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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du mercredi 11 février 1835
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2)
Réponse du ministre à la motion d’ordre relative au contrôle de la pêche en mer
à Anvers (d’Huart, Legrelle, de Brouckere)
3) Projet
de loi portant organisation des communes. Discussion des articles. Attribution
du conseil communal. Administration des bois communaux ((+établissements de
bienfaisance) Thienpont, Desmanet
de Biesme, d’Hoffschmidt, Desmanet
de Biesme, d’Hoffschmidt, de Brouckere, de Roo, Fallon, Dubus, F.
de Mérode, Trentesaux, Gendebien,
Dumortier, d’Huart, Berger, d’Huart, Dumortier, Fallon, Dubus, Thienpont, Desmanet de Biesme, Liedts)
(Moniteur belge n°43, du 12 février 1835)
(Présidence de M. Raikem.)
M.
de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure.
M.
Brixhe donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est
adopté.
M.
de Renesse fait connaître l’analysec des pièces suivantes adressées à
la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Les régences des
communes de Ketpent, Spalbeek et Berbrock (Hasselt), demandent des indemnités
pour les ravages essuyés pendant les journées des 7 et 8 août 1831. »
- Renvoi à la commission des
pétitions chargée d’en faire le rapport dans le plus bref délai possible.
______________
« Le sieur F. Oldenhove,
négociant à Anvers, adresse par forme de renseignements des observations sur la
proposition de M. Desmaisières, relativement à l’industrie cotonnière. »
- Renvoi à la commission des
pétitions chargé d’en faire le rapport avant la prise en considération de la
proposition de M. Desmaisières, et impression au Moniteur.
________________
« Plusieurs ouvriers
cotonniers de Gand prient à la chambre de prendre des mesures en faveur de leur
industrie souffrante. »
- Même décision.
________________
« Le sieur Calot,
capitaine pensionné, renouvelle sa demande d’intervention de la chambre pour
obtenir une pensions égale à son grade. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
M. C. Vilain XIIII. - Je prie la chambre de vouloir bien
ordonner la lecture d’une pétition dont on vient de nous faire connaître
l’objet. Hier, une députation de trois cents ouvriers cotonniers s’est rendue à
mon domicile à Gand, pour me remettre, en ma qualité de membre de la chambre,
une pétition que j’ai déposée sur le bureau ce matin. Cette députation s’est
présentée dans le plus grand ordre et s’est retirée de même. Le mémoire est
peut-être écrit avec un peu de vivacité ; c’est qu’il a été dicté sous
l’inspiration de la faim.
Toutefois, il ne s’y trouve
rien d’inconvenant, et je prie la chambre d’en ordonner la lecture et de hâter
autant que possible la prise en considération déposée par la plupart des
députés des Flandres, en faveur de l’industrie cotonnière.
M.
de Renesse procède à cette lecture :
« A la chambre des
représentants à Bruxelles.
« Messieurs les
représentants, trente mille ouvriers vous ont exposé leur détresse. Vous ne les
avez point secourus, vous n’avez pas même ajouté croyance à leurs paroles, et
vous les avez traités comme ces mendiants qui étalent des plaies factices pour
émouvoir une pitié dont ils ne sont pas dignes. Ils n’en souffrent pas moins,
et chaque jour qui s’écoule rend leurs souffrances plus aiguës, et la misère ne
les a pas encore tellement abrutis, qu’ils ne s’aperçoivent que l’avenir est
encore plus menaçant que le présent.
« Ils sont donc forcés de
s’interroger sur leur situation, de vous demander à vous-mêmes pourquoi ils
sont déshérités de la protection que l’Etat accorde à tous ses enfants.
« Le bon sens, les
simples lumières de la raison leur avaient dit que puisque les fabriques du
pays fournissaient assez de marchandises pour servir aux besoins du pays, il
était tout naturel d’en exclure les marchandises fabriquées par des étrangers
qui ne se font aucun scrupule, eux, de repousser les nôtres. Ils s’imaginaient
que du moment où il était reconnu par les parties intéressées qu’une mesure
aussi simple et aussi juste pourrait arrêter la ruine des fabriques belges,
elle aurait été adoptée par ceux qui sont chargés de veiller aux intérêts de
« Ils ont appris depuis
que de savants orateurs avaient prouvé qu’un remède aussi facile n’était pas
d’accord avec les prescriptions de la science, et que la grande raison d’une
opinion désespérante était que la prohibition des marchandises étrangères
devait donner plus de valeur aux fabricants du pays et que la généralité des
consommateurs se trouveraient imposés au profit d’une classe particulière du
peuple.
« Si les ouvriers des
fabriques avaient aussi le droit d’envoyer un représentant dans votre soin,
leur mandataire vous dirait sans phrases, sans science, mais avec vérité et
bonne foi :
« Le nombre des fabriques
belges est assez considérable pour que la concurrence qui existe entre eux,
garantisse suffisamment le bon marché de la marchandise ; et quand bien même il
en serait autrement, serait-ce donc une chose extraordinaire que d’imposer la
masse de la nation au profit de quelques-uns de ses membres ?
« Lorsque vous regardez
autour de vous, ne voyez-vous pas le produit des impôts prélevés sur les objets
de première nécessité servir à procurer et les jouissances du luxe à quelques
privilégiés ? N’y a t-il pas des pays où tous ceux qui ont quelque chose sont
taxés pour subvenir aux besoins de ceux qui ne produisent rien, et n’ont pas le
moyen d’exister ?
« Que l’industrie périsse
en Belgique ; que de fatales prédictions s’accomplissent, et cinquante, cent
mille ouvriers sans travail viendront vous demander du pain ; et la vérité vous
éclairant trop tard, vous reconnaîtrez, en tremblant, la nécessité d’une taxe
des pauvres.
« Et alors la masse se trouvera
imposée au profit de ces malheureux, que vous aurez condamnés à la misère,
alors le prétendu mal qui vous effraie dans la prohibition se trouvera accompli
; mais avec cette différence que vous aurez jeté à des hommes de coeur, le pain
de l’aumône qui flétrit et démoralise au lieu de favoriser le travail qui,
quelque pénible qu’il soit, laisse à l’homme le sentiment de sa dignité.
« Entre imposer le pays
pour donner du travail, ou l’imposer sous forme d’une taxe des pauvres, votre
choix peut-il être douteux ?
« Messieurs les représentants, ce langage, les ouvriers le comprennent
et ils vous disent : Nous ne voulons pas de taxes de pauvres, nous sommes
propres au travail ; donnez-nous du travail, et n’oubliez pas que vous n’avez
pas reçu la mission de défendre les intérêts des étrangers, mais de faire jouir
vos concitoyens de tout le bien-être dont ont joui leurs pères, et sur lequel
ils ont le droit de compter dans une patrie si riche et si belle.
« Et vous aussi,
messieurs, vous comprendrez qu’il faut mettre un terme à des lenteurs
meurtrières, que chaque délai est un pas de plus vers l’abîme, et qu’enfin
« Les soussignés ont
l’honneur d’être avec le plus profond respect, messieurs les représentants, vos
très humbles serviteurs.
« (Suivent les
signatures.) »
M. Helias d’Huddeghem. - Je demande que cette pétition soit renvoyée
à la commission des pétitions avec invitation d’en faire promptement le
rapport.
M. Bekaert. - D’autres pétitions sur l’industrie
cotonnière ont été imprimées ; je demande que celle-ci le soit aussi et qu’on
puisse prononcer avec connaissance de cause.
Plusieurs membres. - Elle sera imprimée dans le Moniteur.
M. le président. - L’impression est ordonnée dans
le Moniteur.
M. Helias d’Huddeghem. - Je demanderai que le rapport de la commission
des pétitions soit fait vendredi prochain.
M.
Desmet. - Il est un autre mémoire dont on vient de faire l’analyse et
qui est aussi relatif à l’industrie cotonnière. Il vient d’Anvers ; il est fort
étendu ; je demande que la chambre en ordonne également l’impression dans le Moniteur.
M.
de Foere. - J’ai pris connaissance préalable du mémoire que M. Desmet
vous signale. Il est rédigé par un industriel fort entendu dans la matière et
qui a des établissements à Anvers, à Bruxelles et dans les environs. Je demande
qu’il soit imprimé au Moniteur et que
la commission des pétitions en fasse promptement le rapport.
M. le
président. - S’il n’y a pas d’opposition, l’impression est ordonnée
dans le Moniteur.
La commission des pétitions
sera invitée à s’en occuper.
M. Pollénus. - Messieurs, parmi les pétitions
dont vous venez d’entendre l’analyse, il en est qui nous adressées par quelques
administrations communales de l’arrondissement de Hasselt qui demandent que les
pertes essuyées par les pillages des Hollandais à l’époque de l’invasion de
1831 soient prises en considération dans la loi d’indemnités sur laquelle vous
aurez bientôt à délibérer.
Ces réclamations méritent de
fixer votre attention.
Je propose en conséquence que
la chambre renvoie ces pétitions à la commission, avec invitation de faire un
rapport avant que la section centrale soit appelée à s’occuper du projet de loi
sur les indemnités.
M. le
président. - S’il n’y a pas d’opposition, la commission des pétitions
sera invitée à faire promptement un rapport sur ce mémoire.
_______________
M.
Gendebien. - je préviens le ministère que lorsque la commission des
pétitions fera son rapport sur toutes les pétitions concernant l’industrie dite
cotonnière, je demanderai qu’il nous fasse un rapport catégorique sur les
causes réelles de la détresse des fabricants de coton. J’invite donc le ministère
a recueillir dès à présent le plus grand nombre de
renseignements possible, et de nous transmettre les documents nécessaires pour
que nous soyons éclairés sur les causes réelles de cette détresse et sur les
moyens les plus efficaces d’y porter un prompt remède.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - L’assemblée a demandé hier que le
ministère déposât sur le bureau les décisions prises par l’administration,
relativement à la pêche qui se fait, ou plutôt que l’on prétend se faire à
Anvers. Je vais avoir l’honneur de donner lecture des deux dernières décisions
que le gouvernement a prises à cet égard :
« Le ministre des
finances,
« Vu les rapports de M.
le directeur d’Anvers du 24 de ce mois, relatifs à des doutes qu’il élève sur
l’application du tarif des douanes, au poisson de mer importé par des bateaux
belges ;
« Attendu que le tarif du
13 avril 1831, n° 112 (Bulletin officiel,
n°38), impose le poisson de mer de pêche étrangère à des droits dont l’article
112 de la constitution ne permet pas d’accorder l’exemption ;
« Attendu que si le tarif
de 1822 établissait une exemption en faveur du poisson de la pêche nationale et
que cette exception doive être considérée comme maintenue, elle ne peut
recevoir qu’une stricte interprétation, qui la restreigne au poisson provenant
réellement de la pêche maritime belge, et ne peut en aucun cas être appliquée
au poisson acheté par des bateliers belges à des pêcheurs hollandais ;
« Attendu que la
supposition frauduleuse au moyen de laquelle on présenterait à l’importation à
Anvers, comme produit de la pêche nationale du poisson de mer acheté et
provenant réellement de la pêche hollandaise, afin d’obtenir l’exemption des
droits, serait un vol fait à la nation, au préjudice du trésor et des loyaux
contribuables ;
« Attendu que des
marchands de poisson et bateliers de Willebrouck ont adressé au gouvernement
des plaintes contre ce genre de fraude qu’ils prétendent se pratiquer à Anvers,
et dans lesquelles ils assurent qu’il n’arrive par l’Escaut à Anvers aucun
poisson provenant réellement de la pèche nationale ;
« Attendu que pour jouir
légalement de l’exemption applicable à cette pêche, il faut prouver à
suffisance de droit que le poisson présenté à l’importation provient
directement de la pêche nationale, que cette preuve incombe nécessairement à
celui qui réclame l’exemption, et que des réclamations adressées à ce sujet au
directeur à Anvers contiennent l’aveu que les bateliers qui la sollicitent,
sont dans l’usage d’acheter leur poisson des pêcheurs hollandais, ce qui
n’entre nullement dans l’esprit de la loi qui n’a point voulu favoriser la
pêche hollandais au détriment de la véritable pêche nationale ;
« Attendu que des procès
ont constaté des transbordements de poisson de pêche hollandaise sur des
bateaux belges dans le bas Escaut ;
« Attendu que l’une des
conditions que doivent présenter les preuves que le poisson provient réellement
de cette dernière, est la possibilité physique que les bateaux reconnus propres
à cet usage, pourvus des filets, gréements et autres objets nécessaires à la
pêche, et contenant en outre un réservoir, ont réellement été en pleine mer, et
qu’eu égard à la distance de l’océan à Anvers, à la descente et à la remonte du
fleuve, ainsi qu’au temps nécessaire pour la pêche, cette opération exige un
temps moral qui, en général, peut être évalué à plus de huit jours ;
« Attendu que l’exception
de l’exemption ne peut-être admise que lorsque les preuves à fournir par les
intéressés ne laissent aucun doute sur la véritable provenance du poisson, et
que lorsqu’elle n’est pas suffisamment établie, et notamment lorsque l’absence
très courte du bâtiment démontre au contraire l’impossibilité physique qu’il
ait été en mer, le poisson importé doit incontestablement tomber sous le régime
de la règle générale ;
« Sur la proposition du
conseil d’administration,
« Décide :
« En attendant qu’une loi
ait déterminé les conditions spéciales relatives à l’exception en faveur de la
pêche nationale, M. le directeur de la province d’Anvers n’accordera
d’exemption de droits sur le poisson de mer que lorsqu’il arrivera à Anvers
dans des bateaux reconnus propres à la pêche, qui en auront obtenu un permis pour
constater leur départ, qui seront restés au moins huit fois 24 heures hors de
« A défaut de ces
justifications, le poisson importé ne jouira d’aucune exemption, et il sera
passé outre à toute protestation ou réclamation qui n’apporterait point ces
preuves d’une manière positive.
« M. le directeur est
chargé de faire constater par procès-verbaux les fraudes ou contraventions par
lesquelles on chercherait à éluder les droits dus à l’Etat sur le poisson
importé.
« Les saisies qui
pourraient avoir eu lieu ou celles qui surviendraient ultérieurement, seront
traitées sur le pied des affaires contentieuses ordinaires, en attendant et
conformément à l’article 242 de la loi générale, il sera offert immédiatement
main levée sous caution solvable et consignation des droits du poisson saisi,
et à défaut de cette garantie il devra être procédé selon l’art. 243 et sans
retard à la vente de la marchandise.
