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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 3 avril 1835

(Moniteur belge n°94, du 4 avril 1835 et Moniteur belge n°95, du 5 avril 1835)

(Moniteur belge n°94, du 4 avril 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Verdussen procède à l’appel nominal à une heure.

M. de Renesse donne lecture du procès-verbal de la précédente ; la rédaction en est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Verdussen fait connaître l’analyse des pièces suivantes.

« La régence de la ville de St-Ghislain adresse des observations en faveur du projet présente au gouvernement par M. V. Dessigny, relativement à la mise en adjudication de chemins de fer pour transporter la houille des fosses du couchant de Mons au canal de Condé. »

« Le sieur Tact ex-intendant militaire, actuellement quartier-maître au 1er régiment de lanciers, demande à être réhabilité dans ses grades et fonctions, et à recouvrer la partie de son traitement illégalement retenu depuis le 1er septembre 1831. »

« Le sieur Max van Zantwoorde, fabricant à Thielt, demande que la chambre adopte au plus tôt une loi protectrice de l’industrie cotonnière. »

« Plusieurs habitants notables d’Alost demandent que la chambre maintienne dans la loi communale l’élection directe des échevins par les électeurs.»

« Le sieur L- B. Ducobu réclame contre la pétition de quelques sociétés charbonnières du couchant de Mons, tendant à être autorisées à faire construire des chemins de fer pour transporter leurs houilles jusqu’au canal de Mons à Condé. »

- Ces mémoires sont renvoyés à la commission des pétitions.


M. Desmanet de Biesme fait savoir qu’une indisposition l’empêche d’assister aux séances de la chambre.

Proposition de loi concernant les droits de succession sur immeubles situés en Hollande

Lecture, développements et prise en considération

M. de Brouckere donne lecture et présente les développements d’une proposition tendant à rendre applicable aux immeubles dépendant de la succession d’un habitant du royaume, situés sur le territoire hollandais et acquis par lui avant le 27 septembre 1830, la disposition de l’article 11, littera a, de la loi du 27 décembre 1817, ainsi conçue :

« Les immeubles dépendant de la succession d’un habitant de ce royaume et situés à l’étranger dans les pays qui, avant le 30 mai 1814, faisaient partie de l’empire français, seront compris dans la déclaration à raison de la moitié seulement de la valeur vénale au jour du décès, à la charge de justifier à la réquisition du préposé que ces immeubles ont appartenu au défunt avant le premier janvier 1817, ou qu’ils lui sont échus par décès depuis cette époque. » (Cette proposition et ses développements paraîtront dans le Moniteur.)

- La proposition de M. de Brouckere est prise en considération ; la chambre en ordonne l’impression et la distribution aux membres de l’assemblée.

M. le président. - La chambre désire-t-elle renvoyer la proposition de M. de Brouckere à l’examen des sections ou à une commission

M. de Brouckere. - Ainsi que je l’ai dit dans l’exposé des motifs, ma proposition est d’une justice évidente et est extrêmement simple. Je crois qu’il serait bien de la renvoyer à une commission, laquelle ferait son rapport dans un bref délai, de telle sorte que la loi fût votée avant la fin de la session.

Il est à remarquer que tant que ce projet de loi n’est pas adopté, il existe au préjudice de certains Belges une injustice que les ministres et les tribunaux ne peuvent pas réparer. Il y déjà au-delà de quatre ans que dure cette injustice. Je pense qu’il est temps de la faire cesser. Je demande donc le renvoi à une commission ; et si la chambre adopte cette proposition, j’insiste pour que la commission fasse son rapport dans un bref délai.

- La chambre ordonne le renvoi de la proposition de M. de Brouckere à une commission nommée par le bureau.

Projet de loi concernant le renouvellement de la moitié des membres des chambres législatives

Second vote des articles

Articles 1 à 5

Les 5 premiers articles de la loi ayant été adoptés sans amendement ne sont pas mis en discussion.

Article 6

La discussion est ouverte sur l’article 6 nouveau adopté sur la proposition de M. Devaux ; il est ainsi conçu :

« En cas de dissolution, les élections pour remplacer la première série sortante auront lieu, pour la chambre des représentants ainsi renouvelée, au mois de juin qui suivra la seconde session ordinaire ; et pour le sénat, s’il a été renouvelé de cette manière, au mois de juin qui suivra la quatrième session ordinaire.

Les élections en remplacement de la seconde série de la chambre des représentants auront lieu deux ans plus tard, et pour la seconde série du sénat, quatre ans plus tard.

« La session ordinaire est celle qui comprend le deuxième mardi de novembre, soit que les chambres se soient réunies ce jour même, soit quelles aient été réunies antérieurement par le Roi. »

M. Gendebien. - Je ne puis me dispenser de faire remarquer encore une fois à la chambre les graves inconvénients qui peuvent résulter de la disposition que l’on vous propose d’adopter définitivement aujourd’hui.

Veuillez remarquer qu’il résulte de cette disposition combinée avec l’article 5 de la loi qu’il s’agit de voter, que depuis le deuxième mardi de juin jusqu’au deuxième mardi de novembre le pays ne sera pas représenté, et que la chambre ne sera constituée que pour une moitié de ses membres, toutes les fois que, dans l’intervalle de ces 5 mois, il y aura une convocation extraordinaire et d’urgence, n’importe pour quel motif. Ces convocations extraordinaires auront lieu plus spécialement pour les cas prévus par la constitution, lesquels sont très urgents par leur nature.

Le résultat de la disposition proposée sera que la nation se trouvera alors dépourvue d’une représentation constituée, et que la chambre qui se réunira sera, avant tout, obligée de se constituer et de vérifier les pouvoirs de la moitié de ses membres.

Eh bien, s’il y a mauvais vouloir dans la majorité, dans la moitié qui sera restée constituée, elle pourra faire traîner pendant 15 jours la vérification des pouvoirs ; pendant ce temps le pays ne sera pas représenté. Dans les circonstances graves où la chambre sera réunie, c’est un mal qu’il importe d’éviter ; et ce mal est sans remède si vous adoptez la disposition proposée.

Pourquoi déroger à l’esprit de la constitution et au texte de la loi antérieure, alors que ce changement ne présente aucun avantage et qu’il présente de graves inconvénients ?

J’aurai l’honneur d’indiquer un article de la constitution, d’après lequel les chambres doivent dans un cas déterminé être convoquées nécessairement d’urgence ; c’est l’article 79 qui trace une règle de prévoyance qu’il n’y a aucun motif d’écarter, et que toutes sortes de raisons vous convient au contraire à conserver.

Veuillez, je vous prie, écouter attentivement la lecture de cet article ; il est ainsi conçu : « Art. 79. A la mort du Roi, les chambres s’assemblent sans convocation, au plus tard le dixième jour après celui du décès. Si les chambres ont été dissoutes antérieurement, et que la convocation ait été faite dans l’acte de dissolution pour une époque postérieure au dixième jour, les anciennes chambres reprennent leurs fonctions, jusqu’à la réunion de celles qui doivent les remplacer. S’il n’y a eu qu’une chambre dissoute, on suit la même règle à l’égard de cette chambre (…) »

Eh bien, vous voyez que les auteurs de la constitution n’ont pas voulu que le pays fût désarmé de la représentation nationale en aucun moment. Ils ont prévu un cas d’urgence où les deux chambres, alors même qu’elles ont été dissoutes, ont le droit de siéger et doivent siéger, ne fût-ce que pour 24 heures, où elles doivent se réunir immédiatement.

Je vous demande maintenant pourquoi dévier de ces mesures de prudence. Qu’on dise si cet article est inutile, quels avantages résultent de l’article 5 et de l’amendement de M. Devaux, quels inconvénients offre l’amendement que j’avais proposé et qui rentre dans celui de M. Dumortier ?

Quels inconvénients a-t-on signalés dans ma proposition ? On a dit qu’il ne convenait pas que les membres remplacés siégeassent, alors que les électeurs leur avaient désigné des successeurs. Eh bien, si cela ne convient pas pour quelques membres appelés à renouveler périodiquement la chambre, comment cet inconvénient n’a-t-il pas empêché le congrès de prendre la disposition de l’article 79 de la constitution, portant que, alors même que les deux chambres auront été dissoutes, c’est-à-dire, alors qu’il y aura des chances pour qu’un plus grand nombre de membres aient été remplacés, ces membres remplacés seront néanmoins appelés à siéger, et ce dans une circonstance aussi grave que celle du décès du Roi ? Qu’on réponde à cela. Qu’on dise ce qu’on fera lorsqu’il y aura urgence de convoquer la chambre dans les circonstances graves prévues par la constitution et dans le cas de guerre que j’ai également indiqué. Si l’on convoque les nouveaux élus, il faudra d’abord procéder à la vérification des pouvoirs ; 10 jours se passeront ainsi. Pendant ce temps les circonstances qui auront motivé la convocation extraordinaire, ne pourront-elles pas beaucoup s’aggraver ? Que fera-t-on alors ? Qu’on le dise.

M. Devaux. - J’ai déjà répondu plusieurs fois aux arguments que vient de présenter l’honorable M. Gendebien ; je vais encore y répondre.

Que le mandat de membre des chambres expire au mois de juin, ou au mois de novembre, il faudra toujours que les pouvoirs soient vérifiés. Vous ne pouvez pas empêcher que le renouvellement des chambres n’entraîne la vérification des pouvoirs de la moitié de leurs membres. Ainsi, dans l’un et l’autre cas, vous avez cet inconvénient inévitable que les travaux des chambres sont retardés par la vérification des pouvoirs.

On demande quel avantage il y a à fixer l’époque de l’expiration du mandat au mois de juin plutôt qu’au mois de novembre. Il y a là avantage en faveur des électeurs ; au moins l’opinion des électeurs est représentée, et il n’arrivera plus comme sous l’ancien gouvernement, et notamment à l’époque de la révolution, que l’on convoque comme députés des hommes auxquels les électeurs avaient signifié qu’ils ne voulaient plus d’eux.

C’est ainsi que l’honorable président de cette chambre, quoique ayant été désigné par les électeurs pour siéger aux états-généraux, ne put pas en faire partie, il fallut convoquer des élus non seulement dont le mandat était expiré, mais auxquels, je le répète, les électeurs avaient signifié qu’ils ne voulaient plus d’eux pour les représenter. C’était là assurément un inconvénient des plus graves.

Le congrès, dit-on, a admis que dans certains cas l’ancienne chambre devait siéger alors même que la dissolution avait eu lieu ; mais, à l’époque où la chambre aurait été dissoute, les électeurs n’auraient pas signifié aux députés qu’ils avaient cessé de les représenter. Le congrès a admis à siéger comme députés les membres de la chambre dissoute jusqu’à la réunion des membres nouvellement élus, mais il n’a pas décidé que les nouveaux élus ne devaient pas siéger, et que ceux qu’ils remplaçaient devaient siéger encore.

D’ailleurs, j’ai signalé un bien autre inconvénient, et un inconvénient qui se présenterait chaque année. Il est reconnu que le mois de novembre est une époque beaucoup trop tardive pour la convocation des chambres et que si on ne change pas l’époque du commencement de l’exercice, il faudra que les chambres soient convoquées plus tôt et tout au plus tard au mois d’octobre. Avec le système que l’on veut faire prévaloir les membres de l’ancienne chambre devront se réunir au mois d’octobre ; le mois de novembre viendra ; les nouveaux élus siégeront alors, et continueront des travaux que d’autres auront commencés. Des membres entreront, d’autres sortiront.

Je crois qu’il aura suffi de signaler ces inconvénients pour faire voir que la proposition de l’honorable M. Gendebien ne peut pas être admise.

S’il fallait de nouveaux arguments, je ferais remarquer que, dans le cas d’une session extraordinaire du mois de juin au mois de novembre, vous ne pourrez forcer à siéger les membres qui n’auront pas été réélus ; or, il est probable qu’à moins de cas très graves ceux-ci donneront leur démission. Que ferez-vous alors ? Les nouveaux élu ne pourront pas siéger ; il faudra donc que les électeurs nomment des députés qui siégeront jusqu’à ce que les nouveaux élus puissent prendre séance ! Vous voyez donc que le système qu’on vous propose a un grand nombre d’inconvénients que n’offre pas le système adopté en dernier lieu par la chambre.

M. Verdussen. - Mon intention n’est pas précisément de parler sur la modification qu’a apportée dans la loi l’amendement de M. Devaux en ce qui concerne l’époque de la sortie des membres des chambres. Mais un doute s’est élevé dans mon esprit sur la légalité du troisième paragraphe de l’amendement de M. Devaux. Ce paragraphe, qui n’est que la définition de la session ordinaire, porte : « La session ordinaire est celle qui comprend le deuxième mardi de novembre, soit que les chambres se soient réunies ce jour même, soit qu’elles aient été réunies antérieurement par le Roi. »

D’après cette rédaction, il semblerait que le deuxième mardi de novembre fait nécessairement partie de la session ordinaire, ou au moins que le deuxième mardi de novembre doit nécessairement être compris dans une session. Voyons s’il en est ainsi.

