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Note
d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 6 septembre 1833
Sommaire
1) Projet de loi portant le budget
de la dette publique pour l’exercice 1833. Pensions du personnel de l’Etat à
charge de la caisse de retraite (Legrelle, Dumortier)
2) Projet de loi portant le budget
du département des affaires étrangères pour l’exercice 1833.
a) Discussion générale. Arrestation
arbitraire d’un Belge (Gérard Christophe) à Luxembourg (d’Huart,
Nothomb), économie à faire sur le personnel
diplomatique et logements militaires dans le Limbourg (Pollénus),
situation diplomatique de la Belgique (Dumortier, Fleussu, Nothomb, Dumortier, Nothomb, de Robaulx, Jullien, Nothomb, Dumortier, Nothomb, Dumortier), traitements
des envoyés commerciaux du Brésil et de l’Espagne (Desmet,
Nothomb), économie à faire sur le personnel
diplomatique (Jullien, Legrelle)
b) Discussion des articles.
Traitement du ministre des affaires étrangères (Nothomb,
Desmet, Nothomb, de Robaulx, Jullien, Dubus, Legrelle, Nothomb,
Dumortier, Nothomb, Legrelle, Nothomb, Dumortier, Lebeau), personnel et
matériel de l’administration centrale (Dubus, Legrelle, Nothomb, Dubus, Nothomb, Dubus,
Nothomb, Legrelle, Dumortier, Nothomb), traitement
des agents diplomatiques en France (Dumortier, d’Huart, Legrelle, Nothomb, Dubus, Lebeau,
Desmanet de Biesme, Nothomb, A. Rodenbach, Dumortier)
(Moniteur n°251 du 8 septembre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
La séance est ouverte à
1 heure moins un quart.
Après l’appel nominal,
1e procès-verbal est lu et adopté.
Chapitre II -
Rémunérations
Article
3
M. le président. - L’article relatif à la caisse de retraite
à été ajourné. La section centrale a proposé un supplément de 50,000 fr.
M. Legrelle. - Il conviendrait que la section
centrale se réunît de nouveau. Je demanderai que l’on commence la discussion
sur l’ensemble du budget des affaires étrangères.
M. Dumortier. - Messieurs, il paraît, d’après les
explications de M. le ministre des finances, qu’il y a eu un malentendu entre
lui et nous. Mais il faut nécessairement que nous révisions notre premier
travail, puisque M. le ministre refuse de se rallier à notre proposition. (Oui ! oui ! Appuyé !)
Discussion générale
M. d’Huart. - Messieurs, la discussion du budget du département des affaires
étrangères me fournit l’occasion d’élever la voix dans cette enceinte en faveur
d’un de nos malheureux compatriotes, détenu arbitrairement dans les cachots de
la forteresse de Luxembourg par les exécuteurs des vengeances du roi Guillaume.
Je veux parler du sieur
Gérard Christophe, de Bouillon. Cet individu était sous-officier des
cuirassiers à Maestricht : voulant entrer au service de son pays, il quitta les
drapeaux hollandais qui n’étaient plus les siens ; attiré postérieurement à
Luxembourg par la perfidie des agents du gouvernement déchu, il y fut
incarcéré, et depuis très longtemps il gémit dans les prisons du benin grand-duc.
Les journaux ont parlé
dans le temps les démarches que la diplomatie a faites pour obtenir la liberté
du sieur Christophe ; mais, aussi impuissante dans cette réclamation qu’en
beaucoup d’autres, ses démarches sont restées sans succès.
Dans un pareil état de
choses, pourquoi le gouvernement ne recourt-il pas aux seuls moyens efficaces,
aux moyens que commandent l’honneur, la dignité du pays, aux moyens qui peuvent
relever
Plus
d’une fois l’occasion de s’approprier des otages s’est présentée ; plus d’une
fois, depuis la détention du sieur Christophe, des soldats et même des
officiers hollandais faits prisonniers par les nôtres, ont, par une courtoisie
excessive, été relâchés immédiatement.
La chambre se montrera
aujourd’hui, j’en suis convaincu, jalouse de suivre les antécédents de sa devancière
dans des circonstances analogues ; mue par le double sentiment d’honneur
national et d’humanité, elle se joindra tout entière à moi pour réclamer du
gouvernement l’emploi de mesures propres à obtenir le prompt élargissement du
malheureux dont je viens de parler.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Messieurs, le gouvernement s’est
à plusieurs reprises occupé de la position malheureuse du nommé Christophe.
Nous avons adressé en sa faveur des réclamations à Berlin et à Vienne. Jusqu’à
présent elles sont restées sans résultat. Cependant, je dois dire que le
gouvernement a fait tout ce qui était en son pouvoir pour améliorer la position
de notre malheureux compatriote. Voici dans quelles circonstances le sieur
Christophe a été arrêté. Avant la révolution il était au service des Pays-Bas
comme cuirassier. A l’époque de la révolution il est entré dans les douanes en
qualité de brigadier. Il se rendait à son poste quand, pour abréger son voyage
de quelques lieues, il a jugé à propos de passer par la forteresse de
Luxembourg. Là, on lui a demandé son passeport, et il a produit des papiers qui
constataient précisément qu’il était ancien militaire des Pays-Bas.
Cet
homme, messieurs, n’avait droit à aucun traitement, attendu qu’il n’était pas
installé, et que les appointements ne sont dus par l’Etat qu’à partir du jour
de l’installation de ses fonctionnaires ou employés.
Eh bien, par dérogation
aux règlements administratifs, il reçoit son traitement dans les prisons du
Luxembourg. Le gouvernement a pris des mesures pour le lui faire parvenir, et
il continue toujours ses réclamations. Il n’y a pas huit jours que nous avons écrit à Londres à nos plénipotentiaires, pour que les
envoyés des puissances, profitant de la présence des plénipotentiaires
hollandais, demandent de l’élargissement du sieur Christophe. Je pense donc,
messieurs, que le gouvernement a fait en cette circonstance tout ce qu’il
devait et pouvait faire.
M. Pollénus. - Messieurs, un budget, dont les trois quarts
sont dépensés au moyen de crédits successifs, ne présente plus ce même intérêt
qui se rattache d’ordinaire à la discussion des subsides annuels ; cependant,
lorsque des majorations sont proposées, alors ces nouvelles dépenses appellent
nécessairement un examen sur leur utilité, en rapport avec l’état financier et
les besoins du pays.
La majoration des
traitements de nos ministres à Londres, à Paris et à Berlin, qu’on nous
propose, est-elle justifiée d’une manière satisfaisante ?
« Les augmentations
proposées, dit le gouvernement, sont motivées sur la nécessité de mettre ses
agents à même de vivre d une manière qui soit analogue à leur position.
Une observation bien
simple se présente d’abord, c’est que les traitements primitifs ont été
suffisants pour les années 1831 et 1832, c’est-à-dire qu’ils ont été analogues
à la position où se trouvaient nos envoyés pendant les années qui viennent de
s’écouler ; d’ou suit que les augmentations que l’on voudrait introduire ne
peuvent se justifier que par un changement de position survenu depuis, et ce
changement de position, j’ai beau chercher, je ne l’aperçois nulle part. Au
contraire, pendant les dernières années, nous avons vu ces légations chargées
de nombreux et difficiles travaux et participer à d’importants traités. Je
comprends qu’en pareilles occurrences le cérémonial, le luxe de la
représentation et d’autres dépenses faites avec discernement, pouvaient servir
utilement les projets de notre diplomatie ; mais aujourd’hui que les traités
définitifs et irrévocables existent, et qu’il ne peut plus être question que
d’arrangements relatifs à des intérêts tout à fait secondaires, je ne vois pas
quel motif raisonnable il y aurait de majorer des ressources qui ont suffi aux
grandes époques de notre diplomatie. D’ailleurs tout motif de majoration est
écarté depuis la création d’ambassades extraordinaires.
Si cependant le
gouvernement proposait, à titre de supplément, une indemnité pour couvrir des
sacrifices bien constatés, nécessités à l’occasion d’importantes négociations,
je déclare que je suis prêt à voter ce supplément ; car le pays doit tenir
compte des dépenses qui auraient profité à la cause nationale : cette indemnité
est commandée par la justice, tandis qu’une majoration non justifiée serait un
acte de pure munificence, que notre serment ne nous permet pas de mandater sur
les deniers du peuple.
La simplicité de mœurs,
qui convient aux envoyés d’un peuple nouveau et dont les relations sont bien restreintes
encore, me paraît résister à l’opportunité de toute augmentation de dépenses
diplomatiques ; en tout cas, j’augure assez bien du désintéressement de nos
ambassadeurs pour rester convaincu qu’ils nous sauront gré d’appliquer nos
fonds aux pressants besoins du pays avant de nous occuper du luxe de la
représentation.
Je n’énumérerai pas ici
les différents besoins qui réclament l’emploi de subsides ; je ne vous parlerai
pas de cette loi d’indemnité et de réparation qui est attendue avec tant
d’impatience ; je ne dirai rien non plus de l’état où se trouve l’instruction,
principalement dans l’arrondissement de Hasselt ; je me permettrai d’appeler
l’attention du gouvernement et de la chambre sur un seul objet, parce qu’il est
en rapport avec la question extérieure ; je veux parler de la prolongation des
logements militaires forcés.
Depuis trois ans, les
logements militaires pèsent de tout leur poids sur un grand nombre de communes
du Limbourg, et principalement de l’arrondissement de Hasselt ; cet état de
choses est devenu insupportable pour la classe aisée, tandis qu’il est une
source de ruine et de désolation pour d’autres. Veut-on persister à maintenir
une armée hors de toute proportion avec notre population et nos ressources,
condamnée à ne pouvoir agir que lorsqu’il plaira à la conférence d’en octroyer
la permission ? Eh bien ! dans ce cas il faut bâtir des casernes et aviser aux
moyens d’entretenir la troupe entièrement à charge de l’Etat, et non à charge
de telle ou telle commune qu’il plait à l’arbitraire de désigner. En temps de
guerre, je conçois que nécessité peut faire loi mais aujourd’hui de quel droit
perpétue-t-on une charge aussi accablante pour les communes ? De quel droit
continue-t-on à disposer du domicile de citoyen, ce dernier refuge de la paix
domestique, pour y loger le soldat, souvent un maître fort incommode ? Vous le
savez, messieurs, la vie des cantonnements est peu favorable à la discipline
militaire...
