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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mardi 31 mars 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi modifiant les droits de sortie sur les soies écrues
3) Projet
de loi relatif au renouvellement par moitié des chambres. Détermination des
députés et des sénateurs sortants et entrée en fonction des membres
nouvellement élus (H. Dellafaille), détermination
des députés sortants (de Brouckere, de Theux, Jullien, Dumortier, de Theux, Gendebien, H. Dellafaille, Gendebien, H. Dellafaille, Jullien, Dumortier, de Theux, Gendebien, Dumortier, Devaux, H. Dellafaille, Fleussu, H. Dellafaille, Dumortier, Devaux, Gendebien, Dumortier)
(Moniteur belge n°91, du 1er avril 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
Verdussen procède à l’appel nominal à une heure et demie.
M.
de Renesse donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la
rédaction en est adoptée.
M.
Verdussen communique à la chambre les pièces suivantes qui lui sont
adressées.
PIECES ADRESSEES A
« La dame Marie Smets,
couturière à Assche, veuve d’Antoine Schoof, décédé à Venise en 1806, demande à
pouvoir convoler en secondes noces. » (Hilarité.)
________________
« Les boulangers de la
ville de Liége réclament contre la pétition adressée à la chambre, et tendant à
enlever à MM. Dubois et compagnie l’autorisation d’introduire en franchise de
droit les farines provenant de leur moulin à Maestricht. »
________________
« Quatre raffineurs de
sel de Bruxelles demandent la libre circulation de leur sel raffiné sans être
soumis à aucune formalité. »
________________
« Le sieur A. Baudit,
maçon, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le paiement de ses
avances et travaux faits pour compte du sieur de Bellio à Schaerbeek.
- Ces pétitions sont renvoyées
à la commission chargée d’en faire le rapport.
PROJET DE LOI MODIFIANT LES
DROITS DE SORTIE SUR LES SOIES ECRUES
M. Corbisier, rapporteur de la section centrale chargée de
l’examen d’un projet de loi relatif aux modifications à apporter dans le droit
perçu à la sortie des soies écrues, dépose son rapport sur le bureau.
Discussion des articles
Articles 2 et 5 (rapport de la section centrale)
M.
H. Dellafaille, rapporteur. - Messieurs, conformément à la décision que
vous avez prise dans la séance d’hier, votre section centrale a de nouveau
examiné les articles 2 et 5 du projet de loi relatif au renouvellement des
chambres.
Nous avons vérifié et trouvé
exacts les calculs de M. le ministre de l’intérieur. Il est aisé de s’en
convaincre en prenant pour termes de comparaison deux provinces appartenant à
des séries différentes, par exemple Anvers et le Hainaut. Si Anvers réélit
cette année ses représentants et le Hainaut ses sénateurs, en 1839 Anvers devra
réélire une seconde fois ses représentants, qui auront achevé leur terme de
quatre années, et de plus, ses sénateurs qui appartenant à la deuxième série du
sénat auront siégé huit ans depuis l’élection de 1831.
Si au contraire Anvers doit
réélire au mois de juin ses représentants et ses sénateurs l’ordre des séries
se trouvera interverti en 1839 et ne coïncidera de nouveau qu’en 1845. Il est
donc vrai de dire que si les séries ne sont point les mêmes cette année dans
les deux chambres, elle le seront dans quatre ans, et que réciproquement, si
elles sont les mêmes cette année, elles ne le seront plus dans quatre ans.
Un honorable membre de cette
chambre a fait remarquer que d’après le système proposé, si les séries des deux
chambres sont différentes, les provinces comprises dans une de ces séries
auront des élections plus fréquentes que n’en auront les autres.
Cet inconvénient est réel,
mais il ne disparaîtrait point si, ainsi que le propose cet honorable membre,
on adoptait un même système de séries pour le sénat et la chambre des
représentants.
Que les séries soient les mêmes
en 1835 ou qu’elles soient différentes, nous arriverons toujours à ce résultat
que les élections pour le sénat coïncideront tous les huit ans, dans les
provinces appartenant à la série sortant en 1835, avec celles pour la chambre
des représentants, et que cette circonstance ne se présentera point dans les
provinces qui appartiendront à la série sortant en 1837.
En supposant qu’Anvers
renouvelle cette année sa députation pour les deux chambres, cette province
verra se reproduire cette obligation en 1843, en 1851 et en 1859. Elle élira
des représentants seulement en 1839, 1847, 1855 et 1863 ; mais elle n’aura
point de sénateurs à élire puisque ces années seront celles de la sortie des
sénateurs élus par les provinces appartenant à l’autre série.
Supposons qu’Anvers réélise
cette année ses représentants seulement ; le Hainaut appartiendra à la seconde
série de la chambre de représentants et à la première du sénat.
Le Hainaut aura donc à nommer
des sénateurs et point de représentants. En 1839, année de sortie de la seconde
série du sénat, Anvers, qui appartient à cette seconde série, devra réélire ses
sénateurs ; mais Anvers aura aussi à réélire ses représentants appartenant à la
première série qui aura siégé quatre ans, et il en sera de même en 1847, 1855 et
1863. En 1835, 1843, 1851 et 1859, Anvers élira des représentants seulement, et
point de sénateurs ; les provinces de la deuxième série de la chambre, et de la
première du sénat, éliront au contraire des sénateurs et point de
représentants.
Il résulte de ces calculs que
la sortie du sénat ne peut coïncider avec celle de la chambre des représentants
que tous les huit ans, et seulement avec la série que le sort désignera pour
sortir en 1835.
Il est à remarquer au surplus
que le désavantage de la seconde série se bornera à une élection pour le sénat
qui viendra périodiquement s’intercaler tous les huit ans entre deux élections
pour la chambre des représentants.
Sans doute il serait
préférable que les élections pour les deux chambres pussent avoir lieu simultanément,
mais la différence qui existe entre le mandat de sénateur et celui de
représentant rend l’inconvénient signalé inévitable.
Nous avons vu que la
combinaison indiquée par l’honorable M. de Brouckere laisserait les choses dans
le même état.
Il faut encore observer que la
dissolution de l’une des deux chambres, si elle avait lieu une année paire,
déjouerait toutes les combinaisons et fixerait les élections pour les deux
chambres à des années différentes dans toutes les provinces.
D’après ces considérations, la
section centrale a été d’avis qu’il n’y avait pas lieu de revenir sur l’article
2 que vous avez adopté dans la séance d’hier.
En ce qui concerne l’art. 5,
la section centrale a cru devoir persister dans le motif qu’elle a opposé à une
proposition de la deuxième section et qui se trouve exposé au rapport. « Elle
n’a pas cru que le terme assigné au mandat de député fût tellement rigoureux
qu’il dût nécessairement expirer au jour anniversaire de l’entrée en fonctions. »
Elle a cru que les députés
étaient élus pour siéger pendant les 4 années législatives qui suivront
l’élection, années indiquées par les sessions ordinaires prévues par la
constitution, et qu’il appartenait à la loi électorale de fixer l’époque
précise de la sortie des anciens députés et de l’entrée des nouveaux élus.
L’argument tiré de ce qui se
pratiquait sous le régime de la loi fondamentale du royaume des Pays-Bas n’a
point paru concluant. Les états-généraux ne pouvaient être dissous, et les
sessions s’ouvraient à un jour invariable et fixé par la constitution. Les
chambres actuelles peuvent être dissoutes, et il appartient au Roi de fixer
l’époque de l’ouverture de la session. Le deuxième mardi de novembre n’est
indiqué que comme le dernier terme au-delà duquel cette ouverture ne peut être
reculée. Si le système contraire était admis, il se trouverait, lorsque
l’entrée en fonctions a eu lieu pour les membres des deux chambres à des
époques différentes, que pendant un certain temps il serait impossible
d’assembler les chambres, ou qu’il faudrait faire siéger une chambre renouvelée
avec une qui ne le serait pas encore.
Le
congrès lui-même semble avoir entendu la constitution ainsi qu’il vient de vous
être indiqué, lorsqu’il a voté la loi électorale. Il a fixé l’entrée des
nouveaux élus au deuxième mardi de novembre, quoique dans ses prévisions les
chambres dussent être convoquées plus tôt ainsi qu’elles l’ont été en effet.
Dès lors il n’ignorait pas que les représentants et les sénateurs auraient très
probablement siégé quelque temps au-delà de quatre ou de huit années solaires :
j’en tire la conclusion que ces années sont des années législatives.
Ce principe admis, la section
centrale n’avait plus qu’à examiner la convenance de l’entrée en fonctions
immédiate des nouveaux élus ; à cet égard sa conviction est restée la même ;
elle n’a rien entendu dans la discussion qui pût modifier l’avis favorable
qu’elle a émis sur l’art. 5. Elle persiste à croire qu’il est désirable que les
nouveaux élus prennent séance dès l’ouverture de la première session qui suivra
leur élection. En conséquence, elle vous propose de nouveau l’adoption pure et
simple de cet article.
M.
de Brouckere. - Je demande la parole sur la partie du rapport relative
à l’art. 2.
