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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 13 décembre
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Vérification des pouvoirs des membres
nouvelles élus. Elections contestées de Tournay et de Soignies (Jullien) (Goblet, Duvivier)
3) Projet de loi portant le budget des voies et
moyens pour l’exercice 1833. Discussion générale. A : contribution foncière
(notamment surtaxe dans les Flandres et Anvers et/ou opérations
cadastrales) ; B : situation générale des recettes et des dépenses,
niveau général des impôts ; C : retard dans la reddition des
comptes ; D : nécessité d’une réforme du système des impôts
(patentes, impôt sur le café, le tabac, etc.) (D (d’Elhoungne),
B, financement par l’emprunt à court terme (de
Brouckere, Duvivier), A (Desmet),
droits sur les sucres et service de la douane (A.
Rodenbach, Coghen, Duvivier),
service et rayon de la douane (Hye-Hoys), financement par
l’emprunt à court terme (Meeus, Duvivier,
de Robiano), réplique générale, absence de
gouvernement responsable, société générale (Jullien),
société générale (Meeus), D, question politique générale (projet
de démission gouvernementale, unionisme) (Gendebien, F. de Mérode), C, D, A, société générale, B (Dumortier), poste aux chevaux (A.
Rodenbach, Delfosse), B, financement de la dette à
court terme, D (Coghen), (Mary, de Brouckere), B (Meeus, Coghen, d’Elhoungne, Duvivier, de Robiano, Davignon)
(Moniteur belge
n°347, du 15 décembre 1832)
(Présidence de M. Fallon, vice-président.)
M. Liedts
fait l’appel nominal à une heure moins un quart.
M. Dellafaille lit le procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
PIECES
ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Liedts fait
connaître l’objet de pétitions adressées à la chambre.
M. Fleussu demande un congé de dix jours.
- Le congé est accordé.
VERIFICATION DES POUVOIRS DES MEMBRES NOUVELLEMENT
ELUS
M. Jullien.
- Je demande la parole pour une motion d’ordre.
Messieurs, on a envoyé à la commission de vérification
des pouvoirs les procès-verbaux des élections de Tournay et de Soignies ; la
commission a été convoquée ce matin, mais elle ne s’est pas trouvée en nombre.
Sur sept membres qui la composent trois sont absents, et les feuilles publiques
annonçaient que M. Nothomb était parti chargé d’une mission pour Londres ;
c’est ce que j’ignore.
Je prie la chambre de vouloir bien décider que la
commission sera complétée au moyen du tirage au sort. Alors la commission
pourra s’occuper de son travail.
M. Poschet.
- Je me suis assuré, au ministère des affaires étrangères, que M. Nothomb sera
de retour ce matin.
- La chambre, consultée, décide qu’il sera tiré au
sort deux membres nouveaux de la commission de vérification.
Le sort amène les noms de MM. Eugene Desmet et de
Renesse pour compléter cette commission.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS
POUR L’EXERCICE 1833
Discussion générale
L’ordre du jour est la continuation de la discussion
du budget des voies et moyens.
M. d’Elhoungne. - Je ne croyais pas reprendre la parole dans cette discussion avant la
délibération sur les articles ; mais l’honorable rapporteur de la section
centrale ayant fait allusion à un mot qui m’est échappé, je saisirai cette
occasion d’ajouter quelques mots à ce que j’ai dit. L’honorable rapporteur a
cru devoir se plaindre, au nom de la commission, d’une expression échappée dans
l’improvisation qui a eu lieu ; mais en même temps il a reconnu qu’il n’était
pas dans mes intentions de blesser qui que ce soit dans l’assemblée. Cette
réflexion rend ma justification complète. Sans doute il n’est pas dans mon
caractère, et il n’est dans les intentions de personne de blesser les membres
de cette assemblée ; mais il peut échapper dans la chaleur de l’improvisation
quelques expressions hasardées. Si j’avais, comme beaucoup de membres,
l’habitude de lire de longs discours préparés à l’avance, je ne tomberais pas
dans cet inconvénient.
L’honorable orateur a ensuite voulu attaquer mon
amendement en disant qu’il renversait la loi que vous venez de rendre : toute
sa réfutation tombe à faux. Il m’a prêté un but que je n’ai pas. Le projet
d’amendement que j’ai proposé et que je modifierai probablement par suite de la
discussion, vous prouvera jusqu’à l’évidence l’erreur du rapporteur : voici
l’amendement :
« Art. 1er. Jusqu’à la promulgation de la loi des
voies et moyens pour l’exercice 1833, toutes les contributions directes et
indirectes seront perçues pendant l’année prochaine, d’après la loi du 26
décembre dernier.
« Art. 2. Néanmoins la perception des
contributions indirectes ne pourra se prolonger, sans loi nouvelle, au-delà du
30 avril 1833 ; et, quant aux contributions directes, ainsi que quant à la
redevance sur les mines, que jusqu’à concurrence de huit douzièmes.
« Art. 3. Le recouvrement de celles-ci se fera
provisoirement sur les rôles de 1832.
« Cette avance ne sera pas exigée pour les cotes et
les portions de cotes dont le contribuable aura obtenu la décharge pour 1832,
ainsi que pour les cotes foncières des propriétés inondées par l’ennemi.
« Art. 4. Les quatre derniers douzièmes ne
deviendront exigibles et les rôles définitifs ne seront rendus exécutoires
qu’en vertu d’une loi nouvelle.
« S’il arrivait que le contribuable ne fût pas
porté aux rôles définitifs ou qu’il le fût pour des sommes inférieures au
montant des paiements d’à-compte, le percepteur lui remboursera ses avances
réelles, sur le produit des premières rentrées.
« Art. 5. Il
est ouvert aux différents ministères un crédit provisoire égal au tiers des
crédits qu’ils ont obtenus pour l’exercice 1832 pour subvenir aux besoins de
l’Etat pendant les quatre premiers mois de 1833. »
Vous voyez, messieurs, que dans ce projet il n’est
nullement question de revenir sur la loi récemment votée et par laquelle la
législature a autorisé la perception anticipée des deux tiers de la contribution
foncière ; loin de là, le projet d’amendement est conforme à la loi, il se
borne à déclarer qu’au fur et à mesure des échéances, on pourra percevoir
jusqu’à la fin du huitième mois toutes les autres contributions de répartition.
Vous voyez que toutes les objections de l’honorable rapporteur tombent à faux,
parce qu’il m’a supposé des intentions que je n’ai pas.
M. H. de Brouckere. - Ayant déjà eu mon tour pour parler, je ne compte
pas prolonger la discussion générale que je désire voir arriver à son terme. Je
réserve pour la discussion des articles et pour celle des amendements les
observations qui me restent à faire, si toutefois d’autres membres ne les
présentent pas avant moi ; mais il en est une que je ne peux différer : elle a
pour objet de relever une des irrégularités qui se sont passées à la séance
d’hier.
J’avais adressé quelques interpellations à M. le
ministre des finances ad interim ; elles portaient toutes sur des faits
simples, sur des faits qu’il ne pouvait ignorer. J’avais été forcé à ces
interpellations par l’espèce de rapport présenté le 1er décembre par M. Coghen,
rapport qui nous avait induits en erreur. Or, il ne faut pas que la
représentation nationale reste dans l’erreur ; et, je l’avoue, la crainte que
les réponses que j’ai demandées n’affaiblissent le crédit public ne m’émeut
nullement : il ne faut pas que le crédit public soit établi sur des bases
fausses ; il faut que la lumière paraisse dans tout son éclat.
Cependant un honorable représentant, que je crois
étranger au gouvernement, c’est le rapporteur de la section centrale, a essayé
de me répondre, tandis que le ministre ad interim a avoué qu’il n’était point à
même de le faire. (M. le ministre fait un
signe négatif.) .
Ce que je dis n’en est pas moins vrai, puisqu’il a dit
avoir besoin, pour me répondre, d’examiner mûrement mes questions et de
conférer avec M. Coghen. Hier, il m’a encore fait un signe négatif, et je
prouverai tout à l’heure qu’il a eu le plus grand tort.
C’est donc un honorable député étranger au
gouvernement, qui a essayé de me répondre. Je respecte les opinions de ce
député en fait de finances, mais quand je fais des interpellations sur des
faits qui ne peuvent être connus que du gouvernement, je regarde les réponses qui
ne viennent pas de la haute administration comme sans importance aucune.
Je fais ces observations,
parce que je crains que M. le ministre des finances ne me croie satisfait des
espèces de réponses qui ont été faites hier ; je le suis si peu que je reproduis
aujourd’hui les mêmes interpellations avec invitation formelle d’y répondre.
Une de ces interpellations avait pour but la
connaissance de la situation réelle du trésor. Il paraît que le ministre ad
interim ne la connaît pas.
Messieurs, lorsque j’ai parlé hier de mandats à terme
qui circulaient, le ministre a fait un signe négatif.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’ai pas fait de signe négatif pour cela !
M. H. de Brouckere. - J’ai pris des informations et j’assure l’assemblée
qu’il y a des mandats à terme qu’on présente à l’escompte, et qu’on ne les
escompte que d’une manière onéreuse et très défavorable pour le trésor ; si
l’on me fait encore un signe négatif, je donnerai des preuves. Je n’insiste pas
pour que M. le ministre donne les explications dans l’instant, mais j’insiste
pour qu’elles soient données avant la fin de cette discussion.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, je déclare que si, à l’occasion de
l’allégation qui concerne les mandats, j’ai fait un signe négatif, il était
impossible qu’il pût s’appliquer à un fait aussi matériellement connu. Je n’ai
jamais eu le projet de nier l’existence de ce qui existe réellement. Ce signe
négatif a dû appartenir à une autre phrase. Je ne peux nier une chose que tout
le monde peut avoir en portefeuille ; c’est le secret de tout le monde. Ce
signe négatif n’a donc réellement pas pu porter sur cette circonstance.
J’ai répondu hier à quelques-unes des interpellations
qui m’ont été faites par l’honorable représentant qui vient de parler ; M. le
rapporteur de la section centrale a cru devoir soumettre quelques observations
sur les interpellations que j’avais laissées sans réponse : je l’en remercie.
Je ferai seulement remarquer la différence qui existe, suivant moi, entre tout
dire confidentiellement à une section centrale à une commission ad hoc, qui
représente la chambre, ou de le dire ici, où l’on parle au public, à tout le
pays, à l’extérieur même. La différence est énorme. Si je me rends dans une
commission ad hoc, dans une section centrale, pour donner tous les
renseignements possibles qui peuvent convaincre ou la commission ou la section
centrale que le projet présenté par le gouvernement doit être adopté, c’est une
chose que je ferai constamment ; mais, à coup sûr, je ne m’expliquerai jamais
avec le même abandon dans les séances publiques. Dans l’un des cas il peut y
avoir danger ; dans l’autre il ne peut y en avoir.
J’ai passé sous silence quelques-unes des
interpellations de l’honorable membre, parce que je crois qu’il n’est pas
prudent ni convenable de satisfaire à toutes les interpellations.
Oui, des mandats à terme existent, J’ai trouvé que
dans d’autres moments de gêne qu’éprouvait le trésor, cette marche avait été
suivie par mon prédécesseur ; j’ai cru devoir la suivre dans les mêmes
circonstances et par des motifs que j’ai exposés à la section centrale et
qu’elle a trouvés convenables. Je dis que je considère ces mandats à terme, au
moment où nous les avons délivrés, comme une opération, qui était
indispensable, qui n’entraînait aucun frais pour le trésor.
Quant aux autres interpellations dont l’honorable
député m’a honoré hier, j’avais prié qu’il me les donnât par écrit ; s’il me
les communique, je me retirerai à la trésorerie pour prendre des
renseignements.
M. H. de Brouckere. - Elles sont dans les journaux !
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Ce n’est pas dans les journaux que je dois les
prendre ; les journaux tronquent les opinions ; c’est une chose connue.
M. H. de Brouckere. - Eh bien, je déclare que les questions sont très
bien posées dans le Moniteur, journal
du gouvernement.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Alors je prendrai dans le Moniteur les interpellations, et je vais me retirer pour prendre
les renseignements nécessaires.
M. H. de Brouckere. - Je ne les demande pas actuellement, mais avant la
fin de la discussion.