L’article 70 de la constitution porte : « Les chambres se réunissent de plein droit chaque année, le deuxième mardi de novembre, à moins qu’elles n’aient été réunies antérieurement par le Roi. Les chambres doivent rester réunies chaque année au moins 40 jours. Le Roi prononce la clôture de la session. Le Roi a le droit de convoquer extraordinairement les chambres. » Il est donc possible que les chambres se réunissent avant le deuxième mardi de novembre ; d’un autre côté, le deuxième paragraphe de l’article 70 porte que « les chambres doivent rester réunies chaque année au moins 40 jours ».

D’après cela je suppose que le Roi use de son droit de convoquer les chambres avant le deuxième mardi de novembre ; qu’il les convoque, par exemple, le 1er août, et prononce la clôture de la session à la fin d’octobre ; nous aurons été réunis pendant 3 mois ; nous serons donc dans les termes du deuxième paragraphe de l’article 70 de la constitution.

Pensez-vous que malgré cela il faudra qu’au deuxième mardi de novembre les chambres se réunissent de plein droit ? Je ne le pense pas ; les chambres, ayant été réunies pendant plus de 40 jours, ne devraient pas, ce me semble, se réunir de plein droit en novembre.

D’après cela vous voyez que le deuxième mardi de novembre peut n’appartenir à aucune session ; car, dans l’hypothèse que je viens de poser, si au mois de novembre nous ne sommes pas convoqués extraordinairement par le Roi, nous serons tranquillement chez nous.

Dès lors, si je ne me trompe, il n’est pas exact de dire que « la session ordinaire est celle qui comprend le second mardi de novembre. » Il vaudrait mieux dire, je crois, que la session ordinaire est celle dans laquelle est voté le budget des voies et moyens. En effet le budget des voies et moyens est vote chaque année ; et ce vote ne peut pas être scindé. Si vous dites que la session ordinaire est celle où est voté le budget des dépenses, on ne saura pas quelquefois quelle est la session ordinaire, car le budget des dépenses peut être scindé, nous en avons des exemples. Le budget des dépenses du ministère de l’intérieur peut être voté dans une autre session que le budget des dépenses de la guerre, que, le budget des dotations, etc. Mais il est impossible que le budget des voies et moyens soit scindé ; on pourrait donc définir la session ordinaire celle où est voté le budget des voies et moyens.

Je borne là mes observations ; car, je l’avoue franchement, ce n’est pas sans défiance que je les présente, lorsque c’est l’honorable M. Devaux qui est l’auteur de l’amendement sur lequel il s’agit de voter définitivement.

M. Gendebien. - On m’a répondu, et on a cru répondre victorieusement à ce que j’ai dit, relativement à la vérification des pouvoirs, en faisant remarquer qu’au deuxième mardi de novembre comme au deuxième mardi de juin il y aurait des vérifications de pouvoirs à faire. Vous allez juger, messieurs, combien cette réponse est pertinente.

En maintenant les pouvoirs des élus du peuple jusqu’au moment où les nouveaux élus sont admis dans la chambre, il n’y a aucun intervalle de temps durant lequel la nation n’est pas représentée ; il y a toujours moyen de réunir les chambres à tout instant. Seulement, si c’est quelques jours avant le deuxième mardi de novembre, la veille ou l’avant-veille, qu’arrive un événement qui exige la convocation extraordinaire des chambres, alors il est indispensable de vérifier les pouvoirs ; mais le pays ne reste réellement sans représentation nationale que depuis le deuxième mardi de novembre jusqu’à ce que les pouvoirs aient été vérifiés, c’est-à-dire pendant 7 ou 8 jours au plus.

M. Devaux. - Cela revient au même.

M. Gendebien. - Comment ! « Cela revient au même. » Non pas ; car pour que cela revînt au même, il faudrait qu’un événement grave arrivât précisément la veille ou l’avant-veille du deuxième mardi de novembre ; autrement, à telle époque que l’on voudra, on peut convoquer les chambres, et les pouvoirs de leurs membres n’auront pas besoin d’être vérifiés. Tous les députés conserveront leurs pouvoirs jusqu’au deuxième mardi de novembre ; la chambre restera constituée, tandis que si vous faites cesser les pouvoirs à partir du deuxième mardi de juin, il est certain que la moitié de la chambre ne sera pas constituée jusqu’à la vérification des pouvoirs.

Il est donc vrai de dire qu’à partir du deuxième mardi de juin, la nation ne sera pas représentée, puisque la moitié de la représentation nationale n’aura pas qualité pour s’occuper des affaires même les plus urgentes.

Vous voyez qu’on ne m’a pas répondu, en disant qu’il faudrait également vérifier les pouvoirs au mois de novembre ou à toute autre époque, car ici il reste chaque année un si petit nombre de jours où la vérification des pouvoirs retarderait les travaux des chambres, qu’il est presque impossible que cela se réalise. Au lieu de cinq mois où le commencement de la session des chambres serait absorbé par des vérifications des pouvoirs, vous n’aurez que cinq ou six jours où il en sera ainsi. C’est une énorme différence qui a été sentie par le congrès, alors qu’il a voulu que, même dans le cas de dissolution, la chambre dissoute fût réunie, ne fût-ce que pour 24 heures. Tant il a senti qu’on ne devait jamais laisser la nation sans représentation.

On vous a dit que l’on avait reconnu la nécessité de changer l’époque de la discussion des budgets, c’est-à-dire de l’année financière ; que si, par exemple, on voulait discuter les budgets en octobre, il faudrait d’abord que les anciens membres soumis à la réélection siégeassent momentanément, pour être remplacés ensuite par les nouveaux élus. Mais lorsque vous en serez à changer l’année financière, vous changerez l’époque où cessera le mandat des membres des chambres. Si vous voulez discuter les budgets au mois d’octobre, au lieu de les discuter au mois de novembre, vous déciderez que le mandat expire au mois d’octobre au lieu d’expirer au mois de novembre ; ainsi tombe l’objection que l’on a faite, et il n’y a plus aucune espèce d’inconvénients.

On a dit que la chambre à laquelle appartiendraient des députés remplacés ne viendrait plus siéger ; que ces députés donneraient leur démission. Mais s’il y avait cette chance de démissions, il y aurait chance de démissions bien plus nombreuses encore, dans le cas prévu par l’article 79, celui de la dissolution des chambres. Car on doit supposer que, dans des élections générales à la suite d’une dissolution, il y aura plus de députés remplacés que dans des élections partielles pour le renouvellement des chambres.

Eh bien, messieurs, ces observations n’ont pas arrêté le congrès. On a senti que, pour le cas d’urgence, il fallait trouver sous la main une chambre toute constituée ; qu’il fallait que l’ancienne chambre siégeât pour prendre une résolution. Mais quand les cas d’urgence arriveront, vous serez obligés d’attendre plusieurs jours, 10 jours, 15 jours peut-être, s’il y a mauvaise volonté, s’il y a hostilité. Et cette supposition d’hostilité je puis me la permettre, car on l’a faite souvent dans cette chambre. Dans les circonstances extraordinaires, les passions sont en jeu, et elles pourront profiter de la vérification des pouvoirs pour apporter des retards qui laisseront le mal sans remède.

Veuillez-y réfléchir ; je vous parle avec pleine conviction. Je ne vois aucune espèce d’inconvénient à laisser les choses comme elles étaient par le congrès, et je vois de grands inconvénients à faire des changements.

M. Verdussen vient de faire une observation fort sérieuse : voilà ce qui arrive quand on improvise des lois. La législature ne doit jamais se hâter. Il ne faut pas revenir sur une disposition législative sans de longues méditations, surtout si on ne signale aucun inconvénient résultant des dispositions existantes.

M. le président. - Voici l’amendement de M. Verdussen : « La session ordinaire est celle dans laquelle les chambres auront voté le budget des voies et moyens. »

M. Gendebien. - L’honorable M. Devaux vous a dit que les opinions des électeurs devaient être représentées, et qu’elles ne le seraient pas si, après avoir fait leurs choix nouveaux, les derniers députés nommés étaient exclus momentanément par les anciens. Il a cité l’exemple de ce qui s’est passé en 1830, pour appuyer son opinion ; eh bien, je me servirai du même exemple pour prouver les graves inconvénients qui résulteraient du changement du système adopté par le congrès.

Il y avait urgence à prendre une résolution en 1830. Si le roi Guillaume avait agi de bonne foi sur la question relative à la séparation des deux pays, peut-être n’y aurait-il pas eu révolution. Quoi qu’il en soit, si alors on eût été obligé de faire une vérification de pouvoirs du tiers des membres, on aurait passé quatre ou cinq jours à cette opération préliminaire et comme à cette époque les passions étaient en jeu, on aurait même pu prolonger la vérification des pouvoirs pendant un grand nombre de jours : si cet inconvénient ne s’est pas présente alors, c’est que l’ancienne chambre a pu se réunir, comme l’autorise encore 79 de notre constitution.

On vous a dit que, dans l’article 79 de la constitution, il s’agissait de tout autre chose que dans la loi actuelle ; que, par l’article 79 de la constitution, le congrès veut que l’ancienne chambre dissoute se réunisse parce que les électeurs n’ont pas encore désigné les nouveaux élus qui auront leur confiance : cette observation est tout à fait oiseuse et manque de vérité ; car l’article 79 suppose au contraire le cas où les élections sont faites.

Je dis qu’aux termes de l’article 79 il n’y aurait que 24 heures à siéger avant le terme fixé pour la réunion de la nouvelle chambre, l’ancienne doit se réunir. « Si les chambres ont été dissoutes antérieurement, et que la convocation ait été faite dans l’acte de dissolution pour une époque postérieure au dixième jour, les anciennes chambres reprennent leurs fonctions jusqu’à la réunion de celles qui doivent les remplacer. » Ainsi vous voyez que les observations faites par M. Devaux tombent à faux.

Le congrès savait très bien que les élections pourraient être faites lors de la réunion extraordinaire ; il a supposé que lors même qu’il n’y aurait que 24 heures à s’écouler encore, l’ancienne chambre devrait siéger. Le congrès avait très bien senti la nécessité d’écarter toutes les entraves, tous les retards à une délibération prompte en cas d’événements graves.

Je n’insisterai pas davantage, messieurs ; je ne veux que protester contre des dispositions que vous êtes déterminés à adopter.

M. Devaux. - Je répondrai peu de mots aux objections qui sont faites.

Il s’agit du délai de vérification des pouvoirs. Ce délai se présentera dans deux cas, et pour qu’il se présente, il ne faudra pas seulement que l’événement supposé arrive au mois de novembre, cela pourrait avoir lieu encore quand l’événement arriverait au mois d’octobre. L’inconvénient signalé se présenterait plus souvent dans le système de l’honorable membre, car il est probable que l’on ne changera pas l’année financière actuellement établie, et que l’on se réunira avant novembre afin de pouvoir voter les budgets. Il est désirable en effet que les députés entrent en session ordinaire avant novembre.

Quoi qu’il en soit, s’il se présente un événement grave, dans un cas comme dans l’autre, vous sentez que la vérification des pouvoirs se ferait d’une manière pressée ; déjà on est arrivé à ne pas s’en occuper longtemps. C’est surtout pour les cas graves qu’il est à désirer que le pays ait une véritable représentation nationale : dans le cas d’une vacance du trône, dans le cas de guerre, dans d’autres cas très graves, il faut que les hommes qui représentent l’opinion actuelle des électeurs soient appelés à prendre une décision, et non les hommes auxquels les électeurs n’ont pas continué à donner leur confiance.

J’arrive à l’amendement de M. Verdussen.

La définition de la session ordinaire n’est pas d’une très grande importance. Une session ordinaire peut ressembler à une session extraordinaire. La réunion la plus ordinaire a lieu au deuxième mardi de novembre, et c’est ce motif qui a dicté ma définition. On pourrait être réuni au mois d’août et la session pourrait être close avant novembre ; cela est possible, je le sais, mais cela est bien peu probable. Toutefois je ne sais si les chambres doivent nécessairement être réunies au deuxième mardi de novembre ; mais je crois que si les chambres sont réunies avant cette époque, elles le seront encore à cette même époque.

Je ne mets cependant pas d’opposition à l’adoption de l’amendement présenté par M. Verdussen. Je ferai seulement remarquer qu’il pourrait y avoir deux budgets votés dans une session. Nous pouvons par exemple, changer l’année financière ; en mettre le commencement au mois de juillet, voter un premier budget des voies et moyens pour six mois, puis en voter un autre pour douze mois : ces deux votes compteront-ils pour deux sessions ou pour une session ? Voila une question à résoudre. Autre exemple. Il y a de grands changements à faire à la loi des recettes ; le ministère peut réunir les chambres en juillet pour effectuer ces changements, faudra-t-il les réunir encore en novembre ? Voilà encore une question a résoudre.

