Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 6 décembre 1832

(Moniteur belge n°340, du 8 décembre 1832)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Jacques fait l’appel nominal à une heure. La séance est ouverte.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.


- M. Berger, proclamé membre de la chambre dans l’une des séances précédentes est admis à prêter serment.

M. Dams. - Je suis dans la nécessité de faire une absence assez longue, je prierai la chambre de m’accorder un congé jusqu’à la première séance de janvier.

- Le congé est accordé.

Projet de loi portant le budget de l'Etat de l'exercice 1833

Motion d'ordre relative au mode d'examen de ce projet

M. Verdussen. - Les développements concernant le budget des voies et moyens vous ont, sans doute, été remis ainsi qu’à moi ; je pense qu’il serait convenable, conformément à l’article 52 du même règlement, que la discussion sur ce budget fût ouverte dans toutes les sections à la fois, afin qu’une partie du travail fût terminée avant la fin de cette année.

Si nous sommes obligés d’entrer dans la nouvelle année avec des crédits provisoires, ce sera une calamité que je voudrais qu’on pût éviter. Je voudrais, en outre, que les sections ne s’occupassent pas du budget de la guerre sur le pied de paix ; c’est un travail tout à fait oiseux.

Maintenant, je demanderai que le budget concernant l’armée sur le pied de guerre soit renvoyé à une commission, parce que plusieurs personnes, dans les sections, n’ont pas des notions suffisantes pour prendre part à sa discussion. L’année dernière ce budget fut renvoyé à une commission spéciale, et l’on s’en est bien trouvé.

M. le président. - Tous les budgets sont compris dans un même projet de loi ; on ne peut les séparer. (C’est vrai ! c’est vrai !)

Projet de loi relatif à l'impôt des distilleries

Motion d'ordre

M. le ministre des finances (M. Duvivier) prend la parole et s’exprime en ces termes. - Messieurs, le 30 mai 1831, l’honorable M. Charles de Brouckere, alors ministre des finances, présenta au congrès national un projet de loi sur les distilleries qui avait été conçu et préparé dans une assemblée générale des distillateurs élus dans les différentes provinces ; il y joignit une note expliquant l’origine et les motifs de ce projet.

Plus tard, une commission de révision créée par arrêté du 21 octobre 1831 (Bulletin officiel, n°111) revit le projet, et en adopta un autre que cette même commission ne jugea pas ensuite remplir le but qu’elle s’était proposé.

Le 1er juin 1831, l’honorable M. Coghen, en sa qualité de ministre des finances, reproduisit à votre assemblée ce projet des distillateurs avec un exposé des motifs de cette reproduction.

Enfin, au mois de juillet 1832, un comité de membres de la chambre des représentants y présenta un autre projet de loi qui fut renvoyé immédiatement à une commission dont le rapport vous fut présenté à la fin de la dernière session en séance du 13 juillet 1832.

La chambre se sépara sans avoir mis aucun de ces projets en discussion.

Dans une séance récente de la session actuelle, un honorable membre s’est cru fondé à jeter sur l’administration des reproches de ce que ces projets étaient demeurés sans suite. J’ai dû démontrer alors que l’administration ni le ministère n’étaient point la cause de ce retard.

Mais, pressé aujourd’hui par des distillateurs de faire à la chambre une proposition expresse, afin qu’il lui plaise de mettre en délibération les projets dont elle se trouve saisie, j’ai l’honneur de vous demander, messieurs, de décider d’abord auquel des deux projets vous jugez devoir donner la priorité, et de fixer ensuite le jour auquel celui qui aura obtenu cette priorité sera mis en discussion.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, les faits que M. le ministre des finances vient de rappeler sont exacts ; mais je crois que la proposition qu’il vient de faire de mettre ex abrupto, en délibération, la question de priorité sur deux projets dont la chambre se trouve encore saisie, ne peut être adoptée.

En voici deux raisons :

C’est d’abord que la plupart des membres qui composent la chambre ont perdu de vue le rapport qui a été présenté, pendant la session dernière, par la commission ad hoc ; dès lors la chambre déciderait en quelque sorte aveuglément.

En second lieu, on doit remarquer que la chambre a subi des modifications importantes dans son personnel. Nos nouveaux collègues n’ont aucune connaissance du projet ; je demanderai qu’au lieu de mettre en délibération la question de priorité, la chambre décide que la commission reproduira son travail, lequel sera imprimé et distribué, et qu’ensuite la chambre fixera le jour de la délibération.

Le moyen d’aller rapidement est de mettre la chambre en état de décider.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’appuie en tout point les observations présentées parM. d'Elhoungne. Je n’ai pas entendu que la chambre procédât plus rapidement qu’elle ne veut aller ; je demande seulement qu’elle prenne les projets de loi en considération. J’ai voulu céder aux différentes démarches faites près de moi par des distillateurs distingués, et prouver que le ministère n’a rien tant à cœur que de régler les intérêts nationaux. Pour ma part, j’y concourrai de mes faibles lumières.

M. A. Rodenbach. - Je suis satisfait de ce que vient de dire M. le ministre des finances. Je ne le suis pas également de ce qu’il a dit dans une précédente séance. Le Moniteur a rapporté les paroles de M. Duvivier, et n’a pas reproduit ce que j’avais répondu ; je me plains de l’infidélité du Moniteur à cet égard.

Quant à la manière dont le projet de loi de M. de Brouckere a été préparé, on sait qu’on a appelé près de l’administration un distillateur par arrondissement. Il y a des arrondissements qui comptent jusqu’à 400 distillateurs.

En tout 40 distillateurs furent entendus.

Le ministre et M. Duvivier étaient présents : ils prirent des notes ; et, avec les observations des distillateurs et les dispositions de l’ancienne législation, on a fait un pot-pourri que l’on a appelé loi de Brouckere ou loi des distillateurs ; mais cette dernière dénomination n’est pas exacte.

M. de Theux. - Si le ministère ne s’oppose pas à ce qu’on donne la priorité au projet de la commission, il n’y a aucune objection à faire ; mais s’il persiste dans la proposition du gouvernement, comme l’initiative appartient au gouvernement, on doit délibérer sur ce projet. C’est une question constitutionnelle importante que l’on ne doit pas perdre de vue. Lorsque la chambre a pris l’initiative dans la proposition d’un projet de loi, le gouvernement ne peut paralyser cette initiative ; réciproquement, lorsque le gouvernement a pris l’initiative, la chambre ne peut paralyser ce droit en laissant de côté la proposition ministérielle.

M. H. de Brouckere. - Il s’agit de savoir si nous voulons entendre de nouveau le rapport de la commission ; voilà la question à décider actuellement. Quand nous aurons entendu ce rapport nous verrons à quel projet il fait accorder la priorité. Je le répète, la question est uniquement de savoir si nous voulons adopter la proposition de M. d'Elhoungne que, quant à moi, j’approuve, ainsi que l’a fait M. le ministre des finances. (Appuyé ! appuyé !)