Il résulte du rapport de l’honorable
M. Dellafaille que l’inégalité que j’ai signalée dans la séance d’hier existe
réellement dans le projet présenté par le gouvernement. Il a reconnu que, comme
je l’avais dit, en adoptant le système du gouvernement, il en résultera que,
dans un laps de 16 ans, la moitié des provinces du royaume procédera à 7
élections, et l’autre moitié à 5 seulement, dont deux doubles.
Voilà un fait reconnu par les
calculs auxquels la section centrale s’est livrée par suite des observations
que j’ai présentées dans la séance d’hier. Mais il faut l’avouer, la section
centrale ajoute que le même inconvénient se rencontrerait lors même que les
séries seraient les mêmes pour les deux chambres. Je reconnais que cela est
vrai, que le remède que j’avais présenté ne fera pas disparaître l’inégalité.
Mais que résulte-t-il de tout ceci ? c’est que le système du gouvernement est
vicieux.
Quoi que
l’on fasse, l’on ne parviendra jamais à convaincre qui que ce soit qu’il y a
égalité dans un système qui tend à consacrer une inégalité. Il y a inégalité
lorsqu’une province est plus souvent appelée à procéder aux élections qu’une
autre.
J’entends M. le ministre de
l’intérieur me répondre que le mal est inévitable. Je n’en sais rien ; que le
mal existe, cela est positif. Y a-t-il un remède ? C’est possible. Je n’oserais
l’affirmer. J’avoue que je ne me suis pas livré à des calculs qui puissent me
donnera à cet égard une assurance positive. La discussion fera peut-être naître
un moyen de remédier à cette inégalité qui est maintenant palpable ; mais à
coup sûr, si le système que le gouvernement présenté est admis tel qu’il est
dans la loi en discussion, nous aurons voté une loi que l’on peut appeler
injuste.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je dirai comme l’honorable préopinant qu’il résulte de l’examen de la section
centrale que l’exposé des motifs que j’avais fait est parfaitement exact.
M.
de Brouckere. - Inexact.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Parfaitement exact. Il n’y a aucune espèce d’erreur. J’avais dit dans
l’exposé des motifs que si, dans une province, celle d’Anvers, par exemple, la
sortie avait lieu simultanément cette année pour les sénateurs et les
représentants, en 1839 il y aurait seulement une sortie de représentants, en
1843 il y aurait de nouveau coïncidence entre la sortie des sénateurs et des
représentants. Si au contraire les représentants seuls sortaient cette année,
il y aurait eu 1839 coïncidence dans la sortie des sénateurs et des
représentants. Ce que j’ai dit se trouve vérifié, il n’y a aucune espèce
d’inexactitude.
L’honorable préopinant dit à
cela : Il s’ensuit qu’il existe un mal. Je conviens qu’il n’y a pas une
harmonie parfaite entre les séries de provinces ; mais il est impossible
d’établir cette harmonie, à cause que la constitution a fixé une durée
différente au mandat des représentants et à celui des sénateurs. Voilà le vice.
Si vous aviez admis la sortie par série de districts, vous seriez tombés dans
le même inconvénient. Dans certains districts il y aurait eu coïncidence au
bout de 8 années. Dans certains autres cette coïncidence n’aurait jamais eu
lieu.
Je pense donc avec la section
centrale qu’il y a lieu de maintenir l’article 2 tel qu’il a été adopté par la
chambre.
M.
Jullien. - Je conçois très bien que la dissolution qui a frappé la
chambre des représentants en 1833 ait pu placer cette assemblée dans une
position exceptionnelle. Mais il me semble que, pour ce qui concerne le sénat,
il est très innocent des griefs qui ont amené cette dissolution.
Je n’ai pas trouvé dans ce que
j’ai entendu du rapport de l’honorable M. Dellafaille, ni dans ce que vient de
dire M. le ministre de l’intérieur, une réponse à l’argumentation présentée par
l’honorable M. Fleussu dons la séance d’hier.
D’après la constitution, la
durée du mandat des sénateurs est de huit ans. Ce n’est qu’au bout de quatre années
qu’il y a lieu de renouveler cette assemblée par moitié. D’après la proposition
faite par le gouvernement, il se trouvera que le mandat des sénateurs sera
abrégé de trois ou quatre mois par suite de la dissolution de la chambre des
représentants. Je vous demande, messieurs, si cela est admissible.
Quand la constitution assigne
à une fonction une durée déterminée d’années, il n’est permis à aucune loi d’en
avancer ou d’en reculer le terme. Celui qui est investi d’un mandat, est en
droit d’exiger qu’il ne lui soit pas enlevé avant le terme fixé par la
constitution. Si vous faites entrer un sénateur au mois de juin, celui à qui
vous aurez fait nommer un remplaçant et qui avait le droit de siéger jusqu’au
mois de novembre, ne cessera de faire partie du sénat que lorsque les 4 années
seront pleinement révolues. Avancer le terme de son mandat, n’est-ce pas ce qui
s’appelle violer la constitution ?
On répond que la constitution
ne sera pas violée, si le sénat adopte la loi. J’admettrais ce raisonnement si
la loi était votée à l’unanimité. Mais si le projet rencontre le moindre
obstacle, la moindre objection : il est vrai de dire que tout sénateur qui
viendrait après la rentrée de la première session ordinaire en vertu de son
ancien mandat siéger parmi ses collègues, ne pourrait pas être exclu. Comme le
disait Bossuet, il n’y a pas de droit contre le droit. Si le projet rencontre
de l’opposition au sénat, l’on ne pourra l’imposer à la minorité. Car ce serait
accorder à la majorité la faculté de mettre la minorité à la porte.
Telle
serait l’application rigoureuse du principe émis par M. le ministre. Que M. le
ministre s’arrange comme il l’entendra. Rien n’est plus juste que la moitie de
la chambre des représentants qui a été dissoute au mois de juin 1833, soit soumise
à une réélection au mois de juin 1835. Mais je ne puis admettre que les effets
de cette dissolution s’étendent jusqu’aux sénateurs qui n’ont rien à démêler
avec le ministère pour les griefs qui ont fait dissoudre la chambre en 1833, si
tant est qu’il y ait eu des griefs. Car nous savons tous à quoi nous en tenir
sur les motifs de cette superbe dissolution.
Notre mandat expire au mois de
juin, l’on ne peut prolonger nos pouvoirs jusqu’au mois de novembre. Mais vous
ne pouvez pas non plus raccourcir ceux des sénateurs, à moins qu’ils n’adoptent
votre loi à l’unanimité. Encore serait-ce une irrégularité. Mais je soutiens
que s’il n’y a pas unanimité, la majorité ne peut exclure la minorité. Trouvez
un moyen de conciliation. Je ne pourrais pour ma part le présenter. Mais dans
mon système, si vous ne trouvez pas le moyen d’ajuster ces choses-là, je ne
pourrai voter l’art. 5. Du reste, dans tous les cas, je voterai contre le
projet.
M.
Dumortier. - Il y a dans la loi que nous discutons deux difficultés à
résoudre. La première consiste dans la différence de la durée du mandat des
représentants et de celui des sénateurs. Quelque système que l’on adopte, comme
l’a fait observer la section centrale, il est impossible d’éviter l’inconvénient
que l’on a signalé dans la différence des époques des élections.
La seconde résulte du cas de
dissolution de l’une et de l’autre chambre, tandis que la seconde continuerait
à rester en fonctions. Je ne vois pas de disposition dans la loi qui prévoie l’éventualité
d’une pareille dissolution, Il est cependant nécessaire de pourvoir à l’ordre
des séries dans ce cas.
Lorsqu’il y a deux ans, le
Roi, usant du pouvoir qui lui est conféré par la constitution, crut devoir
dissoudre la chambre des représentants, rien alors ne fut changé dans l’ordre
des séries parce que la dissolution avait lieu à quelques jours de distance de
l’époque fixée par la constitution pour le renouvellement partiel de la
chambre, Il faut prévoir le cas où la dissolution aurait lieu en dehors de
l’époque périodique. Car la loi dont nous nous occupons n’en dit pas un mot, et
quand une dissolution aura lieu par la suite, il sera trop tard pour venir
faire une loi qui règle ce point.
Il y a un grand principe qui
doit dominer toute la loi, c’est cette époque périodique des sorties qui doit
demeurer invariable. A mon avis, c’est là toute la base de la loi que nous
votons actuellement. Elle n’est qu’un appendice à la loi électorale. Le congrès
a décidé que les élections auraient lieu tous les deux ans, que la moitié de la
chambre des représentants serait renouvelée tous les deux ans, et que ce
renouvellement fractionnaire aurait lieu tous les huit ans pour le sénat. Il
faut que le deuxième mardi du mois de juin, tous les deux ans, la moitié de la
chambre des représentants sorte, et que tous les quatre ans, à pareille époque,
la moitié du sénat se retire. Voila la base de toute loi.
Il faut que nous évitions que
l’on puisse intervertir cet ordre. Je vous le demande, si, après une année de
session, le Roi venait à dissoudre la chambre des représentants d’une part ou
le sénat d’une autre, il arriverait que les élections périodiques du sénat et
de la chambre des représentants, au lieu de tomber comme par le passé aux mêmes
échéances, si je puis m’exprimer ainsi, cesseraient de coïncider à la même
époque.