Je le répète en terminant, je ne m’oppose pas à l’adoption de l’amendement de M. Verdussen.

M. Jullien. - A mon avis la loi viole à la fois et la constitution et la loi électorale, et est contraire à l’opinion des publicistes sur la manière dont doivent s’effectuer les renouvellements partiels : toutefois ce n’est pas une raison pour la rendre moins mauvaise s’il est possible.

Si vous voulez vous laisser aller aux craintes que l’on veut vous inspirer relativement à un inconvénient, vous vous laisserez entraîner à concevoir des craintes éternelles. Si vous admettez, dit-on, l’ancien système de la loi électorale, il arrivera que les députés remplacés par les nouvelles élections se trouveront encore obligés de venir siéger dans la chambre, entre l’élection nouvelle et l’époque à laquelle ils devaient sortir de la chambre : sans doute cela arrivera ; et il est nécessaire qu’il en soit ainsi. Si vous détruisez cette précaution, vous détruisez une des garanties les plus précieuses que la législature ait données au pays. Il ne faut pas qu’une nation soit jamais sans législature.

Pourquoi les élections se font-elles avant novembre ? C’est afin qu’il y ait toujours une représentation disponible ; c’est afin qu’il y ait toujours des hommes prêts à entrer en fonctions quand les autres en sortiront. C’est là toute l’économie de la loi.

Ce n’était donc pas trop de fixer les élections avant l’époque des réunions ordinaires. Cette garantie va disparaître.

Mais, dit-on, les députés non réélus ne viendront pas ; ils seront découragés : il me semble que l’on a ici une triste idée des hommes qui ont eu la confiance du pays et qui en ont reçu un mandat. Ils savaient bien que ce mandat n’était que pour un temps déterminé ; ils sont obligés de le remplir dans toute son étendue comme tous les autres fonctionnaires, ils ne peuvent sortir de leur poste avant d’être remplacés. Un homme qui a mérité la confiance du pays, quand même il ne serait pas réélu, ne doit pas déserter son poste avant l’expiration de son mandat.

L’exemple cité de M. Raikem prouve que les hommes qui n’avaient pas été réélus étaient cependant désireux de remplir leurs fonctions jusqu’au dernier jour, et qu’on écartait ceux qui avaient été nouvellement nommés. Les députés savent bien que leurs places ne sont pas inféodées. S’il arrive que les électeurs nous retirent leur confiance, ce n’est pas une raison pour que nous ne remplissions pas nos devoirs ; la défiance que l’on nous témoigne est injurieuse, et je la repousse.

De toute nécessité, il faudra toujours que l’on procède aux élections avant le renouvellement des chambres afin qu’il n’y ait pas de vacances.

Les observations faites à cet égard par M. Gendebien sont pleines de justesse et de vérité. Je les appuie. Néanmoins, que l’article soit adopté ou rejeté, je l’ai déjà dit, je voterai contre la loi. Je voudrais pourtant que l’inconvénient disparût.

M. Devaux. - J’ai dit dans mon article que les élections auraient lieu en juin ; il faudrait déterminer le jour ; ce jour pourrait être indiqué au deuxième mardi de juin.

- Plusieurs membres. - Cela est inutile.

M. Devaux. - Je retire ma proposition.

M. Fallon. - Je ne partage pas les scrupules exprimés par l’honorable M. Verdussen. Il me semble que le dernier paragraphe ne laisse aucun doute. M. Verdussen s’est demandé si dans le cas où le Roi aurait convoqué les chambres au premier août, et aurait clos la session avant le deuxième mardi de novembre, on devrait considérer cette session comme session ordinaire, et si dans ce cas les chambres ne devraient puis se réunir de plein droit le deuxième mardi de novembre. Je crois qu’il n’y a pas de doute à cet égard : il faut que les chambres se réunissent le deuxième mardi de novembre. Le paragraphe dont il s’agit n’y met aucun empêchement. En effet il est ainsi conçu :

« La session ordinaire est celle qui comprend le deuxième mardi de novembre, soit que les chambres se soient réunies ce jour même, soit qu’elles aient été réunies antérieurement par le Roi. »

Ainsi on ne considère comme session ordinaire que celle qui contient le deuxième mardi de novembre ; donc les autres seront des sessions extraordinaires. Cela est clair comme le jour.

M. Verdussen. - Si j’ai bien compris l’honorable préopinant, je dois persister à soutenir mon amendement ; car il me paraît que dans son sens il donnerait à l’amendement de M. Devaux une portée telle qu’il modifierait la constitution. La constitution impose deux conditions pour qu’il y ait session des chambres : la première, que la réunion ait été convoquée par le Roi ou que la réunion ait eu lieu de plein droit, en novembre ; la seconde, que la réunion ait duré au moins 40 jours.

Ces 40 jours pourraient même être divisés : je suis disposé à croire que deux sessions de 20 jours chacune formeraient ensemble les 40 jours exigés. L'amendement de M. Devaux tendrait à dire que les convocations faites avant le deuxième mardi de novembre sont illusoires, puisqu’il faudrait que la chambre se réunît encore une fois. Il faut donc une autre définition de la session ordinaire, pour n’être pas en contradiction avec l’article 70 de la constitution. Mon amendement détermine mieux, à ce qu’il me semble, ce que l’on doit entendre par session ordinaire.

M. Fallon. - Ce que dit M. Verdussen prouve qu’il ne comprend pas l’amendement de M. Devaux comme je le comprends ; ainsi cet amendement donne lieu à des doutes sérieux. Il faut savoir si les chambres doivent se réunir en novembre, après avoir été convoquées auparavant par le Roi ; c’est une question à décider.

- L’amendement de M. Verdussen mis aux voix est adopté.

L’article ainsi modifié est également adopté.

Vote sur l’ensemble

Il est procédé à l’appel nominal sur le vote de l’ensemble de la loi.

70 membres sont présents.

69 répondent à l’appel.

1 seul s’abstient.

49 adoptent.

20 rejettent.

En conséquence la loi est adoptée. Elle sera transmise au sénat.

Ont adopté : MM. Bekaert, Bosquet, Brabant, Coghen, Cols, Coppieters, Davignon, de Behr, A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Man d’Attenrode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux, Dewitte, d’Hane, d’Huart, Donny, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Hye-Hoys, Lardinois, Legrelle, Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers, Pollénus, Raikem, A. Rodenbach, Schaetzen, Simons, Smits, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Verrue, C. Vuylsteke L. Vuylsteke, Watlet.

Ont rejeté : MM. Corbisier, Cornet de Grez, de Brouckere, de Meer de Moorsel, de Puydt, Desmet, Doignon, Fallon, Fleussu, Frison, Gendebien, Jadot, Jullien, Liedts, Nothomb, Potfvliet, Trentesaux, Vanden Wiele, Vanderheyden, Vergauwen.

M. Helias d’Huddeghem. - Je me suis abstenu de prendre part au vote parce que je n’ai pas entendu la première lecture de la loi.

Ordre des travaux de la chambre

M. de Brouckere. - Messieurs, la session touche à son terme. Je crois qu’il importe que la chambre fixe dans un bref délai quels sont les projets de loi dont la chambre s’occupera avant la fin de la session, quel est l’ordre dans lequel elle s’en occupera.

Pour pouvoir fixer cet ordre, il conviendrait que la chambre ordonnât l’impression de la liste des projets soumis à son examen tant par le gouvernement que par des membres de cette assemblée. Dès que cette liste sera imprimée, l’on pourra décider quels seront les projets dont on s’occupera avant la fin de la session, et quel ordre il est possible de prendre. Il est important que nous discutions avant notre séparation les projets reconnus urgents par la chambre et par le gouvernement lui-même.

Je fais donc la proposition que la liste des projets de loi soit imprimée. (Appuyé.)

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je désire que la chambre veuille bien fixer à demain la discussion du projet de loi sur les péages du chemin de fer. (Appuyé.)

M. de Puydt. - Je demande que cette discussion soit remise à lundi. Il est impossible que nous ayons le temps d’ici à demain de nous préparer sur une question aussi importante. La plupart des sections qui l’ont examinée n’en ont pas compris la gravité. Dans la section centrale elle s’est présentée sous une face toute nouvelle. D’abord il semblait qu’il ne s’agissait que d’établir un simple péage. Il s’agit, d’après les explications de M. le ministre, de l’exploitation de la route par le gouvernement, d’affermer la route au profit du gouvernement. Je n’ai pas eu le temps d’examiner cette grave question. Il faut au moins vingt-quatre heures pour se rendre compte de tous les détails.

M. Verdussen. - Je demande que la discussion du projet de loi de la route en fer soit fixée à demain. La section centrale l’a examiné et n’y a pas apporté beaucoup de changements. Il ne peut donc nécessiter une étude sérieuse. Il y a assez longtemps que nous l’avons eu sous les yeux. Nous aurons vingt-quatre heures pour examiner le projet de loi d’ici à demain.

M. Legrelle. - J’appuie d’autant plus la motion de M. le ministre de l’intérieur que si nous fixions à lundi la discussion du projet de loi relatif au péage de la route en fer, il n’y aurait plus rien à l’ordre du jour de demain. La chambre serait obligée de chômer. Ce ne peut être notre intention, le temps est trop précieux, pour que nous perdions une seule journée. Vous savez d’ailleurs, financièrement parlant, ce que coûte au pays une journée perdue pour la chambre.

M. de Puydt. - Il n’est pas exact de dire que nous ayons 24 heures d’ici à demain pour examiner le projet, du moins ceux qui font partie de plusieurs commissions. C’est le cas dans lequel je me trouve. Nous avons tous les jours des séances pour l’affaire du canal de Charleroy. A 9 heures du matin la commission du projet de loi concernant les expropriations pour cause d’utilité publique se réunit. Nous ne pouvons trouver le temps de siéger dans toutes les commissions à la fois. J’insiste pour que la discussion de la loi sur les péages soit fixée à lundi.

M. Gendebien. - L’examen du projet présenté par M. le ministre de l’intérieur dans la section a révélé des irrégularités. Au premier abord on a cru qu’il ne s’agissait que de fixer le péage sur la route en fer. Dans la section à laquelle j’appartiens, personne ne s’est imaginé qu’il s’agissait d’autre chose que de régler les péages. L’on nous dit maintenant qu’il s’agit d’affermer l’exploitation du chemin de fer. C’est tout autre chose. Il fallait au moins, si l’on ne voulait pas en faire mention dans les articles, que le gouvernement nous dît quelque chose qui pût nous donner l’éveil sur ses intentions.

Je ne pense pas, d’ailleurs, que le rapport de la section centrale ait été déposé sur le bureau.

- Plusieurs membres. - Il a été distribué.

M. Gendebien. - Ceux qui l’ont lu ont pu s’apercevoir qu’il s’agissait de tout autre chose que de régler des péages de la route en fer. A quoi servirait l’examen des sections s’il pouvait dépendre d’un ministre de se rendre à la section centrale et de dire : J’ai demandé une chose très simple, parce que je n’ai pas voulu que les sections s’occupassent de la véritable question ?

Un membre de la section centrale vient de nous dire qu’il s’agit non seulement de régler les péages de la route en fer, mais aussi d’affermer la route, d’exploiter les transports, comme en Prusse, pour le compte du gouvernement. Je demande que M. le ministre de l’intérieur nous donne des explications sur la portée de son projet.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’avoue que j’ai été fort étonné d’entendre un honorable membre de la section centrale dire qu’il n’était pas question dans le projet de l’exploitation pour le compte du gouvernement. Voici ce que je disais dans l’exposé des motifs de la loi :

« Lors de la mémorable discussion qui eut lieu dans le sein des chambres, sur le projet général du chemin de fer, il a été reconnu en principe que la nouveauté, en Belgique, des moyens de transport par une pareille voie rendait nécessaire l’intervention directe du gouvernement dans l’exploitation première de la route, attendu que cette intervention devait le mettre à même d’apprécier exactement et les revenus et les besoins du service. »

M. Gendebien. - Mais le texte de la loi !

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il n’y a rien dans le texte qui soit contraire à l’exposé que je viens de lire. Il était nécessaire que le gouvernement commençât par exploiter la route pour son propre compte, à l’effet d’en connaître les revenus. C’est pour cet objet que nous en avons demandé l’autorisation aux chambres.

M. Fallon. - A moins qu’il ne soit démontré que la discussion du projet est tellement urgente qu’elle ne puisse être fixée à lundi, je demande l’exécution de notre règlement. Le règlement veut qu’il y ait au moins deux jours d’intervalle entre la distribution du rapport et la discussion d’une loi. Le rapport a été distribué hier. Je demande donc que, conformément au règlement, la discussion du projet de loi sur les péages soit fixée à lundi.

