurs de la première juridiction ; ces erreurs eussent été d’ailleurs moins
fréquentes, précisément parce qu’en juridiction ordinaire le premier juge sait
qu’il sera contrôlé par le juge supérieur et par la cour de cassation, et par
un juge supérieur à tous, la publicité.
C’est pour éviter tous les genres d’erreurs que le
législateur a admis, pour les affaires au-dessus de mille francs, deux degrés
de juridiction. Il a jugé cette précaution nécessaire pour les affaires d’une
valeur de mille et un francs. Et dans les questions de mines, dans des affaires
où il s’agit souvent de plusieurs millions, un jugement définitif est rendu par
trois hommes, sans les mêmes garanties et sans pouvoir réaliser les garanties
que vous avez jugées vous-mêmes indispensables en raison de la composition de
votre conseil et de la nature de ses fonctions.
Vous voyez donc que plus vous avancez dans votre
système, plus votre loi devient mauvaise, absurde même.
M.
Jullien. - Cette loi-ci, comme toutes les autres, ne peut faire que ce
qui est possible. Qu’est-ce que le législateur veut ? que
le conseiller des mines n’ait aucun intérêt dans une exploitation de mines. Et,
lorsqu’il dit que les conseillers des mines ne pourront conserver l’intérêt qui
viendrait à leur échoir, soit à titre successif, soit autrement, il me semble
qu’il exclut tous les genres d’intérêt que peuvent avoir les conseillers des
usines dans ces exploitations, et que ces termes embrassent l’intérêt prévu par
l’honorable M. Gendebien, et qui résulterait de la possession d’actions au
porteur par le conseiller, son épouse, ou son parent en ligne directe.
« Mais (dit l’honorable préopinant), quel est
le moyen de reconnaître cet intérêt des conseillers ? » S’il n’est pas
possible de reconnaître cet intérêt chez les conseillers, il ne serait
davantage possible de le reconnaître chez les juges. Car, le conseiller qui se
reconnaît des motifs de récusation doit les déclarer comme le fait un juge.
Nous devons supposer que les conseillers auront la conscience de faire
connaître leurs motifs de récusation.
C’est toujours pour revenir à cette question :
qu’il faut de toute nécessité soumettre au tribunal tout ce qui concerne les
mines, tout ce qui est soumis au conseil des mines ; c’est toujours dans ce
cercle que court le préopinant.
Mais je ne vois pas que l’on eût une plus grande
garantie contre l’intérêt du juge, soit qu’on la cherchât dans l’ordre
judiciaire, soit qu’on la cherchât dans l’ordre administratif. L’honorable
préopinant dit : « Si vous avez affaire aux magistrats de l’ordre
judiciaire, au moins on pourra appeler de leur décision.» Mais est-ce que l’on
pourra mieux reconnaître cet intérêt invisible chez les juges d’appel que chez
les juges de première instance ?
Au reste, comme nous l’avons répété à satiété, le
conseil des mines n’émet qu’un avis qui ne touche en rien au droit de
propriété.
Je crois inutile de revenir sur cette question qui
nous a occupés pendant 3 jours ; car en vérité, c’est bien assez.
M. Gendebien. -
L’honorable M. Jullien ne veut pas me comprendre. Je n’ai pas dit que les juges
d’appel pourraient établir la vérité du fait de savoir si les premiers juges
étaient oui ou non possesseurs au porteur. J’ai dit qu’il était impossible de
le constater, et que, comme vous avez reconnu la nécessité de prévenir
l’influence de la possession d’une action, vous avez dès lors reconnu la
nécessité d’une garantie qui, en définitive, vous échappe. J’ai dit qu’il en
serait autrement des tribunaux ; non pas que la cour d’appel reconnût mieux que
le tribunal de première instance si un membre possède une action au porteur ;
mais au moins, si les juges de première instance avaient commis une erreur, par
suite de l’influence que vous avez reconnue possible et dangereuse, les juges
d’appel, examinant et révisant leur décision, pourraient rectifier cette
erreur.
M. Jullien prétend que toutes mes résistances
aboutissent en définitive à faire adopter mon système ; prenez mon système.
Mais pourquoi pas, si je suis convaincu qu’il est
le meilleur, qu’il est le seul praticable ? Je ne comprends même pas comment il
peut éprouver de la résistance même de la part des hommes du gouvernement, car
la proposition que je fais est tout autant dans l’intérêt du gouvernement que
dans l’intérêt des parties ; le gouvernement a intérêt à ce que les concessions
soient accordées ; or, si le conseil des mines émet l’avis que la concession ne
doit pas être accordée, aux termes de la loi le gouvernement ne peut passer
outre ; il est arrête tout court devant un avis du conseil des mines, car il
est définitif ; tandis que si un tribunal, composé également de trois
jurisconsultes, donne un avis contraire, et que le gouvernement trouve
nécessaire d’accorder la concession, il a, comme tous les intéressés, son
recours par devant la cour d’appel, qui, examinant de plus près l’affaire, peut
avoir un avis différent.
J’ai dit que la chambre
tout entière avait reconnu l’influence pernicieuse que peut exercer sur un
membre du conseil la possession d’un intérêt par lui-même par son épouse, ou
par ses parents en ligne directe. J’ai dit qu’à cet égard vous n’avez rien fait
tant que vous n’avez pas prévu dans l’article l’intérêt résultant de la
possession d’actions au porteur, et que vous n’avez pas neutralisé cette
influence d’autant plus pernicieuse qu’elle sera occulte lorsqu’il s’agira au
porteur. Vous n’avez pas répondu à cette observation.
Je n’ai pas invoqué l’ordre judiciaire dans l’ordre
d’idées qu’on me suppose ; c’est-à-dire que la cour d’appel pouvait établir que
l’un ou l’autre serait propriétaire d’actions au porteur.
Je n’ai pas dit cela : J’ai dit qu’ayant deux
degrés de juridiction, les juges du deuxième degré pourraient réparer les
erreurs commises par les juges du deuxième degré. Voilà ce que j’ai dit, voilà
ce à quoi je demande qu’on réponde.
M.
Fallon, rapporteur. - J’ai demandé la parole pour faire remarquer à la
chambre que la proposition de l’honorable M. Gendebien ne remédie pas aux
inconvénients qu’il signale, que ces inconvénients existent dans son système
comme dans celui du projet. Il faudrait, selon M. Gendebien, pour qu’il y eût
des garanties suffisantes, qu’il y eût deux degrés de juridiction. Mais
l’inconvénient qu’il a indiqué affecterait aussi bien le deuxième degré de
juridiction que le premier ; car un conseiller à la cour d’appel peut aussi
bien posséder des actions au porteur qu’un juge de première instance ; il est
même probable qu’il en possédera plutôt qu’un juge de première instance.
Quand il y a un inconvénient, ce n’et pas une
raison pour ne pas faire une loi nécessaire ; quand il n’est pas possible d’y
porter remède, c’est une raison pour passer outre.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne ferai qu’une seule observation, c’est que si les conseillers des mines
ne se récusaient pas, alors que la loi leur en fait un devoir, ils
commettraient un acte malhonnête. Dès lors vous n’auriez pas de garantie, s’il
en existait qui fussent disposés à méconnaître ainsi leur devoir, qu’ils ne
subiraient pas d’influence plus directe.
Ainsi les observations de l’honorable préopinant
portent, ce me semble, le caractère d’une défiance et d’une crainte excessive.
M. Pirmez. - Je
ferai remarquer qu’il faudrait que l’on pût destituer les conseillers des mines
qui ne remplissent pas convenablement leurs fonctions ; car c’est précisément
parce que les membres des tribunaux sont inamovibles que j’ai repoussé leur
compétence.
M. Gendebien. -
On vous a dit que le remède proposé (d’abord, je n’ai pas proposé de remède),
enfin que les observations que j’ai présentées n’aboutissaient à rien,
puisqu’on pourrait trouver dans les tribunaux de première instance et dans les
cours d’appel des juges intéressés dans des mines ; mais, de bonne foi, il faut
avouer qu’il y a bien moins de chances d’influence intéressée, lorsqu’il y a
deux juridictions au lieu d’une. D’un côté, vous avez 3 jurisconsultes qui
prononcent définitivement ; de l’autre vous avez deux juridictions ; et en
définitive, s’il y a violation de la loi, vous avez encore le recours en
cassation.
