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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mercredi 24 février 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi relatif à la surveillance des condamnés libérés
3) Projet
de loi portant organisation des communes. Discussion des articles.
a) Attributions
du conseil communal. Actes du conseil communal soumis à l’approbation de la
députation permanente portant, notamment, sur la nomination du personnel des
établissements de bienfaisance (au vu des intentions des fondateurs) (Jullien, de Theux, Dubus, Jullien, Smits,
Dumortier, Desmet, Legrelle, Jullien), condition de
nationalité pour être agent communal (Jullien, Dumortier, Lebeau, Jullien, F. de Mérode, Gendebien, Dumortier, Rogier, Gendebien, Legrelle, Dumortier), envoi de
commissaires spéciaux (Lebeau, Dumortier,
Dubus, Lebeau, d’Huart,
Dubus, de Theux, Dumortier, Rogier, Dubus, Lebeau)
b)
Attributions du collège des bourgmestres et échevins. Mode de désignation des
bourgmestre et échevins (Doignon), attributions en
matière d’entretien des chemins vicinaux (Dubus, de Theux, Lebeau, de Theux, Dubus, Dumortier)
(Moniteur belge
n°56, du 25 février 1836)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Schaetzen fait l’appel nominal à une heure.
Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la
séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Dechamps
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le major Boulanger renouvelle sa demande
d’être réintégré dans son grade de major avec son ancienneté. »
_______________
« Le sieur Frans Dickschen,
ex-entrepreneur de travaux, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir
la liquidation de ses créances, ou qu’une enquête soit ordonnée à ce
sujet. »
_______________
« Le
sieur A. Bruyninckx réclame le paiement d’une somme
de fr. 841-50 du chef d’une pièce de terre vendue à l’Etat pour la route en
fer.
_______________
« Les
distillateurs de Liége adressent des observations sur la proposition du
gouvernement relative aux distilleries. »
- Cette pétition est renvoyée à la commission
chargée de l’examen du projet de loi relatif aux distilleries ; les autres
pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
PROJET DE LOI RELATIF A
M. Bosquet, au nom
du projet de loi relatif à l’examen du projet de loi relatif à la surveillance
des condamnés libérés, dépose le rapport sur ce projet de loi.
- La chambre en ordonne l’impression et la
distribution aux membres.
PROJET DE LOI PORTANT
ORGANISATION DES COMMUNES
Discussion des articles
Titre II. - Des
attributions communales (projet de loi relatif aux attributions des
administrations communales)
Chapitre Ier. Des
attributions du conseil communal
Article 10
M. le président. - La
chambre est parvenue au n°2° de l’art. 10. Ce numéro est ainsi conçu :
« 2° Les membres des administrations des
hospices et des bureaux de bienfaisance.
« Cette nomination est faite pour le terme
fixé par la loi ; elle a lieu sur la présentation d’une liste triple de
candidats, formée par l’administration de ces établissements.
« Les incompatibilités établies par la loi
d’organisation du corps communal relativement aux membres du conseil, sont
applicables aux membres des hospices et des bureaux de bienfaisance.
« Expédition des actes de nomination sera
transmise à la députation provinciale.
« Les membres de ces administrations pourront
être révoqués par la députation provinciale, sur la proposition de ces
administrations elles-mêmes ou des conseils communaux.
« Il n’est pas dérogé, par les dispositions qui
précèdent aux actes de fondations qui établissent des administrateurs spéciaux.
M. Jullien propose par amendement la suppression du
dernier alinéa de ce numéro.
La parole est à M. Jullien pour développer son
amendement.
M. Jullien. - Le
n°2° de l’art. 10 soumis à la discussion à principalement pour objet la
nomination des administrateurs des hospices et des bureaux de bienfaisance par
les conseils communaux. Le paragraphe premier de ce n°2 règle le temps pour
lequel les nominations sont faites. Le deuxième paragraphe règles les
incompatibilités établies par la loi entre les membres des différentes
administrations ; enfin le quatrième paragraphe détermine la manière dont ces
administrateurs peuvent être révoqués.
Voici le dernier paragraphe du n°2° dont je demande la suppression :
« Il n’est pas dérogé, par les dispositions
qui précèdent, aux actes de fondations qui établissent les administrateurs
spéciaux. »
Je vous prie de lire avec attention ce dernier
paragraphe ; et vous remarquerez, en le rapprochant de tous les autres du n°2°,
qu’il est absolument d’un tout autre ordre d’idées, d’un tout autre ordre de
législation ; et en effet le n°2° n’a pas d’autre objet en réglant les attributions
des conseils communaux, que de leur donner le pouvoir de nommer les
administrateurs des hospices et de bureaux de bienfaisance, de régler combien
de temps ils seront en fonctions, et comment ils seront révoqués. Que vient
faire ensuite cette disposition, d’un tout autre ordre législatif, par laquelle
on ajoute : « Il n’est pas dérogé, par les dispositions qui précédent, aux
actes de fondations qui établissent des administrateurs spéciaux ? »
Il est évident que cette disposition appartient
essentiellement à la législation sur l’administration des hospices, sur
l’administration intérieure et les attributions de ces établissements ; et de
plus ce dernier paragraphe attaque encore une législation bien plus importante,
celle qui règle la manière d’accepter les donations et legs au profit
d’établissements de charité, législation à laquelle on ne peut toucher sans les
plus grands dangers. Ainsi il est évident que ce dernier paragraphe n’est pas
là à sa place, et qu’il ne peut que jeter la confusion dans la législation dans
laquelle on l’introduit et dans la législation à laquelle il aurait dû
appartenir.
Je cherche vainement quelle a pu être l’intention
de ceux qui veulent introduire dans la loi cette disposition qui ne se trouvait
pas dans le premier projet soumis à notre discussion ; car elle ne peut avoir
aucun objet puisque la loi, de quelque manière que vous la conceviez, ne peut
avoir d’effet rétroactif, ne peut obliger que pour l’avenir, ne peut régler les
donations que pour l’avenir. Eh bien, s’il ne s’agit pas d’autre chose que de
régler les donations pour l’avenir aux hospices et aux établissements de
charité, nous avons, à cet égard, une législation complète dans l’art. 910 du
code civil. Vous savez que, d’après l’article 910, les établissements de
bienfaisance, les établissements publics ne peuvent accepter ni dons, ni legs,
ni donations, sans une ordonnance royale qui les y autorise. Si cette
disposition n’existait pas dans le code civil, il faudrait s’empresser de l’y
insérer, car je crois que l’observance de cette disposition n’a jamais été plus
nécessaire qu’à présent.
Vous voyez donc que s’il est fait un legs ou une
donation à un établissement de charité, il ne peut être accepté, d’après le
code civil, sinon en vertu d’une ordonnance royale. Alors, si dans la fondation
il y a une condition qui impose à cette fondation un administrateur autre que
celui des hospices, le gouvernement examinera s’il veut ou non accepter cette
donation avec cette condition ; s’il pense qu’elle doive déranger l’exécution
des lois sur les hospices, il n’acceptera pas. Si au contraire le gouvernement
trouve que malgré cette stipulation qui impose à la fondation un administrateur
autre que celui des hospices, la donation peut être acceptée, il l’acceptera,
en se soumettant à la condition qui l’accompagne, parce que la volonté du
donateur doit être sacrée. Ainsi, je demande quelle est la portée de cette
disposition. Vous ne pouvez obtenir aucun résultat pour l’avenir ; les
donations avec la condition d’un administrateur particulier seront rejetées ou
acceptées avec cette condition. Pourquoi donc insérer dans la loi que : « Il
n’est pas dérogé aux actes de fondations qui établissent des administrateurs
spéciaux ? »
Si cette disposition n’est pas utile dans l’avenir,
il ne m’est pas possible de ne pas penser qu’elle ait pour objet de rétroagir
sur le passé. Voici véritablement où est le danger que je crois devoir signaler
à la chambre. Si la disposition rétroagit sur le passé, quel sera son effet ?
Messieurs, dans toutes les anciennes familles qui avaient fait des donations ou
des fondations au profit d’établissements publics, les actes portaient que ces
fondations seraient administrées par ces familles. Dès lors ces familles
réclameront la propriété et l’administration ; car l’administration des revenus
ou la propriété, c’est absolument la même chose. Qu’en résultera-t-il encore ?
Les évêques, par exemple, le clergé, les fabriques réclameront aux bureaux de
bienfaisance les fondations originairement faites à leur profit, dont elles
devront être (ces fabriques) les administrateurs naturels, parce qu’elles
trouveront dans les titres que ces fondations doivent avoir une autre
administration que celle des hospices et des bureaux de bienfaisance ; elles
prétendront qu’il faut rendre cette administration à ceux à qui elle était
originairement confiée. Il est certain que de cette manière on viendra
déposséder les bureaux de bienfaisance et les administrations des hospices.
Si vous consultez le droit canon, vous y trouvez
qu’originairement les biens des pauvres ne faisaient qu’un avec les biens de
l’église ; il y avait trois parts dans les biens de l’église : une part
appartenait à l’église, une au service du culte et une aux pauvres. Voilà la
division qui existait anciennement de ces biens, qui ont fait l’objet d’une
multitude de donations.
Ces principes ne sont pas nouveaux ; ils ont dominé
dans la fameuse discussion à la suite de laquelle l’assemblée constituante a
déclaré les biens du clergé biens nationaux. Elle l’a déclaré ainsi, pourquoi ?
parce que ces biens appartenaient aux pauvres, aux
fabriques, auxquels ils n’avaient été donnés que dans des vues d’intérêt
public. Elle a fait ce raisonnement fort simple.
Si ces biens-là ont été donnés par les fondateurs
dans des vues d’intérêt public, ils appartiennent à la nation. Voila le grand
principe en vertu duquel l’assemblée constituante a déclaré ces biens
nationaux. Si vous compulsez les titres des anciennes donations, vous verrez
qu’elles ont toutes été faites sous la condition d’être administrées ou par les
parents du donateur, ou par les églises, ou par les évêques. Si vous rendez ces
fondations ou legs pieux aux familles des donateurs, aux églises ou aux
évêques, qui prétendent avoir le droit de les administrer, je vous demande ce
qui restera aux bureaux de bienfaisance ?
On dira que ce sont là des
craintes chimériques. Non, messieurs, ce ne sont pas des craintes chimériques.
Il est à ma connaissance que dans l’administration de la régence à laquelle
j’ai l’honneur d’appartenir comme membre du comité de contentieux, des
réclamations ont été faites de la part de propriétaires qui, en leur qualité de
plus proches parents de donateurs, demandaient la remise des propriétés formant
la donation, prétendant avoir le droit de les administrer.
Je puis assurer que j’ai vu une réclamation de
monseigneur l’évêque de Bruges, qui demande la restitution de 12 à 15 rentes
appartenant au bureau de bienfaisance. Il prétend que ces rentes doivent lui
être remises, parce que dans l’acte de fondation faite, il y a environ un
demi-siècle, par un évêque de cette ville, il est dit que ce sera l’évêque qui
sera l’administrateur des biens formant cette donation. Si vous rendiez ces
biens à ceux qui les réclament, les hospices seraient dépouillés.
Est-ce au moyen d’une disposition comme celle qu’on
propose qu’on pourrait arriver à de pareils résultats ? Je ne le pense pas. Je
crois qu’il faut respecter la volonté des donateurs. Je crois que dans les
provinces, dans les villes où l’on a admis que tel on tel hospice serait
administré par un administrateur autre que des hospices, il n’y a pas
d’inconvénient à laisser subsister cet usage. Mais si la disposition n’a pas
d’autre portée que de régler l’avenir, elle est inutile. Et quant à lui donner
une autre portée, je crois que c’est impossible. Une loi ne peut pas avoir
d’effet rétroactif.
Si l’on voulait faire rétroagir la disposition dont
il s’agit, il en résulterait les conséquences les plus funestes pour les
propriétés et les biens des hospices et des bureaux de bienfaisance. C’est pour
cette raison que j’ai demandé la suppression de la disposition.