M. de Robaulx. - Avant de voter, il faut un ministère, un gouvernement.
M. Desmet.
- Messieurs, je suis fâché que je viens encore vous ennuyer avec ce
malencontreux cadastre : vraiment je le fais contre mon gré, mais vous sentez
que je dois deux mots de réponse à M. le commissaire royal, chargé de la
défense des opérations du cadastre, qui a dit hier, avec un certain ton
d’ironie, qu’il n’avait pu comprendre ce que j’avais énoncé sur cette matière.
Je ne possède point cette faculté rare, dont est doté
si largement M. le commissaire, de rendre avec tant de clarté et de concision
les phrases qui se présentent sur ses lèvres et de déployer avec tant de
brillant cet art déclamatoire qui fait l’ornement de son esprit ; je ne possède
non plus ni son talent ni cette perfection dans la science cadastrale, par
lesquels il promène avec tant de facilité la parole dans le vaste champ du
recueil méthodique, et la communique avec tant d’agilité et d’élégance à la
droite et à la gauche de l’assemblée. Je ne puis donc que redoubler mes efforts
pour faire comprendre ce que j’ai voulu dire hier : je parlerai sans détour ni
ambiguïté ; j’appellerai chaque chose par son véritable nom.
J’ai voulu dire que la théorie de la machine
cadastrale était bonne, mais si l’un des nombreux rouages qui la composent est
brisé ou mal exécuté, l’effet qu’on en attendait devient nul.
Or, il est aisé de prouver que pas une de ces
nombreuses pièces n’est sans défaut, et que le cadastre n’aura pas même le
chétif avantage de donner une bonne carte topographique du royaume.
Beaucoup de communes n’ont pas de triangulation
parfaite.
Plusieurs sont faites sur le plan, et ne se rattachent
point aux communes voisines ; beaucoup sont mal orientées ; tout cela n’est pas
la faute des instructions, elles sont précises à cet égard.
Ce travail étant confié, dans les diverses provinces,
à une prodigieuse multitude d’arpenteurs, d’employés, d’experts, etc., plus ou
moins instruits, et qui ne peuvent se concerter pour opérer de la même manière,
est-il possible d’espérer qu’il soit fait avec uniformité et sans de très
grandes inégalités ? Ainsi, les abus succéderont aux abus, et les inégalités
actuelles seront remplacées par d’autres.
Le cadastre terminé, aucun plan ne sera juste, et il
faudrait recommencer de nouveau ; car tous les jours un mur, une maison sont
bâtis, abattus ; une haie, un bois coupés, plantés ; un terrain partagé en dix,
en cent parcelles, par héritage ; un fossé comblé, une rivière, un ruisseau
détourné, une prairie labourée, un bois desséché, etc.
Les évaluations par experts étrangers au canton sont
exécutées avec l’aide ou pour mieux dire sous les ordres de jeunes contrôleurs
dont l’inexpérience même dans le maniement d’un plan, est telle que plusieurs
ont pris le versant septentrional pour le méridional.
La ventilation de baux n’est pas sujette à caution ;
il est beaucoup de fermes où plusieurs fermiers se ruinent successivement
depuis beaucoup d’années ; en outre ce qui prouve que les bases d’estimation
sont très fautives, ce sont ces immenses différences d’une commune à une autre,
dues surtout à l’ignorance et à la précipitation avec laquelle sont faites les
expertises.
Une grande cause de l’imperfection du cadastre est le
mode de salarier ses employés à tant par parcelles ; le géomètre se hâte
d’arpenter, l’ingénieur vérificateur se hâte de vérifier, le contrôleur se hâte
d’expertiser, l’expert se hâte d’évaluer, le directeur se hâte de mettre son
visa sur l’ouvrage ; car chacun d’eux est intéressé à approuver l’opération
qu’il est chargé de vérifier, contrôler, diriger, etc.
C’est ici que j’ai voulu dire que les directeurs étaient
incompétents pour juger des opérations du cadastre, et j’aurais dû ajouter que
le cadastre entier n’offre qu’une suite non interrompue d’incompétence. Par
exemple, le vérificateur n’est-il pas incompétent pour vérifier les plans du
géomètre, puisqu’en les rejetant il perd ses 30 centimes par arpent et ses 7
centimes par parcelle ? Le contrôleur n’est-il pas incompétent pour juger d’une
opération graphique, l’expert pour évaluer un terrain qu’il doit n’avoir jamais
vu en rapport, et l’inspecteur aussi n’est-il pas incompétent, puisqu’il
n’examine le tout que dans son bureau ?
C’est un grand principe généralement adopté dans toute
bonne administration, c’est de ne placer jamais l’homme entre sa conscience et
son intérêt ; or, il eût fallu allouer une prime aux vérificateurs,
contrôleurs, inspecteurs, pour chaque erreur qu’ils auraient signalée, et on a
fait tout le contraire en ne les payant que pour les plans qu’ils ont trouvés
bons.
Parlerai-je du traitement exorbitant des ingénieurs
vérificateurs, qui s’élèvent souvent à 10, 15 et 20,000 fr. par année, surtout
pour les extraits de plans dont ils s’arrogent tout le produit, tandis qu’il
devrait en entrer une portion dans les coffres de l’administration.
Mais, cependant, dit-on, vous ne pouvez rien dire du
fort traitement des vérificateurs, ils ont des tournées à faire : je les
connais ces tournées, elles sont des promenades de quelques lieues faites par
un temps choisi et très propre à ouvrir l’appétit ; heureusement qu’ils
trouvent comme Frontin, chez le géomètre qu’ils visitent, un bon dîner.
Mais, cependant, ils ont une feuille d’état de
situation à expédier tous les mois, et de grands frais de bureau. Ces grands
frais de bureau consistent en deux, ou trois enfants de pauvres gens, vivant
d’espoir en pinçant des parcelles à 4 centimes la pièce, en un copiste
dessinateur, d’abord très peu payé, puisqu’il ne fait que commencer, ensuite
diminué graduellement à mesure qu’il acquiert de l’utilité et augmente le
nombre des copies.
Je le répète, le cadastre est une
belle théorie, aussi inexécutable que la paix perpétuelle de l’abbé de
Saint-Pierre, que la liberté illimitée du commerce, que la trouvaille du
mouvement perpétuel, que la fixation de la quadrature du cercle, etc., et je
crois que les gouvernements feraient très sagement d’en délivrer les Etats et
de songer à d’autres moyens pour trouver un mode plus ou moins parfait pour
égaliser la taxe des propriétés foncières ; j’en ai parlé hier, je me
dispenserai d’en faire la répétition aujourd’hui. Et si vous voulez, messieurs,
vous assurer de ce que j’ai pris la liberté de vous avancer, faites-vous donner
ce détail de l’atlas circulaire et des motifs de son invention, et faites
arriver du camp ennemi quelque adroit transfuge : celui-là vous éclairera plus
en un quart d’heure que vous ne le serez par dix années de débats. Il vous dira
:
« Le cadastre est une corporation ; nous trouvons
de grands profits à le conserver, et quand il sera fini, nous nous réservons
des sinécures pour entretenir les mutations dans tous les chefs-lieux de
canton, même dans chaque village ; nous combattons donc pro aris et
focis. »
M. A. Rodenbach. - Messieurs, les débats de la chambre des députés de France nous ont fait
connaître que les primes à l’exportation, sous la forme des drawbacks coûtent,
en 1832, pour le sucre seul, 20 millions de francs à l’Etat. Vous n’ignorez
pas, sans doute, messieurs, qu’il s’infiltre en Belgique pour plusieurs
millions de ce sucre, notamment dans les Flandres. Cette contrebande n’est
nullement surprenante, puisque le gouvernement français accorde une prime
d’exportation de 120 francs par 100 kilogrammes. C’est surtout dans les
arrondissements de Courtray et d’Ypres que cette scandaleuse fraude se pratique
journellement. Il y a quinze jours que j’ai quitté cette frontière, je parle
donc avec connaissance de cause. J’ai vu vendre dans la Flandre occidentale des
milliers de kilogrammes de sucre français, telle qualité, à raison de 64 centimes
le demi-kilo. Dans ma province on ne consomme plus que du sucre français. Les
raffineurs négociants de Gand et d’Anvers n’y trouvent plus de débouchés.
Il leur est impossible de soutenir la concurrence, car
le sucre brut en entrant en Belgique paie, je crois, 9 florins les 50 kilog. M.
le commissaire du gouvernement, administrateur-général de la douane,
m’obligerait de bien vouloir dire à la chambre à quoi il faut attribuer ce
trafic si onéreux à notre commerce et si destructif pour nos fabriques. Ne pourrait-on
pas l’attribuer à la suppression du second rayon de douanes ? Je prierais
également M. le commissaire de bien vouloir dire comment il est possible qu’au
mois d’août on ait pu faire entrer frauduleusement en plein jour, dans la ville
de Menin, pour plus de 160,000 francs de marchandises. Au besoin, les habitants
de cette ville certifieraient qu’ils ont vu des bandes de porteurs pousser leur
inconcevable hardiesse jusqu’à entrer par les portes de la ville.
Depuis quelque temps la rouennerie, les toiles de
Jouy, de Mulhausen ; les draps de Louviers, les soieries de Lyon, les
marchandises de Tourcoing et de Roubaix, sont introduits en masse dans la
Flandre, d’où on les expédie sur Gand et Bruxelles. Les esprits d’eau-de-vie
s’infiltrent de même abondamment. J’en vois, d’ailleurs, la preuve dans le
tableau des voies et moyens. Les eaux-de-vie étrangères ne rapportent à l’Etat
que 300,000 francs, tandis que si ce liquide payait intégralement le droit, il
produirait plus de 1,500,000 fr.
Je sais parfaitement bien que
le ministre me dira que les trois premiers trimestres de 1832 ont rapporté
4,681,776 florins de plus qu’en 1831. Cela ne m’étonne point, d’abord parce que
les évaluations ont été faites beaucoup trop basses en 1831 ; d’ailleurs
c’était une année de révolution dans le premier semestre ; les employés
n’osaient même pas remplir leur devoir. Faire un parallèle avec des époques
insurrectionnelles, c’est jeter aux yeux de la poudre ministérielle ; mais
qu’on remonte aux années antérieures, et l’on verra que les produits indirects,
pour la Belgique, s’élevaient à plusieurs millions de plus qu’en 1832.
M. Coghen.
- Je demande à répondre pour un fait personnel. L’honorable M. Rodenbach vient
d’attaquer l’administration que j’ai eu l’honneur de diriger, et d’une manière
si violente que je ne peux garder le silence. Il a dit que, pour subtiliser la
chambre, nous avions pris les bases au plus bas ; non, messieurs, nous avons
pris les bases comme nous devions les prendre ; nous avons pris l’exercice
précédent, et nous ne pouvions pas en prendre d’autre.
M. A. Rodenbach. - Mais l’année 1831 était une année de révolution ; les préposés des
douanes n’osaient pas remplir leurs fonctions. On dit qu’en 1832 les douanes
ont rapporté 4 millions 600 mille florins ; ce chiffre éblouit ; mais qu’on se
reporte à l’année 1827, et l’on verra que les impôts indirects ont rapporté
davantage.
Je prie M. l’administrateur-général de répondre sur
les faits relatifs à Nemin.
M. le commissaire du Roi.
- C’est à la grande proximité du territoire que les sucres entrent ; mais ceux
qui rentrent sont des sucres sortis de la Belgique et qui ont pays des droits
d’accises. La loi générale ne donne aucun pouvoir pour reconnaître la marchandise
quand elle est dans les villes d’une certaine population comme dans les villes
fermées. Menin étant sur l’extrême frontière lorsqu’une fois la marchandise est
entrée elle ne peut sortir librement ; mais c’est un point qui sera mûrement
examiné dans le projet de loi qui remplacera la loi générale.
M. Jullien.
- Je n’entends pas que M. l’administrateur-général se soit expliqué sur le fait
de la ville de Menin.
M. le commissaire du Roi.
- Le fait m’est inconnu.
M. A. Rodenbach. - A Bruges et dans toute la Flandre occidentale nous
ne consommons plus que des sucres français. On vend publiquement le sucre 64
centimes le demi-kilo, sucre de la première qualité. C’est la suppression du
second rayon de douanes qui favorise cette fraude. C’est du moins ce que je
crois.