On dit : Les juges d’appel peuvent aussi bien se
tromper que les juges de première instance. Mais, à ce compte, il faudrait en
toutes matières supprimer les deux degrés de juridiction. Vous voyez donc que
vous allez trop loin, que vous prouvez trop ; et, en bonne logique, qui prouve
trop ne prouve rien.
Ce n’est donc pas une
réponse acceptable. Il est évident, et la main sur la conscience, chacun doit
reconnaître, qu’il y a plus de chances de justice quand il y a recours à
l’autorité judiciaire.
L’inconvénient, que vous avez vous-mêmes signalé,
existe dans toute sa force, vous ne pouvez pas le laisser subsister. Vous
l’avez si bien reconnu vous-mêmes, que vous travaillez à le faire disparaître.
Dès que je prouve que le remède que vous voulez apporter à cet inconvénient n’y
remédie pas, il faut aviser à un autre remède. Or, il n’y en a pas d’autre que
de saisir les tribunaux ordinaires où la procédure est toute faite, et présente
toutes les garanties désirables, tandis que dans votre système vous n’en avez
pas ; toute votre besogne ne sera d’ailleurs pas terminée quand vous aurez voté
toutes les dispositions du nouveau projet de la commission ; vous aurez autre
chose à faire, vous aurez toute cette procédure à régler, et nous verrons
comment vous l’improviserez. J’aurai plus d’une interpellation à adresser encore
à la commission, plus d’une observation à adresser à la chambre.
Il est évident que pour qui veut faire usage de son
jugement, il n’y a aucun remède possible au mal que vous avez signalé, et
auquel vous avez reconnu la nécessité de porter remède, si vous persistez dans
le système que vous avez adopté. Il est évident pour tout homme consciencieux
et non prévenu que le seul remède c’est de recourir aux tribunaux, et celui-là
est complet sous tous les rapports.
M. Jullien. - Je
demande la parole. C’est pour faire remarquer que l’article premier étant voté,
il ne s’agit plus de revenir sur la question de juridiction. Ce ne sera qu’au
second vote qu’on pourra soulever de nouveau cette question. C’est une
observation que j’adresse à mon honorable collègue M. Gendebien et à la
chambre, que toute discussion sur ce point est maintenant inutile.
M. Gendebien. -
Il me serait donc interdit de faire voir les conséquences du premier vote :
alors que vous arrivez à une absurdité et que je la signale, peut-on me faire
un reproche de prouver que cette absurdité est la conséquence de votre premier
vote ? non ; puisque c’est peut-être le seul moyen de
faire sentir la nécessité de revenir sur ce vote.
Je dois donc saisir toutes les occasions de vous
montrer votre erreur, afin de vous empêcher de vous fourvoyer plus longtemps
dans un système vicieux. Vous trouvez vous-mêmes la nécessité de réformer le
système que vous avez adopté, car vous proposez vous-même un amendement qui
renverse votre premier vote. Vous aviez repoussé les conseillers honoraires, et
maintenant vous proposez vous-même de les admettre. C’est vous qui revenez sur
le premier vote.
Vous pourriez revenir sur un premier vote pour
maintenir une absurdité, et moi je ne pourrais pas revenir sur ce même vote
pour vous empêcher de consacrer cette absurdité. Il faut que les chances soient
égales ; il doit m’être permis comme à vous d’attaquer et de modifier le
premier vote.
Qu’on oppose de bonnes raisons à ce que j’ai dit,
et je m’empresserai de m’y rendre ; mais qu’on ne m’oppose point de misérables
lieux communs, de pitoyables fins de non-recevoir. (Aux voix ! aux voix !)
- Le 4ème paragraphe est mis aux voix et adopté.
________________
« § 5. Tout membre du conseil des mines peut
être récusé pour les causes qui donnent lieu à la récusation des juges, aux
termes de l’art. 378 du code de procédure civile. »
- Adopté.
« § 6. La récusation sera proposée par acte
signifié au ministre de l’intérieur, avant que le conseil n’ait émis son avis.
»
M. Pollénus. - Dans la disposition que la
chambre vient d’adopter, je vois qu’on a rendu applicables aux membres du
conseil des mines les lois ordinaires en matière de récusation. Je demanderai
pourquoi on s’écarte ensuite de ces lois quand il s’agit de juger la
récusation. D’après les lois générales sur la matière, la récusation est jugée
par le corps auquel appartient le membre récusé. Je demanderai le motif qu’on
peut avoir à déroger à ces lois. Il est nécessaire qu’un membre ou le
rapporteur de la commission justifie cette dérogation.
Je ferai remarquer un inconvénient qui pourrait
résulter de cet état de choses. C’est le gouvernement qui est juge des motifs
de la récusation.
Il me semble qu’il faut attribuer une certaine
indépendance aux membres du conseil des mines. S’il appartient au gouvernement
d’apprécier les causes de récusation des membres de ce conseil, il pourrait,
s’il le voulait, écarter des membres qui le gêneraient, et donner l’entrée du
conseil à des suppléants. Je crois que ces suppléants ne présenteront pas
toujours les mêmes garanties que les membres du conseil. D’abord je ne veux pas
dans la loi qu’on propose de les salarier. Peut-être, ensuite, n’exigera-t-on
d’eux les mêmes connaissances ? Enfin, en laissant au gouvernement
l’appréciation des motifs de la récusation, on s’écarte des règles ordinaires
en matière d’appréciation des motifs de récusation. A moins qu’on ne me donne
des motifs qui justifient la disposition proposée, je serai forcé de voter
contre.
M. Fallon, rapporteur.
- Si l’auteur de l’amendement, M. Liedts, était présent, il en donnerait les
motifs. La commission n’a trouvé aucun inconvénient à accorder la garantie
qu’on demandait ; seulement elle n’a pas pensé qu’en matière administrative on
dût faire juger les motifs de la récusation comme en matière judiciaire.
M.
Gendebien. - Il m’est désagréable de devoir toujours revenir sur les
mêmes observations. Les récusations à l’égard des membres du conseil des mines
sont admises dans les mêmes cas que pour les autres juges. Nous voilà dans
l’ordre de la juridiction judiciaire. Mais aussitôt après on rentre encore dans
les mêmes irrégularités, dans le même arbitraire.
C’est le ministre qui juge de la récusation, ce qui
est contraire à toutes les idées reçues dans toutes les législations. C’est le
ministre qui prononcera sur les motifs de récusation ! Ainsi le conseil se
trouve composé d’hommes du gouvernement. Ils sont amovibles ; ce n’est pas
encore assez. Le gouvernement, étant juge de la récusation, l’admet ou l’écarte
selon son bon plaisir, c’est-à-dire qu’il compose le conseil selon ses vues, ou
selon les exigences de ses serviles complaisants. Et puis en définitive il
vient encore juger l’avis de ce conseil.
Mais, comme l’a fort bien fait remarquer M.
Pollénus, il pourra arriver qu’on écarte le membre ou les membres du conseil
qu’on saura d’avance être peu favorables à tel système, car il dépendra du
ministre ou de quelque chef de bureau de les faire sortir du conseil devant la
récusation la plus mal fondée, et d’introduire dans le conseil des hommes qu’on
saura intéressés à ce que tel avis prévale plutôt que tel autre. Mais c’est là
de l’arbitraire, c’est l’arbitraire le plus machiavéliquement organisé.
Où sont alors les garanties promises par la
composition du conseil ? La grande objection qu’on me faisait sans cesse était
l’immense garantie que présenterait la composition du conseil : c’était pour
maintenir intacte cette garantie qu’on avait repoussé les suppléants, parce
qu’ils n’inspiraient pas, disait-on, la même confiance ; et maintenant vous les
réintroduisez dans cette judicature tout exotique. Et vous faites disparaître
toute cette garantie tant vantée qui devait faire crouler le système que je
proposais.
Vous ruinez les assurances tirées de la composition
du conseil, puisqu’il dépendra toujours du ministre de composer le conseil
comme bon lui semblera.
