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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 26 juillet 1834

(Moniteur belge n°209, du 27 juillet 1834)

(Présidence de M. Pirson, doyen d'âge.)

La séance est ouverte à 9 heures trois quarts.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Liedts procède à l’appel nominal.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.

M. Liedts fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur de Maischalck, employé des accises de première classe, demande d’être admis à la pension de retraite. »

« Le conseil communal de Temploux demande l’intervention de la chambre pour que cette commune soit déchargée de ses cantonnements militaires. »


- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.


« Le sieur B. Sanssens réclame un secours à la chambre se fondant sur ce que ses propriétés sont inondées dans le polder Luyze et qu’il est vieux et infirme. »

- Renvoi à la commission d’indemnité.


Il est donné lecture d’un message du sénat annonçant l’adoption du projet de loi relatif à l’entretien des enfants trouvés.


M. Lardinois demande un congé de 5 jours.

- Accordé.

Projet de loi communale

Discussion des articles

Titre I. Du corps communal

Chapitre premier. De la composition du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section I. De la composition du corps communal
Article 8

M. le président. - La chambre s’est arrêtée à la seconde disposition de l’article 8 relative à la nomination des échevins.

M. d’Huart. - Messieurs, dans la séance d’hier, l’honorable M. Dubus a, je pense, épuisé la question. Je n’essaierai pas d’ajouter des arguments nouveaux à ceux qu’il a présentés. J’attendrai pour prendre la parole que quelqu’un ait essayé de le combattre. Mais je dirai, comme ancien membre du congrès, que j’ai toujours compris, comme l’honorable M. Dubus, que le pouvoir exécutif devait rester étranger à la nomination des échevins ; que cette nomination, aux termes de l’article 108 de la constitution, devait être faite directement par les électeurs. Il n’est pas nécessaire sans doute de justifier le congrès à cet égard. Les échevins sont les hommes de la commune, chargés exclusivement de l’administration des intérêts communaux. On conçoit facilement que le pouvoir doit rester étranger à leur nomination.

Messieurs, l’opinion que j’émets en ce moment ne saurait être suspecte ; si j’avais eu à me prononcer sur la nomination des bourgmestres, j’aurai appuyé la proposition de la donner exclusivement au pouvoir exécutif. Cette opinion n’ayant pas triomphé, il serait naturel que je voulusse reprendre ce que je crois avoir perdu dans la nomination des bourgmestres, que je voulusse rendre au pouvoir exécutif, par la nomination des échevins, l’influence qu’on a refusée en ne lui laissant pas la nomination exclusive des bourgmestres.

Mais la constitution est là. Je dois la respecter. Je le répète. Tous mes souvenirs à cet égard sont frais. Le congrès n’a jamais entendu attribuer au pouvoir exécutif que la nomination des bourgmestres. Les discussions qui ont eu lieu dans les sections et dans le sein du congrès ont toutes été dans ce sens. Il n’y a eu de divergence que pour la nomination des bourgmestres ; les uns voulaient en laisser la nomination exclusivement au peuple ; d’autres et je partageais cette opinion, voulaient la donner exclusivement au pouvoir exécutif.

Plus tard, quand nous en serons aux attributions, nous pourrons rendre au gouvernement ce qu’on lui a enlevé en restreignant son choix pour la nomination du bourgmestre ; nous pourrons lui rendre, dis-je, l’influence qu’il doit exercer dans les conseils communaux. Quant à présent, je me borne à déclarer que je voterai pour l’amendement de M. Jullien, me réservant de prendre la parole s’il était sérieusement attaqué.

M. le président. - La parole est à M. Devaux.

M. Devaux. - L’honorable M. Raikem devant donner des explications sur ce qui s’est passé au congrès, s’il veut prendre la parole maintenant, je la lui céderai volontiers.

M. Raikem. - Messieurs, une question importante a été soulevée relativement à l’objet qui nous occupe, c’est la question de constitutionnalité.

Quel est le mode que la constitution nous permet de suivre pour la nomination des échevins ? Telle est la question que je me propose de traiter. J’ai cru devoir la traiter en qualité de membre de la section centrale.

A l’égard de ce mode de nomination la législature est-elle liée, ou peut-elle le régler elle-même ? C’est la seule question que je me suis proposé d’examiner.

Un point sur lequel nous serons tous d’accord, c’est que si la législature est liée par la constitution, personne ne peut proposer ici un autre système. Il y a à cet égard une véritable question préalable. J’ai cru devoir prendre la parole sur cette question, parce que le système de la section centrale, quant à la question de constitutionnalité, a été fortement combattu par deux orateurs, MM. Dubus et Jullien. Ce qui m’a surtout déterminé, c’est qu’il m’a paru que l’honorable rapporteur de la section centrale n’était pas disposé à défendre la résolution qu’elle vous a proposée.

Toutefois, un principe énoncé par M. Jullien me paraît constant, il recevra mon assentiment. C’est que quand les termes d’une disposition sont clairs, nous ne devons pas recourir à l’interprétation ; on ne doit s’arrêter ni aux discussions qui ont précédé l’adoption de la disposition, ni à des argumentations grammaticales ; il faut s’entretenir aux termes mêmes de la disposition.

Quant à la discussion grammaticale, c’est avec raison aussi que l’honorable M. Jullien l’a écartée. Un législateur romain a dit que c’était dans les choses et non dans les mots qu’il fallait considérer les lois :

« Rebus non verbis leges imponimus. »

Si les mots n’expriment pas la chose d’une manière tellement claire qu’il n’y ait pas de doute, c’est le cas de recourir aux discussions qui ont précédé le vote de la disposition. Or, messieurs, pouvez-vous dire qu’il y a une vive clarté quand vous avez vu deux honorables membres de la section centrale, M. Dellafaille et Milcamps, soutenir la question de constitutionnalité en sens contraire des autres orateurs, soutenir que pour la nomination des échevins la législature n’est pas liée, qu’elle peut elle-même en déterminer le mode ? Messieurs, dans ce doute, permettez-moi de jeter un coup d’œil sur ce qui s’est passé au congrès.

Vous le savez, les anciens règlements relatifs aux communes établissaient plusieurs degrés d’élection pour la nomination des conseillers communaux et des conseillers de régence. Un projet de constitution fut rédigé par une commission qui établissait le principe de l’élection directe.

Par là, les divers degrés d’élection étaient écartés, et autant que j’en puis juger par les expressions de l’article, en les rapprochant des dispositions des anciens règlements, ce principe d’élection directe, consacré par le projet de constitution, avait pour but de ne pas permettre qu’on pût établir plusieurs degrés d’élection.

Cette proposition de consacrer le principe de l’élection directe fut soumises au congrès national. Elle avait été généralement adoptée dans les sections, on ne voulait qu’un seul degré d’élection. Mais relativement aux bourgmestres, aux chefs des conseils communaux, des observations furent faites dans les sections. Les première, troisième et quatrième sections voulaient que les bourgmestres fussent nommés par le Roi.

La septième faisait une exception pour les chefs des conseils communaux. Des observations furent faites dans le sein de la section centrale et plusieurs questions y furent proposées. Permettez-moi de vous rappeler les questions qui furent alors soumises.

On s’est demandé : 1° si l’élection directe devait être admise pour les conseils communaux des villes ; 2° dans le cas où cette question serait résolue affirmativement, s’il n’y aurait pas lieu de faire une exception pour les communes rurales ; 3° comment se ferait la nomination des bourgmestres.

L'affirmative de la première question a été résolue à l’unanimité ; sur la seconde question, à la majorité de 8 voix contre 6, il a été décidé qu’on s’en rapporterait à la législature pour ce qui concerne la nomination des membres des conseils communaux des communes rurales. On a décidé également qu’on laisserait à la législature la solution de la question relative à la nomination des bourgmestres.

En vous reportant à la seconde question, vous voyez sur quel objet avait porté la discussion de la section centrale et du congrès ; vous voyez que ce qui avait fixé son attention, c’est la question de savoir si on établirait ou non une différence entre les villes et les communes rurales, quant à la nomination des conseils communaux. A la majorité de 8 voix contre cinq, le principe de l’élection directe fut adopté, avec ces mots : « dans les limites établies par la loi. »

Cette rédaction se rapportait à la proposition d’établir une distinction entre les villes et les campagnes, pour la nomination des conseils communaux.

Vous voyez donc quelle a été la question principalement débattue dans la section centrale. Il n’y a eu dissentiment que sur cette question. Les autres ont été résolues à l’unanimité.

Ainsi, la section centrale avait adopté le principe de l’élection directe dans les limites établies par la loi. Et si cette rédaction eût été adoptée,, il s’en suivrait que la législature aurait pu faire une différence entre les villes et les communes rurales.

Ce rapport de la section centrale fut discuté au congrès le 25 janvier 1831. Dans cette même séance on discuta plusieurs objets.

D’abord une question relative au choix du chef de l’Etat. On s’occupa d’autres articles de la constitution. La question qui nous occupe en ce moment est la dernière qu’on discuta dans la séance du 25 janvier.

L’analyse de la discussion que nous voyons dans les journaux est très succincte. Il est difficile d’y voir quels ont été les véritables termes de la discussion.

Toutefois, si mes souvenirs sont fidèles, on se prononça en général contre la distinction qu’on voulait établir entre les électeurs des villes et ceux des communes rurales. Vous avez vu que c’était la principale question qui avait été agitée dans le sein de la section centrale et qu’elle avait amené cette proposition de rédaction : « L’élection directe, sauf les limites à établir quant aux autorités communales. » On voulait bien faire exception, quant à certaines fonctions communales, mais on ne voulait pas de distinction entre les divers communes. Là-dessus je proposai, au lieu de : « les limites à établir quand aux autorités communales, » de dire : « sauf les exceptions établies par la loi. » On voit dans le compte-rendu de la séance du congrès que j’ai fait cette proposition.

On crut toutefois que les expressions : « sauf les exceptions établies par la loi, » ne suffisaient pas pour écarter la distinction qu’on avait proposé de faire entre les électeurs des villes et des communes, distinction dont on ne voulait pas.

Divers amendements furent présentés. Je lis dans le compte-rendu :

« M. Jottrand propose l’amendement suivant : « La loi consacrera le principe de l’élection directe, sauf le choix des bourgmestres et gouverneurs qui sera laissé au chef de l’Etat.

« M. de Stassart demande que le pouvoir exécutif choisisse les bourgmestres. »

Si on avait adopté cet amendement, la législature n’aurait rien à régler relativement au choix du bourgmestre. Cette prérogative constitutionnelle aurait été déférée au chef de l’Etat.

« M. de Theux propose un autre amendement qui tend à laisser à la législature le soin de déterminer le mode d’élection des bourgmestres et échevins. »

Mais la constitution porte que les institutions provinciales seront réglées par les lois ; on ne voulait pas placer ces règles dans la constitution. La proposition de M. de Theux préjugeait la question, quand au mode de l’administration de la commune, et à l’institution d’un collège.

« M. Lebeau propose un amendement qui rentre dans celui de M. de Theux. (C’est cet amendement qui en définitive a été adopté.) Il a pour but de laisser à la législature le soin de déterminer le mode de nominations des chefs des conseils provinciaux et communaux. »

Divers journaux ont rapporté l’expression de chef au singulier, mais je ne crois pas devoir m’attacher à cette question de rédaction grammaticale.

Le mot est au pluriel dans la constitution, c’est également un pluriel qui se trouvait dans l’amendement. D’après l’amendement de M. Lebeau, il n’était rien préjugé sur ce qui pouvait être ultérieurement adopté ; il s’était servi du mot chef sans aucune qualification. Cet amendement fut adopté.

Maintenant, quant au texte de la constitution, je crois que nous devons envisager, pour nous décider, non si nous accorderons le droit de nomination au pouvoir exécutif, non si nous établirons tel mode de nomination, mais si nous pouvons établir tel mode de nomination que nous jugeons le plus utile.

Mais qu’entend-on par les expressions de chef de l’administration communale ? Permettez-moi avant de traiter cette question de vous présenter une observation. Si le texte de la constitution nous impose le système de l’élection directe, nous devons absolument nous y soumettre, nous ne devons pas chercher de subterfuge pour l’éviter ; nous ne devons pas recourir à tel système, par lequel sans doute on ne voudrait pas éluder la constitution, mais qui pourrait paraître tel. Si c’est là l’interprétation qu’on donne à la constitution, alors je ne dirai pas, nous pouvons ; mais je dirai, nous devons adopter l’amendement de M. Jullien, nous ne pouvons pas faire autrement.

Mais voyons en lui-même ce système : que la législature serait liée quant au mode de nomination des échevins. Permettez-moi de vous rappeler que le point qui fixait l’attention de la section centrale, comme on le voit dans son rapport, c’est la distinction qu’on voulait établir entre les villes et les communes rurales. Maintenant l’expression qu’on a employée pour établir l’exception a eu pour objet de ne laisser en aucune manière une porte ouverte à cette distinction. Le congrès a voulu fermer la voie à cette distinction proposée par la section centrale. Dans ces circonstances et en voyant le point qui a fixé l’attention du congrès, on comprendra aisément que l’expression de chef de l’administration communale s’applique à la chose plutôt qu’à la personne.

En effet, il peut y avoir plusieurs chefs si les attributions de chef sont conférées par la loi à plusieurs personnes. Il y a le système républicain et le système monarchique. Dans l’un et l’autre système il y a un gouvernement, il y a nécessairement un ou plusieurs chefs ; on ne peut se passer de chef. Dans le système monarchique le mot indique qu’il y a un seul chef ; dans le système républicain, il peut y avoir un président, des consuls, des directeurs ; quoiqu’ils soient plusieurs, ils ne sont pas moins chefs, ils ont les attributions conférées au chef de l’Etat.

Le mot chef s’applique à la chose et non à la personne, s’applique aux attributions de chef de l’administration communale, lesquelles peuvent être conférées à un ou plusieurs. La constitution n’établit aucune règle à cet égard ; elle ne dit pas si les attributions de chef de l’administration seront dévolues à une ou plusieurs, elle laisse à la législature le soin d’appliquer les principes qu’elle a établis pour l’administration provinciale et communale.