M. Gendebien. - De ce que M. le ministre a annoncé aux sections qu’il croyait l’intervention du gouvernement nécessaire dans l’exploitation première de la route en fer, il ne s’en suit pas qu’il leur ait fait connaître son intention d’exploiter exclusivement la route au profit de l’Etat. Cette intervention, nous pouvions la trouver dans la perception du droit de péage à établir sur le chemin de fer. Je conçois très bien qu’il faille que le gouvernement connaisse les revenus de la route pour qu’il ne soit pas trompé dans les adjudications futures. Mais aller au-delà, établir des voitures sur la route, c’est l’exploitation exclusive par le gouvernement...

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - C’est ce que nous demandons.

M. Gendebien. - C’est ce que je n’ai pas compris d’après votre expose des motifs et je comprends le français tout aussi bien que vous, M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La lecture du troisième paragraphe de l’exposé des motifs réfutera suffisamment les assertions de l’honorable préopinant.

« Le mode de régie directe, auquel nous avons cru devoir nous arrêter, n’offre d’ailleurs aucun inconvénient ; mais il présente au contraire l’inappréciable avantage de faire fructifier immédiatement, au profit de l’Etat, toutes les parties du chemin, au fur et à mesure de leur achèvement, et de fournir au gouvernement, par la pratique d’exploitation, tous les éléments qui doivent servir à une tarification définitive et à la rédaction des cahiers de charges et des règlements de voirie, si, plus tard, le mode d’exploitation par adjudication venait à être préféré. »

M. de Puydt. - J’avais avancé que dans les sections l’on n’avait pas compris la portée de la proposition de M. le ministre. J’affirme de nouveau mon assertion. Cela est tellement vrai, que lorsque les rapporteurs des sections vinrent à la section centrale, je me vis obligé de leur lire les deux passages dont M. le ministre de l’intérieur vient de vous donner lecture pour les convaincre que le gouvernement se proposait d’exploiter la route par régie. C’est sur mon observation que de nouveaux détails furent demandés, par la section centrale à M. le ministre. Jusque là chacun des membres croyait qu’il ne s’agissait que d’établir un simple péage.

M. Jullien. - L’honorable M. Legrelle pense que les représentants de la nation doivent être comme Titus, qu’il ne faut pas qu’ils puissent dire : J’ai perdu ma journée. En conséquence l’honorable député d’Anvers propose de fixer la discussion du projet de péages à demain. Mais M. le ministre de l’intérieur qui a cherché à réfuter diverses allégations n’a pas répondu à l’observation faite par l’honorable M. Fallon au sujet du règlement. Le règlement veut que la chambre ait deux fois 24 heures pour examiner les projets dont le rapport lui est soumis par la section centrale, à moins qu’il n’y ait urgence. M. le ministre de l’intérieur n’a rien dit sur la question d’urgence. Il y a donc lieu d’exécuter le règlement.

Tout ce qu’a dit M. le ministre en réponse à MM. Gendebien et de Puydt, roule sur ces deux phrases contradictoires : « Vous m’avez compris. Je ne vous ai pas compris, » question qui est toujours insoluble.

J’appuie la motion de M. de Puydt, par les raisons que cet honorable membre et M. Gendebien ont données.

- La discussion du projet de loi sur les péages du chemin de fer est fixée à lundi.


La motion d’ordre de M. de Brouckere est adoptée.

En conséquence, la liste des projets de loi soumis à l’examen de la chambre sera imprimée.

Rapports sur des pétitions

(Moniteur belge n°95, du 5 avril 1835) M. Zoude, rapporteur de la commission des pétitions, monte à la tribune et s’exprime en ces termes. - « Par pétition en date du 12 février 1835, le sieur Jacques Strunck, à Namur, né à Arnhem (Gueldre), demande la naturalisation. »

« Par pétition en date du ... février 1835, le sieur L. Thomassin, marchand tailleur, à Liége, né en Prusse et habitant la Belgique depuis 1811, demande la naturalisation. »

« Par pétition en date du 16 janvier 1835, le sieur Devillers-au-Tertre, lieutenant-colonel de la garde civique du canton de Dalhem (Liége), demande la naturalisation. »

« Par pétition en date du 24 décembre 1834, le sieur H.-J. Dupont, à Dours (Hainaut), né à Ghysignies (France), demande la naturalisation. »

« Par pétition en date du 28 février 1835, le sieur Jean-Jacques Junemann, à Liége, né à Brême, habitant la Belgique depuis 1819, demande la naturalisation. »

« Par pétition en date du 9 février 1855, le sieur Coudroy, à Tournay, sergent-major au 12ème régiment de ligne, né Français, demande la naturalisation. »

« Par pétition en date du 2 mars 1835, le sieur C. Keller, capitaine au 8ème régiment de ligue, né en Suisse, renouvelle sa demande de naturalisation. »

Renvoi de toutes les pétitions ci-dessus au ministre de la justice.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Le conseil communal de Chênée (Liège) réclame contre les surtaxes qu’éprouve leur commune, par suite des opérations cadastrales. »

Votre commission s’est entourée de renseignements sur le mérite de cette pétition, et il en est résulté que le village de Chênée, de fort peu d’importance lors de la première expertise cadastrale, sous le gouvernement français, Chênée est devenu une des communes les plus vivantes de la province depuis qu’elle est traversée par la nouvelle route de Liége à Chaudfontaine, Spa, Verviers et la Prusse ; que c’est depuis lors qu’il s’y est élevé un grand nombre de bâtiments et d’usines, telles que brasseries, distilleries, raffineries de sel ; enfin que la prospérité de cet endroit est élevée aujourd’hui à tel point que la recette des contributions directes et des accises est des plus productives de la province. Aussi les propriétés bâties et autres y ont acquis un accroissement considérable de valeur.

D’ailleurs, il est à remarquer que, lors de la tenue de l’assemblée cantonale, aucune réclamation ne s’est élevée sur les opérations cadastrales.

D’après cet exposé, votre commission vous propose le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.

M. Legrelle. - Je ne trouve pas le renvoi au bureau des renseignements suffisant, ce n’est pas dans la commune dont les habitants ont pétitionné seulement, que les abus ont lieu. Il est donc important que le gouvernement s’explique à cet égard : les opérations cadastrales intéressent tout le pays.

Je demande le renvoi de la pétition à M. le ministre des finances.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Il me semble que la chambre doit se borner à renvoyer aux différents ministres, comme on l’a dit dans une séance précédente, les pétitions qui offrent un certain intérêt et paraissent plus ou moins fondées.

Les habitants de la commune dont il s’agit se plaignent d’une surtaxe, d’une augmentation d’impôt dans le principal de la contribution foncière,

Mais il résulte des renseignements pris par les honorables membres de la commission des pétitions que cette augmentation à une cause toute naturelle, qu’elle provient des bâtisses considérables qui ont eu lieu dans cette commune et de la construction d’une nouvelle route qui la traverse et qui a fait surgir une foule de nouveaux établissements industriels. Les propriétés ayant augmenté de valeur et le nombre des maisons s’étant considérablement accru, il était naturel que le principal de la contribution foncière éprouvât une augmentation.

Si dans la requête on ne signale aucun fait précis, si les pétitionnaires ne se plaignent pas de surtaxe injuste, il n’y qu’une chose à faire et c’est même déjà beaucoup, il faut déposer la pétition au bureau des renseignements. Les membres qui connaissent les localités pourront examiner cette pétition, et voir, mieux que ne pourrait le faire le ministre des finances, si les plaintes sont fondées. Mais le renvoi au ministre des finances ne servirait à rien.

M. Legrelle. - Les motifs que vient de développer l’honorable ministre des affaires étrangères pour me combattre, ne me paraissent pas fondés. Qu’a-t-il dit ? Que la commune a pris de l’extension et que le principal de la contribution foncière s’est élevé en raison des habitations nouvelles qui ont été construites. Messieurs, j’ai de la peine à croire qu’on se fût plaint s’il n’y avait eu par ce motif qu’une augmentation dans le chiffre de la contribution générale de la commune ; mais il y a des individus qui se plaignent d’être imposés plus qu’ils ne l’étaient précédemment.

On dit qu’il n’y a pas eu de réclamation dans le principe, que tout le monde a paru content. Je répondrai à cela que non seulement dans les petites communes, mais dans les grande villes, les habitants ont signé de confiance, sans savoir ce qu’ils faisaient.

Plusieurs habitants d’Anvers sont venus me consulter sur ce qu’ils devaient faire, et je leur ai donné moi-même le conseil de signer. Ce qui a fait qu’on a approuvé les opérations cadastrales, c’est qu’on n’avait jugé que de la péréquation de telle propriété avec telle autre, et on l’avait trouvée exacte ; mais c’est quand on a comparé la péréquation de canton à canton qu’on a trouvé des inégalités choquantes, on a vu que tel canton payait beaucoup plus que tel autre et qu’il ne devait payer. De là viennent les réclamations qui vous sont adressées et qui vous signalent des erreurs sur lesquelles il faudra nécessairement revenir.

C’est ce motif qui m’a fait demander le renvoi de la pétition au ministre des finances. Je craindrais, si on se bornait à ordonner le dépôt au bureau des renseignements, qu’on n’invoquât plus tard cette décision pour écarter une question grave sur laquelle il faudra statuer après mûr examen.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Quant à moi, je n’ai rien allégué, je n’ai fait que répéter ce que M. le rapporteur de la commission des pétitions nous a fait l’honneur de nous dire. Il a dit que la commission s’était entourée de tous les renseignements possibles, qu’il était résulté de ses investigations que la construction d’une nouvelle route pavée qui traversait la commune avait fait surgir une foule d’établissements industriels nouveaux, à tel point que les impôts indirects de cette commune, qui auparavant était sans importance, étaient devenus les plus élevés de la province, et que l’industrie ayant pris de l’accroissement, la valeur de la propriété foncière avait augmenté dans la même proportion.

Si ces faits sont vrais, et j’ai lieu de le croire puisque la commission s’est entourée de tous les renseignements possibles ; si les faits sont vrais, dis-je, il était nécessaire que le principal de la contribution foncière éprouvât une augmentation.

Je ne vois pas pourquoi, dans cet état de choses, on renverrait la pétition dont il s’agit au ministre des finances. En ordonnant le dépôt au bureau des renseignements, l’honorable député d’Anvers pourra vérifier les faits et agir ensuite comme il croira convenable.

M. Eloy de Burdinne. - Je demanderai si la pétition est signée par des particuliers ou par l’administration locale.

M. Zoude, rapporteur. - Elle est signée par un particulier.

M. Eloy de Burdinne. - J’aurai l’honneur de faire observer que l’administration du cadastre, dans un grand nombre de communes, a considérablement élevé la valeur locative des habitations, non seulement dans les localités où de nouvelles routes ont été construites, mais encore dans celles où on n’en a pas construit.

Je ferai remarquer aussi que, dans ces localités, ce ne sont pas les habitations au-dessus de 20 florins de valeur locative, mais celles au-dessous de ce chiffre qu’on a élevées. Je me suis assuré que dans un canton l’administration cadastrale, lors de sa seconde opération, a porté à 20 florins de valeur locative des habitations qu’elle n’avait portées qu’à 7 florins à la première opération. De cette manière on augmente le nombre des personnes imposées à la contribution personnelle, car vous savez qu’on n’est imposé à la contribution personnelle que quand on occupe une habitation d’une valeur locative de 20 florins et au- dessus.

Je pense donc, comme M. Legrelle, que la question est grave. Vous aurez à l’examiner. Je sais de science certaine que nombre de localités vous adresseront des pétitions et que vous en recevrez en masse. J’appuie en conséquence le renvoi au ministre des finances.

- Le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre des finances sont ordonnés.


M. Zoude, rapporteur. - « Plusieurs marchands de charbon de Maubeuge, Péronne, Antoing, demandent que les bateaux parcourant le bief de partage du canal de Pommeroeul soient obligés de payer le droit entier lorsqu’ils sont destinés à dépasser le pont de Roucourt. »

Si l’on veut adopter un principe de nivellement tel que la houille doive arriver au foyer du consommateur avec un droit uniforme de péage, il faut adopter la proposition des pétitionnaires. Mais, si ce principe conduit à l’absurde, il faut la repousser ; nous disons absurde, car si on doit l’admettre pour les houilles, il faut l’admettre également pour le fer. Dès lors, la forgerie de Luxembourg devrait réclamer le même privilège que celle de Charleroy, c’est-à-dire de ne supporter, pour arriver au marche de Bruxelles, qu’un péage de 7 fl. 45 c. par mille kilogrammes, pour tous les droits de barrières ensemble et c’est ce que le Luxembourg ne demande pas ; il désire, au contraire, d’être mis en position de payer beaucoup de barrières. C’est pourquoi il prie instamment le gouvernement et la chambre de lui accorder des routes, pour pouvoir apporter sur vos marchés ses nombreuses richesses en plâtre, marbres, fers, plombs, ardoises et bois de construction, qui restent enfouis ou périssent sur pied, faute de moyens de transport.

