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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du samedi 12 septembre 1835
Sommaire
1)
Lecture du procès-verbal (projet de loi relatif à l’industrie cotonnière) (Lebeau)
2)
Vérification des pouvoirs d’un membre de la chambre nouvellement élu (Beerenbroeck)
3)
Proposition de loi relative à l’industrie cotonnière. Politique commerciale du
gouvernement et renforcement des services de la douane. Proposition d’ajournement.
(Zoude, Pirmez, A. Rodenbach, F. de Mérode, Rogier, de Muelenaere, de Brouckere, Pirmez, A. Rodenbach, Legrelle, de Muelenaere, d’Huart, Pirmez, Rogier, d’Huart,
A. Rodenbach, Pirmez, Rogier, Dumortier, Manilius, Rogier, de
Roo, Dumortier, Desmet, d’Huart, Verdussen, Zoude)
4)
Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Canalisation de la Sambre (Legrelle), légation diplomatique de Rome (de Muelenaere), péréquation cadastrale (Legrelle)
(Moniteur belge n°257, du 13 septembre 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M. de Renesse
procède à l’appel nominal à une heure.
M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal.
M. Lebeau. - Il me
semble que dans le compte rendu par le procès-verbal on n’a pas reproduit
exactement une des questions sur lesquelles la chambre a pris une résolution.
Il y est dit que la question de savoir si la
chambre admettra un droit de recherche autre que celui usité en matière de
douane est mis aux voix : or il s’agissait d’un droit
de recherche autre que celui actuellement usité en matière de douane.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - C’est comme cela que j’ai expliqué la
question.
M. de Brouckere.
- J’ai aussi expliqué la question de cette manière.
M. Lebeau. - S’il y
avait opposition, je demanderais qu’on mît la rectification aux voix.
Plusieurs
membres. - Non ! non !
- Le procès-verbal ainsi modifié est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M. Verdussen donne
communication de la pièce suivante adressée à la chambre :
« L’administration communale d’Onkerzeel (Flandre orientale) réclame une diminution sur
l’impôt foncier assigné à cette commune pour 1835. »
- Cette pièce est renvoyée à la commission des pétitions.
VERIFICATION DES POUVOIRS
D’UN MEMBRE DE LA CHAMBRE NOUVELLEMENT ELU
M. le président. -
La parole est à M. le rapporteur de la commission chargée de vérifier les
pouvoirs de M. Beerenbroeck, élu député par le district de Ruremonde.
M. de Saegher. - Organe de la commission
que vous avez chargée de la vérification des pièces ayant rapport aux
opérations électorales du district de Ruremonde, j’ai l’honneur de vous
soumettre le résultat de son examen.
Le nombre total des électeurs inscrits s’élevant à
1,120, ils ont, conformément à la loi, été répartis en trois sections.
Les procès-verbaux des opérations de ces diverses
sections n’ont donné lieu à aucune réclamation communiquée à votre commission ;
examinés de près par elle, ils ne lui ont semblé donner lieu à aucune
observation, ni quant au fond ni quant à la forme.
Le nombre total des votants s’est trouvé être de
591.
Le nombre des bulletins déclarés nuls, de 6
Restait, 585
Majorité absolue, 293.
Dans le premier bureau, sur 169 votants, M.
Beerenbroeck, bourgmestre de Weert, a obtenu 129 suffrages ;
M. Olislagers de Sypernau, 37
Deux bulletins ont été déclares nuls, et un était
en blanc 3.
Total, 169.
Dans le second bureau, sur 133 votants, M.
Beerenbroeck a obtenu 81 voix.
M. Olislagers, 52,
Total, 133.
Dans le troisième bureau, sur 289 votants, M. Olislagers a obtenu 176 voix.
M. Beerenbroeck, 109.
Le général Nypels, 1.
Trois billets nuls, 3
Total, 289.
Le relevé de ces résultats partiaux ayant établi
que M. Beerenbroeck, bourgmestre de Weert, a, d’emblée, réuni un nombre de 319
suffrages, ou 26 de plus que la majorité absolue, votre commission, dans
l’absence de toute réclamation comme de tous motifs apparents de réclamation,
vous propose, à l’unanimité de ses quatre membres présents, de tenir son
élection pour bonne et valable, et de l’admettre en conséquence comme
représentant.
- Personne ne s’y opposant, les conclusions de la
commission sont adoptées.
En conséquence M. Beerenbroeck est admis en qualité
de membre de la chambre des représentants.
