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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 13 janvier 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre, notamment pétitions relatives aux droits d’entrée sur
les bois (de Renesse), à un rapprochement avec le
Zollverein (de Behr)
2) Projet
de loi relatif au renouvellement des concessions de péages (A. Rodenbach, Verdussen, Rogier, Desmet)
3)
Démission d’office d’un membre de la chambre (Ch.
Vilain XIIII)
4) Projet
de loi portant le budget du département de la guerre pour l’exercice 1836.
Discussion générale. Evolution générale des dépenses militaires depuis la
révolution, cour des comptes, comptes spéciaux (masse d’habillement), médecins militaires (Evain)
5) Projet
de loi portant création d’une école de médecine militaire
6) Projet
de loi portant le budget du département de la guerre pour l’exercice 1836.
Discussion générale. Critiques sur l’absence de transparence budgétaire,
organisation des états-majors et des corps (notamment infanterie et sapeurs),
officiers étrangers (de Jaegher), comptabilité
militaire (vente des biens de l’armée, comptes spéciaux (masse d’habillement),
comptabilité des hôpitaux militaires, rations de fourrage), visa préalable de
la cour des comptes (Jadot),
évolution générale des dépenses militaires depuis la révolution, ophtalmie
militaire, marché militaire (lit en fer), médecins militaires (A. Rodenbach), (Doignon, Evain)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°14, du 14 janvier 1836)
M. Verdussen
procède à l’appel nominal à une heure.
M. Schaetzen
donne lecture du procès-verbal de
la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Dechamps
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le
sieur F. Desauw, marchand de cendres d’Amsterdam, à Melle
(Flandre orientale), demande que les cendres de mer, qui, d’après la loi, sont
assimilées au fumier comme engrais, et comme tel exemptés du droit de
barrières, y soient également assimilés par rapport au système des poids et
mesures auquel le fumier n’est pas assujetti ou du moins, si cette demande
n’est pas accueillie, d’être autorisé, en vertu de l’arrêté du 27 octobre 1827,
à faire confectionner une cuvée d’une autre forme que le
demi-hectolitre. »
________________
« Le sieur Celliez-Blumenthal
propose à la chambre d’adopter une machine de son invention, appelée récipient de sûreté et d’équité, lors de
la discussion du projet modifiant la loi sur les distilleries. »
________________
« Trois
aspirants au notariat demandent que la loi relative au notariat prescrive l’âge
de 21 ou de 23 ans, au lieu de celui de 25, pour être apte aux fonctions de
notaire. »
________________
« Le sieur Lelièvre-Duchâteau, fabricant de noir animal et gélatine, demande
que les os soient prohibés à la sortie. »
________________
« Plusieurs tanneurs de Liége demandent,
pour faire revivre leur industrie, que
________________
« Les
maréchaux et cloutiers du district de Grevenmacher demandent que les droits
d’entrée sur les houilles venant de Prusse soient réduits au taux de celles qui
viennent de France. »
________________
« Plusieurs habitants d’Anvers, victimes
du bombardement, demandent à être indemnisés de leurs pertes. »
________________
« Un
grand nombre de propriétaires de forêts des provinces de Liége, Namur et de
Limbourg, demandent une loi protectrice qui, en élevant le droit d’entrée sur
les bois venant de
________________
« Le
major de gendarmerie Bodart, mis à la retraite,
renouvelle sa demande d’être remis en activité de service ou que la chambre se
fasse donner communication des motifs de la mesure dont il est frappé. »
________________
« Le
sieur J.-J. Granez, marchand de bois à Sivry (Hainaut), demande la naturalisation. »
________________
« Le
sieur J. Junemans, étranger, renouvelle sa demande en
naturalisation, afin d’être à même d’obtenir un emploi civil. »
________________
« Le
sieur F.-A. Lebon, né en France, résidant à Charleroy, demande la
naturalisation. »
________________
« Le
sieur M. Hischter demande la naturalisation, afin de
pouvoir accepter la place de garde-champêtre qui lui est offerte par
l’administration communale de Pont-Pierre. »
________________
« Un
grand nombre de cultivateurs du polder inondé de Lillo, conjointement avec ceux
des communes de Stabroek et Beerendrecht, demandent à
être déchargés du paiement des frais d’entretien des digues, écluses, ponts
etc., dudit polder. »
________________
« Plusieurs boutiquiers de la commune de
Hamme, district de Termonde, demandent que la chambre, tout en laissant
substituer le système décimal des poids et mesures, adopte une loi qui permette
aux commerçants en détail de se servir des anciens poids, tels qu’once,
quarteron, etc. »
________________
« Le
sieur Eugène de Blaere, ancien géomètre de seconde
classe, à Cartemarck, demande à être réintégré dans
les fonctions de géomètre-conservateur du cadastre. »
« Plusieurs anciens comptables, veuves et
héritiers de fonctionnaires, demandent le remboursement de cautionnement versés
en numéraire, et demandent l’allocation au budget d’une somme à cet effet,
avant la liquidation avec
________________
« Huit
fabricants de poids et mesures de la ville de Lokeren s’adressent itérativement
à la chambre, pour la prier de faire une nouvelle loi sur les poids et
mesures. »
________________
M. de Renesse.
- Messieurs, par pétition datée de Liège, un grand nombre de propriétaires de
forêts des provinces de Liége, de Namur et de Limbourg demandent une loi protectrice
qui, élevant les droits d’entrée sur les bois venant de
Ces pétitionnaires réclament avec instance une
mesure prompte ; ils osent appeler toute l’attention de la chambre sur l’une
des branches les plus importantes de la richesse territoriale, en souffrance
par suite des arrivages considérables de bois de toute espèce venant du Nord.
En effet, si l’on considère que ces bois étrangers
paient à l’entrée seulement le droit minime de 25 cents par tonneau de 1,000
kilo. pesant, que nos propriétés boisées sont soumises
à de fortes contributions non supportées par les bois étrangers, que le
transport des bois du pays est très coûteux, tandis que ceux venant du Nord,
amenés à peu de frais par cargaisons immenses dans l’Escaut, sont livrés des
pris très modiques, il est hors de doute que nos bois ne peuvent concourir avec
avantage.
J’ai, en conséquence,
l’honneur de proposer à la chambre de vouloir ordonner le renvoi de cette
pétition à la commission des pétitions, avec invitation de faire un rapport
dans la huitaine ; et en outre je demande son insertion au Moniteur.
- La proposition de M. de Renesse est adoptée ; en
conséquence la pétition de plusieurs propriétaires de bois est renvoyée à la
commission des pétitions qui est invitée à en faire rapport dans la huitaine ;
elle sera en outre insérée au Moniteur.
M. de Behr. -
Parmi les pétitions dont M. le secrétaire vient de faire connaître l’analyse,
il en est une des tanneurs de Liège qui expose l’état de détresse de cette
industrie et qui signale comme moyen de la relever et d’en assurer la
prospérité, l’adhésion au système fédéral des douanes allemandes. Déjà les
principaux habitants de Verviers ont adressé une pétition de cette nature ; et
la chambre en a ordonné l’impression au Moniteur.
Je demande qu’il en soit de même pour la pétition des tanneurs de Liège, et que
ces deux pétitions soient réunies pour être de la part de la commission des
pétitions l’objet d’un seul et même rapport.
- La proposition de M. de Behr est adoptée ; en
conséquence la pétition des tanneurs de Liège sera imprimée au Moniteur ; la commission des pétitions
est invitée à réunir cette pétition à celle de plusieurs habitants de Verviers
pour en faire l’objet d’un seul rapport.
Les pétitions relatives à des demandes de
naturalisation sont renvoyées à M. le ministre de la justice ; les autres
pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
________________
Par divers messages le sénat informe la chambre
qu’il a adopté les projets de loi suivants :
- Le projet de loi relatif à la péréquation
cadastrale ;
- Le projet de loi relatif à la sortie des os ;
- Le projet de loi concernant les voies et moyens ;
- Le projet de loi relatif aux los-renten ;
- Le projet de loi relatif à la taxe des lettres et
aux postes rurales ;
- Le projet de loi relatif à l’entrée des bestiaux
;
- Le projet de loi relatif aux budgets provinciaux
;
- Le projet de loi relatif au contingent de l’armée
pour l’exercice 1836 ;
- Le projet de loi portant exemption de timbre et
d’enregistrement pour les pièces relatives aux caisses d’épargne ;
- Le projet de loi relatif à l’allocation d’un
crédit provisoire au département de la guerre pour le mois de janvier de
l’exercice 1836 ;
Le projet de loi portant crédit supplémentaire au
département de l’intérieur pour l’exercice des dépenses de 1835 et années
antérieures. »
PROJET DE LOI RELATIF AU RENOUVELLEMENT DES CONCESSIONS DE PEAGES
M. le président. -
Le sénat a renvoyé à la chambre, avec un amendement qu’il a adopté, le projet
de loi relatif aux concessions de péage. La chambre veut-elle renvoyer ce
projet de loi aux sections ou à une commission ?
M. A. Rodenbach.
- Je demande le renvoi aux sections.
M. Verdussen. -
Je crois qu’il suffirait de renvoyer le projet amendé par le sénat à la
commission qui s’est occupée du premier projet. Tous les membres de la chambre
ont suivi les débats du sénat, et ont une idée parfaite de la question ;
l’examen par les sections est donc inutile.
M.
A. Rodenbach. - Je ne partage par l’opinion de l’honorable préopinant.
Je ne considère pas l’amendement adopté par le sénat comme une légère
modification, mais comme une disposition de la plus haute importance ; car il
ne concerne pas un embranchement particulier de chemins de fer, mais le système
tout entier des chemins de fer. Je pense qu’il doit être sérieusement examiné.
Je demande donc qu’il soit mis à l’ordre du jour, et qu’il soit renvoyé aux
sections pour être l’objet d’un prompt rapport. La chambre décidera ensuite ce
qu’il y aura à faire.
M.
Rogier. - Je crois que la chambre est pénétrée de la nécessité
d’adopter promptement une loi quelconque. Cette urgence a été reconnue et par les
partisans de l’amendement et par ceux qui ont cru devoir le combattre. Je pense
donc qu’en renvoyant l’amendement adopté par le sénat à l’examen des sections,
on ne remplirait pas le but que chacun de nous se propose.
Puisque l’on a confié le projet de loi entier a une
commission, on peut accorder la même confiance à cette commission, pour un
amendement ; car s’il y avait du danger à mettre à la discrétion d’une
commission toutes les questions soulevées par le projet de loi entier, il y a
assurément moins de danger à renvoyer à l’examen de cette commission une seule
question sortie de cette loi.
Remarquez que le principe de la loi reste entier.
Il ne s’agit que de savoir si pour un seul embranchement le gouvernement sera obligé
de demander l’intervention de la législature.
M. Desmet. -
Messieurs, je dois déclarer à la chambre que je ne puis partager l’opinion de
l’honorable M. Rogier, qui traite, il me semble, l’amendement que le sénat a
fait sur le projet de loi concernant les concessions de projet, un peu à la
légère. Il ne s’agit uniquement dans cet amendement de l’embranchement du
chemin de fer qui doit passer par les Flandres. Mais il frappe sur une question
de principe, nous devons voir si nous voulons, comme paraît le vouloir la
majorité du sénat, que désormais tous les travaux de chemins de fer soient
exécutés plutôt par l’Etat que par des sociétés particulières. Je pense donc,
messieurs, qu’une question de si grande importance exige qu’on la délibère en
sections et que toute la chambre y prenne part, et j’appuie de toutes mes
forces la proposition de l’honorable M Rodenbach de renvoyer l’amendement du
sénat aux sections ; car on ne peut passer légèrement sur un objet qui nous
ferait faire un pas rétrograde en fait d’exécution de travaux publics.
M. le président. -
Je vais mettre aux voix le renvoi à la commission et ensuite, s’il y a lieu, le
renvoi aux sections.
M. Gendebien. -
Nous ne sommes plus en nombre : nous ne sommes que 49 présents.
M. Desmanet de
Biesme. - L’appel nominal.
- La séance est suspendue pendant quelques minutes.
Plusieurs représentants rentrent dans la salle ; la chambre est en nombre.
Le renvoi du projet de loi à la commission qui a
examiné le projet de loi primitif est mis aux voix et adopté.
PIECES ADRESSEES A
M. Pollénus,
ayant eu le malheur de perdre sa mère, demande un congé de 15 jours.
- Accordé.
M. de Terbecq, à l’occasion de
la perte de sa mère, demande un congé jusqu’au 25 du mois courant.
- Accordé.
Mlle Emilie Legrelle annonce que son père, étant
indisposé, se voit à son grand regret dans l’impossibilité d’assister en ce moment
aux séances de la chambre.
- Pris pour notification.
M. Stas
de Volder annonce qu’une indisposition assez grave dont Mme Stas de
Volder se trouve atteinte, l’empêche de se rendre à Bruxelles avant la fin de la
semaine.
- Pris pour notification.
DÉMISSION D’OFFICE D’UN
MEMBRE DE
M. Ch. Vilain XIIII
annonce qu’ayant accepté le poste d’envoyé extraordinaire et de ministre
plénipotentiaire de S. M. près le St-Siège, il n’est plus apte à siéger à la
chambre.
- Il sera donné connaissance de cette lettre à M.
le ministre de l'intérieur.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Discussion générale
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Messieurs, la section centrale chargée de l’examen du
budget des dépenses du département de la guerre pour l’année
Il en a été ainsi pour les budgets de 1832, 1833,
1834 et 1835, et il devra nécessairement en être encore de même, tant que notre
situation politique ne nous permettra pas d’asseoir un budget normal des
dépenses de l’armée sur le pied de paix.
Mais le gouvernement, en demandant les fonds qu’il
juge nécessaires pour assurer le service éventuel de chaque exercice, a
toujours cherché à en diminuer le montant, quand il a été possible de le faire,
soit en réduisant l’effectif des troupes, soit en supprimant les dépenses qui
résultent de leur entretien sur le pied de rassemblement.
C’est ainsi, messieurs, que sur le budget de 1832,
réglé à la somme totale de 77,465,350 fr. 26 c., j’ai proposé une réduction de
5,603,737 fr. 47 c., et qu’indépendamment de cette réduction, il est resté
encore, en fonds non employés, 26,313 fr. 44 c.
Total pour l’exercice 1836, 5,630,050 fr. 91 c.
