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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du samedi 8 août 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Rapport de la commission chargée d’examiner la situation de la société générale
à l’égard du trésor (Fallon)
3) Projet
de loi relatif à la suppression de la contribution extraordinaire de guerre
et/ou impôt sur les distilleries (A. Rodenbach, d’Huart, Donny, d’Huart,
Desmet, Liedts, Coghen,
A. Rodenbach, d’Huart, Dubus, Eloy de Burdinne, d’Huart, (+société générale) Pirson,
Donny, Pirson, Gendebien, Mast de Vries, Legrelle, d’Huart, Gendebien, Eloy de Burdinne, Legrelle, (+cantonnements militaires) F.
de Mérode)
(Moniteur belge n°222, du 9 août 1835)
(Président de M. Raikem.)
M. Verdussen procède à l’appel nominal à midi et demi.
M.
Schaetzen donne lecture du procès-verbal de
la dernière séance dont la rédaction est adoptée.
M. Verdussen fait connaître l’analyse des pétitions adressées à
la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur de Bondridder à Louvain demande que la chambre prenne une
mesure qui autorise M. le ministre des finances à tenir compte, aux acquéreurs
des biens domaniaux, du montant des billets qu’ils ont versés au syndicat
d’amortissement pour cautionnement du prix de leurs acquisitions. »
_______________
« Le sieur de Rooy, né a Amsterdam, et domicilié à Bruges, demande la
naturalisation. »
_______________
« Les sieurs Campion
et Plaisant demandent que la chambre augmente au plus tôt le personnel du
tribunal de Charleroy. »
_______________
« Un grand nombre de
cultivateurs de
_______________
« Le sieur H.-J. Mary,
à Anvers, réclame de nouveau le paiement de l’indemnité, qui lui revient pour
interruption, pendant 3 années, de la jouissance de deux de ses maisons situées
près de la citadelle. »
- Ces pétitions sont
renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.
_______________
Le sénat fait connaître par
deux messages l’adoption des projets de loi relatifs à l’échange d’une
propriété domaniale à Thielt, et aux exemptions en matière de douane.
_______________
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux)
transmet des explications sur la pétition de la dame veuve Claessens, d’Anvers.
COMPOSITION DES BUREAUX DES SECTIONS
M. Verdussen fait ensuite connaître la composition des bureaux
des commissions permanentes et des sections :
Commission d’industrie : M.
Zoude, président ; M. Corbisier, vice-président ; M.
Desmaisières, secrétaire.
Commission des finances :
M. Dubus, président ; M. Verdussen, secrétaire.
Première section
Président : M. Fallon
Vice-président : M. Smits
Secrétaire : M. Troye
Rapporteur de la commission des pétitions : M. Hye-Hoys
Deuxième section
Président : M. Milcamps
Vice-président : M.
Gendebien
Secrétaire : M. de Jaegher
Rapporteur de la commission des pétitions : M.
Vanderbelen
Troisième section
Président : M. Cols
Vice-président : M.
Desmaisières
Secrétaire : M. Pirmez
Rapporteur de la commission des pétitions : M. Verdussen
Quatrième section
Président : M. F. de Mérode
Vice-président : M. de
Brouckere
Secrétaire : M. Vanden Wiele
Rapporteur de la commission des pétitions : M.
Vandenbossche
Cinquième section
Président : M. Zoude
Vice-président : M. Eloy de
Burdinne
Secrétaire : M. Quirini
Rapporteur de la commission des pétitions : M. Ullens
Sixième section
Président : M. de Behr
Vice-président : M. Liedts
Secrétaire : M. Jadot
Rapporteur de la commission des pétitions : M. Berger
RAPPORT DE LA COMMISSION
CHARGE D’EXAMINER LA SITUATION DE LA SOCIETE GENERALE A L’EGARD DU TRESOR
PUBLIC
(Addendum inséré au Moniteur belge n°223, du 10 août 1835 :) M. Fallon
monte à la tribune et se prépare à faire le rapport de la commission nommée
pour constater la situation de la banque à l’égard du trésor.
- La chambre consultée
dispense l’honorable membre de cette lecture, et ordonne l’impression et la
distribution du rapport.
PROJET DE LOI RELATIF A LA SUPPRESSION DE LA CONTRIBUTION EXTRAORDINAIRE
DE GUERRE
Discussion générale
M.
le président. - M. le ministre des finances se rallie-t-il à la
proposition de la commission ?
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Non, M. le président, je ne me
rallie qu’au dernier amendement de la commission, à l’art. 4.
M.
A. Rodenbach. - Je félicite le gouvernement d’avoir rendu hommage aux
vœux du pays en nous présentant les projets de loi sur la péréquation
cadastrale, l’organisation communale, l’enseignement supérieur, le jury
d’examen et l’abrogation de la subvention de guerre de 10 p. c. Je ne doute
aucunement que l’initiative qu’a prise en cette occasion le ministère sera
aussi bien accueillie dans nos chambre que chez les contribuables mécontents.
Par ma motion d’ordre du 12 mai dernier, je faisais connaître le désir du pays
; le ministère ne paraissait pas vouloir y croire, mais il a dû se convaincre
depuis, par l’opinion publique, que nos réclamations étaient fondées. Au
surplus, le gouvernement ne pouvait pas se dispenser de satisfaire à
l’engagement qu’il avait pris de nous proposer le dégrèvement de ces centimes
additionnels aussitôt que les besoins ne s’en feraient plus sentir ; à la
vérité, il s’y est pris un peu tard, mais « vaut mieux tard que
jamais. »
Je voterai dans le
sens de la commission, parce que je suis convaincu que les percepteurs pourront
aussi bien régler les comptes de tous les contribuables le 1er septembre que le
1er octobre. J’appuie également la conservation des 10 p. c. sur les
eaux-de-vie indigènes, pour la raison que ce spiritueux est à fort bas prix et
qu’il m’a été assuré que cette subvention n’a point augmenté la fraude ; mais
il est de toute justice que le drawback s’élève à 5 francs l’hectolitre, si
vous voulez que le genièvre du pays s’exporte. Quant à la majoration de 10 p.
c. que la commission propose sur les eaux-de-vie étrangères, je ne puis point y
donner mon assentiment, car ce serait accorder une prime à la contrebande, qui
nuirait en même temps au fisc et aux distilleries indigènes. Tous ceux qui
résident à la frontière sont convaincus que c’est l’énorme droit dont sont
frappés les spiritueux étrangers qui provoque l’infiltration de cette immense
quantité d’alcool dans le pays.