Mais, dira-t-on, la
sûreté de l’Etat demande que le pays soit garni de troupes : veuillez, dans ce
cas, me dire ce que signifie votre traité du 21 mai ? De deux choses l’une : ou
vous avez confiance dans le traité, et dans ce cas vous pouvez faire rentrer
les troupes dans les casernes ; ou vous n’ayez pas foi dans le traité, mais alors
il ne fallait pas le conclure. Cette dernière hypothèse est rendue impossible
par les garanties de paix que renferme le discours du roi d’Angleterre lors de
la clôture du parlement : « La convention, dit ce monarque, que, de
concert avec le roi de France, j’ai conclue dans le mois de mai dernier avec le
roi des Néerlandais, empêche le renouvellement des hostilités dans les Pays-Bas
et nous donne toute sécurité pour la continuation de la paix. » Ainsi toute
concentration de troupes est parfaitement inutile pour le moment. J’ajouterai
une seule considération, c’est que les logements militaires sont devenus
inquiétants depuis que les habitants ont appris qu’une maladie dangereuse
s’était manifestée dans les camps.... Il y a de la dureté, en pareille circonstance,
à forcer les habitants aux logements militaires, tandis que la discipline des
casernes permet de donner plus de développements aux mesures hygiéniques que
réclame la santé du soldat.
Je pourrais continuer,
et attirer votre attention sur l’état défectueux de quelques dépôts de
mendicité, sur le besoin d’établissement nombreux de bienfaisance, sur
l’utilité de quelques voies de communications, etc. ; mais je crois en avoir
dit assez pour démontrer que plusieurs objets de nécessité réclament l’emploi des
fonds de l’Etat, et, que notre situation ne nous permet pas de consentir les
majorations proposées.
Je ne sais si je me
trompe, mais je pense que dans les rapports diplomatiques il doit y avoir
réciprocité ; j’éprouve donc quelque difficulté à voter des traitements pour
des ambassadeurs que le gouvernement envoie dans des pays qui, jusqu’à présent,
refusent d’avoir des relations avec la Belgique ; mais ce point pourra être
discuté plus utilement lors du budget de 1834.
Messieurs,
en refusant ces augmentations de traitements, je n’entends aucunement exprimer
une opinion inquiétante sur l’état de nos finances ; je saisis même cette
occasion pour déclarer que, dans mon opinion, la dette de 8,400,000 fl., qui
nous est imposée par les 24 articles, ne peut être réclamée à charge de
A la séance du 29 août,
l’honorable M. Coghen a parlé de documents diplomatiques peu connus, relatifs à
la dette ; je prie la chambre d’en ordonner l’impression.
M. Dumortier. - Je m’attendais, après
l’interpellation qui avait été faite dans une précédente séance, à ce que M. le
ministre des affaires étrangères se rendrait ici, pour nous faire connaître le
résultat des nouvelles négociations ; je m’attendais au moins à voir au banc
des ministres MM. les membres du conseil des ministres. Cependant, il n’en est
rien. M. Nothomb, commissaire du Roi, chargé de la défense du budget des
relations extérieures, est seul présent. Je vous avoue, messieurs, que je
trouve singulièrement étrange qu’alors que l’on sait que des interpellations
doivent être adressées au gouvernement sur l’état de nos affaires politiques, et
que le pays attend avec anxiété le résultat de ces explications, les membres du
cabinet, qui ordinairement sont assidus à nos séances
s’absentent précisément le jour où l’on a besoin d’obtenir d’eux des
renseignements. Néanmoins, je demanderai que M le commissaire du Roi veuille
bien nous donner des éclaircissements sur notre situation diplomatique. Vous
sentirez tous, messieurs, combien il nous importe, avant de voter les crédits
demandés pour la diplomatie, de savoir ce que nous pouvons espérer de la diplomatie,
d’autant plus nous voyons siéger parmi nous un honorable membre qui a été
chargé d’une mission à Londres, et qui en est revenu, ce qui fait supposer que
les négociations sont rompues.
M. le président. - Quelqu’un demande-t-il encore la
parole sue l’ensemble du budget des affaires étrangères ?
M.
Fleussu. - M. Dumortier a présenté une motion d’ordre
sur laquelle la chambre doit prendre une résolution, dans le cas où M. le commissaire
n’y satisferait pas.
M. Nothomb,
commissaire du Roi.. - J’ignore, messieurs, quels sont les motifs
qui retardent l’arrivée des ministres, mais je sais que leur intention est de
se rendre à la séance d’aujourd’hui. Néanmoins, si l’honorable préopinant
croyait que leur présence et même celle de M. le ministre des relations
extérieures fût nécessaire, il a droit de l’exiger, aux termes de la
constitution.
Quant à la motion
d’ordre en elle-même, je ne puis que répéter ce qui a été dit, dans une
précédente séance par M. le ministre de la justice. Depuis la convention du 21
mai, il n’est intervenu aucun nouvel acte, aucun événement politique. Les
négociations ouvertes en vertu de l’art. 5 de cette convention ne sont pas
encore terminées. Ces négociations continuent à Londres dans le moment où je
parle. La conférence n’est pas dissoute, comme cela a été faussement annoncé.
Dès lors, il est impossible que le gouvernement, au milieu de négociations
entamées, vous présente un rapport. Il doit attendre, et la chambre doit
attendre avec lui, que de nouveaux faits soient accomplis, que de nouveaux
actes soient intervenus. Alors le ministère montrera le même empressement que
celui dont il a déjà fait preuve en maintes circonstances, et il vous
communiquera ces nouveaux actes et toutes les pièces qui s’y rattacheront.
Personne ne lui contestera le droit d’agir de la sorte ; c’est même un devoir
pour lui de garder le silence, parce que ses explications pourraient
singulièrement compromettre nos intérêts à Londres et ailleurs. Je pense donc
que l’honorable membre n’insistera pas sur sa motion d’ordre. Si cependant il
insistait, il mettrait le gouvernement dans la nécessité de faire statuer la
chambre sur l’opportunité d’une telle demande.
M. Dumortier. - C’est avec étonnement que j’ai
entendu assimiler notre position d’aujourd’hui avec celle où nous nous
trouvions au moment de ma première interpellation. Alors, messieurs, la
conférence existait encore ; mais aujourd’hui elle est dissoute. La plupart de
nos commissaires à Londres sont de retour. Quant au ministre des affaires
étrangères que l’on dit chargé d’une affaire spéciale, s’il a cru devoir rester
pour faire un voyage dans telle ou telle partie de
Quoi qu’il en soit, il
est constant qu’il y a eu de nouvelles négociations. Or, si le gouvernement ne
veut pas nous les faire connaître, il nous importe d’en savoir l’objet et la
cause. Est-ce que, par exemple, on négocie sur le traité des 24 articles qui,
selon ce qu’on a dit dans une autre circonstance, est demeuré intact ? Mais,
comme l’a fait observer très judicieusement un honorable membre, ce traité est
un contrat synallagmatique. Si l’on entend qu’il ne lie que
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je dois d’abord faire remarquer
à l’assemblée que le préopinant ne conteste pas le principe que j’ai posé ;
mais il soutient que la position de la chambre est changée depuis quelques
jours. Or, le fait sur lequel il fonde ce changement est inexact. J’ai déjà eu
l’honneur de dire que la conférence n’est pas dissoute. Il est aussi inexact de
prétendre que nos ministres plénipotentiaires voyagent en ce moment. Ils sont à
Londres, d’où ils adressent des dépêches au gouvernement et lui demandent des
instructions. Si les commissaires envoyés pour leur donner des renseignements
officieux sont de retour à Bruxelles, c’est par mesure d’économie. D’ailleurs
ils étaient à Londres sans caractère officiel, et leur retour ici n’a pas plus
d’importance que n’en aurait celui d’un secrétaire de légation.
Je le répète, la
conférence n’est pas dissoute, et dès lors je m’empare de la concession que m’a
faite le préopinant en m’accordant le principe. Puisque j’ai démontré que la
position restait la même il conviendra sans doute, à moins de se mettre en
contradiction avec ses propres paroles, que le gouvernement ne doit point faire
en ce moment de communications.
Mais, a-t-il dit, je ne
veux pas connaître le résultat de la négociation, j’en veux connaître l’objet ;
je veux savoir sur quoi et pourquoi l’on négocie ; je conteste au gouvernement
le droit de négocier.
M. Dumortier. - Pas du tout, je n’ai pas dit
cela.
M. Nothomb,
commissaire du Roi. - Du moins il a semblé demander jusqu’à quel point le gouvernement
était autorisé à négocier. Messieurs, c’est changer la question.
La question du droit de
négocier, pour le gouvernement, a été résolue depuis la discussion de la
dernière adresse, à propos de la convention du 21 mai.
(L’orateur donne ici
lecture de l’article 5 de cette convention.)
Ainsi nous savons,
depuis la convention du 21 mai, qu’il est entendu qu’on ouvrira des
négociations directes sous la médiation des plénipotentiaires des hautes cours,
à l’effet d’arriver à un arrangement définitif entre
M. de Robaulx.
- M. le commissaire du Roi prend acte des paroles de M. Dumortier, desquelles
il veut induire qu’il y a un principe qui permet au gouvernement de se taire
quand cela lui plaît. Je ne sais pas si tel est le sens de ses paroles, mais
dans le cas affirmatif je proteste contre elles.
Je poserai, moi, un
autre principe dont on peut prendre acte, si on le désire, mais que, je crois,
on ne contestera pas : c’est que si le gouvernement ne veut rien dire à la
chambre, il est bien libre à cette dernière de ne rien voter sans avoir les
renseignements nécessaires qu’elle exige. Dans un gouvernement constitutionnel,
chacune des branches du pouvoir législatif a ses prérogatives. Si le
gouvernement a le menu des négociations, nous avons, nous, entre les mains, le
nerf des négociations, l’argent. Nous avons le droit de demander sur quoi et
pourquoi l’on négocie. Si le gouvernement refuse de nous donner des
explications, il est dans son droit, mais nous restons aussi dans le nôtre en
lui refusant le budget. Je crois que cela est incontestable.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - C’est clair.
M. de Robaulx.
- N’est-ce pas, M. le ministre de la justice, que c’est clair ? (On rit.) Eh bien ! messieurs,
pour être conséquents avec ce principe, il faut rejeter les fonds demandés.
Chaque fois qu’on
s’occupe du budget des affaires étrangères, le moins que le gouvernement puisse
faire, c’est de mettre la législature à même de juger la situation diplomatique
du pays. Il peut bien soutenir qu’il y a telle ou telle limite posée à ses
communications. Mais nous sommes maîtres aussi de décider jusqu’à quel point
nous lui forcerons la main. Il serait fort étonnant que dans un moment où, à
l’exception de nous gens crédules, tout le monde croit que les questions
vitales de la diplomatie sont soumises au congres de Tœplitz
ou de… de Schwedt (pardon, messieurs ma langue ne s’accommode pas bien avec le
nom des villes où les chefs des puissances absolues forment leur congrès) (on rit) ; dans un moment, dis-je, où à
Londres même tout le monde sait que les questions les plus importantes
relativement à notre existence politiques sont traitées, nous seuls, qui votons
les fonds, nous n’ayons pas de renseignements à cet égard.
