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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du lundi 16 novembre 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi relatif à la taxe des lettres et au service de la poste rurale. Tarif du
courrier venant d’outre-mer (Verdussen), port des
journaux (Liedts, d’Huart, Verdussen, Legrelle, d’Huart, Legrelle, Liedts, d’Huart, Legrelle,
Dumortier), organisation d’un service postal régulier
et universel (Desmanet de Biesme, d’Huart,
Gendebien, Desmanet de Biesme,
d’Huart, de Jaegher, Verdussen, Demonceau, Raikem, d’Huart, Raikem,
d’Huart, Verdussen, de Jaegher, Dumortier, Raikem, Liedts, Dubus,
Liedts, A. Rodenbach, Demonceau, d’Huart, Gendebien, d’Huart, Dubus, d’Huart, Jadot,
Dubus, Gendebien)
3) Projet
de loi relatif aux los-renten (Jadot)
4)
Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Loi communale (Rogier),
loi sur le bétail (de Nef), loi communale (d’Huart)
(Moniteur
belge n°321, du 17 novembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Verdussen
procède à l’appel nominal.
M. de Renesse donne
lecture du procès-verbal de la séance précédente. La rédaction en est adoptée.
M. Verdussen
donne connaissance des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
« Le sieur H. J. Verrassel,
rentier sur la ville et chaussées de Nivelles, réclame de nouveau le paiement
des intérêts arriérés de ses rentes. »
________________
« Le sieur Sigismond Benda, né à Furth (Bavière), négociant à Bruxelles, habitant la
Belgique depuis 1819, demande la naturalisation. »
________________
« Le
sieur Jos Begasse, né à Schleyden,
ancien département français réuni à la Prusse en 1814, actuellement domicilié à
Liége, demande la grande naturalisation. »
________________
« Le
sieur Jean Mercken, ouvrier, domicilié à Tongres,
demande la révocation de la décision de M. le ministre de l’intérieur, qui
appelle sous les drapeaux le nommé Pasques, qu’il a remplacé pendant deux
ans. »
________________
« L’administration communale de Corthys (Limbourg) demande qu’il soit alloué un crédit
spécial au budget de la guerre pour indemniser cette commune d’une fourniture
de 928 rations de fourrages, faite par elle, pendant le troisième trimestre de
1831, aux troupes de l’armée française, et que l’armée française a admise en
liquidation. »
________________
Il est fait hommage à la chambre d’un ouvrage
intitulé : « Code ou bibliothèque complète de l’officier de l’état-civil
de la Belgique, pat M. T.-J. Vervloet, procureur du
Roi à Malines.
PROJET DE LOI RELATIF A LA TAXE DES LETTRES ET AU SERVICE DE LA POSTE
RURALE
Second vote des articles
Articles 1 à 7
- Les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7, mis en
délibération sont de nouveau adoptés sans opposition.
Article 8
M. Verdussen. - Je
crois que le premier paragraphe de l’article 8 a besoin d’une légère
modification dans sa rédaction pour présenter un sens clair ; il a été dans
l’idée de la chambre, et il est dans l’esprit de la loi, que les lettres venant
de l’étranger paient comme les autres pour le parcours à l’intérieur et
qu’elles paient un droit supplémentaire pour le parcours en mer ; or, c’est ce
qui sera dit explicitement et sans équivoque si le paragraphe est ainsi rédigé
: « La taxe des lettres de et pour les pays d’outre-mer, transportées par
d’autres voies que celles réglées par les conventions postales, sera formé de
celle due pour le parcours intérieur, et d’une taxe progressive, en raison du
poids, de cinq décimes par lettre simple pour le parcours en mer. »
- Cette modification, qui n’a pour but qu’une
transposition de mots, est adoptée.
- Les articles 9 et 10 sont adoptés sans
discussion.
M. Liedts, rapporteur.
- Quelques libraires m’ont demandé quel serait le mode d’exécution de l’article
10 ; on m’a fait remarquer que la progression va de 12 à 30 centimètres dans le
tarif qu’il établit, et l’on m’a fait remarquer en outre que 12 n’est pas une
fraction de 30. Dans la librairie cependant les, livres in-8° présentent une
fraction de trente centimètres. Ils voudraient savoir si une feuille de 30
centimètres, pliée en in-octavo, paiera comme in-octavo, ou paiera selon sa
dimension intégrale ; si par exemple, une feuille de 30 centimètres étant pliée
en deux, chaque moitié paiera 15 centimètres, c’est-à-dire si chaque moitié
paiera autant que la feuille entière : ce qui aurait lieu, si l’on avait droit
de demander la fraction au-dessus de 12. Des explications sont nécessaires à
cet égard.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je confesserai d’abord que la
division par 12 centimètres paraît n’être pas d’accord avec le système décimal,
que l’on suit pourtant autant que possible ; mais on n’a pris cette dimension
que parce que plusieurs journaux auraient profité de la taxe si on avait admis
une dimension supérieure : cependant il est juste que tous les journaux paient
un droit proportionné qui d’ailleurs n’est pas considérable.
Relativement aux feuilles des ouvrages, il est
clair qu’on ne mesurera pas les dimensions telles qu’elles se présentent en
ouvrant un livre, mais comme elles se présentent dans leur réunion en feuilles
entières, et telles qu’elles ont été tirées l’imprimerie. C’est ainsi qu’il
faut entendre la loi ; c’est même assez
explicite dans son texte. On calculera les feuilles étendues et développées, et
non pas les feuilles pliées.
M. Gendebien. -
Ainsi on ne calculera pas 2 fois 15.
M.
Verdussen. - Je veux aussi présenter une observation sur le pénultième
paragraphe de l’art. 10. D’après les opinions qui ont été développées en
discutant cet article, et notamment d’après celle de M. Gendebien, la moitié du
produit des journaux doit être partagée entre les employés qui travaillent au départ
et à la réception de ces journaux et les employés à gros traitements ne peuvent
avoir aucune part dans ce partage. Pour que ce but soit atteint, il me semble
qu’il faudrait supprimer les mots « des bureaux » dans le paragraphe
dont il s’agit, et le rédiger ainsi : « La moitié du produit de la taxe
sur les journaux, déterminée par cet article, sera perçue par le trésor ;
l’autre moitié sera repartie entre les employés chargés de l’expédition et de
la réception. »
De cette manière le paragraphe sera plus
restrictif, et sous aucun prétexte les employés des bureaux ne recevront rien
quand ils ne participeront pas au travail.
M. Legrelle. -
C’est un simple changement de rédaction que demande M. Verdussen ; il ne
propose pas un amendement ; il veut uniquement que la pensée de la chambre soit
exprimée plus clairement.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je ne m’oppose pas à la proposition faite par M. Verdussen.
- La suppression des mots « des
bureaux, » mise aux voix, est adoptée.
- Les art. 10 et 11 sont
adoptés.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Le paragraphe dont il s’agit a été admis
définitivement, c’est par erreur qu’on le compte au nombre des amendements ;
ainsi aux termes du règlement on ne peut plus le mettre en délibération ;
toutefois je ne m’oppose pas à la modification proposée.
Puisque j’ai la parole, j’ajouterai que,
relativement aux livres, le gouvernement aurait désiré faciliter encore plus
leur transport ; mais il a pensé qu’il ne pouvait réviser ce point que
lorsqu’il sera question de modifier généralement la loi sur les postes. En
effet, Si on apportait maintenant des modifications à cet égard, il faudrait
faire des changements dans l’administration des transports, et donner deux
chevaux quelquefois là où on n’en emploie qu’un, car les livres sont pesants.
M. Legrelle. -
Mais ce que propose M. le ministre est un véritable amendement, et l’article
n’est pas susceptible d’être amendé. Nous devons nous conformer au règlement.
Les journaux étrangers sont d’ailleurs assez favorisés, il ne faut pas
augmenter cette faveur au détriment des nôtres.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - A l’art. 12, j’avais indiqué
une adjonction comme étant nécessaire ; on a fait des objections, et je n’ai
pas cru devoir insister ; mais depuis, ayant examiné cet objet de plus près, je
me suis convaincu que l’adjonction était indispensable.
Elle consisterait à rédiger ainsi l’art. 12 : « Le
port des journaux, ouvrages périodiques, livres, papiers de musique,
prospectus, annonces et imprimés de toute nature, venant non affranchis de
l’étranger, est fixé à un décime par feuille, quelle qu’en soit la dimension et
quelle que soit la distance parcourue dans le royaume. »
Je ne veux qu’ajouter les mots « non affranchis,»
et voici pour quel motif :
Il est déterminé dans cet article que chaque
exemplaire sera taxé à un décime par feuille ; mais s’il existe une convention
avec un pays voisin, comme Paris, par exemple, pour le transport des journaux à
Bruxelles, et que l’affranchissement total soit admis moyennant 8 centimes, il
faut que la poste belge se contente d’une partie de cette taxe ; cependant si
l’article restait tel qu’il est, cela deviendrait impossible, puisque la poste
belge devrait toujours percevoir pour elle seule un décime, attendu que la cour
des comptes exigerait que l’on justifiât le paiement de ce décime par feuille.