Je demanderai si dans le mois d’août ou dans le mois
de septembre il n’y a pas eu de rapport transmis à l’administration sur les
faits que je signale. En plein jour il y a eu pour 160 mille francs de
marchandises entrées en Menin.
Ne peut-on pas supprimer cette liberté accordée à
certaines villes ? Je crains que les lois ne soient par trop élastiques. Je
demande une réponse catégorique : est-il permis de frauder à la ville de Menin
?
M. le commissaire du Roi. - Nous ignorons complétement la fraude dont on
parle. Quant à pouvoir empêcher de sortir la marchandise une fois qu’elle est
entrée, cela est impossible ; c’est un défaut de la loi en vigueur et qu’il
faudra réformer dans le projet que l’on soumettra aux chambres.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Si une fraude faite par ventes considérables, et
pour ainsi dire à main armée a eu lieu, je ne sais...
M. A. Rodenbach. - Elle a été faite en plein jour.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Eh bien, cela est impossible à Menin, car les
employés auraient dressé un procès-verbal. Si c’est de nuit, c’est impossible
encore parce que la ville est close, c’est une place de guerre. Une pareille
opération ne pourrait se tenter, comme on dit, à la barbe des Athéniens, ou à
la barbe des douaniers ; c’est physiquement impossible : il en aurait paru des
traces, et il n’y en a aucune.
M. Hye-Hoys.
- Messieurs, je désire faire quelques observations sur notre système de douane
et accises.
Dans la séance du 29 mai dernier, lors de la
discussion du projet de loi relatif aux lignes de douanes, j’ai eu l’honneur de
vous dire que je doutais beaucoup que le gouvernement obtînt le but qu’il se
proposait, en supprimant le second rayon ; je demandais alors à M. le ministre
des finances s’il croyait qu’en effet une seule ligne renforcée suffirait pour
arrêter la fraude ruineuse qui se faisait sur la frontière.
L’expérience a malheureusement prouvé aujourd’hui,
messieurs, qu’en votant cette loi, nous nous sommes grandement trompés, et
qu’au lieu d’avoir amélioré le système, on l’a empiré ; il n’y a qu’une voix
là-dessus, et l’administration locale en convient elle-même : la fraude se
commet avec moins de difficulté qu’auparavant et surtout par la frontière de
France.
Si le produit du trésor a amené une augmentation, il
faut plutôt l’attribuer à une amélioration momentanée dans le commerce.
Enfin, messieurs, je n’hésite
pas à vous manifester mon opinion sur la loi générale des douanes du 26 août
1822, que je considère comme devant être entièrement refondue, tant sous le
rapport des principes, que sous celui de sa rédaction.
Mais il faudrait avant tout, comme je l’ai dit dans
une autre occasion, poser les bases du système commercial à adopter pour la
Belgique, ayant égard à sa position topographique.
J’ai émis de plus le vœu de voir s’établir une douane
forte et productive pour l’Etat, en imposant le café, le tabac et autres
denrées coloniales, mais éminemment libérale eu ce qui touche les entrepôts, et
le transit, afin d’étendre nos relations commerciales avec toutes les nations,
donner à notre marine marchande des éléments de vie, tout en consacrant à notre
industrie agricole et manufacturière la protection relative que le système
suivi par nos voisins pourrait réclamer.
M. Meeus. - Messieurs,
on a soulevé tout à l’heure une question qui m’oblige à prendre la parole. On a
parlé des mandats à terme qui ont été émis par le ministre des finances. Une
chose s’est présentée de suite à ma pensée : ces mandats à terme peuvent-ils
être émis et le crédit de la Belgique peut-il dépendre d’une imprudence du
ministre ? Ces mandats, qui en ce moment circulent dans plusieurs villes du
royaume, sont extrêmement dépréciés, je suis fâché de le dire ; mais puisque
c’est un fait public, connu de tout le monde, on peut également le dire à cette
assemblée. Messieurs, lorsque des mandats à deux mois, à six semaines de terme
se font et se négocient en ce moment, sont présentés à l’escompte de 6 p. c.
plus un demi p. c. de commission, je vous demande comment il est possible de
pouvoir fonder le crédit de la Belgique. Cependant, messieurs, vous êtes tous
persuadés de cette vérité, que l’une des choses essentielles pour un pays,
c’est de bien asseoir son crédit public. Ce crédit est non seulement utile à
l’Etat, mais encore il est utile à toutes les classes de l’Etat, il l’est au
commerce, à l’industrie, Quiconque a étudié les questions d’économie politique,
d’économie sociale, ne peut mettre cette vérité en doute.
Je demande que l’assemblée porte une sérieuse attention
sur ce sujet ; je crois qu’il ne peut pas être permis à un ministre de pouvoir
déprécier le crédit public : voulez-vous créer des bons du trésor ;
voulez-vous, comme la France, l’Angleterre, avoir une dette flottante, j’y
souscrirai pour ma part ; mais alors il y a des limites tracées que le
gouvernement ne pourra point franchir.
Aujourd’hui que résulte-t-il des émissions de bons ?
Les entrepreneurs viendront demander 10, 15 p. c. de plus ; car, s’ils ne
peuvent compter sur le paiement exact, ils rançonneront le gouvernement.
Messieurs, j’espère que l’assemblée réfléchira
mûrement sur cette question ; elle est à mon avis d’une très grande urgence.
Dans le moment actuel, lorsque l’on vient de parler de
la pénurie du trésor, il est essentiel de savoir jusqu’à quel point le ministre
peut compromettre le crédit ; il faut le lier, il faut, sans doute, que les
caisses de l’Etat soient pleines ; rien de plus sage, de plus nécessaire ; mais
que l’administration ne compromette pas le crédit de la Belgique.
On a parlé de la situation de nos finances. J’avoue
que je ne puis, ni par addition, ni par soustraction, ni par règle de trois,
contrôler ce qui a été dit.
Cependant je ne puis me
persuader que lorsqu’on vient déclarer que les caisses sont vides, on puisse être
tranquille sur le paiement des 12 millions de l’emprunt. Ce que le ministre a
dit à cet égard ne m’a pas satisfait du tout. J’ai compris qu’une partie de
l’emprunt de 12 millions n’était pas exigible ; mais cette seconde partie de
l’emprunt, portée en ligne de compte par M. Coghen, ne peut faire balance, s’il
y a un paiement à effectuer. Je prie le ministre de vouloir bien éclairer la
chambre sur ce contrat.
On a dit qu’il y avait danger d’éclairer la nation sur
la situation, de nos finances ; moi je dis le contraire. Déclarer ce qu’il y a
en caisse jusqu’au dernier centime, c’est la manière de former le crédit.
M. le ministre des finances (M. Duvivier). - Je demanderai si, dans une maison particulière, on
déclarerait tout ce qui s’y fait et tout ce qui ne s’y fait pas ; je crois que
c’est une grande discrétion qui fonde le crédit.
Relativement à la situation du trésor, j’en laisse la
défense à celui qui l’a exposée.
Quant à la seconde partie de l’emprunt, comme c’est M.
Coghen qui l’a commencée, je lui laisse encore sur ce point les explications
qu’il y a à donner.
Relativement
aux mandats à terme, il a bien fallu continuer d’y avoir recours, et ce n’est
pas par imprévoyance, mot dont on se sert si souvent dans cette enceinte et qui
n’est pas applicable aux ministres dans la circonstance dont il s’agit ; il y a
au contraire prévoyance de la part du ministre. On a tâché d’imiter ici ce qui
se passe dans des pays voisins, c’est-à-dire, d’instituer les bons du trésor :
mais comme il fallait s’assurer au préalable comment on placerait ces bons du
trésor, on a eu recours à une maison de banque. Du reste, je ne manquerai pas à
la discrétion, et je n’irai pas dire ce que je dois taire ; pour se mettre ici
à nu, c’est ce que je ne ferai pas.
Quant à la banque, il est incontestable qu’elle doit
de l’argent au trésor.
M. de Robiano de Borsbeek. - Il n’y a pas de crédit possible avec toutes ces
indiscrétions.
M. Jullien.
- J’ai peu de mots à répondre à M. le rapporteur de la section centrale. Il
s’est fortement appuyé sur l’opinion des sections, et c’est en général sur
cette opinion qu’il a basé celle de la section centrale. Je crois, messieurs,
que nous devons réduire cet argument à sa juste valeur. Sans doute, si les
sections avaient été convenablement consultées, si elles avaient émis
régulièrement leur avis, leur opinion, quoique liberté soit donnée à tout le
monde d’en changer dans la discussion, cette opinion pourrait être très respectable.
Mais vous savez tous qu’il n’en a pas été ainsi. J’ai l’honneur d’être
président de la 4ème section, et je déclare que je n’ai jamais pu réunir plus
de 3 à 4 membres.
Cependant, il faudrait, au moins, que l’examen du
budget y eût été fait à la majorité des membres, d’où je puis inférer que cette
opinion des sections qu’on a tant fait valoir, peut se restreindre à un
roulement de 25 ou 30 membres (murmures)
qui ont donné isolément leur opinion. Si je me trompe, on rectifiera ce que
j’avance ; mais je suis autorisé à parler ainsi d’après ce qui s’est passé dans
ma section, et je crois qu’il en a été de même dans les autres. Ainsi qu’on ne
vienne pas nous opposer l’opinion des sections en disant que la section
centrale n’a fait qu’exprimer l’avis de la majorité de la chambre, car cela
n’est pas exact.
M. le rapporteur a répondu à ce que nous avions dit
des vices de la loi des patentes et à la proposition que nous avions faite d’y
substituer l’ancien système, que la loi
de brumaire an VII est soumise à une révision dans ce moment en France, et que,
par conséquent, on aurait tort d’y revenir. Mais je ferai remarquer que nos
critiques ont porté principalement sur la faculté arbitraire qu’ont les agents
du fisc de hausser ou de baisser le taux des patentes, tandis que c’est la loi
seule qui doit fixer l’impôt qui doit peser sur les patentables. Il est
certain, messieurs, qu’on ne devrait pas laisser à la volonté ou aux caprices
d’un contrôleur le pouvoir d’augmenter ce que doivent payer les contribuables sur
une échelle de 17 degrés. Voici les vices que nous signalions, dont nous
voulions voir la répression, et je soutiens encore qu’il est très facile de les
faire disparaître.
Je me suis plaint aussi de l’abus qui résultait du système
de droit des barrières, parce que ce système impose aux villes les frais de
réparation des routes de traverse, tandis que c’est le gouvernement qui touche
le montant de la perception faite par ces barrières, de sorte que les bénéfices
sont pour l’Etat et les charges pour les villes. J’ai dit que c’était au
ministère à détruire ce qui a été établi par l’ancien gouvernement ; car c’est
un arrêté qui a établi cette innovation, et ce qu’un arrêté a fait, un arrêté
peut le défaire. J’ai donc éveillé l’attention de MM. les commissaires sur une
injustice qui peut encore être réparée lors de la confection du budget et même
auparavant, puisque ce n’est plus qu’une mesure d’administration.
Je passe, messieurs, à une observation judicieuse qui
a été faite hier par l’honorable M. de Brouckere, et à laquelle la chambre
paraît n’avoir pas fait assez d’attention, c’est qu’il est inouï dans les
fastes parlementaires qu’on présente et qu’on discute un budget en l’absence
des ministres, ou plutôt lorsqu’il n’existe pas de gouvernement.
Et en effet, messieurs, qui peut demander un budget ?
C’est le gouvernement ? Qui reçoit les fonds, qui les dépense ? C’est encore le
gouvernement : il faut donc qu’il soit là pour demander et pour recevoir.
Dans la bataille du budget, c’est le pays qui se
trouve en face du gouvernement ; c’est dans cette occasion solennelle qu’on
peut demander compte aux ministres de leurs actes, qu’on a le droit de les
censurer et de leur indiquer une autre ligne de conduite ; c’est alors qu’on
peut imprimer à la marche du gouvernement un mouvement, une direction plus
conformes aux intérêts généraux et à l’opinion du pays ; mais comment
voulez-vous que cette lutte s’ouvre, s’il ne se présente pas de combattants ?