Mais, dit-on, les
négociations ne sont pas accomplies. Ceci, messieurs, prouve que le rôle de la
diplomatie est court, très court comme l’a dit le ministre de la justice. (Nouvelle hilarité.) Les négociations,
dit-on, ne sont pas accomplies ; elles
ne sont pas même avancées depuis la discussion de l’adresse. Eh bien moi, je
prétends qu’elles sont avancées et qu’il y a des faits consommés. La conférence
est, je ne dirai pas dissoute, mais séparée, mais inactive et silencieuse. Elle
reconnaît aujourd’hui que ce n’est plus à elle à discuter nos intérêts ; que
les chefs des puissances absolues, réunis en congrès, donneront leurs
instructions à leurs ambassadeurs, et qu’elle ne sera plus que le trucheman de ce
congrès. Mais, messieurs, si notre existence politique est ainsi remise en
question dans une assemblée de souverains absolus, il faut que nous sachions au
moins comment on entend nous traiter, quelles sont les décisions qu’on nous
prépare, et quelles sont les démarches faites par notre gouvernement. Il faut que
nous sachions si les questions vitales de notre indépendance ne sont pas encore
dans le doute.
On dit que le traité du
15 novembre sera la base des négociations. Mais s’il sert de base aux
négociations, ce n’est plus alors qu’un projet, et l’on pourra changer cette
base mise en question.
Dans
un tel état de choses, il faut au moins que
M. Jullien. - Ce n’est pas sérieusement, sans doute, qu’on vient soutenir comme principe
absolu que MM. les ministres ne doivent répondre que quand ils le veulent. S’il
y avait un principe absolu dans cette matière, ce serait précisément le
principe contraire qui devrait prévaloir. Les ministres doivent donner des
explications toutes les fois qu’on leur en demande dans cette enceinte ; la
chambre a même le droit de requérir leur présence, aux termes de la
constitution ; or ce n’est pas pour qu’ils restent muets. Je conviens qu’il
existe des circonstances où ils ne peuvent s’expliquer sans compromettre
l’intérêt du pays et le succès d’une négociation entamée. Alors ils sont en
droit de s’y refuser. C’est un principe dont tous les jours on voit faire
l’application an parlement d’Angleterre et dans les chambres de France. Mais il
faut au moins qu’ils disent quelles sont les raisons puissantes qui leur lient
la langue ; ces raisons, il faut qu’ils les déclarent avec la loyauté qu’on
doit leur supposer. Mais quand de pareils motifs n’existent pas, c’est une
dérision que de ne pas consentir à s’expliquer.
J’ai
remarqué dans ce débat un fait qu’il est important d’éclaircir ; car, sur ce
point, l’honorable M. Dumortier n’est pas d’accord avec M. le commissaire du
Roi. Il s’agit de savoir si la conférence est dissoute, si elle est séparée ou
bien si elle continue ses négociations. Si elle est dissoute ou séparée, on ne
peut pas venir nous dire que l’intérêt des négociations interdit les
communications. Il doit exister des causes de cette dissolution ou de cette
séparation, et ces causes ne doivent être un mystère ni pour le ministère ni
pour nous. On peut fort bien nous mettre au courant des motifs qui ont fait
rompre les négociations, alors qu’on nous annonçait qu’elles devaient être
continuées sans désemparer. Quand même on ne pourrait s’expliquer sur les
raisons de ce retard, qu’on s’explique au moins sur ce fait qui a retenti dans
les journaux, et consistant à dire que nos plénipotentiaires ne sont point
admis à la conférence comme les plénipotentiaires hollandais, et qu’ils en sont
réduits à écouter aux portes. Il faut éclaircir ce fait, parce que, s’il était
vrai, nous pourrions par là comprendre comment on voudra nous traiter à
l’avenir. Je demanderai donc que M. le procureur du Roi (on rit), que M. le commissaire du roi, veux-je dire, c’est la suite
d’une ancienne habitude ; je demanderais donc que M. le commissaire du Roi ou
MM. les ministres veuillent bien nous donner quelques renseignements à cet
égard.
M. Nothomb, commissaire du Roi.. - Je commencerai par répondre à la
dernière question de l’honorable préopinant. En effet, les journaux ont parlé
du fait qu’il a signalé et dernièrement encore un journal français, dont la
tendance est très connue, annonçait que nos plénipotentiaires n’étaient pas
reçus à la conférence sur le même pied que les plénipotentiaires hollandais.
Messieurs, la conférence de Londres n’a pas pu recevoir en même temps les
plénipotentiaires des deux parties ; mais elle les a accueillis
alternativement, et les a traités sur un pied de parfaite égalité. Probablement
ils auront fait alternativement antichambre dans le même local ; mais nos
envoyés ont été reçu par les plénipotentiaires des
hautes cours, et dans les actes ils ont été qualifiés de plénipotentiaires de
S. M. le Roi de Belgique ; en effet, le traite du 15 novembre subsiste comme
convention irrévocable entre les hautes cours, et dès lors la reconnaissance de
ces cours nous est acquise.
L’honorable préopinant a
dit, avec raison, qu’on ne pouvait poser le principe de refus d’explications d’une
manière absolue. Ce principe dans l’application, est subordonné aux
circonstances que la chambre doit apprécier dans sa sagesse. Mais l’honorable
membre nous a fait entendre que s’il était démontré que la conférence de
Londres n était pas dissoute, le gouvernement serait fondé jusqu’à un certain
point à ne pas répondre, parce que cela supposerait la continuation des
négociations. Toute la question se réduit donc à un fait sur lequel
malheureusement je ne suis pas d’accord avec l’honorable M. Dumortier. Eh bien,
je répète encore que la conférence de Londres n’est ni dissoute, ni séparée, ni
inactive, ni silencieuse. Je prévois toutes les hypothèses. Les négociations
continuent donc.
J’ignore
quelle est la mission des autres congrès dont a parlé M. de Robaulx ; mais tout
ce que je sais, c’est que les questions qui touchent notre pays sont résolues à
Londres, et que ces congrès ne changeront pas les dispositions relatives à
notre indépendance qui est devenue un droit acquis pour nous aux yeux de
l’Europe.
Messieurs, M. de Robaulx
vous a dit : Ne suivez pas l’exemple du malheureux congrès, ni de la
malheureuse chambre dissoute. Je dirai à mon tour que j’ai assez de confiance
dans la chambre pour croire qu’elle suivra l’exemple des majorités précédentes
; qu’elle ne méconnaîtra ni ses droits ni ceux du gouvernement, et qu’elle
n’exercera jamais ses attributions en aveugle comme on voudrait qu’elle le fît.
M. Dumortier. - Messieurs, c’est une singulière
phrase que celle que vient de prononcer M. le commissaire du Roi en faisant un
appel à la chambre, et en l’invitant à suivre l’exemple de la majorité
précédente. Mais a-t-il donc oublié que cette majorité a flétri deux fois le
système du ministère ? Est-ce là l’exemple que nous recommande M. le
commissaire du Roi, et veut-il dire qu’il faut flétrir encore ce système ? Je
ne le pense pas. Il veut plutôt parler de cette majorité qui, à notre grand
regret, a accueilli trop imprudemment le traité du 15 novembre ; mais si elle
avait pu penser que les garanties stipulées par la conférence étaient vaines,
chacun des membres qui la composaient aurait refusé de voter le traité.
Je renvoie l’invitation
au ministère, et je lui dirai : Rappelez-vous ce qu’ont fait vos prédécesseurs,
alors qu’on voyait au ministère notre honorable président M. Raikem, MM. de
Theux et de Muelenaere : ils n’ont jamais refusé à la chambre des
éclaircissements, même dans les circonstances les plus difficiles ; jamais ils
ne se sont renfermés dans un dédaigneux silence devant la représentation
nationale, et cependant ils avaient une majorité que les ministres actuels
n’ont pas.
M. le commissaire du Roi
a prétendu que je reconnaissais que la position du pays restait la même. Il
n’en est pas ainsi. A la vérité, si la question résidait uniquement dans le
point de savoir si la conférence existe ou n’existe pas, si elle est dissoute
ou séparée, nous serions peu aptes à la juger. Mais j’ai appuyé mon observation
d’un fait constant, c’est que nos commissaires envoyés à Londres en sont
revenus, et notre honorable collègue M. Smits, qui était un de ces envoyés,
siège en ce moment dans cette enceinte. Il faut donc alors que les négociations
soient rompues. Le Moniteur, l’organe
officiel, a cité des extraits des journaux étrangers qui annoncent que la
conférence a cessé ses travaux. Eh bien ! peu importe
qu’elle soit dissoute ou séparée ; il nous suffit de savoir que ses travaux ont
cessé.
D’ailleurs, que la
conférence soit dissoute ou séparée, il est toujours de notre devoir de
chercher à connaître la raison pour laquelle et sur quoi on négocie en ce
moment.
On dit que le traité des
24 articles serait la base des négociations ; mais alors, ainsi qu’on l’a fait
observer avec beaucoup de justesse, ce traité n’est donc plus intact ; il y a
un traité nouveau, un traité définitif à faire. Eh bien ! s’il
en est ainsi, il faut que nous soyons fixés sur ce point : les intérêts de la
patrie ont-ils été suffisamment défendus ? Or, messieurs vous avez déjà pu
voir, par l’interpellation de l’honorable M. d’Huart, que nos droits ne sont
pas défendus comme ils devraient l’être. Depuis un temps considérable un de nos
concitoyens gémit dans les prisons, sous les fers du tyran que nous avons
chassé, et on vient nous dire qu’on a adressé à son égard des réclamations à
Berlin, à Vienne et à Londres.
Eh ! Messieurs, si on
avait agi de même pour ce qui concernait l’honorable M. Thorn,
on n’aurait pas encore obtenu sa mise en liberté. Il a fallu l’intervention, et
l’intervention énergique, de la législature pour y parvenir Ainsi donc voilà ce
que nous pouvons attendre de la conférence, rien et toujours rien.
Quant au traité du 15
novembre, après avoir dit qu’il était la base des négociations, M. le
commissaire du Roi est venu changer de système ; il dit maintenant que ce
traité est une convention entre
On fait sonner bien haut
la reconnaissance de notre indépendance. Eh ! messieurs,
cela m’importe peu. La puissance sur laquelle je compte le plus, l’Angleterre,
ne souffrira jamais qu’on porte atteinte à notre indépendance, parce que si
Dans une précédente
séance j’ai eu l’honneur de démontrer que nous avons des réclamations à faire.
Je regrette que le gouvernement ait envoyé, pour suivre la négociation relative
la dette, des plénipotentiaires qui sont cause qu’on nous a déjà imposé une
rente de 4 millions. Cette imposition est souverainement injuste, et elle
repose sur un mensonge fait par
C’est
par suite de l’ineptie de nos envoyés à Londres que nous avons été traités
ainsi ; c’est parce qu’ils n’avaient pas de connaissances suffisantes, et
qu’ils n’ont pas fait valoir comme il convenait les droits incontestables de
J’insiste pour qu’on
nous dise quelle est la mission spéciale de M. Goblet à Londres, et je répète
que le précédent ministère dans aucune circonstance n’a refusé d’éclairer la
représentation nationale.