M. A. Rodenbach. - La commission a examiné le projet ministériel ; elle a examiné également le projet élaboré par plusieurs membres de cette assemblée ; la commission s’est emparée des deux projets ;M. d'Elhoungne a fait un rapport. Ainsi, on ne s’est dessaisis ni de l’un ni de l’autre des projets. (C’est juste ! c’est juste !

- La chambre, consultée, adopte la proposition de M. d'Elhoungne. Ainsi, la commission chargée de l’examen du projet de loi sur les distilleries sera invitée à faire de nouveau son rapport.

M. Brabant. - Je dois faire observer à la chambre que deux membres de la commission des distilleries ne font plus partie de la chambre, ce sont MM. Serruys et Goethals ; je demande qu’on les remplace.

M. le président. - Comment la première commission a-t-elle été nommée ?

- Plusieurs membres. - Par le bureau ! par le bureau !

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - L’ordre du jour est un rapport sur la vérification des pouvoirs.

- Plusieurs membres. - Il y a une opération commencée relativement à la vérification des pouvoirs ; il s’agit de prononcer sur les élections de MM. Marcellis et Kauffman.

M. Dumortier. - Je demande qu’avant de procéder à l’examen des élections, on nomme la commission de l’industrie et la commission des finances ; la commission de l’industrie est l’une des plus importantes que la chambre puisse former dans son sein. Une première opération a été faite pour en désigner les membres, il faut en faire une seconde pour compléter le travail commencé.

J’insiste vivement pour que la chambre commence sa séance par cette nomination. L’année dernière cette commission n’a rien fait ; car qu’a-t-elle présenté ? Un rapport sur les chapeaux de paille, sur les foulards, sur le bonheur de la vie champêtre. (On rit.)

M. Mary. - Je dois déclarer, au nom de la section centrale, que son rapport sur le budget des voies et moyens est prêt. Je demande que son travail soit déposé sur le bureau et qu’il soit imprimé et distribué.

M. A. Rodenbach. - A propos de finances et d’industrie, je ne crois pas inopportun de rappeler à M. le ministre des finances que la commission des finances devrait publier son travail sur l’impôt. Le système de l’impôt doit être modifié ; cette modification importe aux contribuables, autant et plus que les petites démarches diplomatiques.

M. Milcamps. - Je crois que l’on doit commencer cette séance par la vérification des pouvoirs, car il importe de savoir si la province de Liége sera ou non représentée dans cette chambre. D’un autre côté, la chambre a entendu, par la lecture du procès-verbal, que la question de la vérification des pouvoirs est placée au premier ordre. Ainsi nous devons suivre l’ordre indiqué par le procès-verbal.

M. Jullien. - La vérification des pouvoirs des élus de Liége est une opération commencée.

M. Dumortier. - L’autre opération est également commencée.

M. le président. - Je dois consulter la chambre pour savoir par quels travaux elle commencera sa séance.

- La chambre décide qu’elle va procéder immédiatement au scrutin de liste pour la nomination des commissions de l’industrie et des finances.

Nomination des commissions permanentes

Commission de l'industrie

M. Jullien. - On vous prie, M. le président, de vouloir bien rappeler ceux qui dans la dernière séance ont obtenu le plus de voix pour être membres de la commission de l’industrie.

M. le président. - Ce sont : MM. Dumont qui a obtenu 37 voix ; Legrelle qui en a obtenu 23 ; Brabant 22 ; Coghen 21 ; Pirmez 18 ; Dumortier 17 ; Mary 17 ; A. Rodenbach 16 ; Hye-Hoys 14.

- Le scrutin de liste est ouvert. En voici le résultat :

Il y a 59 votants ; majorité absolue, 30.

Les suffrages sont ainsi répartis :

MM. Brabant 36 ; Legrelle 27 ; Coghen 26 ; Dumortier 24 ; Dumont 23 ; Pirmez 18 ; Rodenbach 16.

M. le président. - M. Brabant, ayant seul obtenu la majorité, est membre de la commission.


- Le troisième scrutin est un scrutin de ballottage entre les six candidats qui ont obtenu le plus de voix.

MM. Legrelle, Coghen, Dumortier, ayant la majorité relative par le troisième scrutin, sont proclamés membres de la commission de l’industrie et la complètent.

Commission des finances

M. le président. - Maintenant il va être procédé à la nomination de la commission des finances, qui doit être composée de 7 membres. L’année dernière, elle était composée de MM. d’Elhoungne, Osy, Angillis, Dubus, Legrelle, Brabant, Seron.

Un scrutin de liste est ouvert. Son dépouillement donne la répartition suivante des suffrages :

MM. Angillis 50 ; d’Elhoungne 48 ; Osy 44 ; Dubus 44 ; Meeus 44 ; Brabant 29 ; Mary 23 ; Dumont 20 ; Legrelle 16.

Le nombre total des votants est de 59 ; majorité 30.

Par conséquent, MM. Angillis, d’Elhoungne, Osy, Dubus, Meeus, sont proclamés membres de la commission des finances.


Un autre tour de scrutin est ouvert pour compléter la commission des finances.

Le nombre des votants est de 55. M. Mary ayant obtenu 38 voix, et M. Dumont en ayant obtenu 38, sont désignés membres de la commission des finances.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Liége

M. le président. - La suite de l’ordre du jour est la discussion des conclusions de la commission de vérification des pouvoirs sur les élections de MM. Kauffman et Marcellis, à Liège. La commission a proposé l’admission.

M. Milcamps. - Je viens prétendre qu’après une élection de représentants, l’exercice d’un pourvoi en cassation contre des décisions qui ont précédé l’élection est inutile ; que ce pourvoi en cassation ne saurait être suspensif de la décision de la chambre ; et, après avoir donné quelques développements à ces deux propositions, j’examinerai au fond la question de validité de l’élection.

Le pourvoi en cassation, après l’élection, contre une décision qui l’a précédée, est inutile ; car immédiatement après l’élection il existe un tribunal unique appelé à prononcer sur la validité des opérations électorales ; c’est la chambre (article 40 de la loi électorale.)

Il y en a une raison fort simple ; c’est qu’avant l’élection il existe des pouvoirs qui ont des attributions. La chambre n’est saisie de rien. Les décisions que ces pouvoirs portent dans le cercle de leurs attributions doivent être suivies. Ainsi la décision d’un conseil provincial, conformément aux règles prescrites par la loi et contre laquelle un pourvoi en cassation n’aurait pas été exercé dans les cinq jours, aurait l’autorité de la chose jugée, et elle serait reçue pour la vérité même ; la chambre, avec toute son omnipotence, ne pourrait pas s’en écarter.

Mais des décisions rendues après l’élection par quelque autorité que ce soit ne sauraient être considérées que comme raison écrite, parce que, du moment que l’exécution est consommée, un seul pouvoir est appelé à prononcer sur la validité des opérations électorales : c’est la chambre, et elle juge souverainement.

De l’inutilité, après l’élection, du pourvoi en cassation, l’on doit facilement conclure que ce pourvoi ne saurait être suspensif de la décision de la chambre. C’est d’ailleurs une règle générale que le pourvoi n’est pas suspensif, et la loi électorale ne contient pas d’exception ; et sur ce point je n’ajouterai rien aux éclaircissements soumis dans une séance précédente, lorsqu’il s’est agi pour la première fois des élections de Liége.