Maintenant, qu’elle se fasse par un vote ou par une
division, cela m’est indifférent. Je persiste dans mon amendement jusqu’à ce
qu’on m’ait prouvé que la disposition n’est pas inutile et qu’elle ne peut pas
avoir l’effet que je lui suppose. Ce serait déjà avoir beaucoup obtenu que
d’avoir établi que les différentes réclamations que je signale et qui ne
manqueront pas d’être renouvelées ne pourront pas avoir leur effet.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Peu de mots suffiront pour prouver que les appréhensions de l’honorable
préopinant n’ont pas le moindre fondement. Si l’honorable membre s’était
rappelé l’article 68 du règlement des villes et l’article 40 du plat pays, je
crois qu’il se serait dispensé de prononcer son discours. Car ces règlements
contiennent la disposition que nous discutons et qui déjà a été adoptée par la
chambre lors de la première discussion de la loi des attributions.
Je crois que le retranchement proposé aurait pour
effet non pas de conserver le droit actuel, mais de frustrer la volonté des
fondateurs contrairement aux dispositions actuellement en vigueur. Telle n’a
pas été sans doute son intention.
Voici ce que porte l’article 68 du règlement des
villes.
« Le conseil nomme les membres des
administrations des hospices publics, des établissements de charité, et de
l’administration générale des pauvres de la ville, pour autant qu’il n’ait pas
été décidé autrement à cet égard par les actes de fondation. »
Eh bien, c’est précisément ce que je propose dan le
projet de loi.
L’article 40 du règlement du plat pays contient la
même disposition :
« Le conseil communal, avec l’approbation des états,
et en ayant égard à ce qui est ou pourrait être d’ailleurs statué sur cet objet
par les ordonnances générales, nomme les membres des administrations des
hospices publics, des établissements publics de charité, et de l’administration
générale des pauvres de la commune, pour autant qu’il n’ait pas été décidé
autrement à cet égard par les actes de fondations. »
Vous vous rappellerez que dans la discussion qui a
eu lieu l’année dernière, on a signalé quelques établissements qui ont des
administrateurs spéciaux en vertu des actes de fondations. Il en est un célèbre
dans la ville de Namur qui a une administration spéciale. Je pense qu’il serait
inutile d’en dire davantage, et que vous n’hésiterez pas à adopter la
disposition qui a pour objet de maintenir les règlements en vigueur.
M. Dubus. - Je
viens appuyer les observations de M. le ministre de l’intérieur.
L’honorable membre qui a attaqué la disposition a
raisonné comme s’il s’agissait d’innover à la législation actuelle ; il vous a
dit qu’il ne fallait pas faire une loi qui eût un effet rétroactif. L’honorable
auteur de la critique n’a pas réfléchi que ce serait le retranchement de la
disposition qui aurait un effet rétroactif. La disposition contre laquelle il
s’élève, non seulement existe dans les règlements en vigueur, mais faisait
partie de l’ancien droit du pays. Ce n’est que pendant le court intervalle de
la domination française qu’il y a eu innovation à l’ancien droit du pays, qu’il
y a eu violation des intentions des donateurs, qu’il y a eu effet rétroactif
donné à des dispositions du gouvernement français.
Je vous prie de ne pas perdre de vue cette
considération que de tout temps il a été reconnu que les fondateurs, en créant
un établissement de charité, pouvaient déterminer un mode particulier
d’administration. Sans doute le souverain se prononçait sur les conditions de
la donation : s’il les rejetait, la donation n’existait pas, et s’il
l’autorisait, c’était avec les clauses stipulées par le fondateur. Cette
autorisation avait presque toujours lieu. L’approbation du souverain était
dirigée par cette considération qu’il ne fallait pas mettre trop de propriétés
hors du commerce ; mais tant qu’une juste limite n’était pas atteinte,
l’approbation était donnée.
Mais on a senti qu’on ne pouvait pas empêcher un
fondateur de prescrire le mode d’administration de la fondation sans amener la
conséquence qu’aucune fondation ne serait faite. Je prendrai pour exemple une
fondation qui aura pour objet l’éducation des pauvres. Est-ce que le fondateur
ne s’inquiétera pas de la manière dont l’établissement sera administré, de
l’esprit dans lequel il sera dirigé ? Au contraire, ce sera ce qui fixera
particulièrement son attention. S’il n’a pas la certitude que le mode
d’administration qu’il désire sera exécuté, il ne fera pas de fondation.
Sous l’ancien droit du pays, une foule de
fondations avaient été faites. Mais lorsque, sous la domination française, les
intentions des donateurs furent scandaleusement violées, on ne fit aucune
donation. Depuis que les règlements de Guillaume eurent rétabli l’ancien droit
du pays, de nouvelles fondations fort importantes ont été faites.
Des personnes ont donné tous leurs biens aux
pauvres, en établissant des administrations particulières pour les gérer. Et
ces donations ont été agréées.
Il y a eu aussi des fondations d’instruction
publique. Je connais une fondation faite sous l’empire du règlement de
Guillaume à Tournay par une personne qui a institué une école gratuite pour
cent jeunes filles pauvres ; elle a établi l’évêque administrateur de la
fondation. Le gouvernement pouvait rejeter la donation, mais il l’a admise avec
la condition sans laquelle la fondation n’aurait pas été faite.
Que résulterait-il de l’adoption de la proposition
de l’honorable député de Bruges ? Qu’on conserverait la donation et qu’on
effacerait la condition ; que ce seraient d’autres personnes que celles
désignées pas la fondatrice qui dirigeraient la fondation. Il y aurait
violation évidente de la volonté de la fondatrice. Il est manifeste qu’elle a
attaché à l’existence de la fondation la condition même qu’elle y a mise.
L’honorable membre craint que la disposition dont
il s’agit n’ait un effet rétroactif ; je reviens sur cette observation. Il ne
peut être ici question que de fondations faites sous l’empire des dispositions
qui autorisent les fondations semblables ; car si une fondation a été faite
sous l’empire d’une loi qui n’autorisait pas ces conditions, le fondateur
n’aurait pas pu les stipuler, ou le souverain les aurait considérées comme
contraires aux lois, et la fondation n’aurait pas eu lieu.
Il n’y a donc pas danger de voir donner à la
disposition un effet rétroactif ; ce n’est pas une législation nouvelle qu’on
propose, mais le maintien de la législation existante.
L’honorable membre prétend que ce n’est pas dans la
loi qui nous occupe que se trouve la place d’une disposition semblable, et
qu’on devrait la renvoyer à la loi concernant les établissements de charité. Je
pense au contraire que c’est ici sa place, puisqu’on ne veut rien innover,
puisqu’on veut conserver la législation actuellement en vigueur.
Quand on fera la loi spéciale sur les
établissements de charité, si l’honorable membre croit qu’on doive innover, on
examinera alors les innovations qu’il y proposera. Mais puisque, dans le sens
de son observation, il ne veut pas innover, il doit voter pour la disposition.
Cette disposition, dit-il, est inutile, parce que
si une fondation est faite sous la condition qu’elle sera administrée de telle
ou de telle manière, le gouvernement qui doit donner son approbation pour que
la dotation ait son effet, acceptera ou rejettera à cause de la condition.
Il ne s’agit pas ici de dépouiller le gouvernement
de son droit. Il résulte de l’art. 2 que nous avons déjà voté et qui soumet à
l’avis de la députation et à l’approbation du Roi les délibérations des
conseils communaux sur les actes de donations et de legs excédant 3,000 fr. ;
il résulte de la législation existante, à laquelle il n’est aucunement dérogé,
que sans aucun doute le gouvernement aura à prononcer s’il autorise ou non la
donation. Mais l’autorisation donnée, il faut que la condition soit exécutée.
De l’article qu’on vous propose, il ne résulte pas autre chose.
L’honorable membre dit que des réclamations, dont
il a connaissance, ont été faites, et notamment, si j’ai bien compris, par
l’évêque de Bruges qui réclamerait, en vertu du principe consigné dans
l’article que nous discutons, la restitution de biens que possède le bureau de
bienfaisance ou des hospices de Bruges.
Cet exemple même vient à
l’appui de ce qui vient de vous être dit, qu’on ne demande que le maintien de
la législation existante. A coup sûr, si la législation existante ne portait
pas une disposition semblable à celle qu’on vous propose, la réclamation
n’aurait pas été faite ; on aurait attendu que la disposition présentée en
innovation eût été votée par les trois branches du pouvoir législatif et
promulguée. Au reste, j’ai entendu parler de cette réclamation de l’évêque de
Bruges. Il m’a été dit qu’il existe une fondation faite par un ancien évêque de
Bruges, avec la condition expresse, qui a été acceptée, que ce serait l’évêque
qui administrerait ; que cette condition n’a pas pu être remplie depuis qu’il
n’y avait plus d’évêque à Bruges, et depuis que l’évêque avait été rétabli, il
avait été mis en possession de la fondation.
Maintenant, si l’évêque de Bruges, connaissant
qu’il existe entre les mains de l’administration des hospices des biens
appartenant à cette fondation, les a réclamés ; si les rentes dont se trouve en
possession le bureau de bienfaisance ont été liquidées au profit de cette
fondation, si c’est l’évêque qui doit administrer cette fondation (et cela est
évident, puisqu’il a été mis en possession), il a le droit de réclamer les
sommes provenant de la liquidation faite au profit de la fondation, et non au
profit des pauvres en général de la ville de Bruges.
Cette discussion, messieurs, n’est pas nouvelle. La
question a été agitée assez longuement, il y a à peu près un an. On avait
proposé la disposition dans les termes mêmes des règlements du roi Guillaume,
mais on a critiqué ces expressions : « pour autant qu’il n’ait pas été
stipulé autrement par les actes de donations. »
On a trouvé qu’elles n’étaient pas suffisamment
claires, et on y a substitué la rédaction actuelle, comme rendant clairement
l’idée. La rédaction actuelle a uniquement pour objet de faire une exception
aux dispositions du n°1 de l’article 10 en ce qui concerne les actes de
fondations établissant des administrations spéciales.
Il est bien entendu qu’il s’agit d’actes approuvés
par l’autorité compétente. Jusque-là, il n’existe pas de fondation. La
fondation n’a d’existence que quand l’approbation que la loi exige a été donnée
; mais une fois qu’elle a reçu cette existence, quand le fondateur approuve le
mode d’administration, on le sait, et dans le cas contraire, on suit le mode
général prévu par le N°2° de l’article 10.
M. Jullien. - Je
n’occuperai pas longtemps l’attention de la chambre.
Je connais comme les honorables préopinants les
dispositions du règlement des villes et du règlement du plat pays. Mais je ne
professe pas pour ces règlements le même respect que ces honorables membres.
Je crois que ceux qui les connaissent à fond savent
que ces règlements ne se recommandent ni par la clarté, ni par l’ordre qui y
règnent. La proposition que j’ai faite ne portait que sur l’ordre qu’il fallait
établir dans les dispositions législatives, en n’imitant pas le désordre qui
régnait dans ces règlements du plat pays.
La chambre aura remarqué que je n’ai pas soutenu
qu’on pouvait transgresser la volonté des donateurs,
quand ils avaient imposé pour l’administration de leur legs un autre administrateur
que les hospices. J’ai dit au contraire que quand cette disposition se trouvait
dans une donation, elle était sacrée et qu’on ne pouvait pas y déroger, qu’il
fallait accepter ou refuser ; mais que pour l’avenir, si des donations
renfermaient de semblables dispositions, le gouvernement était à même
d’accepter ou de rejeter. Voilà quelle était ma pensée et ce que j’ai dit
textuellement.
On a parlé d’un fait que j’ai cité, et on a dit que
ces rentes avaient été acceptées par le bureau de bienfaisance avec cette
condition qu’elles seraient administrées par l’évêque. Je ferai observer qu’au
temps où ces rentes ont été acceptées par le bureau de bienfaisance, il n’y
avait pas d’évêque à Bruges. Ainsi le bureau de bienfaisance n’a pas pu
accepter avec cette condition. Ces rentes sont devenues le patrimoine des
pauvres. On les réclame en vertu d’une disposition qui aurait un effet
rétroactif. Pour moi, je regarde les biens des pauvres comme inaliénables.
Aucune autorité, si ce n’est la loi, n’a le pouvoir d’en disposer.
En proposant la suppression de la disposition dont
il s’agit, je n’avais pas d’autre intention que de mettre une restriction
législative à l’abus qu’on pourrait faire, qu’on faisait déjà, du principe
posé.
Puisque je vois que la loi ne peut pas avoir
d’effet rétroactif, et qu’elle ne s’appliquera qu’aux donations actuellement
gérées par des administrations spéciales, et faites sous l’empire de lois qui
le permettaient, pour ne pas faire perdre de temps à la chambre, je retire ma
proposition.