Si tout espoir d’un traité
de commerce avec
Tous ceux qui ont quelques
connaissances en matière de douanes partageront, j’espère, mon opinion. C’est
pour ces divers motifs que je me prononce contre les 10 p. c. sur les
eaux-de-vie étrangères ; mais, je le répète, j’appuierai de toutes mes forces
les autres articles du projet de loi que la commission nous soumet.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne viens pas m’opposer en
principe aux amendements proposés par la commission en ce qui concerne la
suppression des 10 p. c. sur la contribution foncière, le personnel et les
patentes pendant les quatre derniers mois de la présente année. Si je crois ne
pas pouvoir m’y rallier, c’est à raison des difficultés administratives que
feraient naître ces amendements, et je demande à la chambre de ne pas les
adopter.
D’après des renseignements
que j’ai pris dans les provinces, déjà 306,000 cotes de contributions directes
ont été payées pour toute l’année. Personne de vous n’ignore, messieurs, que
cependant une quantité de contributions ne paient leurs impôts que par
trimestre.
Nous aurons donc à
rembourser 306,000 versements faits par anticipation pour le dernier trimestre
de l’année. Jugez par là, messieurs, du travail et des difficultés réservés à
l’administration, si l’on veut que ces restitutions s’étendent aux quatre
derniers mois de 1835. Il y a peut-être le double de remboursements à faire en
sus pour ce mois seulement. Au surplus, le montant des restitutions de ce
douzième sera très minime pour le contribuable. Il ne s’élèvera qu’à la 120ème
partie du principal de l’impôt. Supposez qu’un contribuable ait eu 120 fr. de
contributions directes à payer cette année, par l’adoption du système de la
commission, il recevrait un franc de plus que par le maintien de celui du
gouvernement.
D’un autre côté, cette
restitution d’un douzième enlèverait au trésor une somme de 241,135 fr. Cette
somme assez considérable pour le trésor, mais dont la répartition entre tous
les contribuables ne leur produira qu’une fraction très minime, mérite
d’attirer votre attention. C’est 241,000 fr. que je vous demande de conserver à
l’Etat ; ils serviront à améliorer notre situation financière. Quel que soit
l’usage que vous fassiez de cette somme, ce sera autant à diminuer plus tard
dans le budget des voies et moyens, et ce résultat vous l’obtiendrez sans que
le contribuable s’en aperçoive.
L’honorable préopinant a
déjà rendu ma tâche facile en ce qui concerne l’amendement relatif aux
eaux-de-vie étrangères. Il a fort bien dit que le droit sur les eaux-de-vie est
déjà tellement élevé, que c’est en fraude principalement que ces spiritueux
s’introduisent dans le pays. Permettez-moi, messieurs, de faire le
rapprochement du chiffre de l’impôt d’accise sur les eaux-de-vie étrangères et
de celui de l’impôt d’accise sur les eaux-de-vie indigènes. Vous verrez par
cette comparaison qu’il ne peut y avoir lieu d’augmenter le droit existant sur
les premières.
L’hectolitre d’eau-de-vie
indigène à 50 degrés l’alcoomètre de Gay-Lussac, obtenue par une fermentation
de 36 heures (remarquez que ce chiffre de 36 heures est très large, car il faut
moins de 36 heures pour dégager l’alcool des matières où il est contenu) ;
l’hectolitre, dis-je, y compris les 10 p. c., se trouve imposé à fr. 5 08 c.
Le même hectolitre à 75
degrés paie fr. 7 62 c
L’hectolitre d’eau-de-vie
étrangère à 50 degrés de Gay-Lussac est tarifé à fr. 58 67 c
Le même hectolitre à 75
degrés, à fr. 88 00 c
Faites maintenant le
rapprochement de ces chiffres, et vous en conclurez qu’il est inutile
d’accorder cette nouvelle protection de 10 p. c. à nos distilleries. Elles n’en
ont pas besoin. Plus tard même, quand il sera question d’un traité de commerce
avec
Messieurs, l’honorable
préopinant nous a reproché de ne pas avoir présenté plus tôt la loi dont nous
nous occupons aujourd’hui. Ainsi que j’ai eu l’honneur de le développer dans
l’exposé des motifs, le gouvernement a pensé qu’il eût été imprudent de
proposer plus tôt la suppression de la subvention de guerre. Que l’on porte les
regards en arrière et que l’on dise si, vers l’époque de la clôture de la
session dernière, il n’existait pas encore des apparences de guerre, si les
affaires d’Espagne ne pouvaient faire naître des complications politiques. Je
pourrais citer d’autres événements qui justifient amplement la prudence que le
gouvernement a montrée en maintenant la perception des 10 c. additionnels.
Du reste l’on a beaucoup
critiqué le maintien de cette perception en s’apitoyant sur la gêne des
contribuables. Le seul fait que j’ai indique tout à l’heure, cette circonstance
du paiement de 306,000 cotes soldées pour toute l’année, non seulement sur les
contributions foncières, mais sur le personnel et les patentes, prouve que les
contribuables ne sont pas aussi gênés qu’on s’est plu à les représenter,
puisqu’ils ont payé par anticipation la subvention et le principal de l’impôt
en une seule fois. A l’heure qu’il est, une forte partie des contributions sont
rentrées au trésor. Les 306,000 cotes dont j’ai parlé font plus de 6 à 7 millions.
Ce fait prouve donc que près du quart de l’impôt a été acquitté à l’avance. Ce
n’est certes pas là un symptôme de gêne dans la position des contribuables.
Ainsi que je l’ai dit tout
à l’heure, je me rallie à l’amendement de la commission relatif à la majoration
de la restitution du droit d’accise à l’exportation du genièvre indigène.
Puisque les 4 francs 50 cent. de restitution auxquels donne droit la loi du 18
juillet 1833 ont été calculés d’après le droit de 22 centimes, et qu’ils n’ont
pas été élevés en raison de la surtaxe de 10 p. c. sur l’impôt, il est juste,
aujourd’hui que nous conservions ces 10 p. c., de rétablir l’équilibre en
remboursant 50 centimes de plus.
J’aurai un amendement à
introduire à l’article premier ; peut-être ferai-je bien dans l’intérêt de la
discussion de le présenter maintenant. Il doit être placé à la suite du dernier
paragraphe de cet article ainsi conçu :
« Le gouvernement est
autorisé à restituer aux contribuables le prorata de ladite subvention qu’ils
auraient payée par anticipation, sur ces quatre mois, pour ces contributions ou
ce droit. Cette restitution s’opérera en déduction des recettes. »
Ma proposition a pour objet
d’ajouter à ce paragraphe la disposition suivante :
« La demande devra en être
faite par les ayants droit, sous peine de déchéance, avant le 1er juillet
1836. »
Il est nécessaire,
messieurs, pour diminuer les difficultés de la comptabilité, de fixer un terme
après lequel l’on ne pourra plus adresser de réclamation. Une multitude de ces
réclamations porteront sur des sommes très minimes dont même beaucoup de
contribuables préféreront ne pas demander la restitution. Je dois prévenir la
chambre que les sommes qui n’auront pas été réclamées par l’ayant droit
appartiendront après le terme fixé pour la déchéance, non pas aux receveurs,
mais demeureront acquises au trésor de l’Etat.