J’aborde maintenant la question au fond, bien que les pétitionnaires se soient bornés à demander que la chambre suspende sa décision jusqu’à ce que la cour de cassation ait statué sur le pourvoi, et par la considération que la pétition tend virtuellement à l’annulation des opérations électorales de Liège, et que des membres de cette assemblée qui exerce un droit légal en soutiennent la nullité.

A cette occasion, je ne puis me dispenser de faire remarquer, si ce qu’on m’assure est exact, qu’il y a quelque chose d’étrange de voir figurer parmi les pétitionnaires des électeurs qui ont voté dans l’assemblée électorale. Dans les règles ordinaires ils sont censés avoir acquiescé aux décisions du 6 novembre.

A part cette circonstance, et relativement à ces décisions du 6 novembre, il n’est pas inutile de faire observer que, si l’article 8 de la loi électorale fixe un délai pour réclamer devant l’administration locale, aucune disposition de cette loi ne détermine un délai pour se pourvoir devant la députation permanente du conseil provincial. Dès lors, on peut réclamer auprès de cette dernière autorité en tout temps, et ainsi la veille de l’élection. La question est de savoir si la réclamation doit subir les deux degrés de juridiction, où si le réclamant peut saisir de plano la députation permanente. A cet égard, il est encore bon de faire remarquer que, dans l’esprit de la loi électorale, les deux degrés de juridiction sont établis en faveur du réclamant. Or il est de maxime que chacun peut renoncer aux avantages qui lui sont déférés pour son intérêt personnel.

Il est encore de principe qu’il peut être dérogé par la volonté des parties aux lois qui établissent les deux degrés de juridiction. C’est ainsi qu’il a été décidé qu’une cour d’appel peut, du consentement des parties, statuer sur leur contestation, quoiqu’elle n’ait point été portée devant le tribunal de première instance. Il faut d’ailleurs remarquer que la régence de Liège avait fait annoncer qu’elle ne pouvait admettre de réclamations après les délais fixés par l’article 8 de la loi électorale. La non-admission des réclamations avait donc été proclamée,

S’il en est ainsi, qu’en résulte-t-il ? C’est que la loi électorale n’ayant fixé aucun délai fatal pour se pourvoir devant la députation permanente, les 18 personnes dont il s’agit ont pu faire constater leurs droits devant cette autorité, la veille même de l’élection, et que les décisions du 6 novembre ont été compétemment rendues et exécutées.

Dira-t-on qu’après le délai aucune réclamation ne peut plus être admise, qu’il y a déchéance ? Mais la loi n’en prononce aucune. En France même, malgré que la loi de 1828 prononce la déchéance, on interprète la loi de manière que celui qui acquiert la possession annale du cens, avant la convocation du collège, est admis à voter.

Vainement viendrait-on objecter que, d’après cette doctrine, il n’existera aucun moyen de s’opposer à la décision à intervenir, et, d’après celle précédemment professée, aucun de se pourvoir, après l’élection, contre la décision intervenue : cela est vrai. Mais d’où cela vient-il ? Le législateur l’a-t-il ainsi voulu ? Ou bien y a-t-il une lacune dans la loi ? Je l’ignore. Mais on peut admettre la première hypothèse d’après l’article 23, qui y semble favorable ; et, en effet, dans le système contraire, cet article 23 est un non-sens, une véritable superfétation, ce qu’il n’est pas permis de supposer.

D’ailleurs, dans la première hypothèse, reste toujours le recours à la chambre ; et la présente discussion prouve que ce n’est pas une garantie illusoire.

Ainsi, si les pétitionnaires venaient établir, prouver que les décisions du 6 novembre sont frauduleuses, qu’elles ont introduit dans l’assemblée de faux électeurs soit parce qu’ils n’étaient pas Belges de naissance et n’avaient point reçu la grande naturalisation, soit parce qu’ils ne payaient pas le cens déterminé, et que l’introduction de ces faux électeurs a déplacé la majorité au préjudice de M. Tielemans, assurément la chambre ferait justice d’une pareille fraude en annulant, en vertu de son omnipotence, les opérations électorales.

Mais les pétitionnaires n’allèguent point que les 18 personnes qui ont été admises par les décisions du 6 novembre à l’exercice de leurs droits politiques ne réunissaient pas les conditions requises. Ils n’allèguent pas même que les votes de ces personnes aient déplacé la majorité au préjudice de M. Tielemans, mais seulement qu’elle a pu la déplacer. Or, de ce qu’une chose a été possible on ne peut conclure qu’elle a été faite. Seulement ils dénient que la députation permanente ait pu être saisie de plano de la connaissance de la réclamation des 18 personnes, et concluent de là que les décisions du 6 novembre ont été rendues incompétemment. Incompétence que j’ai combattue et que je crois non fondée.

Dans de telles circonstances, la considération qu’aucune fraude dans les opérations électorales n’est alléguée, la faveur due aux citoyens pour l’exercice des droits politiques, la considération que plus le nombre d’électeurs est élevé, mieux le vœu du pays se manifeste dans le choix des représentants de la nation, l’incertitude si les votes de 18 personnes, contre lesquels on réclame, ont été défavorables à M. Tielemans, le droit qu’a la province d’être représentée dans la chambre, et à l’appui de tout cela l’article 23 de la loi électorale, seront pour moi, messieurs, des motifs suffisants pour déterminer mon vote en faveur de l’admission de MM. Marcellis et Kauffman.

(Moniteur belge n°341, du 9 décembre 1832) M. Jullien. - Messieurs, j’ai fait partie de la minorité de la commission de vérification des pouvoirs, qui a soutenu la nullité de l’élection de MM. Marcellis et Kauffman. Cette circonstance, jointe à l’importance des questions qui vous sont soumises est pour moi un motif suffisant de soumettre à la sagesse de la chambre les raisons qui ont déterminé mon opinion.

Vous connaissez les faits par le rapport qui vous a été présenté ; permettez-moi cependant de vous les rappeler succinctement.

Lorsqu’il s’est agi de l’élection de trois représentants à Liége, le 7 novembre dernier, après que la révision annuelle des listes électorales avait été faite par la régence, que tous les délais donnés pour les réclamations étaient expirés, un assez grand nombre de personnes, qui croyaient avoir droit d’être électeurs, se sont adressées à cette autorité, pour être portées sur ces listes. La régence a répondu verbalement, car aucun document n’est produit, que d’après la loi, et une fois les listes closes, elle ne pouvait plus les réviser et que les délais étant expirés, elle ne pouvait avoir égard à ces réclamations.

Cependant, ceux qui avaient échoué devant la régence ont trouvé le chemin plus facile devant la députation permanente des états de la province. Parmi les documents communiqués, se trouve une lettre d’après laquelle la députation permanente prévient la régence, qu’à la vérité l’autorité communale n’a plus le droit d’inscrire les réclamants sur la liste ; mais que le recours reste toujours ouvert devant la députation.

