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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 1 décembre
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif aux budgets provinciaux
pour 1833
3) Projet de loi autorisant le gouvernement à
prélever de façon anticipée la contribution foncière pour 1833. Emprunt forcé
et retard apporté dans la reddition des comptes de l’Etat) (Coghen,
(+exemption accordée aux habitants des territoires cédés) de
Renesse, Jullien, Coghen, Angillis, Duvivier, Jullien, Dumortier, (+exemption
accordée aux habitants des territoires cédés) (Duvivier,
Mary, Osy, Dumortier),
Raymaeckers, Verdussen, de Brouckere, Duvivier)
4) Projet de loi relatif à l’impôt des
distilleries (A. Rodenbach, Coghen,
Duvivier, de Brouckere, A. Rodenbach, Duvivier, A. Rodenbach, Duvivier)
(Moniteur belge
n°336, du 3 décembre 1832)
(Présidence de M. Raikem.)
M. Jacques procède
à l’appel nominal quelques minutes avant une heure ; 47 membres sont présents.
M. de Haerne.
- Il faudrait insérer dans le journal les noms des membres absents sans congé.
- A une heure, la chambre est en nombre pour délibérer
et la séance est ouverte.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Jacques fait
connaître l’objet de plusieurs pétitions adressées à la chambre.
Deux lettres sont adressées à M. le président : la
première, par M. Gendebien, qui s’excuse de ne pouvoir assister à la séance de
ce jour, parce que, membre du conseil de régence, il doit assister à la
discussion du budget sur la ville de Bruxelles ; la seconde est de M.
Corbisier, qui demande un congé.
- Le congé est accordé.
PROJET DE LOI RELATIF AUX BUDGETS PROVINCIAUX POUR 1833
L’ordre du jour est le vote définitif sur le projet de
loi relatif aux budgets provinciaux, adopté dans l’avant-dernière séance.
Ce projet est lu ; aucune réclamation ne s’élève sur
le premier vote de la chambre, et la loi est soumise à l’appel nominal.
54 membres ont répondu à l’appel ; le projet a été
adopté à l’unanimité des membres présents.
En conséquence, la loi sera envoyée au sénat.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A PRELEVER DE FACON ANTICIPEE
LA CONTRIBUTION FONCIERE
M. le président.
- Les membres de la commission chargée de l’examen de la loi sur les
contributions foncières de l’exercice 1833 ont-ils terminé leur travail ?
Plusieurs voix. - Oui ! oui
! Le rapport est même imprimé.
M. le président.
- La parole est à M. le rapporteur de cette commission.
M. Coghen
monte à la tribune. Il s’exprime en ces termes. - Messieurs, la commission
spéciale que vous avez chargée de l’examen du projet de loi qui autorise le
gouvernement à percevoir, dès le 10 de ce mois, les 2/3 de la contribution
foncière de 1832, à compte sur celle de 1833, a fait prier M. le ministre des
finances de se rendre dans son sein, afin d’obtenir de lui la communication des
motifs d’urgence qui ont déterminé le gouvernement à vous proposer cette
mesure.
Ces motifs consistent principalement en ce que, dès le
1er janvier et 1er février, le trésor doit pourvoir, à l’avance, à la solde
journalière de l’armée, qui est d’environ 6 millions de francs pour chaque mois.
Il doit être également en mesure de faire face aux dépenses courantes de ce
dernier exercice.
Si la rentrée des produits avait lieu au jour le jour,
il eût été moins urgent d’autoriser cette anticipation de perception ; mais
chacun de vous sait, messieurs, que les produits indirects ne se versent
successivement qu’à des époques plus ou moins éloignées, et que les impositions
directes ne sont exigibles que sur des rôles qui ne peuvent être ordinairement
mis en recouvrement que vers le mois de mars.
Le trésor se trouverait donc embarrassé dans les
premiers mois de l’année, si vous n’accueilliez pas le projet de loi dont la
commission vous propose l’adoption, bien convaincue qu’il ne dénote aucun
déficit pour 1832, et qu’il ne préjuge en rien l’adoption ou le rejet des voies
et moyens qui vous sont demandés pour 1833.
Voici le projet de loi :
« Léopold,
« A tous présents et à venir, salut.