Je n’avais pas proposé dans
le projet de loi une disposition analogue à celle que je présente en ce moment,
parce que, d’après la loi du 8 novembre 1815, un délai de six mois est accordé
à toute personne qui a des réclamations à faire au gouvernement pour toute
espèce de créance. Mais j’ai pensé depuis qu’il pourrait arriver que cette
disposition, exprimée d’une manière générale, ne fût pas connue des
contribuables, et il m’a semblé qu’il valait mieux fixer un terme spécial de
déchéance dans la loi même à laquelle cette déchéance se rapporte. Je pense que
le délai que j’ai choisi obtiendra l’approbation de la chambre, puisque les
contribuables auront 9 à 10 mois pour faire leurs réclamations.
M.
Donny, rapporteur. - M. le ministre persiste à prolonger jusqu’au
premier octobre la perception des centimes additionnels en ce qui concerne les
contributions directes ; les motifs qu’il vient de donner sont exactement les
mêmes que ceux qui a consignés dans l’exposé des motifs accompagnant le projet
de loi.
Il nous dit : Il y a déjà
un grand nombre de contribuables qui ont payé leurs contributions directes pour
le mois de septembre ; si le système de la commission est admis, il faudra leur
faire des remboursements qui apporteront des difficultés immenses dans les
opérations de comptabilité. Il vaut mieux s’en tenir au système du
gouvernement, dans lequel il n’y a aucun remboursement à faire à ceux qui n’ont
pas payé au-delà des trois premiers trimestres.
D’abord nous ne partageons
pas l’opinion de M. le ministre des finances sur les difficultés que présentera
le remboursement des impôts déjà payés. Ensuite, en supposant que ces
difficultés existent réellement, il faudra toujours passer par là pour la
partie des contributions jusqu’à la fin de l’année. M. le ministre vient de
dire lui-même que déjà 306,000 cotes ont été payées jusqu’au 31 décembre.
Ainsi, dans son système, il y a 306,000 restitutions à faire. Maintenant, qu’à ces
306,000 restitutions inévitables vous en rajoutiez 13 ou 20 mille de plus, cela
ne compliquera pas de beaucoup la besogne de l’administration. Et quand il en
serait autrement, une considération de cette nature ne serait pas suffisante
pour retarder d’un mois la suppression des centimes additionnels, suppression
qui, à l’égard des contribuables, est un véritable acte de justice.
Le deuxième motif donné par
M. le ministre, à l’appui de son opinion, c’est qu’en supprimant l’impôt
extraordinaire un mois plus tôt, on ferait perdre au trésor une somme de
241,000 francs. Mais, messieurs, si cet argument était fondé en ce qui concerne
les contributions directes, le gouvernement pourrait l’employer également pour
tous les autres impôts ; Il pourrait nous dire : « Au lieu de supprimer
l’impôt extraordinaire sur les accises et les douanes à partir du 1er
septembre, ne le supprimons qu’à partir du 1er octobre ; le trésor y gagnera un
mois de produit de plus, comme il gagnera 241,000 fr. en retardant d’un mois la
suppression de l’impôt sur les contributions directes…
Plusieurs voix. - Gardez le tout
!
M.
Donny., continuant. - D’ailleurs,
nous devons considérer la loi qui nous occupe sous un point de vue tout
différent. Il ne s’agit pas ici des intérêts du trésor ; il s’agit de
considérer l’origine de la loi, de voir si les motifs qui nous ont déterminés à
l’adopter subsistent encore, et s’il faut que la loi continue à avoir son effet
: or, le seul motif qui nous l’ait fait adopter, c’était la prévision d’une
agression hollandaise. Sans cette prévision nous n’aurions pas voté de centimes
additionnels. La première question qui doit nous occuper est donc celle de
savoir si une agression de la part de nos ennemis n’est plus à craindre ; si
cette question doit être résolue négativement, l’effet de la loi doit
nécessairement cesser, parce que l’effet doit cesser avec les causes qui l’ont
amené.
Or, cette question a été
résolue négativement par le gouvernement lui-même, et dès lors la nécessité de
supprimer l’impôt additionnel ne peut être douteuse pour personne. Du moment
qu’il est reconnu qu’il y a lieu de supprimer la subvention de guerre il ne
s’agit plus que de déterminer l’époque la plus rapprochée à laquelle cette
suppression peut avoir lieu. Et pour déterminer cette époque, il ne faut pas
avoir égard aux intérêts du trésor, mais tout simplement à la régularité du
service. Je crois avoir démontré que le service ne sera pas plus entravé dans
le système de la commission que dans celui du gouvernement.
M. le ministre
ainsi qu’un honorable préopinant ont critiqué les conclusions de la commission
en ce qu’elle étend aux eaux-de-vie étrangères la proposition faite par M. le
ministre pour les eaux-de-vie indigènes.
La commission n’attache pas
une grande importance à son opinion sous ce rapport. Voici le motif qui l’a
déterminée à vous faire sa proposition. La loi sur les distilleries a placé les
distilleries indigènes dans une position très favorable vis-à-vis des
distilleries étrangères. La loi qui a établi l’impôt de 10 p. c. a maintenu les
deux fabriques dans la position relative que leur avait consignée cette loi sur
les distilleries.
La commission a cru qu’il
n’entrait pas dans sa mission de changer cet ordre de choses. Elle a cru devoir
maintenir la différence qui existait, et elle a proposé une disposition
nouvelle à cet effet. Tels sont les seuls motifs qui ont dirigé la commission.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant se
demande pourquoi, par une conséquence toute logique, le gouvernement ne vient
pas demander le maintien des 10 p. c. sur les impôts indirects aussi bien que
sur les contributions directes, pendant le dernier mois du troisième trimestre
Le gouvernement a déjà expliqué les motifs de cette différence dans les
observations qui accompagnaient le projet de loi. Elle tient à la nature même
des impôts.
Il est, en effet, évident
que du moment que les contribuables connaîtront l’époque de la diminution des
impôts, ils différeront de déclarer les marchandises qu’ils veulent livrer à la
consommation, et attendront le lendemain du jour où la perception des 10
centimes cessera.
II en est de même pour les
pièces soumises à l’enregistrement. Les parties intéressées ajourneront la passation
des actes, et en résultat, depuis le moment où j’ai présenté le projet de loi
jusqu’à celui où cessera la perception des 10 p. c., il ne sera rien ou peut
payé au trésor en fait d’impôts indirects.
J’ai particulièrement
insisté sur cette observation, pour que la chambre sache bien que le mois
courant sera peu productif de ces impôts, bien que la perception des 10
centimes additionnels soit maintenue pendant toute sa durée.
L’honorable préopinant
revenant sur les amendements de la commission, par lesquels la subvention de
guerre serait supprimée pour tous les impôts, à partir du premier septembre
prochain, s’est emparé du fait des 306,000 cotes à rembourser pour le dernier
trimestre, pour en inférer que le remboursement des perceptions du mois de septembre
n’entraînera pas de plus grandes difficultés.