C’est donc suivant les conventions postales que la taxe doit être perçue
lorsqu’il y a affranchissement, et non d’après une règle invariable.
M.
Liedts, rapporteur. - La proposition que fait le ministre est toute en
faveur de la presse ; si on l’a combattue dans la première séance, c’est par
erreur et alors je ne vois pas pourquoi on se ferait un scrupule de l’adopter
maintenant en reconnaissant qu’on s’est trompé. Les journaux étrangers sont
déjà frappés d’un droit élevé, et ce n’est pas pour quelques centimes en moins
à recevoir que nous devons repousser l’amendement. Les conventions postales ne
peuvent grever les journaux d’un droit plus élevé que celui qui est porté dans
la loi ; mais comme elles peuvent être plus favorables aux journaux que la loi
même, j’appuie la proposition du ministre pour qu’il en soit ainsi toutes les
fois que nos relations avec les pays voisins le permettront.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - La proposition que je fais est
un amendement d’une nature à peu près semblable à l’amendement qu’a présenté
tout à l’heure l’honorable M. Verdussen ; il est explicatif.
Je ferai observer à M. Legrelle que cet amendement
n’est pas exclusivement en faveur des journaux étrangers, qu’il est aussi en
faveur des nôtres. Par réciprocité nos journaux pourront être transportés à
l’étranger à moins de frais. Si l’article n’était pas modifié, il aggraverait
la position actuelle de plusieurs journaux ; car il en est qui, sous l’empire
de la nouvelle loi, seraient obligés de payer plus qu’ils ne paient maintenant.
Il en est en effet, qui, de Paris à Bruxelles, ne paient que huit centimes de
droit, qui est partagé entre l’administration des postes belges et
l’administration des postes françaises.
M.
Legrelle. - Le respect que nous devons au règlement nous interdit
d’adopter l’amendement. Il est une modification à l’article, et un tel
antécédent pourrait être très dangereux. Après avoir adopté un article de loi
dans une délibération, il autoriserait à vous en venir demander le lendemain le
changement. Il n’y a pas ici nécessité suffisante pour ne pas suivre
rigoureusement le règlement ; d’ailleurs, si des changements sont nécessaires,
le sénat les fera.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Alors la loi nous reviendrait.
M. Dumortier. -
Je ne partage pas les craintes de l’honorable préopinant. Je reconnais avec lui
que la proposition est réellement un amendement et que l’article a été adopté
dans la séance précédente sans modification ; mais je dois dire qu’il y a eu
erreur dans la discussion. J’ai combattu l’amendement du ministre dans la
dernière séance, et j’avoue que je me suis trompé. Comme j’ai peut-être déterminé
l’assemblée à repousser l’amendement, je dois aujourd’hui déclarer mon erreur.
L’amendement ministériel ne s’applique pas
seulement aux journaux ; il s’applique encore à tous les ouvrages scientifiques
qui viennent par livraisons de l’étranger. Qu’un ouvrage scientifique paraisse
par livraisons en France, par exemple, il faut qui l’acquéreur belge puise
profiter de l’affranchissement, tandis que si l’on n’adopte pas l’amendement,
il faudra que l’acquéreur paie toujours un décime.
- Les mots « non affranchis, » mis aux
voix, sont adoptés ; et l’art. I 2, ainsi amendé, est également adopté.
Article 13
M. Desmanet de
Biesme. - Vous avez repoussé dans la séance d’hier l’amendement que
j’avais proposé à l’art. 13 pour empêcher les vexations qui pourraient résulter
dans le service de la poste rurale. Je vais aujourd’hui proposer une
disposition qui, je crois, ne rencontrera pas d’obstacle à son admission.
Cette disposition a été introduite dans la loi
française de juin 1829. Alors le ministre français, comme aujourd’hui notre
ministre, prétendait qu’elle était inutile. Toutefois la chambre l’a adoptée.
Voici cet article :
« Les dispositions pénales relatives au transport de livres en
contravention ne sont pas applicables à ceux qui font prendre et porter leurs
lettres dans les bureaux de poste circonvoisins de leur résidence. »
Il résulte de là que, malgré la loi, chacun reste
maître d’envoyer chercher sa correspondance dans le bureau le plus voisin.
Vous vous étonnerez peut-être de me voir mettre
tant de persistance dans ma proposition, quoique le ministre ait déclaré qu’on
ne ferait pas exécuter rigoureusement les lois sur les postes. Je ne mets pas
en doute les bonnes intentions du ministre ; mais je crois que dans un pays
constitutionnel il faut que les citoyens soient régis par la loi et n’aient
aucune obligation aux personnes qui sont au pouvoir.
D’après ces considérations, je présente
l’amendement dont je viens de vous donner lecture. Il fait l’article 3 de la
loi de juin 1829.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me semble, messieurs, que
nous ne pouvons nous dispenser d’adopter la question préalable sur l’amendement
de M. Desmanet de Biesme ; car cet amendement est en quelque sorte plus large
que le sous-amendement qu’il avait fait à sa propre proposition dans la
dernière séance.
Dans ce sous-amendement, il ne parlait que des
lieux où un service journalier n’était pas établi ; mais l’amendement qu’il
propose maintenant serait applicable même là où un service régulier et
journalier serait organisé ; il va donc plus loin sous ce rapport. Je pense que
la chambre ne peut pas revenir sur ce qu’elle a fait et doit repousser par la
question préalable l’amendement présenté.
Admettre cet amendement ce serait admettre dans la
loi la ruine de la poste rurale ; Car si une personne peut envoyer prendre ses
lettres à la poste, 20 personnes peuvent se réunir pour envoyer chercher leurs
lettres à la poste et exclure ainsi le service de la poste rurale.
Puisqu’on veut maintenir le monopole de la poste,
je ne crois pas qu’on puisse se refuser à l’appliquer dans son extension à un
service qui doit être si utile au pays.
M.
Gendebien. - Il est possible que je n’aie pas bien compris l’amendement
de l’honorable M. Desmanet de Biesme.
Mais il me semble que c’est M. le ministre qui ne l’a pas bien compris.
L’amendement de M. Desmanet de Biesme tend à
autoriser à transporter les lettres au bureau de poste le plus voisin et à aller
les chercher à ce bureau. Mais d’abord, pour expédier les lettres, il n’y a pas
d’autre moyen que de les porter au bureau de poste ; ainsi sous ce rapport
l’amendement est inutile. Il autorise à aller prendre les lettres au bureau de
poste voisin ; mais en cela il est encore inutile, car le port de la lettre est
payé, quand on va la prendre au bureau. Ensuite, il n’y a pas de fraude à
craindre ; car le timbre de la poste prouve qu’il n’y a pas fraude.
Si donc j’ai bien compris l’amendement, que la chambre
l’adopte ou le rejette, cela est fort indifférent.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je n’ai pas compris l’amendement comme cela.
M. Desmanet de Biesme. - Si le
ministre défendait son opinion sans élever une fin de non-recevoir contre ma
proposition il ne nous resterait qu’à persister l’un et l’autre dans notre
opinion. Mais je suis étonné de l’entendre m’opposer une fin de non-recevoir,
quand lui-même vient de faire adopter par la chambre un amendement qu’elle
avait rejeté au premier vote, et cela à l’instant même et sur l’article
précédent.
J’ai présenté mon amendement sur un article qui est
un amendement de M. Verdussen ; je suis donc en droit de présenter cet
amendement.
On vient dire que mon amendement renverse le
système ; je ne conçois pas que cette disposition renverse le système ici,
quand elle ne l’a pas renversé en France.
L’honorable M. Gendebien croit qu’il y aura partout
des bureaux de poste. Il y aura dans chaque village une boîte, et il faudra
attendre deux jours avant que le messager vienne chercher les lettres. Pour les
jours où le service ne sera pas régulier il me semble nécessaire que chacun
puisse envoyer chercher les lettres à la poste.
Pour moi, je désire la poste rurale ; si elle
assurait la distribution journalière des lettres, je n’aurais aucune objection
à faire. Mais si vous n’établissez qu’un service irrégulier accompagné de
dispositions vexatoires, je ne puis donner mon assentiment au projet de loi qui
nous occupe.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je me permettrai de faire remarquer à
l’honorable M. Desmanet et à la chambre qu’il y a de la différence entre un
amendement introduit dans un article adopté et un amendement rejeté. Dans ce
dernier cas, il y a chose jugée ; la disposition a été soumise à la chambre,
qui l’a rejetée, tandis que mon amendement n’était qu’une addition explicative
à un article.
Maintenant, si on comprend l’amendement comme l’a
compris M Gendebien, je n’ai pas d’opposition à y faire. Mais je ne pense pas
que M. Desmanet de Biesme l’entende ainsi. Je suppose qu’il entend, par
exemple, qu’on peut d’un endroit quelconque de sa province envoyer à Namur même
chercher les lettres.