- Le dernier paragraphe du n°2° ainsi conçu :
« Il n’est pas dérogé, par les dispositions qui précèdent, aux actes de
fondations qui établissent des administrateurs spéciaux. », est mis aux
voix et adopté.
Paragraphes
3 à 4
« 3° Les architectes et les employés chargés
de la construction et de la conservation des bâtiments communaux. »
- Adopté.
« 4° Les directeurs et conservateurs des
établissements d’utilité publique ou d’agrément appartenant à la commune, et
les membres de toutes les commissions qui concernent l’administration de la
ville. »
- Adopté.
« 5° Les médecins, chirurgiens, artistes
vétérinaires auxquels le conseil trouvera bon de confier des fonctions
spéciales dans l’intérêt de la commune.
« Cette disposition n’est pas applicable aux
médecins et chirurgiens des hospices, des administrations des pauvres et
établissements de bienfaisance, lesquels sont nommés et révoqués par
l’administration dont ils dépendent, sous l’approbation du conseil
communal. »
M.
Smits. - Il me semble qu’il y a dans le n°5° de l’art. 10 une petite
lacune.
Le premier paragraphe laisse aux autorités locales
le soin de nommer aux fonctions spéciales qui se rattachent au service
sanitaire. Le deuxième paragraphe confère aux administrations des hospices la
nomination des médecins et chirurgiens des hospices, des administrations des
pauvres ou établissements de bienfaisance.
Je ferai observer qu’il y a dans ces
administrations d’autres agents sanitaires que les médecins et chirurgiens ; il
y a les accoucheurs, les sages-femmes, les aides, les préparateurs, les
dissecteurs. Je pense qu’il faut également laisser la nomination de ces agents
aux administration et bureaux de bienfaisance.
Je proposerai de modifier le second paragraphe du
n°5 de la manière suivante :
« Cette disposition n’est pas applicable aux
médecins, chirurgiens et autres agents sanitaires des hospices, des
administrations des pauvres ou établissements de bienfaisance, etc. »
M.
Dumortier, rapporteur. - Je pense que cet amendement est inutile et
même dangereux. La restriction mentionnée au second paragraphe ne doit porter
que sur les objets compris dans le premier. Il est inutile d’établir une
disposition plus étendue. Et ce serait même dangereux ; car, en mettant une
réserve en ce qui concerne les agents du service sanitaire des hospices et
administrations, vous jetez du doute sur les autres employés de ces
administrations. Je pense donc qu’on doit maintenir la disposition de la
section centrale.
M.
Desmet. - Je pense aussi que l’amendement est inutile. Nous avons
jusqu’à présent maintenu ce qui existe, continuons ainsi. Quand nous nous
occuperons de la législation sur les hospices, nous verrons les changements que
nous devrons y introduire.
M. Legrelle. -
Il y a une grande différence entre les médecins ou les chirurgiens et les
receveurs. Il a été reconnu par les lois anciennes que les hospices nommaient
leurs employés. Mais jamais cette disposition n’a paru applicable aux médecins
et aux chirurgiens.
La section centrale a voulu par exception que les
médecins et les chirurgiens des hôpitaux et des bureaux des pauvres fussent
nommés par les administrations auxquelles ils appartiennent. Si vous voulez que
la même disposition s’étende aux pharmaciens, aux sages-femmes, et aux élèves,
il faut que vous les désigniez dans la loi ; il faut admettre l’amendement que
propose fort sagement l’honorable M. Smits, et dire : « ainsi que les
autres employés du service sanitaire. »
Je pense, pour qu’il cesse d’y avoir désaccord dans
la rédaction de l’article, qu’il y a lieu d’adopter l’amendement proposé par
l’honorable M. Smits, que je trouve fort rationnel.
M. Jullien. C’est
une innovation que l’on fait aux règlements du plat pays dans cette
disposition. Car les administrations municipales ont eu jusqu’à présent la
nomination des médecins et des chirurgiens des hôpitaux. Il serait bon que
cette disposition restât comme elle l’était auparavant. Il n’y a de grands
hôpitaux que dans les grandes villes. Qui nomme-t-on pour médecins des hospices
? Ce sont les notabilités dans l’art de guérir. Ce sont les administrations
municipales dans les grandes villes qui sont le plus à même de juger quels
sont, dans l’exercice de ces fonctions, les personnes qui s’y sont distinguées
le plus. Si vous donnez aux administrations des hospices la nomination des
médecins et des chirurgiens de ces établissements, c’est comme si vous donniez
cette nomination aux deux ou trois individus qui auront le plus d’influence, et
très souvent ce sera le médecin de l’un d’eux qui obtiendra la préférence ;
tandis que, chez tous les peuples qui ont soin de leurs hôpitaux, vous voyez à
la tête de ces établissements les hommes les plus célèbres qui sollicitent
l’honneur de donner leurs soins aux pauvres. C’est ce bienfait de l’ancienne
législation que vous allez répudier aujourd’hui en laissant aux hospices la
nomination de leurs médecins et de leurs chirurgiens.
Je crois donc que si l’on ne rétablit pas
l’ancienne législation, il faut adopter l’amendement de la section centrale qui
veut que ces nominations se fassent sous l’approbation de l’autorité
municipale. Mais je vous prédis qu’avec votre approbation de l’autorité municipale,
vous verrez naître des difficultés entre celle-ci et l’administration des
hospices. Si le choix de l’administration des hospices ne plaît pas à la
régence, elle refusera son approbation jusqu’à ce que la nomination nouvelle
lui paraisse la mériter. Ce sont de ces palliatifs qui ne peuvent que donner
lieu à de grands embarras. Il vaut bien mieux laisser les choses dans l’état où
elles sont maintenant.
Quant aux employés des administrations des
hospices, l’amendement de l’honorable M. Smits est inutile. La loi de germinal
an VI, qui a institué ces établissements, leur a laissé la nomination de leurs
employés. Mais l’on n’a jamais compris dans la catégorie des employés les
médecins et les chirurgiens. Quant à toutes les autres personnes attachées aux
hospices, l’on n’a jamais contesté aux administrations de ces établissements la
faculté de pouvoir les nommer.
- Le n°5° est mis aux voix et adopté.
L’amendement de M. Smits est mis aux voix et
adopté.
Paragraphe
6
« 6° Les professeurs et instituteurs attachés
aux établissements communaux. »
- Adopté.
Paragraphe
7
« 7° Tous autres employés et titulaires
ressortissant de l’administration communale, dont le conseil n’aurait pas
expressément abandonné le choix au collège des bourgmestre et échevins et dans
la présente loi n’aura pas attribué la nomination, soit à ce collège, soit à
l’autorité supérieure. »
- Adopté.
Paragraphe
additionnel
M. le président. -
La section centrale propose l’amendement suivant :
« Nul ne peut exercer des fonctions à la
nomination ou à la présentation de la commune, s’il n’est Belge ou
naturalisé. »
M. le ministre de l'intérieur se rallie-t-il à la
rédaction de la section centrale ?
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - J’attendrai la discussion.
M. Jullien. - Cet
amendement de la section centrale a déjà été présenté une ou deux fois, et soumis,
je crois, aux discussions de la chambre. Notez bien qu’il ne s’agit ici,
d’après cet amendement, que de simples employés de la commune. Je me souviens
très bien que cette discussion a eu lieu dans cette chambre. Beaucoup
d’orateurs se sont élevés contre cet amendement, en faisant cette simple
observation qu’il y avait dans le pays une multitude d’étrangers qui occupent
des emplois aussi infimes que ceux des octrois, que ceux qu’occupent les
employés serviteurs des administrations, et que l’on allait déranger une
multitude d’existences d’un assez grand nombre de malheureux qui n’ont jamais
pu croire qu’ils seraient atteints par une disposition de cette nature.
Il y a en Belgique une
multitude d’individus qui remplissent des fonctions dans des communes et qui ne
pourraient dire de quel pays ils sont. Figurez-vous que lors de l’invasion
française beaucoup de personnes sont venues dans ce pays, y ont établi leur
domicile et ont amené avec eux leurs familles. Ces gens sont devenus employés
dans différentes localités et ont laissé des enfants qui, quoique nés ailleurs,
se sont considérés comme Belges et ont toujours été considérés comme tels par
les administrations qui les ont employés. Quand il s’agit de nommer un simple
receveur d’octroi, l’administration communale ne s’inquiète pas du lieu de
naissance de celui qu’elle désigne ; elle ne consulte que l’exactitude au
travail du candidat et le degré de confiance qu’il inspire.
Admettez cet amendement, et aussitôt la
promulgation de la loi, voilà tous ceux qui ont la fureur des emplois (et vous
savez que cette passion existe dans tous les rangs de la société) qui iront
décréter que tel individu qui exerce les fonctions d’employé de l’octroi, de
commis au greffe, d’une administration municipale, est né au-delà de la
frontière. Il y a une multitude d’individus qui sont nés dans les communes
limitrophes de la frontière, et qui, peu au fait des divisions politiques, ne
se sont jamais crus autre chose que des naturels du pays. Cependant la loi va
atteindre ces hommes. Vous voulez ôter le pain à une multitude de familles.
Vous allez forcer les administrations municipales à
user de la sévérité de votre loi, en expulsant de leurs emplois des hommes qui
ont peut-être mérité leur confiance et leur reconnaissance.
Cette disposition a déjà été rejetée. J’espère
qu’elle éprouvera aujourd’hui le même sort. Cependant s’il plaisait à la
chambre de l’adopter, je présenterais un amendement ayant pour but de maintenir
dans leurs fonctions les étrangers actuellement employés par les administrations
municipales. Mais je crois que mon amendement ne sera pas nécessaire.
M. Dumortier, rapporteur.
- J’approuve beaucoup la tendre sollicitude de l’honorable préopinant pour les
étrangers qui occupent des emplois d’administration publique en Belgique. Ma
tendre sollicitude, à moi, je la réserve pour les Belges. Les emplois sont
faits pour les indigènes avant tout.
Messieurs, je crois que dans l’état actuel de
l’esprit public en Belgique, qui est assez monté contre les étrangers, il faut
admettre l’amendement de la section centrale. De tout temps et dans tous les
pays, ce qui a caractérisé le plus l’esprit national, c’est de n’admettre que
les indigènes dans les emplois publics. Cette disposition a été regardée comme
une des plus salutaires que nous ayons dans le code et dans nos lois.
Considérez ce qui se passe chez les étrangers, et vous verrez que ce principe a
été admis partout. Sous le gouvernement des Pays-Bas, on ne pouvait occuper un
emploi public dans la commune si l’on n’avait été naturalisé Néerlandais. J’ai
vu dans le temps plusieurs employés de Tournay obligés de prendre des lettres
de naturalisation par suite de cette disposition.
Ce que nous vous proposons n’est donc que le
maintien de ce qui existait sous le gouvernement précédent. D’ailleurs, la
constitution nous fait une obligation de l’adopter. Elle porte que les Belges
seuls sont admissibles aux emplois. En présence d’un texte aussi formel, vous
devez admettre une disposition qui garantit aux indigènes les emplois communaux
comme les autres. La constitution n’a pas distingué. Introduire une distinction
semblable, ce serait ouvrir la porte à l’admission des étrangers à tous les
emplois.
La constitution a été plus
loin. Elle n’a voulu d’exception que pour certains cas particuliers. Or,
remarquez-le, vous ne pouvez, en règle générale, admettre une exception ; mais
un amendement comme celui de l’honorable M. Jullien serait constitutionnel, car
ce serait pour un cas particulier.
Je vous ai dit ce qui se passait sous le
gouvernement néerlandais, cependant il n’y avait pas dans la loi fondamentale
un article par lequel les étrangers étaient exclus des emplois publics. Nous
devons donc, à plus forte raison, admettre la même disposition que sous le
gouvernement précédent. Notez bien que les étrangers que l’on appelle aux
emplois publics, n’y arrivent qu’au détriment des indigènes.
Si des personnes qui se trouvent dans une position
élevée n’aiment pas que les hautes fonctions soient occupées par des étrangers,
il est certain que les particuliers qui ne portent pas leur ambition aussi
loin, éprouvent, dans une sphère plus étroite, les mêmes répugnances.