Quelques réclamants ont profité de cette bonne disposition de la députation permanente, et dès le mois d’octobre, ceux-là se sont fait inscrire sur la liste. Mais le 6 novembre, veille des élections, 17 individus se sont présentés à cette même autorité et de ces 17 décisions, la seule qu’on ait communiqué, dit : qu’attendu que un tel paie le cens, il est admis comme électeur. Et le 7 novembre, ces 17 individus, conjointement avec ceux qui avaient pris les devants, se sont présentés au collège électoral, et tous ont voté.

Cette manière de procéder a éveillé la sollicitude des électeurs et de ceux qui se croyaient lésés. En conséquence, vous avez reçu une pétition par laquelle on vous supplie de ne pas passer outre à l’examen des élections de Liége, avant que la cour de cassation ait rendu son arrêt. Et en effet, les pétitionnaires ont déposé au secrétariat de la province dans les délais de la loi, un pourvoi contre les 17 décisions dont s’agit.

Lors du premier rapport qui vous a été fait, la commission avait pensé qu’il était prudent d’attendre la décision de la cour suprême, avant de se prononcer ; mais cet avis de la commission n’a pas été tout à fait goûté par la chambre, et on l’a invité à présenter un rapport sur le fond. La chambre a dit : nous ne devons pas être liés par le pourvoi ; nous sommes omnipotents en matière électorale, principe vrai en soi. Et le rapport vous a été fait dans la séance d’avant-hier par M. Hye-Hoys.

Toute cette contestation, messieurs, peut se résumer dans les quatre questions suivantes : 1° Après la révision annuelle des listes électorales et tous les délais expirés pour les réclamations, peut-on encore se faire porter sur les listes ; en d’autres termes, peut-il y avoir lieu à des révisions nouvelles ?

2° La députation permanente, à défaut d’une décision de l’administration communale, que je soutiens être le juge de première instance, a-t-elle pu se saisir directement de pareilles réclamations ; était-elle compétente pour en décider ?

3° En cas d’affirmative sur cette question, la décision de la députation permanente de Liége est-elle légale, est-elle valable, est-elle fondée ?

4° Dans ce cas encore, c’est-à-dire, en supposant que la décision fût valable d’après la loi, les électeurs qui ont été admis le 6 par cette décision, pouvaient-ils le lendemain, aller voter dans le collège électoral au mépris du recours en cassation que l’article 14 de la loi électorale accorde aux parties intéressées ?

Voilà, messieurs, les questions que je me propose d’examiner, et sur lesquelles je jetterai autant de clarté qu’il me sera possible.

Pour décider toutes ces questions, messieurs, il faut recourir à la loi et pour la comprendre et l’expliquer il faut la lire, veuillez donc suivre avec moi les citations que j’aurai l’honneur de vous faire puisque vous avez la loi électorale sous les yeux.

D’après l’article 6, « La liste des électeurs est permanente sauf les radiations et inscriptions qui peuvent avoir lieu lors de la révision annuelles. » (Voilà une disposition bien positive).

« La révision sera faite conformément aux dispositions suivantes : »

Voilà une disposition impérative, ainsi la révision, qui est le seul cas d’exception, sera faite conformément aux dispositions qui suivent. Voyez les articles 8 et 9.

« Art. 7. Les administrations communales feront, tous les ans, du premier au 15 avril, la révision des listes des citoyens de leurs communes qui, d’après la présente loi, réunissent les conditions requises pour être électeurs ; » cet article est clair.

« Art 8. Lesdites administrations arrêteront les listes et les feront afficher pour le premier dimanche suivant. Elles resteront affichées pendant 10 jours, cette affiche contiendra invitation aux citoyens qui paient le cens requis dans d’autres communes, d’en justifier à l’autorité locale, dans le délai de quinze jours, à partir de la date de l’affiche, qui devra indiquer le jour où ce délai expire.

« La liste contiendra en regard du nom de chaque individu inscrit, la date de sa naissance et l’indication du lieu où il paie des contributions propres ou déléguées, jusqu’à concurrence du cens électoral. S’il y a des réclamations auxquelles l’administration communale refuse de faire droit, les réclamants pourront se pourvoir à la députation du conseil provincial. »

Ces dispositions constituent la publicité et le contrôle : la publicité, afin que personne n’ignore que tels ou tels se sont présentés comme électeurs ; le contrôle afin que tous les citoyens puissent réclamer, puissent dire : Vous avez porté tel individu qui ne doit pas être porté ; il ne paie pas le cens ; il possédait une propriété et ne la possède plus ; tous renseignements qui ne peuvent être donnés qu’au domicile de l’électeur.

S’il y a des réclamations à faire, celui qui a intérêt à réclamer fait ses démarches près de l’administration communale ; et si cette administration refuse d’y faire droit, le réclamant a son recours devant la députation des états qui est le juge d’appel dans ces affaires.

Voyez maintenant l’article 9 :

« Art. 9. Après l’expiration du délai fixé pour les réclamations, les listes seront immédiatement envoyées au commissaire du district ; un double en sera retenu à la secrétairerie de la commune ; chacun pourra prendre inspection des listes tant à la secrétairerie de la commune qu’au commissariat du district. Le commissaire du district fera la répartition des électeurs en sections, s’il y a lieu, conformément à l’article 9 de la présente loi. »

D’après cet article, vous voyez, messieurs, que tout est consommé devant l’administration communale. Mais vous allez demander quel est le sort des réclamations qui ont été ouvertes aux électeurs en vertu de l’article 8 ? Suivez, je vous prie, et vous allez trouver cette filière dans les articles 12, 13 et 14 de la loi électorale.

L’article 12 dit : « Tout individu indûment inscrit, omis ou rayé, ou autrement lésé, dont la réclamation n’aurait pas été admise par l’administration communale, pourra s’adresser à la députation permanente du conseil provincial, en joignant les pièces à l’appui de sa réclamation.

« De même, tout individu jouissant des droits civils et politiques, pourra réclamer contre chaque inscription indue ; dans ce cas le réclamant joindra à sa réclamation la preuve qu’elle a été notifiée à la partie intéressée laquelle aura dix jours pour y répondre, à partir de celui de la notification. »

Ainsi voilà qui règle la manière dont les réclamations seront faites, la manière dont elles seront publiées, la manière dont elles seront notifiées aux parties intéressées ; et c’est toujours dans les délais que la loi donne pour les révisions annuelles.

L’article 13 dispose : « « Art. 13. La députation permanente du conseil provincial statuera sur ces demandes dans les cinq jours après leur réception, ou dans les cinq jours après l'expiration du délai d'opposition à la réclamation, si la demande est faite contre un tiers. Les décisions seront motivées.

« La communication de toutes les pièces sera donnée sans déplacement aux parties intéressées qui le requerront ou à leurs fondés de pouvoirs.

« Les décisions seront immédiatement notifiées aux parties intéressées et au commissaire du district, pour faire les rectifications nécessaires.

« Toutes les réclamations et tous les actes y relatifs pourront être sur papier libre, et seront dispensés de l'enregistrement ou enregistrés gratis. »

Cette loi, messieurs, est calquée sur la loi française. Je vous prie de remarquer avec quelle attention elle suit l’électeur dans tous ses mouvements, et de quelles précautions elle entrave la constatation de la capacité électorale.