M. Desmanet de Biesme. - Aux bureaux
circonvoisins.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - C’est-à-dire, qu’on pourra envoyer chercher
les lettres non pas seulement au bureau de distribution, mais au bureau
principal, de telle sorte que la poste perdra le décime qui se paie pour le
transport de la direction au bureau de distribution. Si l’amendement tend
seulement à ce qu’on puisse aller chercher les lettres au bureau de distribution,
je n’ai pas d’objection à faire. Au reste, un tel amendement ne changera-il
rien à la loi existante.
M.
de Jaegher. - J’ai demandé la parole pour donner quelques explications
sur l’amendement de M. Desmanet de
Biesme. Je ne l’entends pas comme M. Gendebien, Je crois que son erreur
vient de la fausse idée qu’il se fait de l’exécution de cette partie de la loi.
Il y aura dans toute commune une boîte aux lettres. La différence entre les
communes ayant un service journalier et les autres sera que dans celles-ci, la
poste ne sera vidée que quand le messager viendra pour distribuer les lettres,
et en même temps chercher les lettres déposées dans la boîte et les porter au
bureau principal.
Je regrette que l’amendement de l’honorable M.
Gendebien ait été écarté. Je pense que quelques communes seront, pour le
transport de leurs transports, moins favorisées, par suite de la loi, qu’elles
ne le sont maintenant. Effectivement, aujourd’hui, des messagers sont envoyés 2
ou 3 fois par semaine, suivant les besoins du service. Désormais ces communes
jouiront du même avantage ; la seule différence qu’il y aura, c’est qu’elles
perdront l’avantage de pouvoir envoyer leur messager une fois de plus par
semaine, si le service l’exige.
Je crois que ce serait très sévère de déclarer
applicables les dispositions pénales que l’amendement de M. Desmanet de Biesme
tend à rendre inapplicables.
M.
Verdussen. - Mon intention est également d’expliquer l’amendement de
l’honorable M. Desmanet de Biesme, tel que je le comprends, et de faire
ressortie l’erreur dans laquelle l’honorable M. Gendebien est tombé.
Il est certain que l’amendement tend à détourner du
trésor au profit des particuliers la taxe d’un décime établie par le deuxième
paragraphe de l’art 13. Voici le cas : je suppose par exemple qu’il y ait un
bureau à Schaerbeck, mais qu’un piéton dans une
localité voisine aille chercher les lettres à ce bureau et les porte à domicile
; évidemment il privera le trésor du décime qu’il percevrait pour le transport
des lettres, du bureau au domicile des personnes.
Ainsi vous le voyez, l’amendement ne tend pas à
expliquer le sens d’un article, mais à bouleverser un article adopté par la
chambre. C’est un changement fondamental, et qui détruirait l’action de la loi,
telle que la chambre l’a adoptée en premier lieu. Je pense donc qu’il faut
adopter sur l’amendement la question préalable.
M. Demonceau. -
Je regrette, ainsi que plusieurs préopinants, que l’amendement de l’honorable
M. Desmanet de Biesme n’ait pas été adopté par la chambre. Voici pourquoi :
c’est que d’après plusieurs décrets, notamment une loi de 1790, des décrets de
ventôse et de fructidor an VI, un décret de l’an IX et un décret de l’an XII,
il est aussi clair que le jour que chaque fois que la question sera soumise aux
tribunaux, tout porteur de lettres ou de journaux sera condamné à une amende
dont le minimum est 150 fr. et le maximum 300 fr. Je puis, en cela, invoquer ma
propre expérience. Comme président du tribunal de Verviers, j’ai concouru à
l’application du décret de l’an VI ; on en a soutenu l’illégalité, nous avons
cru à sa légalité, nous l’avons appliqué, et pour que vous le sachiez, c’était
à une messagerie qui transportait les journaux ; le jugement a été confirmé en
appel, et je crois même en cassation. Nous l’avons appliqué aussi à un pauvre
messager sur qui on avait trouvé une lettre et cette autre application du
décret de l’an VI a également été confirmée.
M. le ministre dit qu’il ne
fera pas exécuter la loi ; mais, mandataires de la nation, magistrats, il me
semble que notre devoir est d’exécuter et de faire exécuter les lois ; si elles
ne sont pas bonnes, nous devrons les changer.
Dans tous les cas une contravention peut être
constatée par un simple gendarme, par un simple employé des postes, et lorsque
les tribunaux en seront saisis, esclaves de la loi, ils l’appliqueront. Le
pouvoir modérateur pourra ensuite accorder remise de l’amende.
Il vaudrait beaucoup mieux que la chambre changeât
la loi ; elle est d’ailleurs sans sanction ; car quand on a condamné un pauvre
messager à l’amende, la condamnation ne peut être exécutée que par la
contrainte par corps.
- M. Raikem quitte
momentanément le fauteuil où il est remplacé par M. Fallon, premier
vice-président.
M. Raikem. - On
oppose à la proposition de l’honorable M. Desmanet de Biesme la question
préalable en ce que, dit-on, elle a été rejetée par la chambre au premier vote.
Mais remarquez, messieurs, qu’il y a une certaine différence entre la
proposition qui nous a été faite en premier lieu, et celle qui vous est
maintenant soumise. Celle-là s’appliquait généralement à tous ceux qui
porteraient des lettres dans les endroits où la poste rurale serait établie, au
lieu que l’amendement actuel se rapporte à ceux auxquels les lettres seraient
adressées, et qui les feraient porter au prendre au bureau de la poste.
Remarquez que dans le projet en discussion, on a pris pour type les articles 1er
et 2 de la loi française de 1829. Ces articles avaient été proposés par le
gouvernement. La chambre des députés de France a ajouté à ces articles celui
qui forme l’art. 3 de la loi, et qui est reproduit dans l’amendement de M. Desmanet de Biesme.
Le droit que consacre cette disposition de porter
ou de faire porter des lettres aux bureaux de poste circonvoisins, est un droit
qu’a chaque particulier ; il s’agit de savoir si on veut restreindre ce droit.
Quant à moi, je ne pense pas que cela puisse être. Les arguments que
d’honorables préopinants ont fait valoir en faveur de l’amendement sont encore
présents à votre mémoire, j’en suis persuadé. Du reste, il n’y a pas lieu
d’adopter la question préalable, puisque l’amendement diffère, quant à la forme
et quant au fond, de celui rejeté au premier vote.
L’amendement, dit-on, est
inutile ; on fit la même observation lorsqu’il fut présenté à la chambre des
députés de France ; toutefois l’amendement fut renvoyé à la commission qui,
après mûr examen, proposa une autre rédaction qui est celle qu’a reproduite M.
Desmanet de Biesme. On disait que l’amendement résultait des explications
données dans l’exposé des motifs du projet de loi ; de là le ministre français
tirait la conséquence que l’amendement était inutile. Que répondit-on ? Qu’il
fallait par une disposition de loi, rassurer les citoyens contre les vexations
; et la disposition fut adoptée par la chambre des députés et par la chambre
des pairs, et elle a été convertie en loi.
Que faisons-nous ? à
l’instar de la France nous établissons la poste rurale. Sans doute nous ne
voulons pas plus de vexations qu’en France. La disposition proposée par M.
Desmanet a pour but d’en mettre les citoyens à l’abri. Quel reproche en effet
pourrait-on faire à une autorité subalterne qui suivrait le texte de la loi,
sans entrer dans son esprit, qui, en dressant des procès-verbaux pour
contravention, exécuterait trop littéralement la loi ? Quand même les tribunaux
jugeraient dans un autre sens, il en serait toujours résulté des poursuites
fâcheuses pour ceux qui en seraient l’objet ; elles pourraient entraîner la
ruine d’hommes peu fortunés. L’amendement tend à empêcher ces inconvénients.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Quant à la question préalable,
je n’ai fait que l’indiquer ; il me paraît que c’est ici ou jamais le cas de
l’adopter ; mais je n’insiste pas et je ne présente même aucun argument pour la
faire passer. La chambre en décidera.
Comme je ne veux pas plus que l’honorable
préopinant effrayer les citoyens, je ne m’opposerais pas à une disposition à
peu prés semblable à celle proposée par M.
Desmanet de Biesme. Si son amendement portait « au bureau de poste
le plus voisin » au lieu de « aux bureaux de poste
circonvoisins, » je serais tout disposé à l’admettre. Voici pourquoi je
demande ce changement, c’est afin d’éviter qu’au lieu d’aller simplement
chercher les lettres au bureau de distribution, on aille les prendre à un
bureau de direction, et qu’ainsi le décime supplémentaire alloué pour l’établissement
de la poste rurale, et qui doit être perçu pour le transport du bureau de la
direction à celui de la distribution, se trouve enlever à l’administration.
Vous voyez que mon intention est à bien peu de
chose près la même que celles des honorables préopinants, puisque je ne
m’opposerais pas à l’amendement, rédigé dans le sens de l’observation que je
viens de faire.
M.