Sans doute il y a
306,000 cotes à rembourser. Nous ne nous sommes pas dissimulé les embarras que
ces restitutions feront éprouver à l’administration. Nous en avons exposé les
motifs dans le rapport à l’appui de la loi ; mais vous allez doubler, tripler
même ces inconvénients, attendu, comme je l’ai déjà expliqué, que beaucoup de
contribuables paient leurs impôts par trimestre. Beaucoup de paiements de cette
nature se seront donc effectués jusqu’au premier octobre prochain.
C’est par ces motifs que
les difficultés s’augmenteront, difficultés qui ne sont pas insurmontables,
mais qui coûteront du temps, du travail et de l’argent. Je ne suis pas d’un
avis contraire à certaines considérations générales soumises par la commission
et son rapporteur. J’ai même dit qu’en principe je ne m’opposais pas à la
proposition qu’ils ont faite ; mais nos différences d’opinion portent, de mon
côté, sur une question pratique, sur une question d’exécution.
J’ai ajouté que le contribuable
ne gagnerait presque rien à la restitution du mois de septembre, tandis que si
elle n’avait pas lieu, le trésor conserverait une somme de 241,000 francs, et
que cette somme me paraissait avoir pour nos finances une certaine importance.
Du reste, en ce qui concerne les motifs principaux émis par le préopinant, je
ne suis pas en désaccord avec lui ; mais je prie la chambre de vouloir bien
peser mûrement les difficultés administratives que j’ai signalées.
M.
Desmet. - Messieurs, je n’aurais pas pris la parole dans cette
discussion, si, d’après moi, M. le ministre des finances n’eût pas avancé une
erreur qui aurait pu tromper la chambre, quand il vous a dit que les cinq
francs qu’on accorde au remboursement des droits de fabrication sur les
eaux-de-vie indigènes, à leur sortie du pays, sont plus que suffisants, parce
que, disait-il, les droits de la fabrication de l’eau-de-vie de grain ne
s’élèvent, d’après la loi du 18 juillet 1833, qu’à 5 fr. 8 c. l’hectolitre de
liqueur, et qu’en conséquence, il a conclu, ainsi que l’a fait l’honorable
rapporteur, que la position de nos eaux-de-vie indigènes était aussi favorable
que celle de nos voisins, en élevant le drawback à 5 fr. l’hectolitre.
Je commencerai à dire à M.
le ministre des finances que je ne suis aucunement d’accord avec lui sur le
montant des droits d’accises de l’eau-de-vie, comme il vient de l’établir à 5
fr. 8 c. l’hectolitre de liqueur. Je voudrais voir comment M. le ministre fait
son calcul pour trouver que les droits de cette fabrication ne montent qu’à 5
fr. 8 c. De mon côté, j’ai fait aussi le calcul, et je l’ai fait après d’amples
informations, et, messieurs, je puis vous assurer que ces droits s’élèvent de 6
à 7 fr. l’hectolitre de liqueur ; je ne crains pas que mon calcul soit
controuvé. En ne remboursant donc à la sortie que 5 fr., je pourrais aussi
assurer qu’on ne rembourse pas intégralement les droits de fabrication, et que
de ce chef notre position pour l’exportation de nos eau-de-vie de grain est
déjà moins favorable que celle des Hollandais, dont les distillateurs reçoivent
comme drawback tout le montant des droits de fabrication de leur genièvre ; le
fisc hollandais rembourse 16 fl. 66 c., qui compensent tous les droits
d’accises. Et une preuve que les Hollandais ont de grands avantages sur nous
pour l’exportation de leur genièvre, c’est qu’ils font considérablement entrer
en fraude de ces liqueurs dans notre pays par la frontière de Maestricht, comme
nos honorables collègues, les députés de la province du Limbourg, pourront
l’attester… D’un autre côté l’exportation des liqueurs est encore gênée chez
nous par la déclaration qu’on est obligé de faire et à cause du droit de
balance qu’on doit payer à la sortie. Je n’entrerai point dans le détail des
motifs de la gêne qu’occasionnent cette déclaration et le paiement de ce droit
de balance ; quand l’honorable M. d’Hoffschmidt vous a fait la proposition de
supprimer ce droit à la sortie du bétail, il vous les a amplement fait
connaître et la chambre les a appréciés comme ils devaient l’être ; mais
j’engage M. le ministre des finances de ne pas tarder à faire une proposition à
la chambre pour modifier, à l’égard de l’exportation des eaux-de-vie indigènes,
le tarif actuel comme on l’a fait pour la sortie du bétail.
J’engage aussi M.
le ministre à faire prendre des mesures dans le Limbourg, pour arrêter la
fraude que les Hollandais font sur cette frontière avec tant d’activité et
mettre enfin un frein au mal que nos ennemis y portent à notre agriculture et à
notre industrie, car M. le ministre des finances ne peut ignorer que la
quantité de genièvre, de céréales et de bétail que les Hollandais font entrer
par la frontière de Maestricht dans le pays est très considérable. Les
Hollandais font tout ce qui est en leur pouvoir pour faire un tort à notre
commerce et à notre industrie, et nous autres nous sommes si maladroits qu’au
lieu d’user de représailles envers nos ennemis, nous les ménageons toujours,
comme nous n’avons cessé de faire depuis les premiers mois de la révolution.
M.
Liedts. - L’honorable M. Donny me paraît avoir parfaitement justifié
les propositions de la commission. Tout ce que M. le ministre des finances a
répondu pour réfuter ces propositions ne saurait me porter à adopter le projet
ministériel. Si l’on résume les paroles de M. le ministre, il y a, selon lui,
deux motifs pour admettre la loi telle qu’il l’a présentée. Le premier, c’est
que les sommes à rembourser ne seraient que minimes pour les contribuables. Il
ne s’agit pas de savoir si la somme à restituer est forte ou faible. La
question à examiner est celle de savoir s’il serait juste de continuer la
perception des dix centimes additionnels, et si nous ne serions pas coupables
aux yeux de la nation de la frapper plus longtemps d’un impôt devenu sans
objet, même dans l’opinion de M. le ministre.
A entendre le ministre des
finances, il semblerait que ce serait un cadeau qu’il ferait aux contribuables,
tandis qu’en réalité ce n’est que le redressement d’un grief, la répartition
d’une injustice. Reportez-vous au moment où les 10 centimes additionnels ont
été créés ; et vous en aurez la preuve. A peine la nation avait recueilli de la
bouche de S. M. l’espoir de voir diminuer l’impôt, qu’on fit circuler divers
bruits ; on manifesta des craintes de guerre ; on prétendit que
Si le ministère
s’est décidé aujourd’hui à proposer le retrait des 10 p. c., ce n’est pas pour
nous faire un cadeau, je le répète ; c’est parce qu’il a vu les réclamations
faites par la presse périodique ; c’est qu’il a compris le vœu de la nation ;
c’est qu’il a voulu aller au-devant des propositions qui n’auraient pas manqué
d’être faites dans cette enceinte : Nous ne devons pas laisser subsister plus
longtemps une mesure sans motifs, une charge qui n’est plus, par conséquent,
qu’une injustice.