Voilà une chose encore à laquelle je défie de
répondre.
M.
Jullien. - On s’est opposé à la création du conseil des mines, parce
qu’on ne trouvait pas de garanties dans les membres qui le composeraient. Tout
le monde a cherché à donner les garanties qu’on réclamait, et dans ce but
l’honorable M. Liedts a proposé d’appliquer au conseil l’art. 378 du code de
procédure qui admet la récusation pour une multitude de cas. Vous pouvez voir
qu’il y a une infinité de circonstances qui donnent ouverture à la récusation.
Cet amendement, la commission le trouvait d’abord trop étendu ; mais ensuite
elle l’a admis pensant qu’on ne pouvait donner trop de garanties. Et voilà
qu’on veut rétorquer contre elle les garanties que la commission a jugé à propos
d’adopter,
« Mais, dit M. Pollénus, pourquoi vous
écartez-vous de la législation en ce qui touche l’appréciation de la récusation
? C’est le corps même auquel appartient l’individu récusé qui est juge des
motifs de la récusation. Cela se pratique ainsi devant les tribunaux. » On
peut lui répondre d’abord que ce qui se pratique devant les tribunaux ne doit
pas faire loi pour ce qui se pratique dans l’ordre administratif. Dès l’instant
que vous avez placé les attributions du conseil d’Etat dans le conseil des
mines, que ce conseil doit remplacer le conseil d’Etat, du moins la section des
mines, vous l’avez placé dans l’ordre administratif. Il ne fallait pas un grand
effort de génie pour trouver qu’on devait attribuer à l’autorité supérieure
administrative le jugement de récusation des membres de ce conseil.
C’est la une garantie de plus. Pourquoi les corps
judiciaires sont-ils juges des motifs de récusation de leurs membres ? Parce
qu’on ne peut pas aller en appel faire juger la récusation par des juges supérieurs.
Il n’y a aucune autorité auprès du corps judiciaire pour décider ; il faut bien
abandonner le jugement de la récusation aux hommes avec lesquels le récusé est
habituellement. Si on avait à la main le juge d’appel, je crois qu’on ferait
bien de le prendre pour juger des motifs de la récusation. C’est ce qu’on a
fait ici ; on a voulu que ce fût l’autorité administrative supérieure, le
gouvernement, qui prononçât.
Je crois que c’est une garantie de plus. C’est une
réponse qu’on peut faire aux deux honorables préopinants.
M.
Pollénus. - Il n’entrait nullement dans ma pensée de rétorquer contre
la commission une proposition faite en vue de donner des garanties. Mais je
pense que des propositions faites en vue de donner des garanties doivent être
bien pesées, pour voir si elles atteignent le but que leurs auteurs se sont
proposé.
Je dis moi que l’auteur de l’amendement n’a pas
atteint le but qu’il se proposait ; car, au lieu de donner des garanties, il
n’en donne réellement pas. On a tort d’admettre l’application de règles
judiciaires en matière administrative, sans suivre la règle ordinaire. La
manière d’administrer les mines a tant d’affinité avec la manière de juger,
qu’il faut procéder pour le conseil comme pour les tribunaux.
Je ne prétends pas qu’il faille suivre les mêmes
règles en matière administrative qu’en matière judiciaire ; que, parce qu’une
chose existe dans l’ordre judiciaire, il faille l’appliquer à l’administration
; mais je prétends que lorsqu’il y a les mêmes motifs, dans un cas comme dans
l’autre, de suivre une règle identique, il ne faut pas s’en écarter. On ne m’a
rien objecté de plausible pour établir une différence dans la circonstance dont
il s’agit.
Toutes les décisions du conseil des mines sont
soumises au gouvernement ; alors pourquoi ne pas laisser le conseil des mines
décider sur les récusations de ses membres ? Ainsi qu’on vous l’a dit, si vous
voulez des garanties, il faut laisser au conseil apprécier les raisons de
récusation que l’on fait valoir. Je me serais rallié à la proposition faite par
la commission si l’on justifiait la différence que l’on veut mettre dans
l’application d’une même règle.
M.
Gendebien. - L’honorable M. Jullien vous a dit : Pourquoi les juges ordinaires
jugent-ils eux-mêmes de leurs récusations ? C’est parce que, dans ces sortes de
questions, il n’y a pas de juges supérieurs ; mais, pour le conseil des mines,
c’est autre chose ; il prononce sur des choses purement administratives, et il
a un juge supérieur, le ministre.
Messieurs, l’honorable M. Jullien s’est trompé ; en
matière de récusation ordinaire, il y a un juge supérieur, puisqu’il y a appel
de tout jugement sur récusation. Qu’il veuille lire l’article 391 du code de
procédure civile, et il verra que :
« Tout jugement sur récusation, même sur des
matières où les tribunaux de première instance jugent en dernier ressort, sera
susceptible d’appel. »
Ainsi vous voyez qu’il y a toujours appel sur la récusation
même lorsque l’objet du litige n’est pas soumis à l’appel. La justification du
projet proposée par M. Jullien n’est donc pas admissible.
Il me semble que nous avons donné des motifs
plausibles pour appliquer la règle ordinaire aux matières de mines comme en
matière de juridiction ordinaire ; on n’a pas répondu aux raisons péremptoires
que nous avons développées, on n’a rien dit pour justifier l’opinion contraire.
En repoussant la mesure que
nous proposons, vous donnez au ministre la faculté de juger, et de juger seul ;
car il fera, ou il pourra au moins faire donner un avis comme il lui conviendra
; pour cela il lui suffira de faire proposer des motifs quelconques de
récusation contre les membres du conseil des mines, afin d’y introduire les suppléants,
hommes qui par leur position, sont ordinairement des complaisants, car ils ne
sont suppléants que parce qu’ils ont envie d’arriver au conseil ou à quelque
autre emploi. Ce sont des administrateurs en herbe et des hommes du
gouvernement ; ils font leurs premières armes et on sait ce que c’est que les
premières armes en fait d’administration.
Les suppléants feront assaut de servilité et de
complaisances ; voilà ce qui arrivera. Pour moi, je repousserai cette
disposition ; et à moins qu’on ne donne de bonnes raisons pour faire, en
matière de mines et dans le conseil, autrement que devant les tribunaux
ordinaires, je voterai le rejet du paragraphe.
M. Fallon, rapporteur.
- Voici quelques-uns des motifs qui ont déterminé la commission à ne pas
s’arrêter à la procédure ordinaire.
Il s’agit de matières administratives, et elles
doivent être expédiées avec célérité. Le conseil des mines ne juge dans aucun
cas ; il ne fait que donner des avis ; ainsi il ne peut juger même des
récusations. En matière judiciaire il y a recours à un tribunal supérieur ; en
matière administrative il n’y a recours qu’au ministre, donc le ministre doit
être juge des récusations ; et de cette façon les formalités sont simplifiées
et les affaires sont accélérées.
M.
Dubus. - Les motifs qui viennent d’être allégués en faveur de la
proposition de la commission, ne me paraissent pas concluants.
Le premier de ces motifs, c’est que nous sommes ici
en matière administrative ; mais la question de récusation n’est pas
administrative, elle est purement judiciaire. Cela est si vrai que c’est dans
le code de procédure civile que vous êtes allés chercher la règle ; or, ce sont
les tribunaux qui tous les jours appliquent ces règles ; et quand une
récusation est présentée contre un juge, elle est décidée conformément aux
règles que tracent les lois civiles. Ainsi ce n’est pas une question
administrative.
Du moment que vous admettez que les règles suivies
devant les tribunaux doivent être étendues au conseil des mines, les mêmes
questions doivent être jugées de la même manière ; il ne faut pas que le
ministre puisse trancher ces sortes de questions.
La seconde raison que l’on donne, c’est que le
conseil des mines ne juge pas, et ne donne qu’un avis ; mais on ne fait pas
attention que cet avis lie le gouvernement, puisque le gouvernement ne peut
concéder contrairement à l’avis du conseil.
En troisième lieu on dit : Mais le gouvernement
peut toujours réformer les décisions du conseil des mines. Cette assertion est
trop générale. Le gouvernement peut les réformer en ce sens que, si le conseil
des mines conclut à la concession, il peut ne pas adopter cette conclusion ;
mais si le conseil des mines est contraire à la concession, le gouvernement ne
peut pas réformer.