Maintenant, veuillez faire cette réflexion : où trouve-t-on que la constitution défend à la législature de conférer à une seule personne ou de conférer à plusieurs personnes le pouvoir exécutif de la commune, si je puis m’exprimer ainsi ? Nulle part. Dès que la constitution n’a pas tracé de règles, la législature est parfaitement libre. Si dans ce cas vous conférez à une seule personne les attributions de chef d’administration, c’est pour cette seule personne qu’il sera fait exception au principe de l’élection directe. Mais, si la législature veut conférer à plusieurs personnes les attributions de chef, l’exception atteindra plusieurs personnes ; car, c’est sur la chose que tombe l’exception ; c’est la chose que la constitution a eue en vue.

Voyez l’article 31, il porte : « Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d’après les principes établis par la constitution. »

Voilà le premier article qui parle des conseils communaux et provinciaux ; cet article a eu pour but de leur abandonner le règlement de ce qui est exclusivement d’intérêt communal et provincial. Ainsi, c’est au conseil communal à établir la règle à suivre pour ce qui est d’intérêt communal. Mais il s’agit ensuite d’exécuter cette règle. Quant à la règle, elle ne peut être établie que par les personnes en faveur desquelles il y a élection de la commune et qui font partie des conseils communaux. Mais quant à l’exécution de cette règle, la constitution ne dit pas si elle sera confiée à un ou plusieurs, au conseil communal ou au chef de l’administration communale.

Par suite de l’élection directe, on fait partie du conseil communal ; mais comme on l’a fait observer, il n’y a plus dans le conseil communal ni bourgmestre ni échevins, il n’y a qu’un président. Le conseil communal est en quelque sorte le pouvoir législatif en ce qui concerne les intérêts communaux. L’exécution de ses délibérations est confiée aux échevins comme au bourgmestre ; et quoique dans le conseil communal ils n’aient pas des fonctions différentes de ses autres membres, lorsqu’ils sont hors du conseil, ils sont chargés de l’exécution de ses délibérations. S’ils se réunissent en collège, ils sont donc les chefs des conseils communaux, et à leur égard la constitution permet de faire une exception.

Maintenant, je ne crois pas devoir entrer dans le fond de la discussion. Vous avez entendu ce qui a été dit de part et d’autre. Toutefois je répondrai quelques mots à l’honorable M. Dubus, en réponse à des paroles prononcées par lui dans la séance précédente qui ont paru s’adresser à ma personne, quoique je n’y croie pas voir un fait personnel, attendu que je suis bien sûr des intentions bienveillantes de M. Dubus à mon égard.

Je demanderai pardon à l’assemblée de l’entretenir un moment d’un fait qui me concerne, bien que j’aie plus que tout autre la conviction qu’il vaudrait mieux que ses séances fussent exclusivement consacrées à la recherche des vrais principes, au lieu de voir ses membres se jeter dans des faits qui ne concernent que des individus.

Voici ce que disait l’honorable M. Dubus dans la séance précédente :

« Mais est-il bien vrai qu’il y ait une anomalie à ce que des élus du peuple exercent des fonctions judiciaires. On a vu des juges de paix élus par le peuple et des membres de cette assemblée qui faisaient partie du congrès, y ont même fait la proposition formelle de faire nommer les juges de paix par le peuple. L’honorable M. de Theux, qui n’a pas, certes, des opinions anarchiques, a fait cette proposition et son opinion était partagée par un autre honorable membre du congrès, député de Liége, qui nous préside en ce moment. Il a déclaré que jamais, dans sa province, on n’avait de meilleurs juges que ceux qui avaient été élus par le peuple. »

Quant à ce qui concerne la proposition relative à la nomination des juges de paix par élection populaire, je conviens avoir soutenu cette opinion au congrès. La constitution en a décidé autrement. Je me suis rallié au principe qu’elle a consacré. Je rappellerai à l’assemblée que deux ou trois jours après avoir formulé cette opinion, lorsque vint la discussion relative à l’établissement des principes en matière provinciale et communale, je me prononçai pour qu’il y eût des exceptions à l’élection directe dans la nomination des membres des administrations municipales, non pas que j’entendisse l’exception dans le sens d’une distinction entre les villes et les communes rurales. Je me serais donc trouvé en contradiction avec moi-même à deux jours de distance. Je serais étonné qu’on ne m’en eût pas fait l’observation au congrès, si cette contradiction avait existé.

L’honorable M. Dubus ajoute que j’aurais déclaré que jamais dans ma province on n’avait eu de meilleurs juges de paix que lorsqu’ils étaient nommés par élection populaire. Je ne crois pas avoir fait une semblable déclaration dans aucune séance. J’ai eu des conversations particulières avec mon honorable collègue et ami M. Dubus. Je reconnais avoir cité l’exemple dont il s’est prévalu, quoique je doute que ce soit le cas de rappeler dans une assemblée parlementaire ce qui s’est dit dans des entretiens particuliers.

J’ai dit à l’honorable membre, auquel je réponds, qu’à l’époque à laquelle il a fait allusion, il y avait eu de très bons choix ; non que j’aie voulu faire entendre que tous les choix avaient été également bons. Seulement à côté de nominations très peu satisfaisantes, il y en avait, s’il m’est permis de me servir de cette expression, qui étaient du premier numéro. Mais notre entretien roulait sur le pouvoir judiciaire, et dans ce moment-ci nous sommes saisis d’un projet de loi relatif au pouvoir communal. Il est à présumer que la mémoire de mon honorable ami lui a laissé échapper une circonstance. Il aura probablement oublié que je n’étendais pas aux élections municipales les éloges que je rendais au discernement des électeurs dans les nominations judiciaires. Je crois donc avoir suffisamment établi de quelle manière je me suis exprimé dans l’entretien rappelé par M. Dubus.

M. le président. - M. Dubus demande la parole pour un fait personnel.

M. Dubus. - Je me renfermerai dans le fait personnel.

Il paraît que mon honorable ami n’a pas bien saisi ma pensée. Cependant ce qu’il en a cité, il l’a tiré du journal officiel qui l’a reproduite. Il n’aura lu probablement que le passage qui, je ne sais pourquoi, contre mon dessein, semble l’avoir blessé. Il n’a pas lu de quelle manière l’énonciation du fait que j’ai cité a été amenée. Je ne l’ai pas émis purement et simplement pour lui adresser un reproche de contradiction. Un tel reproche était loin de ma pensée.

Lorsque je me suis appuyé de son opinion sur les résultats de l’élection populaire, je répondais à l’honorable M. Milcamps, qui avait vu une anomalie dans la faculté qui serait accordée à un fonctionnaire élu par le peuple de remplir parfois des fonctions judiciaires, et qui rappelait que certains assesseurs remplissent parfois les fonctions d’officiers de police auprès des justices de paix, et voulait, par ce motif, qu’ils fussent nommés par le pouvoir exécutif.

Après avoir fait remarquer que ce n’étaient que des fonctions purement accidentelles et pour un petit nombre d’assesseurs seulement, je disais que l’anomalie signalée par M. Milcamps n’existait pas, qu’il y avait eu une époque où les juges de paix étaient nommés par élection populaire, et que cette élection avait amené de très bons résultats. Et à cette occasion, j’ai cité l’opinion de notre honorable président.

Ce n’était pas moi qui avais amené cet appel à son témoignage, c’était l’argument employé par l’honorable M. Milcamps, auquel j’avais à répondre. Je n’ai pas prétendu qu’il y eût une contradiction entre les opinions et les votes de l’honorable M. Raikem. Je ne sais à quel propos il vient dans cette séance me présenter, comme lui ayant adressé un pareil reproche, et me demander pourquoi je ne l’ai pas fait, lorsqu’il s’est agi au congrès de la portée de la constitution relative aux conseils municipaux.

Notre honorable président semble m’accuser d’avoir abusé d’une conversation particulière. Il croit n’avoir jamais fait connaître en séance publique son opinion sur le bon résultat des élections judiciaires dans la province. Je ne pourrais affirmer que ce soit dans une conversation particulière que l’honorable préopinant a attesté le fait que j’ai rappelé. Je ne suis pas assez sûr de ma mémoire, pour donner un témoignage certain à cet égard.

Tout ce que je puis dire, c’est qu’à plusieurs reprises, mon honorable collègue et ami a émis l’opinion que j’ai citée. Il paraîtrait fort étrange qu’il eût soutenu dans le congrès qu’il fallait que les juges de paix fussent nommés par élection populaire, sans appuyer son système, ni dans le sein de la section centrale, ni dans le sein de l’assemblée, des raisons qui devaient en faire aussi puissamment valoir l’utilité.

S’il était vrai que l’honorable M. Raikem n’eût rappelé ce fait que dans des entretiens particuliers, je serais très excusable d’avoir supposé qu’il l’avait répété en séance publique.

M. Raikem. - Je n’ai nullement entendu faire le moindre reproche à l’honorable M. Dubus. Je n’ai pas entendu dire qu’il aurait abusé de conversations particulières. Si je me suis servi de cette expression, elle aurait mal rendu ma pensée. J’ai dit que la question relative à la nomination des juges de paix avait été discutée trois jours avant la consécration des principes sur lesquels devaient reposer les pouvoirs provincial et communal. J’ai dit que si j’avais prononcé ces paroles, comme j’aurais été en contradiction avec moi-même, on n’aurait pas manqué de m’en faire l’observation.

Pour ce qui regarde les entretiens particuliers, j’ai commencé par établir que j’avais réellement affirmé le fait cité par M. Dubus. Mais j’ai demandé si en thèse générale il était convenable, dans une discussion publique, de s’appuyer d’une assertion émise dans une conversation particulière. Je n’ai entendu faire aucune allusion à l’emploi que mon honorable ami a fait de mes paroles.

M. Dewitte. - Messieurs, ne rencontrant aucun obstacle dans la constitution, j’ai, par mon vote d’avant-hier, fait la part la plus large au gouvernement pour le choix et la nomination des bourgmestres.

Il n’en sera pas de même pour ce qui concerne les échevins ; ici, la constitution qui sera toujours ma boussole, m’arrête : l’article 108, que j’ai conféré avec le rapport de la section centrale du congrès, est clair et précis à mes yeux. Il me donne la conviction intime que l’exception qu’il pose à l’élection directe, se borne absolument aux bourgmestres qui étaient alors et sont encore les chefs des administrations communales. J’estime par conséquent qu’il est de mon devoir de refuser au pouvoir exécutif la nomination des échevins, et je le ferai par mon vote.

M. Devaux. - La première question dont je m’occuperai, c’est celle de la constitutionnalité de l’intervention du pouvoir royal dans le choix des échevins.

La commission nommée pour la rédaction d’un projet d’institution communale et provinciale était uniquement composée de membres du congrès, à l’exception de M. Jullien qui n’a pas fait partie de cette assemblée. Elle a cherché à rappeler ses souvenirs de la discussion qu’avait provoquée la discussion de l’article 108 au congrès. Elle a examiné attentivement les opinions qui y avaient été émises, et elle a adopté sans opposition l’opinion que l’intervention du pouvoir royal dans la nomination des échevins était constitutionnelle.

Je rappelle ce fait parce qu’il se trouvait dans le sein de cette commission des membres qui n’étaient pas disposés à faire bon marché des libertés communales et de l’intervention exclusive du peuple dans les affaires de la commune en faveur du pouvoir royal. Il me suffira de vous citer le nom de M. Barthélemy dont vous vous rappelez les propositions relatives aux intérêts communaux, et celui de M. le baron Beyts. A cette époque les souvenirs étaient très récents. C’était à l’issue de la session du congrès que la commission avait été réunie.

Rappelons-nous dans quelles circonstances fut discutée et adoptée la partie de la constitution qui pose les principes sur des institutions provinciale et communale. C’était vers la fin du mois de janvier, au moment où l’on allait procéder à l’élection du chef de l’Etat. On était pressé d’insérer dans la constitution tout ce qui devait encore y entrer. La discussion de l’article 108 fut donc très sommaire ; il n’y eut presque pas de développements. Si vous consultez les procès-verbaux des sections à cette époque, vous verriez que, chose singulière, le nom d’échevins ne se trouve presque jamais prononcé.

On a parlé dans les sections des conseils communaux, et d’un autre côté des bourgmestres ; mais pour des échevins de deux choses l’une : ou l’on n’a voulu rien décider à l’égard des échevins, ou le bourgmestre et les échevins ont été compris dans ces discussions sous le titre de bourgmestres, comme on dit le collège du bourgmestre et des échevins.

On a cité un journal, je le citerai à mon tour bien qu’il ne contienne que quelques mots sur la discussion. Dans ce journal qui, d’ailleurs, n’est pas suspect, on rapporte que l’honorable M. de Theux propose un amendement qui excepte formellement les bourgmestres et les échevins.

M. Dubus. - C’est le seul amendement dans ce sens.

M. Devaux. - Et M. Lebeau ayant proposé le sien qui est le texte de la constitution avec les mots : « Les chefs des administrations communales, » M. de Theux s’y rallie : cela prouve bien que l’amendement de M. de Theux était compris dans celui de M. Lebeau. M. Dubus dit qu’à cette époque personne n’a pu comprendre ainsi l’amendement de M. Lebeau ; et c’est cependant le même journal, le Courrier des Pays-Bas, qui porte : M. Lebeau propose un amendement qui rentre dans celui de M. de Theux ; or, que disait l’amendement de M. de Theux ? Il faisait exception pour le bourgmestre et les échevins.

M. Jottrand avait proposé un amendement dans le sens du bourgmestre seul ; cet amendement n’a pu être adopté ; cela prouve que l’amendement de M. Lebeau contenait l’exception du bourgmestre et la possibilité d’excepter les échevins.

M. Dubus ainsi que M. Jullien se sont récriés de ce qu’on faisait de la question des chefs de l’administration communale une question grammaticale, une question puérile de mots ; cependant M. Dubus s’est très longuement occupé à faite voir que s’il y avait le chef et non les chefs, ce serait tout autre chose. Si je comprends bien l’honorable M. Dubus, il s’ensuivrait qu’il y a un faux dans la constitution, et selon l’orateur, il devrait y avoir : du chef.

M. Dubus. - J’ai donné à cet égard des explications.

M. Devaux. - J’accepte l’explication, et je dirai qu’il ne peut y avoir difficulté de savoir si l’amendement portait les mots : des chefs.

L’amendement de M. Lebeau a été demandé au greffe par la section centrale ; on a donné l’amendement original écrit de la main de l’honorable membre, et cet amendement portait des chefs. Je me suis transporté au greffe pour demander l’amendement, on m’a dit qu’on l’avait fourni à la section centrale, et qu’on ne pouvait me le procurer en ce moment.