Me résumant, votre commission a l’honneur de vous proposer le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Onze bateliers de Dinant réclament une loi équitable sur les patentes des bateliers. »

Déjà, par une disposition législative, vous avez été au-devant de la réclamation des pétitionnaires en accordant une somme de 100 mille francs pour alléger la charge des patentes que supportent les bateliers. Votre commission propose le dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Plusieurs bateliers de Mons se plaignent de l’élévation du droit de patente, et demandent la réduction de trois quarts du droit de tonnage. »

La pétition des bateliers de Mons a un double objet, d’abord celui d’obtenir une réduction du droit de patente, ce à quoi il a été satisfait au moyen de la somme de 100,000 francs dont je viens de parler.

Le second objet est une réduction de 3/4 du droit de tonnage pour les bateaux qui prenant charge sur le canal de Mons, sont destinés pour la France.

Pour apprécier le mérite de cette réclamation, il est bon de se rappeler les circonstances qui ont précédé la création du canal d’Antoing. Avant son établissement, les bateaux qui avaient chargé pour les Flandres et le bas Escaut, devaient transiter par Condé, où ils étaient assujettis au droit exorbitant de 200 fr. environ par bateau.

C’est en vain qu’on fit des efforts pour engager le gouvernement français à se relâcher de la rigueur d’un pareil péage ; alors, comme aujourd’hui, la France resta sourde à toutes les réclamations ayant nos intérêts matériels pour objet, et force fut au roi Guillaume d’accueillir les doléances des sociétés charbonnières du Hainaut, et de faire construire le canal d’Antoing ; ce canal achevé, il arriva ce qu’on avait prévu ; le gouvernement français, instruit à ses dépens, supprima le droit de Condé ; mais c’était trop tard, la dépense était faite ; et c’est pour subvenir aux frais d’entretien, au paiement des intérêts et à l’amortissement du capital de ces dépenses, que l’on a établi un péage qui n’est guère que le tiers de celui que l’on payait à Condé.

Ce péage doit-il être réduit des trois quarts, comme le demandent les pétitionnaires ? Votre commission estime que pour le moment il n’y a pas lieu à en délibérer ; elle vous propose, en conséquence, le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.

Vous avez, messieurs, dans la conduite du gouvernement français à cette époque, la mesure de ce que vous pouvez attendre de vos négociations ; il est temps d’user de notre indépendance, de cesser de nous repaître de promesses fallacieuses : consultons et agissons d’après nos propres intérêts, et soyons persuadés que si la France avait pu nous faire plus de mal, sans se nuire à elle-même, elle l’eût fait sans hésitation.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Plusieurs habitants des communes de Moorsel, Mildert et Basdegen, demandent l’achèvement de la route de Vilvorde à Alost. »

La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur.

M. Desmet. - Messieurs, je dois appuyer le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur, car cette route est de la plus grande importance ; elle n’est pas seulement une route qui conduit d’Alost à Malines, mais elle est la continuation de la route provinciale d’Audenaerde à Anvers ; toute la partie de cette route qui passe dans la province du Brabant est déjà achevée ; l’administration de cette province en avait senti toute la nécessité, mais son travail et les dépenses qu’il a occasionnées n’auront aucune utilité, si la lacune entre le village de Moorsel et les limites de la province du Brabant reste ouverte, Je ne puis donc trop recommander cette route à M. le ministre de l’intérieur.

M. Dewitte. - Une pétition semblable à celle dont on vient de faire le rapport a déjà été mise sous les yeux de la chambre. J’ai pris alors la parole pour la recommander spécialement à M. le ministre de l’intérieur.

Je lui rappellerai encore que la partie de la route dont il s’agit, qui reste à faire, doit établir la communication entre Anvers et Audenaerde.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur F.-J. de Ghouy, cultivateur à Peruwelz (Hainaut), demande une disposition législative qui autorise l’aliénation des domaines de l’Etat. »

Le pétitionnaire expose qu’il jouit par bail emphytéotique de certaine portion de bien sur lequel repose son habitation ; que ce bail étant à la veille d’expirer, il en a demandé le renouvellement qui lui a été refusé par le ministre, attendu l’absence d’une disposition législative à cet égard.

Votre commission, considérant que si l’intérêt de l’Etat l’exige, c’est au ministre des finances qu’il appartient de vous présenter un projet de loi qui l’autorise à semblable contrat, a l’honneur de vous proposer de lui faire le renvoi de cette pétition.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Un grand nombre de propriétaires de la province de Liége demandent que le cadastre soit mis à exécution, et qu’il soit opéré une nouvelle réduction de 10 p. c. sur les évaluations. »

La commission vous propose le renvoi de cette pétition à la commission du cadastre.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Royer, inspecteur provincial du cadastre, adresse des explications sur l’indemnité dont il réclame le paiement. »

L’un des membres de votre commission, en sa qualité de rapporteur du cadastre, a dit à la chambre que le supplément de l’indemnité de 2 cents accordée aux inspecteurs provinciaux avait pour objet des pièces à fournir aux receveurs de l’enregistrement, lorsque l’on établirait un nouveau régime hypothécaire.

Ce que le rapporteur avançait alors pour les 2 cents, il peut déjà le prouver par une pièce presqu’officielle pour 1 1/2 cents. Cette pièce est la copie d’une disposition de l’administrateur général M. Guerick, en date du 8 juin 1830, par laquelle il autorise les gouverneurs à disposer en faveur des inspecteurs de 1 1/2 pour les dépenses qu’ils seront dans le cas de faire, afin de fournir les copies, etc., au bureau de la conservation des hypothèques et d’enregistrement, ces copies étant une expédition des tableaux indicatifs des propriétaires et des propriétés, ainsi que des matrices cadastrales de toutes les communes.

Dans le système de cette loi qui est resté en projet, les receveurs de l’enregistrement auraient été chargés d’opérer les mutations d’après toutes ces copies.

Mais rien de cela n’étant fait, il suit naturellement que le pétitionnaire n’est pas fondé dans sa demande ; toutefois nous avons l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à la commission du cadastre.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Cinq experts du cadastre, de l’arrondissement de Nivelles, réclament le paiement des indemnités qui leur sont acquises. »

« Six experts du cadastre, de l’arrondissement de Louvain élèvent la même réclamation. »

Votre commission ne peut attribuer qu’à l’insuffisance des fonds alloués au ministre des finances pour 1834, le retard dont les pétitionnaires se plaignent avec juste raison ; et sans doute M. le ministre des finances a pris les dépenses arriérées en considération lors de la formation de son budget de 1835. Votre commission vous propose de lui faire le renvoi de ces deux pétitions.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Les sieurs Dureul-Devos et Dupré Ribaucourt, tanneurs, se plaignent du refus du ministre des finances de leur accorder, avec exemption de droit, le sel nécessaire à leur fabrication. »

Un nouveau projet de loi sur le sel faisant dans ce moment l’objet des méditations de M. le ministre des finances, votre commission vous propose de lui faire le renvoi de cette pétition.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Thomassin, tailleur à Liége, réclame le paiement des livrances faites par lui, en 1831, au bataillon des tirailleurs liégeois. »

Déjà, messieurs, vous aviez reçu une première réclamation sur le même objet, et vous en aviez ordonné le renvoi à M. le ministre de la guerre, ce qui n’avait pas fait accueillir plus favorablement la demande de sieur Thomassin ; c’est pourquoi votre commission avait conclu d’abord à une demande d’explications ; mais nous avons pensé depuis que peut-être on éviterait une discussion oiseuse, qui aurait pu même devenir irritante faute de renseignements suffisants, et nous avons demandé au ministre de nous faire connaître les motifs de son refus envers Thomassin. Nous avons reçu la réponse dont je vais avoir de vous donner lecture. (M. le rapporteur donne cette lecture.)

Ces explications nous ont paru suffisantes pour motiver l’ordre du jour que votre commission vous propose.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur A. Vanswae, propriétaire à Jette-Ganshoren, demande que fasse cesser la perception extraordinaire des centimes additionnels qui n’avait été consentie, en 1816, que pour des travaux de routes, abandonnés depuis longtemps. »

Le pétitionnaire, dont la plainte pourrait être fondée, ne paraît pas avoir adressé sa réclamation à l’autorité qui devait en connaître d’abord.

Votre commission, conformément aux antécédents de la chambre, à l’honneur de vous proposer l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Quatre brasseurs, à Beersel et Uccle, se plaignent des entraves qu’ils éprouvent dans leur fabrication, par suite des mesures arbitraires ordonnées par l’inspecteur des contributions et accises de l’arrondissement. »

Les pétitionnaires se plaignent d’être lésés dans leurs moyens de fabrication par une mesure inconnue à leurs confrères des communes voisines ; que cette disposition, en leur ôtant la faculté de faire le nombre de brassins auxquels ils étaient habitués, leur est très préjudiciable en même temps qu’elle est nuisible au trésor.

Votre commission pense qu’il suffira que M. le ministre des finances ait connaissance de cette plainte pour qu’il y soit fait droit si elle est fondée ; c’est pourquoi elle vous propose de lui faire renvoi de cette pétition.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Plusieurs habitants du canton d’Avesnes exposent leur malheureuse position par suite de la baisse du grain et des bestiaux, et demandent que le gouvernement négocie avec la France, pour faire abaisser le droit sur les bestiaux. »

Les pétitionnaires se plaignent du bas prix des céréales et de celui des bestiaux ; ils attribuent le premier à l’entrée des grains étrangers, le dernier au droit exorbitant qui frappe nos bestiaux à leur entrée en France ; ils demandent un remède à leurs maux.

Par la loi des distilleries et celle des céréales, la chambre a fait ce qui a dépendu d’elle pour adoucir la situation des pétitionnaires sous le rapport du prix des grains.

Par la loi sur la sortie du bétail, la chambre a levé le droit et a fait cesser les formalités gênantes qui en entravaient la sortie.

Quant au droit imposé par la France, on sait que notre gouvernement négocie depuis longtemps pour faire baisser ce que le tarif français présente d’exorbitant ; ce droit, qui pouvait avoir ses motifs lors de notre réunion à la Hollande, n’est plus soutenable aujourd’hui que nous en sommes séparés. Cependant, messieurs, voilà près de quatre ans que nous négocions et que notre gouvernement ne reçoit que des promesses dont l’exécution est toujours ajournée. La longanimité du gouvernement doit être maintenant épuisée, et au nom du pays, la commission provoque des mesures énergiques de représailles. Elle vous propose le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.

M. Eloy de Burdinne. - Une pétition à peu près identique à celle qui vient d’être rapportée a été adressée à divers membres de la chambre de la part d’un grand nombre de cultivateurs et distillateurs de Louvain, qui se plaignent de l’introduction par fraude du bétail gras hollandais, qui approvisionne presque tous nos marchés.

Je crois devoir appeler l’attention de M. le ministre des finances sur ce point, afin qu’il fasse surveiller davantage la frontière hollandaise. Par ce motif, je demande que la pétitions dont il s’agit lui soit renvoyée.

Le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre des finances sont ordonnés.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Vincent Baugniet, géomètre-arpenteur, demande une loi qui oblige tous les propriétaires de terrains non clos de faire borner leurs terrains avec des pierres. »

L’adoption du projet présenté par le pétitionnaire serait certainement utile, et particulièrement aux géomètres dont les talents trouveraient alors beaucoup d’emploi.

Votre commission a l’honneur de vous proposer le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Lambiotte fils, de Barvaux, demande que les chambres invitent le ministre de l’intérieur à donner les explications qui lui ont été demandées sur la pétition des habitants de Barvaux, pour l’achèvement de la canalisation de l’Ourthe. »

Si l’exposé des faits consignés dans la pétition est vrai, deux circonstances réclament l’attention de la chambre.

La première, que depuis l’établissement des travaux de la canalisation de l’Ourthe, de Barvaux à Liége, les malheurs y seraient fréquents à chaque crue d’eau.

La seconde, que la société dite de Luxembourg percevait à son profit des droits de barrière dont elle ne devait jouir que lorsque la navigation aurait été ouverte à des bateaux du port de 40 tonneaux.

D’après ces faits, le pétitionnaire demande que le gouvernement veuille prendre des mesures pour faire achever au moins la partie du canal de Barvaux à Liége, ou bien fasse cesser non seulement la perception du droit de barrière, mais ordonne en outre la destruction des ouvrages qui, dans leur état d’imperfection, sont la cause des malheurs fréquents qui signalent cette navigation.