M. Zoude.,
rapporteur, donne lecture d’un rapport que nous donnerons dans un de nos
prochains numéros. (Note du webmaster :
ce rapport n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
M. Pirmez. - Je
demande la parole. Il me paraît que pour ce qui est de la seconde proposition,
la section centrale a outrepassé son mandat. Elle devait se borner à s’occuper
de la question cotonnière. Ce sera une autre section centrale qui s’occupera
des modifications à introduire dans le système des douanes. Cela n’a aucun
rapport avec cotonnière.
M. A. Rodenbach.
- Je ne pense pas que la section centrale ait outrepassé son mandat, en vous
faisant la proposition dont parle M.
Pirmez. Si vous voulez protéger efficacement l’industrie cotonnière, il
faut assurer la perception des droits que vous établirez. Il ne suffit pas de
dire : Le tarif sera porté à 20 ou 25 p. c. il faut que ce droit soit perçu :
or, si vous ne faites pas une loi qui modifie le système des douanes, il sera
impossible de percevoir un droit de 20 p. c. en Belgique, puisque déjà le droit
existant qui n’est que de 10 p. c. ne peut pas être perçu ; moyennant une prime
de 5 ou 6 p. c., les marchandises sont fraudées. Si
vous ne changez pas votre système de douane, on continuera à introduire en
fraude dans le pays pour des 15 et 20 millions de fabricats étrangers.
Il était donc de la plus
haute importance de nous occuper du système des douanes, et il y avait
nécessité pour la section centrale d’appeler l’attention de la chambre et du
gouvernement sur cet objet. C’est moi qui ai fait la proposition dont il
s’agit, et il n’est pas exact de dire qu’elle n’a aucun rapport avec
l’industrie cotonnière, puisque j’ai énoncé dans cette proposition que son
objet était de protéger l’industrie cotonnière.
M.
Pirmez. - Mais, messieurs, une loi de douane, c’est tout autre chose
qu’une loi cotonnière. La section centrale a été invitée à ne s’occuper que
d’une loi cotonnière avec le système de douanes existant, et vous allez décider
sur sa proposition que la chambre demande qu’on lui propose un nouveau système
douanier.
M. F. de Mérode.
- La proposition de la section centrale a un rapport direct avec la protection
qu’on a annoncé vouloir accorder à l’industrie cotonnière. Je ne vois pas
pourquoi on conteste à la section centrale le droit de faire cette proposition.
Il était bien naturel que la section centrale, ayant à s’occuper d’un tarif,
s’occupât en même temps des moyens de l’exécuter.
M.
Rogier. - La section centrale a fait deux propositions distinctes dont
l’une a une très grande portée. La première, qui est l’ajournement, a bien certains
inconvénients que je pourrais signaler ; mais je crois que la chambre
l’adoptera à une grande majorité. La seconde a une plus grande portée, car elle
a pour but de vous faire décider que le système douanier actuel ne suffit pas
et doit être modifié. C’est là une question très grave que nous ne pouvons pas
résoudre maintenant. Car cette question n’a pas été discutée. Les modifications
qu’on apporterait au système douanier pourraient bien être favorables à
l’industrie cotonnière, mais être préjudiciables à d’autres industries qui ne
réclament pas contre le système douanier actuellement existant et qui en
demandent au contraire le maintien. De Verviers il vous est vertu une
réclamation qui doit fixer l’attention publique. Les fabricants d’étoffes de coton
de cette ville demandent le maintien du système actuel sous lequel leurs
établissements prospèrent.
Je demande donc qu’on mette d’abord aux voix la
première proposition de la section centrale, et quant à la seconde on ne peut
pas la mettre aux voix maintenant, nous serions forcés de la combattre.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je crois qu’il existe un
rapport tellement intime entre le nouveau projet de système douanier dont il
est question avec l’industrie cotonnière, que la section centrale ne pouvait
pas se dispenser d’exprimer le vœu qu’elle émet. En effet, la section centrale
vous avait proposé un système douanier particulier pour l’industrie cotonnière
; ce système devait assurer une protection suffisante, car il garantissait la
perception des droits que la chambre aurait votés en faveur de cette industrie.
Ce système n’a pas été accueilli par la chambre ; les principaux moyens
proposés pour assurer la perception des droits ont été écartés. Ils l’ont été,
j’aime à le croire, par le motif qu’on pourrait trouver dans l’amélioration du
système douanier des moyens suffisants de protection, sans être obligé de
recourir à la prohibition, à l’estampille et aux visites domiciliaires. Je
pense, dis-je, que du moins la grande majorité n’a voté le rejet de ces mesures
que dans l’espoir d’arriver par d’autres moyens moins vexatoires à assurer à
l’industrie cotonnière la protection dont elle avait besoin.