« De l’avis de notre conseil des ministres,
« Nous avons arrêté et arrêtons :
« Le projet de loi dont la teneur suit sera présenté
en notre nom à la chambre des représentants, par notre ministre des finances ad
interim.
« Article unique. En attendant l’adoption du
budget des voies et moyens destiné à faire face aux dépenses de l’exercice
1833, le gouvernement est autorisé à percevoir, par forme d’à-compte sur la
contribution foncière qui sera établie pour l’exercice 1833, les deux tiers de
la contribution portée aux rôles de 1832. Cet à-compte est exigible le 10
décembre 1832.
M. le président.
- L’assemblée désire-t-elle passer immédiatement à la discussion de ce projet,
que M. le ministre des finances a présenté comme très urgent ?
De toutes parts. - Oui ! oui !
- La chambre passe à la discussion.
M. le président donne
lecture de l’article unique du projet et annonce que M. de Renesse a déposé
l’amendement suivant :
« Cependant les habitants des territoires cédés à
la Hollande par le traité du 15 novembre 1831 ne pourront être assujettis à ce
paiement par anticipation. Leurs contributions de 1833 ne se prélèveront que
par douzièmes de mois en mois pour l’exercice 1833. »
M. de Renesse. - Messieurs, je ne dirai que peu de mots pour
justifier la proposition que j’ai l’honneur de faire en faveur des habitants
des territoires cédés à la Hollande par l’acceptation du malheureux traité du
15 novembre 1831.
Il me semble qu’il serait injuste de réclamer de ces
habitants le paiement de toute contribution par anticipation, au moment où le
gouvernement met tout en œuvre pour parvenir à leur délaissement, et leur faire
subir le joug odieux qu’ils ont tant à redouter. Comment, messieurs, on
forcerait ces malheureux habitants à contribuer, par prélèvement, au paiement
de leurs contributions, lorsque maintenant ils paraissent être délaissés de
fait par ce même gouvernement qui, tout en ne rejetant point leur argent, leur
retire cependant, depuis plus de deux années (surtout dans le Limbourg), la
protection qu’il leur doit, quant à leurs personnes et à leurs propriétés, en
permettant aux Hollandais d’exercer, dans ces districts délaissés, toutes les
vexations personnelles et dégradations de propriétés, sans y mettre le moindre
obstacle ? Je pense donc, messieurs, qu’il conviendrait de faire, à leur égard,
une exception, et d’ajouter au projet de loi, actuellement présenté par M. le
ministre des finances, la proposition que j’ai l’honneur de déposer sur le
bureau.
M. Jullien. - Messieurs, l’article 115 de la constitution dit que chaque année, la
chambre arrête la loi des comptes et vote le budget ; le discours de la
couronne nous a donné l’assurance que cette année, et pour la première fois,
les comptes nous seraient présentés.
Vous sentez, messieurs, que l’essentiel, avant de
voter les impôts, et surtout avant de voter des charges nouvelles, est de
connaître notre situation ; C’est sur cette raison que s’appuie l’article 115.
Et, comme c’est la première fois qu’on va nous donner les comptes, je suis
étonné que l’on nous ait présenté les budgets avant les lois des comptes, tant
de fois promises et tant de fois oubliées. Je demanderai à M. le ministre des
finances quand, définitivement, il présentera ces lois des comptes ; quand nous
pourrons par inspection des dépenses faites connaître notre situation, et si
nous devons voter 40 p. c. ou 20 p. c. de contributions de plus.
M. Coghen.
- Messieurs, je répondrai à l’honorable préopinant que les comptes de 1830 et
1831 sont à l’impression. Ils forment un assez gros volume.
Avant de quitter le ministère, j’ai signé l’expédition
de ces comptes, il y a déjà quelques temps, et ils ne peuvent tarder d’être
imprimés et distribués.
L’honorable M. Jullien a désiré avoir une idée de notre
situation financière ; je suis très heureux de pouvoir aller au-devant de ses
désirs, et sans doute au-devant des désirs de toute la chambre. Si l’on veut
m’accorder quelques moments, j’exposerai l’état financier du pays, et je suis
certain qu’il satisfera tout le monde.
Messieurs, vous avez voté par différentes lois les
crédits suivants pour l’exercice 1832.