« M. l’administrateur est
chargé de l’exécution de la présente.
« Bruxelles, le 23 avril
1834.
« Le ministre des
finances, Aug. Duvivier. »
Voici maintenant la décision
qui a fait l’objet de la réclamation de l’honorable M. Legrelle :
« Le ministre des
finances,
« Considérant qu’il
résulte de renseignements nombreux et irrécusables que plusieurs pêcheurs
d’Anvers, sous prétexte d’aller pêcher en mer, introduisent dans le pays du
poisson acheté à des étrangers, et cela en franchise des droits dus au trésor ;
« Considérant que d’après
la législation existante, mise en rapport avec la position topographique de
« Attendu qu’il conste
également à l’évidence des dépositions de divers témoins entendus dans une
cause actuellement pendante devant la cour de Bruxelles, que l’on abuse des
permissions accordées à l’effet d’aller pêcher en mer ;
« Sur la proposition du
conseil d’administration,
« Décide :
« De charger M. le
directeur des contributions à Anvers de suspendre l’effet de tous les permis
qui auraient pu être accordés pour la prétendue pêche nationale en mer.
« M. le directeur de
l’administration des contributions directes, etc., est chargé de l’exécution de
la présente.
« Bruxelles, le 2 février
1835.
« Le ministre des finances,
E. d Huart. »
Je vais maintenant entrer dans
quelques explications sur les motifs qui ont en engagé le gouvernement à
prendre ces deux décisions, et sur la nécessite de mettre le trésor à l’abri de
la fraude.
Il est une règle générale en
matière de douanes qui soumet au paiement des droits toutes les marchandises,
sous quelque dénomination que ce soit aussi souvent qu’elles sont importées,
exportées ou déclarées en transit, à la seule exception de celles qui sont
expressément exemptées de ce paiement.
Cette règle commune à toute
douane est consacrée quant à la douane belge par les art.
3 et 4 de la loi générale du 26 août 1822, n. 38.
Et l’art. 2 de la loi du tarif
portant la même date, sous le n°39, établit que les objets ou marchandises qui
ne sont pas dénommés dans le tarif, doivent payer un droit de 3 p. c. à
l’importation, etc.
Il résulte évidemment de ces
dispositions que les seules marchandises admises à l’exemption des droits de
douanes, sont celles que le tarif ou la loi désignent formellement comme devant
jouir de cette exemption.
Quant au poisson, le tarif de
1822 accordait exemption des droits d’entrée et sortie pour celui provenant de
la pêche nationale, et établissait la prohibition à l’importation de celui non
provenant de cette pêche. Par suite de la séparation de
Si au contraire cette
exemption devait être considérée comme maintenue, elle ne pouvait être
appliquée qu’à l’exception prévue par la loi précédente, c’est-à-dire à la
provenance de la pêche nationale reconnue comme telle ; d’où résultait dès lors
la nécessité de distinguer cette provenance de celle de la pêche étrangère, ce
qui ne pouvait s’établir que par des preuves ou par des conditions
réglementaires de la police sur la pêche nationale.
Or, si l’on consulte les
règlements de police sur la pêche maritime, l’on demeure convaincu qu’il
n’existe point de pêche nationale à Anvers, où des règlements n’ont jamais été
en vigueur. Des règlements locaux ont au contraire existé et existent encore en
Flandre, sous la continuité non interrompue d’un exercice réel de la pêche
maritime.
L’administration a consulté
les autorités de la province d’Anvers sur la question de la pêche et sur les
moyens d’en constater la réalité. Il en est résulté que, non seulement ces
moyens de preuve n’y paraissent pus possibles, mais qu’il n’y existe point de
pêche nationale proprement dite, autre que celle du même poisson provenant du
bas Escaut. Quant au poisson de mer, l’on peut certes considérer comme
provenance belge celui que par un trafic frauduleux des marchands de poisson
vont acheter des pêcheurs hollandais. L’administration à Anvers, cédant d’abord
avec trop de facilité peut-être aux réclamations de ces marchands, crut pouvoir
les admettre à jouir de l’exemption, et délivra alors à quelques-uns des permis
au moyen desquels cette exemption leur était appliquée.
Mais d’autres réclamations
ayant signalé les abus qui résultaient de cette faveur, ce fut l’occasion de la
décision du 25 avril 1833, qui, à défaut de possibilité de preuve, consentit à
admettre comme suppléant à cette condition une absence de 8 jours. Ces permis
dont fait mention cette décision, ne se rapportaient nullement à l’exercice de
la navigation de l’Escaut ni même à celui de la pêche, l’administration n’ayant
point qualité pour autoriser ou pour défendre cet exercice ; c’était simplement
un moyen de constater le fait du départ, de la durée d’absence et le retour de
l’embarcation.
De nouveaux abus se
multiplièrent, et des procès-verbaux furent dressés qui constataient que des
transbordements de poisson de pêche hollandaise avaient été effectués sur les
bateaux prétendument employés à la pêche nationale ; que du poisson réellement
de provenance étrangère avait été déclaré comme produit de cette pêche, et
enfin que la condition d’absence n’avait point été observée. Ces diverses
contraventions, et les rapports dont elles firent l’objet amenèrent une
contestation dont la question est en ce moment soumise à la cour d’appel de
Bruxelles.
L’administration n’a point
pour but d’en obtenir des amendes, mais elle doit, dans l’intérêt du pays et de
la véritable pèche nationale, repousser des prétentions que la cupidité de
quelques spéculateurs veut faire prévaloir sur des considérations bien
autrement importantes que la nature même des choses rend d’une évidence
incontestable.
C’est dans cet état de
nécessité actuelle que fut prise la décision du 2 février.
Il importe de remarquer,
messieurs, que les permis dont cette décision fait mention, sont ceux dont il a
été parlé plus haut, c’est-à-dire le document relatif au moyen de constater le
départ et l’absence du bateau pour lequel il était délivré, et que ce même
permis concerne si peu du reste l’exercice de la navigation et de la pêche, que
dans la relation que vous a faite l’honorable M. Legrelle, de la contrariété
rencontré à la patache par cinq bateliers, il convient lui-même que, malgré le
refus d’y reconnaître les permis, l’un d’eux continua son voyage, ce qu’en
effet rien ne l’a empêché le faire librement.
Vous reconnaîtrez donc,
messieurs, qu’il ne s’agit nullement, dans le cas que je viens d’expliquer,
soit d’une question de navigation ou d’une question de police de la pêche, qui
n’est point d’ailleurs du ressort de mon département ; mais tout se réduit ici
à une simple question d’application d’un droit de douane. C’est à cette seule
question que se rapporte le permis tant cité.
Et bien
loin que l’administration des douanes interdise ou entend interdire la
navigation de l’Escaut, j’ajouterai en passant qu’il n’est pas même de son
ressort de s’opposer à l’importation du poisson hollandais ou même des navires
de cette nation, et qu’elle a seulement le droit, et c’est de plus un devoir
pour elle, d’en exiger le paiement des impôts dont l’art. 112 de la
constitution ne permet pas de les affranchir, lors même que des importateurs
officieux leur prêteraient le manteau de la nationalité ; à moins que ceux-ci
ne parviennent à justifier complètement les produits recueillis dans leur
expédition en mer, puisqu’il est de principe incontestable que celui qui
invoque une exception, prouve à suffisance de droit qu’il se trouve dans le cas
et dans les conditions voulues pour l’obtenir.
Telles sont les observations
que j’ai cru devoir ajouter aux deux décisions dont j’ai donné lecture.
J’espère la chambre sera convaincue que n’a pas voulu entraver la libre
navigation de l’Escaut, mais que l’on a seulement voulu mettre un frein à la
fraude qui se faisait à Anvers au détriment du fisc.
M.
Legrelle. - Je ne sais pas s’il n’est pas intempestif d’aborder dès à
présent la question que soulèvent les rapports de M. le ministre des finances.
Nous devons attendre que l’impression du rapport et des arrêtés dont il nous a
donné lecture nous permette de les examiner mûrement. Mais il est telle
assertion qui, si elle n’était pas relevée sans délai, pourrait produire un
très mauvais effet sur cette assemblée et dans le public. Je demanderai donc la
permission de détruire immédiatement cette fâcheuse impression.
Le premier arrêté de M. le
ministre des finances a le grave inconvénient de résoudre la question par la
question même : M. le ministre nous dit : Il n’y a pas de pêche nationale à
Anvers. Donc vous ne pouvez pas pêcher. Mais c’est là un point à discuter. Y
a-t-il possibilité d’établir la pêche à Anvers ? Sans aucun doute, et jusqu’à
ce que l’on ait démontré positivement le contraire, il n’appartient pas à M. le
ministre de trancher par un simple arrêté une question d’une portée aussi
grave.
L’on doit justifier, dit M. le
ministre, que le poisson apporté à Anvers est du poisson national. (Hilarité.}
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne me suis pas servi de cette
expression.
M.
Legrelle. - Comment pouvez-vous lire à la couleur ou dans les yeux du
poisson qu’il est ou n’est pas national ? (Hilarité
prolongée.)
Cette manière d’agir ressemble
beaucoup à ce que fit un vice-président de tribunal sous le gouvernement
précédent, qui possédait aux environs de la ville d’Anvers une maison de
campagne entourée d’étangs. Une nuit, on lui vola son poisson. Toutes les
belles carpes de M. le vice-président avaient disparu. Que fait cet honorable
magistrat ? Il parcourt la poissonnerie et toutes les échoppes de poissonniers
de la ville, examine les carpes qui nageaient dans les baquets, et prétend
reconnaître celles qui, le jour précédent, habitaient encore ses étangs. Chose
inouïe, il fit comparaître en justice la marchande de poissons qu’il prétendait
avoir acheté le produit du vol. Je n’ai pas besoin de vous dire que M. le
vice-président perdit son procès, et j’espère que M. le ministre des finances
perdra également le sien.
Que dit l’arrêté pris par M.
le ministre en date du 2 de ce mois ? L’on a abusé des permis de pêcher. Donc
il n’en sera plus délivré. C’est comme si on disait : La fraude se commet dans
telle localité, sur telle marchandise plus que dans telle autre ; à l’avenir il
ne sera plus permis d’introduire cette espèce de marchandise par cette
localité. Appartient-il ainsi à M. le ministre des finances, non pas
d’interpréter la loi, mais d’en changer aussi complètement les dispositions ?
Il n’y a que la législature qui ait ce droit. On permet aux pêcheurs de
Blankenbergh et d’Ostende de pêcher. Pourquoi les pêcheurs de toute autre
localité du royaume n’auraient-ils pas la même faculté ? Ce n’est pas ici une
question de navigation, dit-on, puisque l’on n’empêche pas les navires de
descendre l’Escaut. Ici je répondrai à une interpellation faite dans la séance
précédente par l’honorable M. de Brouckere, que si l’on n’empêche pas les
navires de descendre la rivière, l’on ne permet pas aux pêcheurs de déclarer
qu’ils vont à la pêche, ce qui est la même chose. C’est employer une subtilité
peu digne de la chambre que de dire que l’on n’interdit pas la navigation aux
pêcheurs puisqu’on leur interdit le droit faire usage, c’est-à-dire la faculté
de pêcher. L’usage de la navigation de l’Escaut doit être aussi libre pour le
dernier pêcheur qu’il l’est pour les ministres eux-mêmes. (Hilarité.)
Ce que je combats en résultat,
c’est qu’à propos de fraude il ne s’agit de rien moins que d’envelopper dans
une proscription générale ceux qui fraudent et ceux qui ne fraudent pas.
J’interpelle à cet égard les personnes de cette assemblée qui sont le plus
pénétrées de la fraude qui se commet par quelques pêcheurs d’Anvers. Est-il
juste, est-il légal, est-il constitutionnel de comprendre dans une même mesure
de proscription ceux qui sont peut-être coupables et ceux qui ne le sont pas ?
M. le ministre nous dit qu’il
faut qu’une loi facilite les moyens de constater que la pêche est réellement faite
par les pêcheurs d’Anvers. Mais que demandent les pêcheurs de bonne foi ? Ils
demandent que l’on mette à bord de leurs bâtiments des personnes étrangères,
voire même des agents du fisc, qui convoient leurs embarcations, et veuillent
s’assurer par elles-mêmes si la pêche nationale a réellement lieu à Anvers.
Pour ôter à cet égard jusqu’à l’ombre du doute, je vous lirai deux lignes qu’un
patron de navire a fait publier il y a peu de temps :
« Le
navire pêcheur le Bœuf partira pour
la pêche demain samedi, vers dix heures. On admettra à bord, sans aucun frais,
deux ou trois amateurs, s’il s’en présente, munis des papiers nécessaires pour
traverser la flottille belge. » Que peut-on offrir de plus ? Ne serait-ce
pas de la part des pêcheurs le comble de l’absurdité que de vouloir se
soumettre à une épreuve aussi décisive, et d’une exécution aussi facile pour le
ministre des finances, s’il était vrai, comme le prétend M. le ministre, que
toute pêche nationale est impossible aux habitants d’Anvers ? et quelle justification plus complète peut exiger le fisc de
la part de ceux à qui il veut enlever le droit commun, le droit d’exercer une
industrie qui alimente un si grand nombre de familles, et qui est à mes yeux un
véritable droit de propriété ? Je livre avec confiance ces simples réflexions à
mes honorables collègues, et j’ose me flatter que M. le ministre aussi voudra y
faire attention, et qu’elles lui feront révoquer une disposition que je crois
avoir été prise en dehors de ses attributions constitutionnelles.
M.
de Brouckere. - Je demande que l’assemblée ne continue pas la
discussion soulevée par l’honorable M. Legrelle. Je demande l’impression des
communications de M. le ministre des finances au Moniteur. Je demande également que la commission des pétitions soit
invitée à nous faite vendredi un rapport sur la requêté des pêcheurs d’Anvers.
- La motion de M. de Brouckere
est adoptée.
Discussion des articles
Titre
II. - Des attributions municipales.
Chapitre Ier. - Des attributions du
conseil municipal.
Article 75 (du projet du gouvernement)
M.