Je voudrais qu’une proposition fût faite sur
l’objet qui nous occupe. Il me semble que l’on a simplement critiqué la
disposition présentée par la commission, mais on n’y a rien substitué, de sorte
que je ne sais pas trop pourquoi nous délibérons.
(Moniteur belge n°127, du 6 mai 1826) M.
Jullien. - Une fois le principe de la récusation admis, comme garantie
réclamée, il fallait bien aussi examiner les motifs de cette récusation ; et
parce que l’on a trouvé dans l’art. 378 du code de procédure civiles des motifs
très bien détaillés, on prétend que nous sommes rentrés dans l’ordre judiciaire
; mais je ne crois pas cela. Quand je trouve dans un code une disposition bien
raisonnée et que je l’applique à l’administration, est-ce que cela je rentre
dans la procédure ordinaire ? Est-ce qu’on peut dire que nous rentrons dans
l’ordre judiciaire ? Evidemment non.
Pour récuser quelqu’un, il faut exposer une raison
; eh bien, nous en avons trouvé une bien précise, bien déterminée dans le code
de procédure, et c’est là que nous l’avons prise. Il n’y a rien autre chose
qu’un emprunt fait à une loi pour mettre dans une autre ; et c’est une chose
permise.
Le ministre pourra, dit-on, écarter, quand bon lui
semblera, un conseiller pour faire entrer à sa place un suppléant à sa dévotion
ou à la dévotion de ceux qui auront intérêt à faire écarter ce conseiller. Mais
remarquez que, pour écarter un conseiller, il faudra des motifs qui reposent
sur des faits déterminés et motivés.
Je regrette que l’honorable
auteur de l’amendement ne soit pas ici pour développer les motifs qui l’ont
déterminé à le présenter. Mais je pense que l’honorable M. Fallon et moi-même
avons, dans le peu de temps que nous nous sommes occupés de cette rédaction,
apprécié l’esprit dans cet amendement était conçu.
M. le président. -
Il n’y a pas d’amendement déposé.
M. Gendebien. -
Pardon, M. le président ; M. Pollénus a proposé le retranchement de ce
paragraphe :
« Le ministre, après avoir entendu le membre
récusé, statuera sans recours ultérieur. »
Je pense aussi que cet article doit être retranché.
Le ministre fera ensuite comme il pourra. Ce n’est pas à nous à improviser tout
un code de procédure ; c’est à ceux qui croient en définitive qu‘ils pourront
produire une loi exécutable, de présenter les moyens d’exécution. Cette
obligation ne peut être imposée à ceux qui considèrent la loi comme
essentiellement vicieuse dans sa base et comme inexécutable et pernicieuse dans
son exécution.
On vous a dit qu’on n’avait pas eu recours au code
de procédure, qu’on lui avait seulement emprunte les motifs de récusation.
Est-ce une raison pour déroger aux règles de la procédure ? Si vous avez admis
les motifs de récusation, il est juste et nécessaire d’adopter les règles
tracées dans ce code de procédure ou au moins d‘établir des règles pour leur
application. Autrement vous abandonnez la composition du conseil à
l’arbitraire, au bon plaisir d’un ministre ou d’un chef de division. Le
ministre pourra faire sortir du conseil un ou deux membres qui pourraient gêner
une délibération et qu’il prévoira devoir donner un avis défavorable à ses vues
: vous savez que quand l’avis du conseil des mines est défavorable, le
gouvernement ne pourra concéder ; or, si le gouvernement veut concéder, veut
accorder la concession à un courtisan, à un de ces nombreux amis toujours
dévoués à tous les pouvoirs qui enrichissent, eh bien, il fera récuser un ou
deux membres du conseil, et le fera remplacer par un suppléant sur l’avis
favorable duquel il pourra compter.
D’un autre côté il peut arriver que le gouvernement
refuse de récuser un membre du conseil essentiellement récusable, et qui ne
peut siéger sans manquer à sa conscience et à l’honneur du conseil. Ainsi vous
allez forcer les membres du conseil à siéger avec un collègue qui se trouve
dans des cas évidents de récusation ; et d’un autre côté vous forcerez le
conseil à siéger avec les suppléants qui pourraient être récusés ou qui
remplaceront des membres effectifs qui n’auraient pas dû être récusés. Quel
effet voulez-vous que cela produise dans le conseil ! Que de sujets de
défiances d’irritations, de dissensions pour les hommes probes qui siégeront au
conseil ; que de moyens d’intrigues et de lucratives iniquités pour les
intrigants en dedans et en dehors du conseil !
Je pense que, si vous ne déférez pas à ces
observations vous portez vous-mêmes le coup de mort au conseil que vous voulez
établir.
- On passe au vote des paragraphes.
« § 6. La récusation sera proposée par acte
signifié au ministre de l’intérieur, avant que le conseil n’ait émis son
avis. »
- Adopté.
________________
« § 7. Le ministre, après avoir entendu le
membre récusé, statuera sans recours ultérieur. »
- Adopté.
________________
« § 8. Les délibérations du conseil des mines
sont soumises à l’approbation du Roi. »
- Adopté.
________________
« § 9. Aucune concession, extension ou
maintenue de concession ne peut être accordée contre l’avis du conseil. »
- Adopté.
________________
« § 10. L’avis du conseil sera précédé d’un
rapport écrit, fait par l’un de ses membres. »
- Adopté.
« § 11. Ce rapport contiendra les faits et
l’analyse des moyens. »
M.
Pollénus. - Je crois devoir appeler l’attention de la chambre sur
l’amendement que j’ai eu l’honneur de proposer.
L’honorable président de la commission, en rendant
compte de ses délibérations, a dit que la commission, ayant adopté l’amendement
de M. le ministre de l’intérieur, avait écarté le mien comme inutile.
Il est vrai que la plus grande partie de la
proposition que j’ai en l’honneur de faire se trouve comprise dans l’amendement
qui a été ensuite proposé par M. le ministre de l'intérieur. Cependant cet
amendement ne contient pas tout ce que contenait sa proposition. Je pense donc
que l’adoption de cet amendement ne justifie pas le rejet de la partie de ma
proposition qui a été écartée. Voici ce dont je veux parler : j’avais propose
par mon amendement de donner aux parties le droit d’être présentes à la lecture
du rapport. J’avais par là en vue de donner aux parties la garantie que le
conseil ne serait influencé par d’autres moyens de conviction que par ceux que
les parties intéressées seraient à même de connaître. Je donnais ainsi aux
parties une sorte de publicité, et je ne conçois pas comment on a pu écarter
cette publicité comme inutile, tandis que la publicité est toujours regardée
comme un véritable bienfait, comme une garantie contre certaines erreurs du
juge. On m’objectera peut-être ici qu’il s’agit de matières administratives.
Mais il y a une telle affinité entre ces matières et les matières judiciaires
que vous êtes obligés de recourir aux formes judiciaires. Le paragraphe en
discussion m’en fournit un exemple ; car en matière administrative, les
notifications se font par correspondance. Cependant on propose de les faire par
ministère d’huissier.
La lecture du rapport prouvera aux parties que le
juge a pris connaissance des moyens qu’elles ont fait valoir. Et je dis que si
la publicité est un bienfait en général, dans les matières judiciaires, en
l’admettant partielle, elle sera une garantie pour ceux qui auront des
réclamations à débattre devant le conseil des mines.
Il ne me paraît pas que la commission spéciale ait
justifié le rejet de ma proposition en la disant inutile, comme comprise dans
l’amendement de M. le ministre de l'intérieur, puisque je ne trouve pas dans
cet amendement d’équivalent à ma proposition. Si j’y trouvais cet équivalent,
je n’insisterais pas comme je le fais pour l’adoption de ma proposition.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable membre a dit que si ma proposition contenait un équivalent à
celle qu’il avait faite, il n’insisterait pas ; or, il suffit d’une simple
lecture des deux propositions pour se convaincre que ma proposition est plus
complète que celle de l’honorable membre. En effet, il dit : « La fixation du
rapport sera annoncée aux parties intéressées qui pourront y assister, eux ou
leur fondé de pouvoir spécial. » Vous comprenez que ce n’est pas un grand
avantage que d’assister à une lecture fugitive d’un rapport. Les avantages sont
plus complets dans la proposition que j’ai eu l’honneur de faire et qui porte :
« L’avis du conseil sera précédé d’un rapport
écrit, fait par l’un de ses membres.