Allez maintenant à l’article 14.

« Art. 14. Le recours en cassation sera ouvert contre les décisions de la députation du conseil provincial.

« Les parties intéressées devront se pourvoir dans le délai de cinq jours après la notification.

« La déclaration sera faite en personne, ou par fondé de pouvoirs, au secrétariat du conseil provincial, et les pièces seront envoyées immédiatement au procureur général près la cour de cassation. Le pourvoi sera notifié dans les cinq jours à celui contre lequel il est dirigé.

« Il sera procédé sommairement et toutes affaires cessantes, avec exemption de frais de timbre, d'enregistrement et d'amende. Si la cassation est prononcée, l'affaire sera renvoyée à la députation du conseil provincial le plus voisin. »

Je vous prie de faire attention à cette dernière disposition : « Il sera procédé sommairement… » Vous voyez, messieurs, comment la loi a soin d’abréger les délais. A la députation elle dit : Vous jugerez dans les cinq jours les réclamations ; à la cour de cassation elle dit : Vous jugerez dans les cinq jours les pourvois, toutes affaires cessantes : ainsi, quelque importantes que soient les affaires de la cour suprême, on a mis les questions électorales en première ligne.

Conférez cet article avec l’article 18, qui dit :

« Art. 18. La réunion ordinaire des collèges électoraux pour pourvoir au remplacement des députés sortants, a lieu le deuxième mardi du mois de juin.

« Lorsqu'il y a lieu de procéder à une élection par plusieurs collèges réunis, elle se fera le troisième mardi du même mois. »

Ainsi, la révision a commencé le premier avril ; les délais pour les affiches, pour les réclamations, se suivent et correspondent entre eux, et la loi a justement calculé que, dans cet intervalle d’environ deux mois et demi, tous ceux qui avaient fait des réclamations pouvaient avoir une décision définitive. Voilà, messieurs, toute l’économie de la loi et de l’article 23, sur lequel on s’est tant appuyé et que je m’en vais vous lire :

« Art. 23. Nul ne pourra être admis à voter s’il n’est inscrit sur la liste affichée dans la salle et remise au président.

« Toutefois le bureau sera tenu d’admettre la réclamation de tous ceux qui se présenteraient munis d’une décision de l’autorité compétente, constatant qu’ils font partie de ce collège, ou que d’autres n’en font pas partie. »

Il n’y a rien de plus simple et de plus clair que toutes ces dispositions ; ne voyez-vous pas qu’elles se lient entre elles, qu’elles s’enchaînent et que l’une appelle l’autre ?

Quand le réclamant a fait toutes ses démarches en temps utile, qu’il a épuisé les différents degrés de juridictions, il est bien juste que pour prix de ses diligences, il pût jouir du bénéfice de la décision qu’il avait obtenue ; voilà toute la raison de l’article 23.

Mais on a dit : Vous parlez pour les élections ordinaires ; mais il s’agit ici d’élections extraordinaires, et qui arrivent après que la révision annuelle est faite. Eh bien ! messieurs, c’est l’article 11 de la loi qui va décidez cette question.

L’art. 11 dit : « Lorsqu’il y aura lieu à une élection extraordinaire, à cause d’option, de décès, de décision ou autrement, les listes, dressées conformément aux articles précédents, serviront de base pour la convocation des électeurs. »

Quand il se présente un cas d’élection extraordinaire, il faut bien que l’on indique quelles listes doivent être invoquées : ce seront les listes dressées en conformité des articles 6, 7, 8 et 9 ; cela ne veut-il pas dire qu’on ne peut appeler dans les collèges électoraux que ceux qui ont été portés sur les listes, lors de la dernière révision, voilà la base pour la convocation.

Si vous voulez appliquer à l’élection extraordinaire les mêmes formalités qu’à l’élection ordinaire, alors le temps va vous manquer ; vous ne pourrez plus donner les délais pour les affiches, pour les réclamations et pour les décisions à intervenir ; il fallait donc bien que le législateur s’arrêtât à une chose, c’est-à-dire au principe de la permanence des listes ; il n’y a que ceux qui sont portés sur les listes permanentes qui peuvent voter, et c’est ainsi que la loi a résolu la première question.

Je viens maintenant à la seconde question : La députation permanente du conseil provincial était-elle compétente ? Je dis que non. Vous avez vu, messieurs, par l’article 8 de la loi électorale que, lorsque l’administration communale refuse de faire droit à la réclamation de l’électeur, on en appelle à la députation permanente. L’article 12 répète encore la même chose. J’en conclus que la députation permanente de la province n’est pas autre chose qu’un juge d’appel : nier cette vérité, c’est nier l’évidence. Eh bien ! messieurs, il y a un vieil adage en droit, qui dit : Il n’y a de dévolu au juge d’appel, que ce qui est appelé. D’où il faut conclure que quand il n’y a rien appelé devant le juge, rien ne lui est dévolu. Et cela est tout simple, car un juge d’appel est celui qui révise en seconde instance. Or il ne peut pas y avoir de révision en seconde instance, s’il n’y a pas eu de décision en première instance.

Il s’agit toujours pour un juge d’appel de confirmer ou d’annuler la décision du premier juge. Cela est incontestable. Eh bien ! si la députation permanente de la province n’est pas autre chose qu’un juge d’appel, comment voulez-vous la rendre compétente pour le cas qui nous occupe, lorsqu’elle s’est saisie de son chef de réclamations qui n’ont pas été portées devant l’administration communale ? Mais on dira : L’avis de la régence de la ville de Liége, inséré dans les gazettes, doit être considéré comme une première décision.

Messieurs, je n’envisage pas cet avis comme une décision.

Aucune réclamation n’a été faite à l’administration communale, et elle n’a eu à décider sur rien ; seulement elle a dit aux réclamants que, ne pouvant rien pour eux, ils n’avaient qu’à s’adresser à l’administration provinciale qui prétendait pouvoir les aider. Je soutiens donc que la députation des états n’était pas compétente. Et comment en effet pourrait-elle enlever aux réclamants un degré de juridiction ? Le premier degré de juridiction était l’administration communale, et il leur a été enlevé.

Mais dit-on, si les ayants-droit n’ont pas réclamé, que nous importe ? L’erreur vient de ce que l’on ne voit point que le contrôle n’appartient pas seulement à ceux qui ne sont pas portés sur la liste, mais encore à tous les électeurs qui prétendent que c’est à tort que d’autres y sont portés. Ainsi donc vous les privés d’un degré de juridiction, ainsi la députation des états n’était pas compétente.

Mais supposons qu’on décide qu’elle était compétente, il faut maintenant examiner si sa décision est fondée, et je soutiens que jamais en matière électorale il ne vous sera présenté une décision plus irrégulière et plus illégale que celle-là. D’abord, la lettre de la députation des états porte avec elle la condamnation de la décision dont il s’agit.