Si, par exemple, il arrive que
les élections, au lieu d’avoir lieu dans les années impaires, comme cela
résulte de la base adoptée par le congrès, aient lieu dans les années paires
pour l’une des deux chambres, et dans les années impaires pour l’autre chambre,
vous aurez tous les ans des élections générales dans le pays. C’est ce qu’a
voulu manifestement éviter le congrès. Le congrès a voulu que les élections
eussent lieu tous les deux ans. Il ne faut pas, par un oubli de notre part,
ouvrir la porte à l’inconvénient que je signale, que l’on en vienne une année à
réélire la moitie de la chambre des représentants, et l’année suivante, à
réélire la moitie du sénat. Il y a une lacune dans la loi que nous discutons.
Comment combler cette lacune ? La chose n’est pas extrêmement facile. Il n’est
pas aisé de présenter un amendement improvise en séance. J’ai bien médité la
question ; mais je n’ai pas précisément formulé ma pensée en amendement. Voici
cependant la rédaction que je soumets à la discussion de la chambre :
« Si la dissolution a
lieu hors des époques périodiques résultant de la loi électorale, les
représentants ou les sénateurs appartenant à la série qui devait sortir la
première, ne seront élus que pour le terme qui resterait à cette série. »
Une disposition de ce genre
est indispensable dans la loi. Ce que je demande que la chambre mette à
exécution se pratique tous les jours, pour le remplacement des membres des deux
chambres. Il est vrai que la constitution dit que les sénateurs et les
représentants sont élus, les premiers pour 8 années, les seconds pour 4. Mais
qu’arrive-t-il quand un sénateur ou un député donne sa démission ou vient à
décéder ? il arrive que son successeur n’est élu que pour le terme qui reste à
courir.
Je demande que l’on applique à
chacune des chambres ce même principe, c’est-à-dire que les séries une fois
tirées au sort, le mode de renouvellement bisannuel une fois adopté, la
dissolution de l’une ou de l’autre chambre, ou de toutes les deux à la fois, ne
puisse intervertir l’ordre des séries. Je crois qu’il est de toute nécessité
d’insérer une disposition de cette nature dans la loi, si vous ne voulez pas
vous exposer à l’inconvénient que j’ai signalé.
J’ai
signalé à la chambre une lacune qu’il est très important de combler. J’ai
parfaitement bien saisi le rapport de la section centrale. Elle se borne à dire
que si la dissolution a lieu hors du temps des élections, l’on fera ce que l’on
croira devoir faire : l’ordre des séries pourra changer.
Je ne crois pas que vous
puissiez annuler par un simple article la disposition électorale qui veut que
les élections aient lieu le deuxième mardi du mois de juin. Telle est l’époque
fixée par la loi pour les élections ordinaires, me dira-t-on. Je sais bien que
si une dissolution a lieu, la première réunion des électeurs sera
extraordinaire ; mais les sorties qui viendront après cette dissolution seront
manifestement des sorties ordinaires. Elles devront avoir lieu dans le terme
fixé par la loi électorale. Rien n’est prévu pour ce cas dans la loi que nous
faisons.
Je déposerai ma proposition
sur le bureau. Je laisse à la chambre de décider s’il y a lieu de la renvoyer à
la section centrale ou de la mettre immédiatement en discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- S’il se présente quelques difficultés dans le système électoral belge, il
faut les attribuer à ce que le congrès a institué deux chambres électives. Il a
assigné un mandat différent à ces deux assemblées, et en a permis la
dissolution soit simultanément, soit séparément. C’est de ces dispositions
diverses que sont nées les difficultés ? Mais, messieurs, l’amendement proposé
par l’honorable préopinant ne remédie en rien. Il introduit au contraire un
nouvel embarras. Il en résulterait qu’une chambre ou que les deux chambres,
pourraient n’être élues que pour quelques mois.
Je suppose que dans l’année du
renouvellement la dissolution ait lieu au mois de mars, que les chambres
nouvelles soient élues au mois d’avril ; ces chambres n’auraient que deux ou
trois mois à siéger. Car, au mois de juin, Il faudrait procéder à de nouvelles
élections. Il suffit de signaler les conséquences de cet amendement pour faire
comprendre qu’il n’est pas admissible.
Je
ferai remarquer de plus qu’il est contraire à l’art. 51 de la constitution. Le
deuxième paragraphe de cet article porte qu’en cas de dissolution, la chambre
dissoute est renouvelée intégralement. Une chambre renouvelée a un mandat
nouveau. Il faut que ce mandat ait la durée que lui assigne la constitution,
qui est de quatre ans pour les représentants et de huit ans pour les sénateurs.
Il résulte donc de la combinaison de deux articles de la constitution que vous
ne pouvez décider qu’une chambre nouvelle achèvera le mandat de la chambre
précédente. Une chambre renouvelée reçoit un mandat nouveau. Elle n’a rien à
démêler avec la chambre qu’elle remplace. Nous ne pouvons donc restreindre la
durée de son mandat.
L’honorable préopinant a
appuyé la proposition qu’il fait de ce qui se pratique quand un membre vient à
décéder ou à donner sa démission. La comparaison manque d’exactitude, Le
renouvellement se fait par la moitié de la chambre et non par un député isolé.
Il est évident que le député qui appartient à une moitié de la chambre doit
subir le sort de cette moitié, parce que le membre doit suivre le corps. Il n’y
a aucune espèce d’analogie entre les deux cas.
M.
Gendebien. - Si vous ne changez pas l’article 5, si vous n’adoptez pas
la disposition que j’avais indiquée dans la séance précédente et qu’a formulée
l’honorable M. Dumortier, vous allez jeter la perturbation dans la constitution
et dans la loi électorale. J’ai dit hier qu’il résultait de la constitution
combinée avec la loi électorale que les élections devaient avoir lieu au mois
de juin, que l’ouverture légale des chambres arrivait au mois de novembre, et
que les mandats des députés prenaient fin aussi au mois de novembre.
Je vous ai dit que si vous
changiez le terme fixé pour le mandat des députés, vous seriez également
obligés de changer le terme fixé pour les élections.
Qu’a répondu M. le ministre,
de l’intérieur ? Il a dit qu’il pourrait résulter qu’une chambre ou que les
deux chambres ne fussent élues que pour quelques mois. Cela est inexact. Il n’y
aurait que la moitié d’une chambre ou des deux chambres qui ne serait élue que
pour quelques mois. C’est ce qui a lieu à l’égard du remplaçant d’un député
décédé ou démissionnaire ; si vous adoptez un système contraire au nôtre, vous
serez obligés d’intervertir l’époque périodique des élections. Je l’ai démontré
dans la séance d’hier, je vais le prouver aujourd’hui en peu de mots.
La constitution établit que
les mandats des députés durent 4 ans. Elle veut que les élections aient lieu au
mois de juin. Il suffira, dans le système de M. le ministre, d’une dissolution
pour bouleverser toute l’économie de la loi électorale.
Je suppose que, le 31 décembre
1835, le gouvernement dissolve les deux chambres.
Les élections auront lieu au
mois de janvier 1836. Comme le mandat des députés dure 4 ans, ce sera en
janvier 1840 que les élections générales devront avoir lieu. Vous voyez donc
que vous bouleversez toute la loi électorale. Vous exigez que les électeurs se
réunissent au mois de janvier au lieu du mois de juin, à moins que vous ne
décidiez que les députés ne siégeront que 3 ans et demi, ou qu’ils siégeront
quatre ans et demi. Mais, il n’est pas en votre pouvoir de prolonger ou
d’abréger la durée du mandat fixée par la constitution. Il en résultera qu’en
cas de dissolution, l’exception deviendra la règle.
Voyez maintenant si vous
voulez jeter une telle perturbation et dans la constitution et dans la loi
électorale.
L’amendement
que propose M. Dumortier est bien simple. Si vous dissolviez les chambres au
mois de janvier prochain, il y aurait la moitié des députés qui serait élue
pour deux ans, moins le temps qui aura couru du mois de novembre jusqu’au mois
de janvier, et l’autre qui serait élue pour quatre ans, moins le temps écoulé
depuis le mois de novembre jusqu’au mois de janvier. De cette manière, vous
n’êtes jamais obligés de sortir de la règle, tandis que si vous vous écartez
une fois de cette règle, l’exception la remplace ou plutôt vous n’avez plus de
règle.
Car si, après avoir dissous
les chambres au mois de janvier 1836, on les dissolvait de nouveau au mois de
juin suivant, après avoir changé la première fois le terme du mandat, vous
devriez le changer encore. En un mot vous mettez l’exception au lieu de la
règle. C’est à vous de choisir. Quant à moi, cela m’importe peu, mon mandat est
près de finir, et j’espère bien n’avoir plus rien à démêler avec cette chambre
ni avec les ministres. Mais, avant de quitter, j’ai voulu encore une fois
rappeler à l’exécution de la constitution et montrer qu’il n’y avait aucun
inconvénient à s’y conformer, tandis qu’il y en avait de très graves à s’en
écarter.
M.
H. Dellafaille, rapporteur. - L’opinion soutenue par l’honorable
préopinant a été émise hier dans le sein de la section centrale qui a fini,
après un long examen, par reconnaître que cette difficulté n’existait point et
que la proposition que reproduit aujourd’hui le préopinant n’était pas
admissible.