Thienpont. - J’ai l’honneur de proposer à la chambre l’amendement
suivant :
« Je propose d’ajouter au
paragraphe premier de l’article de la section centrale, après ces mots : «
conseils communaux, » ceux-ci : « les hospices et établissements de
bienfaisance. »
Messieurs,
je crois pouvoir me dispenser d’entrer dans de longs développements pour
justifier l’utilité de l’amendement que j’ai eu l’honneur de déposer. A la
séance d’hier, plusieurs orateurs, tout en discutant la motion d’ordre proposée
par M. de Brouckere, ont fait valoir une foule d’arguments, qui a mon avis
établissent à toute évidence les avantages et la nécessité même, eu égard aux
dispositions de l’article 108 de la constitution, d’adopter le premier
paragraphe de la proposition de la section centrale, sinon de l’honorable M. Desmanet de Biesme. Si ces
arguments sont prépondérants pour amener, en ce qui concerne l’administration
et la surveillance de leurs bois, l’émancipation des communes de la tutelle de
l’administration forestière, ils militent avec encore bien plus de force pour
faire jouir de la même faveur les hospices et établissements de bienfaisance,
puisque cet affranchissement, en procurant à ceux-ci sous le rapport de
l’économie et de la conservation les mêmes avantages qu’on a démontré devoir en
résulter pour les communes, n’amènerait aucun des inconvénients qu’on a
signalés. Sans vous répéter ce qui a été dit à cet égard, qu’il me soit permis,
messieurs, de vous faire remarquer que la crainte qu’on a élevé que les
communes n’abusassent de cet affranchissement pour s’approprier le présent sans
s’inquiéter de l’avenir, ne peut trouver de fondement à l’égard des propriétés
boisées, des hospices et établissements de bienfaisance, puisqu’ici il y a
absence absolue de tout intérêt personnel, et l’expérience a démontré que ces
administrations ont constamment pour but d’augmenter leurs ressources et que
partant elles s’occupent bien plutôt de l’avenir que du présent. Je crois
pouvoir borner à ce peu de mots mes observations, et attendre en pleine
confiance l’adoption de mon amendement.
M. Desmanet de Biesme. - Avant
d’entrer dans le fond même de la discussion, je crois devoir parler à la
chambre du but de mon amendement et des circonstances dans lesquelles je l’ai
présenté. Je craindrais, si je ne donnais pas ces explications que ce but ne
fût pas parfaitement compris.
Je ne croyais pas que
l’administration des bois communaux pût être contestée aux communes. Les art 31 et 108 de la constitution me paraissaient si
explicites, tellement clairs, que je ne croyais pas qu’il pût s’élever le
moindre doute à cet égard. Différents articles de la loi communale avaient été
déjà rédigés dans le même sens.
Sentant la nécessité de ne pas
laisser aux communes l’administration de leurs bois, sans une surveillance de
la part des conseils communaux, j’ai cru devoir proposer un amendement. Vous
savez comment il est rédigé, je ne le reproduirai pas. Si, lorsque l’on a fait
la constitution, je m’étais opposé à ce que l’on rendît l’administration de
leurs bois aux communes, j’aurais dû proposer le même amendement, afin qu’elles
ne pussent abuser des droits que leur conférait le pacte fondamental.
Mon amendement a été présenté
dans un but de conservation plutôt que dans un but de destruction, comme on a
paru le croire. Je suis d’accord avec tous les membres qui ont parlé contre ma
proposition sur un point, c’est que vous devez chercher à empêcher la
destruction des forêts. Je ne voudrais pas qu’on laissât aux communes
l’administration de leurs biens sans une surveillance quelconque. Mais quelle
doit être cette surveillance ? C’est une question que je me propose d’examiner
tout à l’heure.
Je suis d’accord avec
l’honorable M. Fallon, sauf sur un point. L’honorable M. Fallon voudrait qu’on
attendît la réunion des nouveaux conseils provinciaux pour prendre leur avis
sur le mode de surveillance à exercer dans le cas dont il s’agit. Quant à moi,
je ne partage pas cette opinion. Je suis heureux que, sans avoir eu
connaissance des considérations présentées au ministre de l’intérieur par la
députation des états de la province de Namur, je me trouve d’accord avec cette
députation. Je crois qu’elle demande précisément la même chose que mon
amendement.
Plusieurs honorables membres,
au lieu de parler de la question de principe établie dans la constitution, se
sont attachés à démontrer les inconvénients qu’il y aurait à donner aux
communes l’administration de leurs bois. Que ces inconvénients existent ou
qu’ils n’existent pas, il ne s’agit pas de les examiner.
La constitution nous fait un
devoir de donner aux communes l’administration de leurs bois. Vous ne pouvez
faire qu’une loi en harmonie avec le principe. Il m’importe peu que M. Zoude
prétend que les états provinciaux avaient repoussé cette disposition. Je ferai
remarquer qu’à l’époque où les états provinciaux existaient, il n’y avait pas
dans la loi fondamentale d’article semblable à celui sur lequel repose le
principe dont j’invoque l’exécution.
Tout le monde est d’accord
avec les honorables adversaires de mon amendement, qu’il faut que
l’administration des bois communaux soit soumise à une surveillance de la part
d’une autorité supérieure, puisque l’on considère les communes comme étant sous
une espèce de tutelle. Mais qui doit exercer cette surveillance ? Est-ce
l’administration des finances avec laquelle les communes n’ont aucune relation
? Toutes les relations des communes, comme je l’ai déjà dit, sont établies avec
les provinces qui ressortissent du département de l’intérieur par le moyen des
gouverneurs, des commissaires de district, des députations. et
des conseils provinciaux.
On me demandera pourquoi je
suis contraire à l’administration des finances. Je la reconnais compétente
lorsqu’il s’agit de la perception des deniers de l’Etat. Elle est entièrement
fiscale par essence. Mais je ne lui reconnais pas le mérite de traiter d’une
manière impartiale les intérêts des communes. L’administration forestière
dépend du département des finances. Je pense que cette administration a, dans
beaucoup d’occasions, été hostile aux communes qui n’avaient pas le pouvoir de
s’opposer à ses décisions. Il ne serait pas difficile de prouver que, dans
beaucoup d’occasions, cette administration a suscité aux autorités locales une
foule de tracasseries. Je pourrais citer beaucoup de traits à l’appui de ce que
j’avance. Je me bornerai à un seul.
Le gouvernement possédait dans
les environs de la commune que j’habite, 3 à 4 bonniers de bois sur lesquels
les habitants avaient le droit de molle-bois. L’administration des forêts
suscita un procès aux habitants et voulut réduire à quelques mauvaises essences
le paiement de ce droit. La commune prouva que le droit dont elle jouissait,
comprenait plus de mesures de bois de la forêt. L’administration entama alors
un second procès. Heureusement à la tête de la commune se trouvait un homme
éclairé qui consulta les titres en vertu desquels la commune possédait le droit
de molle-bois. Il démontra que la condition attachée à cette jouissance donnée
à la commune était celle de nourrir les chevaux du comte de Namur quand il
allait à la chasse dans la forêt. Les habitants offraient à nourrir les chevaux
du roi des Pays-Bas, successeur du comte de Namur, chaque fois que celui-ci
viendrait chasser dans la forêt. La commune perdit son procès et fut condamnée
à des frais considérables. Voilà les tuteurs que l’on veut donner aux autorités
locales. Je demande de tout mon pouvoir qu’on réalise dans la loi communale la
promesse faite par la constitution. Je crois qu’il est de notre devoir d’en
agir ainsi. Nous n’avons pas à nous occuper de la question de savoir s’il y a
danger ou non. Nous devons nous demander si le principe est dans la
constitution, ou s’il n’y est pas.
En vous parlant de
l’administration des finances, j’ai eu un second but, c’est un but d’économie.
Mais l’économie que j’ai eue en vue concerne le trésor et non pas les communes.
Vous savez que le gouvernement précédent a vendu presque toutes les forêts de
l’Etat ; et cependant l’administration n’a pas subi de réduction dans la même
proportion. Vous verrez d’ailleurs, quand vous discuterez le budget des
finances, que les provinces d’Anvers et du Brabant ont pour elles seules un
inspecteur. Quel est le nombre d’hectares de bois que le gouvernement possède
dans ces deux provinces ? Je ne vous le laisserai pas à deviner, car vous ne
pourriez pas y arriver. Le gouvernement possède dans ces deux provinces deux
bonniers et demi ou un demi-bonnier, je ne me rappelle pas bien lequel des
deux, mais c’est l’un des deux, et il y aura pour cela un inspecteur. Aussi
l’administration des forêts, pour subsister, sent-elle la nécessité de se
raccrocher à la gestion des bois communaux, car sans cela il ne lui resterait
rien à administrer si ce n’est dans la province du Luxembourg, où le
gouvernement possède encore assez de bois.
Un honorable membre a dit que
l’administration des bois communaux devait être considérée comme un objet
d’intérêt général. Je ne sais si vous pouvez imposer aux communes de sacrifier
à cet intérêt général. On a dit que, sous le gouvernement précédent, même les bois
des particuliers étaient astreints à une certaine surveillance ; que les
propriétaires ne pouvaient pas faire couper telles futaies, ni défricher sans
autorisation.
Alors les bois se vendaient
très bien, et depuis ils sont beaucoup tombés de prix. Que cela fût injuste, on
le savait, mais on ne se plaignait pas, parce qu’on savait aussi qu’on perdrait
ses peines. D’ailleurs, vous savez qu’il est de la nature de l’homme de ne pas
trop se plaindre de ce qui n’est pas intolérable.
Je ne sais si les dispositions
qui défendaient aux particuliers sont considérées comme existantes. Pour mon
compte, je ne connais ni décret, ni loi portant cette défense. Mais il pourrait
se faire qu’on voulût la mettre à exécution. Si cela arrivait, les particuliers
invoqueraient l’art. 11 de la constitution. Eh bien, de même que les
particuliers pourraient invoquer l’art. 11 de la constitution, les communes
sont en droit de s’opposer aux prétentions du gouvernement en invoquant les
articles 31 et 108 de la constitution.
On a parlé beaucoup de
défrichements et on a dit qu’il fallait empêcher qu’on ne fît disparaître
toutes nos forêts. Je suis d’accord à cet égard avec l’honorable M. Seron. Il est de fait que, dans le
Luxembourg, le défrichement des forêts serait un véritable malheur pour les
communes. Je pense que les députations des états doivent y être sobres
d’autorisations. Vous vous rappelez que déjà vous avez dit qu’il faudrait
l’autorisation du Roi, et je suppose que les rapports des députations ne
donneront pas trop légèrement des avis favorables. On défendra le défrichement,
quand il n’y aura pas un immense avantage pour la commune à le faire. Je ne
veux rien d’absolu à cet égard.
Il est des communes où il est
éminemment utile de défricher. J’ai déjà dit qu’un bois qui m’avait rapporté
150 fr. en quinze ans, après avoir été défriché, avait été loué 60 fr. par
bonnier. Si les communes trouvaient que leurs bois, si on les défrichait,
dussent leur procurer un revenu cinq fois plus fort, on ne pourrait pas
s’opposer à ce qu’elles tirassent un parti aussi avantageux de leur propriété,
sous prétexte que l’intérêt général exige qu’on conserve les forêts.
On a dit que dans l’intérêt à
venir de la commune, on devait veiller à ce qu’il y eût toujours des pâturages
et des feuilles dont profitent les malheureux prolétaires qui n’ont aucune
propriété pour entretenir un peu de bétail. Cela est juste pour les localités
où le terrain doit rester en bois. Mais je connais des communes où les
prolétaires se trouvent très bien des défrichements qui ont eu lieu, car on
leur a loué le terrain à bas prix, ce qui lui a procuré une aisance qu’ils ne
connaissaient pas auparavant.
L’honorable député de
Philippeville vous a dit que la proposition de rendre des forêts aux communes
avait été faite dans l’intérêt particulier des grands propriétaires de bois…
M.
Seron. - Je n’ai pas dit cela.
M. Desmanet de Biesme. - Je pense que
vous avez dit que les grands propriétaires tireraient plus d’avantage de leurs
forêts, si les communes détruisaient les leurs. Quoique je sois grand
propriétaire de bois, et que je sois auteur de la proposition, je n’ai rien vu
de personnel dans les paroles de l’honorable membre. M. Seron a toujours été
trop bien à mon égard pour que je puisse croire qu’il ait voulu parler de moi.
D’ailleurs il a déjà dit hier que telle n’avait pas été son intention.
Je dois cependant combattre
cette allégation, car je ne partage pas l’opinion que les défrichements des
bois communaux seraient favorables aux grands propriétaires de bois.
Sans doute, au premier aperçu
rien n’est plus naturel que de dire que plus une marchandise est rare, plus
elle acquiert de valeur. Mais je ne sais pas si cela est rigoureusement exact
en économie politique. Entrant pour un moment dans l’opinion de M. Seron, je
suppose que le but de mon amendement soit l’anéantissement des bois des
communes, et qu’au lieu de bois, les communes n’aient plus à défricher que des
landes ; eh bien, je ne pense pas que les bois des particuliers augmentent de
valeur. Il faut voir ce qu’est maintenant la forgerie en Belgique.
Vous savez que la substitution
du charbon de terre, de la houille au charbon de bois pour la forgerie, est ce
qui a porté le plus grand préjudice à la valeur du bois. Cependant la forgerie
au charbon de bois se soutient un peu, parce qu’elle affine une certaine
qualité de fer que l’on dit supérieure au fer forgé au coak. Le propriétaire de
bois sera toujours, dans une proportion quelconque, forcé de soumettre ses prix
à la fabrication au coak, afin de mettre le commerce à même de soutenir la
concurrence avec les fers étrangers ; car si le prix des fers venait à s’élever
par suite de l’augmentation du prix du bois on verrait arriver les fers
étrangers, et le fer étant considéré comme matière première, on ne pourrait pas
trop s’opposer à son introduction.
Quand
même on n’eût pas forgé à la houille en Belgique, le forgerie au bois eût dû
décliner, parce que d’autres pays forgeant à la houille, le prix du fer forgé
au bois aurait été trop élevé. Je dis donc qu’en supposant qu’il ne reste que
les forêts des particuliers, la seule chose qui puisse en résulter, c’est que
la fabrication du fer serait restreinte, mais ces forêts n’en acquerraient pas
pour cela une plus grande valeur. Je ne connais que deux circonstances qui
puissent donner une plus grande valeur aux forêts : l’ouverture de nouveaux
débouchés ou l’élévation du prix de la houille, de manière à établir une espèce
d’équilibre entre la forgerie au bois et la forgerie au coak. Mais cela ne
pourrait jamais arriver que dans un avenir bien éloigné et que nous ne pouvons
pas prévoir, parce qu’il est prouvé que si la forgerie à la houille n’existait
pas, il y aurait trop peu de bois en Belgique pour alimenter les forges comme antérieurement.