Vous vous rappelez que mon honorable collègue M. le
ministre des finances vous a déjà développé quelques idées à cet égard. Il a
cru qu’en perfectionnant notre système de douanes dans quelques-unes de ses
parties, en y introduisant quelques modifications, on pourrait assurer la
perception des droits sans être obligé de recourir à la prohibition, à
l’estampille et aux visites domiciliaires.
C’est cette espèce de proposition de M. le ministre
des finances qui a le plus spécialement été renvoyé à la section centrale, de
sorte qu’elle s’est trouvée saisie de la question de savoir quels seraient les
moyens par lesquels on pourrait arriver à la perception du droit, le système
qu’elle avait proposé ayant été repoussé.
La section a eu à examiner deux questions : la
première, s’il y avait possibilité d’improviser un nouveau système, le premier
ayant été rejeté.
Elle a pensé qu’elle n’avait pas le temps suffisant
pour s’occuper d’une question de cette importance ; elle a proposé
l’ajournement, et comme vous avez rejeté l’estampille et les visites
domiciliaires, et que de son côté elle ne peut s’occuper de la tarification et
de ses bases sans savoir par quels moyens on en assurera l’exécution, la
section centrale ne propose pas de faire un devoir au gouvernement de présenter
un nouveau système douanier ; elle abandonne à la sagacité et à la sagesse du
gouvernement de proposer telles mesures douanières que le gouvernement, après
mûre délibération, croira convenables. C’est un simple vœu que la section
centrale soumet à la chambre.
Il est évident que la
section centrale ne pourra s’occuper ultérieurement de la tarification des
droits concernant l’industrie cotonnière, qu’autant qu’elle se trouvera fixée
par les mesures proposées par le gouvernement sur les moyens d’assurer la
perception des droits.
Il serait absurde de proposer un tarif plus élevé
quand on a la conviction qu’avec le système actuel la perception ne peut en
être assurée, cela ne servirait à rien. Il est donc, je le répète encore, de
toute nécessité qu’on soit fixé sur les mesures douanières à introduire dans la
loi générale.
De sorte que le vote que vous êtes appelés à
émettre n’équivaut qu’à un simple vœu. La section centrale ne fait que proposer
à la chambre d’inviter le gouvernement à réfléchir sur les modifications qu’il
croira utile d’apporter au système douanier. Quand ces modifications auront été
proposées, discutées, adoptées, la section centrale s’occupera ultérieurement
de la tarification.
M. de Brouckere.
- Je commencerai par déclarer que les deux propositions me semblent être d’une
nature telle que dans des circonstances ordinaires il faudrait les résoudre
négativement. D’abord, par sa première proposition, la section centrale demande
l’ajournement de la discussion. Remarquez qu’en règle générale, quand une loi a
été mise en discussion et que des articles ou des principes contenus dans ces
articles ont été votés, l’habitude constante est que l’on vote sur la loi,
qu’on l’adopte ou qu’on la rejette, ou que les auteurs de la loi la retirent.
Cependant je suis le premier à reconnaître que nous
sommes dans des circonstances extraordinaires, et par ce motif je voterai pour
la première proposition : bien entendu que mon vote ne tire pas à conséquence
pour l’avenir, car si la même proposition était représentée, je la combattrais
et je voterais contre.
En second lieu, la section centrale propose
d’inviter le gouvernement à présenter un projet sur le système douanier. Il
n’est pas dans les habitudes parlementaires qu’on invite les ministres à
présenter des projets de loi, puisque chacun des membres a l’initiative aussi
bien que les ministres.
D’un autre côté, en
invitant le gouvernement à présenter un nouveau système douanier, on déclare
d’une manière implicite qu’on trouve le système actuel mauvais. Il peut avoir
des vices, il peut être susceptible d’améliorations, mais ce n’est pas une
raison pour déclarer d’une manière générale, et sans discussion, qu’il est
mauvais.
Maigre ces considérations, je voterai encore pour
la seconde proposition, et voici mes motifs : M. le ministre des finances a dit
qu’il s’occupait d’un projet de loi concernant les modifications à apporter au
système des douanes ; il vous a même dit que les modifications qu’il se
proposait de présenter, et au premier aperçu, un grand nombre de membres ont
trouvé que parmi ces modifications il s’en trouvait qui paraissaient bonnes.