Cette lettre dit à la régence que l’administration communale ne pouvait plus faire droit aux réclamations ; mais que cependant l’autorité provinciale le pouvait. Or, je vous demande, pourquoi l’administration communale ne pouvait faire droit ? C’est parce que le délai déterminé était expiré et que la loi défendait de réviser la liste. Mais si l’administration communale ne pouvait le faire, parce que la loi le défendait, comment cela était-il permis à l’autorité provinciale ? Y a-t-il donc deux lois différentes, l’une pour la première autorité et l’autre pour la seconde ? Comment ! lorsque la loi défend à l’administration communale, c’est-à-dire au juge de première instance de réviser la liste des électeurs parce que cette liste doit être permanente, vous qui êtes juges en deuxième instance, vous pourriez dire : Moi j’ai ce droit de révision. Je voudrais bien voir où l’on a puisé cette singulière doctrine ? Il y a, vraiment, messieurs, aberration complète de tous les principes dans une pareille décision.

Ainsi, quant à la troisième question, je la résous encore négativement, c’est-à-dire la décision n’est pas fondée. Mais j’examine la dernière question, qui se résoudra négativement comme toutes les autres. Car supposons que, par impossible, on puisse décider contre tous les principes que j’ai exposés, que cette décision est fondée, qu’elle vaut quelque chose, et qu’elle est conforme à la loi, dans ce cas même, est-ce que les électeurs admis le 6 pourraient aller voter le 7, au mépris des dispositions formelles de l’article 14 de la loi électorale, qui donne cinq jours pour attaquer la décision ? A quoi bon m’accorder le droit de recourir en cassation contre une décision, dans les cinq jours, si cette décision est exécutée le lendemain même ? L’orateur qui m’a précédé a dit que nous avons décidé que le pourvoi n’était pas suspensif. Non, messieurs, nous n’avons rien décidé, nous avons laissé la question entière.

Quant à moi je soutiens que d’après la loi, d’après l’esprit du législateur, le pourvoi en cassation est suspensif, et je me fonde sur ce qu’il a entendu que ce pourvoi fût jugé de suite. Le législateur a voulu, en détournant la cour de cassation, cette magistrature suprême, de ses occupations ordinaires juger sur-le-champ le pourvoi, que le réclamant pût jouir immédiatement du bénéfice de sa réclamation. Si ce pourvoi n’était pas suspensif, on aurait laissé les choses dans le droit commun, et l’on n’aurait pas forcé la cour suprême à quitter à chaque instant ses fonctions habituelles pour s’occuper, toutes affaires cessantes, de la matière électorale.

En résumé, vous voyez, messieurs, que d’après la résolution donnée légalement à ces quatre questions, l’élection qui vous occupe est complétement nulle et qu’elle renverse toute autre loi électorale, qui, quoiqu’on en dise, est très claire, et je ferai observer en passant, que quand il s’agira de toucher à cette loi, il faudra procéder avec la plus grande circonspection.

J’arrive maintenant aux principaux arguments que j’ai entendu faire valoir dans la commission par les adversaires de la minorité. Je crois qu’on les reproduira, car je doute qu’on puisse en présenter de plus solides ou du moins de plus spécieux. Voici ces arguments.

On a dit : La loi qui détermine toutes ces formalités, tous ces délais, n’a pas prononcé la peine de déchéance. Or, d’après le droit commun, toutes les fois qu’une formalité est prescrite sans que la loi attache au défaut d’accomplissement la nullité ou la déchéance, il ne faut pas s’y arrêter. C’est ce que les jurisconsultes appellent (je puis bien me servir des termes consacrés puisqu’il s’agit ici d’une question toute de droit), c’est ce que les jurisconsultes appellent : nudum praeceptum, un précepte nu.

Mais, messieurs, est-ce une simple formalité que la disposition qui prescrit la permanence des listes ? La loi a dit que ces listes seront permanentes ? Cela suffit. Elle n’avait pas besoin d’attacher là une pénalité. Quand elle dit expressément que les listes seront permanentes, vous ne pouvez pas lui faire dire qu’on aura la faculté de les réviser toute l’année. Si vous admettez cela, il en résultera qu’elles ne seront plus permanentes du tout. Ainsi que vous appelez une formalité, je l’appelle moi une disposition impérative. Ensuite qu’on ne vienne pas nous parler de déchéance ! Il ne s’agit pas ici de déchéance.

Est-ce que les personnes qui n’ont pas réclamé en temps utile leur inscription sur la liste, sont pour cela déchues de leur droit d’électeurs ? Non certainement. Seulement l’exercice de ce droit est suspendu pour cette année, à cause de leur négligence ; mais l’année suivante, s’ils sont plus diligents, ils pourront l’exercer. Il y a encore un axiome de droit qui dit : le droit sert à ceux qui sont vigilants. Les électeurs négligents ne font donc que porter la peine de leur défaut de vigilance.

Il y a dans notre code civil une infinité de cas analogues. La loi attache la condition, la possession d’un avantage à l’accomplissement d’une formalité. Si on n’a pas soin d’accomplir cette formalité, on ne peut pas jouir du bénéfice de la loi. Par exemple, vous avez droit d’hypothèque sur les biens de votre débiteur ; mais si vous ne prenez pas inscription, vous n’êtes pas créancier hypothécaire. Il en est de même dans plusieurs autres cas. Si vous négligez ce que la loi vous prescrit, vous portez la peine de votre négligence. Il n’y a pas, je le répète, déchéance du droit, mais seulement suspension temporaire.

Il faut distinguer d’ailleurs entre l’aptitude à acquérir un droit et un droit acquis. Quand vous payez le cens, vous êtes habile à devenir électeur, mais vous ne le devenez qu’en justifiant du paiement, conformément à la loi, et si vous ne faites pas ce qu’elle prescrit, il s’en suivra que le droit ou l’exercice du droit restera en suspens.

Je n’ai plus après cela que deux observations à vous présenter. Voici le grand raisonnement de ceux qui ont soutenu l’admissibilité. Ils ont dit : Ces électeurs supplémentaires ne sont pas de faux électeurs, puisqu’ils paient le cens, et qu’ils se sont présentés de bonne foi. Pourquoi donc ne les admettriez-vous pas ?

Je réponds d’abord qu’il ne m’est pas justifié qu’ils paient le cens, parce que je n’accepte pas comme justification la décision rendue le 6 pour autoriser à voter le 7. Il me faut une autre garantie, il me faut la preuve que la publicité a été donnée aux réclamations, et que le contrôle a été ouvert pendant le temps nécessaire pour constater qu’elles étaient fondées. Qu’on produise un extrait qui dise : un tel paie tant. C’est bien, mais a-t-on laissé la faculté de vérifier cet extrait, de rechercher par exemple si la propriété payant l’impôt porté sur cet extrait n’est pas indivise et si le réclamant n’en possède que le quart, le tiers ou la moitié ; ou bien si la propriété pour laquelle il justifie d’un impôt n’a pas été vendue l’année dernière ?

Il y a plus, c’est que je n’ai trouvé dans le dossier qu’une seule décision sur 17 réclamants, et cette décision est très vague et se contente de dire : Attendu qu’un tel paie le cens, nous l’admettons comme électeur. Voici pour un. J’ai vu ensuite dans le dossier des notes relatives au paiement des contributions qui portaient seulement : Un tel a justifié qu’il payait le cens en 1831, sans autre explication. Je demande s’il était possible d’asseoir sur pareilles bases une décision qui donne le droit électoral, et cela sans avoir aucune autre assurance ni garantie.