J’entends un honorable membre dire que la régence
ne pourra pas nommer un interprète étranger ; mais les fonctions d’interprète
ne sont pas qualifiées d’emploi. Un interprète est un témoin qui traduit le
langage d’un autre. D’ailleurs ce n’est pas pour une exception très rare qu’il
faudrait repousser le principe salutaire que nous proposons.
Le texte de la constitution est si formel à cet
égard que je pourrais citer des villes en Belgique qui, par respect pour ce
texte, ont cru ne pouvoir nommer que des Belges aux emplois communaux.
J’approuve fort cette conduite. Il y a assez de Belges capables d’exercer de
petits emplois. Plus la position est subalterne, plus il y a de personnes
capables de l’occuper.
M. Lebeau. - Si nous étions d’accord
avec l’honorable préopinant sur la signification du mot employé, nous n’aurions
pas besoin de discuter longtemps. Il prétend que son amendement ne s’applique
qu’à des fonctions publiques. Or, la constitution n’a entendu exclure les
étrangers que des emplois publics, Du moins c’est ainsi que la chambre l’a
entendu. Mais telle n’est pas la portée de l’amendement de la section centrale.
Si cet amendement était admis, les régences ne
pourraient nommer des étrangers à aucune des fonctions énumérées dans l’article
10, bien que la plupart de ces fonctions ne soient pas publiques.
L’emploi d’architecte de la ville, la profession de
médecin, de chirurgien, d’artiste vétérinaire, ne sont pas des emplois publics
dans le sens légal. Cependant la disposition de la section centrale les
comprendrait tous, et vous auriez cette singularité, si vous l’adoptiez, qu’une
commune ne pourrait faire ce qu’un ministre a la faculté de faire, ce qu’un
gouverneur de province a le droit de faire ; car l’on se rappellera que l’on
s’est élevé dans le temps contre le maintien, dans un ministère, d’un chef de
division qui n’était pas naturalisé, et il a été démontré (et un amendement a
été présenté dans ce sens) que ces fonctions n’étaient pas de celles qui font
l’objet de l’article de la constitution que l’on a cité.
Il y a un préjuge naturel
contre les étrangers. Aussi soyez certains que si une administration communale
a nommé un étranger à un emploi, c’est que c’est un homme d’un talent
irrécusable. Cependant tout étranger ainsi placé serait destitué de plano par
l’amendement de la section centrale. S’il était admis, pas un pompier, pas un balayeur
dans les villes ne serait à l’abri d’une telle disposition.
Voudrez-vous, par exemple, que les régences
choisissent les professeurs de langues étrangères parmi les indigènes ? L’on a
bien reconnu dans la loi sur l’enseignement supérieur qu’il fallait laissé au
gouvernement la faculté de nommer des professeurs étrangers. Pousserez-vous
l’esprit de nationalité jusqu’à vouloir faire enseigner dans les communes
l’italien, l’allemand et l’anglais par des Belges, à l’exclusion des Allemands,
des Italiens et des Anglais ? J’avoue que sous ce rapport je ne suis pas aussi
patriote que l’honorable préopinant.
M.
Jullien propose l’amendement suivant :
« En cas d’adoption de l’amendement de la
section centrale, j’ai l’honneur de proposer le sous-amendement suivant :
« La présente disposition n’est pas applicable
aux étrangers qui sont actuellement en fonctions. »
M.
F. de Mérode. - Vous voulez dans l’intérêt des indigènes exclure des
emplois communaux le petit nombre d’étrangers actuellement en fonctions. Mais
faites attention que dans les pays voisins, en France, par exemple, il y a
beaucoup de Belges dans la même position. Si on les expulsait par réciprocité,
est-ce que les indigènes y gagneraient en définitive ?
Il me semble que l’on ne doit nullement craindre
que les régences aiment mieux nommer des étrangers que des indigènes. Si
quelques étrangers ont été nommés, c’est qu’une longue résidence dans la
commune les a nationalisés. A l’avenir on en nommera probablement beaucoup
moins. Les observations de l’honorable M. Dumortier ne manqueront pas d’exciter
le patriotisme des administrations communales. Elles auront soin dorénavant de
ne porter leur choix que sur des indigènes.
M. Gendebien. -
Lorsque l’article invoqué par M. Dumortier fut inséré dans la constitution, fut
inséré dans la loi, c’est que l’on craignait que le futur souverain, que l’on
ne connaissait pas encore, ne fût disposé à accorder sa confiance de préférence
aux étrangers et à leur donner ainsi une trop grande influence dans l’Etat
constitutionnel. Mais les auteurs de la constitution n’ont certainement pas eu
l’intention d’étendre cette disposition jusqu’aux administrations, toutes
composées de Belges, desquelles on ne devait pas concevoir de semblables motifs
de craintes. La disposition de la section centrale me paraît donc inutile.
M. le président. -
M. Dumortier propose l’amendement suivant :
« Cette disposition n’est pas applicable aux
professeurs de langues vivantes et étrangères. »
M.
Dumortier, rapporteur. - Pour trancher l’objection principale que l’on
a faite, j’ai présenté un amendement qui ne laisse plus un doute. Cette
exception une fois admise, il n’y a plus de motif pour repousser la proposition
de la section centrale.
J’entends dire que l’on ne pourra plus nommer des
artistes étrangers. Mais est ce que
Vous avez voulu que l’enseignement universitaire
fût solide et varié. Mais comment voulez-vous que les jeunes gens aient le
courage de poursuivre jusqu’au bout leurs études académiques s’ils se voient
arrêtés, au début de leur carrière par l’envahissement des emplois à leur
détriment ?
Cependant, j’ai vu de mes propres yeux des
étrangers moins capables que leurs compétiteurs indigènes, placés précisément
parce qu’ils étaient étrangers.
Ne fermons pas la porte des emplois à la jeunesse
belge. La disposition de la section centrale est une disposition toute
nationale, et elle aura de l’écho dans le pays.
Voyez comme on se plaint de l’admission des
étrangers aux emplois publics depuis la révolution. Ces plaintes sont même
exagérées. Mais en présence de semblables craintes, il faut adopter la
proposition de la section centrale.
M.
Rogier. - L’honorable M. Dumortier a mal saisi mes paroles. Je disais à
mon voisin que si les régences ne pouvaient plus nommer des artistes étrangers
et étaient obligées de destituer les artistes de cette catégorie actuellement,
il était à craindre qu’on n’usât à l’étranger de mesures de représailles envers
les artistes belges qui y sont employés.
Ainsi, quand nous nous opposons à l’amendement de
la section centrale, c’est dans l’intérêt même des indigènes que nous parlons.
Nous avons plusieurs artistes belges placés à l’étranger. Je pourrais en citer
quelques-uns. Je ne voudrais pas qu’on usât à leur égard de mesures de
représailles.
D’un autre côté, il y a dans le pays des artistes
étrangers qui y sont établis depuis plusieurs années, et qui s’y sont acquis
des droits à notre reconnaissance. Il y en a à Anvers, par exemple, qui ne
pourraient être remplacés.
M.
Gendebien. - Je ferai une observation à l’honorable M. Dumortier. C’est qu’il montre en
cette occasion trop de défiance envers les administrations communales dans
lesquelles il a professé jusqu’à présent une entière confiance. Je ne vois pas
pourquoi l’on mettrait ces administrations en état de suspicion. Laissez-les
faire. Elles préféreront toujours un indigène à un étranger.
S’il arrivait qu’une régence montrât trop de
prédilection pour les étrangers, à l’expiration de son mandat, les électeurs
n’en renommeraient plus les membres au conseil, et la nouvelle régence, avertie
par les fautes de l’ancienne, destitueraient les étrangers pour replacer les
indigènes.
M. Legrelle. -
Si la disposition de la section centrale était adoptée, il faudrait comprendre
dans l’amendement de M. Dumortier les artistes, outre les professeurs de
langues étrangères.
Il y a à Anvers un architecte étranger du premier
mérite, que nous ne voudrions pas destituer.
M. Dumortier, rapporteur.
- Pour répondre à l’honorable M. Gendebien, je ferai remarquer qu’en beaucoup
de circonstances nous avons montré de la défiance vis-à-vis des administrations
communales. Chaque fois que nous établissons un principe restrictif, c’est que
nous n’avons pas une confiance illimitée. C’est une loi d’organisation que nous
faisons. Notre devoir est d’y mettre en application tous les principes de la
constitution. La disposition de la section centrale a été présentée comme
conséquence de ce devoir.
- La clôture de la discussion est prononcée.
L’amendement de la section centrale est mis aux
voix, il n’est pas adopté.
L’ensemble de l’art. 10 est adopté.
Articles 11 à 13
« Art. 11. Le conseil révoque ou suspend les
employés salariés par la commune, et dont la nomination lui est
attribuée. »
- Adopté.
_______________
« Art. 12. Lorsque le conseil a pris une résolution
qui sort de ses attributions ou qui blesse, l’intérêt général, le gouverneur
peut en suspendre l’exécution.
« Dans ce cas la députation du conseil
provincial décide si la suspension peut être maintenue, sauf l’appel au Roi,
soit par le gouverneur, soit par le conseil municipal.
« Les motifs de la suspension seront
immédiatement communiqués au conseil municipal.
« Si l’annulation n’intervient pas dans les
quarante jours à partir de la communication au conseil, la suspension est
levée. »
_______________
« Art. 13. Le Roi peut, par un arrêté motivé,
annuler les actes des autorités communales qui sortent de leurs attributions,
qui sont contraires aux lois ou qui blessent l’intérêt général.
« Néanmoins ceux de ces actes approuvés par la députation
du conseil provincial devront être annulés dans le délai de quarante jours à
dater de l’approbation.
« Les autres actes qui auraient été communiqués par
l’autorité locale au gouvernement de la province ou au commissariat
d’arrondissement, ne pourront être annulés que dans le délai de quarante jours
à partir de celui de leur réception au gouvernement provincial ou au
commissariat d’arrondissement.
« Après le délai de quarante jours fixé dans les
deux paragraphes précédents, les actes mentionnés dans ces mêmes paragraphes ne
pourront être annulés que par le pouvoir législatif. »
- Cet article est adopté sans discussion.
Article 14
« Art. 14. Après deux avertissements consécutifs,
constatés par la correspondance, le gouverneur ou la députation du conseil
provincial peut charger un ou plusieurs commissaires de se transporter sur les
lieux, aux frais personnels des autorités communales, en retard de satisfaire
aux avertissements, à l’effet de recueillir les renseignements ou observations
demandés, ou de mettre à exécution les mesures prescrites par le conseil
provincial ou par la députation. »
M.
Lebeau. - Messieurs, je regrette de prolonger la discussion ; la
chambre sait combien je suis sobre d’amendements ; cependant je dois en
présenter dans la circonstance actuelle. Il est impossible de laisser l’art. 14
tel qu’il est ; la rédaction en est vicieuse ; et voici comment je propose de
le modifier.
Après les mots « ou de mettre à exécution les
mesures prescrites par le conseil provincial, » je demande que l’on ajoute
ceux-ci : « la députation ou le gouverneur ; » ou bien qu’après les
mots : « ou de mettre à exécution les mesures prescrites, » on ajoute
ceux-ci : « par les lois et règlements généraux, par les ordonnances du
conseil provincial ou de la députation permanente. »
Après avoir reconnu au gouverneur le droit
d’envoyer un commissaire spécial, on reconnaît le même droit à la députation du
conseil, dont il faut que le gouverneur puisse aussi faire exécuter les mesures
qu’il aurait prescrites.
Il faut bien se pénétrer d’autre chose ; c’est que
la députation provinciale n’intervient pas dans l’exécution (erratum inséré au Moniteur belge n°57, du 26
février 1836 : )
de toutes les lois, et que quelquefois elle n’intervient que partiellement dans
l’exécution de certaines lois. J’en pourrais citer plusieurs exemples ; mais on
est trop généralement instruit dans cette enceinte des règles de
l’administration pour que j’insiste sur ce point.
Je proposerai en outre un
paragraphe additionnel à l’article 14.
Vous avez posé en principe que les commissaires
sont envoyés aux frais personnels des autorités communales mais dans la
pratique il s’élève d’assez grandes difficultés pour le recouvrement de ces
frais ; je propose de trancher la question nettement par une disposition
législative, laquelle serait ainsi conçue :
« La rentrée de ces frais sera poursuivie,
comme en matière de contribution directe, par le receveur de l’Etat, sur
l’exécutoire de la députation ou du gouverneur. »
M. Dumortier, rapporteur.
- Je ferai remarquer à l’honorable préopinant que la disposition en discussion
n’est que la reproduction de celle qui est insérée dans la loi provinciale.