Nous pensons, messieurs, que les faits allégués par le pétitionnaire sont assez graves pour appeler l’attention de M. le ministre, et la commission désire qu’il se fasse assurer de l’état réel des choses pour y porter remède, s’il est possible.

Nous vous proposons donc le renvoi à M. le ministre de l’intérieur.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Poncin-Caroqui réclame la prompte exécution du canal de Meuse et Moselle. »

La commission, appuyant la demande du pétitionnaire, vous propose le renvoi de cette pétition au ministre de l’intérieur. »

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Quatre raffineurs de sel de Courtrai adressent des observations sur le projet de loi relatif au sel. »

« Plusieurs sauniers de Templeuve adressent des observations sur le même projet. »

« Plusieurs sauniers d’Ypres proposent diverses modifications à la loi sur le sel. »

Ces pétitions soulèvent plusieurs questions dont la commission de révision des lois financières pourra s’occuper avec fruit ; c’est pourquoi votre commission vous en propose le renvoi au ministre des finances.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Le conseil communal de Temploux réclame l’intervention de la chambre pour que la commune soit déchargée des cantonnements militaires. »

Sur la demande de MM. les représentants du district de Namur, le ministre de la guerre a fait retirer les militaires cantonnés à Temploux. Cette pétition devenant ainsi sans objet, nous avons l’honneur de vous en proposer le dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Comes-Duchâteau demande que les bois sciés du Nord, soient frappés d’un droit tel qu’ils ne puissent plus nuire aux scieries indigènes. »

Pour apprécier l’importance de la pétition qui vous est soumise et qui a été précédée de plusieurs autres du même genre qui ont échappé à l’attention de la chambre, votre commission croit utile de vous faire remarquer que le Nord, d’où proviennent les bois dont il est ici question, paie peu ou point de contributions pour les propriétés boisées ; que l’ouvrier qui réduit le bois en planches y vit d’un salaire très modique ; que le fret pour faire arriver ces bois dans l’intérieur du royaume est tellement minime qu’il équivaut à peine au prix du transport pour une distance de 25 à 50 kilomètres sur nos mauvaises routes ; que ces bois viennent en concurrence sur nos marchés avec ceux de nos forêts, dont la contribution exagérée fait l’objet de beaucoup de réclamations qui vous ont été soumises, et dont la commission du cadastre aura à vous entretenir bientôt ; que nos scieries sont imposées aussi à des contributions élevées que nos scieurs en bois sont eux-mêmes assujettis à des droits de patentes inconnus aux scieurs du Nord ;

Que cependant, pour compenser tous les désavantages, le bois de chêne du Nord, converti en madriers ou en planches, n’est soumis qu’à un droit d’entrée de 50 centimes par mille kilos ;

Que le droit qui sur les autres bois est établi à la valeur n'est guère plus élevé puisqu’ils sont aussi faibles en prix qu’en qualité ;

Que ce tarif admet le placage au droit de 2 p. c., tandis que les Français, toujours pleins de sollicitude pour nos intérêts matériels, repoussent les nôtres par le droit prohibitif de 230 francs les cent kilos ;

Que cette tarification indique bien sa source néerlandaise sacrifiant la Belgique à la Hollande, sacrifice d’ailleurs qui n’a pas été dissimulé par le gouvernement de Guillaume lorsque l’aliénation des bois de l’Etat été discutée au conseil et dans les sections des états-généraux, où l’on a cherché à prouver que la conservation des forêts était désormais inutile puisque la Hollande par sa navigation pouvait fournir à meilleur compte tous les bois nécessaires aux constructions civiles et navales du royaume.

Cependant on n’ignorait pas que, dans tout Etat où il y a prévision de l’avenir, on doit conserver certaine proportion entre les terrains boisés et les terres arables. On savait d’ailleurs l’influence que les forêts exercent sur l’état atmosphérique, et que c’est aux élévations boisées que l’on doit les sources des fontaines, des rivières, et les pluies qui répandent la fertilité dans les campagnes.

Votre commission en a dit assez pour démontrer que des motifs du plus haut intérêt doivent décider le gouvernement à protéger nos forêts, en frappant les bois étrangers d’un droit suffisamment élevé. Et c’est pour qu’il veuille en faire l’objet de ses méditations, que votre commission a l’honneur de vous proposer le renvoi de la pétition du sieur Comes-Duchâteau à M. le ministre des finances.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Les délégués de l’industrie gantoise adressent un mémoire explicatif de la conduite qu’ils ont tenue lors de l’enquête provoquée par l’industrie cotonnière. »

La conduite de la commission d’industrie cotonnière a été suffisamment justifiée à la chambre et envers la nation. C’est pourquoi votre commission croit inutile d’entrer dans de nouveaux développements à cet égard, et vous propose le dépôt de ce mémoire au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur d’Hauregard redresse les erreurs commises par les auteurs du mémoire des fabricants de Gand, quant au nombre d’étrangers signataires du mémoire des marchands cotonniers de Bruxelles. »

Le sieur d’Hauregard fait connaître à la chambre l’erreur des auteurs du mémoire de l’industrie gantoise, lorsqu’ils ont avance que, parmi les 15 signataires de la réponse des marchands de Bruxelles, la majeure partie étaient étrangers, tandis que ceux-ci n’étaient qu’au nombre de 4.

Il ajoute qu’il a été déposé à la commission d’industrie une nouvelle lettre d’adhésion revêtue de 25 signatures, parmi lesquelles il signale 9 Belges de naissance, d’intérêt et d’affection.

Votre commission vous propose le dépôt de cette pièce au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Grand nombre de marchands détaillants des villes de Bruxelles et de Tournai réclament contre le projet proposé par les députés des Flandres. »

Ces messieurs vous exposent que la pétition des fabricants de Gand les plonge dans une consternation d’autant plus grande que la prohibition provoquée s’applique particulièrement aux articles de grande valeur, qui sont précisément ceux sur lesquels ils obtiennent les plus beaux bénéfices.

Cet aveu justifie la sollicitude des réclamants pour les intérêts des consommateurs, et ce n’est pas la première fois que ces messieurs ont dit avec candeur que le prix des manufactures du pays étant trop connu, ils ne pourraient plus vendre avec autant d’avantages, c’est-à-dire, qu’ils devraient cesser de vendre à des prix exagérés.

Votre commission vous propose le renvoi de cette pétition à la commission d’industrie et à la section centrale qui sera chargée de l’examen du projet de loi sur la matière.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Grand nombre de cultivateurs et de fabricants de garance déclarent adhérer à la proposition des députés des Flandres. »

La garance de Hasselt est fort recherchée par nos cotonniers. Ou sait en effet que, mélangée dans une certaine proportion avec celle de Zélande et d’Avignon, elle donne plus de vivacité et de solidité aux couleurs. Aussi les cultivateurs et fabricants de garance, étant intimement liés d’intérêts avec les cotonniers prennent leur recours vers la chambre pour appuyer de tous leurs efforts la mesure de protection qui vous est proposée par MM. les députés des Flandres.

Votre commission vous propose le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Goens, fabricant de coton à Termonde, adhère à la proposition des députés des Flandres. »

Il est de la justice de la chambre d’accueillir la proposition des députés des Flandres, dit le pétitionnaire, parce que c’est sous la foi d’une loi politique qui leur assurait 13 millions de consommateurs que les industriels cotonniers ont enfoui dans leurs établissements des capitaux considérables, qui sont à là veille d’être anéantis si on ne leur accorde protection.

Votre commission vous propose le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Trois fabricants de cotonnettes, calicots, etc., à Piétrain, adhèrent à la réclamation des fabricants de Gand, en faveur de cette industrie. »

Les pétitionnaires appuient par des arguments puisés dans l’intérêt général la proposition qui vous est faite en faveur des cotonniers du royaume.

Dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Soixante fabricants et négociants en huile, de la Flandre orientale, demandent que le droit de 20 fr. par mille kil, à l’entrée sur les huiles étrangères, soit appliqué à l’huile de baleine. »

Votre commission n’a pu recueillir des renseignements suffisants sur les faits avancés par les pétitionnaires, tant sous le rapport des quantités importées que sur l’influence que l’huile de baleine peut exercer sur la santé des citoyens, et cette dernière influence, nous l’avouons, c’est la première fois que nous l’entendons invoquer : toutefois, sans la nier, ni la connaître, nous pensons que c’est au gouvernement à s’en assurer et à provoquer ensuite telle mesure que la santé publique peut lui suggérer.

Votre commission, ne s’occupant de cet objet que sous le rapport commercial, ne partage pas l’inquiétude des pétitionnaires sur le découragement de l’agriculture ; le haut prix de l’huile nous porte à croire que la culture des plantes oléagineuses ne sera abandonnée de longtemps.

Toutefois, messieurs, votre commission estime que, sans nuire à une industrie importante, celle des corroyeurs, le droit sur l’huile de baleine importée par navire étrangers devrait être plus fortement imposée, surtout que la pêche de ce cétacé, dénuée de toute protection chez nous, reçoit de puissants encouragements chez nos voisins.

Rappelons-nous d’ailleurs que nos huiles de colza sont encore chargées d’un droit très élevé en France.

Votre commission vous propose le double renvoi de cette pétition au ministre de l’intérieur et à la commission d’industrie.

M. Dewitte. - En séance du 3 mai 1834, l’honorable M. de Puydt a fait rapport sur deux pétitions identiques ; l’une de plusieurs fabricants d’huile de Courtrai et des environs, l’autre de plusieurs négociants d’huile d’Alost.

La conclusion de la commission tendait au renvoi de cette pétition au ministre des finances et à la commission d’industrie. J’ai pris alors la parole pour exposer à la chambre l’importance et l’urgence des demandes y contenues.

J’ai été assez heureux de faire partager mon opinion par la chambre, attendu qu’elle a adopté ma proposition d’ajouter à la conclusion de la commission les mots « avec demande de s’en occuper promptement. »

La pétition que l’honorable rapporteur vient d’analyser, prouve que cette décision est restée jusqu’ici sans résultat. Je me vois donc obligé de reproduire ici ma proposition d’ajouter à la conclusion de la commission sur cette dernière pétition les mots : « avec demande de s’en occuper promptement et efficacement, » et de demander qu’elle soit aussi renvoyée au ministre des finances.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur Alexandre, licencié en philosophie et lettres, adresse des observations sur la répartition des fonds alloués aux établissements d’instruction dans la province de Luxembourg. »

Votre commission avait d’abord envisagé cette pétition comme pouvant donner quelques renseignements sur la meilleure manière de répartir entre les divers collèges la somme que vous avez allouée pour l’instruction secondaire dans la province de Luxembourg ; c’est pourquoi elle avait conclu au dépôt de cette pétition au bureau des renseignements. Mais depuis, nous avons cherché à connaître la valeur de ces observations, et nous avons reconnu que cette pétition ne renfermait que des assertions calomnieuses sur le collège de Virton, ce qui nous est démontré par des pièces officielles que nous pouvons communiquer à la chambre ; dans cet état de choses, votre commission vous propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Zoude, rapporteur. - « Plusieurs bourgmestres, conseillers communaux et notables du canton de Kerkraede, s’opposent au projet de mettre les houillères de Kerkraede en location. «

Pour former son opinion sur la question soulevée par les pétitionnaires, il a suffi à votre commission de reporter ses souvenirs sur la discussion qui a eu lieu dans la séance du 2 de ce mois, à l’occasion du crédit demandé pour les houillères de Kerkraede, et votre commission a partagé avec M. Schaetzen la crainte que le pays avait éprouvée sur les suites d’une location qui, dans des mains avides de jouir, aurait pu compromettre une exploitation qui, bien dirigée, peut fournir, dans bien des siècles encore, le seul combustible que ces cantons possèdent.

D’ailleurs il ne nous a pas paru politique d’augmenter les inquiétudes d’une population dévouée et destinée peut-être dans un avenir plus ou moins éloigné à retomber sons le joug d’un maître vindicatif ; toutefois nous partageons avec M. le ministre des finances l’espoir qu’un pareil avenir ne se réalisera jamais, et puis, comme l’a dit ce ministre, la dépense n’a excédé la recette que de 1,300 francs ; et cependant il a été construit une machine à vapeur de la force de 40 chevaux qui amènera, sans doute, un résultat prospère.

En appuyant les pétitionnaires, nous engageons le gouvernement à faire surveiller les travaux de manière à ce qu’ils soient exécutés avec plus de régularité qu’ils ne l’ont été jusqu’à ce jour. Ce sont les expressions consignées dans la pétition, dont nous vous proposons le renvoi au ministre des finances.