Que sur le budget de 1833, réglé à la somme totale
de 66,498,000 francs, j’ai proposé diverses réductions
montant ensemble à la somme de 15,068,000 fr. Et qu’il est en outre resté, en
fonds non employés 83,449 fr. 51 c.
Total pour l’exercice 1833, 15,151,449 fr. 51 c.
Que sur le budget de 1834, réglé à la somme totale
de 45,120,000 francs, j’ai proposé une réduction de 2,140,000 fr. Et qu’il
reste en fonds qui ne seront pas employés 226,506 fr. 96 c.
Total pour l’exercice 1334, 2,366,506 fr. 96 c.
Enfin, messieurs, sur le budget de 1835, fixé à la
somme totale de 41,428,000 fr., j’espère, et j’en ai la presque certitude,
qu’après le paiement de toutes les dépenses de cet exercice, il restera environ
un million disponible et provenant de réductions qu’il m’a été possible
d’apporter dans les dépenses de cet exercice.
Vous voyez donc, messieurs, que les réductions
proposées et effectuées, ainsi que les fonds restant disponibles sur les
budgets de ces quatre exercices se montent à la somme de 23,500,000 fr. qui
n’ont pas été dépensés sur les crédits qui m’avaient été accordés.
Si l’on compare maintenant les dépenses réelles des
15 mois qui composent l’exercice 1830 et 1831 avec celles de ces quatre
derniers exercices, vous remarquerez leur décroissance progressive, et de telle
manière que le budget proposé pour 1836 est à peine la moitié des dépenses
faites en 1831 ; en effet, les dépenses du quatrième trimestre de 1830 et de
l’année 1831 se moment :
Pour le 4e trimestre 1830, à 9,248,226 fr. 44 c.
Pour l’année 1831, à 73,681,337 fr. 78 c.
Fonds supplémentaires accordés en 1833, 3,221,413
fr. 30 c.
Fonds supplémentaires accordés en 1834, 461,752 fr.
92 c.
Total, 86,612,730 fr. 44 c.
Celles de l’exercice 1832, à 71,835,299 fr. 35 c.
Celles de l’exercice 1833, à 51,296,550 fr. 49 c.
Celles de l’exercice 1834, à 42,291,740 fr. 12 c.
Celles de l’exercice 1835 ne dépasseront pas
40,428,000 fr.
Si nous comparons le montant des dépenses des trois
exercices 1832, 1833 et 1834, qui est de 165.423,589 fr. 96 c. avec celui des
dépenses faites en Hollande pendant ces trois mêmes exercices pour le
département de la guerre, et sur lesquelles j’ai des renseignements certains
puisés aux sources officielles, vous verrez, messieurs, que si
Ainsi les dépenses de
N’ayant pas encore de renseignements précis sur les
dépenses de
Le montant demandé pour l’exercice de 1836 était
réduit, au budget qui vous a été présenté, à 38,100,000 fr., non compris
toutefois un article laissé pour mémoire, parce qu’il ne pouvait être réglé
définitivement qu’à la fin de l’année et qu’il a été fixé à 384,300. Total,
38,484,300 fr.
La section centrale vous propose, messieurs, de
réduire le montant des allocations à accorder à la somme de 38,150,000 fr. d’où
il résulte un retranchement de 334,300 fr. Total égal, 38,484,300 fr.
Sur les 19 articles que la section centrale propose
de réduire, quatre, montant ensemble à la somme totale de 428,220 fr, n’y
figurent que pour ordre et comme transfert qu’elle propose de faire en
augmentation de l’art. 13 de la 3ème section du 2ème chapitre ; et sur les 15
autres articles qui constituent réellement les réductions proposées, et qui se
montent à la somme de 334,306 fr., je me rallie aux propositions faites par la
section centrale, pour onze de ces articles dont le montant total est de
241,669 fr. 80 c.
Restent donc quatre articles de réductions, montant
ensemble à 92,630 fr. 20 c., pour lesquels je persiste à demander l’allocation
que j’ai proposée.
Il est donc très rationnel d’avancer qu’après cinq
années d’investigations sur les budgets de la guerre, il n’est guère possible
d’y trouver de grandes réductions à faire, puisque la différence entre mes
demandes et les allocations proposées par la section centrale se réduit à la
modique somme de 92,000 fr., sur un budget de 38,150,000 fr.
Je conviens, messieurs, avec la section centrale
que les budgets précédents ont été votés de confiance et d’après les
éventualités plus ou moins précises que permet d’asseoir à l’avance notre
situation politique et militaire.
Il a été réellement impossible, comme il l’est
encore, de préciser d’une manière absolue le nombre d’hommes à tenir sous les
armes, car cette fixation a dû nécessairement varier d’une manière notable,
d’après les événements survenus, non seulement d’un exercice sur l’autre, mais
souvent pendant le même exercice.
Ce n’est que depuis la convention du 21 mai 1833
que nous avons pu réduire l’effectif de l’armée, et encore, depuis l’armistice
qui en est résulté, sommes-nous obligés de tenir sous les armes un effectif au
moins égal à celui qui n’a cessé que depuis un mois seulement d’exister tout
entier dans le Brabant septentrional et dans
Quoique, depuis 5 ans, nous renvoyions nos troupes en
quartier d’hiver dans nos garnisons, l’armée hollandaise était restée
constamment cantonnée sur nos frontières ce n’est que depuis le 1er décembre
qu’elles fait repasser le Wahl à 2 régiments de cavalerie, 4 batteries
d’artillerie et quelques bataillons d’infanterie.
Or, sur un budget de 38,150,000 francs, 32,725,000
se rapportent exclusivement à l’entretien des troupes et dépendent de leur
effectif sous les armes ; 5,427,000 ont pour objet l’administration générale,
les états-majors et officiers sans troupes, les services du matériel de
l’artillerie et du génie, le service des hôpitaux, l’école militaire, les
transports généraux et frais de route, les corps de garde, remontes et les
traitements temporaires des officiers non employés.
C’est donc de l’effectif des troupes entretenu sous
les armes que dépendent les 6/7 de toutes les dépenses du département de la
guerre.
L’effectif moyen, que le gouvernement propose comme
fixation des dépenses des soldes et des masses, est réduit au minimum et dans
l’unique but de diminuer les dépenses, autant qu’il a été possible, et je
déclare que vouloir le réduire encore, ce serait s’exposer à des chances dont
je n’accepterais pas la responsabilité.
La section centrale regrette que les comptes rendus
de l’emploi des fonds par les budgets précédents n’aient pas encore été
produits, et elle fait observer avec raison qu’on y puiserait des
renseignements utiles pour régler les nouveaux budgets présentés.
Je conviens que, dans un pays voisin, les ministres
rendent un compte détaillé de l’emploi des fonds mis à leur disposition : mais,
dans ce même pays, la cour des comptes ne contrôle les dépenses qu’après
qu’elles ont été consommées, et le roi a d’ailleurs le pouvoir d’ordonner des
transferts d’un article sur des crédits supplémentaires et extraordinaires aux
articles du budget qui exigera un supplément de fonds, sauf à en rendre compte
aux chambres.
La cour des comptes, en France, n’a donc à produire
aux chambres que ses observations sur les comptes de chaque département ministériel,
et ce qu’on fait à la clôture de chaque exercice, qui a lieu après la deuxième
année révolue de son expiration.
Ici, messieurs, la cour des comptes doit contrôler,
ou au moins viser, toutes les dépenses, avant qu’elles soient consommées ; elle
empêche tout transfert d’un article sur l’autre sans qu’une loi expresse ne
l’ait préalablement autorisé ; elle s’oppose à toute augmentation de dépenses,
en sus de la fixation de chaque article, et elle doit, aux termes de ses
attributions, présenter par exercice et pour tous les départements ministériels
un compte général de l’emploi des fonds dépensés dans les limites des budgets
réglés par la loi.
Cette cours a donc des attributions tout autres que
la chambre des comptes en France ; elle est nantie de toutes les pièces
comptables, bordereaux, revues, etc. ; elle peut établir ces comptes-rendus,
comme elle y doit joindre aussi ses observations, et les présenter aux chambres
législatives, chargées d’arrêter définitivement les comptes généraux de chaque
exercice.
Cette marche est d’ailleurs tracée par notre
constitution, ainsi que par la loi d’organisation ; et déjà la cour des comptes
vous a présenté les comptes détaillés de l’exercice 1830 et 1831, et elles
également présenté ceux de l’exercice 1832 qui vous ont été distribués le mois
dernier.
Je sais que celui de 1833, clôturé depuis le mois
de septembre dernier, ne peut tarder à être définitivement arrêté, réglé et
présenté.
Je pense, donc, messieurs, qu’il est de l’essence
de l’institution de la cour des comptes de dresser les comptes généraux des
recettes et des dépenses de chaque département et de les présenter à la chambre
avec ses observations.
C’est, à mon avis, le seul mode admissible de
reddition de comptes, avec les attributions dévolues à la cour des comptes.
Cependant, j’avais déjà senti la nécessité de
donner à l’appui du budget quelques comptes spéciaux pour en éclairer la
discussion, et je n’attendais que l’apurement des revues du deuxième trimestre
1835, pour vous présenter, à la date du 1er juillet dernier, la situation des
corps envers le trésor à ladite époque.
J’ai fait imprimer et distribuer ce compte-rendu
qui embrasse également le compte sommaire des budgets de dépenses des cinq
exercices précédents, avec l’indication des dépenses qui ont été faites sur
chacun des articles de ces budgets.
Le compte détaillé de la masse d’habillement et
d’entretien, depuis le 1er octobre 1830, jusqu’au 1er juillet 1835, avec les
explications qui l’accompagnent, ne doivent plus laisser aucun doute que les
corps de l’armée se sont bien et dûment acquittés d’une partie des avances
qu’ils avaient reçues du trésor de l’Etat, et que le mode suivi pour effectuer
ces acquittements est conforme aux règlements existants et avait d’ailleurs été
tracé par suite des observations faites par la commission spéciale qui fut
chargée de l’examen du budget de 1833.
Je me bornerai donc à dire maintenant, et comme se
rapportant à la demande des comptes, faite par la section centrale chargée de
l’examen du budget de la guerre, et comme se rapportant aussi à ce même budget,
que l’acquittement des corps envers le trésor de l’Etat est constaté :
1° par les sommes qu’ils ont prises, en dessous de
leurs allocations, en 1833, 1834 et 1835.
2° Par le retranchement des 6/10 et de la valeur
des magasins, opéré sur le budget de 1833 et qui se monte à 2,400,000 fr..
3° Par le décompte et l’apurement des revues
trimestrielles de tous les corps, opérés par l’intendance militaire et par la
cour des comptes, et qui constatent à la fin de chaque trimestre la situation
des corps envers l’Etat.
Mais, à partir du 1er janvier 1835, les corps
versent directement au trésor le produit des retenues et des versements
volontaires, et les sommes ainsi versées se sont élevées, pour le 1er semestre
1835, à la somme totale de 714,786 fr., à valoir sur celle de 1,300,000, portée au budget des recettes.
Les versements du troisième ont été de 265,114 fr.
90 c. Je ne connais pas encore le montant des versements qui ont dû être opérés
pendant le quatrième trimestre de l’année 1835.
Les rapports de MM. les inspecteurs généraux
d’armes sur l’administration et la comptabilité des corps, sont extrêmement
satisfaisants pour l’ordre et la régularité établis dans l’administration. La
presque totalité des revues trimestrielles, base essentielle de toute
comptabilité militaire, est envoyée à la cour des comptes pour les deux
premiers trimestres de l’exercice courant, et une partie est déjà rentrée
définitivement apurée par cette cour.
Toutes les revues du troisième trimestre sont déjà
dans les bureaux de la guerre, où l’on s’occupe de leur vérification, avant
leur transmission à la cour des comptes.
C’est par les soins assidus et par le zèle des
chefs de corps, des officiers comptables, et des membres de l’intendance
militaire, que nous sommes parvenus à cet heureux résultat.
Je me réserve, messieurs, de faire valoir les
motifs qui me font persister à réclamer les 92,000 fr. que la section centrale
propose de retrancher sur quatre articles, lorsque la discussion de détails
nous amènera à chacun de ces articles.
J’ai donné à la section centrale toutes les
explications qu’elle m’avait demandées sur le marché que j’ai passé, le 16 juin
dernier, pour la fourniture et l’entretien de 20,000 literies complètes avec
couchettes en fer dans une partie de nos villes de garnison ; mais la section
centrale ayant annoncé, dans le rapport qu’elle vous a soumis, que je devais
donner directement ces explications à la chambre, je vais, messieurs, vous
exposer, avec ma franchise accoutumée, d’abord les motifs qui m’ont porté à
prendre cette mesure, que je regarde comme indispensable au bien-être de notre
brave armée, et puis les faits qui se rattachent à la passation de ce marché.
Mais il me paraît nécessaire de vous faire connaître,
au préalable et le plus succinctement possible, ce qui a eu lieu depuis la
révolution, relativement au service des lits destinés au coucher des troupes.
Le mode qui se trouvait établi dans l’armée des
Pays-Bas consistait en un simple hamac tendu sur tréteaux et garni d’une très
mince paillasse : l’entretien de ces effets ainsi que la fourniture d’une paire
de draps de toile écrue et d’une couverture de laine grise avait été mis à la
charge des corps qui étaient obligés de traîner ces effets à leur suite
lorsqu’ils changeaient de garnison. C’était le plus déplorable système que l’on
pût adopter.
Il était alloué aux corps, pour l’entretien et le
renouvellement de ces effets, le lavage des draps et des couvertures, ainsi que
pour la fourniture de la paille, 1 cents 1/2, par homme et par jour,
représentant 3,36 et faisant pour l’année une allocation totale de 12 fr. 26 c.
Si c’était l’économie qu’on avait recherchée dans
ce système introduit depuis quatre ans, il faut avouer qu’elle était des plus
mal entendues.
Le nombre de ces hamacs n’étant plus en suffisante
quantité pour les troupes qui furent organisées en 1831, le gouvernement fit
confectionner, dans quelques-unes des principales villes de garnison, des
couchettes en bois, à une ou deux places, et acheta paillasses, draps et
couvertures pour garnir ces couchettes.