M. Nothomb, commissaire du Roi.. - Je ne prolongerais pas cette
discussion s’il n’était de mon devoir de prendre la défense d’un homme absent.
Cet homme, qui a été envoyé une première fois à Londres pour donner des
éclaircissements à la conférence, y a été envoyé une seconde fois, et il a
rempli cette double mission avec zèle et talent. Le temps viendra où l’on
pourra connaître ses démarches et alors on lui rendra justice.
L’honorable préopinant
nous a rejetés un peu plus loin des débats. Il a dit que nos intérêts avaient
été mal défendus à Londres avant la conclusion du traité des 24 articles.
Je
saisis cette occasion pour rectifier un fait qu’il aurait pu rectifier
lui-même, à l’aide des pièces qui ont été distribuées dans le temps aux membres
de la chambre. Et ici je dois dire à M. Pollénus que les documents cités par M.
Coghen sont imprimés à la suite des 24 articles.
Nous n’avons pas réclamé
une part des colonies, parce que le royaume des Pays-Bas n’a pas acquis de
colonies depuis 1815 ; seulement on a restitué à
Ainsi vous le voyez,
messieurs, nos intérêts financiers ont été bien défendus, et si nous avons
succombé dans une partie de nos droits, c’est que, dans les malheureuses
circonstances où nous nous sommes trouvés, nous avons dû subir la loi de
l’Europe.
M. Dumortier. - C’est une chose dont je ne puis
assez m’étonner que de voir M le commissaire du Roi, qui est secrétaire des
affaires étrangères, si peu au courant des droits de
M. le président. - Je vais mettre aux voix la motion
d’ordre de M. Dumortier : y a-t-il lieu de la part du gouvernement à donner des
explications sur les négociations et sur le point de savoir quelle est la
mission de M. Goblet à Londres ?
- Cette motion d’ordre
est rejetée par assis et levé.
La discussion sur
l’ensemble du budget continue.
M.
Desmet. - Messieurs, si notre malheureux
pays est condamné à ne pouvoir connaître de quelle manière nos hommes d’Etat
régissent nos affaires politiques, et à quel point elles sont avancées aujourd’hui,
du moins M. le commissaire du Roi me permettra de lui faire quelques
interpellations sur nos affaires de commerce, et je lui demanderai si nous
pouvons espérer d’avoir bientôt un envoyé au Brésil. M. le commissaire et le
gouvernement doivent savoir combien le Brésil est important pour notre commerce
d’exportation ; ils doivent aussi être informés que dans ce pays notre
représentation sera bien reçue, car déjà notre pavillon tricolore y a été bien
accueilli, et les navires belges entrent librement dans les ports du Brésil et
y jouissent même des avantages dont sont privilégiés les navires anglais.
Je
lui demanderai aussi s’il est vrai, comme on l’assure dans le public, que déjà
l’envoyé est nommé et que même il reçoit son traitement comme tel ; si ce fait
est exact, il est très étrange que cet envoyé ne se rende pas à son poste et
qu’il tire son argent sans rien faire.
Je dois encore demander
à M. le commissaire si nous avons de même l’espoir d’avoir bientôt un envoyé en
Espagne. On ne peut mettre en doute combien notre commerce national a intérêt
d’obtenir des relations libres avec ce royaume. On dit aussi que l’envoyé
destiné est nommé et qu’il touche son traitement comme tel. Si cela est vrai,
comme on l’assure partout, c’est une indignité, et je ne conçois pas comment il
se fait qu’on puisse payer le traitement d’un fonctionnaire qui ne remplit pas
sa place ; c’est vraiment un scandale de dilapider ainsi les deniers du pays.
M. Nothomb,
commissaire du Roi.. - Le gouvernement s’est occupé d’établir des
relations, surtout des relations commerciales, avec l’Amérique méridionale ;
nous avons un consul près de la république de Rio. Il s’est aussi occupé de
l’établissement d’une légation au Brésil. Il est très vrai que le titulaire est
nommé ; d’abord il a dû différer son départ pour prendre des renseignements
dans nos principales villes commerciales, renseignements qui nous manquent
faute d’archives. Cet agent était près de partir lorsqu’il est tombé malade ;
son départ est fixé au 1er octobre ; si à cette époque il n est pas en état de
partir, il sera considéré comme démissionnaire.
M. Jullien. - Messieurs, en voyant les discussions du budget des affaires
étrangères, en y voyant figurer tant de ministres plénipotentiaires, tant de
ministres résidents et de chargés d’affaires dans toutes les cours de l’Europe,
on dirait que nous sommes chargés de mettre en action la morale de cette
fable :
« Tout prince a des
ambassadeurs, tout marquis veut avoir des pages. » (On rit.)
Pour pouvoir apprécier
le but et les qualités de cet appareil diplomatique, il faudrait au moins
savoir ce que nous sommes aux yeux de l’Europe, quelle est notre existence
politique. Si personne ne me répond à cet égard, il faudra bien que je tranche
la question moi-même. Or, je crois que pour le moment l’existence politique de
Je pense qui vis-à-vis
de
Messieurs, il y a déjà
des puissances neutres dans le monde :
D’ailleurs, si l’on veut
consulter les traités, on verra que nous ne sommes qu’une puissance de
troisième ordre.
Une des grandes plaies
financières du gouvernement déchu, c’est qu’il voulait copier l’empire. Eh
bien, nous, par notre faste administratif, nous voulons copier le royaume des
Pays-Bas, et je ne sais pas si l’on pourrait porter les dépenses beaucoup plus
loin.
Qu’est-il besoin, je le
demande, d’envoyer des ambassadeurs auprès des puissances qui n’ont jamais usé
de réciprocité. Je l’ai déjà dit, il y a tel ambassadeur qui a été envoyé pour
faire des visites qu’on ne lui rend pas. (On
rit.) Est-il bien nécessaire de faire tant de dépenses pour aller chercher
des avanies qu’on aurait pu nous épargner ? Des humiliations, des avanies,
voilà ce que nos ambassadeurs nous ont rapporté, et ces choses-là au moins ne
devraient pas se payer. (On rit.)
Je vois figurer su
budget un crédit pour des envoyés en Espagne et au Brésil, et jamais ni l’un ni
l’autre ne sont partis pour leur destination. Ils sont payés cependant :
n’est-ce pas là une dépense incontestablement inutile ?
Après cela, j’en
conviens, il est un peu tard pour parler économie alors que les trois quarts
des dépenses sont faites. Il ne reste plus qu’à se résigner aux dépenses
consommées ; mais nous pouvons du moins économiser sur le trimestre restant et
déterminer les dépenses à faire, en subissant celles qui sont faites. Sous ce
rapport, j’aurai l’honneur de présenter à la chambre des amendements qui auront
pour but d’opérer quelques économies, qui sont possibles. Mais lorsque le même
chapitre se représentera dans le budget de 1834, je ferai des propositions
formelles pour en diminuer les dépenses. Soit que le statu quo se prolonge,
soit que nos affaires se terminent conformément au traité du 15 novembre, je
demanderai positivement qu’on en revienne à un système complet plus économique
; il faudra que tous ces grands ministres plénipotentiaires que nous envoyons à
grands frais soient remplacés par de simples chargés d’affaires, qui serviront
tout aussi bien nos intérêts.
Une
considération qu’il ne faut pas perdre de vue, messieurs, c’est qu’en donnant
des titres pompeux à de simples particuliers, on les place dans une position
équivoque. Avec 40,000 fr., que peut faire un ambassadeur auprès des ambassadeurs
étrangers ? Une assez triste figure. (On
rit.) Il ne faut plus, messieurs, de ces titres qui sont au-dessus des
moyens que nous accordons.
En vous proposant cette
substitution, messieurs, je ne fais que vous proposer de sanctionner votre
propre opinion. Car vous savez que, lors de l’examen d’un budget dont j’étais
rapporteur, toutes les sections et la section centrale avec elles ont exprimé
le vœu qu’on en revînt à de simples chargés d’affaites après le budget de 1833.
En attendant, messieurs,
je vous proposerai les économies que je crois possibles, malgré l’époque
avancée de l’année, et sans nuire au bien du service.
M. Legrelle, rapporteur. - Il me semble que la partie du
budget qui a été attaquée par M. Jullien est comprise dans le chap. II.
J’engage donc M. le commissaire du Roi à laisser terminer l’art. 1er, qui est
d’ailleurs très court, avant de répondre au préopinant. La section centrale a, elle-même des observations à faire, et elle attendra la
discussion du 2ème chapitre.
M. Jullien. - M. Legrelle ne sait probablement pas ce que M. le commissaire du Roi
avait à dire. Si donc M. Legrelle le permet (on rit), nous entendrons l’honorable commissaire du Roi.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Ce que j’ai à dire porte sur un
service compris dans le chapitre, et je crois que je ferai mieux de répondre
alors.
Chapitre Ier. - Administration centrale
Article
premier
M. le président. - Voici l’art. 1er du chapitre 1er.
« Traitement du
ministre : fr. 21,000
« Frais de
représentation : fr. 10,000
« Frais de logement
: fr. 4,000
« Ensemble : fr. 35,000. »
La
section centrale propose de n’accorder que 25,000 fr.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je ne puis me rallier au chiffre
de la section centrale ; cependant, messieurs, on pourrait voter séparément
l’article 1er, et je ferais la réserve de proposer des frais de représentation
pour le ministre des affaires étrangères. C’est, en d’autres termes, demander
la division.
M.
Desmet. - Messieurs, de tous les budgets
qui vous sont présentés pour l’exercice courant, certainement celui de M.
Goblet est le plus scandaleux ; sur un chiffre de 700,000 fr., il vous demande
une augmentation de 125,000 fr. sans aucun motif plausible. On doit donc
vraiment dire que nos gouvernants prennent
Et
M. Goblet commence par sa propre personne ; il ne vous demande pour lui qu’une
augmentation de revenu, sur le budget de l’Etat, de 14,000 fr. ; il ne se
contente plus de 21,000 fr. pour son traitement de ministre des affaires
étrangères, il doit encore avoir 10,000 fr. pour sa table et 4,000 fr. pour son
logement. Et déjà il a eu soin de son écurie ; l’Etat lui paie ses fourrages ;
si je suis bien informé, il en touche pour cinq chevaux, ce qui ferait, d’après
le tarif actuel une somme de 2,200 fr. par an ; il perçoit en outre 364 fr.
pour ses domestiques. Je vous le demande, messieurs, peut-on mieux faire ses
propres affaires et soigner son ménage ? Mais j’espère bien que nous ne
donnerons point dans ce piège, et que nous ne prodiguerons pas ainsi l’argent
du peuple pour enrichir M. Goblet ; que nous aurons quelque égard aux fortes
contributions dont est surchargée
M. Nothomb, commissaire du Roi.. - Il importe de savoir si réellement
on vous propose une augmentation : le traitement est resté le même ; on vous
demande une indemnité pour le logement et pour la représentation.
Je m’occuperai d’abord
du logement.