M. Dumortier, rapporteur. - Je ne sais si l’amendement a été falsifié ; il a été peut-être rédigé autrement à la fin de la discussion.

M. Devaux. - M. Dumortier dit qu’il est possible que l’amendement ait été rédigé autrement à la fin qu’au commencement de la discussion : ainsi l’amendement a été changé ; mais si l’amendement a été changé, il y a eu une raison pour cela ; cette circonstance prouverait que l’on a voulu dire plutôt des chefs que du chef et qu’on a mis à dessein des chefs parce que c’était de tous les chefs qu’on a voulu parler.

Je demanderai, messieurs, si on aurait voulu conserver une expression aussi équivoque si on eût voulu seulement désigner le bourgmestre. Pourquoi n’aurait-on pas mis le bourgmestre ? Pourquoi n’a-t-on pas adopté les amendements de MM. Jottrand et Stassart qui nommaient formellement le bourgmestre ?

Mais, dit-on d’un autre côté, on n’a pas nommé non plus les échevins ; la raison, messieurs, est très simple ; si on n’a pas mis les échevins, c’est qu’on ne pouvait pas le faire, puisqu’on ne savait pas si l’institution des échevins serait conservée. On ne savait pas si cette institution ne serait pas remplacée par une autre, par l’institution des adjoints par exemple. Cette question n’était pas décidée, et le congrès n’a pas voulu la décider.

Ces idées, messieurs, existaient à cette époque ; pendant la session du congrès, sous le régent, il fut proposé au congrès un projet qui supprimait les échevins et les remplaçait par des adjoints ; et ici je dois ajouter, si on veut voir dans quel sens on interprétait les intentions du congrès, que les adjoints étaient nommés hors du conseil communal.

On dit que les échevins ne sont pas les chefs de l’administration communale ; j’en appelle à la bonne foi : n’est-ce pas l’expression naturelle de tout le monde de désigner pas administration communale le conseil communal et le collège échevinal réunis ? Pour désigner le collège, qui est composé du bourgmestre et des échevins, existe-t-il une expression plus simple, plus vulgaire que de dire les chefs de l’administration communale ?

Il y a plus, messieurs ; pour remplir l’intention du congrès, il y avait impossibilité de se servir d’une autre expression. Je défie mes honorables adversaires de trouver une autre expression pour laisser la faculté de faire intervenir le Roi dans la nomination des bourgmestre et échevins, alors que l’on l’a pas voulu décider s’il y aurait un collège échevinal ou s’il n’y en aurait pas. On a voulu laisser indécise la question de savoir s’il y aurait des échevins ; dès lors il était impossible, dans l’intention du congrès, de comprendre le bourgmestre et les échevins sous une autre dénomination que celle de chefs de l’administration communale.

Evidemment si on s’était servi d’une autre expression, l’opinion de M. Pollénus qui était celle de plusieurs personnes alors, qui était celle du projet de loi présente au congrès, aurait été décidée par le fait ; on aurait décidé qu’il y aurait eu un collège et des échevins ; cette décision devait donner lieu à des questions administratives très graves que le congrès a voulu laisser indécises, puisqu’il sentait qu’il n’avait pas le temps de les discuter.

Pensez-vous, messieurs, que ces questions si importantes sur lesquelles tant d’opinions divergentes se manifestent aujourd’hui, eussent pu être tranchées dans une demi-séance de discussion ? Non, tout le sens de cette discussion le prouve, le congrès n’a pas voulu les préjuger, il les a réservées à la loi.

Messieurs, si vous donnez un sens aussi restrictif aux expressions de la constitution, déjà si restrictive par elle-même, je ne sais comment vous justifierez les états députés. Si le collège échevinal doit être élu directement, les états députés sont inconstitutionnels.

Je n’ai point entendu encore que les états députés fussent une violation de la constitution et qu’il fallait les faire élire directement ; cependant, si vous décidez dans ce sens pour les échevins, il faut également ainsi décider pour les états députés.

Cela prouve que la constitution n’est pas aussi restrictive qu’on le prétend.

Je crois donc que nous sommes parfaitement libres d’adopter, à l’égard des échevins, le système qui nous paraîtra le meilleur.

Les échevins seront-ils nommés directement par les électeurs ? Est-ce ce système qui est le meilleur ? Je le demande, lorsque le système d’élection municipale (tout le monde en convient ici, à l’exception de quatre ou cinq personnes) n’est propre qu’à faire nommer beaucoup de mauvais bourgmestres, comment le système d’élection directe peut-il être propre à nommer de bons échevins ? Il me semble que si ce système ne produit pas des bourgmestres actifs, capables de bien administrer, le même système, à l’égard des échevins, qui ont tant de rapport avec les bourgmestres, produira les mêmes faits.

Mais, dit-on, le bourgmestre a une fonction de plus. Cela est vrai ; mais ce n’est pas cette considération qui a déterminé l’intervention du pouvoir royal dans sa nomination. La véritable considération qui a déterminé cette intervention, c’est qu’on a l’expérience que le système électoral a très souvent donné de mauvais choix, et que l’on croit que l’intervention du pouvoir royal améliorera ces choix. Or, ce qui est vrai quant aux bourgmestres est également vrai quant aux échevins.

Mais on me répond : Vous sacrifiez les libertés communales ; il faut laisser choisir le peuple.

Je ferai remarquer à cette occasion que c’est par des abstractions que la plupart de nos adversaires nous répondent. C’est toujours par les mots abstraits de libertés communales, de droit du peuple, qui reviennent à chaque phrase, qu’ils raisonnent ; mais, de considérations pratiques, il n’y en a pas : les intérêts des administrés sont considérés pour rien, et la liberté communale pour eux consiste tout entière à choisir les administrateurs communaux. Quelle confusion de mots, si leur raisonnement était vrai ! Mais tout le royaume serait soumis au despotisme.

La liberté consiste dans le respect des lois, dans la bonne administration. Le choix de l’administrateur est un moyen. Si le pouvoir royal fait de meilleurs choix que les électeurs, voulez-vous sacrifier l’intérêt de la commune à un mode de nomination ?

Il est singulier que ce soit nous, qu’on appelle doctrinaires, c’est-à-dire, sans doute, des partisans de doctrines absolues, qui soyons forcés de venir combattre ici chaque jour par des faits, par des considérations pratiques, des doctrines a priori, des principes généraux, et que ce soient les ennemis des doctrinaires qui sans cesse traitent les faits comme s’ils n’existaient pas.

Mais, dit-on, si vous prétendez que l’élection n’amène que de mauvais choix, vous faussez le système représentatif par sa base.

Messieurs, il y a système représentatif et système représentatif. Si on entend par système représentatif celui qui fait élire tous les administrateurs, on a raison ; mais j’ai peine à croire que ce soit là le système de l’honorable membre auquel je réponds. A coup sûr ce n’est pas le mien.

Le vrai système représentatif est celui au moyen duquel, par certaines combinaisons les mieux appropriées au pays, on parvient à avoir une représentation nationale, provinciale ou communale, non pas pour agir, pour administrer, mais pour contrôler ceux qui administrent. Un système représentatif qui fait élire les administrateurs est à un avis une chose absurde.

Que ne fait-on élire les ministres et même les généraux, si les choix des électeurs sont toujours bons ?

Le véritable système représentatif est celui où le pays a des organes libres et légaux qui viennent contrôler le pouvoir. Le pouvoir n’est pouvoir qu’autant qu’il choisît librement ses agents, ce n’est qu’à cette condition qu’il peut avoir force et unité. D’un autre côté il ne peut dépasser ses véritables bornes, parce qu’il y a une garantie pour les citoyens dans les corps électifs qui viennent contrôler son action.

Les élections, oui, il faut les supposer bonnes pour les chambres, et encore les élections telles que la constitution les a faites, avec la faculté de dissolution et la réélection à terme. Cette bonté n’est pas absolue. Quand on fait les lois, il faut admettre que les élus représentent le pays. Mais ce qui est vrai pour les chambres n’est pas vrai pour les élections d’administrateurs, parce que les élections sont incapables d’amener des hommes à aptitudes spéciales, pas plus des administrateurs que des généraux. Les élections ne peuvent donner que la représentation de l’opinion politique du pays.

S’il y a un parti, elles représentent ce parti ; s’il n’y en a pas, elles amènent des hommes qui ne déplaisent pas à la majorité, des hommes jouissant d’une certaine considération peut-être. Mais, je le répète, des aptitudes spéciales, les élections n’en amènent pas. Si vous en voulez une preuve, je vous la montrerai dans cette organisation de la garde civique où quelques bons choix ne compensent pas les mauvais qu’elles ont eus dans tant de localités.

Dans les élections générales, s’il y a quelques mauvais choix, ils sont compensés par les autres élections. Il n’en est pas de même dans les élections communales où un ou deux choix suffisent pour donner une mauvaise direction à l’administration locale. Il y a dans les élections municipales des influences qu’on ne trouve pas dans les élections générales. Il y a des influences de famille, de coterie, de commérage même. Tel homme ne sera pas élu parce que sa femme déplaît à ses voisines, tel autre parce que son père a rempli autrefois telle fonction, a fait tel commerce. Le gouvernement fait taire ces petites considérations, par des considérations tirées de plus haut.

J’entends toujours dire : Vous voulez imposer aux communes des hommes dont peut-être elles ne veulent pas ; les communes ne pourront pas gérer elles-mêmes leurs affaires. Mais pourquoi les communes auraient-elles un droit contraire à leur intérêt, et un droit que le pays tout entier n’a pas ? Il n’y aura pas pour cela plus de despotisme dans la commune, qu’il n’y en a dans l’Etat.

Je ne vois pas où est écrite cette organisation tout à fait républicaine et même ultra-républicaine de la commune. De ce que la commune aurait des échevins dans la nomination desquels le pouvoir royal serait pour quelque chose, mais qui seraient contrôlés par le conseil, elle ne serait pas plus opprimée que l’Etat, dont les ministres sont nommés par le Roi. Je ne vois pas la nécessité, alors que nous avons créé un gouvernement monarchique, de jeter dans le pays 2,500 républiques, sauf au pouvoir central à les faire tenir ensemble sans qu’on lui en donne les moyens.

Telles sont pour le moment les observations que j’ai à faire sur la nomination directe par les électeurs,

Quant au choix par le conseil, c’est à mon avis encore là une mauvaise mesure. En admettant la disposition comme vous l’avez fait, qui oblige à nommer le bourgmestre dans le sein du conseil, vous produirez cet effet que vous renforcerez l’esprit de parti dans les localités au lieu de le détruire, ce qui serait si désirable dans l’intérêt de l’administration et des administrés.

Les électeurs considèrent le bourgmestre comme un homme politique et feront en sorte, s’ils sont de l’opposition, de forcer le gouvernement à nommer un homme qui lui déplaît. Il est très naturel que dans un gouvernement représentatif, il y ait une opposition et de même que des individus, il peut y avoir des communes et des villes qui appartiennent à l’opposition. C’est là chose toute naturelle et dont il ne faut pas trop s’irriter. Mais si vous ne prenez pas en considération les inconvénients qui peuvent résulter de ce fait, vous faussez la loi, vous ne prévoyez pas ce que vous devez prévoir.

Si les échevins sont nommés par le conseil et que dans le conseil un parti politique ait la majorité, vous aurez dans le collège échevinal la quintessence de ce parti, vous aurez souvent ce qu’il y a de plus extravagant dans le parti. Au lieu de modérer l’esprit de parti dans la commune, vous l’exaltez, vous le portez à la dernière extrémité. Comment voulez-vous avec cela que l’administration marche dans l’intérêt des administrés ?

On vous a cité encore l’inconvénient de limiter de nouveau le choix du gouvernement, en le forçant à choisir le bourgmestre dans le nombre de ceux qui pourront sympathiser avec les échevins élus. Si les échevins sont d’une opinion extravagante, vous ne trouverez pas de bourgmestre sage qui veuille accepter avec eux des rapports de tous les jours, des rapports de ménage, pour ainsi dire. Je ne sais plus ce que deviendra ainsi, dans certaines communes, l’intervention royale dans la nomination du bourgmestre.

On a dit aussi avec beaucoup de raison que dans le collège vous aurez non seulement une opinion qui ne sera pas représentée, mais souvent toute une partie de la ville. Cette considération est très importante.

Dans beaucoup de villes, il y a la haute et la basse ville, ou la ville en-deçà de la rivière et la ville au-delà de la rivière. Il importe pour l’administration de la commune, que toutes ces parties soient représentées dans le collège échevinal. Si vous laissez à l’élection la nomination des échevins, et qu’une de ces parties obtienne la majorité dans le conseil, elle aura l’unanimité dans le collège, l’autre partie en sera exclue.

Si vous laissez la nomination des échevins aux conseils communaux, que s’en suivra-t-il ? Il s’en suivra les manœuvres de compérage, de camaraderie ; il en résultera des choses honteuses qui ne peuvent exister lorsque la nomination est laissée au pouvoir royal. Si vous permettez que quatre échevins soient nommés par un nombre de conseillers qui la plupart du temps n’excédera pas de deux à trois fois ce chiffre, il y aura intrigue, on se donnera mutuellement sa voix, on promettra d’autres la place de directeur pour son fils, celle de receveur pour son ami, etc., etc. Et que l’on ne dise pas que cette supposition est gratuite. Quand il s’agit de 2,500 conseils communaux, tout ce qu’il est dans les probabilités de prévoir pourra arriver. Si ce n’est aujourd’hui ce sera demain.

On m’opposera l’exemple des états députés dont les membres sont élus par les conseils provinciaux. Mais il y a ici une différence très notable. D’abord les corps provinciaux sont beaucoup plus nombreux que les conseils communaux ; ainsi il y a moins d’influences particulières à craindre. En second lieu, les conseils provinciaux sont composés d’hommes pris dans toutes les parties de la province et par conséquent assez étrangers les uns aux autres, tandis que les conseils communaux ne renferment que des hommes qui par l’établissement de leur domicile ou une seule localité sont continuellement en relation les uns avec les autres, et, ont entre eux des liens d’intimité ou de parole.

Il faut ensuite considérer que le gouvernement place auprès de chaque conseil provincial un gouverneur dont la nomination lui appartient exclusivement et qu’il prend où il veut. Comme il n’y a que neuf gouverneurs dans le royaume, il peut arrêter son choix sur des hommes capables, dont l’influence de lumières se fera sentir sur les conseils. Peut-on en dire autant des 2,500 bourgmestres ? La députation des états a un tout autre caractère que celui de l’administration des échevins. Son travail consiste en partie à réviser celui des communes. Ce ne sont pas des rapports aussi quotidiens, aussi journaliers que ceux qui lient l’administration communale aux administrés.