Raikem. - Je veux donner une simple explication sur le mot
« circonvoisins » qui se trouve dans la loi française. Il n’a pas été
inséré dans la loi sans mûre réflexion ; en effet la première rédaction portait
le mot « voisins. » C’est sur les observations faites à la chambre
des députés de France qu’on a préféré le mot « circonvoisins » comme
plus propre à rendre l’idée énoncée dans l’amendement.
Je ne crois pas que la chambre doive adopter une
autre expression que celle adoptée dans un pays voisin après un mûr examen.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je désirerais savoir quelle
portée on donne au mot « circonvoisin » et ce qui détermine à le
préférer au mot « voisin ; » car il ne suffit pas qu’une expression
ait été admise en France pour que nous devions de suite lui donner la
préférence. Du reste si la portée du mot « circonvoisin » n’est pas
autre que celle des mots « le plus voisin, » je ne vois pas
d’inconvénient à l’adopter.
M.
Verdussen. - Il ne faut pas se faire illusion, l’amendement change et
bouleverse complètement l’article. Quelle est sa portée ? qu’un
seul individu pourra aller chercher à la poste les lettres de 20 personnes et
les porter à leur adresse ; et qu’ainsi ces personnes ne paieront pas à l’Etat
le décime qui lui est dû ; ce décime sera perdu pour le fisc.
Lorsque j’ai eu l’honneur de présenter un léger
changement de rédaction, qui était dans l’esprit de la loi on m’a fait
remarquer que ce serait une violation du règlement. Cette fois la violation du
règlement serait manifeste. Je m’oppose à ce que le règlement soit ainsi violé,
car s’il en était ainsi, il n’y aurait plus de loi pour la chambre.
M. de Jaegher.
- Je ferai une seule observation à l’honorable M. Verdussen ; il perd de vue
qu’il ne s’agit que des communes où il n’y aura pas de service journalier. Que
serait donc la spéculation dont il a parlé ? elle
aboutirait au transport de 2 ou 3 lettres ; si la spéculation en valait la
peine, le ministre aurai tort de ne pas établir un service journalier, et si le
service est journalier, la commune sort de la catégorie de celle dont il est
question dans l’article.
Je crois qu’il n’y a pas de difficulté à adopter le
mot « circonvoisins ; » car cette expression tend à éviter toute
sorte de chicanes et de vexations.
M. Dumortier. -
Je ne puis partager ni l’opinion de l’honorable M. Verdussen, ni sa tendre
sollicitude pour le fisc.
J’ai déclaré que j’étais opposé à la loi sur la
poste rurale ; non pas que je ne veuille pas de poste rurale, mais parce que je
ne veux pas de vexations, et j’ai toujours regardé la loi actuelle comme le
germe des plus cruelles vexations.
Je pense donc que vous devez adopter tout ce qui
tend à améliorer le système de la loi. Si vous voulez la poste rurale,
établissez-la, mais faites les choses grandement ; dites : « Nous voulons
sacrifier un demi-million dans ce but. » Quand vous sacrifiez 40 ou 60
millions pour l’armée, vous pouvez bien sacrifier un demi-million pour les
habitants des campagnes.
Mais, mon Dieu, ne prenez pas de mesures qui
ramèneront les vexations que nous avons vu disparaître avec tant de plaisir.
Messieurs j’ai été témoin des vexations occasionnées par le système suivi en
France. J’ai vu un de mes amis condamné à une amende de 300 francs pour avoir
porté une seule lettre. En France on pousse la rigueur jusqu’à ne pas permettre
aux diligences de transporter une seule lettre ou un journal. M. le ministre a
beau dire qu’il n’exécutera pas la loi. Il est forcé de l’exécuter. S’il ne
l’exécute pas, comme on l’a fort bien fait observer, il viole la constitution.
Si vous voulez la poste
rurale sans vexations, c’est à vous de faite un sacrifice de quelques milliers
de francs. Mais ne renouvelez pas un système de vexations qui ne peut que faire
détester notre révolution. Je ne vois pas en quoi les craintes qu’on semble
éprouver, si l’amendement est adopté, sont réellement fondées. Quand un
particulier fera transporter une lettre par un exprès, elle lui coûtera 10 fois
plus que s’il la confiait à la poste rurale. C’est une preuve qu’il en a
manifestement besoin. Comment ! vous voulez que les
lettres ne puissent circuler qu’au moyen de la poste rurale, et cependant vous
reconnaissez qu’il y aura des communes où les lettres ne seront distribuées ou
transportées que deux fois par semaine ! Que voulez vous qu’on fasse d’un
journal qui n’arriverait que deux fois par semaine ? Ou bien je suppose qu’un
citoyen ait un billet à échéance à recevoir. Il a 24 heures pour faire son
protêt. La lettre de change lui arrivera deux jours après le terme fixé par la
loi. Jugez des inconvénients qui en résulteraient pour le commerce et
l’industrie. Je ne finirais pas si je citais toutes les circonstances où un
retard de deux jours peut entraîner les conséquences les plus fâcheuses.
Interdire aux particuliers la faculté de se procurer leurs lettres tous les
jours, est réellement vexatoire et ridicule. Voilà cependant où vous en
viendrez avec le système que l’on propose. Adoptons la poste rurale, je le veux
bien ; mais n’ayons pas peur de sacrifier 300,000 francs pour éviter des
mesures vexatoires. Quant à moi, je les repousse de tous mes moyens et je
m’oppose fortement à ce qu’on y donne accès dans la loi soumise à votre second
vote.
M. Raikem. - Je
n’aurais pas pris la parole une troisième fois si M. le ministre des finances
n’avait exprimé le désir de connaître les motifs qui ont fait introduire dans
la loi française le mot « circonvoisins. »
Je crois ne pouvoir satisfaire à sa demande qu’en
donnant lecture de la discussion qui a en lieu à la chambre des députés de
France sur ce point,
(Ici l’orateur donne lecture de l’extrait suivant
du compte-rendu d’une des séances de la chambre des députés de France :)
« M. Sapey. (c’était le rapporteur de la loi) - Après m’être concerté
avec mes collègues qui composent la commission, pour concilier les intérêts de
ceux qui feront prendre et porter leurs lettres au bureau, je vais vous faire
connaître la disposition qu’elle vous propose :
« Les dispositions pénales relatives au
transport des lettres en contravention ne seront pas applicables à ceux qui
feront prendre et porter leurs lettres dans les bureaux de poste voisins de
leur résidence.
« M. le ministre des finances. - Je ne crois
pas que l’on puisse admettre dans toutes ses expressions l’amendement qui vous
est présenté. A quels bureaux s’appliqueront les mots : « les plus voisins
? » On connaît bien celui le plus voisin, mais...
« M. le président - Je ferai remarquer à M. le
ministre des finances que l’amendement ne porte pas ces mots : « les plus
voisins ; » Il y a : « dans les bureaux de poste voisins. »
« M. le ministre des finances : Eh bien ! je dis qu’il n’y a qu’un bureau qui soit voisin. Mon
observation a pour objet de prévenir l’arbitraire dans l’intérêt de tous ; car
je ne veux d’arbitraire ni contre les citoyens ni contre l’administration. Si
vous dites : « les bureaux de poste voisins, » on prétendra qu’un
bureau est voisin parce qu’il est à une, deux, trois lieues de résidence ; ces
mots sont trop vagues, et il est impossible, si la rédaction proposée est
admise de ne pas dire : « le bureau le plus voisin. »
« M. Dupin, aîné. - La
proximité dépend de la direction.
« M. Demarçay. - Je
vais proposer la substitution d’un seul mot qui, je crois, présentera une idée
bien déterminée ; au lieu de « bureaux voisins, » il faut dire : «
bureaux circonvoisins. » L’observation de M. le ministre est fondée. Sous
prétexte qu’un bureau est voisin, on pourrait passer un bureau intermédiaire.
On pourrait même franchir deux, trois bureaux. Le mot
« circonvoisins » exprime nettement les bureaux entre lesquels il n’y
a pas de bureaux intermédiaires. (Appuyé.)
« - Le sous-amendement proposée par M. Demarçay est mis aux voix et adopté.
« La disposition proposée par la commission
ainsi sous-amendée est adoptée. »
Vous voyez, messieurs, les motifs pour lesquels on
a introduit dans la loi française le mot « circonvoisins » au lieu du
mot « voisins. » Je crois qu’il serait inutile de rien ajouter à cet
égard.
M.
Liedts, rapporteur. Il me semble qu’après la lecture que vient de faire
l’honorable M. Raikem, tout doute doit cesser sur la portée du mot
« circonvoisins. » Elle prouve que c’est précisément l’opinion de M.
le ministre des finances qui est consacrée par cette expression. M. te ministre
a dit qu’il ne verrait aucun inconvénient à ce qu’on introduisît les mots
« les plus voisins. »
Personne ne pousserait la sévérité et je puis dire
le ridicule jusqu’à vouloir qu’un particulier aille chercher ses lettres à la
poste et qu’il ne puise se faire remplacer par un domestique ou par un
messager. Mais à la chambre des députés de France, on s’est aperçu que
l’expression de « les plus voisins » aurait amené du doute. A la
campagne, on est parfois entouré de 7 ou 8 communes. Quel est le bureau de poste le plus voisins ? C’est une question qui peut donner
lieu à contestation. Le mot « circonvoisin » la résout, parce que
l’on entend par là que l’on ne pourra passer un bureau de distribution intermédiaire.