Le ministre est dans
l’impossibilité d’habiter l’hôtel :
1° Parce que les
appartements ne sont pas meublés ;
2° Parce qu’ils sont
occupés par les bureaux des affaires étrangères, de l’ordre Léopold et de la
marine.
Il faudrait donc d’abord
rebâtir l’ancien local où se trouvaient les bureaux, et meubler l’hôtel.
Le ministre de
l’intérieur vous demandera 42,000 fr. pour reconstruire le local des bureaux ;
la saison est trop avancée pour que cette reconstruction puisse se faire cette
année.
Ainsi le ministre reste dans
l’impossibilité d’habiter l’hôtel ; il est juste de lui allouer une indemnité
pour frais de logement. En effet, lors de la fixation du traitement des
ministres, il a été admis en principe qu’ils seraient loges aux frais de l’Etat
dans les hôtels de leurs ministères respectifs. C’est cette considération qui a
naguère engagé la chambre à accorder au ministre directeur de la guerre une
indemnité de logement de 4,000 fr. Il existe donc un précédent, et ce qui est
juste pour le ministre de la guerre doit être juste pour le ministre des
affaires étrangères.
Je passe à la
représentation.
Le ministre des affaires
étrangères se trouve dans une position spéciale. C’est ce qu’on a reconnu dans
tous les pays ; c’est ce qu’avait reconnu le gouvernement provisoire.
En France le ministre
des affaires étrangères a même un traitement supérieur à celui des autres
ministres ; la commission de la chambre des députés, chargée de l’examen les
budgets pour l’année 1833, en donne pour motif « les rapports habituels et la
situation spéciale de ce ministre qui exige, dit-elle, un état de maison fort
dispendieux. »
Le ministre des affaires
étrangères est, en effet, obligé d’entretenir des relations en quelque sorte
quotidiennes avec les légations accréditées près du gouvernement. De deux
choses l’une : il est forcé de refuser les politesses que les envoyés étrangers
voudraient lui faire ou bien, s’il les accepte, il est obligé de les rendre.
C’est là un principe de réciprocité qui est vrai entre ministres comme entre
particuliers. Il y a plus : la représentation que votre ministre des affaires
étrangères pourra faire n’est pas sans influence sur la marche même des
affaires. Croire que les attentions qu’on accorde aux agents accrédités près du
gouvernement ne sont comptées pour rien par eux ; s imaginer que les relations
de société ne facilitent pas le succès des réclamations officielles, c’est se
mettre en contradiction avec l’expérience ordinaire de la vie.
Le
gouvernement provisoire, du consentement du congrès, avait alloué au président
du comité diplomatique, et la régence, au ministre des affaires étrangères, une
somme de 5,000 fl. On vous propose de voter la même allocation ; je proposerai
de la réduire à 3,000 fr. pour le dernier trimestre de 1833.
Pour terminer, je puis
dire, au nom du ministre absent, qu’il est parfaitement sans intérêt dans la
question : si vous lui allouez des frais de représentation, vous lui imposerez
le devoir de représenter ; si vous la refusez, vous le dispenserez de toute
représentation. Vous le laisserez dans la même condition que ses collègues et
il pourra, dans ses relations avec les légations étrangères, et aux yeux du
public, se prévaloir de la dispense que vous lui aurez accordée.
M. de Robaulx.
- Je prends la parole pour engager la chambre à ne pas refuser au ministre la dispense publique, dont parle M.
Nothomb. (On rit.) Quand les
ambassadeurs tant annoncés viendront, ils sauront au moins qu’ils n’ont pas de
dîners à attendre.
Je
ne sais comment M. le commissaire du Roi a doré ses paroles, mais il nous a dit
en définitive que les dîners avaient une grande influence sur les relations
officielles. Eh bien, puisqu’on avait cette recette, pourquoi n’en avoir pas
fait usage depuis trois ans ? Il fallait inviter toute la conférence à un bon
dîner. (hilarité prolongée) : peut-être alors
aurait-elle terminé nos affaires une bonne fois.
Vous remarquerez,
messieurs, qu’il n’est pas nécessaire d’accorder des fonds aussi considérables
pour frais de représentation à notre ministre des affaires étrangères ; nous
n’avons, en effet, que deux ambassadeurs chez nous, et il peut très bien
inviter deux personnes à sa table (on rit),
et les traiter avec un peu moins de luxe et de solennité.
En terminant, je prie la
chambre de ne pas admettre un précédent dont on se prévaudrait plus tard, et
d’accorder au ministre la dispense publique de faire des dîners à nos frais. (Appuyé ! appuyé !)
M. Jullien. - Il y a deux articles en discussion : le premier est la demande de
10,000 fr. pour frais de représentation ; le second est la demande de 4,000 fr.
pour indemnité de logement. Quant aux frais de représentation, vous le savez,
ils ont été rejetés à l’unanimité l’année dernière par toutes les sections ; je
vous rappellerai encore qu’il n’y a été donné de frais de représentation en
1831 ni en 1832, et que la diplomatie n’en a été pour cela ni mieux ni plus
mal. Sous M. de Muelenaere, il n’y a pas eu de frais de représentation : ce
sont des précédents qu’il est bon de suivre.
D’ailleurs,
il ne s’est pas opéré de changement dans la diplomatie qui nécessite un
changement dans le budget ; vous remarquerez en outre que l’apparente
résignation de M. le commissaire du Roi n’est pas tout à fait désintéressée :
il demande 3,000 fr. pour un trimestre, c’est donc 12,000 fr. pour toute
l’année ; à ce compte-là M. le ministre des affaires étrangères gagnerait une
indemnité plus forte.
Il est vrai qu’avant que
l’hôtel du ministre des affaires étrangères eût été mis en état de recevoir le
chef de ce département, on avait accordé une indemnité de 2,000 fl. ; mais
depuis cette époque le ministre s’est installé dans l’hôtel qui a été préparé.
J’ai eu occasion d’aller
plusieurs fois au ministère des affaires étrangères, et loin de remarquer qu’il
fût mal meublé, j’y ai trouvé plus de luxe que de simplicité. Dans tous les
cas, messieurs, ce sera une question de fait que celle de savoir si M. le
ministre peut, oui ou non, se loger à l’hôtel.
Dans ce doute et d’après
la connaissance particulière que j’ai de l’hôtel, je voterai contre
l’allocation.
M.
Dubus. - Outre le traitement ordinaire du ministre, il vous est demandé une
indemnité de logement et des frais de représentation. Ces deux articles forment
un crédit nouveau. Rien n’a été alloué de ce chef au budget de l’année
dernière. En 1831 seulement, il a été accordé une indemnité pour frais de
logement et de représentation, mais cette dépense a été portée à un budget que
nous n’avons pas discuté ; il est vrai qu’elle n’en a pas moins été
religieusement dépensée. (On rit.)
Quand la question s’est présentée pour le 4ème trimestre, on a reconnu à
l’unanimité qu’aucuns frais de représentation ne devaient être alloués.
Alors le souvenir du
patriotique congrès était encore vivant, et l’on voulait économiser dans
l’intérêt du peuple. En 1832, le ministre qui dirigeait les affaires étrangères
n’a rien demandé.
On
vous a parlé de l’hôtel du ministère des affaires étrangères, et on vous la
représente comme ne pouvant pas loger le ministre. Cependant, messieurs, on a
transféré de cet hôtel ailleurs les bureaux du ministre de la justice pour que
le ministre des affaires étrangères pût y trouver son logement. Aujourd’hui,
l’on prétend que les bureaux du ministère des affaires étrangères, les bureaux
de la marine et de l’administration de l’ordre de Léopold, qu’on appelle aussi
un ministère, occupent tout le bâtiment. Mais, messieurs, ces trois ministères,
comme les appelle M. le commissaire du Roi, ont un personnel de douze employés,
et je demande s’il leur faut un si vaste hôtel pour qu’ils ne laissent ainsi
aucune place à M. le ministre. Si en 1831 le ministre n’a pas voulu s’y loger,
c’est qu’il ne l’a pas voulu ; il a préféré rester où il était. Si son
successeur n’a pas voulu s’y loger, c’est qu’il tenait à faire les honneurs du
pays, et dès lors il lui fallait de vastes appartements. Aussi, prenez-y garde,
messieurs, si vous accordez des frais de représentation, le logement de l’hôtel
ne suffira plus, l’ameublement ne conviendra pas davantage ; ne vous y trompez
pas, ce n’est pas de trois mille francs qu’il est question en réalité, mais de
frais considérables qui se tiennent, qui sont la conséquence les uns des
autres. En résumé, messieurs, si vous votez les frais de représentation, il
faudra voter aussi les frais de logement, et telle ne peut pas être votre
intention.
M. Legrelle,
rapporteur.
- La section centrale a pensé que le traitement du ministre ne pouvait faire
aucune difficulté. Quant aux 4,000 fr. elle vous les a proposés d’après des
renseignements d’où il résultait que, ni le local, ni l’ameublement n’étaient
en état de recevoir le ministre. Mais elle espérait bien que pareille charge ne
se reproduirait plus l’année prochaine.
Quant aux frais de
représentation, il est inutile d’insister sur ce point. Cet article a déjà été
rejeté de la manière la plus formelle. Aujourd’hui l’on nous demande 3,000 fr.
pour finir l’année ; mais comment aurait-on besoin d’un crédit, pour le dernier
trimestre, lorsqu’on a pu s’en passer pour les neuf premiers mois ? Ce serait
d’ailleurs établir un principe que nous n’admettrons jamais.
M. Nothomb,
commissaire du Roi. - On a fait observer avec raison que les frais de logement soulèvent
une simple question de fait. Il s’agit de savoir s’il y a possibilité ou non,
pour le ministre, de se loger dans l’hôtel. Un des préopinants a parlé des
visites qu’il avait faites au ministre des affaires étrangères. Eh bien, il a
dû trouver deux antichambres et un cabinet. Certes vous ne contesterez pas à un
ministre des affaires étrangères la nécessité de deux antichambres et d’un
cabinet. Ses relations sont assez nombreuses et assez importantes. L’hôtel est
sans meubles de ménage ; il n’y a pas encore longtemps que les bureaux se
servaient de meubles appartenant à la liste civile. Si la nécessité de
l’allocation faisait le moindre doute, je prierais la chambre d’ordonner une
expertise pour constater les faits.
Quant aux frais de
représentation, je me suis trompé ; c’est 2,500 fr. seulement que nous
demandons. J’ai fait la division mentalement.
M. Dumortier. - Il est étrange qu’on vienne nous
dire que l’hôtel ne suffit pas pour loger le ministre, alors que le nombre
total des employés des bureaux ne s’élève pas à plus de douze employés, y
compris M. le secrétaire-général lui-même. (On
rit.) Ainsi tout un immense hôtel ne serait pas trop grand pour douze employés
! Cependant, messieurs, je vous ferai observer que le second n’est occupé par
personne. Faites occuper cet étage par les bureaux, et le premier servira pour
le logement du ministre.