D’un autre côté, quelques villes de garnison qui
avaient eu, jusqu’en 1826, le service du coucher des troupes à leur compte, et
à qui il restait des effets de cet ancien service, ou qui en firent
l’acquisition, établirent, avec l’agrément du ministre de la guerre, un nouveau
service pour le coucher des troupes, mais sans matelas, ni traversin, ni
sommier, ni double couverture en hiver : il leur fut accordé, conformément aux
anciens arrêtés, une allocation journalière de deux cents et 3/16 faisant
4,62/100, et, pour l’année, une somme de 16 fr. 86 c.
On parvint à avoir ainsi des effets de literie pour
40,000 hommes environ, au commencement de l’année 1832, tandis que 30, 40 et
même 50,000 hommes restaient forcément en cantonnement, faute de moyens de
coucher dans nos casernes qui peuvent contenir 70,000 hommes.
La dépense seule des cantonnements, proprement
dite, qui excède de 35 centimes celle du soldat eu garnison, forme une dépense
annuelle de 127 fr. 75 par homme. Six mille hommes en cantonnement coûtaient
donc plus que 40,000 hommes casernés, sous le rapport des dépenses du
casernement.
Il était donc d’un grand intérêt d’établir
convenablement le coucher des troupes dans les villes de garnison pour faire
cesser, autant que possible, cet excédant de dépenses à la charge de l’Etat.
Mais ce qui ajoutait encore à cette nécessité et
surtout à celle d’établir ce service d’une manière convenable, c’étaient les
plaintes générales qui s’élevaient contre le mauvais coucher des soldats et
auquel on attribuait une partie des maladies et principalement l’ophtalmie à
laquelle ils étaient en proie.
Mon prédécesseur au ministère de la guerre fit
rédiger un projet de traité pour mettre en entreprise, comme dans plusieurs
autres Etats de l’Europe, la fourniture et l’entretien des effets nécessaires à
un couchage complet, avec sommier piqué, matelas et traversin en crin et en
laine, draps blancs, double couverture et couchette en fer pour un seul homme.
L’adjudication devait avoir lieu le 1er février
1832 ; mais l’incertitude des événements politiques, la réduction alors
présumée de l’effectif de l’armée, par sa mise prochaine sur le pied de paix,
firent bien malheureusement ajourner cette adjudication.
Cet état de choses se maintint ainsi, et par les
mêmes motifs, en 1832 et 1833.
On payait aux régences des villes qui fournissaient
le coucher à raison de 16 fr 86 c. par homme, et aux régiments qui
fournissaient et entretenaient leurs effets de literie à raison de 12 fr. 26 c.
Les plaintes devinrent plus vives au commencement
de 1834, outre les inconvénients qui en résultaient pour l’état sanitaire de
l’armée ; ces plaintes portaient aussi sur le dégoût qu’éprouvaient les soldats
de ce mauvais coucher, et des défections qu’il provoquait : elles me
démontrèrent que cet état de choses n’était plus tolérable, qu’il fallait se
décider, quelle que fût l’incertitude des événements politiques, à prendre
enfin un parti : éclairé par le chef du service de santé qui attribuait une
partie des maladies au mauvais coucher des soldats, et par le docteur Jungken sur les causes de l’ophtalmie qui désolait plus que
jamais notre armée, et qu’il attribuait aussi, en partie, à ce mode vicieux de
coucher nos soldats, je pris la ferme résolution d’obvier à de si funestes
conséquences, et de ne plus reculer devant l’excédant de dépenses que pouvait
occasionner un nouveau mode de coucher. Il n’est personne de vous, messieurs,
quel qu’ait été le résultat de ma résolution, qui n’approuve le principe qui me
faisait agir dans l’intérêt de la santé et du bien-être de nos soldats, si
dignes de toute votre sollicitude.
Je me fixai d’abord à l’idée de faire établir ce
nouveau service d’un coucher complet et convenable, par les régences des
principales villes de garnison, et j’entamai, dès 1834, des négociations avec
les régences qui n’avaient pas de literie, pour les engager à en faire la
dépense, et avec celles qui s’étaient déjà chargées de ce service, pour les
inviter à compléter leurs effets de literie en bons matelas, traversins et
doubles couvertures en leur promettant de fixer l’indemnité journalière à 5
centimes, à dater du 1er janvier 1835, et en les prévenant que cette indemnité
serait réduite à 2 c. 1/2, seulement pour les villes qui, malgré mes pressantes
sollicitations, laisseraient les fournitures incomplètes.
Ce n’est pas sans grande persistance de ma part que
je parvins à déterminer quelques régences à faire les dépenses nécessaires pour
compléter leurs fournitures de literies mais je n’obtins malgré tontes mes
instances qu’un coucher pour 17,000 hommes seulement, dans les villes de Gand,
de Bruges, d’Audenaerde, d’Ypres, de Malines, de Louvain, de Namur et de Liége,
mais encore avec des lits à deux places, et de ces trois dernières villes,
qu’une partie seulement du nécessaire de leur garnison.
Les régences de Bruxelles, d’Anvers, de Tournay, de
Mons, de Charleroy, etc., me déclarèrent qu’elles étaient dans l’impossibilité
de faire les dépenses nécessaires à ce service.
Voulant néanmoins assurer un bon coucher à nos
troupes et surtout seul à seul, dans des couchettes en fer, qui les
débarrasseraient, en été, des insectes qui pullulent dans les lits en bois, et
qui forcent la plupart des soldats à abandonner leur lit et à bivouaquer dans
les corridors et les cours des casernes, j’eus recours à une combinaison qui
pouvait me faire arriver à un résultat, malgré les difficultés qu’avaient
opposées quelques régences : car mon intention était toujours de les déterminer
à se charger de ce service, et de n’avoir recours à une entreprise qu’en cas de
nouveaux refus de leur part, après les nouveaux avantages que j’allais leur
offrir.
Il est bien facile, messieurs, de critiquer,
d’attaquer une opération administrative : tout homme est apte à ce genre
d’attaque, il ne faut pour cela ni combinaison raisonnée dans une suite
d’opérations, ni cette prévision si nécessaire pour arriver à un bon résultat,
ni l’expérience du passé, ni même la plus simple connaissance des choses qu’on
prend à tâche de critiquer : mais ce n’est pas avec une pareille facilité qu’on
peut assurer la marche d’une vaste administration ; peu de personnes se font
une idée juste des peines, des embarras, des obstacles qu’il faut vaincre dans
toutes les parties du service, obstacles qui se rencontrent et se renouvellent
tous les jours et qu’il faut cependant savoir lever ou tourner, en y employant
la prudence d’un sage administrateur, l’expérience acquise dans une longue
carrière, les règles de la justice, et parfois, je le confesse, aussi quelque
adresse.
Je me décidai donc à faire rédiger un cahier des
charges renfermant les clauses et conditions du nouveau service du coucher des
troupes, avec la clause formelle que ce nouveau service pourrait être adjugé
séparément et pour chacune des villes de garnison dont la régence s’était
refusée de le prendre à son compte.
J’envoyai ce cahier des charges à chacune de ces
régences, en insistant de nouveau près d’elles pour qu’elles eussent à
l’examiner avec grande attention et afin qu’elles pussent se convaincre que le
mode de paiement les couvrirait des dépenses qu’elles auraient à faire, et leur
fournirait de plus les moyens d’entretenir les bâtiments des casernes, dont la
dépense est à leur charge.
J’espérais, en tentant ce dernier moyen, que les
régences, voyant que je voulais décidément un mode de coucher plus convenable,
et mieux éclairées sur leurs véritables intérêts, par la connaissance qu’elles
allaient prendre du cahier des charges, se résoudraient à concourir à
l’adjudication, ou que du moins elles préposeraient quelqu’un, en leur nom,
chargé de faire une soumission spéciale pour le service qui, d’après les
clauses du cahier des charges, pouvait être adjugé pour chacune d’elles.
Je fus fort étonné, je vous l’avoue, à cette
première séance d’adjudication, de voir qu’aucune ville n’y avait pris part et
que personne même ne se présentait pour entreprendre le service particulier de
chacune de ces villes. Les soumissions déposées étaient toutes pour
l’entreprise générale du service. C’était surtout dans l’intention d’engager
les régences des villes à faire ce service pour leur compte, que j’avais inséré
dans le cahier des charges l’alternative de la fourniture de la couchette en
fer par le gouvernement, pour leur épargner ainsi le quart environ de la
dépense à faire, et la rendre plus facile.
J’étais bien décidé à demander un fonds
extraordinaire de 5 à 600,000 Fr. pour l’achat de ces couchettes en fer, dans
le cas où les régences se seraient chargées de ce service ; je vous dirai mène
à cet égard ma pensée tout entière : j’espérais qu’en étendant cette mesure aux
villes qui étaient chargées du service du coucher des troupes, mais avec
couchettes en bois à deux places, j’obtiendrais d’elles qu’elles convertiraient
leurs fournitures à deux places en fournitures à une seule place, et que
j’arriverais ainsi à un mode uniforme de ce service fourni par les régences des
villes de garnison.
Mes espérances ainsi trompées, et voyant à regret
qu’il fallait décidément y renoncer, il ne me restait plus qu’à recourir à la
voie d’une entreprise générale, car il fallait nécessairement mettre un terme
aux souffrances de nos soldats. Je fus alors dans l’obligation de faire des
modifications au cahier des charges, que j’avais rédigé dans la prévision que
les villes, ou des personnes commises par elles, prendraient part à
l’adjudication, et je remis à quinzaine celle à faire pour une entreprise
générale.
Je vous prie de remarquer, messieurs, qu’il n’a pas
dépendu de moi, et ma volumineuse correspondance en fait foi, que les régences
des villes ne se chargeassent de ce service, et que c’est par leurs refus
réitérés que je fus forcé d’admettre le système d’entreprise.
Je sais, par longue et pénible expérience, ce que ce
système entraîne pour l’honnête homme qui est obligé d’y recourir peines et
embarras de tous genres, par suite de la rivalité des sociétés ; calomnies de
la part de celles qui sont trompées dans leurs rêves de lucre et de bénéfices ;
fausse interprétation des motifs de la conduite de l’administrateur quelque
pure qu’elle puisse être ; attaques violentes de la part de ceux qui ne peuvent
s’imaginer qu’on passe ainsi des marchés ( il faut le dire, car pourquoi ne le
dirais-je pas ?) sans pots de vin.
Personne, je le crois, dans une carrière
administrative de vingt-cinq ans, n’a passé autant de marchés de toute espèce,
et je ne dis pas, par adjudication, mais par simple marché à prix ferme, ou de
la main à la main. Leur montant dépasse 250,000,000 ; je peux facilement en
donner la preuve ; cependant, je suis encore, je. le dis hautement, je suis
encore à recevoir le premier pot de vin.
Je dois néanmoins convenir que malgré ma réputation
d’intégrité bien établie dès le commencement de mon entrée au ministère en
1803, il m’a été offert des sommes assez considérables ; mais alors j’ai
diminué d’autant, quand je l’ai pu, les prix de ceux qui m’avaient fait de
pareilles offres, et j’ai fait surveiller avec plus d’attention l’exécution des
clauses de leurs marchés.
Voilà, messieurs, la conduite que j’ai constamment
tenue dans ma longue carrière administrative, et ce n’est pas lorsque la
vieillesse et les infirmités qu’elle amène, me font vivement désirer de mettre
un terme à mes travaux, pour jouir enfin, après 44 années de service effectif,
du repos honorable acquis à l’honnête homme, que je dévierais des principes
d’honneur et de probité qui ont guidé toutes mes actions.
Cette digression, soulevée par le mot odieux que je
viens de prononcer, était nécessaire, messieurs, pour défier autant qu’il est
en moi, l’homme qui a semé cette calomnie, d’administrer une preuve ou un
indice quelconque de ce fait, que je repousse avec la plus vive indignation.
Je reviens maintenant à l’affaire qui doit nous
occuper.
Quoique je fusse bien résolu à ne prendre la
fourniture des couchettes en fer au compte du gouvernement, que dans le cas
seulement où les villes se chargeraient de leur casernement, afin d’être en
mesure, comme je l’ai dit, d’étendre cette fourniture aux autres villes, pour
les obliger ainsi à convertir leurs fournitures de deux places en fournitures à
une place, cependant je laissai subsister, dans le cahier des charges modifié,
cette clause de l’alternative de la fourniture des couchettes, en me réservant
la faculté, lors du prononcé de l’adjudication, de déclarer celle à laquelle je
donnais la préférence.
Je voulais être éclairé sur l’augmentation de prix
qui résulterait de la fourniture des couchettes en fer au compte de
l’entrepreneur, bien persuadé que les intérêts privés calculeraient encore
mieux que moi sur ce point.
Le 15 juin dernier, jour fixé pour l’ouverture des
soumissions qui furent déposées sur le bureau, en présence de tous les
concurrents, je fis procéder à l’ouverture des quatre qui furent présentées ; elles
furent lues publiquement, et les prix demandés furent consignés au
procès-verbal de la séance.
Trois de ces soumissions, celles de MM. Begasse, Félix Legrand, et Vanhœreke,
ne présentaient, sur le montant total de l’entreprise, qu’une augmentation de
42,000 fr. pour la fourniture des couchettes en fer, tandis que la soumission
de M. Destombes présentait une augmentation de
115,000 fr.
Je vous avoue, messieurs, que si je n’avais pas
déjà eu mes idées à peu près arrêtées sur la base à adopter pour l’adjudication,
cette prévision de M. Destombes, qui connaît le
service des lits militaires, et qui savait mieux que ses concurrents quelle
obligation il contractait en s’engageant à fournir les couchettes en fer ;
cette prévision, dis-je, de la part d’un homme aussi entendu que lui en ces
sortes d’affaires, m’aurait seule déterminé à adopter la première base
d’adjudication, comme devant être plus avantageuse aux intérêts du
gouvernement.
Par les motifs déduits au procès-verbal de la
séance, et que j’ai remis à la section centrale, le prononcé du choix de l’une
des deux bases, et conséquemment celui de l’adjudication, fut remis au
lendemain 16 juin.
On a voulu jeter du blâme sur ce délai de 24 heures
; mais il a toujours lieu pour des adjudications dont les prix sont complexes,
afin de pouvoir à tête reposée en établir les divers résultats, et en combiner
les diverses chances, dans l’intérêt de l’Etat.
Ce n’était d’ailleurs qu’au moment même que j’avais
vu surgir ces quatre compagnies rivales, et il fallait, conformément aux
clauses stipulées à l’art. 5 du cahier des charges, que je m’assurasse des
moyens de solvabilité de chacun des soumissionnaires, et de leurs cautions,
dont une partie m’était totalement inconnue, et j’ajouterai mène de la moralité
de chacun d’eux ; car je tiens, je le confesse, à avoir pour entrepreneurs des
hommes moraux et bien famés.