Ne vous y trompez pas, messieurs, par la solution que vous donnerez à cette question, vous allez décider de notre législation électorale ; vous allez la maintenir ou la ruiner de fond en comble. On a répété cent fois dans certaines feuilles que nous n’étions que les représentants de la sacristie à cause de l’influence qu’on attribue au clergé sur les élections. Mais au moins quand on peut justifier qu’on a fidèlement obéi à la loi électorale, alors on peut soutenir, quelle que soit d’ailleurs la valeur de ces reproches, que les élections sont censées être l’expression libre du vœu des électeurs et si on ne représente que la sacristie, on représente au moins quelque chose.

Mais si vous admettez qu’on puisse, en faisant fraude et violence à la loi, en détruisant toutes les garanties de publicité et de contrôle dont elle a sagement entouré le droit électoral, faire des fournées d’électeurs à l’instant même, pour favoriser ou contrarier telle ou telle élection, alors ceux qu’on introduit ainsi dans la représentation nationale ne représentent rien ; cette grande institution est viciée dans sa source, et elle n’est plus aux yeux du pays qu’un grossier mensonge ; c’est à vous maintenant à maintenir ou à renverser, et pour cette fois, du moins, un honorable membre que je n’aperçois pas sur ces bancs, ne pourra pas dire que les démolisseurs sont du côté de l’opposition.

Je voterai contre les conclusions de la commission et pour la nullité de l’élection.

(Moniteur belge n°, du décembre 1832) M. Nothomb. - Messieurs, comme l’honorable préopinant, je suis membre de la commission, et comme lui je tiens à justifier l’opinion que j’ai soutenue avec la majorité, et le vote que je vais émettre. La question électorale qui vous est soumise est, sans contredit, la plus importante que vous ayez eu à discuter, Elle est grave par les difficultés qu’elle présente en elle-même ; grave par l’influence que votre décision, quelle qu’elle soit, doit exercer sur l’ensemble de la législation. Ce n’est pas, messieurs, que les faits soient extraordinaires ; ils ne sont même pas nouveaux, et, depuis un an et demi, aucune élection n’a été faite qui n’en présente d’analogues. Vous auriez pu, dans une infinité de cas, vous saisir d’office de la question ; aujourd’hui vous en êtes saisis par une action qui vient du dehors.

Je l’ai déjà dit la première fois qu’il s’est agi de cette affaire devant la chambre. Voyez toutes les pièces du volumineux dossier qui nous a été envoyé ; vous n’y rencontrerez aucune circonstance odieuse, aucune qui puisse éveiller les soupçons et justifier la défiance. Tout s’est passé d’après le cours ordinaire des choses et d’après l’expérience que chacun de vous peut avoir de ces sortes d’affaires. La fraude n’est pas articulée ; or, toute question électorale est avant tout une question de bonne foi.

Le rapporteur de votre commission et le préopinant ont exposé les faits assez imparfaitement pour que j’éprouve le besoin de les rétablir, car il est telle circonstance qu’il importe de relever ; je ne citerai aucun fait, aucune date qui ne soient empruntés à une pièce que vous pouvez consulter.

Le 14 octobre, les électeurs du district de Liège ont été convoqués pour le 7 novembre ; plusieurs citoyens, réunissant notoirement les qualités électorales, remarquant que leurs noms avaient été omis sur la liste permanente, réclamèrent auprès de la régence.

La régence en référa à la députation des états le 17 octobre.

La députation décida, le 20, que, bien que la régence dût s’abstenir de faire des inscriptions supplémentaires, ce droit n’en appartenait pas moins à la députation.

Cette décision du 17 octobre fut renvoyée à la régence qui, le 24 du même mois, la fit insérer, non pas seulement dans le Mémorial administratif, mais dans les quatre journaux qui s’impriment à Liége.

La députation se trouve ainsi saisie des réclamations ; elle ordonne successivement trois inscriptions : la première, le 27 octobre ; la seconde, le 31 octobre, et la troisième le 6 novembre. Ces trois inscriptions ont produit, non pas 17 électeurs, mais 33 : La dernière inscription est seulement attaquée.

Le 7 octobre, les élections se font. Les procès-verbaux de tous les bureaux constatent que la liste principale et les listes supplémentaires étaient affichées, qu’elles ont été lues ; aucune réclamation n’a été faite, et cependant on pouvait réclamer aux termes de l’article 22 de la loi.

Ce n’est que le 10, alors que tout était consommé, qu’on jugea à propos de se pourvoir en cassation, De ces faits il résulte que la régence a été d’abord saisie des réclamations, qu’elle a refusé d’y faire droit, que la députation s’en est alors saisie, qu’il y a eu publicité de la décision de la régence, de celle de la députation, qu’il y a eu publicité des listes supplémentaires, que les élections se sont faites sans la réclamation autorisée par l’article 22, qu’il y a eu 3 inscriptions supplémentaires, qu’il n’y a de pourvoi que contre la troisième, que ce pourvoi ne porte que sur des formalités, les qualités électorales n’étant pas contestées.

Avant de passer à la question de droit, je dois encore insister sur quelques faits.

Il n’y a rien d’odieux dans la circonstance que la troisième inscription s’est faite la veille des élections.

Il n’y a là aucun motif de suspicion. Ce qui le prouve, c’est qu’il y a eu trois inscriptions ; on a inscrit au fur et à mesure que les réclamations étaient venues, et les affaires instruites.

Il n’y a pas de contradiction entre la conduite de la régence et celle de la députation ; la régence pouvait très bien nier sa propre compétence, et ne pas révoquer en doute les pouvoirs extraordinaires de la députation.

Il y a donc eu décision en première instance, quoique en masse et d’une manière générale. La régence ayant refusé de faire droit, la députation se trouve appelée à statuer.

En droit je ne m’attacherai qu’à une seule question et qui domine toute cette affaire. Cette question, la voici :

Peut-on faire des changements aux listes électorales dans l’intervalle d’une révision annuelle à l’autre ?

Je me sers à dessein du mot « changements, » car je prouverai qu’il peut y avoir radiation aussi bien qu’addition.

Les partisans de l’opinion contraire à la mienne s’attachent exclusivement à l’article 6 de la loi électorale, et posent le principe de la permanence d’une manière absolue. D’après eux il n’est qu’un mode d’inscription, c’est la révision annuelle, et dès lors tout est immuable jusqu’à la révision de l’année suivante. Si vous admettez, disent-ils, des inscriptions supplémentaires, il n’y a plus de permanence ; vous inscrivez dans la loi un principe fondamental, et à côté du principe une exception qui le détruit en entier, ils ajoutent que, pour prévenir tout moyen de fraude, le législateur a pu sans injustice frapper d’une peine la négligence.

D’après moi il y a deux genres d’inscriptions : l’inscription ordinaire, qui se fait annuellement à une époque fixe, et l’inscription supplémentaire, qui se fait dans la prévision d’élections extraordinaires.