Ensuite, j’entends la proposition de la section centrale en ce sens que la
chambre invite le ministre à présenter le plus tôt possible le projet dont il
s’occupe sur les modifications à apporter au système des douanes.
Quand ce projet sera
présenté, la chambre le discutera, et le vote qu’elle va émettre ne la liera en
rien, parce que si les modifications proposées lui paraissaient mauvaises, et
si elle jugeait que la loi actuelle vaut mieux que la nouvelle, elle serait
toujours en droit de repousser le projet présenté par le ministre des finances.
Somme toute, je regarde le vote que la chambre est
appelée à émettre comme une nouvelle manifestation du désir de pouvoir venir au
secours de l’industrie cotonnière dans un bref délai. C’est dans ce sens que je
voterai pour les deux propositions.
M. Pirmez. - Je
persiste à dire qu’il est inutile de voter sur la deuxième proposition de la
section centrale ; ce serait faire sanctionner par la chambre les idées émises
par le ministre des finances. M. de Brouckere a dit qu’il voterait pour cette
proposition parce que, parmi les modifications indiquées par M. le ministre des
finances, il en a trouvé de bonnes : eh bien, moi je voterai contre parce que
j’en ai trouvé de très mauvaises.
Le ministre est libre d’ailleurs de présenter un
projet de loi quand bon lui semble, je ne vois aucune raison pour l’inviter à
en présenter un.
M.
A. Rodenbach. - Je sais que le ministre des finances a le droit de
présenter des projets de loi quand bon lui semble. On l’invite à le faire le
plus tôt possible, parce qu’il a communiqué à la section centrale la substance
des modifications qu’il se propose de présenter, et que nous avons dû émettre
notre opinion sur ces modifications. Si nous voulons parvenir à percevoir un
droit de 25 p. c., il faut d’autres moyens de
surveillance que ceux qui existent ; il faut une nouvelle loi douanière.
Il est reconnu que notre tarif est vicieux et qu’il
doit être changé. Pour ne citer qu’un des nombreux vices qu’il contient, je
dirai que la bonneterie qui vient de la Silésie ne paie que 10 p. c. de droit,
tandis que celle de France en paie 20.
Je sais que la loi générale
n’a pas besoin d’être changée en ce qui concerne les fers, car ils sont frappés
d’un droit de 50 p. c.., ce qui équivaut à une prohibition. L’honorable
préopinant doit le savoir. J’espère qu’on ne maintiendra pas un droit aussi
élevé sur les fers, dont se servent les fabricants de coton. Le charbon encore
est frappé d’un droit de 80 p. c. Et remarquez qu’on ne fraude pas du fer et du
charbon comme des fabricats de coton.
On ne doit pas oublier que la loi générale a été
faite au profit de
M.
Legrelle. - Messieurs, la section centrale propose à la chambre
d’émettre un vœu ; je ne sais pas comment la chambre peut voter sur un vœu. En
le faisant, elle agirait contrairement à ses habitudes et aux principes
parlementaires. Elle ne peut voter que sur des propositions. Le vœu de la
section centrale devrait être formulé, alors il devient proposition, et dans
cet état il doit passer par toute la filière des formalités prescrites par le
règlement avant de pouvoir être discuté et mis aux voix.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - La chambre fait tous les
jours ce que propose la section centrale. Quand elle est saisie d’une pétition,
elle la renvoie aux ministres avec invitation de faire un prompt rapport ou de
présenter un projet de loi sur la matière qui fait l’objet de la pétition
renvoyée.
Que fait en ce moment la section centrale ? Elle
demande simplement qu’on invite M. le ministre des finances à présenter un
projet de loi sur les modifications qu’il croira utile d’introduire datas le
système douanier.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Pour mettre fin à ce débat, je
déclare que je m’occuperai dans le plus bref délai d’un projet de loi
concernant les modifications à apporter à notre système de douanes, et que je
le déposerai sur le bureau, Car une grave responsabilité incomberait selon moi
au gouvernement s’il tardait de présenter ce projet, sur lequel on veut être
fixé avant d’examiner de nouveau le tarif. Il importe mène qu’il soit présenté
immédiatement, parce que dans l’opinion du gouvernement il faut faire quelque
chose pour l’industrie cotonnière, et dans mon opinion on fera quelque chose de
très efficace en refaisant le tarif des douanes, Il resterait à examiner la
base de la perception, la question de savoir si le droit sera perçu au poids
comme le proposait la section centrale, ou à la valeur.