On soutient d’un côté que nous
ne pouvons prolonger même d’un seul jour le mandat de représentant fixé à
quatre ans par la constitution. Pour être conséquents avec eux-mêmes, ceux qui
prennent ce terme à la rigueur, doivent reconnaître qu’on ne peut pas non plus
en diminuer la durée. Cependant ils approuvent l’amendement de M. Dumortier,
amendement dont l’effet serait de réduire dans quelques circonstances le mandat
à quelques mois seulement pour une série, et à deux ans et quelques mois pour
la seconde série ; tandis qu’aux termes de la constitution, ce mandat doit
durer deux ou quatre ans.
Nous avons pensé qu’en
présence du paragraphe 2 de l’art. 31 qui déclare formellement qu’en cas de
dissolution la chambre est renouvelée intégralement, et des premiers
paragraphes des articles 51 et 52 qui portent que les députés sont élus pour
quatre ans et les sénateurs pour huit ans, cette proposition ne pouvait être
acceptée, puisqu’il en résultait que le mandat de député et de sénateur se
trouvait réduit presque à la moitié.
La difficulté signalée par
l’honorable M. Gendebien provient de la manière dont il a entendu l’expression
: « Les représentants sont élus pour quatre ans. » S’il fait finir le
mandat du représentant le jour anniversaire de l’entrée en fonctions, il a
raison ; mais c’est ce que la section centrale n’a pas admettre ; elle a pensé
qu’il fallait entendre des années législatives. Il n’importe alors à quelle
époque l’élection et l’entrée en fonctions ont pu avoir lieu ; la première série,
élue en juin prochain, devrait siéger aux sessions ordinaires, les sessions de
1835 et 1836, et le renouvellement devrait avoir lieu avant la session de 1837.
C’est
ainsi qu’il a été pratiqué après la dissolution ; nous avons siégé pendant la
session de 1833 et 1834, et la moitié de la chambre renouvelée entrera en
fonctions à l’ouverture de la session ordinaire de 1835.
S’il fallait admettre que le
mandat expire au jour anniversaire précis, que s’en suivrait-il ? Celui de la
moitié des sénateurs finirait au 8 septembre prochain ; cependant l’art. 53 de
la loi électorale fixe l’entrée des nouveaux élus au deuxième mardi de
novembre. Pendant deux mois entiers le sénat ne pourrait siéger. La position de
la chambre des représentants serait encore plus fausse, puisque cet état de
choses durerait depuis le 7 juin jusqu’au mois de novembre. Pendant ce laps de
temps il n’y aurait pas de réunion des chambres possible. Tel serait le
résultat du système que j’ai cru devoir combattre. C’est à la loi qu’il appartient
de fixer le jour précis de l’entrée en fonctions des nouveaux élus. Toutes les
convenances militent pour que l’on fixe l’époque la plus rapprochée des
élections, c’est-à-dire l’ouverture de la session qui la suivra immédiatement.
Je maintiens donc la proposition de la section centrale.
M.
Gendebien. - La loi électorale a fixé au mois de juin l’époque
ordinaire des élections, et au mois de novembre le terme des fonctions de
député ; la constitution a fixé le terme du mandat de député à quatre ans. Si
vous ne restez pas dans les termes de la constitution et de la loi électorale,
il en résultera les inconvénients que j’ai signalés, ce à quoi je prie qu’on
réponde.
Je répète ce que j’ai dit tout
à l’heure. Je suppose que le premier janvier 1836 la dissolution des chambres
soit prononcée : on procède aux élections ; et d’après le système du
préopinant, les députés élus en janvier seraient élus pour quatre ans,
c’est-à-dire jusqu’en janvier 1840. Comment alors remplacera-t-on ces députés ?
Les élections ont lieu en juin. Eh bien, il faudra nécessairement faire de
nouvelles élections en juin 1839, ou en juin 1840.
Si vous faites des élections
en juin 1839, la durée du mandat n’est plus de quatre ans, mais seulement de 3
ans et demi ; si vous les faites en 1840, la durée du mandat n’est pas non plus
de 4 ans, mais de quatre ans et demi. Conciliez si vous pouvez votre article 5
avec la loi électorale et la constitution.
Je demande de nouveau qu’on
réponde à cette question : Que deviendront ces députés depuis le 1er janvier
jusqu’au mois de juin 1840 ? de quoi se composera la chambre ? Vous devez donc
aussi toucher à la loi électorale, changer l’époque des élections ; vous devez
tout bouleverser, tandis qu’en adoptant l’amendement de M. Dumortier, qui est
la reproduction de la proposition que j’avais faite hier, vous obviez à tous
les inconvénients. En cas de dissolution, la règle reste toujours ; l’exception
prend bien un instant la place de la règle, mais une fois qu’elle a eu son
effet, la règle reprend sa force et les séries continuent. Si vous n’établissez
pas des séries à perpétuité, vous n’avez pas besoin de faire de loi, parce
qu’au moyen d’une dissolution toutes vos règles pourront être bouleversées.
Ainsi,
je me résume en adoptant l’amendement de M. Dumortier, d’après lequel, en cas
de dissolution, les membres nouvellement élus viennent prendre les fonctions
des membres de la chambre dissoute. Ceux qui avaient lors de la dissolution
trois ans ou trois ans et demi à siéger sont remplacés par des mandataires
nouveaux qui siègent pendant ces trois ans ou trois ans et demi. Il en est de
même pour ceux qui avaient encore une année et 6 mois ou un an à siéger ; ceux
qui les remplaceront siégeront pendant ce temps. C’est la chose du monde la
plus facile. On appelle les électeurs à nommer un représentant en remplacement
de tel ou tel ; si le membre sortant est réélu, il termine le temps qu’il avait
encore à siéger ; s’il est remplacé, son successeur siège en sa place pendant
ce temps.
Moyennant cela tout est dit.
Personne n’a répondu à cela. Je désire qu’on le fasse.
M. H. Dellafaille, rapporteur. - J’avais en
effet oublié de répondre à l’observation de M. Gendebien. L’honorable membre
avait demandé comment on remplacerait les députés élus en cas de dissolution au
commencement de 1836. Le mode est fort simple. Les députés élus au commencement
de 1836 devraient siéger les deux années législatives suivantes, c’est-à-dire
celles qui comprennent les sessions ordinaires de 1836 et 1837 ; la première
moitié serait ensuite réélue en juin 1838, et la seconde en juin 1840. Il est
vrai qu’en cas de dissolution, les réélections ne se font pas conformément à la
loi électorale, mais une disposition spéciale de la constitution trouve dans ce
cas son application ; l’art. 71 porte qu’en cas de dissolution, les électeurs
se font convoqués dans les quarante jours de l’acte de dissolution.
C’est ici un cas spécial et
particulier, et ce cas même vous prouve que, pour la durée du mandat de
représentant ou de sénateur, il faut entendre par années des années
législatives. Sinon, vous vous trouverez, quoi que vous fassiez, dans la
nécessité de prolonger ou de restreindre le mandat. Or, vous ne pouvez faire ni
l’un ni l’autre. C’est ce que fait M. Dumortier, car, d’après son amendement,
les membres de la chambre nommés après une dissolution ne siégeraient que trois
ans et un an.
M.
Jullien. - Quand vous discuteriez encore pendant deux jours la question
qui vous est soumise, vous n’en seriez pas moins placés dans l’alternative ou
de mobiliser l’époque des élections et la durée des fonctions de membre de la
chambre et du sénat, ou d’adopter la proposition de M. Dumortier. Je vous délie de sortir de cette alternative.
Voyons les inconvénients de
l’un et de l’autre système, puisqu’il faut nécessairement choisir entre les
deux. Si vous mobilisez l’époque des élections, vous bouleversez la loi
électorale, et si vous mobilisez la durée du mandat des représentants et des sénateurs,
vous violez la constitution.
Car la constitution a voulu
déterminer d’une manière positive la durée des fonctions des uns et des autres,
elle a fixé à quatre ans la durée des fonctions de représentant, et à huit ans
celle des fonctions de sénateur. Il est impossible d’entendre par ces quatre
ans et huit ans autre chose que quatre ans et huit ans révolus. Si vous
admettez cette mobilisation, vous tombez dans les inconvénients que je viens de
signaler, inconvénients qui ont motivé hier les observations présentées par
l’honorable M. Gendebien, et qui ont fait l’objet de la proposition faite
aujourd’hui par l’honorable M.
Dumortier.
Cette proposition présente
aussi sans doute quelques inconvénients, mais ils me semblent infiniment moins
graves que ceux dont je viens de parler. Les inconvénients de la proposition de
M. Dumortier sont que quand vous mettrez les députés nommés à la suite d’une
dissolution à la place des députés sortants, il arrivera que souvent le terme
de leurs fonctions sera révolu six mois ou un an après leur élection. Mais
c’est là un des inconvénients attachés à la dissolution. Quand vous accordez au
Roi la prérogative de dissoudre les chambres, vous devez admettre aussi les
conséquences qui dérivent de ce droit que vous accordez. Qui veut la fin, veut
les moyens. Dés que vous admettez le droit de dissolution, vous devez
l’admettre avec ses conséquences. A la vérité, vous seriez obligés souvent de
procéder à de nouvelles élections à une époque assez rapprochée des élections
qui auraient eu lieu à la suite de la dissolution, mais cet inconvénient me
paraît beaucoup moins grave que celui de bouleverser la loi électorale et de
violer la constitution.