Le ministre parle de
difficultés administratives ; mais c’est lui-même qui est la cause de ces
difficultés ; il ne tenait qu’à lui de présenter le projet dans la session
dernière et de faire cesser l’impôt au commencement de l’avant-dernier
trimestre. Je n’abandonnerai donc pas le projet présenté par la commission.
M.
Coghen - Membre de la commission, j’ai cependant voté pour le projet du
gouvernement : il est évident que relativement aux contributions foncière et
personnelle, en fractionnant le trimestre, on jetterait l’administration dans
des embarras inextricables.
Je me rallierai bien
volontiers à la proposition qui tendrait à augmenter le droit à la sortie, ou
la restitution à l’exportation pour les genièvres indigènes, car il faut avouer
que depuis la loi sur les distilleries il n’y a pas eu d’exportation de nos
produits.
Le ministre nous a fait
observer que si on empêchait la perception des 10 p. c. sur l’impôt foncier et
les patentes pendant le mois de septembre, il en résulterait une perte de
241,000 fr.
Or, je ne crois pas que ce
soit le moment de restreindre les ressources du trésor. On ne doit pas perdre
de vue qu’il est en avance, pour les comptes des budget de 12 à 15 millions, et
qu’il faudra combler ce déficit. Il l’est maintenant par le moyen des bons du
trésor ; mais il faudra en définitive y pourvoir autrement.
Nous avons en outre à payer
les dégâts faits en 1830. Il serait à souhaiter qu’ils le fussent promptement.
Voilà cinq années que nos compatriotes souffrent de malheurs inévitables dans
une conflagration politique.
Les sommes que le trésor
pourra recevoir ne manqueront pas d’application. N’avez-vous pas des
fortifications à élever sur votre frontière du côté de
Par ces considérations, je
ne ferai qu’une réclamation en faveur des contribuables. Lorsqu’on leur demande
des impôts, ils ne manquent pas d’avertissements ; ils savent qu’ils doivent
payer ; aujourd’hui qu’il s’agit d’une restitution, je crois qu’il serait équitable
de leur donner aussi des avertissements qu’ils ont droit à dégrèvement. Le plus
grand nombre des contribuables ne lit pas les journaux ; il y aura ignorance...
(On rit.)
Plusieurs
membres. - N’ayez pas peur !
M.
Legrelle. - Ils le sauront bien !
M.
Coghen - Les contribuables, en très grand nombre, seront punis d’avoir
payé l’impôt d’avance : la peine qu’ils devront prendre pour faire une
réclamation les empêchera de la faire. Il sera très utile de leur donner avis
des sommes payées en trop.
M. A. Rodenbach. - Pour abréger la
discussion, M. le ministre des finances a présenté un amendement ; pour abréger
aussi la discussion, je réclamerai quelques explications relativement à cet
amendement.
La demande en restitution
pour trop payé doit-elle être écrite ou verbale ? Il y a beaucoup de personnes
qui ne savent pas écrire. Je m’informerai en outre si la demande en restitution
doit être sur papier timbré. (On rit.)
On vous a entretenus du
drawback, ou du droit restitué à la sortie des eaux-de-vie fabriquées en
Belgique ; ce drawback est de 5 fr ; en apparence, mais il est vraiment
illusoire ; car on exige à la douane 3 fr. de droits, lorsque vous allez
déclarer que vous faites une expédition ; ainsi le drawback se réduit à deux
francs. Si vous voulez favoriser notre industrie, ou supprimez le droit de 3
fr. perçu pour les déclaration d’exportation, ou portez le drawback (erratum au Moniteur belge n°225, du 12 août
1835 :) à 2 fr.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois une réponse à M. E.
Desmet. Il a prétendu que le droit de 5 fr. restitué à la sortie pour les genièvres
indigènes que l’on exporte, était trop faible ; je vais lui démontrer que son
assertion est erronée. Je présenterai à la chambre quelques calculs qui lui
prouveront que le droit de 5 fr., loin d’être en dessous, est plutôt en dessus
de ce qu’il est équitable d’accorder, et que le préopinant exagère en cela les
besoins de l’industrie.
La loi sur les distilleries
a réduit l’impôt de la fabrication des spiritueux à 22 centimes par jour et par
hectolitre de matière en fermentation. L’honorable préopinant a avancé, ou du
moins la chambre a tenu pour certain, lors de la discussion de la loi sur les
distilleries, que l’on obtenait
Il m’a semblé que
l’honorable M. Desmet révoquait en doute qu’il fallait seulement 36 heures pour
faire fermenter un hectolitre de matière : je persiste à dire que ce temps de
36 heures est plutôt trop long que trop court ; car dans beaucoup de
distilleries on ne met que 30 heures pour achever la fermentation. On dit même,
aux bancs qui sont à côté de moi, qu’en 23 heures de fermentation l’alcool est
dégagé et qu’on peut procéder à la distillation.
M.
Desmet. - Ce n’est pas là la question !
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Voilà les bases qui ont été
généralement admises après de longues discussions, lorsque la chambre s’est
occupée de la loi sur les distilleries.
Or 14 hectolitres à raison
de 22 centimes par jour et par hectolitre donnent 3 fr. et 8 c. Il faut un
demi-jour de plus pour parvenir aux 36 heures ; ce qui donnera 1 fr. 54 c. En
tout, le droit de 14 hectolitres, pendant 36 heures, produira 4 fr. 62
centimes.
Ajoutons à cela le droit de
10 centimes additionnels, et nous obtiendrons enfin 5 fr. 8 c. de perception de
droits par hectolitre de genièvre.
Eh bien, si le droit de
fabrication ne s’élève qu’à 5 fr. 8 c. , il est naturel que la restitution à la
sortie soit de 5 fr.
La proposition de la
commission est donc suffisante.
Voilà ce que j’avais à
répondre à M. Desmet.
L’honorable M. A. Rodenbach
veut des explications sur ce que j’entends par demandes de restitution des
droits payés par anticipation ; il est facile de le satisfaire. Il est évident
que l’administration n’exigera pas de demandes écrites, et encore moins des
demandes écrites sur papier timbré. Le contribuable se présentera au bureau du
receveur, et la restitution sera opérée sans frais. La démarche ne sera pas
onéreuse parce que le receveur demeure au milieu des contribuables.
M. A. Rodenbach. - Mais le ministre ne répond
pas relativement au droit de 3 francs que l’on exige à la douane pour les
déclarations d’exportation des genièvres.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce droit de 3 francs est un
droit d’expédition ou de décompte : que l’on fasse sortir cent hectolitres de
genièvre ou que l’on n’en fasse sortir que dix litres, le droit est toujours le
même ; on paie par expédition et non par hectolitre.