Je suis prêt à me rallier à celui de ces deux modes
qui me paraîtra le plus efficace.
M.
Pirmez. - M. A. Rodenbach a beaucoup exagéré la protection dont jouit
le fer, quand il a dit qu’elle était de 50 p. c. C’est une chimère, et il
serait facile de le prouver.
On se souviendra qu’en présence d’un grand nombre
d’industriels houillers, l’introduction de la houille étrangère fut admise.
C’est le seul exemple qui ait été donné en Belgique
d’industriels se prononçant contre la prohibition dans une question qui les
intéressait, et cet exemple a été donné par les habitants de Charleroy depuis
la révolution, tandis que les fabricants des Flandres depuis cette époque n’ont
cessé d’assaillir le pays par des réclamations de toute espèce et de plus
exagérées. Ils ont demandé et obtenu une loi sur les toiles, une loi sur les
lins, des primes pour leur industrie cotonnière, et tout cela ne leur suffit
pas ; il leur aurait fallu la prohibition des fabricats de coton étrangers.
C’est donc à tort qu’on vient nous accuser.
M. Rogier. - La
section centrale n’insistera probablement pas sur sa proposition. Le
gouvernement vient de donner l’assurance qu’il s’occuperait d’un projet de loi
sur le tarif à établir pour les tissus de coton.
M. le ministre des finances
(M. d'Huart). - Non, je n’ai pas dit cela.
M.
Rogier. - J’avais compris que M. le ministre des finances avait dit
qu’il s’occuperait d’un nouveau système de douanes, et qu’il proposerait en
même temps les bases du nouveau tarif de l’industrie cotonnière. Maintenant
qu’il n’en est pas ainsi, nous ne serons pas plus avancés à la session
prochaine que nous ne le sommes maintenant. Le droit sera-t-il établi à la
valeur, ou bien établira-t-on un tarif décroissant comme quelques-uns nous le
demandent ? Voilà ce dont le gouvernement devrait s’occuper. Autrement il n’y
aura pas moyen d’en sortir.
Je désirerais beaucoup que M. le ministre des
finances nous dît qu’il s’occupera des bases du tarif et du système douanier,
puisqu’il nous a fait connaître son opinion. Il pense que la perception du
droit la valeur sera plus efficace que toute autre. C’est une idée qu’il
pourrait formuler dans un projet de loi. Il sera certain d’être appuyé par
beaucoup de membres, attendu que son système est celui que suivent les nations
les plus avancées en matière de commerce.
Le gouvernement devrait autant que possible
chercher à prendre l’initiative dans ces sortes de lois. C’est un grand malheur
quand elles sont proposées par les chambres. Je sais plus que personne combien
la position du gouvernement est quelquefois embarrassante, cependant il devrait
autant que possible prendre l’initiative.
Je crois qu’il ne reste plus en ce moment à décider
que la question d’ajournement. Il importe au pays, et surtout au commerce, de
savoir à quoi s’en tenir sur ce point. Il ne faut pas se le dissimuler, la
proposition de la section centrale et des députés des Flandres a jeté une
grande perturbation dans toutes les transactions commerciales. Comme les
commerçants ne connaissent pas la nature du droit qui sera perçu sur les
marchandises étrangères, ils n’ont pas fait de commandes pour l’hiver. Si un
pareil état d’incertitude se prolonge, ils se trouveront sans approvisionnement
pour cette époque. Il me semble que le commerce mérite tout aussi bien que
l’industrie d’exciter la sollicitude de la chambre.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Pour quelle raison ai-je dit
que je présenterais un projet de loi sur les modifications à introduire dans le
système de douanes ? C’est parce que la section centrale a fait de ces
modifications la condition de l’examen du tarif dont elle est saisie. Je ne
pouvais donc pas présenter un nouveau projet de tarif, puisqu’il y en a un dont
la section centrale et la chambre sont saisies. M. le ministre de l’intérieur
et moi, nous nous sommes rendus à la section centrale pour examiner le nouveau
tarif. Nous nous rendrons également aux invitations qui nous seront faites
ultérieurement, et nous discuterons la question de savoir s’il convient
d’adopter le droit à la valeur ou le mode de perception actuellement proposé.
Je n’ai donc pu m’engager à
présenter un nouveau tarif. On a fait au gouvernement le reproche de ne pas
prendre l’initiative à l’égard des projets de loi. Je pourrais citer cinquante
projets qui prouveraient le contraire. En matière d’industrie et de commerce,
il y a la loi sur le transit, la loi sur le bétail, la loi sur la pêche, etc.