L’honorable M. Dellafaille dit
que l’on doit entendre par les quatre ans auxquels la constitution fixe la
durée du mandat de député, des années législatives. Je demanderai à l’honorable
membre ce qu’il entend par des années législatives. Des sessions sans doute ;
mais il peut arriver qu’il y ait deux sessions dans un an, vous avez donc
abrégé de moitié la durée des fonctions conférées pour quatre ans par la
constitution.
Je sais
bien ce que c’est qu’une année théâtrale, une année scolaire. Cela est
déterminé par des époques fixes.
On confiait la durée des
engagements et le temps pendant lequel les écoles sont ouvertes dans les pays
où il y en a, mais je ne sais pas ce que c’est qu’une année législative ; je
voudrais que l’honorable rapporteur nous dît ce que la section centrale entend
par là. Une année législative, c’est, je le crois, l’année pendant laquelle à
différentes époques siège la législature : elle siège deux mois, quatre mois ;
mais la durée de l’année législative n’est pas tellement déterminée qu’on
puisse précisément savoir ce que c’est.
Prenez un parti. Trouvez un
autre moyen de ne pas bouleverser la loi électorale et la constitution, en
mobilisant la durée des fonctions de député et l’époque des élections, ou
admettez la proposition de M. Dumortier.
Tant que vous n’aurez pas résolu cette question, vous tournerez dans un cercle
et vous ne ferez rien de bon.
M.
Dumortier. - Il est évident que les inconvénients signalés par M. le
ministre de l’intérieur et M. le rapporteur de la section centrale ne sont rien
auprès de ceux que présente leur système. Je n’en veux pas d’autre preuve que
ce qu’a dit l’honorable M. Dellafaille. Si la dissolution, dit-il, était
prononcée en 1836, la première sortie aurait lieu en juin 1838, et la seconde
en juin 1840. D’abord je ferai observer que les époques de sortie ne sont pas
fixées au mois de juin, mais au deuxième lundi de novembre, et l’entrée en
fonctions an deuxième mardi du même mois, à moins que la chambre n’ait été
réunie antérieurement par le Roi.
Mais, dans l’ordre habituel,
sauf le cas où le Roi userait de sa prérogative de convoquer les chambres
extraordinairement, le jour d’entrée en fonctions est fixé au deuxième mardi de
novembre.
Maintenant, ceci posé, voyez,
je vous prie, quel serait le résultat de la proposition de M. Dellafaille. La dissolution
est prononcée le premier janvier 1836. Or, la première sortie, quand
aurait-elle lieu ? Le deuxième mardi de novembre 1838, et la seconde sortie le
deuxième mardi de novembre 1840. Que résulterait-il de là ? C’est que la
chambre aurait siégé plus que la constitution ne le veut. La première série,
qui ne doit siéger que deux ans, aurait siégé trois ans ; et la seconde, qui
n’en doit siéger que quatre, en aurait siégé cinq. On oppose la constitution
pour s’opposer à ce que la durée du mandat soit diminuée, mais on ne trouve pas
qu’elle soit un obstacle à sa prolongation.
J’arrive à cette question de
constitutionnalité. Nous qui défendons toujours la constitution contre les
atteintes qu’on veut y porter, si nous présentions une pareille question, on
nous rirait au nez, et on aurait raison. L’art. 51 porte : « En cas de
dissolution la chambre est renouvelée intégralement. » Eh bien,
disons-nous qu’elle ne sera pas renouvelée intégralement ? Il n’y a sur ce
point aucune contestation.
Mais la question à décider,
c’est celle de savoir quand aura lieu la première sortie. Comme on l’a fort
bien dit, si vous n’admettez pas un système quelconque, il est certain que vous
jetez la perturbation dans tout le système électoral qui nous régit. Ouvrez la
loi électorale, vous verrez qu’elle est tout entière fondée sur ce principe que
les élections ont lieu le deuxième mardi de juin ; les époques pour la
formation des listes des inscriptions, des réclamations, des appels, sont
fixées en conséquence ; tous les jours sont comptés, afin que chacun puisse
faire valoir ses droits et en jouir.
Je suppose que l’on veuille
s’en tenir à l’explication littérale de la constitution : toutes les fois qu’il
y aura dissolution, il faudra faire une nouvelle loi électorale. Si, aux termes
de la constitution, on ne peut pas restreindre le mandat des députés, elle ne
permet pas non plus de l’étendre. Comme le pays ne peut pas rester dix mois
sans représentation, vous devrez faire une loi électorale au mois de novembre,
afin que la chambre puisse entrer en fonctions au mois de janvier.
Si une chambre seulement est
dissoute, l’autre chambre restant, vous avez deux époques différentes pour les
élections. C’est contraire à la constitution et au système consacré par le
congrès dans la loi électorale.
Voyez combien serait vicieux
le système de M. Dellafaille. En admettant la dissolution pendant une année
paire, les sorties s’effectueraient de deux ans en deux ans pendant des années
paires ; si cette dissolution n’affecte qu’une des deux chambres, vous avez des
élections qui se font des années paires pour une chambre et des années impaires
pour l’autre. C’est pendant les années impaires que le congrès a voulu que les
élections se fissent pour l’une et pour l’autre chambre. Avec le système de la
section centrale, les électeurs de Bruxelles, par exemple, seraient réunis en
1836 pour nommer des députés et en 1837 pour nommer des sénateurs. Voilà où
vous conduirait ce système.
Vous avez voulu, avez-vous
dit, rendre aussi peu fréquentes que possible les réunions des électeurs, et
c’est pour cela que vous n’avez pas voulu fractionner les provinces : il y a
quelque chose de plausible dans ce motif, mais le système que vous soutenez
aujourd’hui est contraire à celui que vous défendiez hier, lorsque vous combattiez
le système de renouvellement par district. Je puis vous combattre par les armes
que vous employiez hier contre nous.
Par le système que je propose,
on ne fait qu’appliquer aux séries le système qu’on applique aux députés qui
sortent par décès ou démission. Chacun a le droit de dire : Je ne veux plus
siéger dans cette chambre. Le Roi a le même droit envers l’intégralité de la
chambre, par la dissolution. La chambre dissoute se trouve dans le même cas
qu’un député qui donne sa démission. Les députés qui sont appelés à remplacer
les députés démis par la volonté royale prennent leur place comme les députés
qui sont appelés à remplacer ceux qui sortent par leur propre volonté. De cette
manière vous avez avantage de conserver l’homogénéité dans la loi électorale ;
les élections ont toujours lieu à des époques périodiques invariables et jamais
vous n’êtes obligés de faire intervenir séries sur séries à des époques
différentes, ni d’avoir chaque année des élections dans chaque district, soit
pour la chambre des représentants, soit pour le sénat.
L’honorable rapporteur a fait
une objection qui serait de nature à faire impression sur vos esprits, si on ne
la réduisait à sa juste valeur. Mais, dit-il, vous êtes à l’année où la sortie
doit avoir lieu, les élections doivent se faire en juin 1835 ; en janvier 1836
le Roi dissout la chambre, les élections générales ont lieu, et il faudrait
encore faire de nouvelles élections au mois de juin de la même année pour le
renouvellement partiel. Je crois que cet argument est plus subtil que réel.
L’art. 70 de la constitution
porte que les chambres se réunissent de plein droit chaque année, le deuxième
mardi de novembre, à moins qu’elles n’aient été réunies antérieurement par le
Roi.
Les chambres doivent rester
réunies chaque année au moins quarante jours.
Voici donc la session
obligatoire fixée à quarante jours. Voilà le temps pendant lequel la chambre
doit de toute nécessité siéger. Maintenant de deux choses l’une. Ou le Roi
dissout après ces quarante jours, ou avant. S’il dissout avant les quarante
jours, il est manifeste que la chambre élue en remplacement de la chambre
dissoute aura siégé une année législative, et qu’ainsi elle doit entrer au lieu
et place de celle qu’elle remplace et sortir à l’époque ordinaire prescrite par
la loi électorale. Si la dissolution a lieu après les quarante jours et que le
Roi convoque la chambre, cette session, ayant lieu après l’époque
rigoureusement constitutionnelle, est une session par anticipation qui rentre
dans le dernier paragraphe de l’art. 70 qui porte que le Roi a le droit de
convoquer les chambres extraordinairement ; et dans ce dernier cas il ne doit
pas y avoir réélection au mois de juin suivant.