M.
Dubus. - Messieurs, en proposant de faire cesser le 1er septembre
prochain la perception des 10 centimes additionnels votés en décembre 1834, le
ministre voudrait une exception pour la contribution personnelle et mobilière ;
il voudrait qu’elle ne cessât d’être payée que le 1er octobre. Il a été démontré
que cette exception serait injuste. Toutefois, sur cette injustice, il y a une
considération que l’on a omis de vous présenter ; et c’est pour vous la
soumettre que j’ai demandé la parole.
Le principal motif du
gouvernement pour faire admettre l’exception, c’est la difficulté plus grande
pour la restitution, c’est qu’un grand nombre de contribuables ont déjà payé
leur quote-part, y compris le subside de guerre ; et pour cela il veut faire
payer le même subside aux autres contribuables.
Cette mesure serait une
injustice flagrante, et envers ceux qui l’ont payé, et plus encore envers ceux
qui n’ont pas payé. Vous puniriez ceux qui ont payé de leur empressement. Vous
empêcheriez les contribuables de jamais payer d’avance, parce que le fisc ne
voudrait jamais rendre ce qu’il tient. C’est bien pis à l’égard de ceux qui
n’ont pas payé et qui forment les trois quarts des contribuables. Ceux-ci ne
paient le plus ordinairement que quelques mois après l’échéance, parce qu’ils
sont peu aisés. Le contribuable qui paie d’avance est l’homme fortuné ; il paie
pour son château, pour son parc, pour ses jardins ; mais le retardataire, c’est
le fermier.
Remarquez-le, dans le
royaume la contribution foncière pèse sur le fermier. On a soin d’insérer, dans
tous les baux, une clause qui met cette contribution à la charge du malheureux
fermier, qui y met même la contribution extraordinaire pour subvention de
guerre. C’est une clause banale que l’on n’oublie jamais. De ce que le fermier
a une forte contribution à payer, ce n’est pas un signe de richesse pour lui.
Il n’est pas en mesure de payer d’avance ; il n’est même pas en mesure de payer
aux échéances ; il est souvent en retard de plusieurs mois. Il serait injuste
de l’obliger à payer ce qu’il ne doit pas, puisque le motif qui a fait établir
la contribution est venu à cesser. La considération des inconvénients que l’on
veut éviter doit s’évanouir devant celle que je vous soumets.
A propos des inconvénients
qui naîtraient de la restitution, le ministre a proposé un amendement : il voudrait
qu’il y eût déchéance contre tous ceux qui n’auraient pas réclamé avant le 1er
juillet 1836. Je m’étonne qu’il n’ait pas présenté cette proposition dans le
projet de loi : la commission l’aurait examinée.
Au premier aperçu cette
disposition me paraît entraîner de grandes iniquités.
On présume que des ayants
droit à réclamer seront en retard ; eh bien, je dis que ce serait une
souveraine injustice que de prononcer la déchéance contre ceux qui n’auraient
pas réclamé en juillet, Réclamera-t-on pour un douzième, pour deux douzièmes ?
Beaucoup attendront que la contribution de l’année suivante soit échue pour
réclamer, afin de payer leurs nouvelles contributions par compensation.
Le mois de juillet est
celui où l’on paie la plus grande partie des contributions. Les rôles ne sont
quelquefois mis en recouvrement que le cinquième ou le sixième mois de l’année
; et ce n’est que le septième que l’on va payer. Peut-on attendre cette époque
pour écarter tonte réclamation ?
Le ministre devrait
prolonger le délai et attendre jusqu’au mois de juillet 1837. Je concevrais
alors que celui qui aurait paye en 1836 sans réclamer fût considéré comme ayant
renoncé à la restitution ; la présomption paraîtrait raisonnable. Le ministre
devrait au moins formuler son amendement de manière à ce que celui qui n’aurait
pas réclamé avant juillet 1836 fût déclaré n’avoir droit qu’à compensation. (Marques d’adhésion.)
La commission a proposé un
amendement, relativement aux eaux-de-vie étrangères. Je partage l’avis de ceux
qui croient qu’on ne doit pas admettre cet amendement, par le motif que le
droit qui existe sur ces spiritueux est hors de proportion avec celui qui est
établi sur les eaux-de-vie indigènes : et comme eux je ne vois pas de raison
pour augmenter encore un droit déjà trop élevé.
Quant aux autres
dispositions de la loi, j’attendrai qu’elles soient en discussion pour
soumettre quelques réflexions.
M. Eloy de Burdinne. - Je n’entends pas
entrer dans la discussion intégrale, je me bornerai à faire quelques
observations, et je répondrai à M. le ministre des finances qui a manifesté des
craintes de voir fortement s’augmenter la besogne de restitution dans le cas où
on percevrait les centimes additionnels un mois de moins. Il est peu de contribuables
qui aient payé en avance, et où se trouvent ceux qui l’ont fait ? Dans les
villes en général. Dans les campagnes, cela n’a eu lieu que par des vues
philanthropiques, afin que ne poursuivît pas les malheureux qui se trouvaient
en retard. Je crois inutile d’entrer dans de plus grands détails, et je dois
déclarer que je voterai en faveur des conclusions de la commission.
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne
rentrerai pas dans le fond de la discussion ; je ne dirai que quelques mots
relativement à l’amendement que j’ai proposé. J’ai expliqué qu’on pouvait en
cette circonstance appliquer un article d’une loi du 8 novembre qui indiquait
une déchéance de 6 mois. Les observations de l’honorable M. Dubus m’ont paru très
fondées, et je ne vois aucun inconvénient à porter à janvier 1837 l’époque de
la déchéance ; mais je prierai la chambre de ne pas la remettre plus loin,
parce qu’il est essentiel que les comptables n’aient pas un temps trop reculé
pour apurer leurs comptes.
M.
Pirson. - Un instant après l’ouverture de la discussion, il me semblait
que nous étions d’accord. Il me semblait qu’il ne s’agissait plus que de quelques
difficultés d’écriture. Mais il y a une observation de l’honorable M. Coghen
qui a besoin d’être relevée. Il nous a dit que ce que l’on recueillerait de
plus en prolongeant la perception, procurerait au trésor deux ou trois cent
mille francs qui nous aiderait pour notre déficit qui s’élève à 15 millions.
Vous sentez que deux ou trois cent mille francs signifient bien peu de chose
mis à côté de 15 millions. (Marques
d’approbation.) Mais, pour répondre au préopinant, je dirai que la banque a
reconnue être nantie environ de cette somme de 15 millions. Cela est bon à
savoir dans un pays qui a besoin de crédit. Je me suis toujours élevé contre
cette banque qui thésaurisait et accumulait, et qui sans doute, dans l’esprit
de certaines gens, réservait cette somme au roi Guillaume. (On rit.)