Dette publique, fl. 45,169402 00
Dotations, fl. 1,524,226 20
Ministère de la guerre, fl. 36,602,378 00
Ministère des finances : fl. 5,225,765 00
Ministère de la justice et prisons : fl. 2,148,592 00
Ministère de l’intérieur : fl. 4,450,300 00
Ministère des affaires étrangères : fl. 286,000 00
Marine : fl. 222,860 00
Non-valeurs, remboursements : fl. 515,805 00
Frais d’administration des territoires cédés : fl.
228,567 00
Les dépenses que vous avez votées pour 1832 s’élèvent
donc à la somme de fl. 96,373,896 00.
Les voies et moyens, ou les revenus que vous avez
accordés, s’élèvent approximativement à fl. 31,258,309 48.
L’emprunt de 48 millions a été estimé à fl. 35,500,000
00
Ce qui fait en tout fl. 66,758,369 84.
Et laisse avec les dépenses une différence de fl.
29,515,586 50.
Pour les soins données à l’administration financière
pour l’exécution de lois assez dures, parfois arbitraires, on est parvenu à
faire produire aux impôts, sans exciter de murmures, 37,500,000, au lieu de
31,258,000, somme à laquelle ils avaient été évalués.
L’exercice 1830 présente un excédant de fl. 136,000 00
L’excédant de 1831 peut être évalué à fl. 1,500,000 00
Les économies sur les divers ministères s’élèveront à
fl. 4,200,000 00
La somme de 720,000 florins, qui a été allouée pour
l’intérêt du premier semestre de la deuxième partie de l’emprunt de 48
millions, n’a pas été employée.
Sur l’amortissement anticipé des emprunts des 10 et 12
millions, il y a un bénéfice de fl. 400,000 00.
Le produit de l’emprunt de 48 millions a été évalué à
fl. 35,500,000 00
Ces sommes réunies présentent un total de fl.
79,956,000 00
De tout ceci résulte, outre les sommes versées pour
les dépenses et le produit des ressources, une différence égale à la somme de
fl. 16,417,896 34.
On vous demandera un crédit supplémentaire pour la
guerre, pour l’exercice de 1831, de fl. 1,400,000 00.
Vous aurez à payer la somme de 10 millions lorsque la paix
sera faite. Mais les domaines dont on avait demandé la vente ne sont pas vendus
; c’est une propriété onéreuse dans les mains du gouvernement, et qu’il est bon
de remettre aux particuliers.
Il y aura encore un solde de
la banque qui sera dû par elle, lors de la liquidation de la caisse de l’ancien
gouvernement.
Le syndicat laisse également un solde en faveur de la
Belgique.
Messieurs, vous devez être tranquilles sur notre
question financière, et je suis heureux de pouvoir vous l’assurer. (Bien ! bien !)
Plusieurs membres.
- L’impression ! l’impression !
M. Lebeau.
- Il sera imprimé dans le Moniteur.
M. Angillis.
- Ces renseignements ne suffisent pas pour se former une idée bien nette et sûre
de notre situation financière ; nous avons besoin d’avoir les comptes sous les
yeux. Il faut que le gouvernement, qui demande de l’argent avec un empressement
inouï, ait une grande idée de la longanimité de la chambre. Si vos économes se
présentaient devant vous et vous demandaient de l’argent pour une année qui
n’est pas encore venue, ne leur répondriez-vous pas : Mais dites-moi auparavant
ce que vous avez fait de l’argent pendant l’époque écoulée ? Il faut,
messieurs, que nous en finissions une bonne fois avec toutes nos transactions,
avec toutes nos opérations de confiance, avec toutes ces considérations tirées
des circonstances.
Il faut que le gouvernement
cherche à remplir ses devoirs, lui qui nous rappelle sans cesse les nôtres. La
nation que nous représentons doit savoir que nos conseils, nos avis, n’ont pas
manqué au pouvoir. Je ne crois pas qu’un seul membre veuille entraver la marche
du gouvernement et l’empêcher de remplir sa haute mission ; mais il est
indispensable que les provisoires finissent. Si je vote pour le projet de loi,
c’est en considération des circonstances où nous nous trouvons.
M. Coghen.
- Messieurs, je me réunirai à ce que vient de dire l’honorable M. Angillis : il
faut, en fait de gouvernement, en fait de comptabilité, qu’il y ait de l’ordre
; mais on doit aussi faire la part des circonstances.