L’année parlementaire prise
dans son sens le plus restreint se compose de quarante jours, à dater du
deuxième mardi de novembre ; c’est ce qui résulte de l’art 70 de la
constitution. Si donc, après ces quarante jours, le Roi dissout la chambre, la
session qui vient ensuite est une session par anticipation. Ainsi le Roi a
dissous la chambre le 28 avril 1833 ; les élections ont eu lieu à la fin de
mai. La chambre s’est réunie dans les premiers jours de juin. Il est
incontestable que vous pourrez siéger jusqu’au deuxième
mardi de novembre, comme la première législature, qui a commencé ses travaux le
8 septembre 1831, devait aux termes de la loi électorale siéger jusqu’en
novembre 1835. Donc, c’est une session de plus de deux ans ; mais la
constitution le veut, parce qu’il ne doit point y avoir d’intervalle dans votre
mandat. Je vous le demande, si vous n’admettiez pas ce système,
qu’arriverait-il si des circonstances graves avaient lieu, et que la chambre
dût se réunir ? Il n’y aurait pas de chambre. La chambre à venir ne pourrait
pas se réunir avant le deuxième mardi de novembre ; la chambre dissoute ne le
pourrait pas non plus. D’après la constitution, c’est de ce deuxième mardi de
novembre que l’on fait compter l’année parlementaire, sinon vous vous exposez
aux plus graves inconvénients. Vous vous exposez, en cas de la mort du Roi par
exemple, à n’avoir pas de chambre. Il faut établir que toute session avant ce
terme fatal est une session par anticipation. Partant de ce principe, vous
pouvez et devez siéger jusqu’au deuxième mardi de novembre. Il résulte de là
que cette question constitutionnelle n’est qu’un leurre, et que si nous la
soulevions, on nous rirait au nez. Voyez au surplus combien cette prétendue
inconstitutionnalité est peu fondée ; on ne veut pas que ce mandat puisse être
restreint et on veut pouvoir l’allonger de huit mois ; mais si le congrès a
voulu que les fonctions de député fussent de 4 ans dans le sens littéral, vous
ne pouvez pas plus augmenter ce terme que vous ne pouvez le diminuer. Il s’agit
de faire pour les chambres ce que nous faisons tous les jours pour des députés.
Quand un député donne sa démission, celui qui le remplace ne siège que pour le
terme qui restait à courir ; pareille chose doit avoir lieu en cas de
dissolution. Si vous n’acceptez pas cet amendement, vous jetez la perturbation
dans toute la loi électorale. Je voudrais qu’on démontrât quels inconvénients
il y a à l’adopter ; mais jusque là, je crois devoir y persister.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je dois continuer à combattre l’amendement de l’honorable préopinant qui
s’éloigne tout à fait de la constitution. Vous ne pouvez admettre que la
chambre des représentants, renouvelée au mois de janvier 1835, doive de nouveau
sortir par moitié au mois de juin de la même année, et l’autre moitié au mois
de juin 1837. Vous lui ôtez par là la moitié de son mandat, et cela est
inconstitutionnel.
Nous devons naturellement
revenir à l’opinion de l’honorable rapporteur de la section centrale. Nous
devons entendre, année parlementaire, et c’est ainsi que le congrès l’a entendu
; car en admettant l’époque fixe du mois de juin, sans avoir égard aux
dissolutions qui pourraient survenir, il est évident que le congrès a entendu
parler de l’année parlementaire. La loi électorale n’établit point une année
fixe de 365 jours.
En admettant l’année
parlementaire, nous devons entendre une année qui comporte une session
ordinaire ; par conséquent, les députés nouvellement élus ont droit à siéger
pendant quatre sessions ordinaires. C’est positif. La chambre qui a été
dissoute au mois de mai 1833, accomplit deux sessions ordinaires ; elle a eu un
bout de session d’autre chambre, parce que l’autre chambre n’avait pas fait son
budget.
Qu’avons-nous
à régler ? Une seule chose : c’est l’époque de l’entrée des députés
nouvellement élus, et la sortie des anciens. On a généralement désiré que les
nouveaux députés entrassent en fonctions à la prochaine réunion des chambres,
pour éviter que les anciens députés ne siégeassent, alors que leurs commettants
auraient donné un mandat à leurs successeurs. Il n’est pas indispensable de
fixer aujourd’hui toutes les époques de renouvellement d’une manière
invariable.
Ces époques pourront varier
d’après celles des dissolutions. Mais ne prenons pas sur nous de trancher cette
question d’une manière invariable. L’honorable M. Dumortier a cru trouver un
remède à ce qu’il signale comme donnant lieu à de graves inconvénients ; mais
ce remède serait pire que le mal. Il amènerait les conséquences les plus
bizarres ; il pourrait réduire le mandat de quatre ans à deux ans, et le mandat
de deux ans à quelques jours.
M.
Gendebien. - Vous vous rappelez, messieurs, que c’est le ministère et
l’honorable rapporteur de la section centrale qui, les premiers, ont invoqué la
constitution pour prouver que notre mandat devait expirer en juin 1835. Ce sont
eux qui ont invoqué la constitution qui fixe ce mandat à quatre années. J’ai
posé l’hypothèse d’une dissolution au premier janvier ; je leur ai demande ce
qu’il adviendrait alors, et j’ai dit qu’il fallait changer l’époque des
élections. Il était difficile de me répondre. Qu’a-t-on fait ? On a parlé
d’année législative, et on vous a dit que c’est ainsi que le congrès l’avait
entendu. Quand on met en demeure MM. les ministres, pour qu’ils répondent à une
question qui touche à la constitution, lorsqu’ils ne peuvent pas s’en tirer,
ils vous disent : C’est ainsi que le congrès a voulu l’entendre. Je vais vous
prouver le contraire :
L’article 51 de la
constitution ne parle pas d’année législative. Voici comme il s’exprime :
« Art. 51. Les membres de
la chambre des représentants sont élus pour quatre ans. Ils sont renouvelés par
moitié tous les deux ans, d’après l’ordre des séries déterminé par la loi
électorale.
« En cas de dissolution,
la chambre est renouvelée intégralement. »
Voulez-vous savoir comment le
congrès entendait ces quatre ans ? Voyez la loi électorale du congrès qui dit à
l’article 53 :
« La sortie ordinaire des
députés à la chambre des représentants et au sénat a lieu le deuxième mardi du
mois de novembre.
Quand vous rapprochez l’art.
51 de la constitution de l’article 53 de la loi électorale, il ne peut pas
rester l’ombre d’un doute à l’homme qui veut ouvrir son intelligence à la
vérité. A quoi bon parler d’une époque fixe de l’année pour déterminer la fin
du mandat des députés et des sénateurs, si l’on avait voulu entendre, année
législative ? Il n’y a pas d’année ni d’époque déterminée, elle finit avec la
session. La session a commencé le deuxième mardi de novembre, elle finira quand
le Roi fermera la session ; il l’aurait pu au mois de janvier dernier. Il le
peut demain.
S’il
avait voulu exprimer une année législative, le congrès eût dit que l’on était
élu pour quatre sessions ordinaires ; voila comme il eût dit. Maintenant que
j’ai réfuté par le congrès lui-même ce que M. de Theux avait invoqué du
congrès, il reste constant que la constitution veut que le mandat soit de
quatre années de douze mois, à moins de dissolution. Je ne conçois pas tant de
persistance. Quels inconvénients signale-t-on ? Aucun. Il pourrait arriver,
dit-on, que par suite de dissolution, il y eût des députés appelés à ne
remplacer les membres sortants que pour quelques mois. Cela est possible ; mais
veuillez remarquer en premier lieu que la dissolution n’aura lieu que très rarement
; c’est une mesure dont on a déjà abusé, mais qu’on se gardera, j’espère, de
renouveler souvent.
En second lieu, la dissolution
peut avoir lieu au commencement du terme du mandat comme à la fin ; les mandats
les plus près d’expirer étant de deux ans, le terme moyen est d’une année, il
en résulte donc que, pour le cas rare de dissolution, il y aurait des députés
qui ne siégeraient que pendant un an.
Je le répète, je ne comprends pas
la persistance du ministère de la section centrale, car au bout du compte je ne
vois pas que le gouvernement ait le moindre intérêt à ce que sa proposition
l’emporte sur celle de l’honorable M.
Dumortier. C’est une simple affaire d’ordre.
M.
Dumortier. - J’avais demandé la parole pour répondre à M. le ministre,
qui prétend toujours que les mandats pourraient être réduits à quelques mois ;
il ne veut pas m’entendre. J’ai dit que la session commençait toujours le
deuxième mardi de novembre, et durait au moins six semaines ; au bout de six
semaines, si le Roi clôt la chambre, il est dans son droit, et s’il fait une
convocation, c’est une convocation par anticipation. La constitution veut que
les chambres entrent en fonctions le deuxième mardi de novembre ; elle en fixe
la sortie au même jour, c’est-à-dire, qu’elle ne veut pas d’intervalle entre la
sortie et l’entrée des chambres en fonctions. Que ferait-on en pareil cas, s’il
survenait une dissolution ? Malgré la chambre close, les députés resteraient en
fonctions jusqu’à l’entrée de leurs successeurs. Lisez l’art. 70 :
« Les chambres se réunissent
de plein droit chaque année, le deuxième mardi de novembre, moins qu’elles
n’aient été réunies antérieurement par le Roi.
« Les chambres doivent
rester réunies chaque année au moins quarante jours.
« Le Roi prononce la
clôture de la session.