M. Lebeau. - Soit,
mais il y a lacune dans la disposition mise dans la loi communale.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je ne voudrais pas que le gouverneur pût
envoyer un commissaire dans les communes afin d’y faire exécuter ses volontés ;
un gouverneur qui voudrait s’occuper d’élections pourrait envoyer des agents
dans les communes pour dire qu’il veut tel ou tel candidat. Cela s’est vu sous
le gouvernement hollandais ; nous ne voulons pas que cela se reproduise.
M. Lebeau. - Alors
je déclare retirer la première addition.
M. Dumortier, rapporteur.
- Je n’ai plus d’objections à faire.
M. Dubus. - Je
voudrais que nous pussions réfléchir sur l’amendement afin d’en pouvoir connaître
la portée. Le paragraphe additionnel contient une mesure tout à fait
improvisée.
M. Lebeau. - Non ;
la mesure qu’il renferme est consacrée par la pratique.
M. Dubus. - Le
ministre de l’intérieur nous a présenté des amendements, mais du moins il les a
fait imprimer et distribuer hier ; il faudrait que nous pussions avoir aussi le
temps d’apprécier celui que nous soumet l’honorable orateur. Je lui demanderai
ce qui arriverait si un membre d’une autorité communale, frappé par cette
espèce de contrainte, prétendait ne rien devoir, et qui prononcerait dans ce
cas ?
M. Lebeau. - Les
tribunaux !
M. Dubus. - En
matière de contributions on ne s’adresse pas aux tribunaux.
M. Lebeau. - Mes
amendements ne sont pas des innovations ; ils ne sont que le complément des
principes posés par la chambre.
L’honorable préopinant n’attaque que la mesure
relative au recouvrement des frais ; je dis que cela se pratique ainsi que je
le propose ; mais comme il n’y a pas de texte clair, je veux, pour éviter les
contestations, trancher les difficultés par une disposition législative
explicite.
On demande ce que l’on fera lorsque l’on croira
être injustement frappé par une contrainte ?Je l’ai
déjà dit ; on s’adressera aux tribunaux. C’est quand on prétend n’être que
surtaxé qu’on ne peut en appeler devant l’autorité judiciaire.
M. Dubus. - Alors
il faut dire : « sauf recours aux tribunaux. »
M. Lebeau. - Il ne
faut pas dire : « sauf recours aux tribunaux, » parce que tout deviendrait
du ressort des tribunaux. Je ne veux que consacrer la pratique actuelle,
pratique qui a rencontré des résistances, faute d’un texte législatif clair.
M.
Dubus. - L’honorable auteur de la proposition disait d’abord que
c’était aux tribunaux que l’on devait
s’adresser ; maintenant il paraît avoir des doutes à cet égard ; cependant il
est important de lever ces doutes.
Il faut que celui qui est frappé par la mesure
sache à qui il doit s’adresser s’il ne doit rien. Ce n’est pas seulement la
députation qui est armée du droit de frapper, le gouverneur est armé aussi du
même droit ; or, il ne faut pas qu’il soit impossible d’appeler de la mesure
prise par le gouverneur.
Si l’on ne pouvait pas redresser les erreurs du
gouverneur, il frapperait en despote. Je demande que l’amendement soit ajourné.
M.
Lebeau. - L’honorable préopinant craint que les gouverneurs n’abusent
du droit de contraindre à payer ; mais par là, vous mettez le gouvernement sur
la même ligne que la députation, relativement au droit d’envoyer des
commissaires ; il faut bien que vous les mettiez sur la même ligne pour le
recouvrement des frais. Au reste on fait rarement usage du droit d’envoyer des
commissaires ; on n’en use qu’avec la plus grande circonspection.
Pour éviter toute amphibologie, mettez : « La
rentrée de ces frais sera poursuivie comme en matière d’impositions directes...
»
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - En introduisant ces mots :
« comme en matière de contributions directes, » je crois que l’on doit
comprendre que la rentrée se fera par tous les moyens employés pour ces
contributions ; alors tout ce que demande l’honorable M. Dubus existe. En
effet, quand on se croit surtaxé, on est reçu devant la députation des états ;
les rôles de la répartition des impôts directs sont soumis à son homologation.
Ainsi, quand il y aura opposition de paiement, l’affaire reviendra aux états,
qui statueront que les frais stipulés par le gouverneur sont ce qu’ils doivent
être selon les règlements ou selon l’équité. Voilà comment il faut entendre les
choses. (Erratum inséré au Moniteur belge
n°58, du 27 février 1836 :) Mais quant aux tribunaux ils ne peuvent
jamais en connaître, alors même qu’on prétendrait ne rien devoir du tout.
M.
Dubus. - Selon l’observation présentée par M. le ministre des finances,
ce sera la députation des états qui jugera ; mais, pour lever tout doute,
mettez cette disposition dans la loi. Dans l’envoi d’un commissaire, il
pourrait y avoir erreur sur la personne qui était en retard. Je suppose qu’un
membre de l’administration communale demande à prouver qu’il était malade,
absent ou dans l’impossibilité de prendre part aux actes de la commune quand le
retard a eu lieu ; ce membre doit être entendu, car la peine pourrait ne pas
lui être applicable. On peut supposer d’autres cas encore. Par exemple, il est
dit dans la loi : « après deux avertissements successifs ; » mais si
l’un des avertissement n’arrivait pas à son adresse, le commissaire n’en serait
pas donc envoyé, et il faudrait le payer. Il peut arriver bien d’autres
circonstances où l’on aurait droit de réclamer ; il faut donc dire comment la
réclamation doit être jugée.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je crois que la députation ne doit intervenir que dans le sens indiqué par le
ministre des finances : si l’on veut un recours ultérieur, c’est au
gouvernement que l’on doit s’adresser. Si un fonctionnaire d’une administration
municipale pouvait en effet justifier qu’on ne peut lui imputer les retards,
certainement sa réclamation serait admise par le gouvernement.
M. Dumortier, rapporteur.
- Je ne vois pas de similitude entre les contributions directes et l’article en
discussion. Il s’agit d’une pénalité dans cet article ; Or, toute pénalité est
essentiellement du ressort des tribunaux. Si vous écartez l’intervention des
tribunaux, vous allez créer une juridiction exceptionnelle. On vous dit que
s’il y a erreur, on aura recours au gouvernement ; mais le gouvernement ne peut
pas se constituer en juridiction exceptionnelle ; il faut donc le recours aux
tribunaux.
M.
Rogier. - Je viens proposer un sous-amendement ; je demanderai que l’on
substitue le recours au Roi au recours à la députation. Il est indispensable
qu’une autorité supérieure à la députation soit juge du différent.
Dans le plus grand nombre des cas le commissaire
sera envoyé par la députation ; dès lors elle deviendrait juge dans sa propre
cause, s’il y avait réclamation : si le commissaire est envoyé par le
gouverneur, il ne conviendrait pas qu’elle donnât gain de cause à l’officier
municipal contre le gouverneur.
Au reste, elle n’oserait pas dans beaucoup de
circonstances déclarer que le gouverneur a tort. Le recours au Roi offre donc
le plus de garanties.
On parle du recours aux tribunaux ; mais cette
garantie serait contraire aux intérêts des agents communaux : quel est le
bourgmestre qui pour 10 ou 12 francs recourra aux tribunaux ? Ce recours est
trop onéreux pour qu’on en puisse faire usage. Le recours au Roi obvie à tons
les inconvénients en maintenant intacte la réparation des pouvoirs.
M. le président. -
L’amendement consiste dans l’addition de ces mots : « Dans tous les cas,
on pourra avoir recours au gouvernement ou au Roi. »
M.
Dubus. - En définitive, il s’agit ici de dommages et intérêts. On veut
que les officiers municipaux paient les frais du commissaire, à titre de
dommages et intérêts, parce qu’on veut punir leur négligence.
Mais cette question-là est réellement une question
judiciaire ; ce n’est pas un homme, mais un tribunal, un collège qui doit
prononcer là-dessus. Voici pourquoi il me paraît que c’est la députation
provinciale qui doit en être saisie, si on veut que ce soit un corps
administratif.
Je ne vois pas l’avantage à centraliser tout en
pareille matière entre les mains du gouvernement ; il n’y a pas le moindre
avantage pour le gouvernement à avoir la prérogative de prononcer sur des
questions d’une telle nature.
Un grand
nombre de membres. - Aux voix ! aux voix !
M. le président. -
M. Lebeau se rallie-t-il à la proposition de M. le ministre de l’intérieur ?
M. Lebeau. - Oui, M. le président.
- La première partie de l’amendement de M. Lebeau
est mise aux voix et adoptée.
Le sous-amendement de M. Dubus est mis aux voix ;
il n’est pas adopté.
Le paragraphe additionnel proposé par M. Lebeau,
avec l’addition proposée par M. le ministre de l’intérieur est mis aux voix et
adopté.
L’art. 14 est adopté dans son ensemble avec les
amendements de M. Lebeau et le sous-amendement de M. le ministre de
l’intérieur.
Chapitre II. - Des attributions
du collège des bourgmestre et échevins
Article 15
« Art. 15. Le collège des bourgmestre et
échevins se réunit aux jours et heures fixés par le règlement et aussi souvent
que l’exige la prompte exécution des affaires ; il ne peut délibérer si plus de
la moitié de ses membres n’est présente.
« Les résolutions sont prises à la majorité des
voix ; en cas de partage le collège remet à une autre séance, à moins qu’il ne
préfère appeler un membre du conseil, d’après l’ordre d’inscription au tableau.
« Si cependant la majorité du collège a,
préalablement à la discussion, reconnu l’urgence, la voix du président est
décisive. »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
Article 16
M. le président.
- La chambre passe à la discussion de l’art. 16.
Cet article est ainsi conçu dans le projet du
gouvernement, tel qu’il se trouve modifié par les amendements proposés par M.
le ministre de l’intérieur :
« Art. 16. Le collège des bourgmestre et
échevins est chargé :
« 1° (nouveau). De l’exécution des lois,
arrêtés et ordonnances de l’administration générale ou provinciale ;
« 1° (bis). De la publication et de l’exécution
des résolutions du conseil communal ;
« 2° De l’administration des
établissements communaux ;
« 3° De la gestion des revenus et de
l’ordonnancement des dépenses de la commune, de la surveillance de la
comptabilité ;
« 3° (bis). De l’exécution des lois et
règlements relatifs à la police communale et rurale ;
«4° De la direction des travaux communaux ;
« 5° Des alignements de la grande et
petite voirie, conformément aux plans adoptés par l’autorité supérieure, et
sauf recours à cette autorité et aux tribunaux, s’il y a lieu, par les
personnes qui se croiraient lésées par les décisions de l’autorité communale.
« Néanmoins, en ce qui concerne la grande
voirie, les alignements donnés par le collège sont soumis à l’approbation de la
députation du conseil provincial.
« 6° De l’approbation des plans de bâtisse à
exécuter par les particuliers, tant pour la petite que pour la grande voirie,
dans les parties agglomérées des communes de 2,000 habitants et au-dessus, sauf
recours à la députation du conseil provincial, au gouvernement et aux
tribunaux, s’il y a lieu, par les personnes qui se croiraient lésées par les
décisions de l’autorité communale.
« Le collège échevinal sera tenu de se
prononcer dans la quinzaine à partir du jour du dépôt des plans.
« 7° Des actions judiciaires de la commune,
soit en demandant, soit en défendant ;
«8° De l’administration des propriétés de la
commune, ainsi que de la conservation de ses droits ;
«9° De la surveillance des employés salariés
par la commune ;
« 10° De faire entretenir les chemins vicinaux
et les cours d’eau, conformément aux lois et aux règlements de l’autorité
provinciale. »
M. Doignon. -
Les deux questions de principe qui vous ont été présentées par M. le ministre,
relativement au personnel et aux attributions du pouvoir communal, et sur
lesquels vous avez voté au commencement de cette discussion, auraient dû
nécessairement subir quelques modifications ; elles vous ont été posées
évidemment d’une manière insidieuse et afin d’amener plus facilement les
réponses qu’il désirait. Mais la clôture inattendue de la discussion nous a
empêches de proposer aucun changement aux questions ainsi posées par M. le
ministre.