Je dis que ces deux modes d’inscription sont dans la loi et dans la nature des choses.

La révision annuelle commence au 1er avril, et s’opère d’après les articles 8 et suivants de la loi électorale.

Une fois la révision annuelle terminée, il s’écoule dix mois jusqu’à l’époque de la révision de l’année suivante.

Dans ce long intervalle de dix mois, il arrive bien des changements qui n’ont pu échapper aux prévisions du législateur. Les uns perdent les qualités électorales, d’autres les acquièrent. Que ferez-vous, s’il y a lieu à une élection extraordinaire ?

Je dis qu’il faut rayer les uns et ajouter les autres ; si votre loi ne m’offre pas ces moyens, elle est doublement inconstitutionnelle ; car elle maintiendrait sur la liste des individus qui n’ont pas le droit d’y être et elle en exclurait des citoyens qui ont le droit de s’y trouver.

Vous m’objectez que les droits profitent aux vigilants. Votre objection ne peut s’appliquer à celui qui, depuis la révision annuelle, a atteint l’âge, acquis le cens, ou qui, dûment inscrit dans une commune, a changé de domicile.

L’injustice serait d’autant plus grande que les élections ordinaires peuvent ne pas être les plus importantes. Vous avez accordé à la royauté le droit suprême de dissolution. Les deux chambres peuvent être dissoutes, et cet événement peut venir se placer entre les deux révisions. Exclurez-vous du concours au renouvellement intégral des chambres les citoyens qui, aux termes de la constitution, ont acquis la capacité électorale, en y admettant d’un autre côté, par je ne sais quelle inconcevable contradiction, ceux qui ont perdu cette capacité ?

Votre loi ne peut être entachée de cette double inconstitutionnalité. Elle a dû prévoir un deuxième mode d’inscription. Je le trouve dans les articles 11 et 23.

L’article 23 dit que la liste annuelle servira de base pour les élections extraordinaires : est-ce à dire qu’il ne faille rien y changer ? Non. Car, en immobilisant ainsi la liste, vous y maintiendriez de faux électeurs et vous en excluriez de véritables ?

L’article 23 a remédié à ce double inconvénient, en déclarant que le bureau est tenu d’admettre aux élections tous ceux qui seront munis d’une décision d’une autorité compétente. Mais qu’est-ce que l’autorité compétente ? J’en appelle ici aux souvenirs de ceux d’entre nous qui, comme membres du congrès, ont pris part aux délibérations sur la loi électorale. Le projet primitif portait les mots « députation des états. » L’idée dominante alors était de rendre le système électoral aussi libéral que possible, et de le dégager de toutes les formalités gênantes. On a trouvé que c’était trop limiter le droit par l’adoption de la rédaction proposée, et on a demandé que les mots « autorité compétente » fussent substitués dans le projet primitif. Cet amendement a été adopté. L’autorité compétente pour les opérations électorales est évidemment l’administration communale et la députation.

J’avouerai que l’inscription supplémentaire aurait pu être entourée de plus de garanties ; qu’on a peut-être trop sacrifié à l’idée d’établir la législation la plus libérale ; mais je ne puis aller jusqu’à nier le deuxième mode d’inscription.

L’honorable préopinant vous a parlé de la législation française. Nous savons tous que c’est à cette législation que nous avons emprunté le principe de la permanence. Nous lui avons aussi emprunté les deux genres d’inscriptions, mais sans les garanties attachées à la deuxième. L’article 22 de la loi du 2 juillet 1828 permet d’inscrire sur la liste électorale tous les citoyens qui ont acquis la capacité depuis la révision annuelle, mais il faut qu’ils usent de cette faculté dans les 8 jours qui suivent la publication de l’ordonnance de convocation pour les élections extraordinaires. La déchéance est formellement prononcée.

Ce système n’a pas été établi en France sans opposition, et il n’est pas sans importance de rappeler les débats qui se sont élevés à ce sujet. La question a été vivement débattue pendant deux séances de la chambre des députés les 8 et 9 mai 1828. Plusieurs députés soutinrent que le principe de la permanence s’opposait à toute inscription supplémentaire. Le ministre de l’intérieur, qui avait conçu et proposé la loi, donna à cet égard les explications suivantes :

« Il y avait deux partis à prendre : ou déclarer que la liste révisée devait être conservée comme conférant des droits pour l’année, de manière qu’aucune modification ne pourrait être faite ; ou ajouter des dispositions supplémentaires pour le cas où la réunion des collèges arriverait après la publication du dernier tableau. Le premier mode était beaucoup plus simple : il prévenait tous les abus, il prévenait même tous les soupçons de fraude ; et ce serait un grand avantage pour un projet de loi que d’écarter ces éternels soupçons qu’on élève contre l’administration.

« Nous aurions donc choisi ce premier moyen de préférence, car nous aussi nous ne voulons point ce qui peut faire naître la fraude ; mais nous avons été arrêtés par la plus grave des considérations. Cette disposition eût été formellement contraire aux dispositions de la charte, et nous n’avons pas pensé qu’il nous vous permît de vous proposer de la violer.

« La charte veut qu’aucun citoyen ne puisse exercer les fonctions électorales s’il n’est âgé de 30 ans et s’il ne paie 300 fr. de contributions. Il fallait donc rayer de la liste tous ceux qui, dans l’intervalle, auraient perdu le droit de voter. La charte accorde le droit de voter à tous les Français qui sont âgés de 30 ans et qui paient 300 fr. de contributions. Il fallait donc inscrire sur la liste tous ceux qui, dans l’intervalle, en avaient acquis le droit... Voilà ce qui nous a forcés de recourir à l’autre moyen...

« Il n’y a point de contradiction entre ce que nous proposons et le principe de la permanence. Savez-vous en quoi consiste la permanence ? Non pas dans la stabilité matérielle des listes, mais dans l’exercice d’un droit qui ne peut être enlevé que conformément aux dispositions de la loi... »

Tenons donc pour constant qu’il y a deux modes d’inscriptions, et que toute loi électorale qui se bornerait à la révision annuelle violerait la constitution.

On vous a dit, messieurs, que la représentation nationale ne devait plus être un mensonge. C’est pour la rendre réelle que vous avez brisé l’ancien système électoral, introduit l’élection directe, abaissé l’âge et le cens, au point d’atteindre presque toutes les classes de la société. Ce serait dénaturer votre système électoral que d’exclure des élections tous ceux qui, dans l’intervalle d’une révision à l’autre, c’est-à-dire pendant 10 mois de l’année, acquièrent les qualités requises ; ce serait même le dénaturer que de punir trop sévèrement la négligence. Vous n’admettrez pas cette interprétation étroite, tout en prenant acte des lacunes de la loi pour les combler un jour.

- Il est quatre heures et demie. La séance est levée.


Membres absents sans congé à la séance du 6 décembre 1832 : MM. Boucqueau, Coppens, Coppieters, Davignon, de Foere, de Muelenaere, de Robaulx, de Woelmont, Dumont, Helias d’Huddeghem, Jaminé, Lardinois, Legrelle, Osy, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Rogier, Seron, Thienpont, Vergauwen, Verhagen.