Les comptes sont dressés ; ils sont à la cour des
comptes, qui doit présenter ses observations ; ils forment un gros volume. Je
les ai signés le 20 octobre.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) - Je viens
appuyer les motifs de retard exposés par l’honorable dernier ministre des
finances. Une circonstance sur laquelle j’appellerai l’attention de la chambre,
et qui occasionne le retard, c’est que les crédits s’apurent lentement d’après
les anciennes lois de comptabilité que l’on suit encore, des lois donnent trois
ans à l’apurement. Il est une partie des pièces comptables qui se liquident en
province et qui arrivent plus ou moins tard à l’administration centrale, sans
qu’il y ait de la faute de personne.
L’administration centrale a déjà reconnu ces
inconvénients ; et bien qu’un laps de temps ait été donné jusqu’ici pour apurer
les comptes d’un exercice, il va être arrêté un nouveau règlement d’après
lequel l’administration centrale évoquera à elle-même un grand nombre de
comptes, ce qui abrégera le temps et pourra faire que l’apurement des comptes
d’un exercice pourra être complet en deux ans.
Quant aux retards qu’éprouvent encore les comptes de
1830 et 1831, je dirai à l’honorable préopinant qu’ils ne dépendent pas de
l’administration ; que ces comptes volumineux sont déposés à la cour des
comptes, et qu’aussitôt qu’ils rentreront à l’administration, ils seront
distribués, ce qui ne peut tarder d’arriver.
M. Jullien. - Il faudrait assigner un délai.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ce délai regarde la cour des comptes.
M. Jullien.
- Il faut exécuter l’article 115 de la constitution.
M. Coghen.
- La cour des comptes ne peut tarder à présenter ses observations,
M. Dumortier.
- Il me semble que, depuis le 20 octobre, dont a parlé M. Coghen, jusqu’au 1er
décembre, on avait tout le temps pour faire imprimer les comptes ; mais enfin
ils ne le sont pas et nous ne pouvons les exiger en ce moment. J’espère,
toutefois, que le gouvernement voudra bien nous les fournir pour la discussion
du budget. Aujourd’hui, qu’il ne s’agit que d’un crédit spécial, nous n’avons
pas un besoin indispensable de ces documents ; mais bien certainement nous ne
pourrions discuter le budget, si nous ne les avions pas.
Dans les observations que vient de nous présenter M.
Coghen j’ai remarqué un fait qui pourrait induire la chambre en erreur. Ce fait
a été également insinué dans le discours du trône. On vous a dit que les
recettes avaient de beaucoup dépassé les prévisions. Je crois, moi, qu’il y a
là une grande erreur. En effet, il est à observer que le budget de l’année
dernière a été fait dans l’hypothèse de l’exécution du traité du 15 novembre,
c’est-à-dire qu’on n’avait pas compris dans les recettes les parties cédées du
Limbourg et du Luxembourg, comme aussi on n’avait pas compris les dépenses
concernant ces deux provinces. Or, s’il est vrai qu’elles forment la dixième
partie de notre territoire, il faut en conclure qu’elles produisent la dixième
partie de nos recettes. (Non ! non !)
Je ne dis cela qu’approximativement, je ne calcule pas
centime à centime ; mais je maintiens qu’en thèse générale ce résultat est
exact. Eh bien ! quand on dit que dans le budget de l’année dernière les
recettes étaient portées à 32 millions, et qu’elles se sont élevées à 37
millions, je crois qu’il faudrait d’abord défalquer la dixième partie de cette
somme totale, par le motif que je viens de vous signaler, et alors on ne
trouverait qu’un excédant de deux millions seulement. Je fais cette observation
afin que la chambre ne soit point trompée sur le véritable résultat, Il est de
principe en matière de finances que les recettes et les dépenses doivent se
balancer : il faut donc dans notre budget actuel établir autant que possible ce
balancement, sans cela l’état marcherait à la banqueroute, ce que l’on doit
éviter.