Toutes les objections que j’ai élevées pour combattre un autre système peuvent s’appliquer avec la même force de raisonnement au système de la section centrale qui propose la nomination des échevins, par le Roi, sur une liste double et dans quelques occasions sur une liste triple de candidats présentés par le conseil communal.

Dans ces communes où le nombre des conseillers n’est que de 7, on peut concevoir combien l’intrigue et les compérages pourront trouver accès. Quatre conseillers se diront : donnez-moi votre voix, et je vous donnerai la mienne, et ils sont sûrs d’être nommés candidats.

Dans les conseils communaux plus nombreux, où les membres auront la faculté de distribuer des places telles que celles de receveur municipal, de secrétaire etc., vous ne serez pas beaucoup plus sûrs d’avoir des nominations désintéressés. Il faut envisager aussi quelle sera la position des membres du conseil communal qui ne se trouveront pas compris sur la liste des candidats. Cette exclusion équivaudra à un brevet d’incapacité que leur auront délivré leurs collègues. C’est une source de division, là où il y a toujours trop de causes de désunion.

Il est bien nécessaire de tâcher d’introduire quelque unité, et par conséquent, quelque activité dans le sein des collèges d’échevins. C’est une chose positive qu’aujourd’hui ces corps sont extrêmement inactifs. Si vous allez multiplier les causes d’inertie, ce sera les rendre plus inactifs encore. Déjà la distribution des fonctions entre les fonctions d’échevins et celles de bourgmestre est très mal posée ; car en fait, ce n’est pas le corps des échevins qui administre, c’est ordinairement à un seul individu qu’est dévolue une partie spéciale de l’administration, une autre partie l’est à un autre ; mais il arrive très souvent que les échevins ont peine à s’entendre entre eux pour la répartition des fonctions. Si vous accordez la nomination des échevins aux conseils communaux, il en résultera, par suite du peu d’accord, une confusion très grande, plus grand encore que celle qui existe actuellement, et qui cependant, dans beaucoup de localités, est déjà assez fâcheuse.

Quant à moi, je déclare que si d’un autre côté on refuse au pouvoir central la libre nomination du bourgmestre, et que de l’autre on défère aux conseils communaux ou aux électeurs la nomination des échevins, je regarderai la loi entière comme inadmissible, et je la rejetterai dans son ensemble ; et, en la supposant adoptée par cette assemblée, j’émettrai le vœu que les autres pouvoirs de l’Etat ne la sanctionnent pas.

M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, on a agité une question de la plus haute importance qui domine toute la discussion, la question de constitutionnalité. L’orateur qui m’a précédé s’est longuement étendu sur le plus ou moins qu’il pouvait y avoir de laisser la nomination des échevins au pouvoir royal. Je pense que cette question est secondaire et peu significative à côté de la question de constitutionnalité.

Que réclame le pays, quelle est pour lui la nécessité la plus urgente ? c’est le maintien de la constitution. En mettant le pied dans cette enceinte, nous avons juré de l’observer ; voilà pour nous la première question, voilà la première utilité.

L’honorable député de Liége qui a parlé le premier dans la séance d’aujourd’hui, s’est borné à l’examen de la question de constitutionnalité. Il s’est demandé :

La législature est-elle liée par la constitution ? La constitution permet-elle l’intervention du pouvoir royal dans la nomination des échevins ? Ces deux questions se résument dans une seule et même chose. Comme en a très bien fait l’observation mon honorable ami M. Dubus, l’exception qui se trouve portée dans l’article 108 de la constitution en faveur du pouvoir royal s’étend-elle jusqu’à la nomination des échevins ? J’aurai tout à l’heure le plaisir de vous démontrer que cette exception n’a été créée que pour le bourgmestre, mais qu’elle n’est pas plus étendue au choix des échevins qu’elle n’était applicable à la nomination de la députation permanente du conseil provincial.

L’honorable député de Liége a cité les rapports de la section centrale du congrès à l’époque de la discussion de l’article 108. Il a commencé par nous faire connaître l’opinion de la 7ème section. Puis il est entré dans l’examen de l’intention de la section centrale. Il a trouvé que la 7ème section avait parlé des chefs des administrations communales ; et il a conclu de ce fait que la 7ème section avait eu en vue les bourgmestres et les échevins.

Ensuite, il a dit que l’on avait examiné principalement si l’élection directe y aurait également lieu dans les communes rurales. Vous verrez, messieurs, que ces deux faits qui ont servi de base à l’argumentation de l’honorable orateur ne sont pas exacts. Pour ce qui est du travail de la 7ème section du congrès, je vous ferai connaître ce qui s’est passé, car j’ai sous les yeux le procès-verbal de la section centrale à cette époque.

M. Raikem. - Je me suis trompé, j’ai voulu dire au lieu de la septième section, plusieurs membres de la septième section.

M. d’Huart. - Cela est indifférent.

M. Dumortier, rapporteur. - Voici ce que dit le procès-verbal :

« Dans la 7ème section, plusieurs membres pensaient que les chefs des conseils provinciaux et communaux devaient être exceptés de l’élection directe. »

Remarquez, messieurs, que dans cette rédaction, il n’est pas seulement question des chefs des conseils communaux, mais encore de ceux des conseils provinciaux.

Or, ce rapprochement des chefs provinciaux à côté des administrations communales prouve que la proposition de ces membres de la 7ème section, quant aux communes, n’était relative qu’au bourgmestre, de même qu’il ne s’agissait pour les provinces que de la nomination du gouverneur qui est le seul chef de l’administration provinciale.

En réunissant ainsi ce qui était relatif aux conseils provinciaux et aux conseils communaux dans un même texte, il reste prouvé jusqu’à l’évidence que la section n’entendait parler que du seul bourgmestre.

Lisez et relisez le procès-verbal de la section centrale. Vous y verrez partout la même intention. Je n’en donnerai pas lecture, parce que cela nous mènerait trop loin. Mais si elle était faite, vous acquerriez la conviction que toutes les sections exclusivement, que tous les membres des sections qui demandaient une exception à l’élection directe, ne la demandaient qu’en faveur du seul bourgmestre. Jamais il n’est entré dans l’idée de personne de vouloir l’étendre aux échevins ; dans les sections du congrès pas un seul membre n’a fait cette demande. Vous venez d’entendre le témoignage de M. d’Huart, qui est formel à cet égard. Dans la section centrale, l’honorable M. Legrelle a déclaré la même chose. Tous les anciens membres du congrès auxquels j’ai parlé, m’ont également affirmé qu’ils n’avaient pas entendu autrement l’exception consacrée dans la constitution.

L’exposé seul des différents textes le démontre jusqu’à l’évidence.

Le comité de constitution propose « l’élection directe ; » dans ce système, le bourgmestre même est soumis à l’élection populaire.

La section centrale propose l’élection directe, sauf les limites à établir par la loi « quant aux autorités communales ; » d’après cette rédaction, la loi pouvait étendre l’exception aux échevins comme au bourgmestre.

Le congrès adopte la stipulation, « sauf les chefs des administrations communales ; » par là l’exception ne se rapporte plus qu’aux bourgmestres.

Si, comme on le prétend, le congrès eût voulu que l’exception s’étendît aux échevins, il eût adopté la rédaction de la section centrale, et par le fait seul qu’il l’a écartée et qu’il a admis l’amendement restrictif de M. Lebeau, il est manifeste qu’il n’avait l’intention d’accorder au pouvoir exécutif qu’une seule exception en faveur du bourgmestre.

L’honorable député de Liège vous a dit que la section centrale avait principalement examiné la question de savoir s’il y aurait une distinction quant à l’élection directe entre les villes et les campagnes. Il a également argumenté de cette distinction, et il a également commis une erreur, je suis fâché de devoir le lui dire. On a examiné cette distinction comme on a examiné la question de la nomination du bourgmestre, mais on n’en a pas fait l’objet principal de la discussion. Je vais vous donner lecture d’un passage du procès-verbal de la section centrale.

Dans la section centrale on s’est demandé 1° si l’élection directe aurait lieu par les conseils communaux des villes 2° si elle aurait également lieu par ceux des communes rurales ; 3° comment se ferait la nomination des bourgmestres.

Ainsi, l’on a divisé la question d’élection directe en deux parties. L’élection directe, accordée aux villes, s’étendra-t-elle aux communes ? L’élection directe s’appliquera-t-elle à la nomination des bourgmestres ? La question a été nettement posée. L’on ne pensait à établir que deux exceptions, l’élection directe quant aux communes rurales et l’élection directe quant à la nomination du bourgmestre. Mais lors de la discussion la première s’est effacée entièrement et il n’a plus été question de la seconde. Ainsi tous les arguments qui reposent sur cette allégation sous aussi sans fondement.

Ces expressions du rapport de la section centrale sont tellement formelles qu’elles ne peuvent laisser aucun doute ; elles ont été également comprises ainsi par l’honorable représentant député de Liège auquel je réponds. J’en appelle à ses souvenirs. Le compte rendu de la séance du 26 janvier 1831 en fait foi. Il résulte de ce qu’il disait alors, qu’il mettait sur la même ligne les chefs des conseils communaux et provinciaux. Or de même qu’il n’y a pour la province qu’un seul chef qui est le gouverneur, de même aussi il ne doit y avoir pour la commune qu’un seul chef qui sera le bourgmestre.

En effet, lisez l’article 108 de la constitution tel qu’ils été définitivement adopté ; ses termes ne peuvent laisser aucune espèce de doute dans vos esprits. L’honorable député de Liége a dit que la commission de constitution avait eu en vue dans les expressions qu’elle a employées, de consacrer comme règle générale le principe de l’élection directe, et surtout de s’opposer aux élections de divers degrés qui avaient lieu précédemment.

Pour moi je crois que les expressions adoptées par la commission de constitution, ont eu pour but de sanctionner les arrêtés du gouvernement provisoire qui venaient d’établir l’élection directe dans toute son étendue. La commission de constitution siégeait dans le même temps où ont paru ces arrêtés. Je crois même me rappeler que le décret du gouvernement provisoire relatif à la recomposition des régences avait été rédigé par la commission de constitution.

Il est certain que ce fut la commission de constitution qui a fait le décret relatif à l’élection du congrès, et quant à l’arrêté relatif aux élections communales, qu’il ait été fait ou non par la commission de constitution, il est certain que la rédaction de cette partie de la constitution a eu lieu sous l’impression des arrêtés qui venaient alors de paraître.

Que dit le gouvernement provisoire dans les considérants de son arrêté ? « Voulant appliquer aux élections les principes d’une révolution toute populaire dans son origine. » Ainsi à cette époque, le gouvernement provisoire et le comité de constitution n’hésitaient pas à reconnaître les principes de la révolution. Pourquoi faut-il que nous ayons à regretter que deux membres du gouvernement provisoire, qui ont signé cet arrêté qui reconnaissait alors les principes de cette révolution populaire, les aient reniés aujourd’hui, et viennent défendre un système destiné à bouleverser celui qu’eux-mêmes ont fait prévaloir ? Mais revenons à notre sujet.

Qu’a dit l’honorable membre auquel je réponds en ce moment ? Il a dit : « Si les termes de la constitution sont clairs, vous ne pouvez qu’adopter l’amendement de M. Jullien. » Je réponds moi qu’on ne doit adopter ni le projet du gouvernement, ni l’amendement de la section centrale. Il est incontestable que vous avez laissé la nomination de la députation permanente aux membres du conseil provincial. Il faut bien reconnaître que les échevins sont en quelque sorte la députation de la commune ; ils sont à la commune ce que la députation permanente est à la province. Si donc la nomination de la députation permanente par le conseil provincial est constitutionnelle, la nomination des échevins par le conseil communal ne l’est pas moins, car il y a parité entière entre les deux faits.

Or, Voici ce que dit le rapport de la section centrale quant à la députation permanente :

« On a remarqué que la publicité ne pouvait être exigible pour les séances des députations permanentes qui seraient élues par les conseils provinciaux. »

Ainsi le congrès reconnaissait que la députation permanente devait être élue par le conseil provincial ; il n’entendait pas qu’elle fut élue directement par les électeurs. Ce système serait absurde ; il est impossible ; et le mot de députation indique assez que ses membres sont les mandataires du conseil provincial. Par conséquent ce que vous avez fait pour la province sans violer la constitution vous pouvez également le faire pour la commune. Vous pouvez attribuer aux échevins relativement au conseil communal les mêmes pouvoirs que vous avez attribués à la députation relativement au conseil provincial, et comme la députation est élue par le conseil provincial décider que les échevins seront élus par le conseil communal.

Ceci répond à cet argument de l’honorable député de Liège que la constitution ne parle pas de collège de régence. Mais la constitution ne parle pas non plus de bourgmestre, d’échevins ; c’est qu’elle n’a pas voulu préjuger la question, s’il y aurait des bourgmestres, s’il y aurait des échevins. Cependant ce serait une erreur de supposer que la constitution s’est tue sur cet objet important.

Ce que la constitution a prescrit c’est qu’il y ait dans la commune un corps qui administre au nom du conseil communal, lisez l’article 108 de la constitution, il ne laisse aucun doute à cet égard. Un orateur est venu dire que le mot administration qui se trouve dans la constitution devait s’entendre du conseil communal ; c’est l’honorable député de Nivelles parlant comme rapporteur de la section centrale ; et il a justifié cette assertion en disant qu’il y a des administrations qui administrent et des administrations qui n’administrent pas.

Pour moi, je l’avoue, je ne comprends pas des administrations qui n’administrent pas. Il est tellement vrai que c’est du collège de régence seulement, dans son acception habituelle, que peut s’entendre le mot administration, que dans le projet que j’ai eu l’honneur de vous soumettre, l’article premier ayant d’abord été ainsi rédigé : « Chaque commune est administrée par un conseil communal et un conseil de régence composé du bourgmestre et des échevins, » quand cette rédaction fut présentée à la section centrale, on dit que c’était une erreur, que le conseil communal délibérait sur les intérêts communaux, mais qu’il n’administrait pas la commune ; on décida le retranchement du mot administré, et on adopta une autre rédaction, celle qui vous a été proposée.