Une pétition sur le même objet vient de vous être présentée de la part de plusieurs communes qui, pour les motifs déjà indiqués, s’opposent à la mise en location de la houillère de Kerkraede.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Zoude, rapporteur. - « Grand nombre d’habitants de Bruxelles et autres lieux demandent que les chambres abrogent les dispositions législatives qui empêchent le sieur Lubin de faire usage de son spécifique. »

« Le sieur Frédérick, de Bruxelles, réclame la même disposition. »

Une maladie presque inconnue avant la conquête de l’Egypte par Napoléon, une maladie qui a envahi et désole l’armée depuis notre adjonction à la Hollande, l’ophtalmie enfin qui s’est montrée longtemps rebelle aux moyens curatifs employés par la science médicale, semble avoir trouvé tout à coup quelque soulagement dans un spécifique du sieur Lubin, et quelques cures signalées ça et là ont bientôt fait accueillir avec enthousiasme la découverte d’un remède à une maladie qui a livré tant de victimes à une nuit éternelle.

Mais il faut faire la part de l’exagération et se rappeler que toutes les panacées, tous les spécifiques ont conquis tour à tour la confiance d’une partie moins éclairée de la société, et la médecine de Leroy, les sangsues du savant Broussais, l’homoeopathie, les mille et un remèdes ont eu de nombreux partisans, et il n’en est guère dont l’efficacité, constatée par des milliers de certificats, ne forme des recueils qui se trouvent dans la plupart des boutiques des parfumeurs et des confiseurs, et tous sont décorés du nom pompeux de remède infaillible.

Mais la plupart de ces spécifiques miraculeux sont abandonnés aujourd’hui, et la vogue est acquise à celui de Lubin, dont la réputation s’étend à mesure qu’on veut le proscrire ; aussi cette renommée qui naguère était renfermée dans les murs de la capitale, a franchi les frontières du royaume et deviendra bientôt européenne, si la persécution redouble ses efforts.

Et en effet, messieurs, lorsqu’on entend les mille organes de la reconnaissance publique nantis de faits nombreux de guérison, il est difficile de ne pas porter quelque intérêt à celui qui est signalé comme un bienfaiteur de l’humanité.

Toutefois votre commission a cherché ailleurs que dans une renommée souvent mensongère les titres du sieur Lubin à la considération publique ; elle a examiné le rapport qui vous a été fait par le ministre de la guerre ; elle a vu que, décidé par la réputation du spécifique, ce chef lui a confié en secret 10 hommes de la garnison, de Bruxelles, atteints d’ophtalmie constatée par les médecins du corps, et qu’ils furent guéris après un traitement de 7 à 27 jours : et ici, messieurs, votre commission est portée à croire que si un pareil spécifique avait été connu et employé lors de l’invasion de cette maladie, l’humanité n’aurait pas à gémir d’un fléau qui a fait tant de victimes, et le trésor ne serait pas grevé de nombreuses pensions qui soulagent à peine tous ces malheureux, dont le sort est d’autant plus déplorable que c’est en répondant à l’appel de la patrie qu’un bandeau éternel leur a ravi la lumière.

Poursuivant l’examen du rapport, il ne nous a pas paru que le spécifique de Lubin avait été moins efficace que les moyens employés par les médecins légaux, lorsque des cas compliqués, tels que ceux que présente l’ophtalmie spécifique, furent confiés simultanément aux médecins et au sieur Lubin.

Le ministre de la guerre n’hésite pas même à dire que, dans les premiers mois de l’expérience, l’amélioration des malades confiés au sieur Lubin fut assez rapide, mais qu’il y eut ensuite quelque réaction qu’on attribua à l’exiguïté et à l’infection du local. Mais l’inspecteur général de santé avait dit longtemps auparavant, dans son rapport imprimé, que lorsque beaucoup d’hommes affectés d’ophtalmie se trouvaient réunis dans un même local, cette maladie prenait un caractère plus grave, et que de sporadique elle devenait bientôt spécifique ; et qu’une fois purulente, elle devenait contagieuse.

Cette fâcheuse circonstance s’étant rencontrée, comme l’a dit M. le ministre, lorsque les derniers 37 ophtalmistes ont été soumis au traitement, votre commission croit devoir reconnaître que l’expérience n’a pas été suffisante. Elle le reconnaît d’autant plus, que l’un des commissaire chargés de surveiller le traitement de M. Lubin s’est plaint au ministre lui-même d’une prévention marquée dans les questions adressées aux malades par l’autre commissaire et le médecin ; cet aveu a été répété à l’un de nous par le commissaire qui avait porté ses plaintes au ministre.

Dans cet état de choses, votre commission déclare que, n’étant pas suffisamment convaincue de l’efficacité du remède de M. Lubin, elle ne peut ni le rejeter, ni le recommander ; mais elle croit qu’il est dans les convenances et dans les égards dus aux pétitionnaires de vous proposer le dépôt de cette pétition au bureau des renseignements.

M. de Brouckere. - Messieurs, après le rapport que vous venez d’entendre, je m’attendais à d’autres conclusions que celles qui le terminent.

Veuillez-vous rappeler qu’à différentes époques un très grand nombre d’habitants de Bruxelles ont déposé sur le bureau de la chambre des pétitions ayant pour but d’obtenir que le sieur Lubin eût la permission de pratiquer une des branches de l’art de guérir.

Ces pétitions ont toujours été accueillies avec faveur par la chambre ; elles ont été renvoyées aux ministres, quelquefois avec demande d’explications.

Les ministres ont commencé par répondre qu’une commission était chargée de l’examen de la loi du 6 mars 1818 relative à l’exercice de l’art de guérir, et qu’il était probable qu’elle présenterait un projet tendant à modifier cette loi. Cette commission n’a pas jusqu’ici, je pense, communiqué son travail au gouvernement ; il est probable que ce travail ne paraîtra pas d’ici à longtemps, parce que cette commission est composée exclusivement de médecins, chirurgiens et pharmaciens, c’est-à-dire de partisans du monopole que consacre la loi du 6 mars 1818.

J’ai le droit de faire ces observations, parce que, dès qu’il fut question de la nomination de cette commission (c’était alors l’honorable M. Rogier qui était ministre de l’intérieur), je fis observer que cette commission ne devait pas être ainsi composée, et que l’on devait adjoindre à des médecins et chirurgiens des jurisconsultes, des administrateurs. On n’a pas fait droit à ma demande ; et il est arrivé ce qu’il était facile de prévoir, c’est que la commission n’a pas terminé son travail, bien qu’elle ait été nommée depuis longtemps.

En attendant, le sieur Lubin se trouve toujours dans l’ignorance des moyens que l’on pourrait employer contre lui pour l’empêcher de donner des soins à ceux qui les demandent. Déjà, à cet égard, le sieur Lubin a été inquiété ; déjà il a subi une condamnation en conformité de la loi du 6 mars 1818, que l’on a, selon moi, mal interprétée, mal appliquée dans cette circonstance.

Maintenant la commission propose le dépôt au bureau des renseignements de la pétition relative au sieur Lubin. Si c’est ainsi que vous agissez, cette pétition sera suivie d’une nouvelle, après celle-là, une autre, et ainsi de suite, sans que votre décision tire le pétitionnaire de l’incertitude où il se trouve.

Je regrette que M. le ministre de l’intérieur ne se trouve pas ici. (Il vient d’être appelé dans l'autre chambre.) Je me serais permis de lui demander des explications sur la pétition dont nous nous occupons.

Il est à remarquer que M. Lubin n’est pas, comme on veut le prétendre, un de ces vils charlatans qui cherchent à exploiter la crédulité publique pour faire leur fortune. M. Lubin a donné des soins à des milliers de personnes ; je donne le défi d’en citer une seule qui ait donné pour cela le moindre salaire. C’est d’une manière désintéressée que M. Lubin administre son remède. Quant aux effets que ce remède peut opérer, que les malheureux se présentent en foule pour recevoir les soins de M. Lubin, il est certain qu’il a opéré quelques guérisons remarquables.

Il est certain que M. Lubin, continuât-il à donner des secours aux malheureux, ne pourrait plus être traduit devant les tribunaux ; la raison en est simple, c’est absurde de poursuivre un homme auquel le gouvernement a confié le soin de militaires atteints de l’ophtalmie, un homme qui pour ces soins n’a voulu recevoir aucun salaire quel qu’il fût. Si M. le ministre de la guerre était ici, il affirmerait ce que je déclare.

Un nouveau motif pour que M. Lubin n’ait pas a redouter des poursuites, c’est que M. le ministre de la justice a eu recours à ses soins ; il lui a confié, je crois, un ou deux de ses enfants. Or, je vous le demande, ne serait-il pas absurde que les subordonnés des ministres poursuivissent un homme auquel ceux-ci ont recours, quand un de leurs proches est souffrant ?

Avec tout cela, M. Lubin, incertain sur la manière dont on agirait à son égard, refuse de donner ses soins à ceux qui s’adressent à lui. C’est par ce motif que des pétitionnaires en grand nombre s’adressent à la chambre.

Que doit faire la chambre ? Doit-elle se borner à ordonner le dépôt de la pétition au bureau des renseignements ? je ne le pense pas.

Je demande le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur avec demande d’explications, et dans le cas, comme je n’en doute pas, où la chambre ordonnerait ce renvoi, je prends l’engagement de renouveler la demande à M. le ministre, afin que les nombreux malades qui ont reçu les soins de M. Lubin, et qu’il a abandonnés, sachent à quoi s’en tenir.

M. Legrelle. - J’ai peu de chose à ajouter à ce que vient de dire l’honorable préopinant. Il a dit presque tout ce que je voulais dire. J’ajouterai qu’il est à ma connaissance que M. Lubin traité avec succès des malheureux abandonnés par tous les médecins. Mais M. Lubin, ne voulant pas contrevenir à la loi ni s’exposer à des poursuites judiciaires, s’est refusé à leur continuer ses soins.

Messieurs, le motif principal qui a fait désirer que le ministre s’occupât sérieusement de ce projet, c’est qu’il s’agit ici de la vie de plusieurs personnes. S’il faut en croire ce que dit un de nos honorables collègues, une personne à laquelle il porte un vif intérêt fut abandonnée par les médecins ; M. Lubin changea bientôt le caractère de la maladie ; mais M. Lubin ayant discontinué de donner ses soins à ce malade, comme la guérison n’était pas complète, son état empire et l’on peut craindre pour ses jours.

M. Jullien. - On a beaucoup parlé du remède de M. Lubin. De nombreuses réclamations ont été présentées, relativement à cet objet. Jusqu’à présent il n’a pas été donné satisfaction aux pétitionnaires ; et la proposition de la commission des pétitions n’avancerait pas davantage les choses.

Dans l’affaire de M. Lubin, il y a un fait dominant ; c’est celui-ci : pendant que les docteurs dissertent, M. Lubin guérit. Voyant que M. le ministre de la guerre nous demandait des pensions pour deux ou trois cents soldats frappés de cécité, je l’ai engagé à faire un essai. Il confia en effet dix soldats atteints d’ophtalmie à M. Lubin, et ils furent guéris radicalement.

C’est un fait qui a été attesté par M. le ministre de la guerre. C’est alors que les médecins ont jeté à M. Lubin une espèce de défi : Prenez vos malades, nous prendrons les nôtres, et on verra qui guérira le mieux. Mais on s’est arrangé de manière à faire échouer inévitablement l’entreprise de M. Lubin : ces faits sont constatés de manière à ce que la jalousie des médecins ne puisse les nier. Indépendamment des soins que M. Lubin voulait prodiguer à nos jeunes soldats, vous savez que c’est un philanthrope, qu’il traite les indigents avec le même zèle que les autres : on prétend que 900 personnes réclament les soins de M. Lubin.

Mais, dit-on, son remède est donc une panacée ? Non, ce n’est pas un remède universel ; seulement il a cet immense avantage que, lorsqu’il ne fait pas de bien, il ne fait pas de mal. Chez moi se sont présentés environ vingt pétitionnaires ; l’un me dit : Il m’a guéri ; l’autre : Il a guéri mon fils.... De toutes parts on fait des démarches pour que les membres de cette chambre s’intéressent à M. Lubin.

Renvoyer la pétition au bureau des renseignements serait se jouer de M. Lubin et des signataires du mémoire ; il faut la renvoyer aux ministres.

Il y a une disposition dans les lois qui est relative à la matière. Toutes les fois que le gouvernement reconnaît, sur l’avis des médecins, ou de la faculté de médecine, qu’un médicament peut être autorisé sans danger, le gouvernement peut donner l’autorisation de le distribuer. Pourquoi le gouvernement ne donne-t-il pas cette autorisation à M. Lubin ? Evidemment le gouvernement sait que son remède ne fait aucun mal et que le plus souvent il guérit les malades. A moins d’être dans un pays de sauvages, cette autorisation doit être délivrée conformément à la loi.