Quant aux difficultés
d’écriture dont a parlé M. le ministre cela ne doit pas arrêter la chambre ; il
faut bien que les employés aient un peu plus de besogne, pour que le
contribuable soit allégé, ainsi qu’il a le droit de l’attendre.
M.
Donny. - Je n’ai que peu de chose à dire. Je désire que la chambre ne
prenne pas le change sur le sens d’une proposition de la commission.
Quand la commission a
proposé de prendre pour taux de la décharge d’exportation la somme de cinq
francs par hectolitre, elle a voulu tout simplement mettre en harmonie la loi
sur les distilleries et celle qui nous occupe ; mais il n’est pas du tout entré
dans ses intentions d’indiquer à la chambre le taux auquel la décharge devrait
être portée pour rendre les exportations possibles.
Le taux actuel, 4 fr. 50
cent., et même 5 fr., est insuffisant, et la preuve qu’il l’est, c’est qu’il ne
se fait pas d’exportations. M. le ministre vous a fait un calcul, pour prouver
qu’on pourrait fabriquer du genièvre avec assez de promptitude pour que le
montant de l’accise qu’on paie à l’Etat ne fût pas supérieur au drawback
d’exportation. Mais il est à remarquer que le genièvre fait avec tant de
promptitude n’est pas du tout propre à être exporté.
Le genièvre qu’on envoie
aux Indes doit être fait avec le plus grand soin. S’il est fabriqué avec des
matières dont la fermentation a été trop accélérée, il devient louche et perd
de sa transparence quand il arrive dans les régions équatoriales. Il ne peut
dès lors lutter avec le genièvre de
- La discussion générale
est close.
On passe à la discussion
des articles.
« Art. 1er. Les dix
centimes de subvention de guerre, décrétés par l’art. 2 de la loi du 28
décembre 1834, n°972, cesseront d’être perçus sur les droits de douane, transit
et tonnage ; droits d’accises, à l’exception de celui sur les eaux-de-vie ; les
timbres collectifs et les droits de timbre, d’enregistrement, de succession,
d’hypothèque et de greffe, dont l’ouverture aura lieu à partir du premier
septembre prochain. Cette subvention cessera aussi d’être perçue, mais pour les
quatre derniers mois de la présente année, sur les contributions foncière et
personnelle, ainsi que sur le droit de patente.
Le gouvernement est
autorisé à restituer aux contribuables le prorata de ladite subvention qu’ils
auraient payée par anticipation, sur ces quatre mois, pour ces contributions ou
ce droit. Cette restitution s’opérera en déduction des recettes. »
M.
Pirson. - Je demande que l’assemblée veuille bien donner la priorité à
la rédaction de la section centrale.
M.
le président. - Cela va naturellement de droit.
M. Gendebien. -
il y a une difficulté à laquelle ne pare pas cette rédaction, et il est
toujours bon, je crois, de la prévoir.
Le dernier paragraphe porte
: « Le gouvernement est autorisé, etc. » Il pourrait naître une
difficulté pour la qualification des parties prenantes ; lorsqu’une personne se
présenterait pour recevoir, il s’agirait de savoir si c’est bien elle qui en
aurait le droit. Il peut arriver, par suite de décès, qu’il se présente des
personnes inconnues du receveur. Il faudrait donc ajouter au 2ème paragraphe,
après ces mots aux contribuables, ceux-ci : « ou aux porteurs des
quittances des receveurs. »
Maintenant, messieurs, il
pourrait arriver un autre inconvénient. Beaucoup de contribuables peuvent
ignorer qu’il y a une restitution à leur profit. Je désirerais que
l’administration envoyât un avertissement aux personnes qui seraient eu retard
de réclamer. Je ne sais pas au juste quels seraient les frais de ces
avertissements, mais je crois que pour l’administration ils ne s’élèveraient
qu’à une somme minime de 1,500 fr. environ. C’est ici une restitution que nous
faisons, il faut qu’elle soit intégrale.
M.
Mast de Vries. - J’avais demandé la parole pour présenter les
mêmes observations que l’honorable préopinant, j’y renonce maintenant.
M.
Legrelle. - Je viens également appuyer les observations des préopinants
; mais, pour les rendre plus complètes, je voudrais faire une addition ; ce
serait d’ajouter ces mots : « sans frais. » Car il pourrait arriver
que les receveurs exigeassent des quittances sur timbre, ce qu’on éviterait en mettant
ces mots : sans frais.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’une partie de
l’amendement de l’honorable M. Gendebien peut avoir quelque utilité ; quant à
la seconde, elle ne me présente pas le même avantage. La restitution s’opérant
en déduction des recettes, il faudra toujours que celui qui viendra réclamer
soit porteur de la quittance du receveur. Quant aux mots : sans frais, je ne
vois aucune opposition à ajouter ces mots, mais je les regarde comme inutiles.
Je répète donc que la première partie de l’amendement de l’honorable M.
Gendebien peut-être utile, et je m’y rallie.
M.
Gendebien. - Je ne tiens pas à honneur, car cela n’en vaut pas la
peine, qu’on admette cette partie de mon amendement ; mais je pense qu’elle
figurerait bien dans la loi. Il suffit que le doute puisse s’élever pour qu’on
doive le prévenir. Songez que par là vous mettrez le receveur fort à son aise,
et qu’il sera certain de ne devoir rien à personne quand il aura payé au
porteur de la quittance.
- La proposition de la
commission est mise aux voix et adoptée.
M. le président.
- Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement proposé par M. Legrelle à la
deuxième disposition, et qui consiste à ajouter : sans frais, à celui :
restituer.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Les mots : sans frais, seraient
mieux placés a la fin du paragraphe qu’on rédigerait comme suit : « Cette
restitution s’opérera sans frais en déduction des recettes. »
M.
Legrelle. - J’adhère à ce changement de rédaction.
M.
le président. - M. Gendebien a proposé d’ajouter au commencement de la
deuxième disposition de l’article 1er, après les mots : « Le gouvernement
est autorisé à restituer aux contribuables, » ceux-ci : « ou aux
porteurs des quittances délivrées par les receveurs. »
- Cet amendement est mis
aux voix et adopté.
L’addition des mots
« sans frais » proposé par M. Legrelle est également adoptée.
M.
le président. - Un second amendement ainsi conçu est proposé par M.
Gendebien : « Les receveurs enverront un avertissement sans frais aux
contribuables qui, au 1er juillet 1836, n’auront pas réclamé la restitution de
la subvention. »
- Adopté.
M.
le président. - Une dernière disposition est proposée par M. le ministre
des finances, Elle est conçue en ces termes :
« La demande devra en
être faite par les ayant droit, sous peine de déchéance, avant le 1er janvier
1837. »
- Adopté.