Je prends pleine justice aux excellentes intentions de
M. le ministre des finances ad interim, j’apprécie tout le fruit que nous
pourrons tirer des renseignements qui nous seront donnés pas les honorables
commissaires qu’il a appelés à son aide ; mais tout cela ne fait pas un
gouvernement.
Ces observations doivent suffire, messieurs, pour vous
avertir qu’il est de votre dignité de suspendre, dès à présent, toute
discussion générale sur des budgets qui n’ont pas de défenseurs, pour ne nous
occuper que de donner au gouvernement, quel qu’il soit, quelques douzièmes pour
vivre ; c’est, dans la position étrange où il lui a plu de nous placer, tout ce
que nous lui devons.
A l’occasion des mandats à terme, l’honorable M. Meeus
vient à l’instant de vous dire que, dans l’état précaire où se trouvaient nos
finances, et tout en critiquant l’administration financière, il fallait aider
l’Etat de tous nos moyens, et que, quant à lui, il était tout disposé à le
faire. Je crois en effet, messieurs, que personne n’est que lui à même de
mettre à exécution ces bonnes dispositions, car l’honorable collègue est, je
crois, gouverneur de la banque, et, si je suis bien informé, la banque doit
aujourd’hui à l’Etat 2,500,000 florins. Voilà donc une belle occasion de
montrer sa bonne volonté, et ce secours qui nous viendrait à propos, nous
dispenserait peut-être de demander à la nation de nouveaux sacrifices, ou du
moins de lui imposer des charges aussi dures.
On parle de cette dette de la
banque comme d’un mystère, et je vous avoue que je ne conçois pas cette grande
circonspection, car en définitive la banque est le caissier de l’Etat, et quand
l’Etat va puiser dans sa caisse et qu’elle réclame un solde, convient-il bien
que le caissier le renvoie aux tribunaux ? Un peu plus de franchise
conviendrait mieux. La banque doit ou elle ne doit pas : si elle doit, il faut
qu’elle paie, et elle ne peut le faire plus à propos. Je provoque de nouveau,
messieurs, une explication sur ce point, et qu’on y mette un peu de cette bonne
foi, de cette rondeur qu’on est toujours heureux de rencontrer en fait de
contestations de finances.
Quant au budget, j’ai déjà dit quel serait mon vote ;
j’adopterai les amendements qui auront pour but de donner au gouvernement le
moyen de subvenir provisoirement à ses besoins.
M. Meeus. - Vous
comprendrez facilement, messieurs, combien ma position est fausse. Cependant ce
que vient de dire l’honorable M. Jullien me force à prendre la parole et à dire
quelques mots relativement à la banque. M. Julien a avancé que la banque
redevait deux millions 400,000 francs, et voyant les bonnes intentions que
j’avais d’aider le gouvernement, il a ajouté : Rien n’est plus simple que la
banque verse cette somme dans les caisses du trésor. C’est merveilleusement
raisonner. Mais il faudrait d’abord prouver que la banque dût réellement ces
deux millions 400 mille francs.
On a parlé des tribunaux, messieurs. C’est moi qui ai
dit que si la banque devait, il était étonnant que, depuis deux ans, on ne
l’eût pas fait payer. Pourquoi tous les ministres qui se sont succédé, et
surtout celui qui avait les plus grandes connaissances en matière de finances,
je veux parler de M. Charles de Brouckere, pourquoi tous ces ministres ont-ils
reculé devant la liquidation ? Ils ont reculé parce qu’ils ont vu que, compte
fait, ce n’est pas la banque qui devrait, mais qu’on devrait à la banque (mouvement). Je ne puis parler au nom de
la direction de la banque ; vous savez que cette direction est confiée à un
gouverneur et à 6 directeurs, et c’est d’elle que doivent émaner tous les
actes. Personnellement, je ne puis donc rien dire ici ; mais je suis persuadé
que si le gouvernement proposait à la banque de nommer, dans cette assemblée,
une commission ou des arbitres, pour juger la question de savoir si elle doit
ou ne doit pas, elle s’empresserait de donner une preuve de sa loyauté en y
consentant, et je ne doute pas que l’avis de ces arbitres ne fût semblable au
mien.
Quand on peut s’expliquer avec autant de franchise, il
est étonnant qu’on entende parler de la banque d’une manière aussi acerbe. Je
vais vous dire le nœud gordien de l’affaire. (Marques d’attention). Jusqu’ici vous savez que la banque a fait le
service de caissier de l’Etat ; elle le faisait sous l’ancien gouvernement, et
elle est comptable vis-à-vis de celui qui le remplace de sa gestion.
Depuis, tous les gouvernements
qui se sont succédé en Belgique, je veux parler du gouvernement provisoire, de
celui du régent, et du gouvernement définitif sous lequel nous vivons, tous ont
demandé à la banque de faire le service de caissier de l’Etat. Le contrat passé
en dernier lieu par M. Ch. de Brouckere, alors ministre des finances, expirait
en 1831. J’ai écrit une lettre pour savoir si nous restions caissiers de
l’Etat, parce que si nous ne restions pas caissiers, il était juste de prévenir
un grand nombre d’employés qui font ce service. N’ayant point reçu de réponse,
j’envoyai le 23 novembre une lettre de rappel. Enfin hier je me suis adressé
directement au Roi ; mais, messieurs, je sais que toutes les voix des ministres
s’élèvent contre ce service. Eh bien ! qu’il me soit permis de le dire, il faut
que cette question se décide promptement : les caisses de l’Etat sont-elles
toujours placées dans les mains de la banque, oui ou non ? Si l’on croyait
qu’il valût mieux rétablir un système que l’ancien gouvernement regardait comme
déplorable, si l’on croyait qu’il fallût enlever les caisses de l’Etat des
mains de la banque, elle sera la première à s’y soumettre ; son seul but est
d’être utile à l’Etat.
D’après ces explications toutes simples, toutes
franches, je crois qu’il n’y a rien à répondre, et si l’on veut marcher avec
autant de franchise, la question sera bientôt décidée.
M. Gendebien.
- Je ne vous entretiendrai pas longtemps du budget, parce que d’une part je
crois qu’on a dit dans la discussion tout ce qui pouvait être dit, et que de
l’autre je suis tellement convaincu de l’inutilité de nos paroles et de nos
réclamations qu’en vérité cela ne vaut pas la peine de prolonger ces débats. Je
vais seulement motiver mon vote, qui sera négatif. Toutefois, pour ne pas
donner lieu à certains hommes de calomnier mes intentions, car je sais qu’on
les calomnie, je déclare que j’accorderai au gouvernement les moyens
nécessaires pour marcher jusqu’à ce que nous soyons mis à même de voter un
budget définitif ; mais je n’allouerai que les moyens rigoureusement
nécessaires.
Il y a un an, à pareille époque, nous ne voulions
accorder au gouvernement qu’une perception des impôts existants de trois, de
quatre ou de six mois au plus. Que nous répondrait-on ? Qu’il est impossible de
diviser le budget des voies et moyens. Nous avons démontré, au contraire, que
c’est la chose la plus facile pour peu qu’on eût de la bonne volonté. Eh bien !
pour neutraliser la précaution que nous voulions prendre, on nous a promis des
lois nouvelles à l’effet de faire disparaître le système désastreux qui a amené
la révolution, et qui amènerait une seconde si l’on n’y prenait garde. On nous
a dit : « Comment ! Vous êtes disposés à accorder une perception de six
mois ! Mais le gouvernement est à même de faire cesser la perception de l’impôt
actuel avant six mois et de changer le système avant la fin de l’année. »
Nous répliquions que si l’on ne mettait pas le
ministère en demeure, si l’on ne fixait pas un terme après lequel il devait
rendre compte, il ne ferait rien, s’endormirait dans une douce quiétude et nous
proposerait peut-être encore le même impôt l’année suivante, en disant que les
circonstances ne permettent pas de changer le mode de perception.
Eh bien ! Ce que nous prédisions l’année dernière se
réalise aujourd’hui. On vous a proposé un budget des voies et moyens, et on est
venu nous dire que ce n’était pas le moment de rien changer. Mais, ministres du
Roi, qu’avez-vous donc fait depuis un an ? Qu’avez-vous fait pour adoucir le
sort du peuple ? Car l’impôt pèse surtout sur les classes moyennes.
Rappelez-vous les réclamations qu’on élevait dans les états-généraux. Il y a
beaucoup de membres de ce corps ici présents, qui pourraient aujourd’hui
reproduire leurs anciens discours.
Certes, l’on peut s’étonner qu’après deux ans et demi
de révolutions le même système existe encore. Il est temps enfin de sortir de
ce cercle vicieux ; il faut une bonne fois dire au gouvernement, sans pour cela
vouloir l’entraver : Après telle époque vous ne marcherez plus si vous
n’adoptez une marche plus régulière, plus conforme aux intérêts généraux et aux
vœux de la nation. Eh bien ! pour cela il y a un moyen bien simple. C’est
d’admettre l’amendement de M. d’Elhoungne. Mais je déclare que sans cela, et
dût la marche du gouvernement être arrêtée dès le 1er janvier, je voterai
contre le budget tel qu’il nous est présenté, parce qu’il est vraiment
scandaleux qu’un peuple aussi généreux et qui a supporté tant de sacrifices,
soit forcé de subir, pendant une année, les conséquences du système qui l’a
porté à la révolution.
On vous a fait remarquer la position fausse dans
laquelle nous sommes de discuter le budget sans ministère. Celui qui nous avait
fait des promesses à la dernière session n’existe plus. Ce ministère qui lui a
succédé est également passé, et l’on dit qu’il y a impossibilité d’en former un
autre. On a osé prononcer que les 42 démolisseurs (et ici je ne veux point
parler des journaux, c’est un ministre du Roi qui s’est permis de donner cette
épithète à la majorité de la chambre, car les 42 formaient la majorité), on a
proclamer, dis-je, que les 42 démolisseurs n’étaient pas capables de
reconstruire. Mais, messieurs, est-ce à l’opposition à constituer un ministère
Si l’opposition s’était occupée de la formation d’un cabinet, aujourd’hui que
l’on calomnie ses intentions sans discuter le moindre fait, on aurait insinué
ce qu’expriment certains journaux que les abonnés ne paient pas bien
certainement, qu’elle ne combattait et n’accusait, sans cesse, que pour se
donner des portefeuilles. Et vous croyez satisfaire le public, lorsque vous
n’êtes en état de réaliser aucune des promesses qui nous ont été faites ; vous
croyez satisfaire le public en calomniant les hommes qui n’ont rien demandé,
qui n’ont rien voulu que le bien de leur pays, et qui détestent les intrigants
et les intrigues plus encore pour eux-mêmes que pour ceux qui veulent en
profiter !
Impossible de constituer un ministère ! Et quel est
l’homme qui accuse la majorité d’avoir démoli le gouvernement ? C est celui-là
même qui a démoli à lui seul tout un ministère, qui en a fait sortir quatre
d’un trait de plume ; un cinquième est resté, mais parce qu’il était en quelque
sorte inamovible par essence. Et je le prouve : lorsque M. Goblet est venu
avec un nouveau système, aucun des membres qui formaient le cabinet n’a voulu
contresigner sa nomination. Eh bien ! c’est l’homme qui nous accuse d’être des
démolisseurs qui a fait 40 lieues pour signer la démission de ses anciens amis.
Voilà avec quelle légèreté on traite la nation : car
les véritables représentants de la nation étaient les 42 qui formaient la
majorité puisque dans les 44 se trouvaient trois ministres.
Non content de nous calomnier, on veut encore ameuter
le peuple contre nous ; mais on n’y réussira pas. Les hommes contre lesquels on
veut ameuter le peuple ne l’ont jamais trompé ; ils ont toujours dit la vérité
; ils ont annoncé des suites funestes, au risque de déplaire. Plût à Dieu
qu’ils eussent été convaincus d’avoir eu tort ! Mais leurs prédictions se sont
accomplies ; d’autres s’accompliront encore.