Dans tous les cas j’appuierai la proposition faite par M. de Brouckere de renvoyer la pétition au ministre de l’intérieur, avec demande d’explications ; je sais que déjà, dans ce ministère, de nombreuses réclamations sont arrivées. Peut-on rester indifférent sur ces réclamations quand le remède de M. Lubin peut donner la santé à tant d’individus, et empêcher qu’un grand nombre de nos jeunes soldats soient plongés dans de ténèbres éternelles ?

M. H. Dellafaille. - Messieurs, la commission chargée de réviser la loi du 12 mars 1818 n’a, en aucune manière, négligé son travail. Elle s’en est, au contraire, acquittée avec zèle et activité. Ce travail est terminé et remis à M. le ministre de l’intérieur. J’ai cru devoir cette rectification aux hommes distingués qui composent cette commission, dont la conduite ne mérite aucun reproche.

Relativement à la pétition qui nous occupe, le simple exposé des faits suffira pour justifier l’administration.

Vous savez, messieurs, qu’aux termes de la loi du 12 mars 1818, nul ne peut exercer une branche quelconque de l’art de guérir s’il n’est porteur d’un diplôme de docteur ou d’officier de santé, et que nul ne peut vendre de remède secret sans autorisation du gouvernement, donnée après examen du remède.

Je ne rechercherai pas si cette loi est bonne ou mauvaise ; mais on m’accordera que, tant qu’elle existe, elle doit être observée par le gouvernement comme par les particuliers.

Les réclamations du sieur Lubin ne sont pas nouvelles ; elles datent de 1825. Un examen fait alors de son remède lui parut peu favorable, et sur l’avis conforme de la commission médicale, l’autorisation qu’il sollicitait lui fut refusée.

Le 12 mai 1832, M. Lubin demanda de nouveau l’autorisation d’administrer son remède.

Le rapport de la commission médicale sur les expériences faites à l’hôpital de St-Pierre ne lui est point favorable.

Par lettre du 4 juin, M. Lubin demande d’être autorisé à faire publiquement usage de son remède, et déclare que si, après les nombreux certificats qu’il produit, il reste encore au gouvernement quelque doute sur l’efficacité de ses moyens curatifs, il consent à ce qu’on les soumette à de nouvelles épreuves et qu’une commission soit chargée de faire une enquête sur les guérisons qu’il a opérées.

M. le ministre de l’intérieur informe M. Lubin que s’il désire que le gouvernement fasse entreprendre des expériences propres à constater l’efficacité de ce remède, il est nécessaire qu’il lui en adresse une certaine quantité, en y joignant les indications nécessaires pour en faire usage.

Le 29 septembre, M. Lubin prévient qu’aussitôt la réception de cette lettre, il a cessé de soulager l’humanité souffrante ; il déclare qu’il n’entre rien dans ses pommades qui puisse être nuisible, et refuse de soumettre son remède à l’examen d’une commission de médecins.

Le 8 mars 1833, M. le ministre de l’intérieur, déviant de la rigueur de la loi, se borne à demander à M. Lubin s’il consent à traiter sous les yeux d’une commission de médecins un certain nombre de personnes qui lui seraient désignées.

Deux jours après, M. Lubin répond qu’il croyait avoir suffisamment démontré la médiocrité et l’extrême insuffisance de la médecine et des médecins ; qu’il avait informé que l’emploi de ces cinq sortes de pommades qui lui suffisaient pour guérir tout ce qui est guérissable, ayant lieu extérieurement, et ne contenant aucune préparation dont il n’est fait usage qu’en médecine, il se trouvait étranger et indépendant de la surveillance des commissions médicales. Refusant d’accéder aux propositions qui lui sont faites, il renonce à soulager les malades et plonge définitivement, dit-il, son invention dans le néant.

Le 26 du même mois, le ministre réitère ses propositions en exprimant au sieur Lubin le désir de voir répandre l’usage de son remède, s’il est utile, et l’invitant à consentir à des essais indispensables aux termes de la loi.

Nouveau refus du sieur Lubin.

Poursuivi devant le tribunal correctionnel, pour exercice illégal de l’art de guérir, M. Lubin s’adresse, le 8 mai, au ministre, pour qu’il arrête ces poursuites.

Le lendemain, nouvelle invitation à M. Lubin de consentir aux essais proposés ou d’envoyer la recette de son remède avec indication de son emploi, « afin, dit le ministre, que je puisse les faire examiner et être mis à même de prendre une décision, conformément à la loi. »

Le 16 mai, M. Lubin demande qu’en attendant la révision de la loi de 1818, le gouvernement l’autorise, par arrêté royal, à continuer l’application de son remède, et refuse d’entrer en rapport avec la commission médicale de Bruxelles.

Une nouvelle lettre du 23 mai, communiquée à cette chambre par l’honorable M. Rogier dans la séance du 1er juillet dernier, informe M. Lubin qu’il n’est pas au pouvoir du gouvernement d’accéder à sa demande, et renouvelle toujours sans succès les propositions précédemment faites.

Depuis, le gouvernement a essayé deux fois de confier aux soins de M. Lubin des soldats attaqués d’ophtalmie. La première expérience paraît avoir été favorable ; la deuxième paraît n’avoir pas réalisé les espérances qu’on avait conçues.

En vous rendant compte de ces circonstances, mon intention n’est pas, messieurs, de m’associer aux détracteurs de M. Lubin. Tant de personnes affirment s’être bien trouvées de l’emploi de son remède, qu’il serait difficile de ne pas croire à son efficacité dans certains cas ; mais il est impossible au gouvernement d’accéder aux vœux de M. Lubin qui demande à être autorisé par une mesure tout à fait exceptionnelle à administrer un remède qu’il refuse de soumettre à aucun examen. Il faudrait d’abord constater les cas dans lesquels il est utile, et le sieur Lubin se refuse opiniâtrement aux moyens qui peuvent atteindre ce but ; il veut qu’on s’en rapporte au témoignage des personnes qu’il dit avoir guéries.

Le gouvernement n’a aucun reproche à se faire. On objectera peut-être que la loi de 1818 est vicieuse. Je ne toucherai pas cette question qui ne doit pas être traitée en ce moment : si la loi est vicieuse, qu’on la change. Jusque-là le devoir de l’administration est de l’observer, et peut-être a-t-on été, en faveur de M. Lubin, au-delà de ce que permettait cette loi. Il me suffit d’avoir établi par le simple exposé des faits que l’état de choses dont se plaignent les pétitionnaires doit être imputé, non au gouvernement qui a montré la meilleure volonté, mais à M. Lubin lui-même, qui a obstinément refusé de se conformer aux dispositions légales sur la matière.

M. Gendebien. - Je demande que la pétition soit également renvoyée à M. le ministre de la justice. M. le ministre de la justice a fait usage du remède de M. Lubin pour ses enfants. M. le ministre de la guerre en a fait usage…

M. de Brouckere. - Pour ses enfants aussi.

M. Gendebien. - … pour ses enfants également, car je désire qu’il considère les soldats comme ses enfants. Il convient de renvoyer la pétition à M. le ministre de la justice, afin de la livrer à ses méditations, afin qu’il examine s’il serait convenable de permettre des poursuites contre un homme dont le remède a été employé par les ministres, soit pour leurs familles, soit pour le gouvernement.

Il n’y a pas d’abus à craindre, puisque M. Lubin exerce gratuitement la profession de médecin. Je sais même de source certaine qu’il ne se contente pas de guérir les malheureux, il ne les congédie pas sans leur donner une somme d’argent. Il y a d’autant plus de convenance à renvoyer la pétition à M. le ministre de la justice que l’honorable M. Dellafaille vient de vous informer que l’on nous présenterait bientôt un travail sur les modifications à apporter dans la législation médicale actuelle.

Je désire que M. Lubin soit autorisé à guérir jusqu’à ce que nos lois permettent de lui accorder un diplôme en vertu duquel l’on peut saigner et tuer impunément.

M. Devaux. - Je ne suis ni partisan ni ennemi de M. Lubin, parce que je suis dans la plus grande incertitude à l’égard de l’efficacité de son spécifique. D’un côté je vois les hommes de la science n’en pas faire le moindre cas ; de l’autre les mémoires qui nous ont été adressés par M. Lubin dénotent son manque d’instruction, et je suis toujours un peu porté à me ranger du côté de la science.

Cependant je ne veux pas discréditer M. Lubin, mais je trouve que nos discussions ne peuvent avoir pour résultat que d’augmenter la vogue d’un homme sur le mérite duquel nous sommes très partagés. M. le ministre de la guerre affirme dans un rapport que sa dernière expérience a été sans succès. D’honorables membres s’emparent de ce rapport, même pour démontrer qu’il y a eu succès.

Dans une pareille incertitude, le gouvernement avait un devoir à remplir, c’était de jeter le plus de lumière possible dans cette affaire ; le rapport de M. le ministre de la guerre fut incomplet. Une commission a suivi avec zèle les deux traitements parallèles. Je désirerais que l’on mît sous nos yeux le rapport textuel de cette commission.

M. Lubin se plaint des préventions dont il a été l’objet. D’un autre côté, si je suis bien informé, il serait arrivé qu’un major de ligne (homme étranger à l’art), partisan de M. Lubin, serait revenu de son engouement, après avoir été témoin du traitement de M. Lubin comme membre de la commission, et aurait adressé à cet égard un rapport que M. le ministre de la guerre aurait refusé de publier. Le gouvernement, comme tuteur de la santé publique, est intéressé à éclaircir cette affaire.

Je demande que l’on imprime les différentes opinions de la commission. Tout ce que je demande de la part du gouvernement, c’est de l’impartialité.

M. A. Rodenbach. - Je suis autant partisan de la science que qui que ce soit. Mais on ne peut se refuser à l’évidence. Il y a des faits. M. Lubin a guéri une foule de malades. Pourquoi n’agirait-on pas à son égard comme on le fait à l’égard de tous les inventeurs de pommades, de spécifiques ?

En France et en Belgique, quand un remède est reconnu innocent, on en autorise l’emploi et la vente. Le remède de M. Lubin a dû être soumis à une analyse chimique. Si on y a reconnu des substances nuisibles, qu’on le proscrive ; sinon, qu’on en autorise l’emploi.

Il y a réellement, on ne peut se le dissimuler, animosité contre M. Lubin. Cependant ce n’est pas un empirique. Les empiriques ne manquent jamais de se faire payer, et lui n’exerce sa noble profession que pour le soulagement de l’humanité.

L’on a cité un major de ligne. Ce major a fait partie d’une première commission chargée d’examiner le traitement de douze ophtalmistes par le procédé de M. Lubin. Ce traitement a complètement réussi. Un rapport a été envoyé à M. le ministre de la guerre pour constater ce fait.

Si ce major, qui faisait partie de la première commission, est revenu de sa première opinion en voyant le second traitement, moins heureux que le premier, il ne faut pas attribuer ce second résultat à la faute de M. Lubin : dans la première épreuve, il agissait seul et il a guéri ses malades ; dans la seconde épreuve, on lui a imposé l’aide de médecins naturellement intéressés à son insuccès, et le résultat n’a pas été aussi favorable.

Déposer la pétition au bureau des renseignements, ce serait dire que l’on ne veut plus s’en occuper. Je demande le renvoi au ministre de l’intérieur.

M. Dumortier. - La veille du jour où fut terminée l’expérience comparative sur laquelle M. le ministre de la guerre nous a présenté un rapport, sur l’invitation de plusieurs personnes, je me rendis, accompagné de deux de mes collègues, au local où se trouvaient les malades soumis au régime curatif de M. Lubin. Je suis resté convaincu, au sortir de cette visite, que si le remède de M. Lubin n’était pas une panacée, il avait produit sur les ophtalmistes un résultat plus avantageux que désavantageux.

Puisque l’honorable M. Devaux a demandé l’impression des pièces relatives à cette affaire, je dirai que le rapport de M. le ministre est d’autant plus incomplet, que l’on a publié le résultat de l’expérience de M. Lubin, sans faire mention de celle des médecins de la faculté. Cependant, dans toute expérience comparative, on met en regard les deux résultats. Si le traitement de M. Lubin a été favorable aux quatre cinquièmes de ses malades, je voudrais savoir quelle est la proportion de guérison des malades traités par les médecins à diplôme.

M. Zoude, rapporteur. - Je ferai observer à l’honorable M. Dumortier que sa mémoire ne le sert pas bien. M. le ministre de la guerre a comparé le résultat des 37 malades soumis au régime curatif de M. Lubin, avec celui des 37 malades soumis au régime de la faculté.

M. Dumortier. - C’est possible. Mais il n’en est pas moins à désirer que les opinions individuelles des membres de la commission soient connues, afin que l’on puisse juger si la partialité a dicté le rapport émané des bureaux de la guerre.

- Le renvoi de la pétition au ministre de l’intérieur avec demande d’explications est mis aux voix et adopté.

La séance est levée à 4 heures et demie.