On vous a aussi parlé du syndicat d’amortissement. Je
ne suis pas encore de l’avis de l’honorable membre sur ce point. Il est vrai
que, pendant le temps du mariage de la Belgique avec la Hollande, il devait en
résulter pour nous un bénéfice considérable ; mais le syndicat est une lettre
tellement obscure qu’on pourra nous y faire voir de la perte ou du gain à
volonté, et comme la Hollande a intérêt à nous constituer en perte, il s’ensuit
que nous ne pouvons encore compter sur cela pour nous aider à couvrir nos
dépenses.
Quant aux domaines, la vente n’en a pas été admise
l’an dernier, parce qu’on prévoyait qu’ils ne seraient pas portés à un taux
assez élevé et qu’on a pensé qu’il valait mieux les conserver encore un ou deux
ans. Aujourd’hui les choses sont changées, à la vérité, et l’événement a prouvé
que les propriétés foncières sont loin d’avoir perdu de leur valeur ; mais il
ne faut pas se dissimuler que ces domaines ne se trouvent pas libres et qu’ils
sont encore grevés par le syndicat, de sorte que vous trouverez difficilement
des acheteurs. Il me semble que les lois qui ont attribué les domaines au
syndicat formeront un empêchement à leur vente.
Je le répète, en terminant :
il est nécessaire de balancer les recettes avec les dépenses, et j’espère que
le gouvernement nous mettra à même de pouvoir établir cette balance ; car s’il
arrivait que nos recettes et nos dépenses ne fussent pas mises en harmonie
entre elles, il faudrait combler la différence par un nouvel emprunt, ce qui empirerait
encore notre état.
Pour ce qui est de la loi actuelle, comme ce n’est
qu’une loi transitoire, je ne m’oppose pas à son adoption.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je désire que toutes les matières que vient d’aborder
l’honorable membre soient renvoyées, comme il l’a entendu lui-même, à l’époque
de la discussion des voies et moyens et des dépenses, car elles nous mettraient
en dehors de l’objet en ce moment proposé à la chambre. Je voudrais donc qu’on
rentrât dans le sens de la question. Les observations de l’honorable préopinant
pourront être reproduites lors de la discussion du budget, et alors le
gouvernement pourra en prendre note.
M. Desmanet de Biesme. - Je demanderai si M. le ministre se rallie à
l’amendement de M. de Renesse.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Cet amendement me paraît être de toute justice, et je
dois même dire que, depuis que ces parties du pays se trouvent sans cette
position précaire, des instructions particulières ont été données par le
gouvernement pour que les recouvrements s’y fissent avec le plus grand
ménagement, et qu’on suivît l’impôt au fur et à mesure que les populations dont
il s’agit resteraient encore en la possession de la Belgique. Si l’on veut se
fier au gouvernement, l’amendement est inutile ; mais je ne m’oppose pas à ce
qu’il soit converti en loi.
M. Coghen. - Je voulais répondre aux observations de M.
Dumortier ; mais, comme cela n’est pas nécessaire en ce moment, je renonce à la
parole.
M. Mary. - Il me
semble que c’est à tort que l’amendement de M. de Renesse porte ; « les
habitants du Limbourg et du Luxembourg ; » il ne s’agit ici que des
territoires cédés, car il pourrait se faire que des habitants de ces
territoires eussent encore des propriétés en Belgique après la séparation. Je
demande qu’on change le mot d’habitants en celui de « propriétés. »
M. Osy. - Il me semble qu’il faudrait dire : « La
contribution foncière ne sera pas mise en recouvrement dans les parties
cédées. »
M. Dumortier
présente un autre amendement ainsi conçu :
« La présente loi ne
s’applique pas aux propriétés situées dans les parties du Limbourg et du
Luxembourg cédées par le traité du 15 novembre 1831. »
- Cet amendement est appuyé, et M. le ministre des finances (M. Duvivier)
s’y rallie.
M. Raymaeckers.
- Il manque quelque chose. Il est nécessaire de mettre à la fin de la loi
qu’elle sera obligatoire à telle époque ; dans la huitaine, par exemple.
M. le président.
- Voici une proposition additionnelle de M. le ministre des finances :
« La présente loi sera obligatoire à partir du
jour de sa promulgation. »
M. Verdussen.
- L’amendement relatif aux parties cédées du Limbourg et du Luxembourg est une
disposition toute particulière. Par conséquent, elle devrait former un article
séparé. De cette manière, la loi serait divisée en trois articles : celui du
projet serait le premier, l’amendement relatif aux territoires cédés le
deuxième, en enfin, l’addition proposée par M. le ministre des finances, le
troisième. (Appuyé.)