Si un particulier faisait chercher ses lettres à un bureau situé au-delà du
bureau le plus voisin dans quelque direction que ce fût, il serait en
contravention et la loi lui deviendrait applicable. Mais l’administration ne
peut s’opposer à ce qu’il fasse chercher et porter ses lettres au bureau le
plus voisin, puisque payant le même port que si on les lui remettait à domicile
ou qu’il les portât lui-même, il ne cause aucun préjudice au trésor public.
Ainsi, au moyen du mot « circonvoisins, » la disposition présentée
par M. Desmanet de Biesme concilie tout et ne peut donner lieu à de fausses
interprétations.
Quant à la question préalable que l’on a soulevée,
je ne l’adopterais pas.
M. Dubus. -
L’amendement qui vous est présenté et les explications auxquelles il a donné
lieu prouvent une chose, c’est que la loi est tout à fait vicieuse et que
l’amendement est incomplet. C’est une loi vexatoire que vous faites. Quand on
veut établir un monopole, surtout en matière de transport des lettres, il faut
que l’exploitation de ce monopole présente dans son exécution toutes les
conditions de célérité de telle façon que le particulier n’ait jamais intérêt à
prendre une autre voie que celle que vous lui imposez. Ici c’est le principe contraire
que l’on a suivi. Vous donnez au public un moyen de transport qui ne se
renouvellera que tous les 3 jours dans certaines communes. Dans l’intervalle il
n’y aura aucun moyen de correspondance, car vous les interdisez. C’est là de la
vexation et rien que de la vexation ; mon honorable ami l’a déjà dit. Je puis
me trouver dans la nécessité de faire connaître une nouvelle à un habitant d’un
village à une époque déterminée, il faudra que j’attende trois jours que la
poste veuille bien se charger de transmettre ma correspondance ou que j’aille
moi-même sur les lieux faire connaître ma nouvelle de vive voix. Peut-on
concevoir quelque chose de plus iniquement vexatoire qu’une disposition
semblable ! La poste ordinaire dans les villes part tous les jours. Quelquefois
il y a deux, trois courriers par jour. Pour les postes rurales, il y aura deux
courriers par semaine. Ceux qui ont un rapport très fréquent avec les campagnes
peuvent se faire une idée des vexations qui résulteront de cette loi. Le but
que vous vous en proposez est manqué. Elle ne fera que soulever des
réclamations violentes qui surgiront de toutes parts.
Elle sera plus odieuse et plus inique que celle qui
vous régissait sous le roi Guillaume.
Tous les jours j’ai eu comme avocat, ayant une
certaine clientèle, l’occasion de correspondre avec les habitants de la
campagne. Quoi qu’il y ait des messagers dans toutes les communes, il m’est
arrivé de ne pas me servir de cette voie, parce qu’il me fallait à un certain
jour, à une certaine heure, faire parvenir une pièce, ou obtenir un
renseignement pour une époque déterminée, après laquelle le succès de l’affaire
que j’avais à traiter pouvait être compromise. J’envoyais un exprès. Cela me
coûtait 20 fois autant. Mais l’urgence du temps ne me permettait pas d’employer
une autre voie. Je vois bien dans la loi et dans l’amendement proposé que la
correspondance par messager est permise entre le
particulier et le bureau de poste le plus voisin, mais de particulier à
particulier elle est interdite.
Pourtant, comme je viens de
le faire comprendre, il y a des occasions où l’on ne peut se dispenser
d’envoyer des exprès, dût-on les payer 40 fois plus
cher que la voie par la poste. Evidemment une fois que le service des postes
rurales sera organisé, pour qu’un particulier se soumette à cette dépense, il
faudra qu’il y ait pour lui nécessité absolue de la faire, et qu’un retard de
quelques heures, de deux jours quelquefois, lui porte un préjudice notable.
L’amendement en discussion devrait donc être plus
étendu. Je voudrais que les lois répressives ne fussent appliquées qu’à ceux
qui feraient métier de transporter les lettres, qui iraient ainsi sur les
brisées de l’administration. Mais il faut que tout particulier ait le moyen de
transmettre les lettres par un exprès. Comment les maisons de commerce
pourraient-elles faire connaître par une voie plus rapide que celle de la
poste, des nouvelles qu’il leur est indispensable de faire parvenir dans un
délai déterminé ? Je voudrais donc que les lois pénales sur la matière ne
pussent être appliquées toutes les fois qu’il y aura correspondance entre les
particuliers par voie d’exprès ou de courriers. L’on a cité des faits qui
prouvent la nécessité de donner plus de latitude à l’amendement de M. Desmanet
de Biesme. L’on vous a dit que des particuliers qui s’étaient chargés de
lettres par complaisance, avaient été atteints par la loi pénale. Ii ne faut
pas qu’une semblable vexation puisse se renouveler.
M. Liedts, rapporteur.
- Si la loi pénale contre le transport illicite des lettres devait être
exécutée avec la rigueur que semblent craindre les honorables préopinants, il
faudrait se hâter de la modifier. Mais il n’en est point ainsi. Et moi aussi je
parle par expérience. Je puis affirmer qu’à la cour d’appel de Bruxelles on ne
condamne jamais dans les cas cités par les préopinants. L’on peut consulter à
cet égard la jurisprudence de la cour qui est très récente. Je le répète. On ne
condamne pas les individus qui transportent une ou deux lettres et qui ne font
pas métier de ce transport. Le tribunal d’Anvers a acquitté un individu qui
était porteur de plusieurs lettres, parce que l’on n’a pas pu prouver qu’il en
fît métier.
D’ailleurs, la loi pénale
porte qu’elle ne peut être appliquée dans les endroits où il n’existe pas de
poste. Cependant je ne puis admettre qu’il soit permis à tout individu de se
livrer au transport des lettres, ce serait tuer dans son principe le service
des postes rurales.
Je m’étais rallié à l’amendement modifié par
l’honorable M. Desmanet qui consistait à permettre le transport des lettres par
voie particulière là où ii n’existerait pas de service journalier. La chambre
en a pensé autrement. Il n’y a plus à revenir sur cet amendement. Mais l’on
peut au moins améliorer la loi dans le sens présenté par la chambre des députés
de France.
Je crois qu’il pourra parer
à l’inconvénient que j’ai signalé, parce que, rigoureusement parlant, l’on
pourrait inquiéter les individus qui transporteraient des lettres dans les
communes où le service ne serait pas organisé journellement. Une preuve que
cette sévérité déplacée n’a jamais été mise en avant, c’est que tous les jours
les courriers de commerce vont d’un lieu à un autre au vu et su de
l’administration, que leur départ et leur arrivée sont connus par les journaux
sans que le gouvernement ait songé à les inquiéter en rien. Il n’entre dans
l’idée de personne que la loi actuelle soit le signal d’une plus grande
rigueur.
M. A. Rodenbach.
- Je sais bien que les lois pénales sur la matière ne seront pas exécutées dans
toute leur rigueur tant que M. le ministre des finances sera au pouvoir. Mais
son successeur ne sera pas lié par sa promesse. Le membre qui siège derrière
moi a été arrêté à Furnes il y a 6 ans à son retour d’Angleterre, parce qu’il
était porteur d’une lettre. Il n’en a pas été quitte sans payer l’amende. Ce
qui est arrivé il y a 6 ans peut très bien se reproduire dans 6 ou dans 8 ans
d’ici.
M. Demonceau. -
C’est parce que la jurisprudence a varié que j’ai soumis mes observations à la
chambre. La cour de cassation de France décide indistinctement que tout
individu porteur de lettres cachetées et adressées à des particuliers doit être
condamné à l’amende comminée par la loi. Les cours d’appels de Belgique ont
changé de jurisprudence depuis quelque temps. Mais il est certain que la
plupart des tribunaux ont suivi l’ancienne jurisprudence.
Pour mieux faire comprendre à la chambre l’état de
la question je vais lui donner lecture du décret même.
« Arrêté du directoire en date du 7 fructidor, an
VI.
« Le directoire exécutif, etc.
« Arrête :
« Art 1er. Les
dispositions de l’arrêté du 2 nivôse an VI sont, en tant que de besoin,
renouvelées. Il est en conséquence expressément défendu à tous les
entrepreneurs de voitures libres et à toute autre personne étrangère au service
des postes de s’immiscer dans le transport de lettres, paquets et papiers du
poids d’un kilogramme, ou de deux livres et au-dessous, journaux, feuilles à la plain et ouvrages périodiques dont le port est
exclusivement confié à des postes aux lettres.
« Art. 2, etc.