Les reproches adressés au gouvernement ne sont donc pas fondés, et je ne les
accepte pas.
M. A. Rodenbach.
- Je répondrai à M. Pirmez que lorsqu’on a adopté le projet de loi sur les
fers, la grande majorité des députés des Flandres ont accordé la protection
demandée qui est de 15 fr. par
M. Pirmez. - Si M.
Rodenbach avait compris l’esprit de mon discours, il aurait vu que je veux
conserver les droits acquis.
M. Desmet. - Vous
avez vos raisons.
M. Pirmez. - Je
n’ai jamais demandé qu’on levât une seule prohibition.
M.
A. Rodenbach. - Je le crois bien.
M.
Pirmez. - J’ai dit seulement que c’était un très grand mal d’entrer dans
un système de prohibition. Qu’on lève tout droit quelconque, j’y donnerai mon
assentiment. Mais l’on ne peut par vengeance détruire les droits acquis, sous
l’empire desquels les industries se sont élevées. (L’ordre du jour !) Mon opinion est que vous aurez beau changer le
système de douanes, après avoir dépensé une dizaine de millions en pure perte,
vous ne vous trouverez pas plus avancés qu’auparavant.
M. Rogier. - Je
n’ai pas reproché au gouvernement de ne point prendre l’initiative pour la
présentation de projets de loi ; j’ai regretté seulement que le gouvernement
n’eût pas fait une proposition dans la question actuelle. M. le ministre
d’Huart n’avait donc pas à repousser mes reproches, puisque je ne me suis pas
permis de lui en adresser.
M.
Dumortier. - Je ne partage pas l’opinion du préopinant. Je ne
reprocherai jamais au gouvernement de ne pas prendre l’initiative. Moins il
prend l’initiative, moins il s’use. C’est ainsi qu’agit le gouvernement
anglais, qui comprend tout aussi bien que nous le gouvernement constitutionnel.
Quant à la question qui nous occupe, je vous avoue
que je ne comprends pas bien où nous marchons. Hier la section centrale vous
proposait encore la visite domiciliaire et l’estampille, mais seulement dans
l’éventualité où il n’y aurait pas d’autre moyen de protection.
Nous avons repoussé la visite domiciliaire et
l’estampille ; et voici que la section centrale vient nous dire qu’elle retire son
projet parce que nous avons démoli la base de son édifice. La base de son
édifice, c’étaient donc la visite domiciliaire et l’estampille. Ce que l’on
nous présentait comme ne devant être appliqué qu’à certains cas déterminés
était donc en réalité une mesure générale.
Maintenant la section
centrale demande que des modifications soient apportées au système de douanes,
avant que le tarif de son projet ne soit discuté. Commençons par faire la
tarification ; nous nous occuperons des douanes ensuite. Si M. le ministre des
finances venait nous présenter un nouveau projet de loi, nous aurions deux
projets sur le bureau et nous ne saurions pour lequel nous décider. Il me
semble que la marche à suivre serait de discuter actuellement si le droit sera
établi ou non à la valeur. Ajourner la discussion jusqu’à la session prochaine,
c’est vouloir perdre les 8 jours que nous venons de consacrer à l’examen du
projet. C’est pour ces motifs que je demande la continuation de la discussion
du projet de la section centrale.
M. Manilius. -
Puisque M. Rogier trouve que le gouvernement devrait prendre l’initiative dans
la question cotonnière, pourquoi ne l’a-t-il pas prise lorsque nous sommes
venus lui présenter nos doléances ? Il nous a renvoyés comme des misérables. (Hilarité.) Il nous a dit de suivre les
émigrants. Oui, voilà la conduite de M, Rogier, quand il était ministre. Aussi
je désire qu’il ne le redevienne jamais. (Hilarité,
à laquelle M. Rogier prend part.)
M. Rogier. - Il est
très vrai que dans la question cotonnière je n’ai pas pris l’initiative. Mai,
c’est que je pensais que l’industrie cotonnière n’avait pas besoin de la
protection qu’elle demandait, il n’y avait donc pas lieu pour moi de prendre
l’initiative ; j’étais conséquent avec mes principes.