Je ne terminerai pas sans
faire remarquer une anomalie très grande qui existe dans la loi communale. En
effet, s’agit-il de libertés morales, on ne peut pas en accorder trop ; on
proclame tout haut l’émancipation de la commune, on ne veut faire aucune
différence entre une grande ville qui est arrivée au plus haut degré de la
civilisation et une petite commune ; on prétend que ce qui convient aux unes,
convient aussi aux autres. J’avoue que, pour ma part, telle n’était pas mon
opinion. Mais chose singulière, dans toutes les communes on proclame des
libertés qui peuvent être dangereuses ou nuisibles pour l’ordre social ; et
quand il s’agit de la gestion de leurs intérêts, on ne croit pas pouvoir y
mettre assez d’entraves. Si vous croyez pouvoir accorder à toutes les communes
la publicité des séances des conseils, et mille autres choses, il est
incontestable qu’on peut bien les laisser gérer quelques hectares de bois, sous
la surveillance de l’autorité supérieure, surveillance que je crois tout à fait
nécessaire.
Je n’en dirai pas davantage
pour le moment. Je me réserve de reprendre la parole dans le cours de la
discussion.
M.
d'Hoffschmidt. - Si les termes de la constitution me paraissaient aussi
formels que plusieurs orateurs l’ont prétendu, je ne prendrais pas la parole
pour combattre les propositions qui vous sont faites ; je me soumettrais, je
dirais : Périssent plutôt les bois communaux qu’un principe consacré par la
constitution. Mais, selon moi, les termes de la constitution ne sont pas aussi
impératifs qu’on veut nous le faire croire. L’art. 31 porte : « Les
intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils
communaux ou provinciaux. » Messieurs, le mot exclusivement est assez expressif, tout ce qui est d’intérêt
général ne peut pas être saisi par cet article, Quant à l’art. 108, il y a
aussi une restriction au deuxième paragraphe : « Est attribué aux conseils
provinciaux et communaux tout ce qui est d’intérêt provincial et communal, sans
préjudice de l’approbation de leurs actes dans les cas et suivant le mode que
la loi détermine. »
Or, la loi peut déterminer ce
mode, et ce mode peut être que l’administration forestière puisse encore
administrer les bois communaux. Cependant, quoique telle soit mon opinion, je
ne veux pas examiner cette question de constitutionnalité ; je laisse ce soin
aux jurisconsultes profonds qui siègent dans cette chambre. Je ne m’occuperai
que de la question de fait. L’honorable M. Fallon a dit que les communes
réclamaient avec instance l’administration de leurs bois communaux. Dans le
principe, il est vrai, les communes l’ont réclamée vivement. C’est que, dans le
temps l’administration forestière était vicieuse, surtout sous le gouvernement français
; les lois étaient fiscales, les agents mauvais, et il en résultait
nécessairement une foule d’abus. Mais maintenant il n’en est plus ainsi, les
agents se montrent à la hauteur de leur mission, ils ont des connaissances
spéciales sur la matière.
Les lois ont été changées, les
arrêtés de 1815 et de 1819 sont venus les modifier, et même l’administration ne
coûte pas très cher aux communes. Aussi les communes sont revenues de l’espèce
de préjugé qu’une administration vicieuse laisse toujours après elle. Si
beaucoup de communes réclament l’administration de leurs bois, beaucoup aussi
désirent voir maintenir l’administration actuelle. Mais après tout, ces
réclamations nombreuses dont on fait tant de bruit, où sont-elles ? L’honorable
M. Fallon vous a cité un passage d’un mémoire du conseil provincial de Namur,
mais voilà tout. Depuis six semaines que la proposition de M. Desmanet est
faite, pas une réclamation n’est arrivée à la chambre. Cependant quand des
intérêts aussi importants que ceux dont il s’agit sont froissés ou menacés de
l’être par des propositions faites à la chambre, des pétitions, des mémoires
vous sont adressés. Les communes ne sont pas indifférentes sur leurs intérêts.
Eh bien, pas une seule
pétition ne vous est parvenue. Je ne crois donc pas que les réclamations des
communes soient aussi vives qu’on le prétend. Il y a sans doute des communes
qui, comme l’enfant prodigue, aspirent après le moment de leur émancipation,
qui veulent profiter des superbes forêts qu’une administration paternelle leur
a ménagées et qui leur promettent une riche moisson. Elles voudraient jouir
instantanément de cette belle moisson, se souciant peu de ne rien laisser aux
générations futures : aussi qu’importe si les communes réclament ce que nous
avons à examiner, c’est leur intérêt. Font-elles bien ou mal de vouloir cette
émancipation ? leur émancipation est-elle dans leur
intérêt ? Voila ce que nous devons savoir. La question n’est pas douteuse pour
moi. Si vous rendez aux communes l’administration de leurs bois, vous
compromettez leur avenir.
Messieurs, je suis d’une
province où il y a une masse de bois communaux, elle contient plus de la moitié
des bois communaux de toute
Cependant beaucoup de communes
n’ont que leurs bois pour ressources, les écorces forment un produit
considérable, ainsi que les bois de haute futaie. Quand ces forêts seront
rendues aux Communes, elles le défricheront, elles se trouveront sans
ressources, il ne leur restera plus que des bruyères. Mais, dit-on, les
communes, puisque ces bois sont leur seule ressource, auront le bon esprit de
les conserver, elles n’iront pas de gaîté de cœur détruire de si belles espérances.
Je ferai remarquer que les propriétaires indivis n’attachent pas autant
d’importance à la conservation de ces propriétés que pour les propriétés
particulières, et les propriétaires eux-mêmes sont souvent les principaux
délinquants.
Et que ferez-vous pour les
poursuivre, si l’administration appartient à la commune ?
On m’a fait une autre
objection. Les communes, dit-on, ont bien l’administration de leurs autres
biens, de leurs prés, de leurs champs, pourquoi n’auraient-elles pas aussi
l’administration de leurs bois. Messieurs, il y a une grande différence entre
les terrains boisés et les terrains non boisés. Ceux qui font cette objection
ne savent-ils pas que, pour les forêts, la superficie est le capital et que le
fonds n’est rien, tandis que pour les prairies et champs le fonds est le
capital et que, pour les administrer, il ne s’agit que de les mettre en
location aux enchères ? Vous voyez quelle est la faiblesse de cet argument.
Ou dit aussi :
L’administration communale ne sera pas seule chargée de l’aménagement de ses
forêts, c’est une mineure, on lui donnera des tuteurs. C’est le conseil
provincial qui va administrer. Mais, messieurs il faut, pour administrer des
bois, des connaissances spéciales que vous ne trouverez pas dans un
bourgmestre, ni dans une députation, ni dans le garde engagé à bon marché par
la commune. Et ce garde ne sera capable de faire aucun rapport à la députation.
Mais, dira-t-on, il y aura un inspecteur, un sous-inspecteur, des gardes
généraux, et ceux-là feront des rapports. Je ferai observer que de cette
manière on arrivera à une administration plus coûteuse que celle qui existe, et
vous n’atteindrez pas le même but. Messieurs, cela est impossible parce sur les
neuf provinces qui composent
Alors, ce seront de simples
gardes qui devront correspondre avec la députation. Voila l’administration que
vous aurez. La dégradation de bois en sera la conséquence nécessaire, et
cependant l’intérêt général exige leur conservation.
En admettant que la
constitution pose en principe que l’administration des bois appartient au
conseil communal, parce que c’est un objet d’intérêt communal, est-il
nécessaire de consacrer le principe dans la loi communale, ne pourrait-on pas
le consacrer dans une loi spéciale ? Selon moi, c’est ce qu’il y aurait de
mieux à faire. En attendant, les états provinciaux qui sont en rapport
continuel avec les communes pourraient prendre près d’elles des informations et
nous donner un avis motivé. On aurait du moins des rapports sur lesquels on pût
baser une résolution.
Vous allez maintenant
consacrer dans la loi communale que les communes auront l’administration de
leurs forêts, et en attendant que vous fassiez un code forestier, il n’y aura
aucun règlement pour cette administration, les lois actuelles ne suffiront pas
parce qu’elles sont faites pour l’administration centrale, vous ne pourrez pas
les appliquer à l’administration des communes. La loi d’organisation communale,
diront les communes, nous défère l’administration de nos bois, nous voulons les
gérer et, messieurs, d’ici à ce que les états provinciaux aient pu interposer
leur autorité, vous verrez des coupes forcées, des sartages, enfin, la ruine de
beaucoup de bois.
L’on a encore appuyé la
proposition qu’on vous fait, en disant qu’elle est populaire, que la
disposition qu’on vous demande sera accueillie avec gratitude par les communes.
Sans doute, par les communes qui attendent le moment de pouvoir couper leurs
bois à leur aise. Mais encore une fois, satisfaire le désir des communes n’est
pas ce que nous devons avoir en vue ; nous ne devons pas chercher à être
populaires, nous devons chercher avant tout le bien du pays ; et les communes
dussent-elles crier contre notre décision, nous devons la prendre sans hésiter,
si nous pensons qu’elle est dans leur intérêt.
Ces motifs, messieurs, me font
rejeter tous les amendements. S’il s’agissait d’introduire dans le système
actuel de nouvelles dispositions tendant à faire cesser le peu d’abus qui y
existent encore, je serais disposé à les voter. Je sais que les communes
souffrent beaucoup des retards qu’apporte l’administration centrale ; elles
doivent d’abord s’adresser au commissaire de district, qui fait passer leur
demande à la députation ; la députation l’envoie à l’administration centrale ;
puis elle revient à la députation, qui l’adresse aux agents forestiers. Ce sont
là des abus. Il faudrait simplifier cette marche, mais il ne suit pas de ces
abus que l’administration des forêts doive être rendue aux communes.
M. Dumortier,
rapporteur. - Et la constitution ?
M.
d'Hoffschmidt. - J’ai dit tout à l’heure ma façon de penser sur la
question de constitutionnalité. J’avoue que je suis inhabile à discuter la
question de droit, mais je ne vois pas que les textes soient aussi formels
qu’on le prétend. La constitution avait bien plus formellement consacre le
principe de l’élection pour la garde civique et quand cette question a été
discutée vous avez dit qu’il ne fallait pas toujours s’en rapporter au texte de
la constitution.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je n’ai pas dit cela.
M.
d'Hoffschmidt. - On pourrait le voir dans le Moniteur, à moins qu’on n’ait fait disparaître ces paroles du
compte-rendu.
M. Dumortier, rapporteur. - Le Moniteur rapporte les paroles que j’ai
prononcées.
M.
d'Hoffschmidt. - J’ai dit que les articles 31 et 108 n’imposaient pas formellement
l’obligation de rendre aux communes l’administration de leurs forêts. Le mot
exclusivement dans l’article 31, dit assez que dès qu’un objet intéresse la
généralité, vous pouvez vous dispenser de le mettre dans les attributions de la
commune. L’art. 108 contient aussi des réserves.
Voilà ma manière de penser sur
la question de constitutionnalité. J’entendrai volontiers sur cette question M.
Dumortier, ainsi que les autres membres qui voudront la traiter.
M. Desmanet de
Biesme. - Messieurs, l’honorable préopinant a fait allusion a une
phrase de mon discours ou je parlais de mesures populaires ; il paraît m’en
faire un reproche. En terminant, il a dit que la révolution avait beaucoup fait
pour les classes éclairées de la société et que si on voulait faire reverser un
peu de ce bien dans les masses, cela serait utile. Il me semble que les
locutions : Le peuple veut, le peuple ne veut pas, lui sont plus familières
qu’à moi ; il pourra s’en procurer une preuve par le Moniteur. Ainsi je conseille cette lecture à mon honorable ami M.
d’Hoffschmidt donc je ne combats pas les principes ultra-monarchiques.
M.
d'Hoffschmidt. - Mon honorable ami, M. Desmanet de Biesme, s’est étendu
fort longuement sur ce qu’il appelle un fait personnel, tandis que ce n’était
qu’un fait général. Car je n’ai parlé que d’une proposition populaire, sans
faire allusion en quoi que ce soit au discours de l’honorable préopinant, dont
je ne me souviens que très imparfaitement. Lorsqu’il dit que je me sers aussi
des termes : Le peuple veut, le peuple ne veut pas, il me prête des expressions
dont je ne me suis jamais servi, et je défie de me prouver le contraire ; je
tiens cependant autant que tout autre à l’honneur de parler en faveur du
peuple, mais je ne fais pas usage des paroles que me prête l’honorable Desmanet
de Biesme ; j’agis selon ma conscience, sans me servir des mots d’un
ultra-monarchique.
M.
de Brouckere. - Les développements dans lesquels sont entrés les
honorables membres qui ont pris la parole dans la séance d’hier ainsi que dans
celle d’aujourd’hui ont jeté un tel jour dans la discussion, que j’ai lieu de
croire que vous avez tous votre opinion formée. C’est assez vous dire que je
n’abuserai pas longtemps de l’indulgence que vous voudrez bien m’accorder en
m’écoutant quelques moments.
Avant d’entrer en matière, je
suis obligé de vous rappeler que depuis un temps pour ainsi dire immémorial, et
dans presque tous les pays, les bois communaux ont été soumis à une
surveillance particulière de la part du gouvernement. En France, par exemple,
l’ordonnance de 1669 était positive à cet égard et il résulte des dispositions
de cette ordonnance qu’avant qu’elle ne fût portée, l’administration des bois
communaux n’était pas abandonnée à la commune, mais soumise à la surveillance
d’une administration forestière qui existait au moment où l’ordonnance fut
portée.
La loi du 29 septembre 1791
est venue confirmer ce qui existait en France jusqu’à cette époque. L’arrêté
des consuls de l’an X est encore venu apporter de nouvelles dispositions sur
l’espèce d’interdiction dans laquelle les communes sont placées relativement à
l’administration des bois communaux en 1827, un code forestier a été voté en
France, et voici comme est conçu le premier article :
« Sont soumis au
règlement forestier, etc.
« (…) 4° Les bois et
forêts des communes et des sections de communes ;
« 5° Ceux des
établissements publics ;
« 6° (et je vous prie de faire
bien attention à ceci), 6° les biens et forêt dans lesquels l’Etat, la
couronne, les communes et les établissements publics ont des droits de
propriétés indivis avec des particuliers. » Je reviendrai plus tard sur ce
point.