« A la suite du décret du 26 ventôse an VII
est imprimé l’extrait suivant des règlements des 18 et 29 novembre 1681 :
« ... Il est fait très expresses inhibitions
et défenses à tous messagers auxquels la finance de leurs offices a été
remboursée et à tous maîtres des coches, carrosses et litières, poulaillers,
beurriers, muletiers, piétons, mariniers, bateliers, rouliers, voituriers tant
par terre que par eau, et à toutes autres personnes de quelque qualité et
condition qu’elles soient, autres que ceux qui auront droit et pouvoir dudit
Patin de se charger ni souffrir que leurs valets ou postillons et même les
personnes qu’ils conduiront sur leur voiture, se chargent, etc. »
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant, en
faisant connaître la jurisprudence de la cour de cassation de France, n’a pas
répondu à la réplique de M. le rapporteur, car les tribunaux belges ne sont
liés que par la jurisprudence de la cour de cassation de Bruxelles. Au surplus,
les textes mêmes dont il a donné lecture viennent à l’appui de l’opinion que
nous soutenons ; car ils interdisent à tout individu de s’immiscer dans le
service du transport des dépêches, c’est-à-dire d’entrer en concurrence avec
l’administration. L’on n’a donc jamais pu appliquer la loi aux exprès ni aux
courriers de commerce.
La jurisprudence est fixée en Belgique. Jamais le
gouvernement ne pourrait songer à poursuivre d’autres personnes que celles qui
entreraient en concurrence avec le monopole de la poste. Les craintes de
vexations que l’on a manifestées sont donc exagérées.
Je reviens à l’amendement de l’honorable M.
Desmanet de Biesme. C’est une question d’argent. Il s’agit de savoir si l’on
veut s’exposer à perdre une partie du revenu de la poste en l’admettant. Si la
chambre veut consentir à cette perte, je n’insisterai pas, attendu que,
réflexion faite, je ne la crois pas très considérable. Vous jugerez, messieurs,
si l’amendement est assez important pour passer sur cette considération
financière.
M. Gendebien. -
J’ai dit en commençant que l’amendement me paraissait inutile, qu’il était
indifférent qu’on l’admît ou qu’on le rejetât. Je ne pouvais concevoir que
l’administration s’aveuglât au point de méconnaître l’esprit de la loi et de
voir une contravention dans l’acte de porter on de prendre une lettre au bureau
le plus voisin. C’est ce qui se pratique tons les jours à Bruxelles. Un
individu part de la porte de Hal par exemple, et va porter une lettre à la
poste sans qu’il y ait contravention. Tout ce que l’on a dit aujourd’hui serait
excellent s’il s’agissait de révoquer les dispositions exorbitantes encore en
vigueur. Que l’on fasse une proposition à cet égard, je l’appuierai de toutes
mes forces.
Mais, messieurs, il ne s’agit pas de ces décrets ;
je ne conçois pas cette tendre sollicitude qu’on montre pour les habitants des
campagnes. Personne ne peut supposer qu’on songe à appliquer aux habitants des
campagnes des dispositions qu’on n’a pas appliquées à tous ceux qui ont usé de
messagers ou de courriers, pour envoyer des lettres.
C’est à propos d’une amélioration qu’on introduit
dans le régime des postes, qu’on se récriée contre la rigueur des lois et
décrets qui la régissent. Si j’avais la même opinion que les honorables
préopinants sur ce point, je n’hésiterais pas à donner ma voix à la loi, parce
que de l’excès du mal naîtrait le remède. En généralisant les occasions de vexation,
on ferait naître des réclamations qui s’élèveraient de toutes parts et
mettraient dans la nécessité d’abolir ces dispositions. Mais on ne doit pas
invoquer contre une amélioration au service des postes des dispositions
vexatoires qu’on a subies jusqu’à présent. Si vous craignez qu’on n’en abuse,
faites-les disparaître et pour la poste rurale et pour la poste des villes.
Toutes les objections fondées sur ces dispositions vexatoires peuvent-elles
autoriser le rejet de la loi qui nous occupe ? Certainement non je ne vois rien
dans cette loi qui rende la législation, concernant les postes, plus vexatoire
qu’auparavant. L’habitant des campagnes sera soumis aux dispositions qui
régissent aujourd’hui l’habitant des villes, à moins de supposer que l’un sera traité
autrement que l’autre.
J’ai dit que l’amendement de M. Desmanet de Biesme
était inutile ; je dis qu’il serait même dangereux, dans l’opinion de ceux qui
ont en vue d’éviter des vexations, car en établissant une exception pour la
poste rurale, vous fortifiez la règle qui établit des vexations à l’égard de
tous. Et dans quelle circonstance voulez-vous agir ainsi ? Dans le moment où le
ministre lui-même vient de reconnaître que ces lois qu’on a citées étaient
tombées en désuétude, qu’elles ne seraient jamais appliquées dans la rigueur de
leurs termes, et qu’elles ne recevraient d’application que pour empêcher que
des services particuliers vinssent à en concurrence avec le service de l’Etat.
Vous aurez beau dire que les ministres sont
transitoires et que le successeur d’un ministre pourra ne pas se croire lié par
les paroles de son prédécesseur, mais les tribunaux sont là. Quand ils sont
appelés à appliquer une loi, ils recherchent son esprit, et où le
recherchent-ils ? dans la discussion. En voyant que le
gouvernement représenté par un ministre responsable a expliqué le sens dans
lequel la loi devait être appliquée, il n’est pas un homme de bon sens ayant
l’honneur de siéger dans un tribunal, dans une cour d’appel, qui applique la
loi dans la rigueur que l’on craint.
Je conçois que l’amendement pourrait avoir quelque
utilité pour les communes où il n’y a pas de service de postes journalier, si
l’administration était assez stupide pour empêcher les particuliers de
correspondre par des messagers à cheval ou à pied quand il n’y a pas de service
régulièrement établi. Mais il faudrait qu’un ministre fût fou pour abuser ainsi
de la loi. Il a d’ailleurs émis une opinion toute contraire, et remarquez que
ce que dit un ministre lors de la discussion d’une loi n’est pas seulement son
opinion personnelle qu’il émet. Il explique le sens dans lequel le gouvernement
entend la loi. Ainsi, que le ministre change, la loi reste telle qu’on a
entendu la voter.
Puisqu’on paraît attacher
une grande importance à l’amendement de M. Desmanet de Biesme, j’y donnerai mon
assentiment, bien entendu qu’on ne pourra tirer de l’adoption de cet amendement
aucun argument pour demander l’application des décrets dont on a parlé. Au
surplus, s’ils donnent lieu à des abus, il se trouvera toujours des hommes
assez courageux pour les dénoncer et en demander la réforme.
Je voterai donc pour
l’amendement de M Desmanet, tout inutile qu’il me paraisse.
M. le président. -
M. Dubus vient de déposer un amendement ainsi conçu : « Tout particulier
demeure autorisé à expédier un courtier ou un exprès à ses frais, pour le
transport de ses lettres. »
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - M. Dubus va plus loin que je ne voudrais. Son
amendement me semble plutôt restreindre ce qui existe aujourd’hui que
l’étendre. Je ne crois pas qu’il puisse s’élever de doute sur l’existence de la
faculté que l’honorable membre veut attribuer aux particuliers. II est libre à
chacun d’expédier pour son compte personnel un courrier de commerce, cela se
fait journellement. Il existe même des services réguliers de cette nature. Je
pense donc que l’amendement de M. Dubus est plutôt restrictif qu’extensif du
droit des particuliers, et il ne voudra sans doute pas persister dans sa
proposition ainsi entendue.
M. Dubus. - Si
ma proposition est considérée comme inutile, cette considération d’inutilité
par laquelle on m’engage à la retirer me fera atteindre mon but ; mais je dois
dire qu’à la manière dont avait marché la discussion jusqu’au moment où j’ai
pris la parole, j’avais remarqué une tendance contraire à la proposition que
j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre. Et pour le dire en passant,
j’avais remarqué que l’amendement sur lequel on discute en ce moment,
l’amendement de M. Desmanet de Biesme, pouvait donner lieu à une interprétation
qui rendait nécessaire la disposition additionnelle que je présente.
En effet, quel est l’objet
de cet amendement ? de dire que les dispositions
pénales pour les contraventions en matière de poste ne sont pas applicables à
ceux qui font prendre et porter leurs lettres aux bureaux circonvoisins. Cet
amendement n’avait en vue que les particuliers qui, aux jours autres que les
jours de départ du courrier, enverraient un exprès pour chercher ou porter
leurs lettres aux bureaux circonvoisins. De là n’aurait-on pas pu tirer la
conséquence que celui qui, au lieu de porter ou d’envoyer chercher ses lettres
à un bureau voisin, enverrait un exprès à son correspondant, tomberait sous le
coup des dispositions pénales ? On se déciderait alors par un argument a
contrario. Je sais que c’est un argument qu’on n’emploie que dans des cas
extrêmement restreints. On aurait pu tirer des arguments de même nature de bien
des choses qui se sont dites dans la discussion.