C’est après une conférence consciencieuse avec les
chefs du ministère de la guerre que je décidai irrévocablement, dans la soirée
du 15, que la première base de l’adjudication serait préférée, et que
l’adjudication de l’entreprise serait donnée au sieur Félix Legrand, dont la
soumission présentait les prix les plus bas.
Voilà, messieurs, quelles ont été mes intentions,
et les motifs de ma conduite ; je les expose à la publicité en toute assurance.
Quant aux assertions produites par la presse, et qui pourront être renouvelées
dans cette chambre,
- Sur ce que j’ai engagé l’Etat pour 20 ans, et que
je n’en avais pas le droit ;
- Sur ce que j’ai fixé une quantité de lits à
fournir, qui pourrait être supérieure à celle des soldats à conserver sur le
pied de paix ;
- Sur ce que j’ai préféré la première base
d’adjudication, et fait payer ainsi 50,000 fr. par an de plus que si j’avais
dépensé de prime abord 600,000 fr. pour l’achat de couchettes, en courant
cependant tous les risques et tous les embarras qui seraient résultés d’une
telle détermination ;
- Enfin sur ce que le prix de l’adjudication que
j’ai approuvée est supérieur à celui qui est payé en France,
J’attendrai que ces accusations soient nettement
formulées pour y répondre, et j’espère prouver qu’aucune d’elles n’est fondée.
Ayant contribué plus que personne, par la position
que j’occupais au département de la guerre, à l’adoption en France et du
coucher individuel des soldats, et des couchettes en fer ; ayant fait la
première adjudication du marche de 300,000 lits qui fut définitivement conclu
au mois de janvier 1832, j’espérais, messieurs, doter aussi notre armée de cet
immense bienfait, et lui donner même un couchage meilleur sous tous les
rapports que celui de l’armée française ; j’espérais aussi joindre aux
remerciements et à la reconnaissance de notre armée l’assentiment unanime de la
chambre des représentants.
Mais, loin d’avoir acquis cette unanimité, je dois,
m’a-t-on dit, m’attendre à de vives attaques de la part de quelques membres de
la chambre.
Ces reproches, messieurs, confirmeront encore une
fois cet axiome, qui, pour paraître paradoxal n’en est pas moins vrai :
« Que rien n’est plus difficile à faire que le
bien, quelque peine que l’on se donne pour y parvenir. »
Ayant suffisamment justifié la nécessité de passer
un marché, et toute la moralité apportée dans cette affaire, j’en justifierai
aussi bien, je l’espère, tontes les dispositions, et je prouverai que les prix
stipulés au marché sont moins onéreux à
Je prouverai également que ces prix sont aussi
beaucoup moins onéreux que ceux que nous payons aux régences pour chacun des
lits qu’elles fournissent.
Je terminerai, messieurs, par une affaire à
laquelle la presse périodique a donné un grand retentissement, et qui,
considérée comme elle doit l’être, était loin de mériter l’éclat qu’elle a fait
dans les journaux.
Il ne s’agit que d’une simple mesure
d’administration militaire, aussi utile que peu dispendieuse, et que l’on a
transformée en grande question d’Etat, en invoquant l’ordre légal, la
constitutionnalité, et sur ces principes généraux qui ne s’appliquent aucunement
au fait dont il s’agit : l’ordonnance du 9 octobre dernier, qui prescrivait
l’ouverture de cours d’instruction dans un des hôpitaux du royaume.
PROJET DE LOI PORTANT
CREATION D’UNE ECOLE DE MEDECINE MILITAIRE
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). donne ici lecture d’un projet de loi relatif à la création
d’une école de médecine militaire, précédé de l’exposé de ses motifs. Ces
pièces paraîtront dans le Moniteur.
- Le projet est renvoyé dans les sections.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Discussion générale
M. de Jaegher.
- Rapporteur d’une section qui m’a chargé du soin de m’assurer, au sein de la section
centrale, de la nécessité d’allouer les différents crédits demandés au chiffre
porté au budget, je dois à mon devoir de déclarer avant tout à ceux de mes
collègues qui m’ont confié cette tâche, que je n’ai trouvé que très
incomplètement les moyens de m’en acquitter.
La section centrale n’a pourtant épargné ni peines
ni démarches ; et s’il avait dépendu d’elle, le travail de son rapporteur
répondrait mieux aux vœux les plus généralement exprimés ; mais les documents
dont elle a pu se munir ont, dans leur insuffisance, restreint son
investigation à la partie la moins importante de l’objet de son examen.
En effet, messieurs, si par des demandes de
renseignements adressées au ministre, elle a pu suppléer parfois au manque de
notes explicatives dont se plaignaient plusieurs sections ; si elle a pu
vérifier l’exactitude des chiffres relatifs à la solde du personnel pour le
nombre d’hommes jugé nécessaire, au loyer et à l’entretien des locaux, il n’en
a pas été de même pour tout ce qui a rapport aux fournitures de toute espèce.
Longtemps elle s’est parfois arrêtée sur des
articles minimes, et s’occuper des moindres économies praticables ne lui a pas
paru au-dessous de son mandat ; mais, si j’en juge par moi-même, après avoir
cherché à réduire de quelques milliers de francs des allocations dont le
chiffre semblait permettre une réduction, elle a dû se sentir découragée devant
la nécessité d’accorder, quelques instants après, un vote d’aveugle confiance
pour des millions entiers.
Les masses de pain, fourrages, habillement,
harnachement et casernement, absorbent à elles seules la somme énorme de
12,420,000 fr.
Les comptes des exercices antérieurs auraient seuls
pu la guider dans l’appréciation de leurs chiffres respectifs ; ils lui
auraient appris de combien les crédits avaient excédé les besoins ; dans la
privation de tout document de cette espèce, elle est restée hors d’état de les
apprécier.
Chaque année, messieurs, des observations plus ou
moins graves ont été faites au ministre de la guerre sur la nécessité d’adopter
dans cette partie de son administration une marche qui permît de rendre réel le
contrôle de la législature ; ne doit-on pas s’étonner qu’il en ait si peu tenu
compte ? Ne doit-on pas s’en étonner surtout quand de toutes parts sont partis
des cris contre les abus qui se commettent ? Je suis loin de croire
complaisamment qu’ils soient fondés, ces cris ; mais quand on vu les actions de
certaines entreprises s’élever de 120 à 130 p. c., quand la presse a fait
entendre les plus graves accusations de connivence entre certains agents et
certains fournisseurs ; quand on a prétendu que dans la livraison des draps
pour la troupe, des fourrages, etc., il y a eu abus et dilapidation ; que des
chevaux ont été achetés avec des fonds alloués pour fourrages ; quand on
connaît que certaines villes ne reçoivent que 2 ou 2 1/2 centimes par homme
pour indemnité de casernement, tandis que le budget en demande 5 à l’Etat ;
quand tous ces points n’ont été ni réfutés ni éclaircis, est-il bien prudent de
venir nous demander un vote de confiance, et nous exposer au ridicule des
observations que la nation doit faire quand elle nous voit consacrer des
séances entières à l’introduction d’insignifiantes économies et livrer des
trésors à la discrétion d’un chef de département.
Que le ministre regarde ces accusations comme de
trop loin au-dessous de lui pour l’atteindre personnellement, soit ; mais, dans
ce cas, il doit compte de sa surveillance envers ceux de ses agents sur
lesquels elles retombent ; il ne suffit pas qu’il ait une conviction
personnelle qu’elles sont fausses ou exagérées, il faut qu’il fasse partager
cette conviction, et pour avoir droit à l’aveugle confiance qu’il réclame, il
doit justifier de l’usage qu’il a fait de celle qui lui a été accordée.
Je sais que la réponse habituelle à de pareilles
observations est que la chambre des comptes est là pour s’assurer si les pièces
soumises à la liquidation sont en règle et en rapport avec les crédits ; que
dès lors toutes les sommes qui n’ont pas été légalement employées ont dû
nécessairement rester en caisse ; mais, messieurs, de quel poids peut être une
pareille réponse quand on voit le réseau de l’intendance envelopper toute la
comptabilité du département qui nous occupe, et faciliter les moyens de travestir
les crédits de manière à rendre imperceptibles les transferts opérés d’office.
S’il n’en était pas ainsi, comment M. le ministre
s’expliquerait-il par exemple, les subsides de 30, 40 et 50,000 francs accordés
par lui à certaines villes pour les aider à construire des casernes ?
Aucune somme ne figurait pour cet objet aux budgets
des années antérieures ; comment ces capitaux ont-ils pu néanmoins être
détournés de cette manière des caisses de l’Etat pour un nombre indéterminé
d’années si pas définitivement ?
Comment a-t-il pu trouver les moyens nécessaires
pour payer la solde des domestiques d’officiers sans troupes, sous quel titre
figure pour la première fois, au budget, une demande de crédit de 42.000 francs
?
Comment la liquidation en a-t-elle été jusqu’ici
soumise à la chambre des comptes ? Voilà ce que M. le ministre nous dira,
j’espère, et ce qui nous prouvera probablement qu’avec un budget aussi
élastique que le sien, et les moyens qu’il emploie, notre contrôle est et
restera une mystification, tant qu’on n’aura pas adopté pour règle fixe de
présenter avec chaque budget le compte de l’exercice pénultième, et de s’en
tenir rigoureusement aux crédits alloués.
On a, dans l’exposé des motifs, parlé d’économies
de 3 millions, et on a fait sonner ce mot comme tous ceux dont on attend un
effet magnifique ; vérification faire du budget, il n’y avait malheureusement
qu’un petit article d’omis, celui des cantonnements, qui l’année dernière
figurait pour 1,900,000 fr.
On a parlé aussi d’un projet d’occuper l’armée aux
travaux publics ; comme bien d’autres, je me suis dans le temps laissé prendre
à cette attrayante utopie ; mais aujourd’hui que j’ai entendu le ministre
déclarer que les 26,000 hommes d’infanterie qu’il demande garder sous les
drapeaux ne peuvent pas être réduits sans que le service ordinaire des places
en souffre, et lui sont strictement nécessaires, je me demande combien il en
faudrait sous les armes pour qu’une partie puisse en être employée à des
travaux.
Si ces travaux sont une économie, Dieu nous
préserve de la faire à pareil prix.
Que l’on continue donc à envoyer autant que
possible nos soldats en congé dans leurs foyers, mais qu’on ne nous berce plus
de beaux projets irréalisables.
Dans la discussion du budget des voies et moyens,
nous avons entendu de très longs discours pour nous faire comprendre que nos
dépenses, tout en ayant l’air de contrebalancer nos recettes, motus font
annuellement faire un pas de plus dans la voie des déficits ; on ne veut
pourtant pas de nouvel impôts c’est donc vers les économies que doivent se
porter les idées ; le tout est d’en faire de bien entendues.
Le désir du gouvernement doit coïncider avec le
nôtre à cet égard ; pour lui comme pour nous, le passé n’offre que cinq années
de travail bien stériles sur ce rapport, pour ce qui concerne le département de
la guerre ; j’ai cependant, pour ma part, besoin d’être détrompé pour rester
convaincu que, sans restreindre ses moyens d’action, il n’aurait pas pu
restreindre ses dépenses.
Je sens, messieurs, tout ce qu’il y a de hasardeux
dans l’émission d’une opinion sur une matière à laquelle mes relations ne m’ont
pas rendu familier ; mais pour céder à la crainte de me tromper, je devrais
avoir moins de foi dans voire indulgence.
Les points les plus importants et contre lesquels
s’élèvent le plus de griefs, sont ceux qui se rattachent aux adjudications de
fournitures en tout genre.
Depuis la révolution, il ne s’est guère conclu de
marché qui, soumis au contrôle de l’opinion publique, n’ait fait l’objet d’une
censure amère.
Une fois on a accusé les soumissionnaires de s’être
concertés, une autre, des agents du gouvernement d’avoir été de connivence avec
eux, l’Etat en définitif a toujours été montré comme dupe.
Je n’entrerai ni dans les détails de citations, ni
dans leur examen, mais je vous soumettrai comme réflexion, si, devant de
pareilles accusations, le ministre n’aurait pas dû depuis longtemps, tant pour
sa propre considération que pour celle de ceux de ses subordonnés qu’elles
attaquèrent, aviser aux moyens de présenter plus de garanties pour la moralité
de ces sortes d’actes ? Si ces accusations lui paraissaient dénuées de
fondement, son désir devait être d’autant plus vif de ne pas y rester seul en
butte ; si elles lui paraissaient fondées, son devoir était de faire combler
une lacune. Cette lacune, messieurs, c’est, je crois, un conseil de révision
des adjudications.
Composé d’officiers généraux et de membres de la
cour des comptes, s’il est possible, un pareil conseil, entouré du respect,
aurait imposé silence à la légèreté ou à la mauvaise foi ; approuvées par lui,
les adjudications auraient porté le cachet d’une confiance méritée, et à coup
sûr le trésor « n’y aurait rien perdu. » On aurait au moins su à qui
s’en prendre, quand les fournitures n’auraient pas été conformes aux modèles,
et l’autorité accusée d’être partie dans la cause n’en aurait pas, comme
aujourd’hui, été juge, et juge sans contrôle.
Si ma première observation, faite dans un but
d’économie indirecte, tend à combler une lacune, il n’en sera pas de même de la
seconde.
L’organisation de notre armée présente, entre
autres, deux corps spéciaux, l’artillerie et le génie ; les études
préliminaires des officiers de l’un sont les mêmes que celles de l’autre, et
les applications qu’ils en font se touchent sur bien des points. A côte de ces
corps s’étend un troisième, celui de l’état-major qui doit en réunir les
connaissances théoriques et pratiques ; la nécessité de la conservation de
l’un, celui du génie, est-elle dès lors bien démontrée ? L’est-elle surtout lorsqu’en
dehors de ces corps, s’élève un quatrième, celui des ponts et chaussées, auquel
la direction matérielle des travaux pourrait être confiée ? Voilà une question
que je me permets de soumettre.
En France elle a déjà fait l’objet d’un examen vers
l’année 1801, et suivant toute apparence, l’amour-propre et l’intérêt personnel
n’ont pas peu influencé sa solution momentanée.