Il est injuste de dire que je n’ai pas montré
d’intérêt pour l’industrie cotonnière. Comme ministre, je suis créateur de la
société cotonnière, dont M. Manilius a dit qu’il ne faisait pas partie, mais
que d’autres fabricants ont reconnu être une fort bonne chose. L’enquête est là
pour témoigner que cette société est venue au secours de l’industrie. Depuis la
révolution, le gouvernement n’a pas moins protégé l’industrie cotonnière que
les autres industries du royaume ; 700,000 francs lui ont été accordés. Comme
membre du gouvernement provisoire, j’ai concouru à lui en faire donner 200,000
; comme ministre de l’intérieur, je lui en ai fait donner 350,000.
Le reproche de M. Manilius est déplacé. Je ne me
rappelle pas lui avoir dit qu’il n’avait qu’à suivre les émigrants.
M. Manilius. -
Nous étions trois présents à l’audience.
M. Rogier. - Je
suis fort étonné, en supposant que j’aie tenu ce propos, que M. Manilius ait tardé
aussi longtemps à manifester son indignation. La sortie de M. Manilius me
paraît, je ne dirai pas très peu parlementaire, mais tout à fait
extraordinaire.
Je ne pense pas que la chambre doive s’effrayer des
émigrations de certains ouvriers. Dans tous les pays, les ouvriers cherchent de
l’ouvrage là où ils trouvent des conditions meilleures de travail. Il est
heureux que la diminution du prix des transports et l’ouverture de nouvelles
voies de communication permettent aux ouvriers de se soustraire à l’exploitation
des fabriques. Les ouvriers de Gand, dont le salaire est diminué, pourront
aller à Liège où l’on manque de bras pour les mines. Ils pourront également se
rendre à Verviers, à Andenne et à Seraing où l’industrie cotonnière est
florissante.
M.
Desmet. - Cela n’est pas exact.
M.
Rogier. - Au surplus, notre opinion sur l’industrie gantoise est
partagée par beaucoup de personnes qui sont sur les lieux mêmes ; je citerai le
Journal des Flandres.
M. de Roo. - L’on
parle beaucoup, sans avoir approfondi les matières ; on se croit universel ; on
parle de tout et on se trompe très souvent, C’est ainsi que M. Dumortier a dit
que l’estampille n’existait plus en France. Je ne lui citerai que la loi de
1816.
Maintenant que vous avez rejeté une bonne loi, il
faut en faire une nouvelle. Ce n’est pas en 24 heures qu’on peut la faire. Il
faut un temps moral. J’appuie l’ajournement demandé par la section centrale.
M.
Dumortier. - L’honorable préopinant a reproché à certains membres de
parler de ce qu’ils ne connaissent pas. Il a joint l’exemple au précepte. (Hilarité.) La qualité d’avocat n’est pas
un brevet d’infaillibilité.
Le jour que j’ai pris la parole, j’avais eu un
entretien avec un fabricant de Saint-Quentin, qui m’a donne l’assurance que
l’estampille n’existe plus que pour l’exportation. Comme alors il y a
remboursement du droit à la sortie, le fabricant naturellement met son
estampille sur les produits, pour obtenir le remboursement. Mais il est vrai de
dire qu’actuellement l’estampille n’existe pas en France pour les tissus de
coton. Le préopinant a parlé d’une loi de 1816 ; mais il paraît qu’il ne
connaît pas les lois d’une date plus récente qui ont abrogé cette loi de 1816.
(Erratum inséré au Moniteur belge n°259, du 14 septembre 1835) M. Desmet. - Messieurs, si je prends la parole,
c’est pour appuyer très volontiers ce que vient d’avancer notre honorable
adversaire, M. Rogier, que les ouvriers belges ont raison de s’expatrier quand
ils trouvent de l’avantage à quitter
Mais que prouve M. Rogier par ce qu’il vient de
dire ? c’est que vraiment notre marché de l’intérieur est tout à fait gâté par
les marchandises étrangères, et que nos fabricants, quoiqu’ils pourraient
fabriquer le double de ce qu’ils fabriquent aujourd’hui, le peu que leurs
fabriques produisent, ils ne peuvent encore s’en défaire ! n’est-ce pas
formellement reconnaître que les manufactures du coton sont en souffrance en
Belgique ; et comment concilier ceci avec tout ce que l’honorable membre a dit
depuis quelques jours, et surtout dans le long discours qu’il a prononcé le
second jour de la discussion, dans lequel il a positivement déclaré que
l’industrie cotonnière ne souffrait pas ni n’avait besoin d’aucun secours.