Des dispositions analogues à
celles qui ont régi
Il m’importe, messieurs, de
vous faire connaître une des dispositions en vigueur en Autriche, parce qu’une
législation pareille a régi autrefois
J’ai dit qu’il en était de
même en Prusse : cependant en 1816, le souverain de ce royaume rendit aux
communes des provinces rhénanes l’administration de leurs bois communaux, sans
doute parce que certaines réclamations lui avaient été faites à cet égard. Eh
bien, il y eut bientôt de si grands abus de la part des communes, que l’on fut
obligé de révoquer l’ordonnance de 1816 et de retirer à l’autorité communale
l’administration des bois communaux. Si vous admettez aujourd’hui, soit les
amendements proposés par quelques honorables membres, soit le projet de la
section centrale, je ne crains pas de dire que nous serons obligés bientôt de
faire ce qu’on a fait en Prusse à l’égard des provinces rhénanes, ou de
renoncer à avoir des bois communaux en Belgique.
D’autres orateurs ont dit, et
c’est une chose presque incontestable, que les bois communaux sont dans un état
très prospère et qui s’améliore encore tous les jours. L’honorable M.
d’Hoffschmidt vous l’a dit également ; il n’est parvenu aucune plainte, aucune
pétition contre l’état de choses actuel, et cependant il ya longtemps que la
chambre s’est occupée de cet objet. Assurément, s’il y avait des sujets de se
plaindre de l’administration des eaux et forêts, des réclamations seraient
arrivées à la chambre, et vous auriez vu l’honorable M. Desmanet de Biesme et
d’autres orateurs qui partagent son opinion, s’en emparer pour la faire
prévaloir. L’administration des eaux et forêts, objecte l’honorable M.
Desmanet, se montre quelquefois hostile aux communes, et si ma mémoire est
bonne, il a cité un fait d’où il résulte qu’une fois l’administration des eaux
et forêts aurait préféré l’intérêt de l’Etat à celui des communes
Je veux bien croire que ce
fait ait eu lieu, je veux bien en admettre encore dix de la même nature, est-ce
là une preuve que cette administration est mauvaise : qu’elle s’acquitte mal de
ses devoirs ? Faut-il tout bouleverser, parce qu’un si petit nombre d’abus
s’est présenté ? Assurément non, et je reconnais à M. Desmanet de Biesme une
trop bonne logique pour croire que ce soit son raisonnement. S’il faut des
faits, messieurs, je puis en avancer aussi, et je les ai puisés à une source
certaine. Voulez-vous que je vous fasse connaître les améliorations introduites
dans une seule inspection des eaux et forêts, et cela dans le court laps de
temps de 3 ans environ, de 1831 à 1833 ? 21 bonniers vagues ont été mis en
nature de bois… On a planté un million huit mille huit cent plants de hêtres et
de bouleaux ; on a semé 1,447 kil de semences de bouleaux et de charmes. Il a
été fait 31,979 aunes de fossés de clôture. Il en a été curé 89,211 aunes. On a
fait 2,216 aunes de canaux et 10,417 aunes de fossés d’assainissement. Enfin on
a construit 1,893 aunes de chemin pour l’évacuation des coupes. En une seule
inspection, tous ces travaux ont été faits et cela en 3 ans. Je vous demande si
les communes affranchies feraient de semblables travaux, et vous répondrez tous
que non.
Car vous savez, ces travaux
sont toujours faits contre le gré des communes ; il faut qu’on les y force,
elles ne s’occupent que du présent et ne considèrent pas l’avenir. Par exemple,
quand il est question de réparer les chemins vicinaux, chose qui intéresse à
coup sûr et les communes et les habitants, tous se refusent à payer leur
contingent soit en argent, soit en travail ; et cependant c’est pour se
procurer un incontestable bien-être. Les partisans de l’opinion contraire à
celle que je défends ont beaucoup parlé d’économie ; à les entendre,
l’administration des bois communaux coûtera beaucoup moins aux communes quand
elles géreront à leur gré ; je crois le contraire, si tant est qu’on prononce
l’affranchissement complet des communes.
Je conviens que, passé douze
ou quinze ans, les communes payaient au gouvernement une contribution assez
forte pour l’administration forestière ; mais cet état de choses est modifié
par arrêté royal du 27 mai 1819 et savez-vous ce que coûte aux communes
l’administration des bois communaux ; d’après un calcul fait et que chacun peut
vérifier, la moyenne est de 1 fr. 5 cent, par hectare. S’il est vrai que les
biens communaux soient aujourd’hui prospères, je ne crains pas d’avancer que si
vous les privez de l’administration forestière, dans peu de temps ils seront
ravagés et détruits presque partout. D’abord vous ne pouvez vous attendre à
trouver dans l’administration communale et même provinciale les connaissances
forestières nécessaires, car c’est aussi une science que l’on rencontre dans
les fonctionnaires de l’administration Vous ne verriez alors qu’abus de tous
genres ; les coupes seront faites au hasard.
Ajoutez à cela les
dégradations commises tant par les administrations communales elles-mêmes que
par les habitants contre lesquels les communes ne voudront pas agir, et vous
verrez que c’est provoquer la destruction des bois communaux. Je citerai
quelques exemples des abus commis par les administrations communales, là où
l’administration des eaux et forêts n’a pas eu assez d’influence ou assez
d’activité pour empêcher ces abus. Il est une commune où les habitants se sont partagé, sans forme de procès, les bois appartenant à la
commune, et cela malgré des défenses du conseil de préfecture, renouvelées par
la députation des états. Lors du cadastre en 1817, des individus ont fait
porter en leur nom des parties de bois communaux ; dans d’autres communes et à
l’occasion du cadastre, on a fait inscrire des bois, non comme bois communaux,
mais comme biens appartenant aux habitants.
Des individus étaient
poursuivis du fait d’anticipation sur des bois forestiers de la commune : pour
les soustraire à la poursuite, l’administration a déclaré que les prévenus n’avaient
fait qu’user du droit qui leur appartenait. L’assesseur d’une commune s’est
fait payer une somme assez forte pour relâcher du bétail qui était en fourrière
pour avoir été pris dans un bois communal. Des arbres propres aux constructions
navales ont été vendus par la commune 28 francs, et l’administration forestière
qui a fait des ventes de même nature en a retiré 24 florins. Dans une vente
publique on obtint 231 florins pour des arbres appartenant à des communes, et
les administrations communales dans le procès-verbal ne les avaient cotés que
158 fr.
Dans certaines communes, la
botte d’écorce se vendait 18 ou 19 cents, tandis que l’administration
forestière en retirait 70, 80, ou 90 cents. J’ai encore sous les yeux une foule
d’abus du même genre, mais je suppose inutile de les énumérer.
Il est certain, messieurs, que
sans la surveillance journalière, assidue, sans la fermeté que doit montrer
l’administration forestière, les bois communaux seraient déjà aujourd’hui dans
un état déplorable. On s’est beaucoup appuyé sur l’article 108 de la
constitution, pour maintenir qu’en présence de semblables dispositions, la
législature ne pourrait faire autre chose que de rendre aux administrations
communales l’administration pleine et entière des bois communaux. Cet article,
ainsi qu’on l’a déjà dit, n’a pas un sens aussi absolu.
Il suit de cet exemple qu’il
dépend de la loi d’empêcher les communes de se livrer à un acte quelconque,
quand on a raison de supposer que cet acte est contraire aux intérêts de la
commune ou à l’intérêt général.
Cela est si vrai, que dans la
loi communale dont nous nous occupons, nous avons déjà introduit un grand
nombre de restrictions à la jouissance des biens appartenant aux communes. Par
exemple, ont-elles un procès à soutenir ou à intenter, on pourra dire qu’elles
peuvent faire comme les particuliers, et très bien juger si le procès doit être
intenté ou soutenu ; cependant vous avez décidé que les actions à intenter ou à
soutenir pour les communes ne peuvent avoir lieu qu’après approbation de la
députation provinciale ; deuxièmement : la répartition et la jouissance des
fruits communaux ne se fait encore qu’après l’approbation de la députation ;
troisièmement ; les règlements relatifs au parcours et à la vaine pâture sont
soumis à la députation provinciale. Il en est de même pour une foule d’autres
choses.
Messieurs, les communes sont
assimilées aux interdits ; elles sont sous une espèce de curatelle, et chaque
fois que l’on a des raisons de croire que les communes pourraient abuser de la
faculté qu’on leur laisserait de gérer leurs intérêts, on stipule dans la loi,
conformément à la constitution, qu’elles ne pourront pas agir de leur propre
mouvement ; que leurs intérêts seront soumis à la décision d’un autre autorité
que l’administration communale elle-même.
D’après cela, messieurs, je ne
conçois pas comment on peut s’appuyer sur l’art. 108 pour prétendre que la loi
ne peut pas ordonner l’intervention du gouvernement, en ce qui concerne
l’administration des bois communaux. Et remarquez bien que je me sers à dessein
du mot gouvernement, car l’administration forestière est une dépendance du
ministère des finances ; c’est véritablement le gouvernement ou le ministre des
finances qui intervient dans la gestion des bois communaux par l’intermédiaire
de ses agents ; il fait pour ces bois ce qu’il fait pour beaucoup d’autres
choses.
Au dire de certains orateurs,
les communes ne seraient aujourd’hui admises en rien pour l’administration de
leurs bois ; elles y seraient absolument étrangères : il n’en est pas ainsi.
Aux communes appartient toujours le droit de proposer tout ce qu’elles croient
dans leur intérêt. Aux communes appartient toujours le droit de prendre
relativement à leurs bois toutes les résolutions qu’elles jugent convenables ;
mais ces résolutions ne peuvent sortir leur effet qu’autant qu’elles sont
approuvées par le gouvernement.
Le gouvernement prend l’avis
de l’administration forestière ; toutefois, dans aucun cas, ce n’est un agent
forestier qui décide, c’est le gouvernement.
Voici en quoi consistent les
attributions de l’administration forestière :
Par suite de l’arrêté du 27
mai 1819 et du 9 février 1832, ses attributions se bornent à la régie, à la
surveillance des bois et à la poursuite des délits.
La régie (ce mot pourrait
faire impression sur quelques personnes), consiste à fixer les coupes
ordinaires, et ces coupes, soumises à l’approbation des états provinciaux, ne
sont définitivement approuvées que par le ministre des finances. Ainsi
l’administration forestière n’émet qu’un simple avis ; la commune, de son côté,
peut émettre le sien, et le gouvernement intervient.
Les défrichements sont
autorisés par le Roi, l’administration forestière donne seulement son avis.
Lorsqu’il s’agit de régler
l’aménagement des bois, c’est toujours sur la proposition des conseils
communaux, et sur une décision de la députation des états que le règlement est
arrêté par l’administration forestière de concert avec ladite autorité.
Ainsi il est tout à fait
inexact de dire que l’administration communale n’intervient en rien dans la
gestion des bois, puisque vous voyez, quant à des bois, que c’est à ces
conseils qu’il appartient de faire les propositions qu’elle juge convenables.
Mais, messieurs, je soutiens
d’ailleurs que l’administration des bois communaux n’est pas un objet purement
communal ; je prétends que l’intérêt général, que l’intérêt du pays est
intéressé à la gestion de ces biens.
Déjà l’on vous a beaucoup
parlé du grand avantage qu’il y aurait à opérer des défrichements. S’il fallait
en croire ce qu’a dit M. Desmanet de Biesme à cet égard, si ce qu’il a appliqué
à une localité s’appliquait à tout le pays, certainement le jour où vous
affranchirez les communes sera le jour où vous défricherez les bois ; et
bientôt vous n’en aurez plus. Vous savez que les bois de l’Etat sont aliénés ;
que beaucoup de particuliers sont occupés à les défricher ; si cela continue,
nous deviendrons tributaires, et tributaires obligés de l’étranger pour les
bois.
Cet état de choses est
contraire aux intérêts du pays ; il serait contraire surtout aux intérêts
généraux dans un moment de guerre, si nous ne trouvions pas chez nous les bois
nécessaires soit pour faire des palissades, soit pour approvisionner nos
forteresses, soit pour les objets nécessaires en pareilles circonstances.
Mais, il est une autre
considération sur laquelle je dois attirer votre attention.
Dans la province de
Luxembourg, il existe un grand nombre de communes, (les députés de cette
province pourront vous le dire), dont les habitants ont une espèce de droit
d’usage qui retombe sur les bois de l’Etat d’après leurs titres et d’après
l’ordonnance de 1754. Ces communes ne peuvent et ne doivent recevoir dans les
forêts de l’Etat, que ce que les coupes annuelles de leurs bois ne produiraient
pas pour compléter le nombre de six cordes à chaque habitant pour le bois de
construction nécessaire à celui qui veut bâtir, et pour le bois de charronnage
nécessaire à l’agriculteur. Telle est la servitude qui pèse sur plusieurs
forêts.
Eh bien, il résulte de cette
servitude, qui a été imposée dans un temps ou l’administration des bois
communaux n’était pas abandonnée à la commune, que l’Etat est le plus intéressé
à ce que les bois communaux soient bien administrés ; car s’ils ne fournissent
pas en assez grande quantité et le bois de construction et le bois de
charronnage, on a le droit de le prendre dans les forêts de l’Etat. Supposez
ces communes affranchies de toute surveillance, défrichant leurs bois, que
s’ensuivra-t-il ? c’est que les forêts de l’Etat
auront à supporter une charge infiniment plus forte que celles qu’elles doivent
supporter d’après les titres mêmes qui sont ès mains des usagers. Assurément,
pour ce cas-là il est indispensable que l’Etat intervienne par ses agents dans
l’administration des bois communaux.
Faites-y attention, messieurs,
ce que je viens de dire ne s’applique pas seulement à 2, 3, 10 ou 20 communes ;
mais je crois que dans un seul arrondissement du Luxembourg, il y a, en ce
moment, 69 communes qui se trouvent dans le cas que je viens de signaler.
De
l’admission de l’amendement de M. Desmanet de Biesme ou de tout autre, il s’en
suivra que l’on imposera à l’Etat une charge exorbitante qu’il ne pourra pas
supporter.