Mais maintenant qu’il est convenu qu’un particulier
ne tombera sous l’application des dispositions pénales qu’autant qu’il fasse
métier de transporter des dépêches au préjudice du monopole de la poste, comme
ces principes sont les miens et que je désire que la loi soit entendue et
appliquée ainsi, je retire mon amendement. Cependant si des doutes s’élevaient
dans l’esprit de quelques membres, je les prierais de les exprimer, parce
qu’alors je maintiendrais ma proposition.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - D’après ce que vient de dire l’honorable
préopinant, il semblerait que c’est seulement depuis ses observations que le
gouvernement a déclaré qu’il ne serait fait application des dispositions
pénales concernant les contraventions en matière de transport de dépêches, que
pour empêcher l’établissement de services particuliers en concurrence avec
celui de l’administration. La chambre se rappellera que j’ai eu l’honneur de
lui faire cette déclaration dès la première séance où on s’est occupé de la loi
relative à la poste rurale.
M. Jadot. - Je pense
que les particuliers n’ont pas la faculté d’expédier des courriers, comme le
pense M. le ministre des finances. Ils sont obligés de passer par
l’intermédiaire de la poste et d’y déposer l’argent nécessaire pour l’envoi
qu’ils veulent faire. Si on ne passait pas par cet intermédiaire, on serait en
contravention.
M. Dubus. - Je
viens d’entendre une observation qui, si elle est exacte, doit me faire
reprendre ma proposition. L’honorable préopinant vient de dire que pour
expédier un courrier, il faut passer par l’intermédiaire de l’administration
des postes et payer.
M. Gendebien. -
M. Lefebvre-Meuret a un service régulier organisé
depuis longtemps.
- L’amendement de M. Desmanet de Biesme est mis aux
voix et adopté, ainsi que l’art. 13 amendé.
Articles 14 à 16
- Les articles 14, 15 et 16 sont confirmés sans
discussion.
Vote sur l’ensemble de la loi
On passe à l’appel nominal sur l’ensemble de la
loi.
En voici le résultat.
72 membres ont répondu à l’appel.
3 se sont abstenus.
51 ont répondu oui.
18 ont répondu non.
En conséquence le projet de loi est adopté.
Il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Beerenbroeck, Bekaert,
Berger, Bosquet, Coghen, Coppieters, David, de Behr, de Jaegher, (Erratum inséré au Moniteur belge n°322, du
18 novembre 1835 :) de Longrée, de Meer de Moorsel, W. de Mérode,
Demonceau, de Muelenaere, de Puydt, Dequesne, de Renesse, Desmanet de Biesme,
de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus Bernard, Eloy de Burdinne,
Ernst, Fallon, Heptia, Hye-Hoys, Keppenne, Lejeune, Liedts, Milcamps,
Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Scheyven,
Smits, Trentesaux, Troye, Vandenhove, Vanden Wiele,
Verdussen, Verrue-Lafrancq, H. Vilain XIIII, Watlet, Zoude.
Ont répondu non : MM. de Foere, Desmaisières,
Desmet, Dubois, Dumortier, Jadot, Legrelle, Mast de Vries, Polfvliet, A.
Rodenbach, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Ullens, Vanderbelen, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke et
Wallaert.
M. le président. -
MM. de Nef, Dubus aîné et Gendebien, qui se sont abstenus, sont invités aux
termes du règlement à énoncer les motifs de leur abstention.
M. de Nef. - Je me
suis abstenu parce que je n’ai pas assisté à la première discussion.
M. Dubus. - Je
me suis abstenu par le même motif.
M. Gendebien. -
La loi a sans contredit mon assentiment. Je regrette de n’avoir pas pu lui
donner mon vote. Mes motifs vous sont connus, ce sont les scrupules que
j’éprouve sur la constitutionnalité d’une disposition. Mais je déclare itérativement
que dans mon opinion le gouvernement a doté lé pays d’une institution utile.
M. le président. -
Nous passons à l’objet qui est à l’ordre du jour.
PROJET DE LOI RELATIF AUX LOS-RENTEN
Discussion générale
M. Jadot. - Je
m’étais proposé de faire précéder les motifs de mon vote d’observations assez
étendues sur le syndicat. J’y ai renoncé après avoir lu le rapport de
l’honorable M. Fallon, et surtout pour ne pas introduire dans la discussion des
faits qui pourraient la rendre plus longue sans amener un meilleur résultat ;
car je le crois bien ; le projet ministériel sera adopté.
Déterminé comme je le suis à émettre un vote
négatif j’ai cru qu’il était de mon devoir de le motiver, afin qu’on ne puisse
pas m’accuser de faire de l’opposition quand même.
Vous savez, messieurs, dans quelle triste situation
les finances du royaume des Pays-Bas se trouvaient au premier jour de sa formation,
et combien les embarras du gouvernement étaient augmentés au moment de la
révolution.
Le syndicat institué sous prétexte d’alléger à
l’Etat le fardeau de ses charges n’était destiné qu’à cacher à la nation une
situation aussi affligeante et à permettre au gouvernement de faire, sans
devoir en rendre compte, des opérations qui ne pouvaient qu’aggraver ce
malheureux état des choses.
Le syndicat aura à justifier de l’emploi de plus
d’un milliard de francs qui lui ont été confiés pour être utilisés dans
l’intérêt du pays. Je crois que, sans attendre la liquidation d’Utrecht, on
peut dès à présent être convaincu que nous espérerions en vain un boni qu’on a
bien voulu nous présenter comme possible.
Sous un gouvernement qui ne pouvait soutenir son
état financier qu’en dévorant l’avenir, nos belles forêts, dont les lois
françaises avaient interdit à l’Etat de se dessaisir, ne pouvaient échapper à
l’engloutissement général.
Après s’être approprié, en vertu d’une loi du mois
d’août 1822, et jusqu’à concurrence d’un capital de 20 millions, des propriétés
nationales qui valaient plus du double, le roi Guillaume qui avait à revêtir
ses spoliations du manteau de la légalité, obtint, en décembre de la même
année, de la représentation nationale dont la majorité lui était servilement
dévouée, une seconde loi qui autorisait le syndicat à administrer le restant de
nos domaines et à en vendre ou hypothéquer jusqu’à concurrence d’un revenu de
1,750,000 florins, ce qui sur le pied de 2 1/2 p. c. ou au denier 40, taux qui avait
déjà servi de base à l’évaluation des domaines cédés par la loi d’août, et dont
le roi Guillaume a ensuite doté la société générale, représentait une valeur de
70 millions de florins, capital égal, à peu près, à la valeur de nos domaines
non aliénés.
Pour la réaliser, cette valeur, le syndicat ouvrit
un emprunt de 140 millions de florins en obligations dites los-renten, que les
porteurs avaient la faculté d’employer en achat de domaines ou dont ils
pouvaient exiger le remboursement au pair, à partir du 1er octobre 1830, en en
faisant la demande six mois d’avance.
La première émission de ces obligations eut lieu en
juin 1824, pour 35,180,000 fl.
La seconde en avril 1826, pour 40,000,000
fl.
Ensemble, pour 75,180,000
fr.
Il importe de remarquer : 1° que les dépenses à
solder au moyen de ce capital étaient pour la grande partie dans l’intérêt de
la Hollande et de ses colonies, au secours desquelles nous venons chaque fois
que nous escomptons ces valeurs, tandis que, de l’avis de beaucoup d’entre
nous, le malaise de notre industrie cotonnière provient de ce que notre
commerce est exclu de ces colonies ;
2° Que tous les domaines situés en Hollande ayant
été mis à l’abri du syndicat par la cession qui en avait été faite au roi
Guillaume, les 75 millions d’obligations émises n’ont pour hypothèque que des
biens situés en Belgique, qui, prétend-on, doivent seuls répondre d’une dette
qui nous est commune avec nos ennemis ;
3° Qu’avant la révolution nous avions déjà
rembourser au moyen de l’emploi de ces obligations, en paiement de nos
domaines, une part de cette dette s’élevant à 18,000,000
fl. et depuis la révolution à 12,000,000 fl., ensemble environ 30,000,000 fl.
4° Enfin que la Hollande n’a contribué en rien au
remboursement de cette somme.
Ces faits étant ainsi établis, voici la question
des los-renten réduite, selon moi, à sa véritable expression.
Le roi Guillaume s’est fait escompter et a encaissé
avant la révolution la valeur de tous les domaines situés en Belgique.
Méconnaissant ses engagements, et au mépris de la
sainteté des contrats, il a refusé de rembourser la partie de cet emprunt,
exigible le 1er octobre 1830.
Il est certain toutefois que, détenteur d’un
capital emprunté, il en est le principal débiteur. Aussi les fonds nécessaires
à ce remboursement avaient-ils étaient faits tant à Amsterdam au syndicat qu’à
Bruxelles à la société générale ; mais la révolution venant d’éclater, le roi
Guillaume comprit qu’il pourrait fort bien avoir besoin de ces fonds pour se
défendre contre nous, et il les garda.