« Ce rapport contiendra les faits et l’analyse
des moyens.
« Il sera déposé au greffe ; la notification
du dépôt sera faite, aux parties intéressées, par huissier, en la forme
ordinaire, à la requête du président, et aux frais du demandeur en concession,
maintenue ou extension. Les parties seront tenues d’être domicilié à Bruxelles.
Les notifications seront faites à ce domicile. »
« Dans le mois du dépôt les parties seront
admises à adresser leurs réclamations au conseil.
Ainsi, les parties sont averties du dépôt du
rapport. Elles ont un moyen pour en prendre connaissance et produire leurs
observations sur son contenu. Cette garantie est assurément plus complète et
plus réelle que celle résultant de la faculté d’assister à la lecture fugitive
d’un rapport.
M.
Jullien. - Puisque l’honorable M. Pollénus insiste, je vais tâcher de
lui répondre quelques mots. La commission a été unanime pour rejeter
l’amendement de M. Pollénus.
Elle a été unanime pour reconnaître que l’amendement de M. le ministre de
l'intérieur est plus complet que le sien.
L’honorable M. Pollénus ne demande pas la publicité
des séances du conseil. Il demande seulement que les parties intéressées
entendent la lecture du rapport. M. le ministre de l'intérieur a pensé qu’il ne
suffisait pas de donner ces garanties, qu’il était plus convenable d’ordonner
qu’une copie du rapport fût signifiée aux parties intéressées, afin qu’elles
pussent soumettre au conseil les observations qu’il serait de leur intérêt de
lui présenter. Je demande si cela ne vaut pas cent fois mieux que ce droit
d’assister à la lecture d’un rapport. En effet, prenons pour exemple ce qui se
passe parmi nous.
Quand on présente un rapport, comme tout à l’heure,
que fait la chambre ? En ordonne-t-elle la lecture ? Non ; car si on faisait
cette lecture, au bout d’un quart d’heure personne ne l’écouterait. Mais elle
en ordonne l’impression et la distribution, afin que chacun puisse en prendre
connaissance. Dans le cas dont il s’agit ici, il y a également dans la
distribution du rapport une garantie plus grande qu’il n’y en aurait dans la
simple lecture de la pièce.
Je pense donc que l’honorable M. Pollénus trouvera
que si on a rejeté son amendement, cela a été pour donner quelque chose de
mieux à ceux dont il a plaidé les intérêts.
M.
Pollénus. - Je dois me défendre du reproche que l’on semble m’adresser
de ne pas vouloir autant de garanties que la commission.
Je commence par me demander si c’est bien
sérieusement que l’on compare un rapport devant une autorité semi-judiciaire
avec un rapport fait à la chambre. Ce qui intéresse principalement les parties
dans un rapport, c’est de voir de quelle manière les faits ont été présentés,
s’il n’y a pas eu à cet égard d’erreurs commises par le rapporteur. Il est bien
certain que ces erreurs seraient reconnues de suite, à une simple lecture. Il
n’en est pas de même assurément dans une question législative.
Mais je demanderai à mon tour à l’honorable M.
Jullien ou il trouve ces grandes garanties dans un rapport fait un mois avant
le délai fatal pour les réclamations.
Qu’est-ce qu’un rapport ? L’examen des faits ;
l’analyse des moyens invoqués par les parties. Que signifie donc un rapport
avant que les débats soient clos ? Il ne signifie rien. Le rapport n’en est pas
un ; car la cause peut changer entièrement d’état.
C’est donc à tort que l’honorable membre m’a
reproché de ne pas vouloir autant de garanties que la commission ; car il n’y a
aucune garantie dans un rapport qui ne peut rien constater.
Il est évident en effet que l’on réservera les
meilleurs moyens pour les derniers moments, afin que la partie adverse ne soit
pas à même de les combattre.
M. Gendebien. -
Le dépôt du rapport et des pièces, pendant un mois, peut sans doute remplacer,
jusqu’à un certain point, la lecture du rapport à l’audience. Mais cela ne
suffit pas. La lecture du rapport à l’audience donne une garantie que l’affaire
a été présentée d’une manière juste et impartiale. Mais il y a une autre
garantie plus essentielle assurée par cette publicité, c’est que les juges
auront pris connaissance du rapport, en assistant à sa lecture ; c’est dans ce
but principalement que le législateur a exigé la lecture du rapport en séance
publique.
Tout le monde sait que quand on jugeait à huis
clos, souvent le rapporteur jugeait à lui seul : soit paresse, soit excès de
confiance, on s’en rapportait à lui.
Le législateur a voulu donner aux parties la
garantie que tous les juges prennent connaissance de l’affaire. Cette garantie,
vous ne l’avez pas, si le rapport n’est pas lu en séance publique ou au moins
en présence des parties. Messieurs, rien ne vous garantira alors que chaque
membre connaîtra toute l’affaire. C’est encore une garantie qu’on veut ôter. Et
vous ne pouvez l’assurer que par la publicité ; des abus naîtront
nécessairement de cette dangereuse procédure à huis clos, et le danger sera
d’autant plus grand qu’un grand nombre d’affaires sera, dans le commencement,
soumis au conseil qui sentira la nécessité d’expédier promptement ; et pour peu
qu’il soit pressé, il ne manquera pas de faire ce qu’on faisait autrefois : souvent
le rapporteur jugera à lui seul ; et vous voulez, pour des affaires aussi
importantes, priver les intéressés des garanties que le législateur a jugées
indispensables pour les affaires ordinaires et souvent du plus mince intérêt ?
Ah, cela n’est pas possible, vous ne consacrerez pas une pareille iniquité.
Je crois, messieurs, que le moment est venu de vous
présenter d’autres observations qui tiennent à la procédure.
Si, dans les pièces du procès, si dans le rapport
une des parties s’aperçoit qu’on a abusé de son nom ou de son mandat, qu’on a
remis au dossier des notes ou mémoires contenant des aveux, des reconnaissances
qui peuvent compromettre ses intérêts ; comment fera cette partie pour réparer
le mal et en prévenir les conséquences ? En procédure ordinaire, le moyen est
très simple, c’est le désaveu qui est discuté et jugé contradictoirement, et il
y a une procédure établie pour juger le désaveu. Que fera le conseil en cas de
désaveu, soit contre une production de pièces, soit contre un écrit ? Le cas peut
se présenter ; personne n’oserait le nier.
Maintenant, dans le dossier
on reconnaît de pièces fausses ; que fera le conseil en présence de ces pièces
arguées de faux ? Les tribunaux en pareil cas sauraient ce qu’il y aura lieu à
faire ! Le code a réglé comment on doit procéder dans une demande en faux
incident. Il y a une infinité d’autres objections que je pourrais faire si
j’avais le temps d’examiner la loi de plus près. Mais que fera le conseil dans
ces deux cas ? Qu’on veuille bien me répondre.
Je me résume : l’honorable M. Pollénus a eu
parfaitement raison dans ce qu’il a dit, et j’ai eu raison aussi dans ce que
j’ai ajouté qu’il n’y avait plus de garantie que les deux membres appelés à
prononcer sur le rapport du troisième connaîtraient l’affaire. On ne peut pas
se dissimuler qu’avant que la procédure orale fût établie, il était reconnu que
c’était très souvent le rapporteur qui jugeait à lui tout seul.
Cette garantie qu’on trouve pour les plus minces
affaires, devant les plus minces tribunaux, vous l’enlevez aux propriétaires,
aux demandeurs en concession et extension de mines.
Alors que le conseil sera surchargé d’affaires, il
sera peut-être forcé bon gré malgré gré d’en agir ainsi, s’il ne veut pas être
accusé de négligence, de mettre du retard à juger les demandes en concession.