Ainsi, d’après vous, il serait impossible de former un
ministère ? A moins de supposer que, sur 4 millions d’hommes, dont l’éducation
peut se comparer à celle de tout autre peuple, et dont la civilisation est
aussi avancée que celle d’aucune autre nation, à moins de supposer que parmi
ces 4 millions d’hommes il n’y en ait pas trois qui soient capables, je ne
conçois pas qu’on puisse adresser à l’opposition cette calomnie, qu’elle n’a
fait tomber le dernier ministère que pour désorganiser le gouvernement et
compromettre l’avenir du pays.
On va jusqu’à diviser la chambre, et bientôt ce sera
la nation, en catégories : ce sont des catholiques purs, des libéraux purs ou
des unionistes libéraux. En sommes-nous donc revenus au temps où van Maanen
appliquait son système machiavélique ? Ce que je prédis aujourd’hui, messieurs,
c’est que les Libry et les Durand reprendront bientôt leur place en Belgique.
Je ne crois pas que jamais les Libry et les Durand auraient osé calomnier la
majorité de la chambre, comme le font, aujourd’hui, certains journaux. Et je le
répète, ce ne sont pas des abonnés qui paient ces journaux. Chacun est libre de
deviner la source où l’on puise les fonds nécessaires pour faire circuler les
imputations calomnieuses que l’on y insère.
Quant à moi, je n’accepte aucune catégorie. Il fut un
temps où je me proclamais de l’union, alors qu’il y avait danger à le faire.
Mais aujourd’hui que, pour plaire à certains hommes, et pour captiver les
faveurs de certaines catégories, chacun proclame hautement appartenir à
l’union, je ne la déserte pas, mais je m’abstiendrai, et je ne me donnerai
jamais la peine de répondre aux calomnies qu’on pourrait déverser sur moi à ce
sujet.
Messieurs, je pense qu’il est temps que le
gouvernement ouvre les yeux. Depuis 18 mois, chacun doit se rappeler qu’il
n’est genre de calomnies qui n’aient été lancées contre tous les hommes que
l’on craignait ou que l’on croyait devoir craindre. On les a traités de
bonapartistes, d’orangistes, d’unionistes ou de dupes.
Messieurs, ne divisons pas la nation ; il y a déjà
assez d’éléments de discorde à la suite d’une révolution. Tâchons de nous réunir
et de présenter aux ennemis du dehors une masse imposante. Tous les hommes de
bonne foi dans le gouvernement, car il en est, ont reconnu que cette opposition
tant calomniée a rendu plus de services au pays que les hommes d’Etat, ou qui
se disent tels ; car si cette opposition avait accédé à toutes les propositions
du gouvernement, le vaisseau de l’Etat aurait déviré si lestement, que nous ne
la tirions plus en vue.
Mais, grâce à cette opposition injuriée, les
puissances ont reculé devant ces menaces imposantes, car elles savent en
définitive que la masse du peuple est représentée par cette opposition, et que,
lorsqu’ils parlent, ses membres ont derrière eux, pour les appuyer, la parte
saine de la nation. Elles ont à craindre, et pour raison, qu’une nouvelle
démonstration populaire ait lieu ; elles ont à craindre que les masses disent
enfin : Nous sommes 4 millions d’hommes, nous avons déjà vaincu, et nous
vaincrons encore ; consultez l’exemple d’un peuple voisin, vous y trouverez la
preuve que l’opposition a rendu les plus grands services à l’Etat.
Voyez la Hollande : qui empêche d’accabler cette
poignée d’hommes ? Leur énergie qui a inspiré la crainte. Et pourquoi craint-on
la nation hollandaise ? Parce qu’on appréhende qu’elle ne finisse par faire ce que
nous avions bien plus de raisons qu’elle de faire ; c’est-à-dire, menaces de la
guerre générale. Cette guerre générale, messieurs, est plus à craindre pour les
souverains que pour nous. Nous avons, à la vérité, perdu un temps précieux et
opportun, pour en courir les chances ; mais ils savent bien que, du jour où il
faudra faire appel à l’énergie populaire, il y a encore des hommes qui sauront
sacrifier tous leurs intérêts, et jusqu’à leur existence pour faire triompher
la cause de la liberté. Que l’on cesse de dire, ainsi qu’on l’a publié dans les
journaux, que depuis 15 mois le feu révolutionnaire est éteint.
Non, messieurs, il n’est pas éteint, car sans cela
notre indépendance mourrait au 15 novembre 1831 ; c’est la crainte de quelque
reste d’énergie qui ne nous a pas fait perdre jusqu’au nom belge, comme nous en
a menacés audacieusement lord Ponsonby, le 27 mai 1831.
Je vous demande pardon, messieurs, de cette
digression, mais il m’a semblé qu’elle venait à propos.
Je reviens maintenant à la discussion pour vous
présenter quelques observations sur ce que j’ai entendu dire aujourd’hui.
On vous a parlé de mandats à terme, et sans avoir de
grandes notions en finances, j’ai compris tout de suite les conséquences
funestes de l’émission de ces mandats à terme, émission que je considère comme
inconstitutionnelle ; car vous anticipez aujourd’hui sur les revenus de 1833
qui ne sont pas encore à votre disposition. Aucun écu du trésor ne peut en
sortir sans l’autorisation du pouvoir législatif ; l’exercice de 1833 est
séparé de celui de 1832 par un mur d’airain, et malheur à qui le franchirait.
Cependant vous disposez sur 1833, alors que vous ignorez si vous obtiendrez
l’autorisation des chambres.
Je passerais là-dessus s’il ne devait pas en résulter
des conséquences funestes. Vous avez fait un emprunt à 30 p. c. Vous délivrez
des mandats à terme qui perdent jusqu’à 13 p. c. Croyez- vous que ce sont les
fournisseurs qui subiront ce dommage ? Non ce sera le gouvernement. Quand il y
a une perte de 13 p. c., les fournisseurs ont soin de stipuler un taux tel
qu’ils soient loin d’être passibles de cette perte. Ainsi 30 p. c. d’une part, et supposons 20 p. c. de l’autre,
c’est en réalité une perte de 50 p. c. que vous éprouvez. Je vous demande s’il
est un individu qui agisse ainsi sans être accusé de prodigalité et mis en
curatelle, ou aux petites maisons.
On nous dit : « Prenez garde, vous allez détruire
le crédit. » Non, messieurs, au contraire, nous l’affermissons en disant
la vérité. Ce n’est pas un peuple riche comme le peuple belge, riche de sa
bonne foi par-dessus tout, riche par son territoire, par son industrie et son
activité, ce n’est pas le peuple belge qui doit craindre de mettre au jour
toutes ses affaires ; et, s’il peut être imprudent ou plutôt utile pour certaines
familles de cacher leur situation réelle, il est toujours imprudent à un pays
de cacher la sienne, car toutes les fois que vous mettrez les intérêts
particuliers en contact avec le trésor de l’Etat, gardez-vous de lui rendre
suspecte la situation du trésor ; si l’on ne connaît pas cette situation, on
supposera toujours ce qu’il y aura de pire.
La bonne foi belge saura parer à toutes les gênes du
moment, et il ne faut pas employer le moyen de ces mandats clandestins que l’on
glisse ainsi furtivement dans la circulation. Je dis clandestins, parce
qu’aussi longtemps que la législation n’a pas autorisé leur émission, elle est
illégale et présente tous les inconvénients de la clandestinité. Lorsque vous
faites cette émission, quelle garantie donnez-vous du nombre et de l’importance
des mandats émis ou à émettre ? L’entrepreneur qui reçoit 100 ou 200 mille
florins de billets ne sait pas s’il n’en a pas été créé pour 20 millions. Il
peut le croire, alors même que la circulation en serait très restreinte. Il veut
escompter, il s’adresse à un prêteur qui, sans être très israélite, aura
d’autant plus de défiance qu’il connaîtra moins encore la situation réelle du
trésor que l’entrepreneur, et qu’il sera obligé d’échanger ses écus contre du
papier. Il ne le fera qu’en prenant une bonne part des bénéfices de
l’entrepreneur ; et qui paiera cette double part de bénéfices ? La nation.
Vous voyez donc les
conséquences funestes qui résultent de cette émission. Si vous avez besoin
d’une loi, proposez-la ; on descendra, s’il le faut du maximum jusqu’au
minimum, mais au moins on connaîtra la valeur réelle de ce papier-monnaie, mais
on connaîtra au moins tout le danger, si tant est qu’il peut y avoir danger.
Ainsi, sans vouloir accuser le ministère d’inconstitutionnalité (ce n’est
aujourd’hui qu’une vétille, il y a longtemps qu’on en a pris l’habitude), je
dis que la chambre ne peut pas admettre un pareil système.
D’après ces considérations, vous sentez tous qu’il
m’est impossible de voter pour le budget tel qu’il nous est proposé ; mais
dussé-je être dupe encore, j’accorderai, pour ne pas entraver la marche du
gouvernement, une perception de 4, 5 ou 6 mois s’il le faut, à la condition
qu’on fera disparaître de nos lois financières tout ce qu’elles ont d’odieux.
M. F. de Mérode. - Messieurs, on se plaint de ce qu’il n’y a point de
ministère : voilà plusieurs fois que l’on renouvelle cette plainte. Ce n’est
pas ma faute si les ministres précédents n’ont pas conservé leurs
portefeuilles. Je suis loin d’admirer la résolution qu’ils ont prise de cesser
leurs fonctions ; mais enfin, messieurs, il faut apprécier la cause de
l’absence prolongée d’un cabinet. Et ne provient-elle pas des difficultés sans
nombre dont on hérisse le service ministériel ? Je n’ai nul besoin d’entrer à
cet égard dans des développements dont chacun peut se rendre compte facilement.
Lorsque je me suis servi de l’expression de
démolisseurs, je n’ai point voulu parler des 42 membres qui, ont voté contre
l’adresse ; j’ai parlé des hommes qui ne cessent d’entraver le gouvernement
dans toutes les mesures qu’il a proposées et qu’il propose encore. Ces hommes,
messieurs, emploient perpétuellement les termes les plus violents contre les
membres de l’administration, quels qu’ils soient ; ils leur attribuent les
intentions les plus coupables, et la susceptibilité personnelle de ces
opposants « quand même » est en raison directe de leur rigoureuse
sévérité pour autrui. C’est ainsi qu’ils entendent la liberté de la discussion,
l’égalité des droits. Pour moi je les comprends autrement, et je ne subirai
point le despotisme soi-disant patriotique qu’on voudrait nous imposer.
M. Dumortier.
- Messieurs, au point où en est arrivée la discussion, je n’aurai plus à faire que
quelques observations qui m’ont été suggérées par l’examen attentif du budget,
et par la discussion elle-même.
D’abord pour celles qui résultent de l’examen du
budget, je dirai que j’ai été fort étonné d’entendre M. le rapporteur de la
section centrale nous blâmer d’avoir demandé, avant la discussion du budget des
voies et moyens, les comptes de l’année 1831. J’ai été vivement étonné surtout
d’entendre M. le rapporteur, qui certes ne manque pas de connaissances en
matière de finances, dire que c’était là de notre part un moyen dilatoire.
L’honorable rapporteur ne peut ignorer cependant que tout compte, pour être
régulier, doit être complet, et qu’un compte n’est pas complet si l’on n’y
rapporte pas l’excédent ou le déficit d’un compte précédemment ouvert. Ici, par
exemple, nous aurions dû voir figurer en tête du budget le reliquat des comptes
de 1831, et c’est la faute du ministère s’il ne l’a pas fait, car on le lui a
assez souvent demandé.
Cette faute n’est pas la seule ; l’article 115 de la
constitution dit : « Toutes les recettes et dépenses de l’Etat doivent
être portée au budget et dans les comptes. » Or, j’ai observé diverses
recettes qui ne sont point portées dans le budget, et peut-être, quand nous
examinerons le budget des dépenses, nous trouverons aussi quelques dépenses
qu’on n’y aura pas fait figurer ; en attendant, pour les omissions au budget
actuel, je me bornerai à citer une recette que je suis fort étonné de n’y point
voir. C’est celle du remboursement que le ministre de la guerre s’est fait
faire par la marine pour tout ce qu’il lui a livré ; l’an dernier nous avons
fait la même observation, et nous voyons se reproduire le même abus ; il est
clair, cependant, que si l’administration de la guerre a reçu le prix de
fournitures faites à la marine, c’est une recette qui doit figurer dans son
budget, et qui ne peut ne pas y figurer sans inexactitude.