L’hôtel, nous dit-on,
n’est pas suffisamment meublé ; eh bien ! accordons
4,000 fr. pour frais d’ameublement, et nous serons tous d accord.
Vous aurez remarqué que
l’on n’a pas encore répondu à ce que nous a dit M. Desmet sur les diverses
indemnités que reçoit M. le ministre des affaires étrangères ; il faudrait
cependant qu’on s’expliquât ; autrement, il serait bien facile d’élever le
traitement d’un ministre à 40 et 50,000 fr. Pour moi, je ne vois pas à quel
titre M. le ministre des affaires étrangères recevrait
plus d’indemnités que ses collègues.
Les frais de
représentation ont déjà été flétris l’année dernière. A cette occasion, vous
vous rappelez que l’honorable M. Lebeau disait que ces frais avaient été religieusement mangés, alors que M de
Muelenaere disait qu’il se retirerait plutôt que de les admettre.
En jetant un coup d’œil
sur le chapitre II, j’ai remarqué que le traitement de notre envoyé en Prusse
avait reçu certaine majoration. Or, messieurs, vous avez entendu dire qu’un
ministre se réservait cette ambassade pour lui-même. Tout le monde l’a dit.
M. le président. - Je rappellerai l’honorable membre
à la question.
M. Dumortier. - Je ne suis pas sorti de la question
; j’examine la question de savoir s’il est permis d’enfler un traitement au
moyen d’indemnités quelconques, et pour finir ce que j’avais commencé, je vous
rappellerai que l’envoyé à Berlin n’est que temporaire (murmures au banc des ministres),
et qu’il doit être remplacé.
En terminant, messieurs,
je demande que les quatre mille francs soient accordés à titre d’ameublement.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Les frais de logement ne sont
pas une innovation ; ils ont été alloués au ministre des affaires étrangères et
au président du comité diplomatique sous le gouvernement provisoire, et, selon
une expression que j’approuve pleinement, sous le patriotique congrès.
Messieurs, il y a eu
depuis la révolution trois ministres des affaires étrangères : le premier a reçu des frais de
logement ; le second n’était pas logé dans l’hôtel, mais il remplissait
d’autres fonctions qui lui assuraient un logement à lui et à sa famille ; il ne
pouvait avoir, aux frais de l’Etat, un hôtel à Bruxelles comme ministre, et uns
autre hôtel en province comme gouverneur ; il n’a pas voulu de ce double
emploi.
Je vais encore
simplifier la question : supposez que l’emplacement existe, toujours est-il que
l’hôtel n’est pas meublé. Or, pour le meubler, il faudrait au-delà de 20,000
fr., en sorte que ces 4,000 fr. ne seraient d’aucune utilité.
Il ne suffit pas,
messieurs, de compter les employés du ministère des affaires étrangères et de
la marine, et les employés de l’ordre de Léopold que je n’ai jamais appelé un
ministère ; il faut compter les pièces ; or, il y a 6 grandes pièces au
premier, et 5 au rez-de-chaussée ; le second est inhabitable.
Je persiste donc dans la
demande que nous avons faite.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau), qui avait demandé la parole, y
renonce.
- Le chiffre de 25,000
fr. pour traitement du ministre est mis aux voix et adopté.
M. le président. - M. le commissaire du Roi a
demandé 2,500 fr. pour frais de représentation.
-
Cette demande est mise aux voix ; personne ne se lève pour l’adoption.
M. le président. - M. Dumortier a proposé d’accorder
les 4,000 fr de l’art. 1er à titre de frais d’ameublement.
M. Legrelle, rapporteur. - La section centrale a porté
4.000 fr. au budget, mais elle a pensé que cette dépense ne se renouvellerait
pas pour les autres années ; je désire que M. Nothomb s’explique sur ce point.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Si l’hôtel est en état de
recevoir l’année prochaine le ministère des affaires étrangères, la dépense ne
se reproduira plus. Mais alors la chambre accordera un crédit spécial pour
l’ameublement.
M. Dumortier. - Avec les 4,000 fr. que je
propose, vous pourrez avoir des bureaux et mettre le premier en état de
recevoir le ministre et sa famille.
M. le commissaire du Roi
a cherché dans cette discussion à assimiler la position de M. le ministre de la
guerre à celle du ministre des affaires étrangères. Mais je ferais remarquer
que le ministre de la guerre était d abord logé dans une partie du palais du
Roi que la liste civile a réclamée ; la liste civile était dans son droit, mais
nous devions une indemnité au ministre.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Nous vous demandons d’indemniser
le ministre de ce qu’il a dû payer pour le logement qu’il occupe. Si vous ne
l’indemniser pas, qui donc le fera ?
M. Dumortier. - Celui qui l’a autorisé !
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Et qui donc l’a autorisé si ce
n’est vous-mêmes ? En allouant cette indemnité au ministre de la guerre, vous
êtes vous seulement enquis s’il était possible, ou non, qu’il se logeât dans
l’hôtel du ministère ? Non sans doute. Pourquoi donc cette instance quand il
s’agit d’un de ses collègues ? Eh ! messieurs, c’est lorsque de toutes parts on
reconnaît que le traitement des ministres est au-dessous de leur position
sociale, qu’il est mesquin, que l’on discute pendant une heure pour savoir si
l’on accordera à l’un d’eux une indemnité de logement, dont il a déjà fait les
frais pendant les trois quarts de l’année !
- Le chiffre de 4 mille
fr. est voté à titre de frais de logement.
« Art. 2.
Traitements des employés : fr. 39,000. »
La section centrale ne propose
aucune réduction.
M.
Dubus. - L’année dernière la section centrale a reconnu que la somme allouée
excédait les besoins. La preuve c’est que 36 mille fr. seulement ont été
dépensés. Comme les besoins ne sont pas augmentés cette année, je pense qu’une
somme de 37 mille fr. suffirait.
M. Legrelle, rapporteur. - Les renseignements détaillés,
parvenus à la section centrale, l’ont convaincue que le chiffre de 39,000 fr. est
nécessaire et que la différence qu’il présente avec la dépense de l’année
dernière résulte des traducteurs allemands et anglais dont le département des
affaires étrangères est obligé de faire usage, et du travail de l’ordre
Léopold.
M. Nothomb, commissaire du
Roi. - J’aurais
désiré être dispensé de prendre la parole sur cette allocation. Le chiffre de
la section centrale emporte une réduction de 60 fr. Il est vrai que l’année
dernière la section centrale avait proposé de réduire le crédit ; mais M. de
Muelenaere vous a présenté un rapport étendu qui vous a initiés, tous les
détails des bureaux, et après en avoir pris connaissance, vous avez accordé
39,000 fr. Ce chiffre est à peu près épuisé, il y seulement un boni qui résulte
d’une vacance de trois mois, qui a eu lieu parce qu’un chef de bureau n’a pu
être remplacé qu’après ce temps, et que le ministère a bénéficié un quart du
traitement. Quand nous arriverons à l’administration de l’ordre Léopold, je
discuterai le mérite de la réserve de l’honorable rapporteur.
M.
Dubus. - Je retire ma proposition d’après ce que nous a dit M. Legrelle.
- Le chiffre de 39,000
fr. est adopté.
« Art. 3. Matériel
: fr. 15,600. »
La section centrale
propose 13,000 fr.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Le gouvernement a demandé une
somme de 15,600 fr., somme égale à celle qui a été allouée l’année dernière.
La section centrale
demande une réduction de 2,600 fr., sur le motif que certaines dépenses du
dernier exercice ne devront plus se renouveler cette année.
J’ignore quelles sont
les dépenses que la section centrale a spécialement en vue. On m’a assuré
qu’elle avait entendu parler des cartes géographiques dont l’achat avait été
réclamé l’année dernière. Cette acquisition, en effet, a eu lieu ; mais la
collection des cartes est loin d’être complète.
Ce chiffre s’applique à
des dépenses qui sont la plupart permanentes, et dont plusieurs ont augmenté
avec nos relations politiques. Le ministre des affaires étrangères a presque
toute sa correspondance à l’extérieur, et cette correspondance s’est étendue
depuis un an. En Hollande, on portait au budget pour ports de lettres et de
paquets une somme de 13,000 fl., et chaque année elle était épuisée. Beaucoup
d’actes se délivrent d’après une forme plus ou moins coûteuse. Je ne parle pas
des frais de chauffage et d’éclairage qui sont également compris dans ce
chiffre.
La somme de 15,600 fr.,
allouée l’année dernière est épuisée à 1,200 fr. près, laquelle somme sera
absorbée par quelques comptes non encore liquidés ; et cependant nous avons
supprimé plusieurs journaux dont l’utilité eût été incontestable dans un
ministère des affaires étrangères, notamment l’Observateur autrichien et le Journal
de St.-Pétersbourg.
Plusieurs
personnes ont manifesté le désir que le ministère des affaires étrangères eût
un recueil complet de toutes les pièces diplomatiques. Ce recueil est en effet
indispensable aux débats de la chambre, et nécessaire à tous ceux qui voudront
s’occuper de l’histoire de notre révolution. Le ministère s’est occupé de ce
travail ; et d’après les renseignements qu’il a pris, aucun libraire ne se
charge de l’impression à ses risques et périls.
Il ne trouvera
d’imprimeur qu’en s’obligeant d’avance à prendre, aux frais du gouvernement, un
certain nombre d’exemplaires, tant pour la chambre que pour le corps
diplomatique. Ce sera faire un bon marché que de trouver, à cette condition, un
imprimeur qui se contente d’une somme de 1,000 fr à 1,200 fr.
Je proposerai à la
chambre de fixer le chiffre à 15,000 ; il y aura de la sorte une réduction de
600 fr.
M. Dubus. - On avait reconnu dans la section centrale,
qui fut chargée d’examiner le premier budget de l’année 1832, que les dépenses
devaient être diminuées comparativement à celles de 1832, parce qu’il était des
dépenses qui, une fois faite, ne devaient plus se représenter. Par exemple,
l’année dernière on avait fait circuler des actes de ratification pour montrer
quelles dépenses ils exigeaient, y compris la boîte dans laquelle se trouve le
seau de l’Etat. Or, ces dépenses pour les ratifications ne sont plus à faire.
Il en est de même pour les livres de diplomatie, les cartes. Un crédit de
15,600 fr., voté l’année dernière, a excédé les besoins. On dit qu’en septembre
on ne peut plus évaluer la hauteur des dépenses. On dit aussi que s’il y a
excédant, on fera imprimer un ouvrage comprenant les pièces diplomatiques. Mais
nos affaires ne seront pas terminées assez tôt pour qu’avant la fin de l’année,
on ait tous les actes qui les concernent. Nous nous occuperons de cet ouvrage
l’année prochaine. Je voterai pour le chiffre de la section centrale.
M.