Après cela, s’il y a un désaveu à former, un faux incident à établir, le
conseil jugera-t-il lui-même ou renverra-t-il devant la justice ordinaire ? La
loi n’en dit rien. Le projet est donc tout au moins incomplet. Si on saisissait
les cours et tribunaux ordinaires, on n’aurait pas la moindre difficulté sur
ces points : la procédure est toute tracée, on sait comment marcher.
Continuez dans la voie où vous êtes entrés, et vous
verrez que, plus vous avancerez, plus vous vous embourberez.
M.
Jullien. - Je ne dirai que quelques mots pour répondre à l’honneur que
m’a fait M. Pollénus de m’interpeller. Il a dit que je ne pouvais pas confondre
un rapport devant cette chambre avec un rapport devant un conseil des mines ;
mais il ne m’a pas dit en quoi consistait la différence. Quant à moi, je tiens
qu’un rapport est toujours un rapport ; qu’il soit fait devant un conseil des
mines, devant un tribunal ou devant une chambre, un rapport est toujours un
rapport, s’il présente l’analyse raisonnée des moyens produits et des
conclusions, si tant est qu’il y ait des conclusions. La partie, dit-on, n’aura
pas le même avantage par la notification qui sera faite, que si elle assistait
à la lecture. Je demanderai ce qu’aurait fait la partie si elle avait été
présente à la lecture du rapport ; elle l’aurait entendu, et si elle avait
trouvé ses intérêts lésés, si elle avait remarqué des faits erronés ou
mensongers, elle aurait été surprise à la lecture de ce rapport ; en présence
de faits qu’elle ne connaissait pas, elle aurait été embarrassée pour produire
de suite des moyens de justification et de défense, tandis qu’elle aura sous
les yeux le rapport, elle sera éclairée par son conseil et pourra venir
produire non seulement ses moyens de défense, mais des pièces justificatives
qui pourront détruire les allégations du rapport. Il est évident que cette
manière de procéder présente plus de garantie que celle proposée par M. Pollénus.
Je répondrai à l’honorable M. Gendebien qu’il
revient toujours à nous dire : Prenez mon système ; avec mon système vous ne
rencontrez aucune espèce d’inconvénient ; les affaires marcheront très
régulièrement. Je ne dis pas qu’avec son système on ne puisse pas marcher, mais
cela n’empêche pas qu’avec le système que la chambre a adopté, les affaires
marcheront plus facilement, plus régulièrement et plus promptement.
Le désaveu dont il a parlé ne peut avoir lieu qu’à
l’égard d’un officier ministériel qui vous a représenté sans autorité pour le
faire. On aura à examiner, dans le cas de l’emploi d’un officier ministériel,
s’il avait une procuration ou non.
Il viendra un faux incident, on s’inscrira en faux
: que ferez-vous ? On fera ce qui est prescrit par la loi, ce qu’on fait en
pareil cas quand il y a faux incident ou en principal. Le faux en principal
constitue un crime. Le conseil verra s’il doit s’arrêter ou passer outre. Si
une pièce est incriminée de faux, elle appartient à l’autorité judiciaire, au
grand criminel. S’il y a crime de faux, aucune autre autorité que judiciaire,
que l’autorité criminelle, ne peut en connaître.
Ainsi je répondrai à tout cela par un dernier mot.
Ces incidents devaient se présenter devant le conseil d’Etat ; il s’en est
présenté, et le conseil d’Etat a trouvé moyen à une solution. Si le conseil des
mines est composé de jurisconsultes, comme on l’avait proposé dans le premier
projet, il pourra venir à bout de toutes ces difficultés. Je ne pense pas que
ce soit un motif pour arrêter plus longtemps l’attention de la chambre.
M. Gendebien. -
C’est une chose vraiment étonnante et déplorable que la facilité avec laquelle
on bouleverse toutes les idées en matière de droit et de judicature. On va
jusqu’à contester que le désaveu puisse avoir lieu. Contre qui, vous dit-on,
voulez-vous intenter un désaveu ; qui pourra désavouer ? Mais le demandeur en
concession, le demandeur en concurrence, l’opposant ou les opposants peuvent
désavouer un fondé de pouvoir, ou tout autre qui a pris faussement cette qualité.
Le faux ? Mais c’est un crime, dit-on ; le conseil
saura ce qu’il aura à faire. Il en saisira le grand criminel.
Que devient le faux incident ? On confond encore
une fois deux choses distinctes, on bouleverse toutes les idées. Une pièce peut
être fausse sans qu’il y ait lieu de traduire personne
devant la justice criminelle.
Le faux peut exister depuis un temps tel qu’il y
ait prescription de l’action criminelle. Le faux incident n’est pas porté au
grand criminel. La partie qui s’inscrit en faux, en poursuit l’instance devant
le tribunal saisi de contestation principale ; c’est même pour cela qu’on
l’appelle faux incident civil. Voilà la différence qu’il y a entre le faux
criminel et le faux incident civil.
Le conseil, dit-on, décidera comme faisait le
conseil d’Etat. Où est la règle qui trace la manière de procéder, comme faisait
le conseil d’Etat ?
Ne devons-nous pas craindre qu’on ne dise pour la
procédure ce qu’on nous dit pour les attributions. Le conseil des mines,
n’ayant à voir que des affaires administratives ; et les affaires
administratives se décidant administrativement, pourquoi ne voulez-vous pas que
le conseil décide aussi le désaveu et le faux incident administrativement ? Au
conseil d’Etat, il y avait au moins des règles ; le décret de 1806 traçait la
marche à suivre dans les cas de désaveu et de faux incident et tous les autres
cas : il y avait des règles. Faites-en, présentez-en pour exécuter votre
système.
On s’est obstiné à me dire
et à répéter malgré mes dénégations et mes démonstrations : Votre système
nécessite la création d’un code de procédure, tandis que dans le nôtre,
ajoutait-on, il n’y a pas la moindre difficulté. J’ai répondu constamment :
Dans mon système la procédure est toute faite tandis que, dans le vôtre, elle est
tout entière à faire. Et maintenant qu’on est forcé de reconnaître la nécessité
d’une procédure, on croit échapper à cette nécessité reconnue d’une procédure
en disant : On fera ce qu’on faisait autrefois. Mais autrefois le conseil
d’Etat avait une juridiction contentieuse ; il n’était pas tel que celui que
vous créez. Quand on prétend vous répondre, on devrait au moins prendre la
peine de le faire avec de bonnes raisons. Je ne conçois pas qu’on bouleverse
ainsi toutes les idées.
Vous aurez beau dire avec
votre système. Vous n’en sortirez pas, ou vous ferez de l’arbitraire toujours,
et en tout, de l’arbitraire.
Je ne puis pas concevoir, alors qu’on a fait un
code de procédure volumineux pour garantir les intérêts les plus minimes, qu’on
abandonne des propriétés, valant souvent des millions, à la discrétion du
gouvernement, dont l’influence sera toujours funeste pour lui-même comme pour
les intérêts qui seront livrés à son bon plaisir.
Vous venez d’abandonner les intérêts les plus
importants du pays au vague de l’arbitraire, même dans les règles de la
procédure, car on dit qu’on fera comme on a fait autrefois ; mais qu’on précise
au moins quelles règles on se propose de suivre, car il y en a eu de toute
espèce : suivra-t-on la procédure du conseil d’Etat de Guillaume ou celle du
conseil d’Etat de l’empire, ou bien encore cette de l’ancien conseil privé ?
Adoptez tout ce que vous voulez, mais précisez au moins le code que vous
adoptez.
M. F. de Mérode.
- La loi de 1810 l’établit.
M. Gendebien. -
La loi de 1810 n’établit pas de procédure. (Aux
voix ! aux voix !)
M. Pollénus. - Je
déclare maintenir la partie de mon amendement qui donne aux intéressés le droit
d’assister au rapport.
- L’amendement de M. Pollénus, ainsi réduit, est
mis aux voix et rejeté.