Elle y paraît de nouveau à l’ordre du jour, à en
croire certaines publications récentes ; elle y reparaît comme moyen de faire
disparaître des duplications d’emploi et un accroissement d’états-majors. Dans
la situation de notre pays, sous l’influence de son avenir politique, est-il
dès lors bien conforme aux intérêts économiques de la nation de trancher cette
question préalablement à tout nouvel examen, en donnant, comme le budget nous
le fait pressentir, une nouvelle extension à celui de ces corps qui pourrait
éventuellement paraître susceptible de suppression ?
En fondant le personnel actuel du génie dans
l’état-major, l’artillerie et les ponts et chaussées, ne pourrait-on pas
satisfaire aux mêmes besoins, et économiser une direction, un état-major du
corps et tout le personnel qui forme aujourd’hui double et triple emploi ?
Telles sont les réflexions que je livre, en toute humilité, je me hâte de le
dire, à la sagesse du ministre.
L’armée, messieurs, absorbe 38 millions de revenus
de l’Etat ; quelque énorme que soit cette somme, jamais pourtant la chambre n’a
reculé devant de nouveaux sacrifices, lorsqu’ils ont été demandés dans un but
d’amélioration organique.
Ces bonnes dispositions de la législature seront
mises à une nouvelle épreuve, lors de l’allocation du crédit spécial pour le
corps de l’artillerie ; hors d’état de contester les coûteuses améliorations
qu’on nous promet dans l’organisation de cette arme, je me garderai bien d’y
refuser mon assentiment ; mais toutes les armes me paraissent également dignes
de la sollicitude de M. le ministre ; je choisirai cet à-propos pour hasarder
quelques considérations sur celle de l’infanterie.
Nous avons, comme vous savez tous, messieurs, de
bien beaux et bien nombreux régiments ; les officiers n’y manquent pas ; le
Belge est naturellement brave, et peu de temps suffit pour faire d’une recrue
un soldat ; mais dans les campagnes qui en fournissent la grande masse,
l’instruction au-delà d’un certain degré élémentaire, est peu commune ; c’est
pourtant parmi les soldats que doivent se choisir les sous-officiers ; de là
une première difficulté d’en trouver en nombre suffisants qui aient les
capacités nécessaires ; une fois gradué, plus de congé de semestre pour le
milicien ; au contraire, supplément d’une ou deux années de service par
engagement volontaire ; seconde difficulté pour trouver dans le nombre
exceptionnel de soldais instruits, des sujets qui acceptent les galons à ces
conditions onéreuses ; si bien qu’au moment où je vous parte tous les régiments
se ressentent d’une pénurie à cet égard qui a été croissant d’année en année. A
défaut de bons sous-officiers, on en prend qui ne conviennent guère, et encore
ne trouve-t-on que difficilement à en compléter le nombre. C’est pourtant dans
les cadres que réside la force des armées parce que pour bien marcher, les
hommes n’ont besoin que d’être bien conduits.
Le vice que j’ai signalé dans l’effectif de l’armée
active, doit à plus forte raison se faire sentir dans l’armée de réserve ; que
le moment d’entrer en campagne arrive, nous aurons les masses, mais nous
manquerons des éléments nécessaires pour les faire mouvoir.
Si à l’appui de ce que j’avance je puis citer ce
qui s’est passé sous mes yeux, je dirai qu’aux Indes où l’armée néerlandaise a
eu de longues années de guerre à soutenir, jusqu’en 1820, c’était frappés au
cœur dans leurs cadres de sous-officiers que les bataillons s’anéantissaient
avec l’effrayante rapidité qui n’a échappé à aucune attention.
Dans cet état de choses qui ne doit que trop
pertinemment être connu du ministre, il a institue des écoles de bataillon et
de régiment ; supposons un instant que ces écoles répondent au but de leur
institution, que deviennent-elles, l’armée une fois en campagne ? Où trouver
dès lors de quoi remplir les vides ? Mais ces écoles auxquelles sont consacrés
600 francs par régiment, ne marchent pas ; les progrès y sont nuls ; soutenir
le contraire serait vouloir fermer les yeux à l’évidence ; elles ne marchent
pas, parce qu’il n’est pas donné au premier venu de communiquer l’instruction
qu’il possède ; qu’on n’improvise pas des instituteurs, et qu’il faut pour bien
en remplir les fonctions une vocation sédentaire qui ne s’impose pas.
Ce n’est pas, messieurs, que je réclame une
innovation ; j’ai cité plus haut
Dans ses années de guerre sous l’empire, a-t-elle,
comme nous, fermé les yeux à ce véritable besoin ? La création des régiments de
pupilles, l’école de Fontainebleau, l’admission des vélites dans la garde sont
là qui me répondent.
Ou je me trompe donc singulièrement, ou il faudrait
comme corollaire de nos institutions militaires une école centrale de
sous-officiers, et en outre, s’il était possible, une école de pupilles où
seraient admis par engagement volontaire, des jeunes gens qui y acquerraient
l’instruction nécessaire, et formeraient une pépinière de sous-officiers, à
répartir entre les régiments à mesure que les besoins s’en feraient sentir.
Notre état politique exige que nous nous tenions
constamment prêts à pouvoir à tout événement opposer une force imposante aux
attaques éventuelles ; notre état financier nous commande de la modération dans
nos dépenses ; jusqu’ici c’est en diminuant l’effectif de nos troupes sous les
armes qu’on a cherché à concilier ces deux exigences ; mais l’on n’a fait,
selon moi, que sacrifier l’une à l’autre.
Que l’on s’assure des cadres, les hommes pour y en châsser ne nous manqueront jamais ; on pourra alors laisser
en plus grand nombre ces derniers dans leurs foyers, et nos économies plus
réelles, plus considérables, ne s’opéreront plus au préjudice de nos moyens de
défense.
Puisque j’en suis au chapitre de l’infanterie, je
prendrai la liberté de vous soumettre une autre observation.
Si je comprends bien notre époque, elle est trop
grave, trop positive, pour admettre encore les décors théâtraux dans les
armées, et ne pas repousser impitoyablement tout ce qui n’y est pas d’une
utilité réelle.
Nos régiments d’infanterie comprennent un nombre
déterminé de sapeurs dans leur organisation.
Si ces sapeurs étaient bien choisis et formés au
service auquel ils sont destinés, je ne trouverais rien à y redire ; mais
examinez leur personnel et recherchez-en la formation, vous trouverez que sa
destination ne domine en rien les choix, et que le plus souvent les sujets qui
figurent sous cet attirail d’artisan, n’ont en définitive (erratum inséré au Moniteur belge n°15, du 15 janvier 1836 :)
de leur désignation qu’à la barbe qu’ils portent. Plantons aux portes des
officiers supérieurs, leur service se borne à celui de commissionnaires ; ce
sont (des chefs de corps en conviennent eux-mêmes) 24 nullités dans le nombre
desquels il ne manque pas d’ivrognes, par régiment de ligne, et 18 par régiment
de chasseurs. Ils coûtent, pourtant, au nombre total de 342 où ils se trouvent
portés, au-delà de 242,000 francs par an.
J’en ai le calcul devant moi :
Solde de 342 sapeurs à 58 centimes, 72,401 fr. 40
c.
Masse de pain à 13 c, 16,253 fr. 90 c.
Masse d’habillement à 18 c. 22,505 fr. 40 c.
Masse de buffleteries à 1 fr., 125,030 fr.
Masse de casernement à 5 c., 6,251 fr. 50 c.
Total, 242,442 fr. 20 c.
C’est cher pour être inutiles en temps de paix, et
pour ne pas convenir à leur service en temps de guerre. j’en proposerais donc
la suppression, si je n’entrevoyais la possibilité de mettre leur service mieux
en rapport avec leur institution. Dans l’armée figure un bataillon de sapeurs-mineurs
; ce bataillon, d’après le budget, a un cadre de 38 officiers et une force de
1,064 hommes ; les officiers sont donc assez nombreux pour que le nombre
d’hommes sous leurs ordres puisse en être augmenté. Si l’on y détachait tous
les sapeurs des régiments d’infanterie pour y rester en subsistance tant que
l’armée n’est pas appelée se mettre en campagne, ils y apprendraient leur
métier, de manière à pouvoir devenir réellement utile en cas de besoin ; ils y
feraient au moins quelque service et pourraient être envoyés en congé comme les
hommes appartenant à ce corps, ce qui n’a pour ainsi dire jamais lieu
maintenant, que l’intérêt des chefs en a fait de véritables domestiques.
L’armée y gagnerait et le trésor aussi.
Messieurs, le rapport de la section centrale nous
démontre que la question d’opportunité de la conservation des officiers
étrangers dans notre armée y a été agitée ; j’imiterai sa prudente réserve en
m’abstenant de me prononcer sur elle.
L’abnégation de tout amour-propre national en cette
question, trouverait au besoin, sa justification dans la nécessité impérieuse
des circonstances dans lesquelles nous nous sommes trouvés ; mais si nous avons
pu sans honte avouer le passé, il n’en serait pas de même de l’avenir. La
partialité et la tendance hollandaise ont pu expliquer aux yeux de l’Europe
notre manque momentané de spécialité en certaines branches, mais nous serions
inexcusables si au bout d’un temps donné nos besoins étaient restés les mêmes,
alors qu’il ne dépendait que de nous d’utiliser nos éléments pour nous élever à
leur hauteur.
Quel pas avons-nous fait néanmoins depuis nos cinq
années d’affranchissement, dans la voie pour y parvenir ?
Déjà riche de généraux et de spécialités dans
toutes les armes,
Sans confondre, messieurs, les officiers étrangers,
qui ont été prêtés à notre armée, avec ceux qui y ont successivement été admis,
j’ai, au sein de la section centrale, interpellé M. le ministre au nom de ma
section, sur la disparition d’un comptable étranger.
Un quartier-maître étranger dont le nom vous est
connu, est, comme vous le savez, disparu subitement en laissant un déficit
d’au-delà de 60,000 fr, dans sa caisse. D’après les renseignements donnés par
M. le ministre, le colonel du régiment aurait été condamné à payer les 5/6 de
cette somme, et le conseil d’administration, le reste ; les intérêts de l’Etat
ont donc été mis à couvert, mais des officiers indigènes sont en définitif devenus
les victimes de la mauvaise foi d’un étranger.
Je n’examinerai pas s’ils n’ont à attribuer ce
malheur qu’à leur confiante négligence, mais je le déplorerai comme le fruit de
l’imprévoyance qui a livré une administration financière aux mains d’un homme qui
ne présentait aucune garantie personnelle. Que des capacités étrangères soient
employées de manière à utiliser pour le pays leurs connaissances spéciales, je
ne trouve rien à y objecter ; mais que les sujets manquent dans notre armée
jusqu’à nécessiter l’emploi d’étrangers comme simples comptables, voilà ce que
pour son honneur je ne puis admettre.
Je fais cette observation parce j’ai des motifs
fondés de croire que cette leçon n’a pas profité au ministre. Dans plusieurs de
nos régiments ont été envoyés et maintenus, en dépit des vœux de leurs
commandants, des quartiers-maîtres et des officiers-payeurs étrangers ; on en a
commissionné même de nouveaux.
Il n’y a que quelques mois, un étranger fut envoyé
dans un de nos corps d’infanterie en qualité d’officier payeur ; préoccupé de
l’événement récent que je viens de vous rappeler, et d’ailleurs informé que cet
officier sortait d’un régiment belge où il avait laisse un déficit de 670
francs dans sa comptabilité comme officier d’habillement, le commandant du régiment
fit des démarches pour ne pas devoir l’admettre en sa nouvelle qualité, en
motivant ses instances sur un manque de confiance assez légitimé par cet
antécédent. Qu’a fait le ministre ? Il s’est retranché derrière les
prérogatives royales et l’a forcé à le recevoir. Voilà donc un officier
commandant condamné à une défiance soutenue, ou exposé au même désastre que son
collègue ! Je ne ferai pas d’autres réflexions sur cet acte ; que le ministre
ne conteste pas le fait, car le hasard a voulu que dans un bureau d’état-major
sa correspondance à ce sujet me tombât sous les yeux, et je pourrais au besoin
lui citer les noms et les dates comme je viens de lui citer les faits.
La crainte de vous fatiguer
me fait borner ici, messieurs, ces observations générales déjà trop étendues,
quoique j’ai évité de rencontrer les considérations qui ont pris place dans le
travail du rapporteur de la section centrale ; j’aurai à vous en soumettre de
spéciales lors de la discussion des articles.
J’ai exprimé ma pensée avec franchise, et si je
n’ai pas tenu compte des documents qui nous ont été remis hier de la part de M.
le ministre à l’appui de son budget, c’est qu’une poignée de chiffres jetée à
la tête un instant avant d’entrer en discussion, ne suffit pas pour éclairer
spontanément une comptabilité compliquée. Que personne ne se méprenne toutefois
sur l’empreinte de mes paroles, l’esprit d’opposition n’y est pour rien,
l’intérêt de mon pays et celui de l’armée les ont seul dictées.
M. Jadot. - L’ordre
et l’économie sont pour les Etats, comme pour les particuliers, des gages de
prospérité.
Mandataires de la nation, nous sommes
particulièrement appelés à veiller pour elle à ce que les ministres, dépositaires
de la fortune publique, ne s’écartent pas des voies d’une sage administration ;
et si la constitution a prescrit la discussion annuelle des budgets, c’est pour
nous mettre à même de prouver au pays que nous comprenons notre mandat.
Placés entre des ministres qui demandent des
sacrifices au pays et la nation qui veut bien en faire, mais qui nous a chargés
d’en déterminer le montant, la sévérité de notre examen doit répondre à
l’importance de notre mission.
C’est dans cet esprit d’ordre et d’économie, et
animé du désir de protéger les intérêts du pays contre les abus qui les
compromettent, que j’ai rédigé les observations que je vais avoir l’honneur de
vous soumettre.
On ne peut pas se dissimuler qu’en remplissant
ainsi son mandat, il est difficile d’échapper à l’imputation de vouloir le
renversement du ministère ; mais ce serait à tort qu’on me prêterait cette
intention : l’expérience ne m’a-t-elle pas appris qu’il n’y a rien à gagner
pour la nation dans de pareils changements ? Quant à moi, je le déclare, je
tiens à conserver les ministres actuels ; mais les bons comptes font les bons
amis, et c’est pour rester amis que je veux compter avec eux.