L’administration de la commune c’est le pouvoir exécutif de la commune ; c’est dans ce sens que cette expression a été entendue par la section centrale. C’est le sens qu’elle avait dans les anciens règlements. En effet, qu’est-ce qu’administrer ? c’est agir. Or il est évident que quoique l’étendue des pouvoirs du conseil communal soit très grande, il ne peut agir ; mais il a toujours le droit de déléguer le pouvoir d’agir à des mandataires qui l’exerceront au nom de la commune. C’est dans ce sens que la constitution a dit dans le paragraphe premier de l’article 108 : « Les administrations communales. » Cette expression ne peut s’appliquer qu’aux collèges de régence.

Voyez dans le deuxième paragraphe de cet article, quand il est question des conseils communaux, comme les termes sont formels. Ce paragraphe porte :

« L’attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est provincial et communal, etc. »

De même le paragraphe 3 ; le voici :

« La publicité des séances des conseils provinciaux et communaux dans les limites établies par la loi. »

Le 5ème paragraphe relatif à l’intervention du Roi porte : « L’intervention du Roi ou du pouvoir législatif, pour empêcher que les conseils provinciaux et communaux ne sortent de leurs attributions et ne blessent l’intérêt général. »

Vous voyez que toutes les fois que la constitution veut parler des conseils communaux, elle le dit en termes formels ; mais dans le numéro 1 de l’article 108, il s’agit du pouvoir exécutif, de l’administration de la commune, de la députation provinciale ; alors la constitution ne parle plus de conseil, c’est l’administration qu’elle indique ; ainsi la constitution n’impose pas à la législature la création de bourgmestre et d’échevins, parce qu’elle voulait la laisser libre de créer aussi bien des maires et adjoints, mais elle lui impose l’obligation d’instituer un corps chargé de l’administration journalière au nom de la commune et dont le chef seulement pourra être nommé par le gouvernement. Ce chef c’est le bourgmestre, l’exception en faveur du pouvoir royal ne peut s'étendre qu’à lui.

On a parlé d’un système républicain et d’un système monarchique ; il ne faut pas, messieurs, que ces expressions fassent de l’impression sur votre esprit. il n’y a pas à examiner si notre système de gouvernement sera républicain ou monarchique. Notre gouvernement n’est pas à créer ; nous avons une monarchie constitutionnelle ; mettons donc de côté la république et tous les mots à effet ; voyons la constitution, rien que la constitution. En Angleterre, sans être sous le régime de la république, le roi n’a aucune action sur la nomination des autorités communales, et les choses n’en vont pas plus mal pour cela.

L’honorable député de Bruges qui a parlé avant moi (M. Devaux), en attaquant l’opinion de l’honorable M. Jullien et de divers membres relativement à la question de constitutionnalité de la nomination des échevins par le Roi, a cité un journal qui rend compte de la séance du congrès où a été discuté l’article de la constitution dont s’agit

Il a spécialement appuyé sur l’amendement de M. de Theux qui tendait à laisser à la législature le soin de déterminer le mode d’élection des bourgmestres et échevins ; passant ensuite à l’amendement de M. Lebeau qui a été définitivement adopté, il s’est appuyé sur ce que le journal dit que l’amendement de M. de Theux rentre dans celui de M. Lebeau et il a conclu que la législature devait déterminer le mode de nomination des échevins. Il est incontestable que l’amendement de M. de Theux rentre dans celui de M. Lebeau (personne ne peut en douter, il suffit de les lire). Mais ce n’est pas dans le sens qu’indique l’honorable député de Bruges.

M. Jottrand avait présenté l’amendement suivant : « La loi consacrera le principe de l’élection directe, sauf le choix des bourgmestres et gouverneurs qui sera laissé au chef de l’Etat. »

M. Van Snick avait proposé un amendement ayant pour but de consacrer l’élection directe des membres des conseils communaux, sauf ce qui peut être statué par la loi à l’égard des bourgmestres.

Maintenant M. Lebeau propose un amendement qui a pour but de laisser à la législature le soin de déterminer le mode de nomination des chefs des conseils provinciaux et communaux.

Il est évident que par rapport aux amendement de MM. Jottrand et Van Snick, qui tranchaient la question, qui décidaient qu’il y aurait des bourgmestres, l’amendement de M. Lebeau rentre dans celui de M. de Theux ; mais ce n’est pas relativement à la question des échevins, c’est en ce sens que l’un et l’autre ne préjugeaient rien sur la question de savoir si le Roi aura le droit de nomination du chef du conseil communal. En outre, l’amendement de M. Lebeau ne préjugeait pas la question de savoir s’il y aurait des bourgmestres ou des maires, des échevins ou des adjoints, et c’est pour cela qu’il a été admis.

Maintenant on dit que M. de Theux s’est rallié à l’amendement de M. Lebeau, et que cela prouve que les deux amendements avaient la même portée. Cette argumentation est inexacte. Si M. de Theux s’est rallié à l’amendement de M. Lebeau, ce n’est pas parce que les deux amendements signifiaient la même chose, car M. Jottrand qui dans son amendement ne parlait que du bourgmestre seul s’est également rallié à l’amendement de M. Lebeau.

Mais, messieurs, ce qui résulte du compte-rendu que l’on a déjà cité prouve combien le congrès a entendu parler exclusivement du bourgmestre. Je vois dans ce compte-rendu que lorsque M. Jottrand propose un amendement qui borne l’exception au bourgmestre seul, l’assemblée s’écrie : Appuyé ! appuyé !

Ainsi le congrès appuie l’exception du bourgmestre seul. Lorsque M. de Theux propose de laisser à la législature le soin de déterminer le mode d’élection des bourgmestres et échevins, l’assemblée ne donne aucune marque d’assentiment ; le congrès n’appuie pas parce qu’il ne croit point que l’élection du bourgmestre et des échevins doive être laissée au Roi. Un autre membre propose aussi un amendement relatif au bourgmestre seul, l’assemblée s’écrie encore : Appuyé ! appuyé !

D’après cela, messieurs, on peut voir quelle était la volonté du congrès, il ne peut y avoir aucun doute pour personne à cet égard.

D’un autre côté, quelques citations que je demande la permission de vous faire vous donneront la preuve évidente que le congrès n’a voulu établir une exception qu’à l’égard du bourgmestre seul. Voici ce que dit à cet égard la régence de Mons dans les notes qui ont été envoyées ; elles sont rédigées par MM. Claus et Gendebien, membres du congrès : « L’article 108 de la constitution, disent ces honorables citoyens, ne permet de faire exception au principe de l’élection qu’en ce qui concerne les chefs des administrations communales. Or, ces chefs, ce sont les bourgmestres. »

Ainsi, messieurs, voici deux membres du congrès, MM. Gendebien et Claus, qui disent que par ces mots « les chefs d’administration, » le congrès n’a eu en vue que les bourgmestres.

Voici maintenant une autre preuve. Je la puiserai dans un écrit sur la constitution par M. Plaisant, procureur-général à la cour de cassation ; et vous savez, messieurs, que M. Plaisant a solennellement déclaré qu’en vertu de ses fonctions de procureur-général, il doit maintenir le droit du gouvernement, et certes il ne l’a pas oublié. Eh bien, M. Plaisant, commentant la constitution et rendant compte de ce qui s’est passé au sein du congrès, après avoir rappelé quelle était la proposition de la section centrale et ce qu’on avait fait dans les sections, s’exprime ainsi.

« Dans la discussion on a restreint l’exception au bourgmestre seul. »

Ainsi, messieurs, voilà M. Plaisant, procureur général à la cour de cassation, qui est le défenseur des droits du gouvernement qui déclare formellement que l’exception a été restreinte au bourgmestre seul.

Remarquez qu’il rapporte cela non comme son opinion, mais comme un fait résultant de la discussion. C’est, messieurs, le premier organe du gouvernement dans l’ordre judiciaire qui s’exprime : ainsi je vous le demande, interpréterons-nous la constitution dans un sens moins libéral que les agents du gouvernement ?

Les ministres actuels et les ministres à venir peuvent ne pas interpréter la constitution dans son sens véritable, ils cherchent à se faire des créatures parce qu’ils désirent rester au pouvoir où ils sont accrochés ; mais nous, mandataires du peuple, nous devons expliquer la constitution dans son véritable sens, dans son sens le plus simple, et non au moyen de subtilités indignes de nous.

Si nous l’interprétons dans un sens qu’elle n’a pas, les populations ne seront pas rassurées, et vous verrez se renouveler ce déluge de pétitions qui sous le gouvernement du roi Guillaume a inondé cette enceinte.

Il y avait alors aussi dans la loi fondamentale des articles que le gouvernement n’a pas trouvés clairs, et qu’il a interprétés à sa manière. Il avait été dit que le collège électoral se réunirait tous les ans pour pourvoir aux places vacantes dans les communes, que les règlements municipaux devaient être faits par des commissions, etc. ; le gouvernement a interprété cela, dans son intérêt et contre les libertés communales : qu’en est-il résulté ? Que dans toute la Belgique il y a eu réaction contre cette violation de la loi fondamentale.

Ceux qui soutiennent aujourd’hui le gouvernement dans ce qu’il demande, l’affaiblissent au lieu de le servir, et amèneront une réaction semblable à celle qui a eu lieu sous le roi Guillaume.

Un député qui dans le temps du pétitionnement s’est montré d’une manière honorable, a déclaré dans une séance précédente qu’il n’y avait jamais eu de grief contre le gouvernement du roi Guillaume, relativement aux règlements des villes. C’est une erreur très grave. Lisez la lettre de M. Van de Weyer sur la révolution belge, vous verrez que parmi les griefs qu’il reproche au gouvernement il cite nos institutions communales.

« Le gouvernement, dit M. Van de Weyer, usurpa la nomination des magistratures urbaines et introduisit dans les règlements municipaux des dispositions diamétralement contraires à la constitution. »

C’est, messieurs, ce que l’on propose aujourd’hui. Dans une autre lettre, celle à lord Aberdeen, M. Van de Weyer indique pour cause de la révolution le même grief qui était même reconnu par les Hollandais nos ennemis. « Cependant, la nation batave, dit-il, n’était guère plus satisfaite que les Belges. Quoique toutes les mesures du gouvernement eussent une tendance hollandaise, l’aversion des véritables Hollandais contre le système adopté par le Roi n’en fut pas moins grande, et ils n’en virent pas avec moins de déplaisir les usurpations du pouvoir sur les libertés provinciales et communales. »

Voilà, messieurs, comment s’exprimait M. Van de Weyer tout en expliquant les causes qui ont amené notre révolution.

Voulez-vous une autre preuve ? Je citerai encore ce qu’au mois d’octobre 1830 disait M. le comte Vanhogendorp relativement à l’usurpation des pouvoirs provinciaux et communaux sous le roi Guillaume. M. Vanhogendorp cite une pétition dans laquelle on s’élevait contre cette usurpation. « Voici, dit-il, encore un grief commun à la Hollande et à la Belgique. Je suis surpris que l’adresse ne fasse pas mention des règlements des provinces ; je crois même que c’est une faute d’écriture ou d’impression. »

Ainsi, messieurs, en Hollande même on reconnaissait que le roi n’avait pas le droit de nous enlever nos libertés communales ; on reconnaissait comme un motif de l’aversion populaire contre le roi Guillaume l’asservissement des franchises provinciales, et surtout des franchises municipales.

Messieurs, je maintiens que le ministère manque à son devoir lorsqu’en présence d’éléments populaires qui ont été la cause de la révolution, il demande à la chambre de sanctionner ce que nous avons tous flétri lorsque nous pétitionnions tous. Si nous avons la faiblesse de consentir à la demande du gouvernement, nous nous exposons à voir se renouveler la réaction qui a eu lieu sous le gouvernement déchu, car les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.

C’est une question de constitutionnalité qui domine dans cette discussion. J’ai établi, messieurs, que la constitution présente un sens clair, et qu’elle ne donne pas au Roi la nomination des échevins. J’ai donné pour preuve à cet égard ce que portent les procès-verbaux des séances du congrès.

Maintenant, messieurs, vous pouvez choisir entre les modes de nomination qui sont proposés ; ou vous laisserez la nomination aux conseils communaux, ou vous la laisserez directement au peuple. Quant à moi je ne me prononce pas entre ces deux systèmes, mais je repousse toute intervention du ministère dans la nomination des échevins.

On a parlé d’influences de localités qui offriraient un grand danger en ce qu’elles donneraient au gouvernement une action immense sur les élections générales. En effet le système du gouvernement ne tendrait à rien moins qu’à mettre à sa disposition toutes les personnes des bourgmestres et des échevins, et par ce moyen, le principe électoral étant vicié, la constitution serait ruinée de fond en comble.

Sur quoi repose la constitution ? L’honorable M. Devaux s’est exprimé à cet égard d’une manière très claire, et je partage son opinion.

« Le système représentatif, a-t-il dit, doit avoir pour but de contrôler les actes du gouvernement. Le meilleur gouvernement représentatif est celui où l’opinion a des mandataires pour contrôler les actes des ministres. L’élection pour les chambres doit représenter le pays. »

Voilà, messieurs, ce que nous a déclaré l’honorable M. Devaux. Je partage à cet égard son opinion. Mais voyons si la nomination des échevins par le Roi n’aurait pas pour résultat de ruiner la représentation nationale, résultat inverse de celui indiqué par cet honorable membre.

Nous avons en Belgique 2,738 communes. Par le vote d’hier, en abandonnant au Roi la nomination des bourgmestres, vous avez mis à la disposition du ministère 2,738 personnes. Si vous avez la faiblesse d’abandonner la nomination des échevins, comme il y en a 5,476, cela fait 8,214 électeurs que vous mettez à sa disposition. Ajoutez à cela 2,738 secrétaires, vous aurez 10,952 électeurs dont le gouvernement pourra disposer.

Il y a environ 40 mille électeurs en Belgique. Vous savez qu’en thèse générale la moitié seulement des électeurs prennent part aux élections.

Le gouvernement aura, de cette manière, plus d’agents qu’il n’en faudrait pour s’assurer l’unanimité dans la chambre. Un pareil système ruine toute espèce de contrôle du gouvernement.

Le ministère, une fois maître des élections, écartera tout homme qui s’oppose à ses envahissements, et bientôt la chambre sera pourrie, corrompue.