Je sais que, quand il l’exige,
l’Etat peut intervenir dans l’administration de certains biens communaux, qu’il
peut même intervenir dans de certains biens appartenant à des particuliers : si
vous en doutiez, je vous lirais un paragraphe de la loi forestière française de
1829, qui vous montrerait que les bois appartenant à des particuliers et dans
lesquels, soit la commune, soit l’Etat, ont une part indivise, sont gérés
d’après des règles établies par le régime forestier. Dira-t-on que c’est là un
attentat contre la propriété ? Non ; car cette mesure est prise dans l’intérêt
gênerai par une loi ; cependant la propriété particulière est aussi sacrée en
France qu’ici, et je ne crois pas que nous ayons des lois qui la garantissent
davantage que dans
D’après ces motifs, je
m’opposerai à l’amendement de M. Desmanet de Biesme ou à tout autre.
M. de
Roo. - J’ai demandé particulièrement la parole pour appuyer
l’amendement de l’honorable M. Thienpont, dont le développement peut également
s’adapter à l’amendement de M. Desmanet de Biesme.
Je ne discuterai pas la
législation de France, de Prusse et d’Angleterre comme l’honorable préopinant.
Je me bornerai uniquement à celle qui regarde notre pays.
C’est sans contredit la loi du
19 ventôse an X qui a soumis en Belgique les bois des
communes et ceux des hospices et autres établissements publics sous le régime
commun des eaux et forêts.
Cette administration a
toujours été onéreuse à ces divers établissement par
les frais qu’elle occasionnait. De sorte que, depuis cette époque jusqu’à
l’arrêté royal du 27 mai 1819, il y a eu continuellement une perte réelle de
plus de 20 p. c. sur les produits vendus de ces établissements.
Il y a plus, messieurs, si
l’on en peut croire un opuscule qui nous a été distribué de la part d’un ancien
membre du congrès, qui était à même d’en connaître le détail, la manière de
procéder aux ventes de ces bois enlevait souvent 50 p. c. de leur produit réel,
parce que l’administration les vendant en bloc à un adjudicataire, celui-ci les
revendait souvent en détail et sur les lieux mêmes avec un bénéfice de 50 pour
cent.
Un tel abus ne pouvait
longtemps subsister, sans susciter des plaintes.
Toutes les provinces à cette
époque réclamèrent en faveur de leurs communes et établissements publics,
l’affranchissement de leurs propriétés boisées ; toutes adressèrent des
pétillons à cet effet.
Celle de
« Les administrations des
communes et des établissements publics sont toujours composées en majorité de
propriétaires qui ont les connaissances nécessaires pour régir les bois aussi
bien que les autres propriétés confiées à leur direction. Une longue expérience
a démontré les avantages de cette gestion paternelle, et nous en fait désirer
le rétablissement pour l’avenir.
« Des administrateurs dont la
nomination sera la première garantie de leur moralité et de leurs talents,
pénétrés des sentiments de leur devoir, guidés par une noble émulation, dirigés
et surveillés par l’autorité supérieure des états de la province, nous
ramèneront ces temps où les communes et les établissements de charité
trouvèrent dans l’exploitation de leurs bois un revenu régulier et assuré, et
une ressource dans les circonstances extraordinaires et imprévues… »
Celle de Luxembourg en
particulier fit de vives instances à cet effet, et fut secondée par toutes les
autres provinces qui, à chaque session des états généraux, renouvelèrent leurs
demandes. Voici ce que contenait le rapport du 6 juillet 1819 :
« Dans chacune de vos
précédentes sessions vos nobles et honorables seigneuries ont sollicité 1° le
rapport total des lois et des actes du gouvernement précédent, qui tiennent non
seulement les établissements publics, mais même les propriétaires de bois sous
la tutelle de l’administration forestière. 2°...
« L’une et l’autre de ces
réclamations sont, quant à présent, sans décision ; nous avons lieu de croire
qu’elles ne pourront être prises en considération par S. M., que dans les
règlements qui fixeront d’une manière plus déterminée les attributions des
états provinciaux. »
Voilà donc que le gouvernement
du roi de Hollande reconnut en principe, que lorsqu’il s’agirait de déterminer
les attributions des états provinciaux, leur demande serait prise en
considération. Or, ce principe est également le principe invoque par l’art 31
de la constitution, et posé dans le deuxième paragraphe de l’art. 108.
« L’attribution aux
conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d’intérêt provincial et
communal, sans préjudice de l’approbation de leurs actes dans les cas et
suivant le mode que la loi détermine. »
Il est hors de doute que
l’intérêt communal est ici en première ligne et principal, celui du
gouvernement n’est que secondaire et accessoire, si vous voulez réellement les
franchises établies par notre constitution, vous ne pouvez vous écarter du principe
de liberté, qui a dominé partout dans ses actes, sauf cependant dans l’espèce,
leur approbation par le conseil de la province, leur tuteur naturel.
Mais c’est lorsque le
gouvernement hollandais reconnut ce principe, conséquent dans le maintien des
abus, qui lui a valu la perte de notre pays, que son roi avait déjà signé un
arrêté dès le 27 mai 1819 précédent, qui maintint la centralisation et cotisa
énormément les provinces, tel que vous en voyez l’énumération dans le rapport
de la section centrale, cet arrêté ne vit le jour qu’au milieu de juillet
suivant, et est encore très peu connu à présent. Il remédie à quelques abus
déjà signalés mais ne laisse pas moins en subsister encore et grève
considérablement les établissements publics.
Il est possible que dans
quelques provinces cette administration est mieux réglée, mais il y a un grand
nombre d’établissements auxquels on n’a jamais rendu aucun service puisque les
gardes sont domiciliés à 2 ou 3 lieues des bois qu’ils doivent surveiller, et
cependant ces établissements sont obligés à payer leur quote-part, et cela à
pure perte.
Ils sont même obligés de faire
soigner leurs bois par des gardes de leur choix pour les tenir en respect, et
pour garder même les gardes de l’administration.
Il n’y a pas des abus, dit
l’honorable préopinant, elle administre avec économie, chaque hectare ne paie
qu’a raison de 1 fr. 5 c. Je vous le demande, messieurs, on vous a signalé
qu’un inspecteur était nommé pour la province du Brabant et d’Anvers, et que
ces provinces n’ont en tout que deux hectares de bois à administrer. Si cela
est vrai, et ce qui n’a pas été dénié jusqu’à présent, s’il n’y a pas là abus,
s’il n’y a pas dilapidation au lieu d’économie, et si deux hectares peuvent
suffire à cette dépense. D’ailleurs, messieurs, je n’ai qu’à consulter l’arrêté
du 27 mai 1829, et j’y vois les deux provinces d’Anvers et du Brabant cotisées
pour une somme de 2,000 florins.
Ce sont
là, messieurs, des abus réels et des charges insupportables et notamment pour des
établissements fondés uniquement dans l’intérêt des pauvres. Les hospices et
bureaux de bienfaisance de Gand seuls paient plus de mille francs.
Si donc, messieurs, vous ne
veuillez affranchir totalement les communes, ce que je n’espère pas,
affranchissez au moins les administrations des hospices et bureaux de
bienfaisance, qui sont sous un contrôle continuel, dirigées dans l’intérêt du
pauvre, et dont les administrateurs stimulés par un zèle pour le bien, et
exerçant dans un but salutaire des fonctions purement gratuites, donnent par là
à la législature une garantie indubitable de l’accomplissement sincère de leur
devoir, et une stricte observance des règlements que vous pouvez leur
prescrire.
J’appuierai l’amendement de M.
Desmanet de Biesme, et particulièrement le sous-amendement de l’honorable M.
Thienpont, comme éminemment utile.
M.
Fallon. - Nous avons perdu beaucoup de temps dans la séance d’hier,
parce que l’on a confondu deux choses bien distinctes dans leur nature et dans
leur effet. L’on a toujours confondu l’administration des bois communaux avec
les règlements de surveillance et de conservation de ces propriétés. Ce sont là
des choses tout à fait différentes et qu’il faut discuter séparément.
Voici quel devrait être l’ordre
de la discussion :
Aux termes de la constitution,
l’administration des bois communaux appartient-elle aux conseils communaux ?
En cas d’affirmative, doit-on
en faire la déclaration dans la loi d’organisation provinciale ?
Cette administration sera-t-elle
soumise à des règles de surveillance et de conservation ?
En cas d’affirmative,
maintiendra-t-on les règlements existants jusqu’à ce qu’il y soit autrement
pourvu ?
Voilà bien l’ordre logique de
la discussion si l’on veut arriver à une solution.
Quant à la première question,
elle ne consiste pas seulement à savoir s’il faut rendre aux communes
l’administration de leurs bois, mais il s’agit encore de savoir si vous pouvez
leur enlever cette administration. Un honorable membre soutient que cette
administration appartient, même sous le régime actuel, aux communes. Cet
honorable membre a raison.
Sur ce point le gouvernement
précédent n’a pas reculé en présence de la discussion que l’on renouvelle.
Un arrêté du 19 ventôse an X
avait déclaré que l’administration, la garde de la surveillance des bois
communaux appartenaient à l’administration forestière. De manière que sous
l’empire de cet arrêté, il était évident que les communes n’avaient aucun droit
à l’administration de leurs bois.
En 1815 fut promulguée la loi
fondamentale : elle portait l’article 155 ainsi conçu :
« Les administrations
locales ont la direction pleine et entière telle qu’elle est déterminée par ces
règlements, des intérêts particuliers et domestiques. »
L’on a voulu que les communes
eussent l’administration de leurs intérêts domestiques sauf l’exécution des
règlements de garde et de conservation. Ce principe a été consigné dans
l’arrêté du 15 mai 1819 qui a été imprimé hier dans le Moniteur. C’est dans ce sens qu’il a été porté.
Cet arrêté régit tout ce qui
concernait les mesures de conservation des bois communaux. Cet arrêté suppose
les communes en possession de leurs bois. Il y a plus : cet arrêté a été suivi
de règlements locaux. Il suffira de vous citer quelques passages du règlement
arrêté pour la province de Namur, pour vous convaincre qu’on a reconnu
qu’effectivement les communes étaient en possession de l’administration de
leurs bois. Ces dispositions sont ainsi conçues :
« La surveillance et la
conservation des bois communaux sont confiées à l’administration des forêts
royales, qui suit à cet égard, les règles prescrites pour les bois de l’Etat. »
Il ne s’agit donc pas de
l’administration des bois, mais seulement de leur surveillance et de leur
conservation. Arrivent maintenant les stipulations du cahier des charges, qui a
été adopté par suite de l’arrêté du 17 mai 1819.
« Section 1. Des ventes. Art.
1er. Les adjudications auront lieu par-devant notaire, à l’intervention d’un
membre de l’administration de la commune ou de l’établissement propriétaire, et
après que les annonces et les publications auront eu lieu de la manière
indiquée. »
« Art. 3. L’administration
propriétaire choisira le notaire et traitera avec lui de la manière la plus
avantageuse, mais sans pouvoir excéder le taux ci-après, etc. »
« Art. 10. Les contestations
sur la validité des enchères seront décidées par l’administrateur qui présidera
à la vente.
« Art. 12. Le prix principal
de l’adjudication sera versé dans la caisse du receveur de la commune ou de
l’établissement propriétaire en trois termes égaux, etc. »
Eh bien, je demande quand on
voit que conformément aux règlements existants la commune jouit de la plénitude
de ses droits de propriété sauf à elle à se conformer à ces règlements, je
demande comment l’on peut contester que l’administration des bois communaux
appartienne aux communes, sauf toujours l’exécution des règlements existants.
La première question se trouve
donc facilement résolue.
Convient-il de faire la déclaration
du principe dans la loi d’organisation communale ? Poser la question, c’est la
résoudre. Je viens de démontrer que déjà, en fait comme en droit,
l’administration des bois communaux appartient à l’autorité communale. Il
suffit de lire l’article 108 de la constitution pour se convaincre que nous ne
pouvons nous dispenser de formuler le principe dans la loi qui nous occupe.
On a dit que c’était là une
inutilité, que c’était poser un principe incapable d’application. M. le
ministre des finances a même été jusqu’à faire observer que si l’on disait
aujourd’hui dans la loi organique que les communes ont l’administration de
leurs bois, il faudrait plus tard dire le contraire, si l’on conservait le
régime forestier actuel.
Il n’y a rien de logique dans
ces raisonnements.
Il n’y a pas d’inutilité là où
la chose consiste dans un devoir à remplir. La constitution nous impose de
déterminer dans la loi organique les attributions des conseils communaux. Il
n’est donc pas inutile d’indiquer quelles sont les attributions à l’égard de
toutes les propriétés communales, quelle qu’en soit la nature.
Nous posons par là un principe
sans application.
J’ai démontré par le règlement
actuellement existant que le principe reçoit son application directe sur
plusieurs points d’administration, nonobstant le règlement forestier.
Quant à ce qu’a dit M. le
ministre, c’est là une éventualité qui ne peut se réaliser.
S’il est dit dans la loi
organique que l’administration des bois communaux entre dans les attributions
du conseil communal, sauf l’exécution des règlements existants, ou à intervenir
sur la matière, je ne vois pas comment il serait possible, en supposant plus
tard que nous ayons à examiner la question du meilleur mode de règlement, dit
de conservation, comment il serait possible de déclarer que l’administration
des bois communaux, n’est pas dans les attributions du conseil. Il n’y a pas de
doute à émettre à cet égard. La chose est impossible ; quand nous discuterons
une pareille loi, il ne pourra être question de dépouiller les communes de
l’administration des bois communaux qui leur appartient incontestablement.
La
troisième question consiste à savoir si l’administration des bois communaux
restera soumise aux règlements de surveillance et de conservation.
Sur ce point je me suis
prononcé dans la séance d’hier, je crois qu’il est impossible de soutenir qu’il
faut abandonner aux communes l’administration exclusive de leurs bois. Il faut
que cette administration soit soumise à un régime de surveillance et de
conservation.
La dernière question consiste
à savoir si l’on conservera les règlements de surveillance et de conservation
actuels. Je me suis également prononcé, dans la séance d’hier, sur cette
question. J’ai établi que je ne croyais pas que ce fût le moment de discuter une
pareille question. La chambre ne serait pas suffisamment éclairée sur la
question de savoir s’il faut substituer un autre régime plus avantageux aux
communes. J’ai pensé qu’il était prudent d’attendre les nouveaux conseils
provinciaux et de ne se prononcer, à cet égard, que lorsqu’on aura pu les
consulter. Je maintiens donc l’amendement de la section centrale.
M.
Dubus. - J’ai écouté avec attention les motifs développés par un
honorable député de Bruxelles contre les amendements de MM. Desmanet et Berger
et contre l’amendement de la section centrale à l’examen de laquelle ces
propositions ont été renvoyées.