Ce que je fais pour le budget de la guerre, je le
ferai pour tous les autres budgets et toujours, aussi longtemps que j’aurai
l’honneur de siéger dans cette assemblée, parce qu’il sera toujours de mon
devoir de le faire ; paix aux personnes, mais guerre aux abus et je la ferai,
bonne, et longue probablement ; car, dans ce siècle où tout progresse, les abus
ne voudront certainement pas rester stationnaires.
Je serai obligé de revenir sur des objets qui ont
déjà été traités dans cette enceinte, cela est inévitable, parce que les
questions auxquelles ces objets ont donné lieu ne peuvent être tranchées que
par la loi des comptes. En attendant cette loi, il ne convient pas que la
chambre soit censée avoir considéré comme vrais les résultats futurs de ces
comptes, quelque grande que soit la confiance due à ceux qui les ont annoncés.
Je m’occuperai d’abord des deux objets auxquels se
rapportent les observations communiquées à la chambre par M. le ministre de la
guerre lors de la discussion des voies et moyens.
Ventes d’objets
mobiliers mis hors de service.
Les objets mobiliers d’un département ministériel
quelconque et de tout établissement meublé aux frais de l’Etat, quelle que soit
leur destination, ne cessent jamais de faire partie des propriétés de l’Etat.
Dès qu’ils sont mis hors de service ils rentrent
nécessairement sous l’administration des domaines qui seule a qualité pour les
vendre et en recevoir le prix.
Telle est la marche tracée par les lois françaises,
qui ont longtemps été les nôtres, auxquelles il faut que l’on revienne parce
qu’elles offrent des garanties que ne donnent les règlements que le gouvernement
hollandais leur a substitués.
Il me suffira de vous citer le texte d’une
ordonnance rendue sur cette matière pour vous faire voir ce que l’on a voulu
prévenir par cette disposition.
« Les ministres ne pourront accroître par
aucune recette particulière le montant des crédits affectés aux dépenses de
leur service. »
« Lorsque quelques-uns des objets mobiliers ou
immobiliers mis à leur disposition seront susceptibles d’être vendus, la vente
ne pourra en être faite qu’avec le concours de la régie de l’enregistrement et
dans les formes prescrites.
« Le produit de ces ventes comme aussi la
restitution des sommes qui auront été payées indûment ou par erreur, sur leurs
crédits, et que les parties prenantes n’auraient restituées qu’après la clôture
du compte d’exercice, et généralement tous autres fonds qui proviendraient
d’une source étrangère aux crédits législatifs, seront versés à notre trésor
royal et portés en recette au chapitre des produits divers de l’exercice
courant. »
Il est donc reconnu en France qu’aucune vente
d’objets appartenant à l’Etat ne peut avoir lieu qu’avec le concours des
préposés des domaines et que le prix doit toujours être recouvré par eux et
versé au trésor royal.
Bien que cette ordonnance soit postérieure à 1813,
elle ne fait que corroborer les dispositions des lois rendues pendant que
Je vous prierai de remarquer, en passant,
messieurs, que c’est d’après les principes consacrés par cette ordonnance,
principes absolument conformes à ceux que la chambre professe, que doit être
décidée la question relative aux recettes que le ministre de la guerre a faites
sur l’avance qu’il a reçue du trésor pour l’habillement de l’armée, lors de la
formation.
Je remercie le gouvernement de l’engagement qu’il a
pris de suivre à l’avenir la marche que je viens d’indiquer ; elle profitera au
pays, mais il reste toujours à statuer sur ce qui a eu lieu jusqu’à ce jour.
D’après des renseignements que j’ai recueillis, les
ventes dont le produit n’est pas versé au trésor public et qui conséquemment
est resté à la disposition de M. le ministre de la guerre, s’élèveraient à des
sommes d’une assez grande importance.
Je ne demande pas que M. le ministre nous dise
l’emploi qu’il en a fait, il en aura fait bon usage, j’en suis certain ; mais
ce n’est pas ici le lieu d’examiner cette question. Il ne pourrait d’ailleurs
que nous répéter les explications qu’il nous a données : je veux seulement
faire observer à M. le ministre que ces explications ne peuvent valoir comme
justification, alors même qu’elles n’auraient pas rencontré de contradicteur
dans cette enceinte, et qu’il faudra que le prix de ces ventes soit renseigné
dans un compte d’exercice ou dans un compte spécial.
J’en viens à l’avance faite par le trésor.
Les questions que cette avance a soulevées sont
loin d’être éclaircies ; messieurs, elles le sont moins encore aujourd’hui
qu’avant la production du compte tout spécial qui nous avait été promis par le
ministre et qu’il nous a remis hier. Etrange spécialité vraiment ! c’est comme
si M. le ministre nous avait promis d’éclaircir un point de droit et qu’il nous
apportât les pandectes et le code civil. Ce compte n’ajoute rien à ce que nous
avait appris le rapport du 11 décembre 1834. Je m’y attendais.
Ces questions ont acquis une certaine importance à
mes yeux depuis l’examen tout particulier que j’ai fait, ainsi que je l’avais
promis, de ce que M le ministre de la guerre nous a dit sur cette matière ; ce
qu’elles offrent de plus intéressant n’est jamais entré dans les discussions quelles
ont provoquées jusqu’à ce jour.
Si une solution a paru présenter quelques
difficultés, c’est uniquement parce que les faits n’ont jamais été bien
établis. Je me suis donc appliqué à vous en présenter un exposé simple et vrai,
dégagé d’explications qui peuvent être fort intéressantes d’ailleurs, mais qui
sont tout au moins inutiles lorsqu’elles ne peuvent servir à nous éclairer.
J’aime à croire que vous reconnaîtrez, après
l’avoir entendu, qu’il ne faut pas être initié dans les secrets d’une
comptabilité quelconque pour savoir à quoi s’en tenir sur cette avance.
Pour pouvoir discuter avec fruit, il faut être
d’accord sur la vraie signification du mot qui désigne l’objet en discussion.
Il s’agit ici d’une somme qui a été avancée par le
trésor et qui devra lui être remboursée. C’est M. le ministre de la guerre qui
est venu nous le dire, et je l’admets.
Il importe maintenant de savoir à qui le trésor a
prêté cette somme ; est-ce au ministre,
est-ce aux administrations de ce corps ? Ce sera ce que vous voudrez, mais ce
ne sera certainement pas aux soldats, quoi qu’on en dise.
Que l’argent prêté ait été employé à établir une
friperie ou une cantine, cela ne regarde pas ceux qui s’y pourvoient des objets
qu’on y vend. Chacun d’eux n’est responsable que de ce qu’il y achète et ne
doit rien à celui qui a prêté les fonds avec lesquels on a formé ces
établissements. Cela posé, je dis :
En 1830 et 1831, lors de la formation de notre
armée, le gouvernement a mis à la disposition du ministre de la guerre,
l’administrateur en chef de cette armée, pour qu’il fût à même de l’habiller,
une somme que M. le ministre évalue à 13,054,000 fr., ce qui devra être
vérifié.
Il ne faut pas confondre cette avance, dont le
trésor doit être remboursé, avec le crédit alloué au budget pour le même objet,
mais qui, au lieu de devoir être remboursé, doit au contraire servir au
remboursement.
Ces 13 millions que constitue l’avance sont
représentés ou doivent l’être par des effets en magasin dont M. le ministre
dispose par lui-même ou par les administrations des corps comme bon lui semble,
mais à charge d’en compter.
Il ne suffira donc pas, comme on semble le croire,
d’avoir fait sur les soldats, n’importe à quel titre, des recouvrements égaux à
cette avance de 13 millions, et de les avoir versés au trésor ou dépensés pour
son compte ; il faudra encore que l’on justifie que les 13 millions ont été
employés à acheter des effets et qu’on a employé suivant leur destination les
12 ou 15 autres millions reçus au moyen des crédits alloués au budget pour la
masse d’habillement. Je ne dirai pas que j’en doute, mais je sais fort bien
qu’on peut habiller une forte belle armée avec 25 millions et que nos soldats
n’ont pas tout reçu l’habillement complet. Mais je ne veux pas mêler les objets
achetés au moyen du prêt à rembourser avec ceux achetés avec la solde des
soldats, ainsi que M. le ministre vient de le faire ; c’est le moyen de ne pas
en sortir, et telle n’est pas mon intention à moi.
Les effets achetés avec les 13 millions ont été
distribués aux magasins des corps qui les ont vendus aux soldats. Voyons
maintenant comment ceux-ci ont dû les payer.
Les soldats reçoivent de l’Etat une solde
journalière et invariable, qui leur est payée tons les cinq jours moins la
portion réservée pour payer leurs effets, laquelle portion est versée dans une
caisse d’épargne dont M. le ministre ou l’administration des corps est le
caissier.
Elle est allouée séparément au budget sous le titre
masse d’habillement et d’entretien : après l’avoir encaissée, M. le ministre
s’en charge en recette pour en compter au trésor, et il porte en dépense sur
les livrets des soldats.
Elle est tellement la propriété du soldat, que
lorsqu’il ne doit rien à sa masse, on la lui restitue à la fin de l’année au
moyen d’un décompte ; mais aussi, lorsque ce qu’il redoit excède la valeur de
l’habillement, alors on l’oblige à verser une plus forte retenue à la caisse
d’épargne, c’est-à-dire qu’on la verse pour lui.
Ainsi ne perdons pas de vue :
1° Que c’est le ministre qui devra compte à l’Etat
de l’avance de 13 millions ;
2° Que le crédit ouvert au budget pour la masse
d’habillement est l’épargne du soldat, qu’il fait partie de sa solde, qu’on ne
peut le supprimer ni le diminuer, et qu’il serait absurde de le considérer
comme une dette que les soldats doivent rembourser.
C’est cependant dans ce sens que parle souvent M.
le ministre ; relisez ses observations, voyez ses calculs, et vous pourrez
remarquer qu’il confond tellement ces deux objets, qu’il impute ce qu’il doit
aux soldats sur ce qu’il doit au trésor, de telle sorte que les 13 millions
sembleraient avoir été remis en numéraire aux soldats et non à lui.
En supposant que M. le ministre de la guerre ait
reçu des soldats six millions pour être employés en extinction de la dette
qu’ils ont contractée envers lui en achetant des effets à son magasin, voici
comment cette somme a dû être reçue :
1° Du trésor, au moyen du crédit alloué au budget
pour la masse d’habillement ;
2° Des soldats, par supplément de retenue, en vertu
de l’article 63 du règlement ;
3° Des mêmes, par des versements volontaires faits
par eu ou par leurs parents.
Il n’y a pas d’autre moyen de libération possible.
Voyons maintenant ce que c’est que la masse
d’habillement au budget. Chaque année M. le ministre de la guerre établit le
budget des dépenses et demande les sommes nécessaires pour les acquitter,
c’est-à-dire pour payer les dettes de l’Etat envers l’armée.
La portion de solde réservée pour payer à la
décharge des soldats ce qu’ils redoivent sur leurs effets, ou qui doit être
restituée à la fin de l’année, est allouée au budget sous le titre masse
d’habillement ; elle y figure intégralement, et M. le ministre les touche aussi
intégralement. Et vous comprendrez facilement, messieurs, que cela doit être ainsi,
précisément parce qu’elle est une portion de la solde, et que personne ne peut
ni la détourner de sa destination ni dépouiller ceux qui auraient droit d’en
demander la restitution.
M. le ministre reçoit donc ces sommes
intégralement, et lorsque ses prévisions ont été au-dessus de ses besoins et
qu’il vient vous demander de transférer les excédants de crédit d’un budget ou
d’un article à un autre, jamais la masse d’habillement ne contribue à ces
restitutions, sauf pour la quotité relative aux hommes manquants, parce que,
comme je vous l’ai déjà dit, cette masse est une créance des soldats sur l’Etat
qui ne peut se dispenser de l’acquitter.
Quant aux diminutions que peuvent subir les autres
articles de ce budget, qu’elles proviennent, ou de ce que les prévisions du
ministre ont été exagérées ou de ce que l’effectif des hommes a été réduit, ou
enfin de la bonne administration du ministre, elles doivent rester ou rentrer
au trésor sans compensation ; car le ministre ne pourrait sans crime garder
l’excédant de ses crédits, ni le dépenser inutilement sans être accusé de
prodigalité, et en faisant des économies il ne fait que son devoir.
Je ne conçois réellement pas comment le ministre
peut se faire un mérite de ces diminutions.
Je vais maintenant essayer d’adapter à l’avance
rétablie sur sa véritable base les calculs par lesquels M. le ministre a opéré
les réductions qu’il annonce dans son rapport.
1° On a déduit du crédit alloué aux soldats pour
masse d’habillement au budget de 1833 6/10 de la valeur des effets en magasin.
Mais par cette opération vous leur faites payer des
effets qu’ils ne reçoivent pas et les mettez dans l’impossibilité de payer ceux
qu’ils ont reçus ; d’où résulte pour eux la nécessité de recourir à leurs ressources
particulières ou à celles de leurs parents, pour solder les dettes dont leurs
livrets sont surchargés ; et c’est à cette condition que vous leur accordez des
permissions.
Vous dépouillez d’ailleurs ceux qui ont soldé leurs
masses de ce qui devrait leur revenir à la fin de l’année par suite du décompte
auquel ils ont droit.
2° On a pris en moins dans les allocations portées
au budget pour masse d’habillement.
Mais ces allocations ont une destination dont on ne
peut les détourner ; les sommes qui en font l’objet sont censées remises par
les soldats au ministre en déduction des effets qu’ils en ont reçus ; ne pas
les encaisser c’est les en dépouiller, c’est payer la dette du magasin avec ce
qui leur appartient sans que cela diminue en rien la dette constatée par leurs
livrets.
Quand, de cette manière, et au moyen des versements
plutôt forcés que volontaires que l’on obtient des soldats, le trésor aura été
remboursé de l’avance faite aux corps, à qui appartiendront les effets qui
resteront en magasin ? et qui en touchera le prix ? Vous ne pouvez donc les
faire payer d’avance sans vous placer dans la nécessité de les faire payer deux
fois ; et à qui cela profite-t-il ? Ce n’est ni au trésor ni aux soldats.
On a reçu, tant au moyen des suppléments de
retenues que des versements volontaires, 2,845,253 fr. 33 c.