Nothomb, commissaire du Roi. - L’honorable préopinant vous a rappelé que l’année dernière on avait
entretenu la chambre des frais de ratifications : ces frais se reproduisent
souvent. Vous avez adopté une loi d’extradition ; elle exigera des conventions
et des ratifications. Nous nous occupons de renouveler les conventions
abolitives du droit d’aubaine et de détraction ; il faudra ratifier les
conventions qui interviendront. Ces dépenses se reproduiront donc, à moins que
M. Dumortier. - Une seconde édition est inutile.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Pourquoi alors vous
plaignez-vous si souvent de ne pas trouver dans ce premier recueil toutes les
pièces diplomatiques ? D’ailleurs, le recueil des rapports présente la plus
grande confusion.
M. Legrelle, rapporteur. - Je soutiens que le chiffre de
13.000 fr. est suffisant. L’année dernière on a fait des dépenses qui ne se
renouvelleront pas. Ainsi vous avez fait les dépenses de premier établissement
pour l’ordre Léopold ; vous avez des cartes, et on peut remettre à l’année
prochaine la réimpression des pièces diplomatiques. Nous devons faire des
économies partout où il est possible d’en faire ; tel est notre mandat.
M. Dumortier. - Je ne me suis pas plaint que le
recueil d’actes diplomatiques imprimé ne fût pas complet, et je regarde comme
inutile une seconde édition de cet ouvrage. D’ailleurs, on a imprimé un petit
volume que l’on a appelé Complément aux
documents publiés, et de cette manière nous devons avoir toutes les œuvres
diplomatiques. Si vous avez des pièces nouvelles, déposez-les sur les bureaux
de la chambre ; pour quelques centaines de francs nous les ferons imprimer.
Le ministre des affaires
étrangères n’a que huit employés ; on y joignant ceux de la marine et de
l’ordre Léopold, vous aurez en tout 14 employés et 30,000 fr. de frais de
bureaux ; cependant le ministre de la justice ne demande que 15,000 fr. avec un
nombre bien supérieur d’employés. Comment peut-on demander le double pour les
affaires étrangères ? Je sais bien qu’il est toujours facile de répondre, mais
il sera facile aussi à la chambre de comprendre l’exagération du chiffre
demandé.
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Le ministre de la justice a sa
correspondance à l’intérieur de
M. Dumortier. - Mais il y a dans le budget un
autre article qui porte : Frais d’estafettes.
- La chambre ferme cette
discussion.
Le chiffre de 15,000 fr.,
présenté par le ministère, est rejeté.
Celui de 13,000,
présenté par la section centrale, est adopté.
Chapitre II -
Traitements des agents du service extérieur
Article
unique (projet du
gouvernement). Articles 1 à 11 (projet de la section centrale)
M. le président. - Dans le budget du gouvernement ce
chapitre ne fait qu’un seul article, dans le projet de la section centrale il
fait onze articles. Le ministère se rallie-t-il à cette division ?
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je demande conformément au
projet primitif, que le chiffre total ne fasse qu’un seul article, La chambre
votera en détail sauf à ne porter le vote législatif que sur le total, eu égard
aux réductions.
M. le président. - La division pour la discussion
est de droit.
Article 1er (projet de la section centrale)
« Art. 1er du
projet ministériel. France : fr. 62,500. »
La section centrale
propose 58,000 fr.
M. Dumortier. - Dans le budget des affaires
étrangères, ou, comme a dit un de nos collègues, le budget des affaires
étranges (on rit), on a pris
systématiquement le parti d’augmenter tous les articles, ainsi que l’a fait
remarquer M. Pollénus. Le ministère veut avoir à sa disposition de grosses
sommes, de gros appointements pour payer ses créatures ; mais le ministère
oublie-t-il qu’il faudra établir de grosses contributions pour acheter toutes
ces créatures ?
Nous devons nous
considérer comme une puissance de troisième ordre, et n’envoyer que des agents
diplomatiques de troisième ordre, et non des ambassadeurs ni des ministres
plénipotentiaires.
Il n’y a aucune économie
dans notre gouvernement.
Il y a deux ans, on
n’entendait qu’un cri pour demander, dans le sein de la représentation
nationale, un gouvernement à bon marché ; maintenant on semble vouloir un
gouvernement dispendieux. Nous ne devons, messieurs, consentir à aucune
augmentation qui n’est pas démontrée indispensable.
Pour
la légation française, en 1832, il a été accordé un crédit de 50,000 fr. On dit
que l’envoyé dépense davantage ; mais c’est à lui à proportionner sa dépense au
crédit qu’il reçoit.
J’ai un reproche grave à
adresser à la section centrale, c’est d’avoir admis une majoration que toutes
les sections avaient repoussée. Quand des majorations sont repoussées
unanimement par les sections, la section centrale manque à son devoir en les représentant. On nous a dit en 1832 que le chiffre de
1831 ne suffisait pas ; on nous dit en 1833 que celui de 1832 est insuffisant ;
en nous disant de même d’année en année, on ne sait pas où nous nous
arrêterons.
Les
plus grandes dépenses diplomatiques sont faites, ce sont les dépenses pour les
protocoles ; maintenant que la diplomatie ne fait plus rien, je ne vois pas
pourquoi elle coûterait plus cher. Je propose 51,000 fr.
M. d’Huart. - Je ne partage pas l’opinion de l’orateur : la section centrale peut
admettre ce que toutes les sections ont rejeté ; elle n’est pas une simple
machine : ce que la section centrale aurait dû faire, c’est de motiver son
opinion et c’est ce qu’elle n’a pas fait. Dans le rapport on parle d’une longue
discussion qui aurait eu lieu ; quel en était le sujet ? On ne nous en instruit
pas. Si l’on ne m’explique pas autrement, je maintiendrai le chiffre de l’année
dernière.
M. Legrelle,
rapporteur.
- Relativement à cet article il y a eu une grande divergence d’opinion. Deux
membres de la section centrale, qui avaient été envoyés à Paris pour nos
relations commerciales et qui ont été à même de voir avec quel zèle, quelle
activité, M. Lehon s’occupe des intérêts de
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Messieurs, un honorable membre a
présenté dans la discussion générale des observations qui se rattachent au
service extérieur dans son ensemble ; je me suis réservé d’y répondre. Il s’est
demandé avec raison ce que nous sommes dans la politique européenne, ce que
nous valons politiquement.
Il est difficile,
messieurs, de nier la nécessité et l’influence de la diplomatie en général, à
une époque surtout où elle a acquis un si grand développement et une action si
prépondérante. Avant le 16ème siècle, il n’existait pas de missions
permanentes. Les peuples de l’Europe n’étaient pas coordonnés d’après un
système général.
Chaque peuple n’avait
guère qu’une existence individuelle. De la fin du 16ème siècle datent les
missions permanentes. Les relations de peuple à peuple devinrent quotidiennes,
et on commença à comprendre qu’il y a des lois politiques qui doivent régir les
peuples dans leur ensemble.
Nier l’utilité de la
diplomatie, c’est proposer aux nations de rétrograder jusqu’à l’isolement ;
c’est vouloir qu’il n’existe plus d’association de peuples.
Ces considérations ne
s’appliquent pas seulement aux grands Etats, je dirai même qu’elles
s’appliquent surtout aux Etats de deuxième et de troisième ordre, dont
l’existence se lie intimement au système politique. Un grand Etat, appuyé sur
des forces considérables de terre et de mer, peut jusqu’à un certain point se
suffire à lui-même, et il peut interdire toute influence au-dehors, il peut se
conserver sans le secours de la diplomatie. Un Etat secondaire, en se plaçant
dans cet isolement, compromettrait sa propre existence.
De tous les Etats de
second et de troisième ordre, aucun n’a un plus grand besoin de l’action diplomatique
que 1e nouvel Etat belge. Aucun Etat secondaire n’est d’un plus grand poids
dans la balance politique.
Placé au centre de
l’Europe, sans flotte, avec des frontières ouvertes sur presque tous les
points, le principe de son indépendance doit s’appuyer non seulement sur les
forces matérielles de l’intérieur, mais surtout sur les nécessités politiques
qui rattachent ses destinées aux destinées de l’Europe.
Telles sont les
conséquences de notre situation géographique et politique. Comme pays
industriel et commerçant,
Ainsi, sous quelque
rapport qu’on envisage l’existence du nouvel Etat belge, sous le rapport
commercial et maritime comme sous le rapport politique et géographique,
l’action de la diplomatie lui est indispensable.
J’ai considéré
l’importance de
La section centrale,
répondant au vœu de plusieurs sections, tendant à ce que
Parmi les 23 Etats
européens dont la population s’étend de 48,000,000 à
900,000 habitants,
Elle compte après elle
les puissances suivantes ;
Le Portugal, 3,782,000
Les Etats romains, 2,583,000
Le Danemark, 2,032,000
Le Hanovre, 1,532,000
Le Wurtemberg, 1,532,000
Le grand-duché de Bade,
1,153,000
Veuillez remarquer,
messieurs, que dans cette série ne sont pas compris
Des dix puissances dont
la population est supérieure à celle de
Deux,
Deux,
Au-dessous de ces treize
Etats, on compte
Le plus populeux des
Etats qui ne sont représentés à Paris que par un chargé d’affaires, est donc le
Hanovre (1,532,000). Encore n’est-ce que par le motif
que le roi de
Il est donc vérifié que
toutes les puissances du même rang que
Il en
est de même des Etats-Unis d’Amérique, du Mexique, du Brésil, de
Il importe enfin,
messieurs, de se rendre compte de la différence entre les fonctions de chargé
d’affaires et celles de ministre plénipotentiaire.
Le chargé d’affaires
n’est accrédité que près du ministre des affaires étrangères. Le ministre
plénipotentiaire est accrédité près du souverain même. Il a un véritable
caractère représentatif. Partout où il existe de véritables intérêts
politiques, et chaque fois qu’il s’agit de conclure un traité, la mission du
chargé d’affaires est insuffisante.
La diplomatie belge a
trois positions où elle ne pourra jamais, selon moi, se passer de ministre
plénipotentiaire. Ces positions sont Berlin, Paris et Londres.
Partout ailleurs, quand
ses relations politiques seront établies, lorsqu’il n’y aura pas de traité à
conclure, la présence d’un chargé d’affaires ou d’un ministre résident suffira.
En résumé, messieurs, je
vous dirai que
M. Dubus. - Je ne suivrai par le préopinant dans les
questions qu’il a traitées. Il ne s’agit pas de savoir quelle seront les
conséquences futures de la neutralité de
Il s’agit de savoir si
nous pouvons nous passer d’un ambassadeur à l’époque de l’année où nous sommes
parvenus ; je reconnais qu’il faut payer les dépenses faites ; cependant
j’examinerai la hauteur du chiffre, car voilà toute la question.
On vous a dit qu’il
fallait renfermer le chiffre dans les limites posées l’année dernière ; cette
question est la seule que M. le commissaire du Roi n’a pas touchée. On vous a
fait remarquer la progression ascendante des budgets. Dans les budgets
présentés au congrès, et qu’on n’a pas pu voter, on avait propose 26,000 fl.,
et ce chiffre a paru trop élevé à toutes les sections. Cependant, à cause de la
retenue qu’on faisait alors, les 26,000 florins se réduisaient à 18,000 fl.