Dans une précédente séance j’ai établi tout à
la fois qu’on ne pouvait se dispenser, d’après la constitution, de continuer à
laisser la nomination des échevins à l’élection directe, et qu’il y avait lieu,
malgré cette élection directe de leur conserver leurs attributions existantes,
et nommément l’exécution ou plutôt l’application des lois et mesures
d’administration générale dans la commune. Je persiste dans cette opinion.
J’ai établi qu’avec les moyens coercitifs
convenables et déjà stipulés et précédemment adoptés dans le projet de loi, il
n’existait évidemment aucun inconvénient à ce que les échevins élus directement
continuassent à être chargés, concurremment avec le bourgmestre, de l’exécution
des lois générales dans leurs rapports avec les intérêts de localité. J’ai fait
voir que les moyens de précaution employés contre les personnes et les actes de
ces magistrats sont tellement puissants, qu’il est impossible que, nonobstant
lent élection directe, le service et l’exécution des lois et arrêtés qu’on leur
confie ne soient point assurés dans la commune au gré de l’administration
supérieure ; que, dans tous les cas, les mesures sont prises de manière à ce
que toujours force reste à la loi et à l’autorité supérieure contre la commune.
Jusqu’ici nos adversaires et MM. le ministre
ont eu soin de mettre de côté toute mention de ces garanties contre les
échevins élus par le peuple ; ils vous les ont présentés isolés, et comme s’ils
étaient parfaitement libres pour leurs personnes et leurs actes à l’égard de
l’exécution des lois, de manière à vous faire croire qu’il y aurait quelque
péril s’ils n’étaient point désignés par le Roi, et à provoquer ainsi une réponse
favorable à leur système. Tandis que la question de principe aurait dû vous
être présentée avec une idée exacte de l’ensemble de ces garanties, lesquelles
sont inséparables de notre système, M. le ministre est venu vous poser la
question comme s’il n’en existait aucune, et avec cette réticence il est
parvenu à obtenir une réponse affirmative à toutes ses questions. Je pense donc
que pour poser la question relative aux attributions d’une manière franche et
loyale, ou aurait dû d’abord ajouter au moins après ces mots :
« Participeront-ils à l’exécution des lois générales, » ceux-ci : « Sauf
les mesures convenables contre leurs personnes et leurs actes, » puisque
toutes ces mesures réunies forment ensemble la partie la plus essentielle de
notre système communal.
Mais ce n’est que provisoirement et à une bien
faible majorité que vous avez déclaré que les échevins seraient choisis par le Roi dans le sein du
conseil, en même temps qu’ils participeraient à l’exécution des lois générales.
J’ai lieu d’espérer qu’au second vote la majorité reconnaîtra que nonobstant
cette attribution, le choix des échevins ne peut appartenir qu’aux électeurs ou
au moins au conseil communal. Vous n’oublierez pas cet aveu tout à fait naïf,
échappé à M. le ministre de l’intérieur, que le bourgmestre est l’âme, la tête
de l’administration et par conséquent seul chef de ce corps. Vous vous
rappellerez que la discussion fut close sur l’art. 2 sans qu’on ait permis à
mes amis de répondre et de réfuter les discours du ministre de l’intérieur et
de M. Raikem, ce qui sans doute a empêché nos nouveaux collègues d’être
suffisamment éclairés.
C’est donc en admettant
l’élection des échevins par les électeurs ou par le conseil, que je
soutiendrai, comme je l’ai fait jusqu’ici, qu’il y a lieu de continuer au
collège échevinal la mission d’exécuter les lois et arrêtes d’administration
générale, mais, remarquez-le bien, en ce qui concerne seulement leur
application aux intérêts communaux : en dehors de ce cercle, le pouvoir
exécutif peut confier au bourgmestre seul ou à tout autre l’exécution des lois
générales. Du moment qu’elles sont étrangères à l’intérêt communal, les
magistrats de la commune sortiraient de leurs attributions, s’ils prétendaient
s’immiscer dans leur exécution.
La constitution a tracé elle-même quelques règles
pour les attributions comme pour le personnel de l’administration communale.
C’est d’abord dans le conseil que réside le pouvoir
communal créé par la constitution, comme pouvoir distinct et séparé de pouvoir
exécutif.
C’est à lui qu’appartient l’administration suprême
de la commune et qu’il appartient de délibérer et de régler tout ce qui
intéresse la commune et les actes de son administration. L’article 108 lui
attribue tout ce qui est d’intérêt communal.
Mais du moment que tout est délibéré par ce corps,
comme il y a pour lui impossibilité physique d’exécuter lui-même et
d’administrer tous les jours, il est nécessaire que ce soin soit confié à une
commission ou à un collège échevinal.
La première attribution de ce collège doit donc être
l’administration journalière et exécutive, et c’est ce que la loi devrait
formellement déclarer comme on l’a fait, d’ailleurs, pour l’administration
provinciale.
Quant à l’exécution des lois et arrêtés
d’administration générale, ce n’est que pour autant qu’il y a lieu d’en faire
spécialement l’application aux personnes ou aux choses de la commune que le
corps communal doit intervenir. Comme cette application dépend des
circonstances, de l’opportunité des besoins, de l’esprit même des habitants et
d’une foule de faits accessoires, et qui varient même souvent selon les
localités, elle devient nécessairement une affaire d’administration intérieure
ou domestique ; elle devient donc une question d’intérêt communal dont la
constitution attribue la connaissance aux administrateurs ou agents de la
commune.
Il faut naturellement faire ici une distinction
entre les lois et arrêtés qui atteignent le citoyen comme citoyen du royaume,
et celles qui l’intéressent comme membre d’une communauté d’habitants ou plutôt
comme membre de la petite famille. Le pouvoir communal ne peut intervenir quant
aux premières, mais il embrasse nécessairement dans son action ce qui concerne
l’application des dernières aux intérêts particuliers de chaque localité ; par
exemple, lorsqu’il s’agit de mesures générales dans l’intérêt de la classe
pauvre ou à l’effet de protéger dans la commune l’agriculture, le commerce, les
manufactures, etc.
Le projet de loi lui-même nous en offre plusieurs
exemples : parmi les délibérations du conseil qui doivent être soumises à
l’approbation de la députation provinciale, l’on indique les règlements
relatifs au parcours et à la vaine pâture ; mais il existe sur cette matière
des lois et autres dispositions générales ; les conseils, dans ces cas, ne
feront donc qu’exécuter ou plutôt appliquer ces lois et décrets, et cette
application, bien qu’elle se lie à l’intérêt général, n’est réellement qu’un
acte d’intérêt communal.
L’on a aussi compris dans ces délibérations à
soumettre à la députation provinciale les reconnaissances et ouvertures des
chemins vicinaux et sentiers conformément aux lois et aux règlements
provinciaux. Dans ces cas encore, en reconnaissant et ouvrant de pareils
chemins, le conseil sera de même tenu d’exécuter les lois et règlements
auxquels on se réfère, et, quoique ces lois et règlements aient en vue
respectivement l’intérêt général ou provincial, il n’en demeure pas moins
évident que le conseil fera encore ici des actes d’administration ou d’intérêt
communal.
Je citerai encore la disposition de l’art. 6 du
projet qui charge les conseils de répartir, conformément aux lois, le
contingent des contributions directes assignées à la commune. Ici encore le
corps municipal est lui-même chargé de l’exécution de la loi dans la commune,
et toujours par le même motif que son application aux personnes comme aux
choses de la commune est purement d’intérêt communal. L’Etat lui-même a
cependant aussi le plus grand intérêt à ce que cette répartition s’effectue
avec justice et équité ; mais dès que l’opération se renferme dans la commune,, on reconnaît qu’elle est une question d’intérêt communal,
et on en abandonne l’exécution au conseil.
Il est donc constant, d’après le projet de loi
lui-même que l’exécution des lois et arrêtés dans la commune appartient à ses propres
agents en ce qui concerne les rapports de ces dispositions générales avec les
intérêts communaux ; et qu’on veuille bien y faire attention, dans les exemples
cités, c’est même aux membres du conseil, élus directement par le peuple, que
cette exécution est formellement confiée.
Or, remarquez, messieurs, que la constitution ayant
donné aux conseils l’attribution universelle de tout ce qui est d’intérêt
communal, les attributions mentionnées au projet ne sont pas limitatives : on
ne les y a même rappelées que pour en soumettre les objets à l’approbation de
l’autorité supérieure. Dans une autre séance, je vous ai au surplus mis sous
les yeux un grand nombre de cas tous aussi saillants que ces derniers.
Dans tous ces cas le conseil est en droit de
délibérer sur les mesures à prendre dans la commune, et le collège électoral
exécute.
Comme l’application spéciale des lois et arrêtés
aux intérêts communaux nécessite des soins et une vigilance de tous les jours
et de tous les instants, elle doit aussi tomber naturellement dans les
attributions du collège échevinal chargé de l’administration journalière.
C’est ainsi qu’il est déclaré dans l’art. 76 du
règlement du plat pays, encore en vigueur, que les bourgmestre et assesseurs
soignent et assurent l’exécution immédiate et l’exacte observation de toutes
les lois et de toutes les ordonnances et arrêtés de l’administration générale ;
que l’art. 98 du règlement des villes qui nous régit encore en ce moment, porte
que les bourgmestre et échevins veillent aussi à l’exécution immédiate des lois
et des arrêtés.
Ce que nous demandons n’est donc que la
continuation du régime précédent, mais en accordant contre les échevins des
villes choisis par les électeurs ou le conseil, un droit de révocation que
l’autorité supérieure n’avait point précédemment, et de plus en armant celle-ci
de toutes les mesures de précaution convenables afin de faire marcher le
service public dans la commune.
Je ne reviendrai point sur ce que j’ai déjà dit,
pour prouver combien ces mesures seront efficaces et plus que suffisantes pour
obtenir des échevins élus même directement une bonne administration et la
pleine et entière exécution des lois et arrêtés. Je me bornerai à rencontrer
quelques objections. J’ai écouté attentivement les observations de nos adversaires,
et ce n’est que par des sophismes on des assertions évidemment erronées qu’ils
ont pu nous combattre.
Nous avons démontré combien il était absurde
d’inférer du silence de la constitution que le congrès avait pu supprimer le collège
échevinal. Certes on ne peut nier que les échevins ne soient membres de
l’administration communale. Or, puisqu’il n’y a d’exception que pour le chef,
tous les autres membres et, par conséquent, les échevins doivent tomber sous
l’application du principe général de l’élection directe. Cette question étant
premièrement une question de constitution, dans tout les cas elle est
indépendante de toutes les autres : dès que la constitution parle, la
législature cesse d’être libre sur ce point. Quand la loi des lois, que nous
avons juré de maintenir, nous commande, nous ne pouvons faire dépendre notre
opinion de telle ou telle autre question ; l’honnête homme doit premièrement
observer son serment, et il doit le faire courageusement, sans même reculer
devant les conséquences.
Si les échevins sont élus directement par les
électeurs ou par le conseil, et que, d’une autre part, le Roi désigne le
bourgmestre dans le conseil ou sur une présentation de ce corps, on s’exposera,
dit-on, à voir naître des conflits entre les bourgmestre et les échevins
chargés ensemble de l’administration journalière et de l’application des lois
et arrêtés dans la commune.
Mais si ceux qui partagent de pareilles craintes
voulaient examiner avec attention l’ensemble du système communal, ils verraient
bientôt qu’elles ne sont pas fondées.
D’abord c’est improprement qu’on dit toujours que
le gouvernement nomme les bourgmestres ; au vrai, il ne fait que les désigner
dans le sein du conseil.
Mais n’est-il pas vrai que la prudence et le désir
d’établir l’ordre et la paix dans la commune porteront toujours le Roi à
choisir ce magistrat dans la majorité du corps municipal ? Le prendre en dehors
de cette majorité serait en effet rendre impossible l’administration de la
commune. Or, dans notre système d’élection directe, les échevins, de leur côté,
sont aussi choisis dans cette même majorité, soit qu’ils soient élus
directement par le conseil ou par la majorité des électeurs ; par conséquent,
et le bourgmestre et les échevins ont une origine commune. C’est à la même
source que nous puisons les éléments de tout le personnel du collège échevinal
; il y aura donc généralement parmi ses membres uniformité de principes et de
vues ; il y aura donc homogénéité dans la composition de ce corps, et les
prétendus conflits entre ses membres, relativement à l’application des lois et
arrêtés dans la commune, ne seront pas plus à craindre que dans le système
précédent ou celui actuellement en vigueur.