_______________
Les paragraphes 10,11 et 12 sont mis aux voix et
adoptés. Ils sont ainsi conçus :
« § 10. L’avis du conseil sera précédé d’un rapport
écrit, fait par l’un de ses membres. »
« § 11. Ce rapport contiendra les faits de
l’analyse des moyens. »
« § 12. Il sera déposé au greffe. La
notification du dépôt sera faite aux parties intéressées, par huissier, en la
forme ordinaire, à la requête du président et aux frais du demandeur en
concession, maintenue ou extension de concession. Les parties seront tenues
d’élire domicile à Bruxelles. Les notifications seront faites à ce
domicile. »
M. le président. -
la discussion est ouverte sur le paragraphe suivant :
« § 13.
Dans le mois du dépôt, les parties seront admises à adresser leurs réclamations
au conseil. »
M. Dubus. -
Remarquez qu’il pourra arriver que l’une des deux parties intéressées (en
supposant qu’il n’y en ait que deux) vienne présenter des pièces à l’appui des
réclamations à l’expiration du délai ; alors il se trouvera que l’autre partie
ne pourra y répondre. Il me semble que quelque chose manque à la disposition.
M. Fallon. -
Effectivement la commission a été frappée de l’inconvénient que signale
l’honorable M. Dubus, inconvénient qui se reproduit devant les tribunaux en
matière d’ordre ; mais il est difficile de le surmonter. Si vous accordiez à la
seconde partie 15 jours pour répondre, il faudrait ensuite 15 jours à la
première pour répliquer, et ainsi indéfiniment, car je ne sais pas trop où l’on
s’arrêterait. Nous avons cru qu’il fallait faire dans cette circonstance ce que
le code de procédure faisait en matière d’ordre. Il faut que la partie soit là,
le dernier jour, pour voir si des réclamations n’ont pas été faites. Nous avons
cru que le conseil pourrait toujours, après le mois, recevoir les réclamations
qui lui seraient adressées.
M.
Dubus. - L’honorable membre vient de dire que l’inconvénient que j’ai
signalé et qui a été reconnu par la commission, se présente aussi dans les
matières judiciaires, notamment en matière d’ordre : mais en matière d’ordre le
juge-commissaire fait son rapport à l’audience, et la partie est présente et
peut répondre. Je crois que l’exemple que l’on a cité ne prouve pas
l’existence, en matière judiciaire, de l’inconvénient que j’ai signalé.
La dernière observation faite par l’honorable préopinant
serait plus propre à satisfaire, puisque le délai ne serait pas fatal et que le
conseil pourrait encore admettre des réclamations après le mois ; mais je
crains qu’il ne doive en être autrement d’après la rédaction de l’article. Il
faudrait que l’on pût dire que le conseil aura la faculté d’accorder un délai
spécial à l’une des parties. Mais si on donne cette faculté au conseil, je ne
sais plus à quoi sert le paragraphe.
M. Fallon, rapporteur.
- On pourrait remédier à l’inconvénient en disant :
« Dans le mois du dépôt, délai qui pourra être
prolongé par le conseil, les parties, etc. »
M. Gendebien. - Mais vous voyez que, afin
d’éviter l’arbitraire dont on s’est toujours plaint, et qu’on nous assurait
vouloir écarter, on ne fait que lui donner un aliment de plus. Il semble
d’abord que dans le mois toutes les parties intéressées devraient, à peine de
déchéance, remettre leurs pièces. Il peut y avoir des inconvénients attachés à
cette règle, mais le remède que l’on propose est un inconvénient bien plus
grave. Vous voulez donner au conseil, et même au gouvernement, la faculté
d’accorder ou de ne pas accorder des délais ; eh bien, les délais ne seront
accordés qu’à ceux qui auront ce qu’on est convenu d’appeler une position
sociale, à ceux qui seront bien en cour, à ceux qui exerceront de l’influence
sur le conseil ou qui jouiront de ses faveurs, Quant aux hommes moins connus ou
mal en cour, ils seront repoussés impitoyablement.
Il faut donc établir une règle pour tous, ou ne pas
autoriser le conseil à recevoir de nouveaux mémoires ; c’est de l’arbitraire
tout pur que de lui accorder cette faculté sans règles fixes. Au conseil
d’Etat, cela était réglé.
Ici on a voulu le régler, mais d’une manière
incomplète ; en voulant compléter la disposition, on établit l’arbitraire. Il
faut des règles positives, il faut que chacun connaisse son droit il ne faut de
faveur pour personne.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense aussi qu’il ne faut rien
ajouter au paragraphe ; c’était là ma pensée quand je l’ai proposé.
De quoi s’agit-il ? Il s’agit de signaler au
conseil des lacunes où des erreurs dans le rapport, lacunes ou erreurs à
prouver par des pièces produites par les parties intéressées ; eh bien, chacune
des parties est invitée, par la disposition en discussion, à faire connaître au
conseil si le rapporteur a commis des inexactitudes ou des omissions. Je crois
qu’à cet égard les parties sont placées sur la même ligne, et que le paragraphe
contient tout ce qu’il doit contenir. Toute disposition additionnelle ouvrirait
plutôt la porte aux abus qu’elle n’améliorerait la loi.
M.
Coghen - Je crois qu’il serait dangereux d’accorder au conseil la
faculté de proroger le délai. Cependant, comme il n’y a pas de délai pour la
notification, elle pourrait être faite lorsque le délai est échu ; je voudrais
que l’on mît : « Dans le mois de la notification du dépôt, etc. »
M. Gendebien. -
L’observation faite par M. Coghen ne remédie pas au mal que j’ai signalé, et
elle est à peu près justifiée ; car on entend suffisamment qu’il s’agit du mois
qui suit la notification du délai du rapport. Le changement ne fait pas
disparaître le doute qui a été élevé, ni les injustices qui en vont naître. La
preuve c’est qu’on a déjà interprété l’article de deux manières. Le rapporteur
a dit que le gouvernement et le conseil pouvaient recevoir de nouveaux mémoires
et documents après le mois expiré, et le ministre a dit qu’il ne faut rien
changer au paragraphe, parce qu’il exprime suffisamment qu’aucune pièce ni
mémoire ne peuvent être ajoutés au dossier après l’expiration du mois du dépôt
des dossiers. Ainsi, ceux qui ont élaboré le projet de loi ne sont pas d’accord
entre eux ; tant il est vrai de dire que tout est simple, clair, précis dans le
système adopté et dans le projet en discussion.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois que nous sommes d’accord avec
le rapporteur de la commission, puisqu’il reconnaît lui-même que pour faire
droit aux observations présentées par M. Dubus, il fallait un article
additionnel, et que le mois expiré, aucune des parties ne pouvait être admise à
faire de nouvelles réclamations. S’il y avait doute à cet égard, il faudrait le
dire dans la loi.
M. Dubus. - Je
pense que les réclamations de l’une des parties peuvent être telles qu’il soit
de l’intérêt de l’autre partie de répondre. On peut même accorder un
prolongement de délai pour qu’il soit fait production de pièces assez
importantes. Le ministre veut priver les parties de la faculté de répondre, ou
de la faculté de produire de nouvelles pièces : eh bien, qu’arrivera-t-il ?
C’est que la partie qui aura des pièces capables de faire une forte impression
sur le conseil ne les produira pas d’abord ; elle attendra le délai fatal, pour
les déposer sur le bureau du conseil.
Cette disposition, messieurs, aurait des
inconvénients graves. Le ministre de l’intérieur dit qu’il ne s’agit que des
réclamations qui seraient faites sur le rapport. Mais le rapport n’aura pour
objet que les productions faites antérieurement ; or, pour répondre au rapport,
on pourra faire des productions nouvelles, cela est indubitable, ces
productions peuvent nécessiter des réponses, et si elles nécessitent des
réponses, vous ne pouvez les interdire.
La disposition que nous discutons est la première
qui met en quelque sorte les parties en demeure de fournir leurs moyens ;
jusque là rien ne les met en demeure. Ainsi, celles qui ont des pièces à
produire, des moyens à faire valoir, devront le faire ; et c’est alors que la
plupart le feront.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je m’aperçois que l’honorable préopinant n’a pas bien saisi le sens de ma
proposition.
J’ai dit dans mon amendement que l’on serait admis
à adresser des réclamations au conseil des mines contre le rapport, en cas
seulement que le rapport omît de signaler certains faits établis dans la
procédure antérieurement au rapport, ou qu’il contînt des faits erronés.