Une autre inexactitude encore se fait remarquer pour
ce qui concerne la fabrication des monnaies. Il est impossible que pour la
fabrication des monnaies de cuivre, il n’y ait pas une recette quelconque ;
cependant je ne vois rien d indiqué à cet égard. Cela prouve que le budget a
été fait avec une extrême légèreté, et qu’on s’est contenté de prendre pour
cadre celui de l’an dernier en y apportant quelques changements dans les
chiffres. Voilà où s’est borné le travail du ministère, et cependant, l’an
dernier, on nous avait fait la promesse formelle d’apporter des améliorations
dans le système de l’impôt. Vous voyez comment on l’a tenue.
Sans doute je ne voudrais pas qu’on eût effectué un
changement complet du système ; je sais combien cela eût été dangereux, surtout
après une révolution : l’homme est un animal d’habitude. (Hilarité.) Vous le savez, messieurs, les
contribuables paieront, sans difficulté, l’impôt qu’ils sont, depuis longtemps,
accoutumés à payer, tandis qu’un impôt sous un nouveau nom les effraierait, et
qu’ils ne vous tiendraient même pas compte des suppressions que vous auriez
effectuées.
Mais si on ne pouvait sans imprudence faire un changement
radical, on pouvait au moins apporter quelques améliorations au système. Ainsi
on ne viendrait pas aujourd’hui nous demander 40 p. c. d’augmentation sur
l’impôt foncier. M. l’administrateur du cadastre nous a dit qu’il fallait
prendre l’impôt là où le bien se trouve. Si l’impôt retombait sur le
propriétaire, M. l’administrateur aurait raison, mais il ne retombe que sur le
malheureux cultivateur.
On aurait pu mettre des droits légers sur le café, le
tabac, le poivre, le thé, et ces droits auraient été payés sans inconvénient.
Je sais bien qu’à ces mots le haut commerce va se récrier ; mais il est facile
de répondre.
Pour ce qui concerne le café par exemple, il a déjà un
droit, léger à la vérité ; il ne s’élève qu’à 4 p. c. ; mais ce droit, tout
minime qu’il est, rend nécessaire le commerce d’entrepôt. Si le droit de 4 p.
c. nécessite le commerce d’entrepôt, il n’y aurait pas plus de difficulté pour
la perception d’un droit de 10 p. c. Ainsi on pouvait sans inconvénient frapper
de légers impôts sur les denrées coloniales ; c’eût été pourvoir aux besoins de
l’Etat et alléger les charges des contribuables.
Je regrette vivement qu’on n’ait pas jugé à propos de
vous communiquer les travaux relatifs au cadastre. Nous les avons demandés avec
instance sans pouvoir les obtenir : à cet égard je rappellerai ce que nous a
dit M. l’administrateur, que les travaux sur le terrain étaient terminés.
Comment se fait-il donc qu’on nous demande 300,000 fr. pour l’arpentage ? Je ne
connais de travaux sur le terrain que l’arpentage. Si ces travaux sont
terminés, comment a-t-on besoin de fonds ? Ici je répéterai les observations
que j’ai déjà eu l’occasion de faire. En 1831 M. Thiry réclamait une somme pour
le cadastre, en promettant que les travaux seraient achevés en 1832. Lorsque M.
Ch. de Brouckere nous présenta le budget de 1831, il demanda 74,000 fr. pour
terminer les opérations cadastrales. L’an dernier on nous demanda 318,000 fl.
toujours pour terminer les opérations d’arpentage ; n’est-ce pas une chose
extraordinaire qu’aujourd’hui encore on demande 300,000 fr. pour les mêmes
opérations’ ? Je désire voir la fin de ces opérations, et si les promesses que
nous a faites M. l’administrateur général se réalisent il aura bien mérité du
pays ; mais, s’il faut le dire, j’éprouve des doutes à cet égard.
La discussion qui s’est élevée au sujet de la banque
mérite un sérieux examen. D’un côté, M. Coghen nous a déclaré hier qu’en 1830
la banque avait en caisse une somme de dix millions, dont une partie devait
rester en Belgique. D’autre part, M. F.
Meeus nous a exposé avec une grande franchise l’état des choses ; il a
soutenu qu’il y avait un compte à terminer, et que ce compte fait prouverait
que la banque n’est pas débitrice. Si la banque doit à l’Etat, ce sera porté en
excédant de recette. Je demande donc que ce compte soit terminé au plus tôt. De
mon côté, j’ai pris des renseignements sur la banque, qui ne concordent pas
avec les assertions de M. Meeus. Mais c’est une question à éclaircir, et nous
devons des remerciements à M. Meeus, pour la franchise qu’il a mise dans les
explications qu’il a données.
On m’a dit, d’un autre côté, que la banque perçoit les
revenus de la maison d’Orange, qui sont placés sous le séquestre : c’est là une
irrégularité. C’est le domaine qui a fait placer le séquestre qui devrait
percevoir les revenus, sauf à rendre compte. Au reste je ne garantis pas le
fait, mais je demande qu’on nous donne là-dessus quelques explications.
Je dois m’opposer aussi à l’augmentation du droit de
patente, qui fut l’objet, vous le savez, d’une des réclamations les plus fortes
sous l’ancien gouvernement. Ce droit pèse beaucoup trop sur l’industrie, qui
déjà paie une grande partie des autres impôts. C’est en effet l’industrie qui
paie presque à elle seule la taxe sur les lettres ; elle paie aussi une grande
partie de l’impôt personnel ; il ne faut pas aggraver encore sa position en
augmentant les droits de patente : ce serait compromettre le sort de la
révolution, et le congrès l’avait bien compris, car un de ses premiers actes fut
de réduire le droit, et d’alléger la situation des patentables. Veuillez faire
attention qu’il existe parmi eux des classes très respectables de citoyens, et
qui sont fort malheureuses. De pauvres bateliers, par exemple, sont forcés de
payer 3 et 400 fr. de patente, pour exercer une industrie dont les produits
sont très minimes ; et vous iriez, quand le commerce est en souffrance,
aggraver encore leur situation ? Je demande que l’on rétablisse pour les
bateliers l’impôt qui se percevait aux écluses, comme cela se pratique encore
en France. L’impôt patente est aujourd’hui trop préjudiciable aux petits
bateliers, car tandis que les grands entrepreneurs de transports par eau, qui
font beaucoup de voyages, ne se ressentent presque du droit fixe auquel on les
impose, le même droit écrase les petits bateliers qui ne font qu’un petit
nombre de voyages.
On vous a parlé de l’impôt sur le sucre et de la
fraude dont cette denrée est l’objet. Vous voyez que la suppression du transit
n’a pas diminué la fraude ; je vous l’avais dit à l’époque où la loi fut
discutée ; si en supprimant le transit vous aviez pu empêcher l’introduction du
sucre dans le pays, votre loi eût été bonne ; mais vous n’avez pu empêcher
cette introduction, et les sucres de France entrent en abondance, et vos
raffineries sont ruinées.
Je partage aussi l’opinion de quelques honorables
membres sur la suppression du deuxième rayon de douanes, et je crois comme eux
que cette suppression est loin d’avoir été favorable.
Je désirerais, en ce qui concerne l’imposition
personnelle, que l’on supprimât la déclaration, mesure odieuse qui a tant
soulevé d’esprits contre l’ancien gouvernement. Pourquoi mettre le contribuable
entre son intérêt et sa propre conscience ? Pourquoi exiger de lui une
déclaration, quand d’avance on peut être certain qu’elle sera toujours la même
?
Depuis quelques jours on parle d’augmenter les
recettes, comme s’il ne s’agissait que de puiser sans façon dans la poche des
contribuables.
Le plus aimé des gouvernements, messieurs, est celui
qui demande le moins aux contribuables. J’ai été vivement peiné de la
progression effrayante de l’augmentation de l’impôt. J’ai été vivement peiné
surtout quand j’ai entendu M. le ministre des finances dire que ce serait l’état
permanent des dépenses que devrait subir le pays. Quand l’an dernier cette
augmentation fut prédite par nous, que nous dit M. le ministre des finances ?
Il vint nous dire que nous voulions égarer l’opinion publique, que nous
voulions abuser le peuple, que nous commettions un crime de lèse-nation, et il
nous invitait à monter à la tribune pour avouer que nous nous étions trompés.
L’expérience est là maintenant ; qui s’est trompé, est-ce le ministre ou nous ?
On nous a dit que les prévisions du budget avaient été
dépassées, qu’au lieu de 32 millions les recettes en avaient produit 37 ; j’ai
démontré dans une précédente séance d’où venait la différence. C’est qu’on
avait calculé sur la Belgique des 24 articles, tandis que les recettes ont été
faites sur la Belgique de la révolution. Si vous réduisez la différence, vous
aurez une recette de 33 à 34 millions de fl. Supposez que vous ayez 72 millions
de francs ; eh bien, on vous en demande 84.
Il me semble, messieurs, qu’un
grand enseignement résulte de ceci. Vous le voyez, aujourd’hui on vous demande
des avances sur l’impôt foncier ; déjà on a lancé dans la circulation des
mandats à terme, et si d’un côté je suis fâché qu’on ait eu recours à ce moyen,
j’en suis bien aise d’un autre côté, c’est une preuve que notre crédit
s’améliore ; car, il y a deux ans, il n’aurait pas été possible de compter sur
une telle ressource. On a donc eu recours à des moyens extraordinaires. Ceci
prouve que les prévisions de l’opposition n’auraient pas dû être dédaignées ;
vous avez entendu le préopinant traiter de démolisseurs les orateurs de
l’opposition. Je lui répondrai que si on avait écouté l’opposition, les
finances du pays ne seraient pas dans l’état elles sont. Je désire vivement que
l’opposition se soit trompée dans la question politique. Comme elle ne s’est
pas trompée dans la question financière, je crains fort cependant que ce vœu ne
soit pas exaucé, et si vous avez fait attention aux paroles de M. de Broglie à
la tribune française, vous verrez que cette crainte n’est pas déplacée.
Cependant, messieurs, je suis convaincu que la
Belgique peut encore être sauvée. Le ministère qui s’est retiré a joué quitte
ou double ; mais il faut que nous ayons un ministère à forte tête, qui sache
tirer parti de notre position et faire tourner les événements en notre faveur.
Pour moi, messieurs, tant qu’un drapeau brabançon flottera sur un de nos
clochers je ne désespérerai pas du salut du pays. (Bien ! bien !)
M. A. Rodenbach. - Messieurs, dans son discours, M. le ministre des finances nous parle
de l’institution souffrante des postes aux chevaux. Ayant promis, dans la
séance d’avant-hier, de signaler quelques abus dans cette administration, je ne
crois pas inutile d’entrer dans quelques détails y relatifs. Sous Napoléon, le
nombre des chevaux que chaque maître de postes devait avoir était déterminé par
l’administration. L’empereur les indemnisait par des appointements annuels que
l’on appelait gages. Les maîtres de postes de 3e classe ne recevaient que 250 francs
par an, ceux de 2e classe 500, et ceux de 1e classe 750 francs. Sous Guillaume
on a constamment refusé ces traitements, parce que le gouvernement ne forçait
point à tenir un certain nombre de chevaux ; cette loi est donc tombée en
désuétude, mais elle n’a jamais été rapportée.
Je crois que la législation de la poste aux chevaux
doit être révisée.
Certains maîtres de postes de petites villes et à la
campagne doivent être secourus par le gouvernement. Ils ont des droits
incontestables à leur modique traitement. Ils ne reçoivent point des diligences
l’indemnité de 25 centimes par cheval et par poste, puisque bien souvent il
n’en passe point, et leurs chevaux sont peu occupés puisqu’ils restent sur des
routes de deuxième et de troisième classe. Ils sont donc doublement lésés.
Il n’en est pas de même des
maîtres de postes des grandes villes et grandes routes ; ceux-ci ont d’immenses
bénéfices sur les chevaux des diligences ; il en est qui perçoivent 10, 15, 20,
30 et jusqu’à 50,000 francs par an.