Mais ce n’est pas tout : si d’un côte, par respect
pour la constitution, le Roi ne peut intervenir dans la désignation des
échevins, le projet lui donne sur les actes et les personnes de ces magistrats
les mêmes droits et attributions que s’il les avait nommés directement
lui-même. Leur désignation par le conseil ou les électeurs n’est-elle pas
indifférente pour le pouvoir exécutif, lorsque, dès l’instant même où ils sont
nommés, ces administrateurs tombent sous sa dépendance et deviennent de fait
ses subordonnés, tant pour l’exécution des dispositions d’intérêt général que
pour celles même d’intérêt communal ?
Or, c’est ce qui résulte à évidence de l’ensemble
des moyens coercitifs donnés à l’administration supérieure contre leurs
personnes et contre leurs actes.
En règle générale, celui qui nomme, révoque ; mais
il en est tout autrement à l’égard des échevins élus ; ce ne sont ni les
électeurs ni le conseil qui peuvent révoquer les magistrats choisis par eux :
ce droit de révocation est conféré à l’autorité supérieure tout à fait
indépendante de la commune. Ces magistrats, quoiqu’ils ne soient point désignés
par le gouvernement, n’en sont pas moins aussi dépendants que le bourgmestre
lui-même. S’ils n’exécutent pas les lois ou les mesures d’administration
générale, l’administration supérieure peut autant y contraindre les échevins
que le bourgmestre par la menace de révocation ou de suspension comme par
l’exécution forcée à leurs frais personnels : tous les actes de ceux-là comme
de celui-ci sont en général soumis à son approbation, et elle a le droit
d’annuler les uns et les autres s’ils sortaient de leurs attributions ou
blessaient l’intérêt général.
La loi prévient d’avance les échevins élus
directement comme le bourgmestre, que c’est en vain qu’il y aurait de leur part
mauvais vouloir, négligence on résistance dans l’exécution des mesures
d’administration générale ; indépendamment même de la révocation ou suspension,
l’autorité supérieure peut sans leur participation, et malgré eux, passer
outre, agir elle-même directement et faire exécuter même à leurs dépens. Je
l’ai déjà dit, un droit aussi exorbitant ne me paraît même aucunement
nécessaire.
Avec tous ces moyens de force et de répression
contre les échevins, il est donc vrai de dire qu’une fois élus, ils deviennent
forcément, comme le bourgmestre lui-même, les agents de l’administration
supérieure, puisqu’ils tombent immédiatement, non seulement sous son influence,
mais même sous sa domination. Celle-ci leur lie tellement les mains et a tant
d’autorité sur leurs personnes, qu’il faut bien qu’ils se conforment à ses
instructions et qu’ils marchent d’accord avec le bourgmestre. Le collège
échevinal a donc dans notre système d’élection directe toute l’homogénéité
désirable sous un gouvernement représentatif, et cela par rapport même à
l’exécution des lois dans la commune ; non seulement tout son personnel a la
même origine, mais tous ses actes comme ses personnes sont soumis aux mêmes
conditions, et aux mêmes droits vis-à-vis du pouvoir exécutif. L’action
gouvernementale que nous accordons contre les magistrats élus de la commune et
leurs actes est si puissante qu’il est impossible que le gouvernement manque de
moyens pour mettre en parfaite harmonie la petite et la grande famille.
Au moins, je le répète, qu’on attende les résultats
de l’expérience. Si, par suite de la réforme acquise par la constitution le
gouvernement ne doit pas intervenir dans la nomination des échevins, en
compensation on donne aussi à l’autorité supérieure un droit qu’elle n’avait
point auparavant, celui de révoquer les échevins dans les villes.
Si déjà, d’ailleurs, la constitution ne nous en
faisait une loi à tous, ceux qui ont voté l’élection directe, ou par le
conseil, des échevins, peuvent donc en toute sûreté leur laisser, avec le
bourgmestre, l’application des lois et arrêtés, ainsi que toujours ils l’ont
eue jusqu’ici dans leur attributions ; comme, d’un autre côté, ceux qui leur
donneront aujourd’hui cette attribution, pourront voter pour l’élection
directe.
L’élection directe, proclamée par la constitution,
n’est elle-même qu’une réforme contre les abus et l’influence du pouvoir
exécutif. On ne peut donc en argumenter pour dépouiller les échevins de leurs
principales attributions au profit de ce pouvoir.
Mais, dit-on encore, si les échevins sont chargés,
comme le bourgmestre, de l’exécution des dispositions d’intérêt général, vous
ne pourrez en laisser le choix aux électeurs ou au conseil, puisqu’ils sont
sous ce rapport de véritables agents du gouvernement.
D’abord, nous avons démontré que presque toute
l’administration d’une commune consiste précisément dans l’application des lois
et arrêtés aux intérêts particuliers de chaque localité, que par conséquent la
question d’application est elle-même une question d’intérêt communal qui
appartient dé droit aux administrateurs communaux. Les échevins appelés aussi à
juger ces questions d’application n’en demeurent donc pas moins des
administrateurs de la commune, et à ce titre ils doivent être élus directement,
puisque leur chef seul est excepté.
Mais nous avons même établi que presque toutes les
affaires administratives de la commune, celles même d’intérêt de localité, ont
été réglementées sous l’empire et sous le régime hollandais par un grand nombre
de lois, décrets, arrêtés, avis de conseil d’Etat, etc. ; à moins que le
gouvernement ne veuille, comme sous l’empire, absorber le pouvoir communal,
leur exécution, qui est éminemment d’intérêt communal doit donc nécessairement
tomber dans les attributions des administrateurs communaux. Encore une fois,
c’est donc à ce titre même qu’elle appartient et doit appartenir aux échevins,
sauf, ainsi que nous l’avons vu, les moyens coercitifs de l’administration
supérieure contre leurs personnes et leurs actes.
Avec ce grand mot d’intérêt général, l’Etat
pourrait même soutenir que dans la commune tout indistinctement doit être remis
à ses agents, car on peut dire qu’il n’est pas une affaire de la petite famille
qui en même temps n’intéresse la grande plus ou moins.
Il est encore incontestable, aux yeux même de nos
adversaires que les échevins doivent également être chargés du soin des
affaires purement domestiques ou d’intérêt tout à fait communal. Or, cette
charge leur est encore évidemment confiée à titre d’administrateurs de la
commune ou de membres de l’administration locale ; et encore une fois, en cette
qualité, et à raison de cette attribution, vous ne pourrez, sans violer la
constitution, les soustraire à l’élection directe. Sous quelque rapport et de
quelque manière que vous envisagiez les échevins, ils sont donc éminemment avec
le bourgmestre les magistrats de la commune ; ils sont, comme le disait M. de
Theux lui-même, l’âme de l’administration locale ; et dès lors, s’il est vrai
que c’est aux administrateurs communaux que le congrès a entendu appliquer le
principe de l’élection directe, vous ne pourrez, de bonne foi, en refuser
l’application aux échevins, soit même que vous les chargiez ou non des mesures
d’administration générale dans leurs rapports avec les intérêts particuliers de
chaque localité.
Mais, disent nos adversaires, votre droit de
révocation pour négligence grave ou l’inexécution des lois est illusoire ; car
les échevins révoqués pouvant être réélus par le conseil ou les électeurs,
rentreront ainsi de nouveau dans le collège échevinal. On a déjà répondu que le
moyen de rendre efficace le droit de révocation était de déclarer que les
échevins révoqués ne seraient point éligibles aux mêmes fonctions pendant
quelques années. Dès que l’élection directe des échevins par les électeurs ou
le conseil est adoptée, un amendement dans ce sens sera présenté à la chambre.
Sans doute ces mêmes échevins révoqués rentreront dans le conseil mais on ne
poussera pas certainement la prétention jusqu’à vouloir donner au gouvernement
le droit d’expulser les membres du conseil.
Au moyen de tant de mesures de précaution, il est évident
qu’il n’existe pas le moindre danger à maintenir les attributions actuelles des
échevins avec leur élection directe.
Le pouvoir exécutif trouve dans ce système les
mêmes garanties que s’il était intervenu dans leur élection. Pour le personnel,
il n’aurait pu se dispenser de prendre dans la majorité du conseil. Eh bien, le
conseil lui-même doit le prendre aussi nécessairement dans la même majorité.
Pour leurs personnes et leurs actes, ils sont assimilés au bourgmestre ni plus
ni même que s’ils avaient été désignés comme lui dans le conseil par le
gouvernement.
Puisque l’élection directe se concilie parfaitement
avec la mission d’exécuter les lois, tellement que, d’après la constitution, le
bourgmestre lui-même investi de cette mission pouvait être soumis à l’élection
directe, quelques membres se trompent donc évidemment lorsqu’ils font dépendre
leur opinion sur l’élection directe des échevins de la question de savoir s’ils
auront avec le bourgmestre l’application des lois et arrêtés dans leurs attributions.
Nous avons prouvé qu’elles peuvent être exécutées dans la commune à la
satisfaction de l’administration supérieure, sans que pour cela ces magistrats
dussent nécessairement être désignés par le Roi. Mais, au surplus, la
constitution s’y oppose invinciblement.
La commune n’a aucune garantie réelle contre les
mauvaises nominations du gouvernement, tandis que l’on a armé contre elle le
gouvernement de toutes les précautions imaginables.
On parle sans cesse du pouvoir central ; mais le
pouvoir central, c’est la constitution elle-même : le pouvoir exécutif n’en est
donc qu’une fraction, comme le pouvoir communal lui-même.
Mais, a dit encore un honorable membre, en
attribuant ensemble aux bourgmestre et échevins l’exécution des lois et arrêtés
dans la commune, vous tombez dans un inconvénient extrêmement grave. Le
gouvernement n’intervenant que dans la nomination du bourgmestre seul et non
dans celle des deux ou quatre échevins, vous le condamnez à se trouver toujours
en minorité dans les délibérations sur cet objet.
Cet argument est tout à fait spécieux. Son auteur
ne voit pas ou ne veut pas voir l’ensemble des dispositions du projet de loi.
J’ai démontré qu’il offre à l’autorité supérieure tant de moyens de précaution
et de coercition contre les personnes et les actes des échevins, que ces
magistrats sont, pour ainsi dire, eux-mêmes forcés de lui obéir et de devenir
ses agents ; qu’il est donc moralement impossible que l’administration
supérieure n’obtienne pas une majorité, dès que ses exigences ne sont pas trop
arbitraires ou exorbitantes.
On raisonne ici comme si les échevins, par cela
seul qu’ils se trouveraient élus par le peuple ou le conseil, deviendraient
indépendants de l’autorité supérieure et tout à fait libres
dans leur action. Mais le projet de loi dans son ensemble a précisément établi
tout le contraire, et je crois superflu de me répéter sur ce point. Ces
magistrats une fois élus sont immédiatement placés sous l’influence du pouvoir
gouvernemental et sont mis presque à sa discrétion. Quoique sortis de l’urne
électorale, ils devront nécessairement dès lors perdre tout ou au moins une
très grande partie de leur origine.
C’est cette action puissante donnée à l’autorité
supérieure sur la personne et les actes des échevins (action tellement irrésistible
qu’elle les tient constamment sous sa dépendance), c’est cette action, dis-je,
qui forme le véritable système de conciliation avec leur élection directe. Si,
d’une part, on n’intervient pas dans leur choix, de l’autre on donne sur eux
toute influence, ce qui procure et assure au résultat le même avantage que si
l’on avait eu la nomination.
Si, en rendant le pouvoir central, pour ainsi dire,
maître de la personne et des actes des échevins, on lui accordait en outre le
droit de les désigner, il arriverait, comme l’observe fort bien M. Fallon, que
l’influence de ce pouvoir central serait telle dans la commune qu’il dominerait
l’administration journalière elle-même et qu’il absorberait tout ; il
arriverait que ce système de double mandat serait un véritable leurre dans
lequel les libertés communales telles que les proclame la constitution et les
antécédents, seraient confisquées au profit du gouvernement.