En 1832, on a demandé
30,000 fl., et la section centrale a proposé 22,000 fl., qui ont été votés, et
qu’on a portés à 24,000 fl. dans le vote sur l’ensemble des budgets. On demande
aujourd’hui encore une augmentation. Mais ces augmentations ne changeront pas
la nature des choses ; nos relations avec le gouvernement français n’en seront
pas différentes. Il faut diminuer les gros traitements, loin de les augmenter.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, il n’est pas étonnant
que les ministres semblent vous proposer des augmentations, lorsque vous
rapprochez les chiffres de leurs budgets des chiffres adoptés dans les budgets
antérieurs ; presque toujours les allocations telles qu’elles sont votées, sont
en dessous du chiffre demandé par le gouvernement et le gouvernement doit subir
la loi des chambres ; mais est-ce à dire pour cela que des nécessités reconnues
par l’administration, et qui l’avaient portée à poser des chiffres qu’on a
frappés de réduction, ont cessé d’exister pour elle ? Non, messieurs.
Le gouvernement est, par
sa position, mieux placé que les chambres pour apprécier la nécessité de telle
ou telle allocation ; il est aussi mieux placé que les chambres pour proposer
des réformes et si le gouvernement ne s’occupait pas de rechercher les réformes
possibles, elles échapperaient souvent aux chambres qui ne peuvent être
initiées à tous les détails de l’administration.
La mesure des subsides à
demander à une chambre n’est pas dans les votes déjà émis par elle. Le
gouvernement, après avoir subi la loi qui lui est imposée, s’il persiste à
reconnaître la nécessité d’une allocation, manquerait à ses devoirs s’il ne la
demandait pas.
Je ne sais comment on
peut se prévaloir de certaines retenues qui ont été faites sous le congrès : il
n’y a aucune comparaison à faire entre les époques. Alors chacun devait faire
des sacrifices aux circonstances graves et extraordinaires où l’on se trouvait.
Le taux des retenues prouve qu’elles ne pouvaient être que temporaires : ne serait-il
pas inouï qu’on pût se prévaloir du principe d’une retenue qui allait jusqu’à
40 p. c. de la matière imposable ?
C’est, dit-on, le
gouvernement lui-même qui en
Pourquoi augmenter les
frais de légation à Paris ? Parce qu’à des nécessités politiques, qui placeront
toujours la légation de Paris au premier rang pour nous, vient actuellement se
joindre un intérêt commercial de la plus haute importance. Mais quelles
relations y a-t-il entre l’augmentation de quelques mille francs, et les
stipulations commerciales ? Oh ! si quelques milliers
de francs pouvaient faire abaisser le tarif des douanes de nos voisins,
allez-vous dire, nous les voterions à l’instant.
Malheureusement les
choses ne se font, ni si vite, ni si directement ; on n’arrive souvent au but
que par détours et circuits. Ce n’est pas une cause, c’est mille qui agissent.
S’il s’agit d’obtenir pour votre pays des avantages commerciaux combattus par
des intérêts puissants ou par des préjugés tenaces, vous devez donner à votre
agent le moyen d’éclairer ces intérêts, de combattre ces préjugés, de
s’adresser à tout ce que le commerce et l’administration compteront de
notabilités, d’influences. Cela ne peut avoir lieu qu’en multipliant le contact
entre les hommes qui ont besoin de s’entendre, de s’entraider. II y a des
nécessités auxquelles il faut satisfaire, si l’on ne veut rester isolé dans une
capitale. Pourquoi le tairais-je ? Un dîner a souvent plus avancé la conclusion
d’une affaire que toutes les démarches et tous les factums.
Je dirai à ceux qui ont
le sourire sur les lèvres que les relations de société, en rapprochant les
hommes, en les disposant à une bienveillance commune, sont un puissant moyen
pour eux d’attaquer les préjugés contre lesquels ils ont à lutter, et pour
convertir à la défense de nos intérêts ceux-là même qui peut-être s’en
montraient d’abord les plus grands adversaires,
Voilà la position dans
laquelle est placée en ce moment la légation belge en France. Je regrette que
mon collègue le ministre de l’intérieur ne soit pas ici pour attester que sa
correspondance avec la légation belge, dans l’intérêt de nos relations
commerciales, n’est pas moins active que celle qu’entretient avec cette
légation le ministère des affaires étrangères.
Notre ministre à Paris a donc, en ce moment
surtout, pour mission d’améliorer avec
M.
Desmanet de Biesme. - Je partage l’avis du commissaire du Roi : nous devons avoir des
ministres plénipotentiaires à Paris, Londres et Berlin. Mais je voudrais savoir
quels sont les appointements des agents diplomatiques de
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Notre envoyé à Paris est agent
commercial et agent politique. C’est ce que le ministre de la justice a
parfaitement établi ; mais, comme agent politique, il a même un caractère
particulier qu’il m’importe de vous faire remarquer.
La légation de Paris est
presque une légation centrale. Nous n’avons et nous n’aurons jamais d’agents
près de beaucoup de puissances allemandes et prés de puissances lointaines.
Pour toutes les affaires que nous avons à régler avec ces puissances, nous nous
adressons à notre agent à Paris ; nous le considérons de fait comme accrédité
près des agents qui représentent ces puissances à Paris. En ce moment, par
exempte, M. Lehon est chargé de renouveler, avec
plusieurs puissances, les conventions abolitives du droit d’aubaine et du droit
de rétraction. En Danemarck, un Belge s’est vu dans
le cas de voir prélever le droit de détraction sur une succession qui lui était
échue ; le gouvernement danois a bien voulu lui accorder un sursis, pour nous
laisser le temps de renouveler la convention faite avec le royaume des
Pays-Bas, convention qui est sans effet quant au nouveau royaume de Belgique.
Ne voulant pas à cet
effet envoyer un agent à Copenhague, nous avons chargé notre ministre à Paris
d’entrer en négociation avec l’envoyé danois de cette résidence.
Ainsi, messieurs, il
faut considérer la légation de Paris non seulement comme une légation politique
et commerciale, mais encore comme une légation centrale.
Un honorable préopinant
a désiré connaître les traitements alloués aux agents des puissances égales à
Un
ministre plénipotentiaire des Etats-Unis n’a, il est vrai, que 8,000 dollars.
Le dollar fait plus de 5 francs ; mais cet agent reçoit en outre une année de
traitement pour frais de voyage et de premier établissement. Aux Etats-Unis on
a senti depuis longtemps la nécessité d’augmenter le traitement des agents
diplomatiques, et l’année dernière on a élevé des réclamations à ce sujet ; en
attendant, voici l’expédient dont on use souvent : il est rare qu’un ministre
américain reste plus de trois ans dans la même résidence, et de la sorte il
touche sur trois ans quatre fois le traitement.
Plusieurs préopinants
ont supposé qu’en votant le chiffre pour la légation de Paris, on accordait
l’allocation à une seule personne ; c’est une erreur. Le chiffre que l’on vous
propose laissera au chef de la légation la somme de 50,000 fr., car il faudra
prélever sur le chiffre de 62,000 fr. le traitement du secrétaire, le
traitement d’un attaché à la légation, et le traitement d’un commis que le
ministre est obligé d’adjoindre à ses bureaux, surtout depuis qu’il est occupé
de nos affaires commerciales.
M. A. Rodenbach. - On nous demande pour le ministre
plénipotentiaire à Paris 62,500 fr. ; c’est une
augmentation de 11,700 fr. Je désire que M. le commissaire du gouvernement se
rallie à la proposition de la section centrale qui propose le chiffre 58,000
fr., ce qui porte encore l’augmentation à un louis par jour ; par les
considérations que l’on fait valoir relativement aux intérêts commerciaux que
notre agent est chargé de soutenir, et sur le rapport de ceux de nos collègues
qui ont été à Paris, et qui rendent témoignage de l’activité que met M. Lehon à défendre ces intérêts, je voterai la somme de
58,000 fr., parce que notre pays est essentiellement industriel et commercial.
M. Dumortier. - Les Etats-Unis, qui sont bien
plus importants que
M. Nothomb, commissaire du Roi. - Non pas politiquement pour
l’Europe.
M. Dumortier. - Les Etats-Unis ne donnent que
45,000 fr. à leur agent ou 8,000 dollars ; eh bien, quand je compare ce chiffre
à celui du ministre belge, je vois 18,500 fr. en plus. Mais, dit-on, notre
envoyé n’est pas seulement un envoyé politique, c’est un envoyé commercial ;
c’est là un paralogisme, une subtilité : est-ce que notre envoyé n’est pas
notre agent relativement à tous nos intérêts ? Est-ce qu’il est double ? Est-ce
qu’il dîne deux fois ?
Si vous n’aviez pas des
intérêts à traiter à Paris, vous ne paierez pas fort cher pour envoyer faire
des révérences dans les talons de Louis-Philippe. D’ailleurs il est si peu
exact qu’il remplace un agent commercial, qu’on a été obligé d’envoyer
plusieurs de nos collègues pour donner des renseignements et soutenir nos
intérêts sur les toiles, sur la houille, sur les fers, et sur d’autres produits.
Je ne reconnais pas
l’influence des dîners : avec vos dîners avez-vous obtenu un sou de diminution
sur vos toiles, sur votre bétail, sur vos houilles, sur vos draps, sur vos fers
? Non ; ainsi ne parlez plus de l’influence des dîners.
On a cité les Etats-Unis
: aux Etats-Unis la dette est anéantie. Là on a pu augmenter les traitements
des fonctionnaires. Malgré cette augmentation, l’ambassadeur des Etats-Unis à
Paris ne reçoit que 45,000 fr., parce qu’on sait que le luxe diplomatique ne
produit rien.
L’Angleterre a envoyé
pendant plusieurs années un homme très savant en France ; et cependant elle
n’en a rien obtenu. Pourquoi ? Parce que les ministres français connaissent les
intérêts de leur pays.
Je crois que nous en
avons assez dit sur cet objet, et je demande que la discussion soit close, et
qu’on n’ait pas égard à l’influence des dîners. (On rit.)
- La clôture est
prononcée.
Le chiffre 62,500 fr.,
proposé par le gouvernement, est sur le point d’être mis aux voix par assis et
levé.
Plusieurs membres
requièrent l’appel nominal, et l’appel nominal a lieu.
Sur 67 votants, 54 ont
voté le rejet de ce chiffre et 13 en ont voté l’adoption.
Le chiffre de la section
centrale, ou 58,000 fr., soumis également au vote par appel nominal, a été
adopté.
Sur 64 votants, 57 ont
voté l’adoption et 9 le rejet.
(L’appel nominal ayant
été fait d’une manière très rapide, nous craindrions de commettre des erreurs
en hasardant une liste des votants pour et contre les chiffres qui ont été mis
en délibération.)
La séance est levée à
quatre heures et demie.