M.
le président. - D’après les amendements qui viennent d’être adoptés,
l’article 1er serait ainsi conçu…
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Il faudrait que la chambre se
décidât sur la question de savoir si elle entend maintenir l’impôt additionnel
sur les eaux-de-vie étrangères, comme le propose la commission. Si la chambre
n’admettait pas cette proposition, il faudrait replacer dans l’article de la
commission le mot indigènes après ceux : eaux-de-vie.
M.
le président. - Je mets aux voix le maintien du droit de 10 p. c. sur
les eaux-de-vie étrangères, proposé par la commission.
- Cette proposition n’est
pas adoptée.
L’art. 1er se trouve ainsi
conçu :
« Art. 1er. Les dix
centimes de subvention de guerre, décrétés par l’art. 2 de la loi du 28
décembre 1834, n° 972, cesseront d’être perçus sur les droits de douanes,
transit et de tonnage ; les droits d’accises, à l’exception de celui sur les
eaux-de-vie indigènes ; les timbres collectifs et les droits de timbre,
d’enregistrement, de succession, d’hypothèque et de greffe dont l’ouverture
aura lieu à partir du premier septembre prochain. Cette subvention cessera
aussi d’être perçue, mais pour les quatre derniers mois de la présente année
seulement, sur les contributions foncière et personnelle, ainsi que sur le
droit de patente.
« Le gouvernement est
autorisé à restituer aux contribuables ou aux porteurs des quittances délivrées
par les receveurs le prorata de ladite subvention qu’ils auraient payée par
anticipation, sur ces quatre mois, pour ces contributions ou ce droit. Cette
restitution s’opérera sans frais en déduction des recettes.
« Les receveurs
enverront un avertissement sans frais aux contribuables qui, au 1er juillet
1836, n’auront pas réclamé la restitution de la subvention.
« La demande en sera faite
par les ayant droit, sous peine de déchéance, avant le 1e janvier 1837. »
L’ensemble de l’article,
ainsi rédigé, est adopté.
Articles 2 à 4
« Art. 2. Les droits
d’accise pris en charge et ceux acquis au trésor par crédits à terme ou
autrement, depuis le 1er janvier jusqu’au 31 août 1835 inclusivement ; les
droits dus par suite de décès survenus pendant la même période, et tous autres
droits indirects dont l’ouverture aura également eu lieu du 1er janvier au 31
août compris de cette année, mais qui ne seront acquittés qu’après cette
dernière époque, demeureront passibles de la subvention de guerre. »
- Adopté.
« Art. 3. Le droit
d’accise sur les eaux-de-vie indigène reste soumis à une perception
additionnelle de 10 centimes par franc, au profit du trésor. »
- Adopté.
« Art. 4. La décharge
accordé par les articles 27 et 29 de la loi du 18 juillet 1833, n°861, sur les
distilleries, est portée de fr. 4-50 à fr. 5, à compter du 1er septembre
prochain. »
- Adopté.
Second vote des articles et vote sur l’ensemble du projet
M.
le président. - Il reste à fixer le jour du vote définitif.
M. Eloy de Burdinne. - Si nous voulons
que la loi que nous venons d’adopter ait ses effets au premier septembre, je
crois qu’il est prudent de déclarer l’urgence, afin qu’elle puisse être envoyée
au sénat pendant qu’il est encore assemblé.
Plusieurs voix. - Appuyé ! appuyé
!
M.
le président. - Je mets aux voix la proposition de M. Eloy de Burdinne,
de procéder immédiatement au vote définitif de la loi qui vient d’être
discutée.
- Cette proposition est
adoptée
M.
Legrelle. - Nous n’avons pas voté le considérant de loi.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce considérant n’avait pour
but que de motiver la présentation du projet de loi. Il ne faisait pas partie
de la loi présentée par le gouvernement.
M.
le président. - D’après cette explication, il n’y a pas lieu de donner
suite à l’observation de l’honorable M.
Legrelle.
- On passe au vote
définitif. La chambre confirme successivement les divers amendements adoptés.
On procède ensuite l’appel
nominal sur l’ensemble du projet.
Il est adopté à l’unanimité
des 71 membres qui ont répondu à l’appel. En conséquence, ce projet sera
transmis au sénat.
Les membres qui ont répondu à l’appel sont : MM.
Bekaert, Berger, Bosquet, Dequesne, Coghen, Dams,
David Fischbach, Demonceau, de Behr, de Brouckere,
Keppenne, de Jaegher, de Longrée, Stas de Volder, de Meer de Moorsel, de
Muelenaere, de Sécus, Desmaisières, Desmet, Raymaeckers, de Terbecq, de Theux,
Vandenbossche, Manilius, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Mast de Vries, Donny,
Dubois, Dubus, Pirmez, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Heptia, Frison,
Gendebien, Kervyn, Hye-Hoys, Jadot, Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps,
Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Polfvliet, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Rouppe, Schaetzen, Simons,
Thienpont, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenhove , Vanden Wiele,
Vanderbelen, Scheyven, Lejeune, Verdussen, Vergauwen, C. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke,
Wallaert, Zoude et Raikem.
M. Félix de Mérode s’est
abstenu.
Il est invité, aux termes
du règlement, à énoncer les motifs de son abstention.
M.
F. de Mérode. - Messieurs, je m’abstiens de voter contre la suppression
des 10 p. c., parce que je ne veux pas essayer inutilement de maintenir une
perception d’impôts que l’on est parvenu à présenter à beaucoup de
contribuables comme une charge sans motifs ; mais, d’autre part, je ne veux pas
concourir à diminuer les revenus publics, parce que la subvention de guerre
sera nécessaire à mes yeux, tant qu’on n’aura pas établi les casernes et les
champs de manœuvre qui manquent aux villes de garnison, et dont le défaut
oblige l’administration de la guerre à faire peser indéfiniment la charge des
cantonnements sur les communes rurales. C’est ainsi que les communes de Braine-Laleud, Mont-St-Jean, Waterloo, logent depuis 17
mois consécutifs deux batteries d’artillerie, et ces logements prolongés dans
les communes ont moralement la plus fâcheuse influence sur les habitants et les
militaires eux-mêmes. Si Bruxelles avait des casernes et un champ de manœuvre
convenables, l’artillerie y serait beaucoup mieux qu’à Braine-Laleud
et Waterloo. Il en est de même à l’égard d’autres villes propres à recevoir les
troupes qui sont depuis si longtemps cantonnées dans les villes, à leur
détriment réciproque. Un léger surcroît de contributions serait assurément bien
préférable à l’état de choses qui force un grand nombre de citoyens belges à
partager leur étroit domicile avec les militaires dont la présence dans les
villes serait aussi utile que nuisible ailleurs.
M.
le président. - Il n’y a plus rien à l’ordre du jour.
On m’informe que le projet
de loi d’organisation communale pourra être distribué ce soir. Les sections
seront convoquées pour l’examiner lundi.
- La séance est levée à 3
heures.