- L’article du
projet primitif est mis aux voix et adopté.
L’amendement propose par M. Dumortier est aussi adopté
et formera l’article 2.
Enfin la disposition additionnelle proposée par M. le
ministre des finances et relative à l’époque où la loi sera obligatoire, est
également adoptée et formera l’article 3 de la loi.
M. le président. - Il y a deux amendements dans la loi, l’un proposé par
M. le ministre des finances lui-même, et un autre auquel il s’est rallié. Il me
semble que nous pouvons voter aujourd’hui sur l’ensemble.
M. H. de Brouckere. - Il est plus régulier de suivre la lettre du
règlement quand rien ne s’y oppose. En votant aujourd’hui, vous ne gagnerez pas
de temps. Il vaut mieux remettre ce vote à lundi, sauf à envoyer la loi le même
jour au sénat.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ne m’oppose pas à ce que l’on remette à lundi.
- Le vote sur l’ensemble de la loi est remis à lundi.
PROJET DE LOI RELATIF A L’IMPOT DES DISTILLERIES
M. A. Rodenbach. - Je demande la parole. Messieurs, il n’est que deux
heures, et il n’y a plus rien à l’ordre du jour. Il me semble que les travaux
de la chambre pourraient être mieux ordonnés. Pourquoi ne pas s’occuper de
suite du projet de loi sur les distilleries, qui a été imprimé et distribué à
tous les membres il y a plus de quatre mois ? Notre honorable collègue M.
d’Elhoungne en a fait le rapport à la fin de la précédente session. Je pense
que rien ne s’oppose à ce qu’on fixe le jour de la discussion si un projet de
loi si ardemment désiré depuis deux ans. Voilà plus de quatre mois que le
projet de la commission a eu de la publicité. Les distillateurs des diverses
classes en paraissent satisfaits, et la presse n’a point critiqué ce travail.
La discussion prompte de ce projet est d’autant plus nécessaire que le bétail commence
à être rare en Belgique. Vous n’ignorez pas la cherté excessive de la viande ;
les deux armées ont seules besoin de plus de 200 bœufs par jour. Si les
distilleries agricoles et autres pouvaient travailler, on engraisserait deux
fois plus de bétail qu’à présent. Je demande donc que l’on fixe le jour où l’on
discutera le projet dont il s’agit.
M. Coghen. - Il y a d’abord une question préalable, c’est celle
de savoir si M. le ministre des finances se rallie au projet élaboré par
quelques honorables membres, ou bien s’il persiste dans celui présenté à la
chambre par le gouvernement.
M. A. Rodenbach. - Je répondrai à M. Coghen que M. le ministre des finances par interim
actuel, ainsi qu’un agent principal de son ministère, se sont rendus dans le
sein de la commission chargée par la chambre de faire un projet de loi sur
cette matière, et ils l’ont aidée en juillet à le confectionner. M. Duvivier a
paru satisfait alors, mais il est possible que son opinion se soit
métamorphosée depuis qu’il est devenu ministre. Toutefois j’aime à croire
que M. Duvivier, ministre intérimaire, ne désavouera pas son travail
d’administrateur, et qu’il ne nous présentera de ces projets élastiques et
détestables pour conserver une nombreuse armée d’employés qui doivent avoir des
généraux, ce dont on ne veut plus en matière d’accises.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) - C’est une
question, en effet, que celle de savoir si, lorsque la chambre est nantie d’un
projet qui lui a été présenté par le gouvernement, elle peut s’occuper d’un
autre projet élaboré par quelques-uns de ses membres…
M. A. Rodenbach. - Le ministre a approuvé le projet de la commission ; c’est donc une
chose déjà décidée. Par conséquent, je demande qu’on fixe le jour de la
discussion.
M. le président. - Je vais consulter la chambre.
M. H. de Brouckere. - Il est impossible de consulter la chambre sur un
objet que la plupart de ses membres ne connaissent pas. Je me souviens, en
effet, qu’un projet a été présenté par le gouvernement, et qu’ensuite plusieurs
honorables collègues en ont présenté un autre ; mais je ne sais quelle décision
a été prise à cet égard ; je ne me souviens pas s’il y a eu une décision. Il y
a dans cette assemblée plusieurs représentants qui ne savent rien de ce qui
s’est passé au sujet de ces deux projets de loi ; et comment veut-on les
consulter sur ce point ? Il faudrait, avant tout, qu’on donnât des
éclaircissements, pour que l’on sût à quoi s’en tenir.