Voilà où vous arriverez. On dit qu’en France le gouvernement a le droit de nommer les maires et les adjoints. Mais en France, pour être électeur, il faut payer 200 francs d’impositions, tandis qu’en Belgique il suffit de payer 20 florins. Un électeur qui paie 200 francs d’impositions jouit d’une indépendance, tandis qu’un homme qui paie 20 florins est bien plus soumis à l’action du pouvoir. Il sera nécessairement à la disposition du ministère qui viendra lui dire par ses agents : Si vous ne travaillez pas dans mon sens, si vous ne votez pas pour moi, je vous destitue. Il ne le fera pas toujours, mais la menace suffira souvent.

Ainsi je le répète, en adoptant le système du gouvernement, vous attaquez par sa base l’édifice constitutionnel ; la chambre, comme on l’a déclaré en Angleterre, serait pourrie. Qui de vous peut être sûr de revenir dans cette enceinte, à moins qu’il ne si vende alors corps et âme au ministère ? Mais j’espère que vous repousserez un système qui doit avoir des conséquences aussi funestes pour le pays, et que vous laisserez au peuple la faculté de nommer ses échevins, soit par lui-même, soit par l’organe de son conseil communale.

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

M. le président. - La parole est à M. Jullien.

M. Jullien. - Comme je parle contre la proposition du gouvernement et celle de la section centrale, il conviendrait de donner la parole à un orateur qui appuie l’une ou l’autre.

M. le président. - La parole est à M. Raikem.

M. Raikem. - J’aurais quelques observations à présenter ; mais si on demande la clôture, je renoncerai à la parole.

- Plusieurs voix. - Non ! non ! parlez !

- La chambre consultée ne ferme pas la discussion.

M. Raikem. - Messieurs, vous connaissez le cercle dans lequel j’ai circonscrit la question. Je pense qu’il est inutile de vous dire en passant que les deux questions n’en formaient qu’une seule.

La question est la constitution. Nous permet-elle de faire une exception à l’élection directe à l’égard des fonctionnaires qualifiés sous le nom d’échevins ? Je crois, messieurs, avoir établi l’affirmative de la question, c’est-à-dire que la constitution le permet. Elle ne l’ordonne pas. Si ce système présentait des inconvénients, la législature verrait ce qu’elle trouverait convenable de faire. Nous avons à examiner uniquement la question constitutionnelle. C’est à cette question que je me restreins.

L’honorable député de Tournay a fait des recherches dans les procès-verbaux du congrès et dans la relation des séances rapportée dans quelques journaux, et il s’est constamment attaché à présenter les choses comme si je les avais rapportées d’une manière inexacte, non pas qu’il aurait voulu dire que je l’aurais fait avec intention, mais que je me serais trompé dans les résultats que j’ai donnés des discussions du congrès.

Vous remarquerez que la question qui a fixé spécialement l’attention de la section centrale, est celle de savoir si, quant à l’élection directe, il y avait lieu de faire une distinction entre les conseils communaux des villes et ceux des campagnes. Toutes les questions sont examinées de la même manière ; dans le rapport, le rapporteur est obligé de faire une analyse exacte et fidèle de toutes les opinions émises. J’ai rapporté que pour les villes l’élection directe avait été décidée à l’unanimité, qu’il n’y avait pas eu de discussion. Mais j’ai fait remarquer que pour les campagnes il y avait eu une forte discussion, et que ce qui prouvait qu’il y avait eu dissentiment, c’est que la décision n’avait pas été pris à l’unanimité. Huit voix contre cinq avaient admis l’exception, et huit voix contre cinq avaient adopté la rédaction comprenant ces mots : « Dans les limites établies par la loi. »

Si on examine avec attention les procès-verbaux, on peut s’assurer de ce fait. J’ai donc eu raison de dire que ce qui avait fait le principal objet de la discussion dans la section centrale et au congrès était cette question.

Les journaux qui ont rapporté cette discussion n’en donnent qu’une analyse très succincte, on n’y trouve pas toutes les expressions des membres qui ont parlé sur cette question dans le sein du congrès.

La conséquence que j’ai tirée est celle-ci : que le congrès avait retranché les mots : « dans les limites établies par la loi, » afin que le législateur ne pût pas faire une distinction entre les villes et les campagnes, tandis qu’on avait mis une exception pour les chefs des administrations communales, afin que le législateur pût faire une distinction entre les diverses fonctions communales et non entre les diverses localités. Voilà l’argument que j’ai tiré.

Mais, m’objecte-t-on, vous avez dit qu’on avait décidé le choix et votre observation s’applique uniquement aux bourgmestres ; car dans la séance où l’amendement Marlet a été présenté, j’aurais dit qu’il était inutile, la question du chef du conseil communal étant décidée. Et on dit que moi, en prononçant ces mots, j’ai voulu exprimer qu’il n’y avait d’exception que relativement au chef communal. Cet argument est tiré de si loin que je crois qu’il ne fera aucune espèce d’impression sur l’assemblée. En disant que cette question était décidée, je ne pensais qu’à la décision qui avait eu lieu et non aux argumentations qu’on a voulu me prêter.

Cependant on ne veut pas admettre, d’après le député de Tournay, le système de l’élection directe ; il voudrait qu’elle fût faite par le conseil communal lui-même. Il faut en convenir, il me semble que votre système pourrait être adopté, mais ce n’est pas à dire qu’on ne puisse adopter le système contraire. Mais, dit-on, s’il faut recourir à l’élection directe ou à la nomination des échevins par le peuple, vous auriez commis une inconstitutionnalité dans la nomination de la députation du conseil provincial, puisque la députation est choisie par le conseil lui-même. Elle n’est pas nommée directement par les électeurs. Or il y a plus d’inconstitutionnalité à faire nommer les échevins par le conseil communal, comme on a fait nommer la députation par le conseil provincial.

Je ne sais pas si dans le système que je défends cet argument peut faire quelque impression. Qu’en résultera-t-il ? que cette nomination pourrait avoir lieu de cette manière. Je ne le conteste pas, mais je prétends qu’elle peut avoir lieu autrement. Toutefois l’élection de cette manière ne serait pas tout à fait directe. Mais comparer le collège des échevins et le bourgmestre avec la députation et le gouverneur, c’est ce que je ne crois pas possible ; il n’y a pas d’analogie parfaite. Le conseil provincial s’assemble à des époques déterminées, et la députation est chargée de certaines fonctions qui lui sont conférées par la loi, et elle rend les résolutions les plus urgentes en l’absence du conseil.

Mais le conseil de régence ou le conseil communal peut être assemblé toutes les fois que le bourgmestre trouve à propos de le convoquer, toutes les fois qu’un conseiller communal en fait la demande. Ainsi les échevins ne seraient pas la représentation, la délégation du conseil municipal. Quand une décision est prise par le conseil provincial, c’est le gouverneur seul qui l’exécute. Mais d’après le projet de la section centrale, ce ne serait pas seulement le bourgmestre qui serait chargé de l’exécution des actes du conseil communal. Cette exécution serait déférée au collège des échevins. Je crois donc que l’argument que je combats ne doit faire aucune impression sur vos esprits.

L’honorable membre auquel je réponds convient que la constitution n’impose pas à la législature la nécessité d’introduire des fonctionnaires appelés échevins dans l’administration municipale. Du moment que cette obligation n’est pas consignée dans la constitution, reste l’argument que j’ai fait valoir que les attributions que le projet confère aux bourgmestres et aux échevins pourraient être réunies sur la tête d’une même personne. Si la législature croit pour un motif quelconque devoir distribuer ces attributions entre plusieurs individus, n’a-t-elle pas le droit de donner au pouvoir royal la faculté de nommer les différents chefs de l’administration, comme elle vient de lui accorder la nomination des bourgmestres, autrement que par l’élection directe ?

C’est sur ce mot de l’article 108, administration, que porte toute la discussion. On sait que ce mot a plusieurs significations. On dit l’administration en opposition avec le pouvoir judiciaire. Ne nous attachons donc pas trop à la lettre même de notre pacte fondamental. Remarquez dans quelles circonstances l’amendement qui établissait une dérogation à la règle générale d’élection directe a été proposé. Il ne faut pas trop s’arrêter à la locution, mais voir ce que l’auteur de l’amendement a voulu exprimer. On venait d’adopter dans le congrès plusieurs propositions importantes. L’amendement fut proposé dans la séance même et rédigé à la hâte. Cherchons donc à en déterminer le sens et ne nous arrêtons qu’à l’intention. Car si nous discutions tous les mots, nous arriverions à des conséquences dont vous ne vous doutez guère. L’article 108 consacre :

« 2° L’attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d’intérêt provincial et communal, etc. »

Ainsi, tout ce qui est d’intérêt communal ou provincial est attribué au conseil soit communal soit provincial, et si vous suiviez la lettre de la loi, vous ne pourriez déférer à aucun autre corps une administration qui n’appartient qu’aux conseils. Il ne pourrait y avoir qu’une représentation communale ou provinciale et une seule personne chargée de l’exécution des ordres du conseil, qui serait le bourgmestre ou le gouverneur. Tel ne serait cependant pas le sens véritable de la constitution.

Au conseil communal appartient le droit de décider toutes les questions qui intéressent la commune. L’action journalière est déférée aux chefs de l’administration communale, s’il y en a plusieurs, comme cela existe actuellement. Je ne vois donc pas pourquoi l’on ne pourrait pas appliquer l’exception établie dans le numéro 1° de l’article 108 à tous les chefs de l’administration municipale.

J’avais cité un exemple tiré des républiques et des monarchies. Il peut arriver des cas où le pouvoir exécutif se trouve dans les mains de plusieurs chefs. C’est ce que nous avons vu dans le république française, pendant le régime du directoire et la première période du consulat. Plusieurs d’entre nous ont un souvenir de cette époque. A l’occasion de cette citation, un honorable adversaire a dit que je m’armais de grands mots.

Si j’ai fait la comparaison du gouvernement monarchique avec le gouvernement républicain, c’était pour me fixer sur la signification des mots chefs de l’administration, » pour démontrer qu’il pouvait exister en même temps plusieurs chefs d’une même administration ; mais je ne me suis pas servi de grands mots ; il n’entre pas dans mon caractère d’avoir recours à ces moyens pour entraîner la chambre ; j’en laisse le libre usage à l’honorable membre qui a combattu mon argument.

Le même orateur s’est appuyé, pour soutenir son opinion, de l’autorité de membres qui avaient fait partie du congrès, de l’autorité de la régence de Mons qui renferme dans son sein un ancien député de cette assemblée. Plusieurs d’entre nous ont également eu l’honneur de faire partie de cette assemblée. Cette fraction a pu se former alors une opinion sur le sens des mots chefs d’administrations communales, mots qui du reste n’ont jamais été véritablement débattus dans la discussion de l’article 108.

Ils ont passé sans qu’ils donnassent lieu à des développements. Il n’avait donc qu’eux, qui ont pris l’initiative à cet égard, qui pourraient nous expliquer quelle était leur intention réelle.

Mais voici une autorité qu’a mise en avant l’honorable M. Dumortier. Il vous a cité une personne qui n’a jamais fait partie du congrès. Je respecte beaucoup les opinions de cette personne ; mais on me permettra, je l’espère, d’avoir aussi une opinion à moi. Et quelle que soit la qualité de l’auteur de l’ouvrage dont on vous a cité un extrait, son assertion ne peut faire pour nous autorité ; ce n’est que l’énonciation d’une appréciation individuelle. Le nom et la réputation d’un auteur, toutes les fois qu’on les mettra en avant pour me faire admettre son opinion, ne pourront faire aucune impression sur moi, et malgré l’extrait que nous a lu M. Dumortier, je persiste avoir répondu aux objections de mes honorables adversaires.

La réfutation que l’on a faite à mes arguments ne me semble pas avoir détruit mon système ; ils subsistent encore dans toute leur force.

Quant à ce qu’il convient à la législature de faire, je vous dirai mon opinion. Vous pouvez voir par les débats du congrès que cette assemblée a montré une défiance extrême envers le pouvoir exécutif ; mais il a eu et il devait avoir toute confiance dans la législature à venir. Croyez-vous, messieurs, que si nous interprétions l’article 108 de la constitution dans le sens de nos honorables adversaires, ce ne serait pas admettre que le congrès se serait délié de la législature, n’aurait pas placé sa confiance dans les élus de la nation ? L’on ne peut admettre cette supposition. Le congrès n’a pas craint la législature. Il lui a remis le soin de déterminer le mode de nomination des chefs des administrations communales et provinciales.

Il n’a pas voulu gêner notre action sous ce rapport. Il nous appartient de régler la dénomination des échevins comme nous le jugerons convenable, sans nous croire liés par l’interprétation forcée de l’article 108.

M. Jullien. - Toute l’argumentation de préopinant tend à établir non pas que l’on peut étendre l’exception de l’article 108 de la constitution à d’autres fonctionnaires qu’aux chefs des administrations communales, mais que la législature à le pouvoir de mettre à la tête de la commune le nombre de chefs qu’elle jugera convenable et, par suite, de leur appliquer l’exception.

Messieurs, je n’examinerai pas ce que le congrès a voulu. C’est une question de bonne foi qui ne peut être éclaircie que par ceux qui ont fait partie de cette assemblée. Il me paraît évident cependant, d’après les explications qui ont été données et les documents qui ont été lus, que le congrès n’a eu en vue qu’un seul chef pour la commune comme pour la province. Mais je veux bien admettre le système de l’honorable M. Raikem, et je consens avec lui que, malgré l’intention manifeste du congrès, on puisse établir plusieurs chefs de l’administration communale.

Mais ce que vous pouvez faire, l’avez-vous fait ? Voulez-vous le faire actuellement ? Soit ; mais que l’on me démontre donc que les échevins sont les chefs de l’administration communale, et c’est ce que l’honorable préopinant n’a pas fait. La question d’ailleurs a été décidée déjà par le vote de l’article premier, qui porte qu’il y aura dans chaque commune un corps communal composé des conseillers, du bourgmestre et des échevins. Ainsi vous avez fait la part de la dignité de chacun en assignant au bourgmestre la prééminence sur les échevins.

Recourez au projet de loi, aux articles 100, 101, 102 et 103, et vous y verrez partout qu’il y a une distinction établie entre le bourgmestre, comme chef de l’administration communale, et les échevins.

D’après l’article 100 il doit porter un signe distinctif.