Cet honorable membre voudrait voir partager les
attributions entre les intérêts généraux et les intérêts communaux, et confier
les uns et les autres dans la commune à des agents différents ; je regrette de
ne pouvoir admettre ce système, qui au premier aperçu serait rationnel.
Il repose entièrement sur une erreur de fait des
plus graves. Il suppose qu’il est généralement possible de diviser ces deux
intérêts. Or, une semblable division rencontre des difficultés insurmontables,
et on peut la regarder comme moralement impossible et impraticable.
Outre qu’il n’existe qu’une législation unique pour
ces deux intérêts, il y a entre eux une telle connexité que lorsqu’ils se
touchent, ils sont de leur nature inséparables.
Lorsque dans l’exécution deux intérêts doivent
s’identifier, il serait évidemment contre l’ordre et la nature des choses de
leur donner des agents séparés. Dès qu’il s’agit de les coordonner entre eux,
la raison veut que ce soin soit remis aux mêmes personnes. Lorsqu’il y a lieu
d’exécuter une loi ou un arrêté dans leurs rapports avec l’intérêt communal,
vous ne pourriez donc attribuer au bourgmestre seul ce qu’on appelle l’intérêt
général, et aux échevins ce qui est d’intérêt communal. Je vous ai même
démontré que dans ce cas l’application de l’arrêté ou de la loi aux personnes
et aux choses de la communauté devient même dès lors une question qui est
éminemment d’intérêt communal. Je vous ai également fait voir que la
législation impériale et néerlandaise avait même réglementé jusqu’aux affaires
intérieures et domestiques de la commune. Puisque l’intérêt dominant doit
influer sur la question d’attribution, c’est donc aux administrateurs de la
commune qu’appartient l’exécution ou plutôt l’application de toute cette
législation à l’intérêt communal, avec toutefois les réserves et restrictions
nécessaires pour la garantie de l’intérêt général ; mais jamais elle ne
pourrait appartenir exclusivement au bourgmestre seul, nommé par le pouvoir
central.
Comme je l’ai déjà observé, il faudrait
premièrement réviser toute cette législation. L’intervention de la députation
provinciale serait insuffisante pour faite cesser les conflits et résoudre
toutes les difficultés qui surgiraient inévitablement du système de M. Fallon. J’attendrai au surplus les
explications de cet honorable membre.
Je ne puis admettre davantage le système
d’attributions de ceux qui veulent un chef ou un bourgmestre en trois
personnes.
Cette perfection qu’on prétend atteindre dans
l’homogénéité du collège échevinal est encore une de ces théories qui
s’évanouissent devant les faits et la pratique.
Il est dans la nature des choses qu’il n’y ait
qu’un chef, et des attributions spéciales doivent nécessairement être assignées
à ce chef.
J’ai établi que les bourgmestre et échevins, ou, en
d’autres termes, que le collège échevinal doit être chargé de l’administration
journalière et de l’exécution des lois et arrêtés en ce qui concerne leur
application aux intérêts communaux.
Mais, malgré cette attribution assignée au
bourgmestre conjointement avec ses collègues, il n’en est pas moins vrai qu’à
titre de chef, ce magistrat nommé par le Roi doit être considéré sous un tout
autre point de vue que les échevins. Le gouvernement qui a droit de le
désigner, l’envisagera d’abord comme son homme politique dans la commune. Vous
ne pourrez l’empêcher de s’adresser à lui particulièrement et même
confidentiellement dans une foule de circonstances ; c’est à lui et non aux
échevins qu’il adressera ses instructions particulières, même sur des matières
étrangères à l’intérêt communal ; c’est à lui et non aux échevins qu’il
demandera souvent ou périodiquement des rapports particuliers sur tel objet
qu’il jugera convenir, c’est lui et non aux échevins qu’il donnera même
certaine mission de haute police ou le soin particulier de certaines affaires ;
c’est encore à lui et non aux échevins qu’il demandera des avis et renseignements
dans telle ou telle circonstance. Quoi qu’on dise ou qu’on fasse même dans la
loi communale, le gouvernement verra dans ce chef nommé par lui son homme de
confiance.
Voilà donc toute une attribution des plus
importantes dont les échevins se trouveront généralement exclus, et, je le
demande à ceux qui ont voté contre leur élection directe, cette attribution
n’est-elle pas de nature à amener aussi une différence dans le mode de
nomination du bourgmestre et des échevins ? Si les relations particulières et
inévitables qui doivent exister entre le gouvernement et le chef de
l’administration, justifient jusqu’à un certain point son intervention dans sa
nomination, de bonne foi oserait-on dire qu’il y a parité de raisons à l’égard
des échevins ?
Dès que vous admettez un chef, chercher cette
homogénéité parfaite pour se créer ensuite un mode unique de nomination pour
tous, c’est résister à la nature des choses, c’est réellement courir après une
chimère.
Mais, en sa qualité de chef, le bourgmestre a une
foule d’autres attributions que n’ont pas les échevins, et qui les placent
encore sous les ordres immédiats et la dépendance du gouvernement ; c’est
toutes les fois que la loi le charge seul et exclusivement d’un objet ou d’une
mesure quelconque : c’est ce qui arrive à l’égard des émeutes, dans le service
de la garde civique, etc. ; on peut en trouver un grand nombre d’autres
exemples dans nos lois : nos lois futures pourront y ajouter bien d’autres cas.
Le gouvernement fera encore intervenir le
bourgmestre, à l’exclusion des échevins, dans l’exécution des lois tout à fait
étrangères aux intérêts communaux.
Or, je le répète, si déjà le texte de la
constitution ne tranchait point la question, une différence aussi saillante
dans les attributions ne nécessite-t-elle pas une différence dans le mode de
nomination ? L’Etat devra d’autant moins intervenir dans le choix des échevins,
que leurs attributions sont toutes communales. Quel que soit le système qu’on
embrasse, on ne peut dire la même chose du bourgmestre.
Ce magistrat doit avoir en outre d’autres
attributions inhérentes à son titre de chef, et qui se rapportent plus ou moins
à l’action gouvernementale.
De même que l’administration journalière doit être
laissée au collège échevinal parce qu’il est physiquement impossible au conseil
de s’en occuper, pareillement certaines attributions doivent être abandonnées
au bourgmestre, parce qu’il est dans la nature des choses qu’elles ne puisent
être exercées convenablement que par le chef du corps ou par une seule personne.
Ainsi, d’après les règlements en vigueur au plat
pays, le bourgmestre peut agir seul dans les cas suivants : Il lui appartient
spécialement de veiller à l’exécution des lois, arrêtés et autres dispositions
et règlements existants, relativement aux incendies, à la salubrité et à la
propreté, aux poids et mesures ; de surveiller l’observation des dispositions
et ordonnances existantes relativement aux rues, chemins, sentiers, canaux,
ponts, égouts, aqueducs et autres objets semblables. (Art. 53, 54, 56, 57).
Le bourgmestre a la faculté d’agir seul et sous sa
responsabilité quand il s’agit d’une simple mesure d’exécution ou de maintenue
et qu’il n’y a plus matière à délibération par le conseil ou le collège quant
au mode. Il est même tenu d’agir en ce cas si un délai ou un retard pouvait
entraîner quelque préjudice ou inconvénient, à la charge de faire toutefois aux
échevins, dans la séance suivante, un rapport sommaire de l’opération (article
82). Ce qui concerne l’état civil, et l’exécution des lois et décrets relatifs
à cette branche importante de l’administration lui appartient aussi
exclusivement.
Soit que la loi actuelle s’en explique
formellement, soit qu’elle garde à cet égard le silence, toutes ces
attributions reviendront de droit au bourgmestre seul à l’exclusion des
échevins, puisqu’elles découlent de la nature même des choses.
Or, je prie de nouveau la chambre de s’en souvenir,
une différence essentielle dans les attributions doit nécessairement amener
aussi une différence essentielle dans le mode de nomination.
L’expression « pouvoir exécutif » qui se
trouvait dans les questions posées par M. Nothomb, était évidemment trop vague.
Au résumé le collège échevinal doit avoir l’administration journalière et
l’exécution des lois, arrêtés et ordonnances de l’administration générale ou
provinciale en ce qui concerne leur application aux intérêts communaux : mais
il doit être entendu que cela n’empêche aucunement que le conseil ait lui-même
le droit de régler l’exécution par des arrêtés ou règlements. Si d’une manière
absolue l’on attribuait au collège tout le pouvoir exécutif, ce serait porter
atteinte aux droits du conseil à qui la constitution attribue universellement
tout ce qui est d’intérêt communal.
Je suppose qu’il s’agisse
d’un arrêté royal relatif aux fabriques, ou à des établissements d’agriculture
ou de commerce, ou aux pauvres de la commune, etc. Certes, il est évident que
le conseil ne peut rester étranger à l’application de cet arrêté aux divers
intérêts de la localité ; il pourra donc régler le mode et les mesures à
prendre pour cette exécution, et dès l’instant qu’il n’y aura plus rien à
délibérer à cet égard, c’est au collège échevinal qu’il appartiendra de faire
le reste.
C’est dans ce sens que la véritable attribution de
ce collège doit consister dans l’administration journalière et exécutive.
L’entendre autrement, ce serait enlever au conseil une partie essentielle de
ses attributions pour en investir les bourgmestre et échevins. L’article tel
qu’il est proposé par M. le ministre est d’ailleurs aussi très incomplet,
puisqu’il ne fait aucune mention de l’administration journalière qui est
cependant la première de toutes les attributions du collège échevinal.
- Les numéros de l’art. 16
jusqu’au n°9 inclus sont successivement adoptés.
La discussion est ouverte sur le n°10.
M.
Dubus. - Je ne comprends pas l’utilité du paragraphe 10 proposé par M.
le ministre. Remarquez que par le paragraphe 4 nous chargeons le conseil de la
direction des travaux relatifs aux chemins vicinaux. Ce n°4° comprend donc le
n°10° que l’on vous propose. Si le but de cette disposition est de mettre les
travaux exécutés aux chemins vicinaux à la charge des communes, elle est encore
inutile, puisqu’il est dit ailleurs que ces frais devront être portés au budget
communal.
Il n’est pas nécessaire non plus de dire que le
conseil devra se conformer aux lois et règlements en vigueur en matière de
voirie vicinale. C’est un devoir pour le conseil de le faire en toute matière.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Les observations de l’honorable M.
Dubus me paraissent justes. Je retire ma proposition, que je n’avais faite que
parce qu’elle a été adoptée dans une première discussion.
M.
Lebeau. - Le numéro 10 n’est pas aussi inutile qu’on le croit. Il a été
adopté dans le premier vote de la loi communale, après une discussion assez
longue, sur la proposition de M. d’Hoffschmidt.
Cette disposition impose formellement aux communes
une obligation à laquelle l’intérêt des habitants et la salubrité publique sont
attachés.
Il n’y a rien de plus négligé dans certaines
communes que l’entretien des chemins vicinaux. S’il est dit que le collège est
chargé de la direction des chemins vicinaux, cela n’implique pas la nécessité
de créer de nouveaux travaux.
Il faut que cette nécessité soit stipulée dans la
loi. Il faut en outre que les municipalités sachent bien qu’elles sont tenues
de se conformer aux règlements et lois en vigueur sur la voirie vicinale. Ce
sont toutes ces considérations qui ont fait admettre l’amendement de M.
d’Hoffschmidt.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Nous sommes tous d’accord sur l’obligation qui incombe au collège. Aussi je
crois que, toute réflexion faite, il vaudra mieux conserver le numéro 10, afin
que l’on ait sous les yeux l’ensemble des obligations stipulées à l’article en
discussion.
M. Dubus. - Les
observations de M. Lebeau m’ont convaincu de l’utilité d’une disposition qui
est le résultat d’un mur examen. Je ne m’oppose donc plus à l’adoption du
numéro 10.
M. Dumortier, rapporteur.
- Il faut que la chambre sache bien pour quel motif l’on a introduit cette
disposition dans la loi. Ce doit être une question de savoir qui devait régler
les chemins vicinaux. Les communes auraient pu croire que c’était à elles qu’il
appartenait de régler cet objet. Nous avons dû faire comprendre aux communes
qu’elles n’ont pas de règlements de chemins vicinaux, qu’elles doivent se
conformer aux règlements et lois en vigueur.
- Le numéro 10 est adopté.
L’ensemble de l’article est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 5 heures.