C’est dans ce sens que j’ai admis les réclamations.
Car, si l’on admettait, après que le rapport serait
fait, la production de pièces nouvelles, il n’y aurait pas de terme à
l’instruction des affaires ; il n’y aurait pas de motif pour qu’après avoir
donné un délai à la partie intéressée qui aurait produit l’avant-dernière, on
n’accordât un nouveau délai à l’autre partie pour répondre à une nouvelle
production.
M.
le président. - M. Dubus
propose d’ajouter à la suite du paragraphe : « Dans le mois du dépôt, les
parties seront admises à adresser leurs réclamations au conseil, » ces mots :
« qui pourra, selon les circonstances, accorder des délais ultérieurs pour
rencontrer les observations produites. »
M. Jullien. - Je
dois avouer que l’amendement de M. Dubus était dans la pensée de la commission.
Dès l’instant qu’on admettait les parties
intéressées à contredire le rapport fait dans la cause, on entendait
naturellement que si, dans le rapport, des faits mensongers étaient allégués,
la partie intéressée fût admise à les rectifier.
Nous avons pensé que dans telle ou telle
circonstance donnée, il appartenait au conseil d’ordonner, par exemple, la
communication d’une pièce non produite jusque-là.
Eh bien, l’amendement de l’honorable M. Dubus le
dit d’une manière plus explicite. Je l’adopte donc comme rentrant essentiellement
dans l’esprit de la proposition de la commission.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je dois donner quelques explications pour prouver que les termes s’opposent
réellement à l’interprétation que vient de donner l’honorable préopinant. De
quoi s’agit-il ? Si la disposition que j’ai proposée ne se trouvait pas dans la
loi ou dans les règlements d’administration faits en exécution de la loi,
n’est-il pas constant que le rapport n’aurait pas eu de publicité, qu’il aurait
été inconnu aux parties, et que le conseil aurait prononcé sur les conclusions
du rapport sans nouvelle instruction de la part des parties ? Je crois que cela
est incontestable. Mais j’ai reconnu qu’il pouvait y avoir des inconvénients à ce
que le conseil délibérât immédiatement sur les conclusions du rapport, parce
qu’il peut y avoir des erreurs, des lacunes dans ce rapport. C’est par ce motif
que j’ai proposé de prescrire le dépôt du rapport et la notification de ce
dépôt, afin d’admettre les parties à signaler les erreurs et les omissions que
le rapport a pu commettre.
Quant à la proposition de l’honorable M. Dubus, je
pense qu’elle présenterait plus d’inconvénients que d’avantages, parce que ce
serait de nouveau ouvrir le débat.
M.
Gendebien. - Je ferai d’abord remarquer que ce qui est déclaré
incontestable par M. le ministre de l’intérieur est précisément contesté par
MM. Fallon et Jullien, lesquels ne sont nullement d’accord avec lui sur le sens
et la portée du paragraphe en discussion.
Maintenant, on veut que, suivant les circonstances,
le conseil puisse rouvrir les débats. C’est encore de l’arbitraire. Il serait
bien plus simple de régler le délai dans lequel chaque partie sera obligée de
produire et de répliquer. Sans cela, il arrivera d’abord infailliblement que
chacune des parties déposera ses observations dans les derniers jours du mois,
afin que la partie soit égale, parce que si le dépôt avait lieu auparavant, une
des parties ayant connaissance des observations de son adversaire les
réfuterait en présentant ses propres observations sur le travail du rapporteur.
Le dépôt fait, le conseil peut ouvrir les débats.
Mais on ne s’occupera pas de suite de l’affaire. Six mois s’écouleront
peut-être avant qu’il ne s’en occupe ; c’est alors seulement qu’il s’apercevra
qu’il y a lieu de céder aux circonstances dont a parlé M. Dubus ; il autorisera
de nouvelles productions de pièces et mémoires : dans quels délais et dans
quelle forme ? Enfin, combien cette nouvelle instruction durera-t-elle ? La loi
n’en dit rien.
Si vous voulez faire quelque chose de raisonnable,
et éviter l’arbitraire, fixez un délai dans lequel chaque partie devra produire
ses mémoires et répliquer. Puis le conseil examinera le dossier définitivement,
quand toute la procédure sera complète. Si vous adoptez une autre marche, vous
n’en finirez pas !
M. Dubus. - Je
prie la chambre de remarquer que, dans la proposition que j’ai eu l’honneur de
faire j’abandonne à la sagacité du conseil, à sa conscience, de prononcer dans
ce cas, tandis que, selon M. le ministre de l’intérieur, alors que le conseil
des mines serait convaincu que, pour arriver à la connaissance de la vérité, il
serait nécessaire que les observations de l’une des parties fussent rencontrées
par la partie adverse, alors même il ne pourrait admettre la partie adverse à
présenter une réfutation. Ce serait injuste, ce serait odieux.
Il n’en est pas ainsi devant les tribunaux, où
cependant tout se traite d’une manière très sévère, où tous les délais sont
strictement calculés. Les juges, lorsqu’ils reconnaissent qu’il est de
l’intérêt de la vérité que des faits allégués par une partie soient rencontrés
par l’autre partie, rendent un jugement pour donner un délai pour répliquer.
Il résulte, au contraire, de la disposition du
projet que l’on ne peut arriver à la découverte de la vérité ! Voilà ce que je
ne puis admettre, ce que je ne pourrai jamais concevoir.
J’insiste de toutes mes forces pour l’adoption de l’amendement
que j’ai eu l’honneur de proposer.
- Les amendements de MM. Coghen et Dubus sont mis
aux voix et adoptés. Le paragraphe 13 de l’art. 2 est adopté dans son ensemble
avec ces amendements.
_______________
« § 14. Le conseil sera tenu de donner, par la
voie du greffe et sans déplacement, communication aux parties intéressées de
toutes les pièces qui concernent, soit les demandes en concession, en extension
ou en maintenue de concession, soit les oppositions ou les
interdictions. »
- Adopté.
« Paragraphe additionnel propose par M.
Pollénus. Les ingénieurs des mines ne peuvent être intéressés dans les
exploitations des mines situées dans leur ressort. »
M. Pollénus. -
J’avais d’abord proposé de dire : dans les mines situées dans leur province,
mais ayant appris que les ressorts des ingénieurs ne correspondaient pas aux
divisions par province, j’ai substitué le mot ressort au mot province, afin que
les ingénieurs consultés par le conseil ne pussent jamais se trouver juges et
parties.
M. Gendebien. -
Je demanderai si M. Pollénus entend présenter une disposition absolue ; si,
dans aucun cas, soit à raison de leurs relations avec le conseil des mines ou à
raison de leurs fonctions ordinaires, les ingénieurs ne pourraient être par
eux-mêmes, par leurs épouses, et par leurs parents en ligne directe,
propriétaires de mines dans le district administratif qui leur est soumis. Je
préférerais que la disposition fût pleine et entière à tous effets, à tous
égards, et que l’ingénieur ne pût être propriétaire de mines dans son ressort
administratif.
Il ne serait pas difficile de signaler les
inconvénients qu’il y a à ce qu’il en soit autrement.
Il y a une infinité de cas semblables. Les agents de
change, par exemple, ne peuvent faire les affaires dont ils sont les
intermédiaires. On ne peut se dissimuler l’influence d’un ingénieur des mines
sur le conseil.
M. le président. -
Voici l’amendement :
« Les ingénieurs des mines ne peuvent être
intéressés dans les exploitations de mines situées dans leur ressort. »
- Cet amendement mis aux voix est adopté.
M. le président. -
Je crois qu’il n’y a pas lieu à mettre aux voix l’ensemble de l’article 2, puisque
l’on est convenu que l’on en ferait plusieurs articles.
Je demanderai à la chambre à quel jour elle veut
fixer sa prochaine réunion.
Des voix. - A mercredi ! à jeudi ! à vendredi !
M. Coghen -
Beaucoup de membres ne seront pas de retour mercredi ; je proposerai jeudi pour
la prochaine réunion.
- La chambre consultée décide que vendredi sera le
jour de la prochaine réunion.
La séance est levée à cinq heures.