Les militaires qui ont ainsi soldé ce qu’ils
devaient à leur masse vont sans doute jouir des avantages du décompte annuel,
conformément à ce que nous a dit M. le ministre de la guerre, page 8 de son
rapport du 11 décembre 1834, où l’on trouve ce qui suit : « Quand il est
parvenu (le soldat), soit par ses retenues successives, soit par des versements
volontaires, à s’acquitter de tout ce qu’il redevait à son corps pour les
fournitures qu’il en a reçues en effets d’habillement et petit équipement, il a
droit au décompte annuel de sa masse, et c’est alors qu’il touche au 10
novembre de chaque année le 4/5 du boni résultant de son compte ouvert sur les
allocations de sa masse d’entretien et d’habillement, et le 1/5 restant, s’il
n’excède pas 6 francs, est reporté au compte nouveau. Ainsi le veut l’art. 71
du règlement. »
Mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent ;
car jusqu’à ce jour il n’y a pas encore eu de décompte à faire, et c’est M. le
ministre qui nous l’apprend, page 9 de ce même rapport où il dit :
« N’ayant pas encore de décomptes à faire aux hommes sur cette masse, ils
n’ont pas été dans l’obligation (les corps) de demander des fonds pour payer
les décomptes auxquels il n’était encore ouvert aucun droit. »
Ces décomptes ne seront donc payés que lorsque
l’avance aura été entièrement remboursée. Il serait possible toutefois que
cette phrase que j’ai citée, du rapport de M. le ministre de la guerre du 11
décembre 1834 : « N’ayant pas encore de décomptes à faire aux hommes de
cette masse, » fût la conséquence du pied de guerre que l’on maintient
avec tant de sollicitude.
L’article 71 du règlement, qui assure le décompte
annuel au soldat qui doit moins que la valeur de ses effets, porte : « Ce
décompte n’aura pas lieu pour les troupes en campagne, et le paiement de
l’excédant ne se fera, de la manière prescrite, qu’après la campagne
terminée. »
Or, notre armée étant sur le pied de guerre et
aussi en campagne, c’est tout ce qu’il faut pour soutenir et garder ce qu’on
doit aux soldats.
J’ai voté contre la loi du contingent sur le pied
de guerre ; je voulais le contingent et ne voulais pas le pied de guerre.
Nous sommes dupes des mots, messieurs ; car en
dernière analyse qu’est-ce, que c’est que le pied de guerre ? C’est pour les
états-majors et certains officiers, des frais et des indemnités pour des
campagnes de la façon de celles dont parle Béranger,
« Où près du feu l’un l’autre se bravant
« On trinque assis derrière un
paravent. »
Pour les
soldats, la non-jouissance d’une portion de solde qu’on ne peut leur refuser
sans une grave injustice.
La manœuvre est habile, il faut en convenir ; mais
la chambre doit-elle en souffrir ? D’après la marche adoptée pour le
remboursement de l’avance, les dettes personnelles à chaque soldat n’en forment
plus qu’une seule à payer solidairement par tous, et au remboursement de
laquelle contribueront ceux mêmes qui ne doivent rien à leur masse, puisqu’ils
ne recevront leur décompte que lorsque tout sera payé.
Ainsi, tous les comptables grands et petits, qui
ont pris part au maniement des 13 millions avancés, n’ont plus rien à démêler
avec le trésor ; c’est aux soldats à en répondre.
C’est une injustice d’autant plus grande que les
soldats n’ont aucun moyen de s’y soustraire.
Je ne veux pas rechercher les motifs sur lesquels
on s’est fondé pour en agir ainsi. Mais je vous déclare, messieurs, qu’un grand
nombre de soldats se sont plaints à moi de ce qu’on a surchargé leurs livrets
d’effets qu’ils prétendent n’avoir pas reçu.
Quoi qu’il en soit, l’avance, je le répète, a été
faite au ministre et non aux soldats ; c’est le ministre seul qui devra en
rendre compte, en justifiant des achats qu’il aura faits, des effets
confectionnés, du prix qu’on a retiré de ceux vendus, et de la valeur de ceux
qui restent en magasin.
Les soldats n’interviendront pas plus dans cette
liquidation que la société générale dans celle d’Utrecht, si elle a lieu.
Nous verrons alors s’il y a bénéfice ou perte pour
le gouvernement à vendre des habits aux soldats, en les leur faisant payer au
moyen d’une retenue sur leur solde, ou s’il ne vaudrait pas mieux diminuer leur
solde et leur donner des habits gratis comme cela se pratique ailleurs. Quant à
moi je suis persuadé que le mode suivi aujourd’hui prête à des maniements et
remaniements de fonds et de matière qui ne tournent ni au bénéfice des soldats
ni à celui du trésor. Tout cela pouvait être fort bon lorsque le fils du roi
Guillaume était ministre de la guerre et sous un gouvernement qui s’ingéniait à
trouver à placer partout des dispositions propres à exercer l’esprit éminemment
spéculateur des Hollandais ; mais cela ne convient ni à nos mœurs ni à notre
régime constitutionnel.
Je reproduirai ici l’exemple que nous a donné M. le
ministre de la guerre dans ses dernières observations pour nous faire goûter
son système.
Je suppose, dit-il, que le trésor était en avance
pour un corps de l’armée, à l’époque du premier janvier 1833, de la somme de
100,000 fr.
Le total des allocations de ce corps a été réglé, par
les revues trimestrielles de l’exercice 1833 à 720,000 fr.
Remarquez, messieurs, que c’est par les feuilles de
revue que ces allocations ont été réglées et non par le budget.
Mais il n’a touché au trésor que 680,000 fr.
Il a donc touché en moins 40,000 fr. qui viennent
en déduction de sa dette.
C’est ainsi, ajoute le ministre, que les corps
touchant des sommes inférieures à celles qui leur sont acquises en allocations
(M. le ministre oublie d’ajouter par les feuilles de revue) se sont
successivement acquittés.
N’en croyez rien, messieurs. Ces 40,000 fr., au
lieu d’être payés en moins par le trésor, l’ont été en plus et par le trésor,
quoi qu’en dise M, le ministre des affaires étrangères ; et cette comptabilité
n’est pas du tout régulière, quoi qu’en dise M. le ministre des finances.
J’emprunterai cet exemple à M. le ministre de la
guerre pour lui répondre, et je dis : Le total des allocations de ce corps,
telles qu’elles ont été réglées pour le budget, est de 680,000 fr.
Les dépenses du corps, telles qu’elles sont
arrêtées par les feuilles de revue, sont de 720,000 fr.
Il manque pour solder les dépenses 40,000 fr., que
le corps prendra dans la caisse du magasin du ministre, qui par ce moyen sera
dispensé de les verser au trésor.
C’est ainsi qu’en réglant les dépenses sur les
feuilles de revue au lieu de les restreindre dans les limites du budget, on
arrive à avoir besoin d’une caisse particulière pour dissimuler le montant réel
de ces dépenses, car il est incontestable que ces 40 mille francs qui ont été dépensés,
au lieu d’être versés au trésor, forment un accroissement au budget, soldé par
une recette qui n’appartient pas plus au département de la guerre que celle
faite par les comptables ordinaires et l’Etat, pas plus que le produit des
ventes faites par le ministre de la guerre dans les arsenaux et forteresses des
chevaux de réforme, etc., car l’accroissement dont il s’agit ici est
précisément celui qui est interdit par l’ordonnance française que j’ai déjà
citée, et a eu lieu par le moyen qu’elle interdit.
M. le ministre de la guerre a saisi avec
empressement ce qu’a dit l’honorable M. Dubus dans la séance du 22 décembre :
que les besoins du service de la guerre pouvaient avoir été calculés dans la
prévision de recouvrements à faire et destinés à compléter les sommes
nécessaires pour y faire face ; mais je doute, d’après les explications que je
viens de donner à la chambre, qu’il soit nécessaire de dire qu’il n’en est
rien. D’ailleurs les tableaux joints au budget sont là pour prouver que toutes
les dépenses y ont été calculées intégralement sans diminution aucune.
M. le ministre de la guerre nous a encore dit :
« Vouloir faire verser au trésor le montant de ces retenues pour que le
trésor les reverse ensuite à la caisse des corps, me semble une complication
bien inutile dans les écritures et constituerait une dépense, pour recette à la
banque, que l’on peut épargner. »
Au premier abord on serait tenté d’applaudir à cet
esprit d’économie ; mais lorsqu’après avoir tout examiné, tout pesé, on
reconnaît que le résultat de cette économie est de permettre au ministre de
disposer de plus d’argent que ne lui en accorde le budget, je ne dis pas ce que
l’on fait alors, mais très certainement on n’applaudit pas.
M. le ministre de la guerre a trouvé qu’il n’était
pas convenable de poser comme un fait qu’il avait épuisé les fonds de tous les
budgets, et d’en faire le fondement d’une grave accusation ; et il en a fait un
grief à l’honorable représentant de la deuxième section qui avait osé parler de
la sorte.
Je dirai moi, que je doute qu’il convienne dans
l’intérêt de M. le ministre, de provoquer de nouvelles observations sur cet
objet.
Recettes et
dépenses extraordinaires et imprévues.
Suivant l’article 156 du règlement du premier
février 1819, la caisse des recettes et dépenses extraordinaires et imprévues
doit rendre un compte annuel au ministre.
Que ce règlement continue, en attendant qu’il soit
remplacé, à recevoir son exécution quant à la tenue des écritures, je le veux
bien ; mais je soutiens qu’il est abrogé quant aux dispositions qui tendent à
soustraire des caisses alimentées par les fonds du trésor aux investigations de
la cour des comptes : cela est incompatible avec le gouvernement
constitutionnel représentatif que nous nous sommes donné.
Mais l’excédant de ce compte, lorsqu’il est
présenté, le ministre n’en dispose que d’après les intentions du Roi.
Je n’entends pas ici discuter ou contester les
prérogatives royales ; je voudrais plutôt les étendre que les restreindre ;
mais la chambre a droit d’exiger que ce compte lui soit communiqué ; elle le
doit même pour s’éclairer sur le taux réel de certaines dépenses dont le
superflu se verse dans cette caisse ; elle y verrait que des crédits y sont
entrés presqu’en totalité.
Boni des hôpitaux.
Le boni des hôpitaux forme aussi une caisse de
cette nature.
On y verse la portion de la solde des
sous-officiers et soldats qui excède ce qu’on leur réserve pour menues
dépenses, fixées pour les sous-officiers à dix centimes et pour les soldats à
cinq centimes.
Il paraît qu’elle fait partie de celle des
régiments.
Il est nécessaire que la chambre sache à quoi s’en
tenir sur l’importance des sommes qui sont aussi versées dans les caisses de
l’administration des corps et l’usage que l’on en fait ; ce sera peut-être un
moyen de connaître quel rôle le vol de caisse dont le public s’est entretenu,
joue dans la comptabilité de l’administration des corps : M. le ministre aurait
bien dû nous en dire un mot ; comment un major de garde civique, condamné par
la cour militaire à restituer 18 ou 20,000 fr., s’est trouvé libéré sans avoir
déboursé un liard, et d’autres comment encore.
Quoi qu’il en soit, il est absurde de porter
100,000 francs au budget pour supplément de solde des militaires traités dans
les hôpitaux civils, tandis que ce qui reste de la solde des soldats traités
dans les hôpitaux militaires, après déduction des menues dépenses, est versé à
la caisse particulière des régiments. N’est-il pas naturel au contraire que
l’Etat reçoive ce restant pour s’indemniser des sommes énormes qu’il dépense en
médicaments, drogues, emplâtres et sangsues de toute espèce ?
Les ambulances et les hôpitaux coûtent 800,000 fr.
à l’Etat.
La chambre ne peut pas rester indifférente, sur un objet
qui intéresse le trésor à ce point, surtout lorsqu’elle a le moyen de diminuer
considérablement cette dépense, car le boni des hôpitaux a une grande
importance.
J’aurai vu avec une vive reconnaissance que M. le
ministre de la guerre qui nous a si généreusement remis 23 millions sur les
économies qu’il a faites en 1832, 1833 et 1834, eût appliqué sa générosité au
boni des hôpitaux dont lui seul dispose ; il y aurait eu beaucoup de mérite de
sa part à en agir ainsi.
Fourrages.
On se plaint souvent dans cette enceinte de ce que
le trésor paie des rations de fourrages pour des chevaux qui n’existent pas ;
cet abus existe toujours.
Pour y remédier, M. le ministre de la guerre a
imaginé d’exiger des officiers leur parole d’honneur qu’ils ont les chevaux
voulus par l’ordonnance.
Je crois à l’efficacité de cette mesure ; mais
avant d’y recourir, il fallait que celle prescrite par le règlement fût
reconnue inefficace. Or, comment le savoir ? on ne l’exécute pas, La voici ;
elle fait l’objet de l’art. 351 du règlement du 1er février 1819, ainsi conçu :
« Tous les militaires sans distinction de rang,
ayant droit à l’indemnité de fourrages, représenteront leurs chevaux ou les
feront représenter par un officier au commandant de place, le premier jour de
chaque trimestre, en remettant en même temps une feuille de signalement des
chevaux, lesquelles feuilles seront envoyées par ledit commandant à l’agent du
département de la guerre du commandement général chargé de tenir le contrôle
prescrit par l’article 317. »
C’est à la cour des comptes que je me suis assuré
que cet article ne reçoit pas son exécution, et un de mes amis m’a certifié
qu’il était arrivé malheur à un militaire de sa connaissance pour avoir voulu
qu’un cheval qui était au vert pendant l’hiver lui fût représenté. Quoique
propre à servir longtemps encore, et très capable, on l’a mis à la retraite.
Quoi qu’il en soit, la parole d’honneur ne valant
rien comme pièce de comptabilité, il faut en revenir aux feuilles prescrites
par l’art. 351 du règlement.
Comptabilité
générale.
Loi des comptes.
Je ne terminerai pas mes observations générales sur
le budget de la guerre sans parler de la comptabilité générale et de la loi des
comptes.
Je ne cesserai de le dire à la chambre, il faut
vouloir ce qu’ont voulu la constitution et la loi du 30 décembre 1830 qui crée
une cour des comptes. Il faut des lois organiques, des principes et des
règlements d’administration qui en soient la conséquence.
Les règlements que l’on invoque chaque jour ici
sont incompatibles avec notre loi fondamentale ; la cour des comptes n’a pas
manqué une seule occasion de vous le dire, les maintenir c’est manquer à nos
engagements.