En vertu de l’article 101 : « Le bourgmestre agit seul pour tout ce qui a rapport à la publication et à l’exécution, dans la communes, des lois et règlements d’administration générale étrangers aux intérêts communaux, et pour lesquels l’intervention du conseil ou du collège n’est pas exigée, ainsi que pour tous les objets qui lui seront spécialement déférés par la loi. »

L’article 102 lui donne le droit de requérir, en cas d’émeutes ou d’attroupements, et les gardes civiques et l’autorité militaire pour rétablir le bon ordre.

C’est lui qui, aux termes de l’article 103, doit sommer les perturbateurs de rentrer dans l’ordre, à peine d’y être contraints par la force.

On me fait remarquer que j’oublie l’article 86 ; et en effet, en recourant à cet article, vous y voyez que le collège est présidé par le bourgmestre, et il a également la présidence du conseil.

Ainsi il est impossible de se refuser à cette idée que, d’après la loi qui vous est soumise et qui est déjà votée en partie, le bourgmestre est le chef de l’administration communale.

Maintenant, que sont vis-à-vis du chef les échevins ? Evidemment, si la constitution parlait du chef et des sous-chefs de l’administration communale, ils seraient compris dans l’exception ; mais comme elle ne parle que du chef de l’administration communale qui est le bourgmestre, l’exception ne peut s’appliquer qu’à lui ; en admettre une autre ce serait violer la constitution.

L’honorable M. Devaux a dit : « Si on n’eût voulu parler que d’un bourgmestre, on aurait dit « le bourgmestre » et non pas « les chefs des administrations communales. » Le congrès dans la constitution, répondrai-je, n’a pas entendu faire une loi d’organisation ; il a posé les bases et a laissé à la législature le soin d’organiser complètement la commune, de déterminer les qualifications et les attributions des fonctionnaires de la commune, qu’on pouvait appeler maires ou bourgmestres ou échevins.

Cet honorable député, en s’étendant sur les considérations qui devaient faire préférer la nomination par le Roi, a dit, en parlant de coteries et d’intrigues, que l’élection royale améliorait tout, épurait tout ; je dirai au contraire qu’elle peut tout corrompre : en effet, veuillez considérer que dans la plupart des communes et surtout dans les villes, il y a de ces hommes ambitieux, flatteurs de tous les partis, adulateurs de tous les gouvernements, séides de tous les pouvoirs, de ces hommes capables de tout, prêts à tout faire quand le pouvoir commande, qui mettraient le feu aux quatre coins de la commune qu’ils sont chargés de protéger et d’administrer sur un ordre venu d’en haut. Je veux éviter au gouvernement le danger d’égarer son choix sur de tels hommes ; car, dans les temps de crise, l’expérience a fait reconnaître que les haines amassées par eux retombent d’à plomb sur le gouvernement qui n’est pas toujours coupable de leurs excès.

Messieurs, en politique comme en physique, on ne s’appuie que sur ce qui résiste ; je veux à la tête des administrations municipales des hommes qui sachent obéir ou résister selon que l’obéissance ou la résistance sont un devoir justifié par la loi.

Mais quant aux valets du pouvoir je n’en veux pas. C’est pour renforcer le gouvernement et non pour l’affaiblir que je voterai contre le système du gouvernement et contre celui de la section centrale.

- Plusieurs membres. - La clôture ! La clôture !

M. Jullien. - Je prie la chambre de faire attention que toute la loi communale est dans l’article en discussion. Il s’agit de constituer la commune, de déterminer les éléments qui doivent la composer ; on ne peut laisser un champ trop large à la discussion. L’honorable M. Fallon qui n’a pas encore eu la parole la demande. Le gouvernement n’a rien dit encore, ce qui par parenthèse est assez singulier. Il me paraît donc que d’après cela la chambre ne peut avoir l’intention de clore dès à présent cette discussion.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je demande la parole pour rectifier un fait. Il n’est pas exact d’avancer que le gouvernement n’ait rien dit dans cette discussion. Mon collègue des affaires étrangères a pris deux fois la parole dans la séance d’hier ; et moi-même, quoique je n’aie parlé ni aussi bien, ni aussi longtemps que l’honorable M. Jullien, j’ai parlé dans la même séance, et j’ai dit ce que j’avais à dire.

M. Fallon. - Il est impossible de clore ainsi une discussion aussi importante. Je me trouve dans une position à demander à être entendu. J’ai des réserves à faire sur le vote que je dois émettre.

M. Ernst. - Il a des orateurs dans la chambre qui ont pris des engagements en parlant sur la nomination des bourgmestres ; c’est dans l’intérêt de mon propre honneur que je prie la chambre de vouloir bien m’entendre pendant un moment. Je ne dirai que quelques mots.

M. d’Hoffschmidt. - Je me joins aux honorables préopinants pour demander que la discussion continue. Je désirerais motiver mon vote.

M. Dumont. - Quelque longue qu’ait été cette discussion, je ne pense pas que la question ait été envisagée sous toutes ses faces. On n’a pas, ce me semble, expliqué d’une manière satisfaisante comment dans la loi provinciale l’élection de la députation permanente, par le conseil provincial, est compatible avec le principe de l’élection directe. En envisageant la question sous ce jour-là, on pourrait établir qu’il n’y a violation au principe de l’élection directe, ni dans la proposition de la section centrale, ni dans celle du gouvernement. Il faut convenir que la discussion n’a pas porté sur ce point. Voilà pourquoi je demande que la discussion continue.

- La chambre, consultée, décide que la discussion continue.

M. le président. - La parole est à M. Desmaisières.

M. de Theux. - Est-ce pour ou contre le projet du gouvernement ?

M. Desmaisières. - Non. C’est sur le projet. (On rit.) Je n’ai que très peu de mots à dire sur la question qui nous occupe, et qui, à mon avis, est une question d’interprétation de l’article 108 de la constitution.

On a cherché à expliquer le véritable sens de cet article, en puisant des arguments dans la discussion qui a eu lieu au congrès, et a amené le vote de l’article.

Mais il y a des orateurs, anciens membres du congrès, qui ont parlé les uns pour, les autres contre l’interprétation dans un même sens ; et ainsi ils nous mettent, nous qui n’avions pas alors l’honneur de siéger à la législature, dans un doute complet à cet égard.

Dans cet état de choses, j’ai cherché dans les lois subséquentes un article interprétatif de l’article 108 de la constitution. J’ai trouve dans l’article 10 de la loi électorale la même expression, qui donne lieu au doute que nous cherchons à résoudre. Voici cet article 10 : « Les commissaires de district veilleront à ce que les chefs des administrations locales envoient sous récépissé, au moins 8 jours d’avance, des lettres de convocation aux électeurs, avec indication du jour, de l’heure et du local où l’élection aura lieu. » Or, on m’assure ici que c’est le collège composé du bourgmestre et des échevins qui signe et envoie les lettres de convocation ; donc, par l’expression « les chefs des administrations, » on a entendu désigner les bourgmestres et les échevins.

- Plusieurs membres. - C’est juste.

M. de Theux. - Le point de vue sous lequel nous devons principalement envisager la question qui nous occupe, c’est celui de savoir s’il résulte nécessairement de la constitution qu’il doive exister un collège composé du bourgmestre et des échevins. Car il faut convenir que, si cela ne résulte pas des termes de la constitution, on peut attribuer l’administration journalière de la commune au bourgmestre seul, et que l’institution d’un collège n’est plus qu’une faveur accordée à la commune ; et par une conséquence ultérieure qu’il appartient à la législature d’accorder au Roi la nomination des échevins pris dans le conseil, soit directement, soit sur présentation.

L’honorable député de Tournay, rapporteur de la section centrale, a parfaitement senti l’importance de l’argument présenté à cet égard par un autre orateur ; aussi s’est-il empressé de chercher à prouver que la constitution consacrait l’existence d’un collège chargé de l’administration journalière de la commune. Je ne crains pas de dire qu’il n’est pas parvenu à son but ; en effet, telle a été son argumentation : l’expression d’administration ne peut convenir qu’à un corps qui administre. Or, le conseil n’administre pas et ne peut évidemment administrer. Donc les termes mêmes de la constitution supposent un collège autre que le conseil spécialement chargé de l’administration.

Mais il est facile de prouver au contraire que l’administration communale peut s’entendre du conseil ; voici ce que porte le règlement du plat pays :

« Art. 2. L’administration dans chaque commune est composée d’un bourgmestre, de deux assesseurs et d’un conseil communal. »

La même disposition se trouve dans le règlement des villes. Voici ce que porte l’article premier de ce règlement : « L’administration est comprise d’un bourgmestre, de quatre échevins et d’un conseil. »

Ainsi, messieurs, le conseil communal peut être désigné sous le titre d’administration de la commune, et vous voyez que si la constitution s’est servi du mot administration communale, il ne s’ensuit pas qu’il y ait nécessairement un collège administratif en dehors du conseil de régence.

Je dis qu’il résulte clairement de la définition de l’administration communale, consacrée par le règlement du plat pays et le règlement des villes, que les mots administration communale n’emportent pas l’existence du collège des bourgmestre et échevins. Ces mots s’appliquent tout aussi bien au conseil lui-même : ainsi, il est évident que la constitution n’a rien défini à cet égard.

L’honorable M. Dumont a bien senti l’importance de cette question, c’est pourquoi il a demandé comment on avait pu créer la députation permanente du conseil provincial ?

Je répondrai à cet honorable membre qu’il y a des différences importantes entre ces collèges, et que le rapport de la section centrale du congrès fait mention de la députation du conseil provincial et du mode de son élection, mais qu’il ne fait aucune mention du collège des échevins.

Le rapporteur, après avoir parlé de la publicité des séances des conseils provinciaux et communaux, ajoute : « On a remarqué en outre, que la publicité ne pouvait être exigée pour les séances des députations permanentes qui seraient élues par les conseils provinciaux. »

Ainsi, messieurs, il résulte du rapport de la section centrale du congrès que l’on a suppose l’existence d’une députation permanente du conseil provincial, mais je ferai remarquer que dans tout le rapport, vous ne trouvez pas un seul mot sur l’existence d’un collège des bourgmestre et échevins. Dans la discussion publique dont on a donné lecture hier, vous ne trouvez également rien qui soit relatif à l’existence de ce collège. Il est vrai que j’ai proposé un amendement qui tendait à consacrer indirectement son existence, mais cet amendement n’a pas soulevé de discussion et je l’ai retiré. Il est donc constant qu’il y a silence absolu sur ce point.

S’il y a silence sur ce point, c’est que la question est abandonnée à la loi organique, et que nous pouvons créer ou ne pas créer le collège communal.

La chambre l’a tellement compris ainsi, que lorsque dans la première discussion, M. Pollénus a présenté un amendement d’après lequel les échevins auraient été remplacés par des adjoints, personne n’a objecté que la constitution prévoyait l’existence du collège du bourgmestre et des échevins, personne n’a proposé la question préalable sur cette proposition comme étant inconstitutionnelle.

L’élection directe se rapporte au conseil seul. Il suffit pour s’en convaincre de lire l’article 31 de la constitution et l’article 108 qui n’est que le développement de l’article 31.

Voici ce que porte l’article 31 :

« Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d’après les principes établis par la constitution. »

Voici maintenant ce que porte l’article 108 :

« Les institutions provinciales et communales sont réglées par des lois.

« Ces lois consacrent l’application des principes suivants.

« 1° L’élection directe, sauf les exceptions que la loi peut établir à l’égard des chefs des administrations communales et des commissaires du gouvernement près les conseils provinciaux. »

Vous voyez, messieurs, que l’article 108 qui, ainsi que je l’ai dit, n’est que le développement de l’article 31, se rapporte à la nomination des conseils provinciaux et communaux qui doivent être élus directement.

Mais, ont dit quelques orateurs, les échevins étant chargés d’intérêts communaux, leur nomination devient une attribution du conseil communal, aux termes du n°2 du même article 108.

Je ne pense pas que cet argument soit fondé, car cette disposition n’est pas relative aux personnes, mais aux actes des conseils provinciaux et communaux. Cela est tellement vrai que, après le rapport de la section centrale, on n’a pas fait difficulté d’accorder au roi la nomination des commissaires de police qui sont chargés cependant de la police locale, et que l’on a accordé à l’autorité provinciale la nomination des gardes champêtres et des gardes des bois qui cependant sont des agents communaux, Il est donc reconnu que le mot attribution n’emporte pas la nomination des échevins, et qu’il n’exclut pas l’intervention de l’autorité supérieure dans cette nomination.

En effet, les fonctionnaires municipaux nommés par le conseil exercent une autorité publique, et il est reconnu en principe que l’autorité publique ne peut dériver que de la constitution, de la loi ou du chef de l’Etat.

Je dis que si la constitution n’a pas exclusivement délégué au conseil communal le droit d’instituer le collège des échevins, le conseil ne peut revendiquer cette nomination, et que les échevins ne peuvent exercer leurs fonctions que d’après la loi seule. Dès lors, c’est à la loi à déterminer le mode de leur nomination.

Je pense, messieurs, en avoir assez dit sur ce point de constitutionnalité. Quant au mode de nomination le plus utile à suivre, je pense que la section centrale a adopté un terme moyen qui concilie l’action municipale avec l’action gouvernementale.

Mais, comme on l’a dit, le gouvernement, dans les grandes communes où il y a quatre échevins à nommer, pourrait se trouver embarrassé pour choisir un bourgmestre, attendu que le bourgmestre a besoin d’être toujours en harmonie avec son collège d’échevins, étant dans l’obligation de traiter tous les jours avec lui des affaires communales.

Pour ce motif je réserve mon vote, en ce qui concerne la nomination des échevins dans les communes où l’on institue quatre échevins. Quant aux communes où on ne nomme que deux échevins, j’adopte le mode de la section centrale parce que je ne vois pas qu’il présente des inconvénients, et parce qu’il concilie les intérêts du gouvernement et de la commune.

-Quelques voix. - A demain ! A demain !

M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Il n’est qu’une heure, c’est un enfantillage d’abandonner une discussion aussi importante pour aller voir une course de chevaux ; il n’est pas nécessaire que nous soyons présents à cette course, d’ailleurs elle dure jusqu’à 7 heures du soir.

M. Ernst. - Messieurs, en défendant l’opinion qui laissait au Roi la libre nomination du bourgmestre, j’avais supposé que les échevins seraient nommés par le peuple.

Je regrette que ce système qui conciliait tous les intérêts n’ait pas eu l’approbation de la chambre.