« Le Roi a le droit de
convoquer extraordinairement les chambres. »
Ainsi, à moins d’exception, le
jour ordinaire est toujours le deuxième mardi de novembre ; vous ne pouvez le
changer, la constitution l’a posé en principe. Cet article n’est pas nouveau.
il existe dans la loi fondamentale dont l’art. 97 porte : « Les états-généraux
s’assembleront au moins une fois par an, le troisième lundi d’octobre. »
C’est une disposition analogue, les états-généraux comme la chambre des
représentants s’assemblaient à jour déterminé. Cela est si positif qu’à
l’époque de la révolution, notre honorable président, M. Raikem, nommé membre
des états-généraux, n’a pas pu siéger parce qu’il n’était pas nommé à l’époque
prescrite par l’art. 97 de la loi fondamentale.
Il est des
cas graves dans lesquels la chambre doit s’assembler ; je veux adopter un
instant la proposition du ministère.
Vous avez été élus en juin
1835 pour deux ans ; Je suppose que, dix jours après, le Roi vienne à mourir :
loin de nous un pareil malheur, il n’en est pas question, Dieu merci ; mais je
suppose ce cas : la chambre doit se réunir ; il n’y a pas eu de dissolution
prononcée, ainsi vous êtes dans le cas d’une sortie ordinaire ; comment
ferez-vous ? Les nouveaux élus siégeront, dit quelqu’un ; je voudrais bien
savoir comment on s’y prendra. Faut-il vous répéter ce que j’ai dit tout à
l’heure, relativement à l’honorable M. Raikem ? La nouvelle chambre ne pourra
pas siéger, et l’ancienne ne sera plus en nombre. Je ne conçois pas quelle est
l’opposition sérieuse que l’on peut faire à mon amendement, hors duquel il ne
peut arriver que confusion et chaos.
M.
Devaux. - La discussion qui s’est engagée me paraît assez obscure. Dans
mon opinion l’art. 5 ne présente pas de si graves difficultés que nous ne
puissions l’admettre. Que la sortie ait lieu en juin ou en novembre, les
inconvénients sont les mêmes. Au moyen de la dissolution, vous avez une entrée
de députés mobile et une sortie fixe arrêtée par la loi électorale. Or, la
constitution donne au mandat de député une durée fixe de quatre ans, et d’un
autre côté, elle laisse une époque mobile pour rentrée en fonctions, et arrête
unie sortie fixe : c’est une anomalie. En Angleterre et en France, il n’y a pas
d’époque fixe ; il faudrait donc tâcher de concilier les époques fixes de
sortie avec les époques mobiles d’entrée. La difficulté est de proposer un
remède pour les cas exceptionnels de dissolution.
L’honorable M. Dumortier en
propose un qui ne me convient pas ; il vient de parler du cas de vacance du
trône : aux termes de la constitution il doit y avoir alors dissolution des
chambres. Je suppose que cette dissolution ait lieu un mois ou deux avant la
sortie. Vos nouveaux députés se réuniront, et à peine réunis, ils seront
obligés de se retirer. Cela nécessitera de nouvelles opérations électorales, et
le pays se trouvera exposé à de très graves dangers.
Je dis donc que ce remède ne me
convient pas ; mais puisque tout le monde reconnaît qu’une exception est
nécessaire pour le cas de dissolution, je crois que ce qui conviendrait le
mieux ce serait d’établir l’exception par une disposition ainsi conçue :
« En
cas de dissolution, les élections pour remplacer la première série sortante
auront lieu, pour la chambre de représentants ainsi renouvelée, au mois de juin
qui suivra la seconde session ordinaire ; et pour le sénat, s’il a été
renouvelé de cette manière, au mois de juin qui suivra la quatrième session
ordinaire.
« Les élections en
remplacement de la seconde série de la chambre des représentants auront lieu
deux ans plus tard et pour la seconde série du sénat, quatre ans plus tard.
« La session ordinaire est
celle qui comprend le deuxième mardi de novembre, soit que les chambres se
soient réunies ce jour même, soit qu’elles aient été réunies antérieurement par
le Roi. »
De cette manière, il n’y aura
pas de députés de 15 jours ; si la durée de leur mandat n’est pas exactement de
2 ou 4 ans, au moins, elle s’en rapproche le plus possible.
M.
H. Dellafaille, rapporteur. - L’honorable M. Dumortier a prouvé à
l’évidence que le mandat des députés ne pouvait expirer le jour anniversaire
précis de leur entrée en fonctions. Mais, d’après le système qu’il a mis en
avant, il arriverait que si la dissolution avait lieu l’année d’une sortie
ordinaire, il y aurait deux élections dans la même année, à quelques mois
peut-être, à quelques semaines d’intervalle. Si, dans notre système, une
dissolution peut rapprocher les électeurs pour le sénat de celle pour la
chambre des représentants, au moins cet événement ne peut se présenter qu’à un
an de date, et seulement une fois tous les ans.
J’ai à répondre à l’argument
qu’on a tiré de ce que la session ordinaire pouvait être ouverte immédiatement
après les élections qui suivraient une dissolution. Cet allégué ne pourrait
être exact que si la session précédente avait été close préalablement à la
dissolution. Dans le cas contraire, les faits prouvent contre M. Dumortier. En 1833 la chambre des
représentants fut dissoute pendant le cours de la session ordinaire de 1832 ;
au mois de juin suivant le sénat continua cette même session comme si elle
n’eût pas été interrompue ; la chambre des représentants siégea
extraordinairement. Depuis elle a siégé deux années législatives complètes,
celle de 1833 qui s’ouvrit le deuxième mardi de novembre et qui se prolongea
jusqu’en 1834, et celle de 1834 qui, ouverte à la même date, n’est point encore
close. Maintenant une série doit sortir avant l’ouverture de la session 1835,
et fera ses quatre années parlementaires fixées pas la constitution.
On a demandé ce qu’il fallait
entendre par année législative.
Celle énigme ne me paraît pas
difficile à deviner. C’est nécessairement l’espace de temps qui s’écoule depuis
l’ouverture d’une session ordinaire d’une année jusqu’au jour de l’ouverture de
la session ordinaire de l’année suivante.
L’honorable M. Dumortier a
rappelé ce qui se passait aux états-généraux ; il était absent, je crois,
lorsque j’ai présenté le rapport au nom de la section centrale ; j’ai répondu
alors à cet argument. Les états-généraux s’assemblaient à jour fixe, et ne
pouvaient pas être dissous. Alors il n’y avait pas d’inconvénient à ce que les
années fussent comptées rigoureusement.
Je ferai encore observer que
si l’art. 53 de la loi électorale n’est pas modifié, il faudra nécessairement
admettre que pour la série sortant la durée du mandat se prolongera, comme s’il
n’avait commencé qu’au mois de novembre. Il en eût été ainsi sans même qu’il y
eût eu dissolution. La chambre, la première fois, fut réunie le 8 septembre
1831 ; sans la dissolution, la moitié sortant aurait conservé son mandat
jusqu’au deuxième mardi de novembre, c’est-à-dire pendant 2 ans et 2 mois.
Voilà ce qui résulte de la législation du congrès même. Voilà comment la loi
fut entendue par la législature qui suivit le congrès. D’après cela je ne pense
pas qu’il soit possible de limiter d’une manière précise la durée du mandat des
membres des chambres.
M. le
président. - Voici les amendements qui ont été déposés sur le bureau :
Amendement de M. Devaux. « En cas de
dissolution, les élections pour remplacer la première série sortante auront
lieu, pour la chambre des représentants ainsi renouvelée, au mois de juin qui
suivra la seconde session ordinaire ; et pour le sénat, s’il a été renouvelé de
cette manière, au mois de juin qui suivra la quatrième session ordinaire.
« Les élections en
remplacement de la seconde série de la chambre des représentants auront lieu
deux ans plus tard, et pour la seconde série du sénat, quatre ans plus tard.
« La
session ordinaire est celle qui comprend le deuxième mardi de novembre, soit
que les chambres se soient réunies ce jour même, soit qu’elles aient été
réunies antérieurement par le Roi. »
Amendement de M. Dumortier. « Si la dissolution
a eu lieu hors des époques périodiques ordinaires, les membres de la chambre
dissoute seront respectivement élus pour le terme qui restait à chaque série.
« Néanmoins, lorsque la
dissolution a eu lieu après les 40 jours prescrits par l’art. 70 de la
constitution, il n’y aura pas de renouvellement partiel au mois de juin
suivant. »
Amendement de M. Gendebien. « En cas de dissolution
des chambres ou de l’une d’elles, les élus prendront la place des membres de la
chambre dissoute, et siégeront pendant le temps nécessaire pour
l’accomplissement des mandats précédents, conformément aux art. 51 de la
constitution et 53 de la loi électorale. »
M.
Fleussu. (pour une motion d’ordre). - Voici plusieurs amendements qui
viennent d’être lancés dans la discussion. Il s’agit d’une loi extrêmement
importante, et voici des propositions dont on ne peut calculer la portée, alors
qu’on ne les connaît que par une simple lecture. Je demande le renvoi à la
section centrale, laquelle fera un rapport sur les amendements.