Je demanderai à M. le commissaire du gouvernement si
cette indemnité de 25 centimes par cheval n’est point inconstitutionnelle.
L’article 113 porte qu’aucune rétribution ne peut être exigée du citoyen que
par une loi, qu’à titre d’impôts au profit de l’Etat, de la province ou de la
commune. En outre, je demanderai à M. le commissaire si c’est par mesure
d’économie que le transport des dépêches n’est pas remis en adjudication, les
traités expirant au 1er janvier 1833. De plus, on prétend qu’il y a des maîtres
de postes cumulards qui, dans le temps, ont obtenu la faveur injuste d’avoir
deux ou trois relais. Ces messieurs sont souvent maîtres de postes dans une
grande ville et ils ont encore des postes dans les petites villes ou à la
campagne.
M. Delfosse, administrateur des postes. - Messieurs, l’observation que vient de faire
l’honorable M. Rodenbach quant à la détresse des petits maîtres de postes est
réelle ; c’est dans le but d’y remédier que l’administration vous demande
d’allouer au budget une somme qui servira à indemniser ces maîtres de postes,
placés sur des routes peu fréquentées et
qui n’ont pas d’ailleurs des centimes à percevoir en sus des droits ordinaires,
ni d’autres rétributions.
Quant à ce qu’a dit le préopinant, de certains maîtres
de postes, qui se feraient un revenu de 40 à 50 mille francs, je ne pense pas
que cela soit exact. Il résulte des notes qui n’ont été fournies et qui ne
peuvent être suspectes, puisqu’elles émanent de ceux mêmes qui paient la
rétribution, je veux dire des entrepreneurs de diligences, il résulte, dis-je,
de ces notes, que le revenu des maîtres de postes les mieux rétribués est
beaucoup moindre ; quoiqu’il en soit j’ai reçu ordre de faire à ce sujet un
travail, dont le résultat sera certainement d’améliorer le sort des maîtres de
postes qui ont excité la pitié de M. Rodenbach.
L’honorable membre a aussi parlé de cumulards. Je
ferai, à cet égard, une première observation : c’est que s’il y a des maîtres
de postes qui cumulent en exploitant plusieurs relais, ce cumul entraîne des
charges ; j’ajoute que, quoique le nombre des chevaux qu’ils doivent avoir ne
soit pas prescrit, j’ai toujours exigé qu’ils eussent le nombre nécessaire pour
faire le service sur leur route. Du reste, l’administration actuelle n’a pas
consacré ces cumuls en en accordant de nouveaux. Ceux qui les possèdent les ont
depuis 12 et 15 ans. On sait que de semblables entreprises exigent d’assez
grandes dépenses, et l’administration n’a pas voulu violer des droits acquis,
en quelque sorte, en faisant disparaître ces cumuls.
J’oubliais l’objection
principale du préopinant, celle relative à l’adjudication des transports des
lettres. L’expérience a prouvé que l’adjudication était le plus mauvais moyen à
employer, qu’il n’y avait dans ce moyen ni économie, ni célérité, ni même
exactitude. Cela est si vrai, que, dans le courant de cet exercice, il a fallu
enlever le transport à certains entrepreneurs : L’administration a fouillé dans
les anciennes lois et ordonnances sur la matière ; et elle s’est convaincue
qu’il était possible de faire faire le transport par les maîtres de postes, et
cela rentrera d’ailleurs dans les vues philanthropiques de M. Rodenbach,
puisque les petits maîtres de postes y participeront. Il résulte au surplus des
investigations qui ont été faites, qu’en laissant faire aux maîtres de poste,
il y aura économie de 20 à 25 p. c. ; ainsi, loin d’avoir le projet de mettre
les transports en adjudication l’administration se propose de les donner, sinon
exclusivement, du moins en partie, aux maîtres de postes, et l’on se convaincra
de la grande économie qui en résultera. Vous en jugerez quand vous saurez que
l’ancienne administration ne donnait que 84 à 100 cents par poste et par
cheval. Ainsi les vues de M. Rodenbach se trouveront remplies.
M. Coghen.
- Messieurs, un honorable membre, M. de Brouckere, a porté hier la parole ; il
a regretté mon absence ; moi-même je regrette de ne pas avoir assisté à cette
séance, parce que j’aurais pu répondre immédiatement à ce qu’il avait avancé,
et je n’aurais pas laissé, pendant 24 heures, concevoir des inquiétudes sur
notre état financier.
Avant de répondre à l’honorable M. de Brouckere, je
lui ai demandé si le Moniteur rend
exactement son idée ; il m’a répondu d’une manière affirmative, et c’est
donc sur cette rédaction que j’aurai des observations à présenter.
M. de Brouckere dit : « Messieurs, à défaut
de renseignements du ministère sur la situation de notre trésor, je prends du
moins l’exposé de notre situation financière, que l’honorable M. Coghen (que je
regrette de ne pas voir parmi nous) a été si heureux de pouvoir nous faire ; je
dis si heureux, pour me servir des termes employés par lui-même.
« Il résulterait de cet exposé, s’il était
sincère, que bien que nous ayons un déficit réel de deux millions de francs sur
l’exercice 1832, nous devrions avoir en caisse une somme de 16 millions de fr.,
attendu que nous n’avons pas dû payer à la Hollande les 18 millions que nous
sommes obligés de lui donner en vertu du traité du 15 novembre. »
Messieurs, j’ai lu, relu à différentes reprises depuis
que j’ai reçu le Moniteur, et je ne puis rien comprendre et je n’ai rien
compris à ce que l’honorable membre veut dire.
Lorsque l’honorable M. Jullien a, dans la séance du
1er décembre, désiré avoir quelque idée sur notre situation financière, j’ai
pris la parole, messieurs, parce que je considérais pour moi comme un devoir
envers la chambre, comme un devoir envers mon pays, de présenter l’exposé réel
et franc de notre situation financière. Je devais remplir ce devoir, parce
qu’au mois de mai dernier on a désiré que la chambre prît acte de la
déclaration que j’avais faite, qu’entre les dépenses et les ressources de
l’Etat, les crédits votés, les économies possibles, il devait y avoir une
différence de 18 millions de florins.
J’ai dit, messieurs, en répondant à M. Jullien, que
j’étais heureux de pouvoir annoncer la situation financière ; je le répète
encore aujourd’hui, et je viens confirmer ce que j’ai dit d’abord, que vous
aviez voté des crédits par différentes lois, et que ces crédits s’élevaient à
un total de 96,373,896 fl. 34 c.
Comme les exercices 1830 et 1831 se soldent par des
excédents de crédits sur les dépenses, j’ai mis en report aux crédits que vous
avez votés :
D’abord les économies qui seront faites dans tous les
ministères, évaluées modérément à 4,200,000 fl.
Je dis modérément, messieurs, parce que je suis resté
beaucoup en dessous du chiffre réel. Je l’ai fait ainsi, parce que je ne désire
pas de me tromper ; je d »sire, quand il y a erreur, qu’elle soit en
faveur du trésor.
J’ai ajouté à ces 4,200,000 fl. la somme de 720,000
fl. qui a été allouée pour l’amortissement et l’intérêt du premier semestre de
la deuxième partie de l’emprunt de 48 millions, et qui n’a pas été employée.
J’ai ajouté 400,000 fl. de bénéfices sur les rachats
des emprunts de 10 et 12 millions, et sur leur amortissement anticipé.
J’ai ajouté 35,500,000 fl., produit de l’emprunt de 48
millions que j’ai demandé pour l’exercice 1832. Cet emprunt a été négocié en 1832,
et quoiqu’une partie soit payable en 1833, il appartient tout entier à
l’exercice de 1832.
J’ai ajouté les 37,500,000 fl., produit des voies et
moyens.
Ce qui établit une somme totale de 79,956,000 fl.
Les dépenses votées étaient comme nous l’avons dit de
96,373,896 fl. 24 c.
Il en résultait par conséquent une différence de
16,417,896 fl. 34 c.
Dans les dépenses, messieurs, figurait et figure
encore la somme de 18 millions qui est due à la Hollande. On n’a pas pourvu par
les voies et moyens à cette somme ; c’était inutile ; parce qu’il ne fallait
pas inutilement accabler les populations déjà surchargées par les événements
d’une révolution ; il valait bien mieux attendre l’état de paix pour pourvoir à
cette somme qu’on ne paiera qu’à la paix.
J’ai eu l’honneur de vous faire observer en outre que
les domaines dont j’ai demandé la vente, s’élevaient à environ 6,500,000 fl.
J’ai dit que ces domaines n’étaient pas vendus, et que
je croyais, dans l’intérêt du pays, qu’on devait les vendre.
J’ai parlé d’un solde dû par la banque. Hier, on a
discuté cette question ; j’ai répondu, et j’ai mis dans ma réponse tous les
ménagements possibles. Le syndicat d’amortissement laissera, en faveur de la
Belgique, un solde. M. Lyon, qui connaît le mieux la situation financière de la
Hollande, a fait connaître la situation du syndicat ; mais dans cette situation
n’est pas comprise la somme de 20 millions que la banque doit au trésor pour
vente de domaines, ni la somme qu’elle devra à l’expiration de son privilège,
c’est-à-dire en 1849.
De ces faits il résulte que la situation des finances,
c’est-à-dire que le bilan de l’Etat, si je puis m’exprimer ainsi, offre une
position très tranquillisante, et je me fais un devoir de le répéter ici, parce
que nous devons cette franchise à la nation, et nous la devons dans l’intérêt
du crédit public.
Quant à l’avenir financier, il ne m’appartient pas ;
il vous appartient, messieurs, il dépendra de votre vote, tant sur les dépenses
que sur les voies et moyens.
Messieurs, on a élevé dans cette enceinte une question
un peu grave ; on a accusé d’inconstitutionnalité l’émission des mandats que le
trésor donne en paiement de ce qu’il doit.
D’abord, messieurs, que sont ces mandats ? Ce sont des
demandes de paiement faites par l’un ou l’autre des ministres ; ce sont des
demandes de paiement visées par la cour des comptes ; et puis ordonnancées par
le ministre des finances. Et au lieu que ces mandats soient à vue, on a mis un
délai de 40, 60 jours d’après le plus de convenance pour le mouvement du trésor.
Ces mandats sont délivrés sur des pièces comptables, c’est-à-dire sur la
demande d’un ministre, visée par la cour des comptes, et ordonnancée par le
ministre des finances. Du moins voilà les mandats que j’ai vus depuis quelques
jours. On en a émis, si je ne me trompe, pour une somme montant à peine à
300,000 florins, à moins qu’on n’en ait émis depuis quelques jours.
Ces bons se négocient, parfois, d’une manière
défavorable ; cela ne m’étonne pas ; ce n’est pas le manque de confiance : la
meilleure preuve qu’on puisse donner qu’il n’y a pas manque de confiance, c’est
que l’emprunt de 12 millions est à 102. Si les bons se négocient mal, c’est
qu’il y a des dupes et des fripons ; c’est qu’il y a des gens qui savent
profiter de l’embarras des autres. On a pu en donner à 10 ou 12 ; mais je dirai
aussi qu’on en a pris à 5 et demi p. c. par an.
Depuis quelques jours, une question importante a été
agitée dans cette enceinte, à l’égard de la banque. M. Meeus, comme gouverneur
de cet établissement, a donné des explications très loyales ; et je crois qu’il
serait de l’intérêt du pays qu’on puisse aviser aux moyens d’éclairer la
question, soit pour la nomination d’arbitres, soit pour s’entendre sur les
comptes. Non seulement il faudrait examiner l’état de la banque comme caisse,
mais s’expliquer encore sur les opérations du syndicat, et sur le séquestre qui
reste en ses mains.
On a parlé, messieurs, de l’idée qu’on aurait conçue
de créer des receveurs-généraux, quand il s’agira de cette nomination dans la
marche de notre administration financière, je ferai tout au monde pour tâcher
qu’elle n’ait pas de suite, pour m’opposer à son administration. La création
des receveurs-généraux entraîne des inconvénients très grands : c’est que,
lorsque vous avez des receveurs-généraux, vous devez avoir des
inspecteurs-généraux du trésor, et une surveillance considérable sur les
caisses ; tandis qu’à la banque, il n’y a pas de fonds morts. Et certes, si la
banque peut, parfois, faire usage de capitaux inactifs dans ses caisses, cela tourne
toujours à l’avantage du commerce et de l’industrie.