En quoi consiste pour le ministre de la guerre le
visa préalable qui, dans l’intention du congrès qui l’a prescrit, devait mettre
le trésor de l’Etat à l’abri de toute dépense non suffisamment justifiée ou non
allouée au budget ? Il est sans objet pour les 5/6 des dépenses de la guerre,
c’est-à-dire pour plus de 33 millions.
Le ministre reçoit cette somme sur ses simples ordonnances,
sauf régularisation ; mais la dépense payée, il devient beaucoup plus difficile
de vérifier les pièces produites pour régulariser les dépenses qu’il ne l’eût
été de faire remplir préalablement les conditions d’admission que l’intérêt du
trésor aurait pu prescrire : d’ailleurs, en supposant que la régularisation ne
fût pas satisfaisante et qu’il y eût lieu à exiger la restitution de ce qui
aurait été payé, cela ne présenterait-il pas dans bien des cas des difficultés
insurmontables ?
Il faut qu’un règlement prescrive toutes les
formalités qu’une dépense doit subir, et les pièces dont elle doit être
accompagnée avant qu’elle puisse être payée, sauf à établir quelques exceptions
en faveur de celle dont le paiement ne peut être différé sans danger, ou sans
de grands inconvénients.
Au lieu du visa préalable voici ce qui se passe :
Les 33 millions dont je viens de parler sont mis
par le ministre à la disposition des intendants qui les distribuent aux
différents corps d’après leurs demandes.
Pour justifier l’emploi de ces fonds les corps
rédigent des feuilles de revue, les intendants les vérifient dans leurs
bureaux, on en fait autant au ministère, autant à la cour des comptes,
c’est-à-dire qu’on y vérifie les additions, car quelle autre vérification peut-on
y faire ?
Là elles sont visées et définitivement apurées,
c’est du moins ainsi que l’entend M. le ministre de la guerre, de sorte que
selon le ministre nous n’aurons plus rien à faire quand la loi des comptes nous
sera présentée, attendu que, suivant les propres expressions du ministre, les
feuilles de revue sont la base et le résultat de toute comptabilité, ou si vous
le voulez, le principe et la fin.
Cela étant, je suis fort en peine de m’expliquer
comment se réalisera ce que nous dit M. le rapporteur de la section centrale à
propos des crédits qui jusqu’à ce jour n’ont été fondés que sur des hypothèses
; voici ses paroles :
« Il résulte de là que les comptes des
exercices précédents sont aujourd’hui les meilleurs moyens de contrôle. Ils
serviront plus tard de règle pour l’établissement des budgets futurs. »
Je vous le demande, messieurs, quelle lumière
voulez-vous que nous tirions des comptes rendus d’après des règlements qui
seraient parfaits s’ils avaient été destinés à nous empêcher de remplir notre
mandat ?
Quelle confiance pouvons-nous avoir dans les
dépenses qui figureront dans les comptes des exercices antérieurs à 1835, du
département de la guerre, lorsque les 5/6 des crédits alloués au ministre ne
forment qu’une masse dont il a pu disposer comme il l’a voulu ; et il ne s’en
est pas caché, car il vous a dit le 20 décembre 1833, lorsqu’il demandait que
le traitement du pharmacien en chef fût porté à 3,300 francs : « Si la
commission persiste dans son chiffre, je tâcherai de compléter les honoraires du
pharmacien de première classe par le moyen des congés qui seront accordés en
grand nombre ; » et le 21, à propos des frais de table des généraux, qui
avaient été rejetés : « Les congés qui auront lieu me permettront, je
pense, de faire face à cette dépense. »
Enfin, il vous a dit dans son rapport du 11 mars
1835 : « Il n’y a point eu de fonds spécial pour les remontes de la
cavalerie et de l’artillerie porté au budget de 1833 et 1834, attendu que les
budgets accordaient l’allocation de la masse des fourrages au compte de
l’organisation des troupes de cavalerie et d’artillerie, et non sur l’effectif
des chevaux au 1er janvier, et que j’avais déclaré aux commissions des budgets
pour ces deux exercices que je prélèverais sur les fonds disponibles des fourrages
ceux qui seraient nécessaires à l’achat des chevaux de remonte, sans avoir
conséquemment besoin de faire un fonds spécial pour cet article. »
Il résulterait de ces aveux
de M. le ministre de la guerre qu’il dépend de lui de distribuer ou de garder, au
lieu d’en faire profiter le trésor, les économies que l’on peut obtenir en
délivrant des congés temporaires, et que s’il a pu acheter des chevaux pour
lesquels aucun crédit n’était ouvert au budget avec ce qui avait été alloué
pour les fourrages, vous avez perdu votre temps à discuter tous les budgets.
Quant à moi, la seule conséquence que je veuille en
tirer, c’est que nonobstant l’opinion de l’honorable M. de Puydt il serait
dangereux de prendre les budgets passés pour régler les budgets à venir.
Je me réserve de faire d’autres observations lors
de la discussion des articles.
M. A. Rodenbach.
- Avant de prendre la parole, je demanderai si personne ne se propose de parler
en faveur du budget. Je vais parler contre le budget ; si un orateur voulait
défendre le budget, je lui céderais mon tour de parole.
M. Brabant. - Je
parlerai en faveur du budget, mais je ne juge pas à propos de le faire
maintenant.
M. A. Rodenbach.
- Je prends la parole, messieurs, quoique ce ne soit pas chose fort aisée de
répondre à un discours hérissé de chiffres, aussi long que celui que vient de
prononcer M. le ministre de la guerre ; je tâcherai cependant de répondre à
quelques paragraphes de ce discours.
M. le ministre de la guerre, avant d’avoir été
attaqué, a commencé par faire son éloge. Je ne nie pas qu’il y ait du vrai dans
ses assertions, mais aussi je pense qu’il n’a pas toujours eu raison dans ce
qu’il a avancé. Je vais tâcher de le suivre dans les chiffres qu’il a posés de
nos dépenses depuis cinq ans pour le département de la guerre.
Si j’ai bien entendu, il a dit qu’en 1831
l’administration de la guerre avait coûté 77 millions ; en 1832, 72 millions ;
en 1833, 51 millions ; en 1834, 42 millions, et en 1835 40, ce qui fait pour
les cinq années une somme de 282 millions, et si nous ajoutons le budget qu’on
nous demande pour 1836, la dépense pour les six années s’élèverait à 320
millions. Le ministre comparant ensuite les dépenses des années 1832, 33 et 34
avec les dépenses de
Je demanderai ensuite à M. le ministre de la guerre
si une armée de la force de la nôtre coûterait en Prusse 320 millions ? Non
certainement ; c’est qu’en Prusse on sait compter. Je suis persuadé qu’en
Prusse, pour organiser une armée comme la nôtre, on eût dépensé 25 à 30 p. c.
de moins. En France aussi, on eût dépensé beaucoup moins qu’en Belgique.
Si vous voulez établir une comparaison pour prouver
que le système d’organisation de notre armée n’est pas trop onéreux, vous ne
devez pas prendre pour point de comparaison le pays qui passe pour avoir une
organisation militaire très dispendieuse, vous auriez pu prendre aussi bien
l’organisation militaire de l’Angleterre qui est plus chère encore que celle de
Mais c’est
Le budget de la guerre a subi dans cette chambre
cinq investigations ; chaque fois il a été examiné par des sections centrales
et deux fois par des commissions spéciales. Toutes ces investigations n’ont
servi qu’à peu de choses. Nous ne sommes guères plus éclairés aujourd’hui, car
nous sommes encore réduits à voter un budget de confiance. Des notes sur une
feuille de dépenses ont manqué à la section centrale, les explications qui lui
ont été données n’ont pas été satisfaisantes.
Le ministre a fait l’éloge du rapport de la section
centrale ; il ne trouve pas les réductions proposées trop fortes ; mais nous,
nous trouvons exorbitante la dépense de 320 millions pour l’organisation de
notre armée,
Ensuite on a signalé des abus dans la manière dont
ces dépenses ont été faites.
Le ministre a dit qu’on l’avait accusé d’avoir reçu
des pots de vin ; pour moi, je ne le crois pas, d’ailleurs,
Plusieurs
membres. - Oh ! oh !
M. A. Rodenbach.
- Messieurs, l’expression pots de bière n’est pas plus triviale que celle de
pots de vin. Je m’étonne des réclamations que j’entends. J’avais dit d’ailleurs
que je n’ajouterais aucune foi à cette accusation et je dirai de plus que je ne
crois pas que la presse se soit permis de la porter contre M. le ministre.
M. le ministre nous a dit que des tentatives de
corruption avaient été faites auprès de lui et qu’il les avait repoussées. Il
me semble qu’il n’a pas en cela rempli tout son devoir, il aurait dû signaler
les fripons à la justice et les faire poursuivre.
Plusieurs
membres. - C’est en France que cela s’est passé.
M. A. Rodenbach.
- Il me semble qu’il y a une justice en France comme en Belgique, et M. le
ministre a manqué à son devoir en ne livrant pas à la justice les individus qui
ont tenté de le corrompre en France.
L’honorable député d’Audenaerde vous a parlé d’un
officier qui, après avoir malversé dans un corps, fut placé comme comptable
dans un autre corps par le ministre, malgré les réclamations du chef de ce
corps. Je pense que rien ne peut justifier une protection accordée à un homme
de cette espèce.
On vous a entretenus des lits en fer adoptés pour
l’armée. J’approuve le ministre de s’être occupé d’améliorer le couchage de nos
soldats.
Nous l’aiderons toutes les fois qu’il voudra
introduire des améliorations, nous lui saurons gré de tout ce qu’il fera dans
l’intérêt de la santé de notre armée. Mille soldats sont rentrés dans leurs
foyers pour ophtalmie. Cette maladie existe encore, on dit qu’elle est
beaucoup, diminuée. Je crains que cette diminution du mal ne soit qu’apparente
; si on compte moins d’ophtalmistes dans l’armée,
peut dire est-ce parce qu’on les renvoie chez eux ? Dans une statistique qu’on
nous a fait connaître, nous voyons que sur 4,000 ophthalmistes
qu’il y a en Belgique 1,000 sortent de l’armée.
J’ai déjà dit que j’approuvais l’intention du
ministre d’améliorer le couchage des soldats ; mais je doute que les calculs
qu’il a faits sur les offres de la compagnie Legrand et de Destombes.
calculs que je n’ai pas pu bien suivre, je doute,dis-je, que ces calculs soient
exacts.
Destombes a offert de
fournir le couchage de 20,700 hommes, pendant 20 ans, non compris les lits en
fer pour 375 mille francs par an. La compagnie Legrand a offert de fournir le
couchage de ces 20.700 hommes, y compris les lits en fer, moyennant 452 mille
francs. Différence de 57 mille fr. en plus par an pour le loyer des lits en
fer. Je demanderai si cette rente de 57 mille fr. par an n’est pas plus
onéreuse que la dépense de 500 mille fr. qu’on aurait dû faire pour acquérir
les 20,700 couchettes en fer, prix auquel les a portées M. le ministre dans des
explications qu’il a fait insérer dans le Moniteur.
Je demande s’il n’y aurait pas plus d’économie à
faire cette acquisition, d’autant plus qu’au bout des 20 ans il eût encore les
couchettes ; à la vérité, elles n’eussent plus eu que la moitié ou le tiers de
leur valeur primitive, mais encore c’eût été une somme de 180 à 200 mille
francs qui serait restée.
Je n’accuse pas le ministre de compérage, mais je
pense qu’il s’est trompé. Je ne crois pas qu’on puisse établir qu’il n’est pas
plus avantageux d’acheter des couchettes à raison de 27 francs, que de les
louer à raison de 2,75 par an.
J’attendrai là-dessus les explications de M. le
ministre.
J’ai quelques mots à dire encore sur le service de
santé. Je sais qu’un projet spécial est présenté pour régler ce service ; mais en
attendant qu’il soit mis en discussion, je crois devoir faire quelques
observations. On a dit, pour presser l’organisation de ce service, qu’il y
avait 60 ou 80 chirurgiens non commissionnés ; je ferai observer qu’il y a une
foule de chirurgiens qui ont obtenu des diplômes dans nos universités et qu’on
pourrait employer.
Nous avons quatre universités et six écoles
secondaires de médecine, c’est plus qu’il n’en faut pour fournir aux besoins du
service. On a parlé de
D’ailleurs, j’ai entendu, dire par des personnes
d’un mérite transcendant que, pour le service de santé, il suffisait d’avoir
bien fait ses études et fréquenté pendant quelque temps les hôpitaux. Les
militaires ne sont pas autrement constitués que les autres. Les officiers de
santé militaires peuvent avoir de plus à panser quelques plaies de duel, et
voilà tout, car nous n’avons pas la guerre.
Quant aux chirurgiens non commissionnés, dont on a
parlé, qu’on leur fasse subir des examens, et s’ils n’ont pas la capacité
nécessaire, qu’on les renvoie. Dans les administrations, on élimine les
incapables ; qu’on en fasse autant pour le service de santé de notre armée.
Je suis persuadé qu’on trouverait au besoin cent
chirurgiens gradués de nos universités, ayant toutes les connaissances
nécessaires, qui seraient flattés de recevoir une commission d’aide-major ou de
sous-aide. Quand nous examinerons le projet de loi présenté, nous discuterons
cette question.
Je pense que M. le ministre renonce provisoirement,
jusqu’à ce que cette loi soit votée, au crédit de 18 mille francs qu’il avait
demandé pour ce service.
M. le ministre répondra
sans doute à ce qu’a dit M. Jadot concernant les ventes d’effets militaires.
On a encore signalé des
abus relativement à ce que l’en appelle la masse du soldat ; je crois que le
ministre répondra et nous fera connaître la valeur de toutes ces assertions.
Depuis cinq années son département coûte à
M. le président. -
La parole est à M. Doignon.
M. Doignon. - Les discours
que l’on vient d’entendre abrégent ma tâche, et il ne me reste plus que
quelques observations à présenter sur divers abus ; mais je peux placer ces
observations dans la discussion des articles. (A demain ! à demain !)
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Messieurs, j’ai pris note des observations faites par les
divers orateurs ; je me propose d’y répondre, mais je demanderai à n’être
entendu que demain ; j’ai besoin de prendre des renseignements, afin de rendre
mes réponses pertinentes. (A demain ! à
demain !)
M. le président. -
La réunion aura lieu demain à midi ; on fera l’appel nominal avant midi et
demi.
- La séance est levée à 4 heures et demie.