Il m’a semblé résulter de ces
développements que cet honorable membre perdait de vue et faisait perdre de vue
à la chambre la portée des amendements proposés, car il supposait toujours
qu’il entrait dans l’intention de leurs auteurs d’affranchir la commune de
toute surveillance sur l’administration de leurs bois. On eût dit à l’entendre
que du jour où vous auriez adopté une de ces propositions, tous les bois
disparaîtraient du sol de
En effet la chambre a déjà
adopté une disposition proposée par la section centrale, de laquelle il résulte
que tout changement dans le mode de jouissance d’une propriété communale ne
peut avoir lieu sans l’approbation préalable du Roi. Ainsi, les communes ne
pourraient, sans l’autorisation du gouvernement, faire disparaître leurs bois
et en défricher le sol. D’un autre côté, si vous admettez l’amendement de
l’honorable M. Desmanet qui porte que les délibérations relatives à la
jouissance des bois communaux devront être soumises à l’approbation de
l’autorité provinciale, il résultera donc de l’ensemble des deux dispositions
que je viens de citer, que lorsqu’il s’agira de changer le mode de jouissance
des bois communaux, l’autorisation royale sera nécessaire, et que quand il ne
s’agira que de régler le mode de jouissance, l’approbation de la députation
sera requise. On ne peut donc désirer de plus grands apaisement à l’égard de la
conservation des bois,
L’on dit que l’on propose
d’affranchir les communes de toute surveillance, quant à l’administration des
forêts. Il suffit de lire ce qui a déjà été adopté par l’assemblée et ce qui
est proposé, pour se convaincre que ces craintes sont chimériques. Cependant,
c’est sur cette crainte que l’on a fondé tous les arguments contraires à la
proposition de M. Desmanet. Il faut concentrer, nous dit-on, toute
l’administration des bois dans les mains du gouvernement, ou ces bois sont
perdus. Il n’y a pas de milieu à prendre.
Messieurs, la question qui me
paraît dominer toutes les autres, c’est la question constitutionnelle ; parce
que, du moment que la constitution a ordonné, vous n’avez plus à délibérer ;
vous n’avez qu’à obéir.
Or, d’après la constitution,
pouvez-vous dire que l’administration des bois communaux appartient au pouvoir
central, ou bien devez-vous dire que cette administration appartient à la
commune. Moi je n’ai pas de doute à cet égard et je prétends que d’après la
constitution, la gestion des bois communaux appartient à la commune. Je trouve
cela dans l’article 108 qui veut que la loi communale consacre que tout ce qui
est d’intérêt communal appartient à l’administration communale.
Ici je vous fera remarquer
qu’il faut se défier d’une confusion d’idées dans laquelle il m’a paru qu’était
tombé l’honorable député de Bruxelles. Il a toujours confondu le droit que peut
avoir un conseil de prendre une décision avec l’approbation à laquelle cette
décision peut être soumise. Il a cité le cas où une commune aurait un procès à
soutenir, et il vous a dit : la commune peut-elle soutenir son procès, sans
avoir fait approuver l’acte du conseil communal qui autorise de le soutenir ? mais ici il y a deux choses.
D’abord la question de savoir
si le procès sera soutenu, est une question d’intérêt communal. Eh bien, qui
décide la question de savoir si le procès sera soutenu ? C’est en premier lieu
le conseil communal, précisément parce que c’est là une question d’intérêt
communal. Mais ensuite, en vertu de l’article même de la constitution que je
viens d’indiquer, cet acte du conseil communal est soumis à l’approbation de
l’autorité supérieure. Vous voyez qu’en cela on a rendu hommage au principe de
la constitution, qu’on l’a mis en action. Est-ce que c’est là ce que veut
l’honorable membre ? Mais pour arriver à la conséquence qu’il a tirée de
l’exemple qu’il a cité, il eût fallu que ce fût l’autorité supérieure qui
décidât à priori si le procès devait être soutenu, et le conseil communal
n’aurait pas eu de décision à prendre. Voilà ce qui aurait dû être fait pour
que l’assimilation fût exacte. De même que c’est le conseil communal qui décide
si le procès sera soutenu, de même le conseil communal doit administrer les
bois communaux.
Mais tous les actes importants
de cette administration sur lesquels il est nécessaire qu’un contrôle soit
exercé par l’autorité supérieure de crainte qu’ils ne soient dommageables aux
intérêts de la commune, ces actes seront soumis ou à l’approbation de la
députation ou à l’approbation du roi. Vous mettrez ainsi en action le principe
posé dans la constitution tandis que vous violez ce principe si vous enlevez à
la commune l’administration de ses bois pour la concentrer entre les mains de
l’autorité.
Mais dit-on, vous entendez d’une
manière trop large cet article 108, je trouve dans l’article 31 un adverbe dont
je m’empare pour restreindre cet article 108 que vous invoquez.
L’article 31 porte, il est
vrai : les intérêts exclusivement communaux sont réglés par les conseils
communaux.
Or, je prétends qu’il s’agit
ici d’un intérêt exclusivement communal. Vous le niez, c’est fort bien. Mais je
vous demanderai si les bois communaux sont une propriété de l’Etat ou une
propriété communale. Vous ne pouvez pas vous dispenser de répondre que c’est
exclusivement une propriété de la commune. Il s’agit donc d’un intérêt
exclusivement communal. Non, dites-vous, par voie de conséquence, c’est un
objet d’intérêt général parce que l’intérêt général exige que les bois
communaux soient conservés et convenablement administrés.
Je réponds que si vous
admettez cette inique interprétation, qu’on n’aurait pas osé proposer au
congrès, vous ruinez de fond en comble les art. 31 et
108 de la constitution, vous les effacez. Je pose en fait que la question prise
sous ce point de vue il n’est pas un seul intérêt communal qu’on ne puisse
enlever à l’administration communale parce qu’on pourrait toujours trouver que
par un point quelconque il touche à l’intérêt général. Cela ne se bornerait pas
aux bois communaux, mais s’appliquerait à toutes les propriétés ; on dirait que
l’intérêt général exige qu’on fasse un bon emploi des revenus communaux, on
rencontrerait l’intérêt général partout et il en résulterait que les art. 31 et 108 de la constitution sont complètement inutiles.
Cette proposition ne peut pas
être sérieusement soutenue.
Je répète donc que vous ne
pouvez pas enlever à la commune l’administration de ses bois, car cette
administration lui appartient. Seulement vous pouvez soumettre les actes
importants de cette administration à l’approbation de l’autorité supérieure.
Vous agirez en cela d’une manière conforme à ce que vous prescrivent les art. 31 et 108 de la constitution.
Mais, dit-on, il y aura des
abus. C’est précisément pour empêcher ces abus que vous devez établir un
contrôle, une surveillance, mais ce n’est pas une raison pour enlever au
conseil communal des attributions que la constitution vous prescrit de lui
donner. D’ailleurs, sans entrer dans l’examen des faits signalés comme notoires
dans cette séance et sur lesquels il faudrait qu’on eût le temps de faire
quelque investigation, je dirai que l’abus signalé émane de l’ordre de choses
actuel qui, concentrant toute l’administration des forêts dans la main du
gouvernement, attribue une omnipotence à des agents qui ne sont nullement
intéressés à faire les affaires de la commune, mais à chercher leur propre
profit.
Sur ce point, il vous a été
distribué, dans la session de 1831 à 1832, un document émané d’un membre du congrès
où étaient signalés les inconvénients d’abandonner à l’administration
forestière la surveillance de bois des communes et des établissements publics.
Ce membre ajoutait que plus d’un établissement avait été obligé de nommer des
gardes pour surveiller les gardes de l’administration forestière. Ainsi, vous
le voyez, les établissements qui avaient à cœur la conservation de leurs
propriétés boisées nommaient des garde pour surveiller
les gardes de l’administration forestière. Vous ne pouvez pas imposer aux
communes l’administration d’hommes qui n’ont aucun intérêt à faire le profit de
la commune, mais bien à faire leur profit particulier.
L’auteur de ce document disait
aussi : « Il y a un grand nombre d’établissements auxquels les gardes ne
rendent aucun service, parce qu’ils demeurent à deux et trois lieues de la
partie qu’ils sont chargés de surveiller.
« Ainsi, c’est de
l’argent dépensé en pure perte ; voilà encore un avantage de l’administration
forestière. Les communes donnent de l’argent pour une surveillance qui ne
s’exerce pas et qui ne peut pas s’exercer. »
L’auteur du document dont je
parle disait encore : Il n’y a aucune commune, aucun établissement public qui
ne puisse se procurer les mêmes services beaucoup mieux et à meilleur marché.
Je demande si d’après cela on
peut encore douter qu’il soit plus avantageux pour les communes d’administrer
leurs bois elles-mêmes, ou bien de les faire administrer par autrui.
Mais a-t-on dit encore, ce
contre quoi vous vous élevez toujours existe, et c’est tellement dans l’intérêt
des communes qu’il n’y a pas de réclamation. J’avoue que je suis embarrassé de
répondre à une assertion semblable, que l’on a appuyée de la citation de
certaines ordonnances qui me sont inconnues et qui sont en opposition avec un
document en qui j’ai la plus grande confiance.
Ce document est un acte
officiel, une adresse des états provinciaux de
Les membres des états
provinciaux de
« Les administrations des
communes et des établissements publics sont toujours composées en majorité de
propriétaires qui ont les connaissances nécessaires pour régir les bois aussi
bien que les autres propriétés confiées à leur direction. Une longue expérience
a démontré les avantages de cette gestion paternelle et vous a fait désirer le
rétablissement pour l’avenir. »
Je demande s’il n’était pas
notoire que dans les Flandres autrefois les administrations des communes et des
établissements publics géraient les bois appartenant aux communes et aux
établissements publics, puisqu’on on dit qu’une longue expérience a démontré
les avantages de cette gestion paternelle et en fait désirer le rétablissement
pour l’avenir.
« Les administrateurs
dont la nomination sera la première garantie de leur moralité et de leurs
talents, pénétrés des sentiments de leur devoir, qui pleins d’une noble
émulation, dirigés et surveillés par l’autorité supérieure des états de la
province, nous ramènerons ces temps où les communes et les établissements de
charité trouveront dans l’exploitation de leurs bois un revenu régulier et
assuré, et une ressource dans les circonstances extraordinaires et
imprévues. »
Je le répète, aurait-on osé
tenir ce langage si l’on s’était trouvé bien de la gestion des administrations
forestières. Plus loin, il est dit :
« Nous supplions donc V. M, de
réintégrer les communes et les établissements publics dans la libre
administration de leurs bois quel qu’en soit l’étendue, sous la direction des
états de la province et de les dégager entièrement de l’influence de
l’administration des eaux et forêts. »
Voilà quel état le cri des
Flandres et l’on vient vous dire qu’il n’a pas été fait de réclamations, et
l’on vient vous dire aussi que l’état de choses actuel a toujours existé.
Un autre préopinant vous a dit
de plus, comme un motif qui devait déterminer à maintenir l’état de choses déjà
existant, que si l’administration des bois appartenait aux communes, il en
existait parmi elles un assez grand nombre qui n’avaient pas des propriétés
suffisantes pour créer des inspecteurs, des gardes, enfin tout l’état major
forestier nécessaire. Ici, j’ai été frappé que dans une question de
constitution, il y ait des questions d’individus et que certaines personnes
voulussent que l’administration forestière fut maintenue, pour que telles ou
telles de leurs connaissances conservassent leurs places ; mettons ces considérations
à l’écart, messieurs, occupons-nous de l’intérêt public, faisons en sorte de
procurer aux communes une bonne administration.
Que m’importe à moi, que tels
ou tels individus trouvent de l’avantage, que l’état de choses actuel se
maintienne ? ce qui m’importe, c’est que les communes
tirent le plus grand parti de leurs propriétés. Enfin on dit qu’il n’est pas
vrai que l’administration sera enlevée aux communes. Les communes ont, dit-on,
cette administration ; je voudrais demander où est la preuve de ce qu’on avance
; on a dit que nous la trouverions dans l’arrêté de 1819, et qu’il n’y avait
qu’à lire. Quand je rapproche cet arrêté de l’article de la constitution, je
trouve dérisoire de dire que l’administration des biens communaux a été rendue
aux communes. Il me semble bien plutôt qu’elles subissent l’administration des agent forestiers. D’abord, un arrêté du 27 ventôse an X
porte que l’administration des biens communaux était conférée à des agents
forestiers.
Les communes étaient
dépouillées de toute administration ; elles étaient là pour recevoir le produit
que l’administration forestière voulait bien leur donner ; car les choses
n’allaient pas jusqu’à ce point que les communes fussent frustrées du produit
de leurs bois. Il n’y a rien de changé à cet état de choses que ce qui est
relatif aux arbres épars et aux boqueteaux de moins de
« Art. 1er. Sont
considérés comme bosqueteaux non contigus à d’autres bois, désignés dans notre
arrêté du 10 mai 1815, ceux d’une contenance de moins de
« Art. 2. Les bosqueteaux
isolés de moins de cinq hectares dont l’administration aurait déjà été rendue
aux communes et établissements publics, en vertu de l’art. 1er de notre arrêté
du 10 mai 1815, sont exceptés de la disposition de l’article précédent. »
« Art. 3. Les articles 2, 3 et
4 de l’arrête du 10 mai 1815, restent applicables aux arbres épars et
bosqueteaux de moins de
Ainsi, dans ces premiers
articles, on ne considère comme remis à l’administration communale que les
arbres épars et les bosqueteaux de moins de
L’art. 4 ajoute : « Les
coupes ordinaires et annuelles des bois communaux et d’établissements publics
que ne sont point de la catégorie de ceux désignes dans les art. 1, 2 et 3,
continueront à être assises suivant leur ordre d’aménagement ou tour
d’exploitation et sur une étendue proportionnée, d’un côté aux besoins des
propriétaires, et de l’autre aux ressources que peuvent fournir annuellement
les forêts, de manière que la consommation soit en balance avec la
reproduction. »
Continueront, tel est donc le
mot de l’article ; on voit donc continuer l’ordre de choses de 1819. Or, en
1819, on convenait qu’il n’y avait que les arbres épars et les bosqueteaux de
moins de cinq hectares qui fussent concédés à l’administration communale. « A
cet effet, les agents forestiers se concerteront avec l’autorité administrative
locale pour la formation des coupes annuelles, dont les états seront transmis à
notre ministre des finances, pour être par lui approuvés, s’il y a lieu, dans
la même forme que pour les états des coupes ordinaires des bois royaux. » Voilà
la seule chose où il y ait un concours de la part de l’administration
communale, c’est que les agents forestiers se concertent avec les
administrations communales. Mais qu’est-ce qui décide ? Ce sont les agents
forestiers, sous l’approbation de l’autorité supérieure.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Lisez les articles 6, 7 et 20 de
cet arrêté.