On a agité la question de la création des bons du
trésor, afin d’établir en Belgique une dette flottante.
Messieurs, je dois vous le dire, je suis impatient de
voir porter la loi qui autorisera cette création : la France, la Prusse,
l’Autriche, l’Angleterre, la Saxe, la Hollande, tous ces pays ont admis le
système de la dette flottante, c’est un moyen facile de passer d’un exercice à
l’autre, de ne pas forcer des contribuables de verser d’une manière anticipée
dans les caisses de l’Etat, ce qui n’est pas encore jugé utile pour le moment.
L’honorable M. Jullien a parlé des grandes routes qui
traversent des villes, que ces villes entretiennent et dont le trésor reçoit
les revenus ; j’appuie ses observations. C’est une injustice que des villes
réparent des routes qui les traversent et que le fisc en perçoive le droit ; il
faut que cette injustice disparaisse ; mais il faut aussi que ces villes
contribuent pour une fraction dans l’entretien des routes.
L’honorable M. Dumortier a parlé de quelques lacunes
dans le budget. J’ai observé, comme lui, qu’à l’égard de la monnaie il en
existait une ; mais je ne sais pas s’il sera facile de mettre cet objet dans
les voies et moyens.
Le bénéfice provenant de la fabrication des monnaies
de cuivre n’est pas une chose sur laquelle vous puissiez compter ; il faudra
changer vos anciennes monnaies et je ne sais pas comment vous pourrez vous
débarrasser de quatre à cinq cents mille florins en cents et demi-cents.
Le même orateur, M. Dumortier, s’est étonné qu’on
n’ait pas parlé des lois qui imposeraient le poivre, le café, le tabac, etc.
Quant au premier article, c’est une chose si minime, qu’elle ne présenterait
aucune ressource pour l’Etat. Quant au tabac, dont il se fait une grande
consommation en Belgique, et que l’on introduit dans la France, un impôt
pourrait beaucoup nuire à cette branche de notre industrie, et peut-être la
détruire. Pour le café, il fait craindre de même de paralyser les avantages
dont jouit le commerce, par suite des tarifs.
Les patentes offrent sans doute plusieurs vices, et je
désirerais qu’on pût y apporter des changements ; mais depuis deux ans
qu’on exécute les lois sur les patentes et toutes les lois fiscales, on prend
tant de ménagements que je n’entends pas s’élever de réclamations. On applique
les lois, on ne les interprète pas rigoureusement, et toujours contre le
contribuable ; sous mon administration je ne suis bien trouvé de cette méthode.
On a parlé de fraudes considérables qui s’opèrent sur
le sucre : sous l’ancien gouvernement, autant que ma mémoire peut me le
rappeler, cet impôt produisait 700,000 florins, la loi n’est pas changée, et il
produira pour la Belgique seule peut-être 900,000 florins.
L’honorable M. Dumortier a également parlé de nos
anciens comptes et des anciens débats qui ont eu lieu, tant pour les exercices
antérieurs, que pour l’exercice courant ; je crois que ce que j’ai exposé au
commencement répond suffisamment aux observations de cet orateur.
Maintenant, messieurs, à l’égard des budgets, je crois
que M. d’Elhoungne a proposé de donner des douzièmes provisoires ; cette marche
est sujette à de nombreux inconvénients pour l’administration ! Elle jette
l’incertitude parmi les contribuables ; elle fait par cela seul du mal à l’industrie
et au commerce, qui demandent de la sécurité dans les transactions.
On a beaucoup parlé contre le mode d’impôts existants
; mais jetons un regard sur tout ce qui nous environne et examinons si nous
avons tant à nous plaindre.
Voyons les lois anglaises : aucun de vous ne les
admettrait, ne voudrait qu’elles fussent appliquées en Belgique. Est-ce la
Hollande que nous devons imiter ? Considérez la position de ce pays : on y a
conservé tous les cens additionnels, la loterie y subsiste, le serment pour les
successions y existe ; il y a les droits de mouture, les droits pour la
fabrication du savon ; il y a des droits jusque sur les combustibles.
Voulons-nous jeter un regard sur la France ? Eh bien, pourriez-vous vous
habituer aux tracasseries de l’exercice des droits réunis ? Pourriez-vous vous
habituer davantage au monopole du tabac, de la poudre ; aux droits sur les
cartes à jouer, aux droits sur le sel, et aux nombreux droits de douanes. Je
crois que sous ce rapport nous n’avons rien à envier aux nations qui nous
avoisinent. Et sous le rapport de la quotité des impôts, je crois que M. le
ministre des finances vous a démontré que nous payons moins que toutes les
nations.
Je ne pense pas cependant que nous devions rester
stationnaires ; mais modifions avec prudence, n’imitons pas l’ancien
gouvernement ; nous ne devons changer qu’avec beaucoup de circonspection. Je ne
défends pas les lois qui existent, mais je les accepte comme une nécessité.
Dans cette session on pourra s’occuper de les améliorer ; plusieurs lois des
finances sont déjà soumises à la chambre, d’autres seront présentées. Une loi
sur l’enregistrement, réclamée par M. Seron, vous sera soumise ; une loi sur
les douanes vous sera également soumise. Une loi sur les contributions personnes fera disparaître l’odieux de celle
qui existe. Messieurs, prenons l’engagement de ne pas nous séparer avant que
ces lois soient discutées ; de cet engagement il résultera un bien infini pour
les pays. Ces lois vous occuperont encore plusieurs mois ; il sera impossible
de les appliquer toutes en 1833 ; après qu’elles auront été votées il faudra un
temps moral à l’administration pour les mettre en vigueur ; car une transition
trop brusque serait préjudiciable aux contribuables. Je suis convaincu que nous
devons voter provisoirement la loi qui nous est présentée ; je voudrais voir un
ministère composé avant de donner mon vote ; mais songez qu’il y a danger
d’introduire des améliorations trop promptes : l’intérêt de l’Etat est dans vos
mains, tout dépend de ce que la chambre fera.
M. le président.
- La parole est à M. d’Elhoungne.
M. d’Elhoungne. - J’y renonce pour le moment.
M. Mary. - Je
demande que M. d’Elhoungne parle à son tour, car, en qualité de rapporteur de
la section centrale, je dois avoir la parole le dernier, pour résumer la
discussion, ainsi que cela se pratique ordinairement.
M. H. de Brouckere. - Je pense qu’aucun membre de cette chambre n’a le
droit de sommer un de ses collègues de parler sur-le-champ. Il ne me semble pas
non plus qu’il doive être défendu de prendre la parole après le rapporteur. Si
M. d’Elhoungne ni moi n’avons pris cet engagement, et je déclare, pour ce qui
me concerne, que je parlerai après M. Mary, si la chambre ne juge pas à propos
de prononcer la clôture.
M. Mary.
- Je n’y tiens pas beaucoup ; je faisais cette demande d’après un précédent de
la chambre, qui est conforme ces usages
parlementaires.
M. Meeus. - Je
désire répondre quelques mots à M. Coghen. Il m’est impossible de laisser
passer l’étrange assertion de cet honorable membre : personne plus que moi n’apprécie
son dévouement au pays, personne ne rend un plus sincère hommage à ses
intentions, mais venir dire à la face de la chambre, à la face de la nation que
les finances sont en bon état, alors qu’on fait des émissions de mandants à
terme, alors qu’on demande une augmentation sur la contribution, je dis que
c’est manquer à la chambre et au pays.
M. Coghen. - En établissant la situation, l’espèce de bilan de
l’Etat, je n’ai pas fait les comptes du trésor ; je ne les connais pas. Mais
j’ai dit que le service ne serait pas arrêté. A cet égard on peut être fort
tranquille et si j’ai déclaré à la chambre que l’état des finances était
satisfaisant, je le répète encore, parce que les chiffres sont là pour le
prouver et qu’on ne peut les détruire qu’avec des chiffres et non pas avec des
paroles. Mais quant à l’état du trésor, je ne le connais pas. Si pour la
transaction avec la maison Rothschild nous avons dû accorder des délais, c’est
qu’ils étaient réclamés, et que nous avons cru avoir des motifs suffisants pour
le faire. Lorsque j’ai établi ces délais, j’étais sous l’illusion du retour de
40,000 hommes dans leurs foyers ; mais, me défiant des événements, j’avais
stipulé des conditions verbales qui devaient mettre le trésor à couvert à
cet égard. Si des personnes ont à se plaindre du contrat passé à l’occasion des
24 millions, si elles m’accusent de maladresse, je ne crois pas que tout le
monde soit de cet avis et partage la manière de voir de M. de Brouckere.
Cependant je dirai que je regrette vivement que cette
opération n’ait pas eu un meilleur résultat. Si je n’avais pas cru que c’était
une bonne affaire, je n’aurais pas autant tenu au cours de 79 ; j’avais cru que
c’était une excellente affaire : je regrette, je le dis encore, que le résultat
n’en ait pas été meilleur.
M. d’Elhoungne. - M. Coghen, dont, personne ne suspecte les intentions, et dont nous
reconnaissons tous le dévouement au pays, a fait ses preuves dans d’autres
circonstances ; mais il se trompe évidemment quand il pense pouvoir payer des
dettes certaines dont l’échéance est fixée au mois de janvier, avec des fonds
qui ne doivent rentrer au trésor que d’ici au mois de septembre prochain.
- Ici l’orateur revient sur les calculs et les faits
produits déjà par MM. Meeus et M. de Brouckere.
M. Coghen. - Messieurs, M. le ministre des finances a donné
toutes les explications possibles à l’égard de l’emprunt de douze millions. Je
regrette que malgré ces explications on soit encore revenu sur cet objet. Quant
à l’emprunt de huit millions, il n’y en a plus ; il est payé, dont il ne faut
plus s’en occuper.
M. H. de Brouckere. - Et les 12 millions.
M. Coghen.
- J’ai dit que M. le ministre des finances s’en était expliqué.
M. H. de Brouckere. - Je ne l’ai pas entendu.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Voici en quoi
consistent les explications que j’ai données ; c’est qu’au lieu de 12 millions,
il n’y aura que 6 millions de remboursables.
M. H. de Brouckere. - Seront-ils remboursés ?
M. le ministre des finances (M.
Duvivier). - Oui, certainement.
Mais je le répète, malgré tout l’acharnement qu’on semble y mettre, il y a des
choses que je ne voudrai jamais divulguer. (Mouvement
en sens divers.)
M. de Robiano de Boosbeek (s’agitant sur
son banc). - Non, M. le ministre, ne les divulguez pas.
Je déclare que rien, dans cette longue et trop longue
plaidoirie, n’a ébranlé ma conviction que les finances sont dans un état
satisfaisant, et plus favorable qu’on ne devait l’attendre de circonstances si
graves. Dans ma section, nous avons demandé des explications au ministre des
finances, elles nous ont satisfaits.
M. Davignon.
- M. le ministre des finances nous a donné toutes les explications nécessaires
dans la section dont je fais partie.
M. Mary s’apprête à
parler comme rapporteur.
Plusieurs voix. - A demain
! à demain !
M. Mary. - Je
demande que, d’après le précédent de l’année dernière, la chambre décide si
elle m’accordera la parole le dernier comme rapporteur de la section centrale.
M. H. de Brouckere. - Je demande encore, comme je l’ai fait l’année
dernière, et je crois que la chambre me donnera encore raison, que l’on puisse
parler après le rapporteur. Il peut arriver que le discours de M. Mary exige
une réponse sur plusieurs points, et en décidant qu’il parlera le dernier, vous
vous interdiriez cette réponse.
M. Jullien.
- Il n’y aurait qu’un moyen de voir si l’on peut admettre la proposition de M.
Mary, ce serait qu’il nous dît tout ce qu’il dira demain. (On rit.)
- La proposition de M. Mary n’a pas de suite.
La discussion est continuée à demain à midi.
La séance est levée à 4 heures.
Noms de MM. les représentants absents sans congé à la
séance de ce jour : MM. Angillis, Brabant, Coppieters, Deleeuw, de Muelenaere,
de Woelmont, Dumont, Jaminé et Pirson.