Les intérêts généraux auraient eu un représentant direct dans la commune, les intérêts communaux étaient, conformément à la constitution, confiés à ceux qui tiennent leur mandat des électeurs de la commune ; d’un autre côté on tenait compte du lien qui existe entre l’Etat et la commune en faisant intervenir le bourgmestre dans le collège échevinal.

Quoique je ne mette jamais de ténacité à soutenir mes opinions, je dois dire que les raisons que j’ai entendues ne m’ont pas fait changer de système et que je ferai tous mes efforts au second vote pour le faire prévaloir. Je voterai donc provisoirement pour l’élection directe des échevins.

A la simple lecture de l’article 208 de la constitution, il m’avait paru que la seule nomination du bourgmestre était réservée au Roi, qu’il n’y avait pas d’autre exception, que tous les autres magistrats municipaux devaient tenir leur mandat du peuple, et j’ai pu m’assurer qu’en général on entend ce texte dans ce sens. La question constitutionnelle étant débattue dans cette enceinte, il appartenait surtout aux anciens membres du congrès de prendre part à la discussion ; j’ai écouté attentivement les motifs exposés de part et d’autre.

Je dirai franchement qu’il n’a pas été démontré que ces expressions « les chefs des administrations communales » comprennent les échevins ; la chose est pour le moins douteuse : or, dans le doute, comment faut-il résoudre la question ? D’après une des premières règles d’interprétation, quand il y a doute sur une exception, c’est le principe qui prévaut. Le principe en cette matière est l’élection directe, la nomination par le Roi forme l’exception ; or il y a doute si les échevins sont compris dans l’exception, donc il faut leur appliquer le principe et les faire élire directement. Mais je répète que, pour faire la juste part du pouvoir central dans l’administration, il faudra laisser au Roi la nomination du bourgmestre.

M. d’Hoffschmidt. - Depuis deux jours, nous avons entendu de très beaux discours sur la question qui nous occupe, et une très grande divergence d’opinion s’est manifestée. Les uns ont soutenu que, dans la pensée du congrès, par les chefs des administrations, on devait entendre les bourgmestres et les échevins, et les autres ont prétendu que cette expression ne s’appliquait qu’aux bourgmestres. De cette divergence d’opinion, il résulte qu’on n’est pas d’accord sur l’esprit de la constitution. Nous devons donc nous en tenir au texte, puisqu’on n’est pas d’accord sur l’esprit. Pour moi, il est très clair, et je trouve très juste la courte explication donnée par M. Jullien, à laquelle personne n’a répondu. Je voterai en conséquence pour l’élection des échevins par les électeurs.

Il serait difficile d’ajouter de nouveaux arguments à ceux présentés par l’honorable préopinant. Je me bornerai à répondre à quelques orateurs qui ont prétendu que les cabales, les intrigues de coteries éloignaient les hommes les plus capables des places d’échevins. Il est vrai que, dans le commencement, il n’y en a eu que trop ; mais maintenant le peuple a l’expérience qui lui manquait, il ne cède plus aux influences, et ne donne son vote que d’après sa propre conviction. Ainsi, les cabales et les intrigues ne sont plus à craindre.

Messieurs, le gouvernement a accordé au peuple les franchises communales. Il a fait alors non seulement un acte de sagesse, mais aussi de haute politique : il a cimenté la révolution belge, il l’a pour ainsi dire impatronisée dans toutes les parties les plus reculées des campagnes. C’est cette mémorable disposition qui a fait déployer partout le drapeau tricolore. C’est alors que l’on a crié de toutes parts : Vive la révolution belge ! C’est que partout l’on a compris les éminents bienfaits qui devaient résulter d’une révolution qui rendait au peuple ses franchises communales. Si vous les lui enleviez, vous feriez le plus grand tort à la cause nationale. Car les habitants des campagnes ne comprennent guère les principes généraux de liberté qu’a consacrés la constitution. Ce qui le touche plus particulièrement, ce sont les intérêts de la localité, de la famille. C’est la liberté que vous leur accordez dans la gestion de leurs affaires. Si vous leur ôtez quelque peu de cette liberté, vous refroidirez leur enthousiasme de patriotisme, parce que c’est à celle-là seule qu’ils tiennent.

Messieurs, je pourrais présenter d’autres considérations. Mais je m’aperçois que la chambre est fatiguée, et je m’abstiendrai de plus amples développements qui auraient cependant pu trouver leur place dans l’importante discussion qui nous a occupés pendant deux séances consécutives.

M. Fallon. - L’assemblée, se trouvant fatiguée, je me bornerai à motiver en peu de mots mon opinion.

Je déclare d’abord que je n’entends pas me lier dès maintenant pour lors du vote définitif par le vote que j’émettrai sur les questions qui sont en discussion.

Je fais cette réserve parce que, dans l’état actuel de la discussion de la loi, je ne puis asseoir mon opinion que sur des hypothèses qui, suivant qu’elles se réaliseront ou ne se réaliseront pas, pourraient me mettre en contradiction avec moi-même.

D’abord en ce qui touche la question constitutionnelle, j’ai besoin de savoir si, dans l’exécution des lois et règlements d’intérêts généraux comme dans les mesures d’administration d’intérêt exclusivement communal, le bourgmestre pourra agir sans le concours des échevins.

Si ce concours est rendu indispensable, et je ne doute pas, quant à moi, qu’il sera rendu indispensable, tout au moins en ce qui concerne le pouvoir exécutif municipal proprement dit, tous mes scrupules sur le véritable sens de l’article 108 de la constitution se trouvent levés.

Alors, en effet, je me sens forcé de reconnaître dans les échevins des chefs d’administration, puisque, sauf la présidence que nous attribuons à un troisième chef que nous trouvons bon d’appeler bourgmestre, présidence qui n’est qu’affaire d’ordre, les échevins, quant aux attributions du collège, se trouveraient places sur la même ligne que le bourgmestre.

Du reste, je reste convaincu, quant à moi, que le congrès n’a rien voulu préjuger sur le système que la législature trouverait bon d’adopter pour le personnel de l’administration communale, et j’acquiers complètement cette conviction, lorsque je remarque qu’en ce qui regarde l’administration provinciale, l’article 108 de la constitution a déterminé spécialement ce qu’il fallait entendre par le chef de l’administration provinciale, tandis qu’il n’est pas exprimé de même en ce qui concerne l’administration communale, où elle ne désigne ni bourgmestre ni échevins.

Je ne m’arrêterai donc pas pour le moment aux arguments tirés de la constitution.

Par la raison que je viens d’énoncer, par la raison que je ne connais pas encore qu’elles seront définitivement les attributions que nous donnerons aux échevins, je ne pourrai enfin asseoir qu’hypothétiquement mon opinion sur la question de leur élection.

Si le bourgmestre et les échevins font partie d’un seul et même collège et exercent collectivement les mêmes attributions dans l’administration communale proprement dite, je ne puis pas concevoir de motif raisonnable de ne pas soumettre les échevins au même mandat que le bourgmestre.

Or, puisqu’on a voulu que le bourgmestre reçoive son mandat et du pouvoir exécutif et du pouvoir électoral tout à la fois, il me semble qu’il est rationnel de vouloir qu’il en soit de même des échevins.

En raisonnant ainsi, messieurs, je reste d’accord avec le système que j’ai défendu dans la discussion relative à l’élection du bourgmestre.

Je voulais une combinaison telle que les intérêts communaux fussent tout autant et tout aussi complètement garantis que les intérêts généraux. Je voulais faire à la commune une part tout aussi large que nous l’avons faite à la province dans la loi provinciale. Je voulais enfin que dans le collège de l’administration communale, alors que l’administration centrale n’aurait eu qu’un agent de son choix, la commune en eût deux de son côté.

Il me semble que c’était là satisfaire bien largement aux exigences communales, puisque, pour ce qui pouvait concerner les intérêts domestiques, les agents de la commune étaient en majorité dans le collège administratif.

Il y avait ainsi uniformité dans l’organisation de deux institutions où la constitution a voulu que nous mettions eu action les mêmes et identiques principes.

Ainsi comme vous voyez, messieurs, dans le système que j’ai soutenu en ce qui concerne l’élection du bourgmestre, c’était le conseil municipal qui devait nommer la députation permanente, c’est-à-dire ses échevins.

Ce système n’étant pas adopté, quant à présent. Il faut bien que je marche provisoirement dans le système qui a momentanément prévalu.

Dans cet état des choses, et pour rester conséquent avec mes principes sur l’organisation communale, principes dont je ne puis me départir, parce que je reste convaincu de leur juste application, tant dans les intérêts communaux que dans les intérêts généraux, je voterai provisoirement pour le système qui assimile les échevins ou bourgmestres, et qui veut d’eux reçoive la même institution, que chacun reçoive son mandat tout à la fois du pouvoir électoral et du pouvoir royal.

M. le président. - La parole est à M. Dubus. (La clôture.)

M. Dubus. - Vu l’heure avancée de la séance, je n’insisterai pas à demander la parole, puisque la chambre paraît vouloir clore la discussion.

M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je ne conçois pas qu’il faille que certains orateurs aient toujours le dernier mot dans toute discussion. Il semble que ceux qui ont parlé 3 ou 4 fois sur un même objet doivent répondre toujours les derniers.

M. Dubus. - Si c’est à moi que M. le ministre des affaires étrangères a voulu faire allusion, je lui ferai observer que je n’ai parlé qu’une fois dans la discussion actuelle et que lui, qui m’adresse le reproche, a pris la parole plus souvent que moi. Je ne puis donc m’empêcher de trouver son observation au moins déplacée.

Je l’ai déjà dit, comme les développements que j’ai à donner à mon opinion prolongeraient la séance, je renoncerai à la parole, puisque la chambre fatiguée comme elle l’est paraît désirer la clôture de la discussion.

- La clôture mise aux voix est adoptée.


M. le président. - Il va être procédé au vote sur les différents amendements qui ont été présentés à l’article 8.

M. Dubus. - Je demande à pouvoir poser la question. Deux systèmes sont en présence, dans lesquels rentrent tous les amendements. Il faut donc voter l’adoption de l’un des deux. Je crois donc que la question doit être posée ainsi : Le gouvernement interviendra-t-il dans la nomination des échevins ? (Appuyé.)

Si l’on décide la question négativement, vous aurez à choisir entre les amendements de MM. Jullien et Doignon. Si on la décide affirmativement, vous choisirez entre le projet du gouvernement et celui de la section centrale. Ainsi la première chose à décider est la question de système. (Adhésion.)

M. le président. - M. Dubus propose que cette question soit soumise à la chambre : « Le gouvernement interviendra-t-il dans la nomination des échevins. » S’il n’y a pas d’opposition, je vais la mettre aux voix.

- Plusieurs membres. - L’appel nominal.

- La chambre procède à l’appel nominal sur la question proposée par M. Dubus ; en voici le résultat :

64 membres sont présents.

35 ont répondu oui.

27 ont répondu non.

2 membres se sont abstenus.

En conséquence, la chambre décide que le gouvernement interviendra dans la nomination des échevins.

Ont répondu oui :

MM. Bekaert, Boucqueau de Villeraie, Davignon, de Behr, de Laminne, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Stembier, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hane, Dubois, Duvivier, Fallon, Helias d’Huddeghem, Lebeau, Milcamps, Nothomb, Olislagers, Polfvliet, Quirini Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Teichmann, Thienpont, Ullens, Verdussen, C. Vuylsteke.

Ont répondu non :

MM. A. Dellafaille, H. Dellafaille, de Roo, de Sécus, Desmet, Dewitte, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Donny, Dubus, Dumortier, Ernst, Fleussu, Frison, Hye-Hoys, Jadot, Jullien, Liedts, Pirson, A. Rodenbach, Simons, Vanderbelen, Vanderheyden, C. Vilain XIIII, L. Vuylsteke, Zoude.

MM. Pollénus et Dumont, qui se sont abstenus, sont, aux termes du règlement, invités à s’expliquer.

M. Pollénus. - Je me suis abstenu, parce que je ne puis émettre de vote sur le mode de nomination de fonctionnaires dont les attributions ne sont pas déterminées, et sur la nature desquelles il s’est manifesté diverses opinions dans cette chambre. C’était ces attributions seules qui pouvaient déterminer l’autorité qui devait intervenir dans cette nomination.

M. Dumont. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs.


M. le président. - D’après la décision de la chambre il ne reste plus que deux questions. Il y a le système de la section centrale qui suppose la nomination par le Roi sur liste de trois candidats à présenter par le conseil, et le système du gouvernement qui les fait nommer dans le conseil. Je pense qu’il y a lieu à mettre d’abord aux voix la proposition de la section centrale,

La proposition de la section centrale est ainsi conçue :

« Les échevins sont nommés par le pouvoir exécutif une liste de candidats présentée par le conseil et parmi ses membres. »

- Cette proposition est mise aux voix. L’épreuve est douteuse.

Pendant cette épreuve plusieurs membres demandent l’appel nominal.

M. le président. - On ne peut demander l’appel nominal qu’après la seconde épreuve.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - On a fait des réclamations avant que la première épreuve fut terminée. Il est certain que la chambre s’attendait à un appel nominal.

M. le président. - On ne parle pas entre deux épreuves, et ce n’est qu’après la seconde épreuve, quand elle est douteuse qu’on procède à l’appel nominal.

Pour qu’on procède à l’appel nominal sans épreuves par assis et levé, il faut que cinq membres le demandent avant que l’épreuve soit commencée. J’ai fait cette observation pour l’exécution du règlement, car j’aurais appuyé la demande de l’appel nominal.

- L’épreuve est renouvelée. La seconde épreuve étant également douteuse, il est procédé à l’appel nominal.

62 membres sont présents

34 ont adopté le système de la section centrale.

28 l’ont rejeté.

Ont adopté :

MM. Bekaert, de Behr, de Laminne, H. Dellafaille, de Man d’Attenrode, W. de Mérode, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Stembier, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dubus, Dumortier, Dumont, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jullien, Liedts, Milcamps, Pirson, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Teichmann, Thienpont, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen, L. Vuylsteke, Zoude.

Ont rejeté :

MM. Boucqueau de Villeraie, A. Dellafaille, de Longrée, F. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, Desmanet de Biesme, de Terbecq, Devaux, Dewitte, d’Hane, Donny, Dubois, Duvivier, Ernst, Fallon, Fleussu, Frison, Jadot, Lebeau, Nothomb, Olislagers, Polfvliet, Quirini, Rogier, Simons, Ullens, C. Vuylsteke.

- La séance est levée à 1 heure et demie.