La chambre fera à cet égard ce
qu’elle voudra. Pour moi je tiens à être éclairé et à ne voter qu’en connaissance
de cause. Je remarque de l’impatience dans la chambre, mais s’il y a du retard,
ce n’est pas ma faute, c’est la faute de ceux qui présentent des lois aussi
incomplètes ; c’est aussi la faute de la section centrale, qui nous a fait un
rapport qui ne signifie absolument rien (on
rit) : on ne peut guère s’éclairer par la lecture d’un pareil rapport. On
est alors abandonné à ses propres lumières tandis qu’on devrait être guidé par
celles de la section centrale.
Je demande donc le renvoi à la
section centrale de l’art. 5 et des amendements. Quant à moi, il ne m’est pas
possible de voter maintenant sur l’art. 5 qui se rattache évidemment aux
propositions en discussion.
Nous perdons de vue que la
dissolution a placé la chambre dans une position tout à fait exceptionnelle, et
que les règles qui peuvent s’appliquer au sénat ne peuvent s’appliquer à la
chambre. La grande difficulté vient de la dissolution qui a eu lieu en 1833 ;
si, au lieu d’une dissolution, il n’y eût eu alors que renouvellement partiel de
la chambre, les nouveaux élus ne seraient entrés en fonctions qu’au mois de
novembre, tandis que, par suite de la dissolution, les nouveaux élus sont
entrés en fonctions quinze jours après les élections.
Sous ce rapport, je ne partage
pas l’opinion de l’honorable M. Dumortier, savoir que notre mandat n’expire que
le deuxième mardi de novembre prochain ; je pense que le mandat de la chambre
expire le 7 juin, parce que c’est le 7 juin que nous sommes entrés en
fonctions.
Lorsqu’un nouveau rapport aura
été présenté sur les amendements, il est bien probable, quoique je ne m’y
engage pas encore, que j’appuierai celui de l’honorable M. Dumortier. Car hier j’en ai donné l’idée dans quelques mots que
j’ai prononcés.
Il me semble que la
dissolution n’est rien autre chose que la démission donnée à chacun de nous par
le pouvoir exécutif ; elle n’a pas d’autre effet que la démission que chacun de
nous donnerait de son mandat. Je n’ai rien à répondre aux raisonnements que
l’on a présentés à cet égard. Mais M. le ministre de l’intérieur dit que par la
dissolution la chambre est renouvelée intégralement, et que d’après les termes
de la constitution la moitié de la chambre est élue pour 4 années ; veuillez
remarquer que si l’on poussait ce raisonnement dans ses dernières conséquences,
un député nommé en remplacement d’un membre démissionnaire et décédé devrait
aussi siéger pendant 4 années.
En effet, la loi électorale ne
distingue pas entre les membres élus par suite d’une dissolution ou par suite
d’une démission. Voilà cependant ce qui résulterait, du système que soutient M.
le ministre de l’intérieur, lorsqu’il dit que les élections auraient leurs
effets pour 4 années
Qu’avons-nous
fait dans la loi électorale ? Nous avons déclaré qu’un député nommé en
remplacement d’un membre démissionnaire ou décédé prend la place de ce député.
Eh bien, s’il est vrai, et je crois que cela est exact en principe, que la
dissolution n’a d’autres effets que la démission que donnerait chacun de nous,
il est évident que la chambre qui remplace la chambre dissoute prend la place
de l’ancienne chambre.
Le
sénat l’a tellement compris ainsi qu’il a continué la session après la
dissolution, et qu’il n’y a eu qu’une session en 1832.
L’amendement de M. Dumortier
tend à faire concorder des époques fixes à des époques mobiles. Cela est
impossible. Il suffira d’une dissolution à une autre époque que celle des
élections ordinaires, pour tout déranger.
Il est nécessaire d’arrêter
une bonne fois le système. Celui pour lequel je me suis prononcé n’a qu’un seul
inconvénient, celui d’élections trop rapprochées. Cela n’est nullement
inconstitutionnel ; j’ai eu l’honneur de le démontrer.
Préalablement, je demande le
renvoi à la section centrale de l’art. 5 et des amendements sur cet article.
M. H. Dellafaille, rapporteur. -
Relativement à la demande que l’on fait du renvoi à la section centrale, je
ferai remarquer que la section centrale s’est occupée de la question soulevée
par l’honorable M. Dumortier, et l’a résolue dans son rapport. Dès lors le
renvoi a la section centrale est superflu, car elle ne pourrait que vous
présenter les mêmes conclusions.
M.
Dumortier. - La question qui nous occupe est très grave et très difficile.
Si l’on ne veut pas renvoyer les amendements à la section centrale, je demande
au moins que la discussion soit renvoyée à demain, pour que les amendements
soient imprimés et distribués de manière à ce que chacun les ait sous les yeux.
Car il est impossible d’improviser dans une matière aussi délicate.
- Le
renvoi à la section centrale est mis aux voix ; il n’est pas adopté.
M. le
président. - Je demanderai aux auteurs des amendements si ces
amendements sont proposés comme article additionnels, parce qu’alors rien
n’empêcherait de mettre l’art. 5 aux voix.
M.
Devaux. - Mon amendement est indépendant de l’art. 5.
M.
Dumortier. - Il ne suffit pas d’une simple lecture des amendements pour
savoir s’ils excluent ou non l’art. 5. J’ai des scrupules à cet égard. Je
persiste dans la demande du renvoi de la discussion à demain.
M.
Gendebien. - Il faut bien s’entendre avant de voter. Il est impossible
de voter sur l’art. 5 et en même temps sur les amendements. Je rappellerai les
faits, et je rappellerai l’objection de l’honorable M. Fleussu concernant le
sénat, objection qui à elle seule me déciderait à rejeter l’art. 5.
Les faits, les voici : La chambre
fut dissoute en 1833, sans que la session de 1832 eût été close. Nous aurions
donc dû continuer la session de 1832 ; nous avons néanmoins, après la
dissolution, siégé en session de 1833. Et voici comment je le prouve : Les
électeurs convoqués pour remplacer les membres de la chambre dissoute ont été
convoqués pour nommer les députés qui appartiennent à la session de 1833,
puisque, par l’élection générale, on a nommé dans certains districts des
députés en nombre tout semblable à celui qui aurait été nommé pour la session
de 1833.
Par exemple, le district de
Thuin avait deux députés pour toutes les sessions depuis 1830 jusqu’au premier
renouvellement ; c’est-à-dire jusqu’au deuxième mardi de novembre 1833. Eh
bien, pour l’élection générale en 1833, les électeurs ont été appelés à nommer
un député, nombre fixé par la loi électorale pour les députés qui devaient être
appelés pour la session de 1833. C’est donc la session de 1833 que nous avons
faite. Mais alors, messieurs, notre mandat doit nécessairement aller, même
d’après l’amendement de M. Devaux, jusqu’au mois de novembre 1835 ; et nous
n’aurons rempli que deux sessions ordinaires.
M. Devaux est donc en
contradiction avec lui-même ; vous ne pouvez donc pas admettre l’art. 5 et son
amendement ; car il y aurait contradiction dans la loi : son amendement faisant
partie de la loi que vous discutez, y introduirait une disposition
inconciliable avec l’art. 5, vous ne pouvez donc, comme le dit M. Devaux,
adopter l’art. 5 tout d’abord et adopter ensuite son amendement. Au surplus,
vous ne pouvez adopter l’art. 5 par la raison qu’a dite M. Fleussu. Il n’y a pas perturbation pour le sénat, comme pour la
chambre ; le mandat des sénateurs n’expirera qu’au deuxième mardi de novembre
1835 ; d’après votre article, vous faites expirer ce mandat avant le deuxième
mardi de novembre 1835, et, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le faire
observer hier, ce serait contraire à la constitution ; rayez-en l’article 51 :
vous contrarieriez aussi la loi électorale qui prescrit la sortie de la moitié
des sénateurs pour l’an 1835, et en novembre. A moins que tous les membres du
sénat consentent à restreindre leur mandat, vous ne pouvez pas les forcer, même
par une loi, à renoncer à un seul jour de la durée de leur mission.
Les sénateurs pourraient bien
donner leur démission ; mais la législature ne peut rien changer à la durée de
leur mandat sans violer la constitution. De toutes les manières, vous ne pouvez
admettre l’article 5 tel qu’il est.
Messieurs,
je ne sais s’il convient de prolonger plus longtemps la discussion. Dans
l’embarras où vous êtes, vous allez adopter à peu près au hasard une
disposition ; il y aura remède à ce que l’on va faire lors du second vote ; car
on aura deux fois vingt quatre heures pour examiner ce qui aura été admis.
Sous ce rapport, je consens à
ce que l’on prenne une décision quelconque, pourvu qu’il soit bien entendu
qu’on pourra y revenir. Toutefois, je déclare ne pouvoir prendre part à la
délibération, car je ne suis pas assez éclairé.
J’attends les réponses que
l’on pourra faire aux objections présentées.
M. le
président. - La parole est à M.
Devaux.
M.
Devaux. - Je voudrais savoir si la discussion continue.
M.
Dumortier. - Il est impossible de comprendre l’amendement de M. Devaux
en l’entendant lire seulement ; il faudrait l’avoir sous les yeux pour le
méditer, qu’on l’imprime, qu’on le distribue ce soir, et que l’on renvoie la
discussion à demain.
- La chambre consultée renvoie
en effet à demain la discussion sur les amendements.
La séance est levée à quatre
heures.