A la vérité, il s’obligea à payer à raison de 5 p.
c. l’intérêt de cet emprunt forcé fait à ses créanciers, et en cela il n’a fait
que ce qu’il devait faire ; mais comment peut-on trouver juste que la Belgique
paie pour le roi Guillaume l’intérêt d’un emprunt contracté pour faire la
guerre à la Belgique ?
La justice du roi Guillaume ne resta pas en si beau
chemin, il déclara que les obligations qu’il avait refusé de rembourser
pourraient de nouveau être employées en acquis des domaines vendus, faculté que
les porteurs avaient perdue en déclarant vouloir être remboursés en numéraire.
Mais il n’y a pas de domaines à payer à la
Hollande, et l’effet de cette mesure a été de laisser à la Belgique le
privilège d’encaisser ces valeurs mortes.
Vous voyez par là, messieurs, combien il fait se
défier des mesures prises en Hollande et de la justice du roi Guillaume,
surtout lorsque l’on veut en faire la base d’une proposition qui intéresse
notre pays.
Mais, me dira-t-on, il ne s’agit maintenant que des
los-renten dénoncés à Bruxelles ; il ne s’agit que de l’intérêt de nos
compatriotes, des Belges porteurs de ces obligations, des Belges acquéreurs de
nos domaines, de la société générale qui est éminemment belge, comme chacun le
sait, et nullement des los-renten hollandais dont les Hollandais sont porteurs.
Je suis enchanté, messieurs, de voir que les
intérêts belges trouvent toujours et partout de nombreux et chauds défenseurs,
mais je voudrais que les intérêts de la Belgique dont on ne parle pas en
trouvassent aussi. Le pays s’obère, le trésor public s’épuise, je vois beaucoup
de mesures pour augmenter nos dépenses, et je n’en vois aucune pour améliorer
notre état financier.
Quant aux los-renten non dénoncés, le roi Guillaume
n’avait pas besoin d’en occuper sa justice. Il savait bien que leur emploi en
acquit des domaines n’était possible qu’en Belgique et qu’il y trouverait des
gens disposés à faire honneur à ces obligations, espèces de bons de son trésor
particulier qu’il multiplie à volonté, dont il peut élever l’émission de 75 à
100 millions sans qu’on puisse l’en blâmer, ce qu’il n’a probablement pas
manqué de faire, toujours dans cet esprit de justice qu’on se plaît à lui
reconnaître, de sorte que l’on peut encaisser aujourd’hui en Belgique, au lieu
du numéraire, des los-renten émis hier à Amsterdam.
Pour prouver que nous avons dû continuer à les
admettre dans nos caisses depuis la révolution, on a invoqué la sainteté des
contrats et l’autorité du code civil.
Pour repousser cette prétention, il me suffirait de
faire remarquer que de cette manière on pourrait également établir qu’en nous
révoltant, en chassant le roi Guillaume, nous avons violé le contrat trois fois
saint, puisqu’il est le fait de la sainte-alliance, qui nous unissait à cette
majesté, et que nous lui devons des dommages et intérêts pour ne lui avoir pas
laissé tout le temps de nous dévaliser complètement ; mais je me bornerai à une
supposition qu’on ne taxera pas d’exagération, puisqu’il a dépendu du roi
Guillaume de la réduire légalement en fait.
Si donc le roi Guillaume, au lieu d’assigner sur
nos domaines le remboursement des sommes qu’on lui a prêtées y avait affecté
les contributions à recevoir dans ses provinces méridionales, serions-nous
tenus de porter notre or en Hollande pour être échangé contre des valeurs
mortes à verser dans notre trésor public ?
Si, comme j’aime à le croire, vous repoussez cette
supposition, au moins comme ridicule, comment pouvez-vous trouver juste que
nous fassions cet échange, lorsqu’il s’agit d’acquitter le prix de nos biens
qui a la même destination que nos impôts ? La foi due aux contrats a été
invoquée dans cette enceinte en faveur des acquéreurs de domaines qui, dit-on,
n’ont acquis que dans l’espoir de pouvoir s’acquitter en los-renten au-dessous
du pair, et il est possible que cet argument ait décidé la proposition qui vous
est soumise ; mais depuis qu’elle a été présentée, les los-renten sont montés
de 95 à 100, ce qui donne la mesure de la reconnaissance que doivent les
acquéreurs des domaines à ceux qui les protègent d’une manière qui tient tant
soit peu de la justice du roi Guillaume.
Un autre fait bien plus remarquable, et dont je
laisserai aux financiers habiles qui siègent dans cette enceinte le soin de donner
l’explication, est celui-ci :
Jusqu’au mois de juillet 1835. l’annexe
au Bulletin officiel a marque la
valeur des los-renten comme effets publics de la Belgique et de la Hollande
séparément. (Voyez l’annexe au Bulletin officiel, n°36.)
Les bulletins postérieurs à celui-là ne marquent
plus la cote de cette dette à l’article Hollande ; elle ne figure plus qu’à
l’article Belgique.
Elle était comme suit :
Au Bulletin
du 2 juillet,
Belgique, rentes de domaines avec coupons, 98 3/4
Belgique, inscrites, 98 3/4 101
Hollande, rentes de domaines sans distinction, 98
3/4
Bulletin du 10 juillet,
Belgique, rentes de domaines avec coupons, 98 7/8
Belgique, inscrites, 101 1/2
Hollande, rentes de domaines sans distinction, non
cotées.
Et il en a été de même jusqu’à ce jour.
Ainsi la bourse de Bruxelles a fait seule le prix
de ces valeurs.
Je livre ce fait, dont les conséquences peuvent
être très graves, à vos réflexions.
Quoi qu’il
en soit, vous ne pouvez vouloir obliger les acquéreurs de nos domaines à donner
aux spéculateurs 102 fl. qu’ils ne pourraient employer que par 100 fl., et dès
lors vous permettrez qu’ils se libèrent en numéraire au pair. Mais que devient
dans ces cas la sainteté des contrats invoqués avec une ferveur toute
financière par les porteurs des obligations dénoncées, et qu’invoqueront à leur
tour les porteurs des obligations non dénoncées ? Le gouvernement, à qui ceux-ci voudraient
faire signifier la demande de remboursement au pair en vertu du même contrat,
pourra-t-il s’y refuser ? Non ; la loi que vous allez rendre sera un titre
qu’ils feront valoir contre lui pour l’obliger à leur accorder cinq pour cent
d’intérêts, aussi bien qu’aux porteurs qui avant eux ont usé de la faculté
d’exiger le remboursement au pair.
En résumé j’ai toujours été d’avis que nous ne
devons pas plus souffrir que la Hollande perçoive la portion non encore soldée
du prix de nos domaines vendus par le syndicat, que nous ne devons lui
permettre de venir vendre les domaines qui nous restent ; et je persiste dans
cette opinion.
Je voterai contre le projet.
M. le président. -
M. Zoude est appelé à la tribune.
Plusieurs
voix. - A demain ! à demain !
Un grand
nombre de membres quittent leurs places.
M. Rogier. - Je
demanderai si mercredi prochain on commencera la discussion de la loi
communale, comme l’a décidé la chambre, alors que la question des los-renten ne
serait pas vidée.
M. de Nef. - Après
la loi sur les los-renten, nous devrons nous occuper de la proposition sur
l’entrée du bétail, avant d’entamer la discussion de la loi communale.
M. Rogier. - Outre
la loi sur le bétail, on avait encore mis l’ordre du jour celle des crédits
supplémentaires demandés par le ministre de l’intérieur.
M.
le président. - Après les los-renten viendront les crédits demandés par
le ministre de l’intérieur, puis la loi relative à l’entrée du bétail étranger
et ensuite la loi communale.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense qu’il est inutile de décider
aujourd’hui l’ordre dans lequel seront discutes ces projets. Nous verrons
demain à quoi nous serons parvenus.
Il est possible que tous ces projets soient votés
demain, et s’ils ne l’étaient pas, il serait préférable de les terminer avant
de commencer la loi communale.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je pense que la chambre avait entendu fixer
ainsi ses travaux : d’abord la poste rurale que nous venons de voter, ensuite
les los-renten et les crédits pour le département de l’intérieur, puis
l’introduction du bétail et enfin la loi communale.
Lorsque la chambre a mis à l’ordre du jour de
mercredi la loi communale, elle pensait que les autres projets seraient
terminés pour cette époque. Et cela est encore possible, car la question des
los-renten, qui est la plus grave, a été traitée avec tant d’élucidité dans le rapport de la commission, que je crois
que quand on aura entendu un ou deux discours, chacun sera à même de se
prononcer ; aucun organe de la presse ne s’est opposé au projet, on pourra
alors aborder les deux autres projets ; si la discussion devait toutefois
prendre une partie de la séance de mercredi, il n’y aurait aucune difficulté à
les terminer avant de commencer la loi communale.
Plusieurs
membres. - La chambre l’a décidé ainsi.
M. le président. -
Demain à l’ouverture de la séance on décidera les questions d’ordre du jour.
- La séance est levée à 4 heures.