Pour ce qui concerne à présent la fameuse lettre ou
pétition adressée à la chambre par la chambre de Verviers en question et dont
on a fait la lecture dans la séance du 11, laquelle dit que sa fabrique de
coton est très prospère, et qu’elle fait passer beaucoup de ses produits en
Allemagne, je ferai remarquer que cette lettre ne contredit point ce que j’ai
avancé il y a quelques jours, que cette maison avait transporté la partie de sa
fabrique qui concerne le tissage, en Prusse, car il n’en parle point, et le
fait que j’ai avancé, je te tiens d’une autorité tellement respectable que
j’ose, messieurs, vous assurer qu’il est de la plus grande exactitude et que si
les députés de Verviers veulent prendre des informations ultérieures, ils
acquerront la conviction que la maison Grandy de
Verviers a transporté sa tissanderie de coton en
Prusse.
Et alors on peut très bien
comprendre la prospérité dont veulent parler les chefs de cette maison, car la
filature de coton peut être très prospère en Belgique, quand ils envoient leurs
fils en Prusse, pour y en faire des toiles. Les fils ne paient pas de droits en
entrant en Prusse, ce ne sont que les tissus qui y sont fortement Imposés à
l’entrée. En filant donc le coton en Belgique, en confectionnant les tissus en
Prusse, cette maison fait passer ses produits de l’étranger sans payer de forts
droits,et j’avoue qu’elle emploie un bon moyen pour
prospérer, car ce sont surtout les tissus et les impressions que les fabricants
ne peuvent débiter en Belgique avec avantage parce qu’ils ne savent pas
soutenir la lutte contre la concurrence étrangère, par laquelle, comme il a été
démontré, plus que le double de notre consommation est fourni.
M.
le président. - Je vais mettre aux voix l’ajournement proposé par la section
centrale. La seconde proposition a été retirée par suite de l’engagement pris
par M. le ministre des finances de présenter un projet de loi sur les
modifications à introduire dans le tarif des douanes.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je demanderai si l’on entend que l’ajournement
soit indéfini. Je voudrais qu’il ne fût pas très éloigné. La question en est
venue à ce point qu’il faut lui donner une prompte solution. Il faut protéger
efficacement l’industrie cotonnière. Le moyen est celui que j ai proposé, qui
tend à assurer la perception réelle des droits.
M. Verdussen. -
La section centrale demande que l’examen du projet de loi soit renvoyé à la
session prochaine. Mais la session actuelle se prolongera jusqu’en 1836.
L’ajournement voudrait donc dire le renvoi au 10 novembre 1836. Il faut changer
l’expression.
M. Zoude, rapporteur.
- La section centrale a demandé que le tarif qu’elle propose ne soit examiné qu’après
l’adoption du projet de loi que M. le ministre des finances a promis de
présenter à la chambre sur les améliorations à introduire dans le système des
douanes.
Eh bien, voilà l’époque de notre ajournement :
c’est jusqu’à ce que le ministre des finances ait présenté son projet, et
jusqu’à ce que ce projet ait été discuté par la chambre.
- La proposition d’ajournement est mise aux voix et
adoptée. En conséquence la chambre décide qu’elle ajourne la discussion du
projet de loi relatif à l’industrie cotonnière jusqu’après la discussion du
nouveau projet de loi relatif aux douanes que le ministre des finances a
annoncé comme devant être présenté aux chambres.
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. le président. - La
suite de l’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la
canalisation de
M. Legrelle. -
Il est vrai que cet objet était à l’ordre du jour. Mais personne ne s’attendait
à ce qu’on épuisât si tôt la question cotonnière. On pensait que cette
discussion durerait encore plusieurs jours. Personne n’a pris avec soi les
documents relatifs à la canalisation de
M.
Pirmez. - Je ferai remarquer que probablement lundi la chambre ne sera
pas en nombre. (Oui ! oui ! Non ! non !)
M. Gendebien.
- Mettez le projet relatif à la
canalisation de
M. le président. -
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - C’est une
autre proposition que j’ai à faire à la chambre.
Je demande qu’il plaise à la chambre de mettre en
premier lieu à l’ordre du jour de lundi le projet de loi que j’ai eu l’honneur
de présenter relativement au traitement d’une légation en Italie, et sur lequel
il a été fait rapport hier. Ce sera l’affaire de quelques instants que la
discussion de ce projet de loi. (Adhésion.)
- La chambre, consultée, ajourne à lundi la
discussion du projet de loi relatif à la canalisation de
M. Legrelle. -
Je demanderai que l’on mette aussi à l’ordre du jour de lundi le projet de loi
relatif à la péréquation cadastrale.
M. le président. -
Le rapport sur ce projet de loi n’a pas été déposé.
- La séance est levée à 2 heures et demie.