M. A. Rodenbach. - Le gouvernement a effectivement présenté un projet
de loi de distillation ; mais ce projet était tellement nébuleux, tellement
mauvais, que les sections ont refusé de s’en occuper. Je ne sais pas si M. le
ministre a l’intention de reproduire ce projet archi-détestable, que les
sections n’ont pas voulu examiner, et déjà condamné par la presse et les
membres de la chambre. (Murmures.)
Messieurs, les procès-verbaux des sections sont là pour attester qu’elles n’ont
pas voulu l’examiner, tant il était mauvais.
Mais, je le répète, M. Duvivier, alors administrateur général,
et son employé en chef qui connaît parfaitement les distillations, ont assisté
aux travaux de la commission. A la fin de la session et le jour même de notre
départ, le projet de cette commission devait être discuté ; mais on est parti,
parce que tout le monde était fatigué d’une si longue session. Si ce projet
était converti en loi, il apporterait beaucoup d’économie dans le personnel des
employés, et procurerait des avantages sollicités en vain depuis notre
révolution. Je ne vois donc pas le motif de retarder encore. Les distillateurs
et le pays agricole attendent depuis longtemps une bonne loi, que tous les
ministres qui se sont succédé ont promise. Ils ont donc faussé leur parole.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il est fâcheux, messieurs, d’entendre frapper de
mots aussi durs et aussi peu parlementaires un projet de loi sur les
distilleries, qui vous a été présenté par un ministre extrêmement capable et
surtout en cette matière ; je veux parler de M. Ch. de Brouckere. Il est bien désagréable d’entendre dire que ce
projet ne vaut absolument rien, qu’il est détestable, tandis que moi je l’ai
toujours qualifié de « loi des distillateurs. » En effet, d’après les
ordres du ministre des finances d’alors, des distillateurs de toutes les
localités ont été mandés ici à Bruxelles, capitale du royaume, pour donner leur
avis à ce sujet. Messieurs, les gouverneurs ont pris à tâche de faire déléguer
pour cela des hommes reconnus capables dans la petite, dans la moyenne et dans
la grande distillerie.
Plusieurs voix. - C’est
vrai.
M. le ministre des finances (M.
Duvivier) - D’ailleurs, si
les instructions du ministre, transmises avec le plus grand soin possible,
n’avaient pas été partout fidèlement exécutées, cela ne viendrait pas de sa
faute. Toujours est-il que tous les distillateurs choisis ont tenu leur
assemblée à Bruxelles plusieurs jours de suite, de sorte que le système de M.
Ch. de Brouckere est absolument l’œuvre des distillateurs eux-mêmes. Alors,
pourquoi donc répéter sans cesse que le gouvernement n’a pas rempli sa tâche,
quand ce projet existe, et qu’il est pendant devant la chambre ?
M. A. Rodenbach. - Je demande la parole pour répliquer.
De toutes parts. -
Non ! non ! C’est assez.
- Tous les membres quittent leurs places.
M. A. Rodenbach (au milieu du bruit.) - Il
est vrai qu’il y a eu convocation de distillateurs…
M. le ministre des finances (M. Duvivier) (qui a aussi
quitté sa place). - Que ne le disiez-vous donc ?... Il accuse le
gouvernement d’avoir faussé sa parole, tandis que c’est lui qui fausse la
vérité.
- La séance est levée à 2 heures et demie.
Membres absents sans congé, dans la séance du 1er
décembre 1832 : MM. Boucqueau de Villeraie, Brabant, Cols, Coppieters,
Davignon, de Bousies, de Foere, Deleeuw, d’Elhoungne, F. de Mérode, de Robaulx,
de Sécus, Desmaisières, Devaux, Dewitte, de Woelmont, Dumont, Dumortier,
Fleussu, Jaminé, Lardinois, Meeus, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson,
Polfvliet, Rogier, Seron, Speelman, Van Hoobrouck, Vergauwen, Verhagen, H.
Vilain XIIII, Watlet.