M.
Dubus. - L’article 6 n’attribue rien à l’administration communale ; le
voici :
« Art. 6. Il appartient
aux états-députés des provinces de décider si les coupes de bois communaux
doivent être délivrées en nature aux habitants ou vendues à l’enchère. »
L’article 7 porte :
« Art. 7. Le mode
déterminé par l’art. 7 de l’arrêté du 10 mai 1815, d’adjuger les coupes par
hectare et demi-hectare, ne sera suivi qu’autant qu’il sera jugé le plus avantageux
pour l’intérêt des communes, et il sera libre aux états-députés des provinces
d’autoriser la vente de ces coupes par portions plus étendues ou en masse,
suivant les circonstances locales. »
On me cite encore l’article
20. Je vais le lire :
« Art.
20. Les opérations d’arpentage des coupes annuelles et les rétributions fixées
par la loi du 16 nivôse an X, cesseront d’avoir lieu pour les bois communaux ou
dans les parties de ces bois où les coupes sont divisées et limitées ainsi que
dans les bosqueteaux qui s’exploitent ordinairement en une ou deux fois et dont
la contenance a été suffisamment constatée par les précédents mesurages. Pour
les autres bois communaux ou d’établissements publics où la division des coupes
n’est pas établie, les rétributions d’arpentage continueront à être payés au
taux fixé par la loi précitée ; sauf aux communes qui voudront s’affranchir de
cette dépense, à faire opérer à leurs frais la division entière de leurs bois
et coupes réglées, conformément aux instructions et règlements existants sur
cette matière. »
Et les instructions et les
règlements attribuent tout aux agents forestiers ; il n’est pas possible aux
administrations communales de faire un pas sans l’agrément de l’administration
forestière. Voilà ce qu’on appelle rendre l’administration aux communes ; c’est
se moquer. Entend-on qu’elle leur soit rendue parce qu’elles reçoivent le
produit de leur bois et qu’elles sont appelés par hasard à donner un avis. Je
ne saurais pas croire que ce soit là participer à l’administration des bois
communaux, et les communes ne doivent point participer à cette administration ;
elles doivent l’avoir toute entière, selon la constitution ; seulement elles
doivent en certaines circonstances, être soumises à l’autorité supérieure. Par
ces considérations, j’appuie la proposition de l’honorable M. Desmanet de Biesme.
M.
F. de Mérode. - L’orateur qui vient de parler vous a dit que par voie
de conséquence vous pourriez rattacher tous les intérêts généraux, si vous y
rattachiez la conservation des bois des communes. Messieurs, tout ce qui va à
l’extrême arrive à l’absurde, et c’est précisément ce qui résulte de la
constitution lorsqu’on interprète chacun de ses articles avec une rigueur
absolue et sans aucun égard aux faits et aux nécessités. Selon moi, au
contraire, les faits doivent toujours être pris d’abord en considération
principale lorsqu’il s’agit d’interpréter une disposition constitutionnelle
équivoque ; et je m’attache à l’art. 31 qui dit que les intérêts exclusivement
communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux.
Je m’attache très
particulièrement à cet adverbe, exclusivement, qui semble à l’honorable M.
Dubus d’une faible importante, et que je regarde comme
très essentiel. L’honorable M. Fallon nous a dit hier : Si le sol forestier
appartenant aux communes est d’un intérêt général, l’existence des bois
appartenant aux particuliers est également en rapport avec cet intérêt. Aussi,
messieurs, l’ordonnance de 1669 avait très justement, selon moi, placé la
propriété forestière dans une catégorie toute spéciale, et n’en permettait
point la destruction comme l’Etat laissait le plein et libre usage des autres
propriétés.
Si l’intérêt particulier ne
suffisait pas pour produire les grains nécessaires à la subsistance des
habitants d’un pays, il faudrait que le gouvernement se mêlât de régler la
culture des champs et des prairies, mais il est suffisamment prouvé par
l’expérience que cette intervention du gouvernement dans l’agriculture serait
non seulement inutile mais très nuisible à la production et par conséquent à
l’intérêt général, tandis qu’il est prouvé au contraire que le sol boisé
demande une sollicitude expresse de la part de l’autorité supérieure, parce que
les bois ne croissent que lentement, que l’intérêt particulier aimé à jouir
d’une manière instantanée, et qu’ensuite il est des natures de terrains qui
deviennent comme l’a dit M. Seron entièrement stériles, au bout de quelques
années, lorsqu’on les soumet au défrichement. Or, messieurs, je crois que non
seulement les communes, mais les particuliers mêmes ne peuvent jamais avoir un
droit de propriété nuisible à la société.
Les défrichements sont
évidemment désastreux dans certaines localités, dès lors ils devraient être interdits
à tous les propriétaires quelconques et je ne puis être de l’avis de ceux qui
approuvent l’entière liberté individuelle que donne le gouvernement hollandais,
d’user et d’abuser du sol forestier, tandis que le gouvernement français avait
adopté des principes conservateurs tous différents, beaucoup plus sages et plus
conformes au bien-être général. Sans doute, les restrictions à la jouissance de
la propriété boisée, imposées par l’administration forestière française étaient
souvent excessives et mal appliquées, mais encore valaient-elles mieux pour
certains pays que la liberté illimitée imprudemment concédée par le
gouvernement hollandais.
M. Ladoucette, député
français, s’exprimait en ces termes, lors de la discussion de la loi proposée
en janvier dernier, pour modifier, en France, les lois relatives à la
conservation forestière : « On ne pas m’accusera sans doute de parler ni
dans un intérêt personnel, puisque, propriétaire de bois assez considérables,
je ne pourrais que gagner beaucoup si le projet devenait loi de l’Etat. Sully,
l’un des plus ardents protecteurs de l’agriculture, qu’il appelait la mamelle
des nations, Sully disait que
Les citations que faisait
valoir M. Ladoucette, à la chambre française, sont moins universellement
applicables à
Je
sais, messieurs qu’on viendra vous vanter les bons effets de la licence de
défrichement accordée par Guillaume ; il en est, messieurs, des défrichements
comme des emprunts : le bois ne manque pas tant qu’on déracine une masse
d’arbres, comme l’argent ne manque pas de remplir les coffres, et cela sans
peine pour les contribuables, tandis qu’on emprunte, mais après l’épuisement de
ces moyens, il arrive un jour où il n’y a plus possibilité d’emprunter, où il
n’y a plus possibilité de déboiser. Je crois donc que l’existence des forêts
intéressent non pas seulement les communes, mais aussi l’Etat tout entier ;
l’article 31 de la constitution, est d’accord avec l’existence d’une
administration générale forestière dont les communes qui possèdent des bois
doivent dépendre sous plusieurs rapports parce que les états des provinces
n’auront jamais le même zèle pour la conservation des bois que cette
administration spéciale.
Je conçois que beaucoup de
membres de cette chambre qui habitent des provinces où les bois sont rares et
d’une faible contenance, apprécient peu les services que rendent les agents
forestiers ; mais la majorité des représentants qui appartiennent aux contrées
riches en bois communaux, connaissent par expérience les inconvénients
qu’entraînerait la suppression de ces gens. M. Dubus a expliqué, d’une manière
que j’appellerai puritaine l’article 108 de la constitution. D’après les
observations que je viens de vous soumettre, messieurs, en combinant cet
article 108 avec l’article 31, qui ne désigne comme remis aux administrations
communales et provinciales, que les intérêts exclusivement provinciaux et
communaux, je pense que les motifs les plus justes et les plus constitutionnels
autorisent le maintien de la tutelle exercée jusqu’ici par le domaine sur les
bois communaux.
M.
Trentesaux. - Lorsque j’ai lu le rapport de la section centrale, et que
je suis arrivé à la fin de ce travail, où se trouve l’article qu’elle propose,
j’ai été satisfait de sa conclusion. Cet article m’a paru contenir ce que la
loi communale devait contenir, et rien au-delà.
Qu’est-ce
que nous faisons ? Une loi communale ; les communes possèdent des bois ; il y a
donc relation entre la commune et ses bois ; il faut donc que la loi communale
contienne quelque chose sur cette relation. Ce quelque chose ne peut être qu’un
principe ; eh bien, que fait la section centrale ? elle
pose un principe par son article. Dans cet article il y a deux idées : idée
d’administration, idée de surveillance ; à qui est dévolue l’administration ? A
celui qui est propriétaire. Mais cette administration est-elle indépendante ?
Oh non ; elle s’opère par la surveillance de l’autorité supérieure et de la
manière qui sera ultérieurement réglée. Il y a donc là deux idées conjointes,
deux idées associées ; elles sont tellement associées qu’elles sont inséparables
: il n’y a pas d’administration sans surveillance.
Par l’article de la section
centrale, vous faites ce que vous devez faire ; vous posez le principe relatif
à l’administration ; quant à la surveillance, vous n’entrez dans aucun détail ;
vous réservez les détails pour une loi sur la matière des forêts.
Mais puisque vous réservez à
régler la surveillance pour un autre temps, un mode transitoire est nécessaire
: la section centrale y a pourvu : les lois, arrêts, règlements en vigueur
continueront à être appliqués relativement à la surveillance de
l’administration des bois par les communes.
Eh bien, messieurs.,
je voterai de suite ces articles, et je voterai contre tous ceux qui s’en
écarteront. Je ne comprends pas la discussion ; elle me paraît un non-sens
après une proposition semblable. (Aux
voix ! aux voix !)
M. Gendebien. - D’après ce que vient de dire M.
Trentesaux, je n’ai pas besoin d’entrer dans la discussion : mais je viens
protester contre le sens qu’on pourrait donner au discours prononcé par M. F. de Mérode. Il pourrait sembler
que ce discours écrit, médité dans le cabinet réfute ce qui a été dit dans
l’assemblée ; et cependant, il ne contient rien pour prouver que les bois
communaux seraient détruits si on en confiait l’administration aux communes.
Quoique l’honorable membre
assure qu’il en sera inévitablement ainsi, que veulent les partisans du
principe formulé dans plusieurs amendements et par la section centrale ? Nous
voulons donner l’administration des forêts aux communes, et nous voulons ce qui
est nécessaire pour éviter les abus, pour éviter ce que M. Mérode considère
comme un malheur.
Je n’en dirai pas davantage ;
je crois que nous pouvons aller aux voix. (Aux
voix ! aux voix !)
M. Dumortier, rapporteur. - Je n’ai que deux
mots à dire sur une objection faite par M. de Mérode, et qui pourrait peut-être
exercer quelque influence sur les esprits... (Non ! non ! aux voix ! aux voix !)
Il prétend qu’en donnant l’administration
de leurs forêts aux communes, c’est ordonner le défrichement des bois communaux
: qu’il lise l’article 74 de la loi communale, il y verra que sont soumis à
l’avis de la députation et à l’approbation du Roi (paragraphe 6) le changement
du mode de jouissance de tout ou partie des biens communaux. En vertu de cette
disposition, les communes ne peuvent défricher aucune partie des biens sans
l’approbation du Roi. (Aux voix ! Aux
voix !)
M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne
rentrerai pas dans le fonds de la discussion, et je m’en rapporterai à cet
égard à ce qu’ont dit MM. d’Hoffschmidt et de Brouckere. Je ferai remarquer que
les observations de M. de Mérode sont parfaitement à leur place dans la
discussion actuelle. Il n’a pas dit que vous posiez en principe la destruction
des bois communaux ; mais que par suite du principe que vous alliez poser, il
en résulterait cette destruction.
Et en effet, aucune des
calamités signalées par l’honorable orateur ne manqueront si l’on donne le
balisage, le martelage, etc., aux communes. On proteste contre les assertions
de M. de Mérode, contre ses prévisions ; eh bien moi je proteste contre les
prévisions contraires, et je vois clairement dans l’avenir les funestes résultais
qu’il vous a annoncés.
M. Berger. - J’ai fait une proposition ; je me
réunis à l’avis de la section centrale.
M. le président. -
Reste l’amendement de M. Desmanet de Biesme et l’article de la section
centrale.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Il y a sans doute erreur
d’impression dans la dernière ligne du second paragraphe de l’article de la
section centrale. On y dit : « La surveillance de l’administration »
; il faut dire « la surveillance et l’administration. »
M.
Dumortier, rapporteur. - Il n’y a pas d’erreur. ; l’article
est imprimé comme il doit être.
M.
Fallon. - Non, il n’y a pas d’erreur.
M. le
ministre des finances (M. d'Huart). - Dans ce cas je demanderai que
l’on mette la particule « et » au lieu de la particule
« de. » Je demanderai en outre la division de l’article.
M. le président. - L’article de la section
centrale en ainsi conçu :
« Les conseils communaux
ont l’administration de leurs bois et forêts, sous la surveillance de
l’autorité supérieure, de la manière qui sera ultérieurement réglée.
« Néanmoins, jusqu’à ce
qu’il y ait été autrement pourvu, les lois, arrêtés, décrets, et règlements
actuellement en vigueur continueront d’être exécutés en ce qui concerne la
surveillance de l’administration des bois communaux. »
M. Thienpont à demandé que
l’on ajoute ces mots : « Des hospices et des établissements de
bienfaisance.»
M. Dubus. - Les établissements de
bienfaisance comprennent les hospices. Il faut dire simplement « des
établissements publics. » Il y a des fabriques d’églises qui sont propriétaires
de bois.
M.
Thienpont. - Je me réunis à l’opinion de M. Dubus.
M. Desmanet de Biesme. - Je pense que
c’est mon amendement qui doit être mis le premier aux voix. Je propose, en
effet, de donner dès actuellement l’administration des bois aux communes.
M.
Liedts. - Si on met aux voix l’amendement de M. Desmanet de Biesme, il
faudra y joindre celui de M. Thienpont.
- L’amendement de M.
Thienpont, consistant à dire : « les bois des communes et des établissements
publics, » est mis aux voix et adopté.
L’amendement de M. Desmanet de
Biesme est ainsi conçu : « Les délibérations relatives à la jouissance des
bois des communes et des établissements publics et à leur surveillance. »
- Il est mis aux voix et
rejeté.
L’article proposé par la
section centrale est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4 heures
et demie.