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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 27 novembre
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet d’adresse en réponse au discours du
trône. Exécution du traité des 24 articles, intervention de l’armée française à
Anvers, système diplomatique suivi par le gouvernement (Devaux,
Ullens, Mary, Pirson,
Legrelle, (+ proposition de démission gouvernementale)
(Lebeau, de Robaulx), Legrelle, Osy, de
Robaulx, Donny, de
Muelenaere, Ullens, (+navigation de la Meuse et de
l’Escaut et partage de la dette belgo-hollandaise) (Mary, Verdussen, Gendebien, Nothomb, Mary), Pirson,
Legrelle), organisation des cours et des tribunaux et
inamovibilité des juges (Gendebien, Pirmez,
Devaux, de Robiano, Jullien, Dumont, Lebeau,
Jullien, Lebeau, F. de Mérode, Pirmez, (+orangisme
et appréciation morale de la révolution) (Legrelle, Lebeau, Gendebien, Legrelle, Gendebien, de Haerne, d’Hoffschmidt, Fleussu, Rogier)), organisation de
l’instruction publique (notamment de l’enseignement supérieur) (de Brouckere, d’Elhoungne, de Brouckere, d’Elhoungne),
nomination d’étrangers non naturalisés aux emplois publics (Levae,
Rogier, Verdussen, Dubois, Lebeau, Levae),
émission d’un emprunt public (Gendebien, Devaux, Jullien), politique
commerciale (Davignon, Meeus),
canal de Charleroy (Gendebien, de
Theux, Rogier, Mary, Gendebien), politique commerciale (Davignon,
Gendebien, Mary, Gendebien, Devaux, Gendebien, Lebeau, (+navigation
de l’Escaut) (Legrelle, Devaux),
Meeus, d’Elhoungne, Davignon, Mary, F.
de Mérode, Dumortier, Davignon),
lutte contre le choléra, art de guérir (de Robiano, F. de Mérode, Donny, de Robiano, Legrelle),
garanties apportées aux habitants des provinces cédées, question de confiance
sur le système diplomatique suivi par le gouvernement (Dumortier,
de Brouckere, F. de Mérode,
Deleeuw, de Brouckere, Verdussen), libération de M. Thorn (de
Robiano, de Brouckere, Pirson,
F. de Mérode, Gendebien),
question de confiance (Gendebien, Dumortier, Legrelle, Dumont, de Robiano, Pirson)
(Moniteur n°332, du 29 novembre 1832)
A midi et demi, M. Jacques fait l’appel nominal.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal.
M. Devaux.
- Il me semble que, dans le procès-verbal, on dit que les membres qui ont voté
contre l’amendement de M. Dumont, ont demandé seuls l’insertion de leurs noms
au procès-verbal ; cependant les membres qui ont voté pour cet amendement ont
fait la même demande.
Un grand nombre de membres.
- Nous avons tous fait la même demande ! Nous avons tous fait la même demande.
M. le président.
- Il en sera fait mention au procès-verbal ; s’il n’a pas d’autres
réclamations, je le déclare adopté.
PROJET D’ADRESSE EN REPONSE AU DISCOURS DU TRONE
Paragraphes 4 et 5
L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le
projet d’adresse en réponse au discours du trône.
M. le président.
- M. Ullens a proposé l’amendement suivant :
« Votre Majesté aura eu soin de s’assurer que ce
commencement d’exécution ne sera pas funeste à la Belgique ; et la chambre aime
à croire que Votre Majesté a pris toutes les précautions qui sont en son
pouvoir, afin que la ville d’Anvers, déjà frappée sous tant de rapports des
fléaux de la guerre, n’ait pas à souffrir davantage des mesures jugées
nécessaires pour l’évacuation du territoire. »
M. Ullens
expose ainsi les motifs de sa proposition. - Dans une précédente séance, je
crois vous avoir exposé les motifs de mon amendement, qui devra maintenant
faire un paragraphe additionnel à la suite de celui que vous adoptâtes hier. Je
n’aurai donc que peu de mots à y ajouter. Imaginez-vousmar, messieurs, une
population de 72,000 âmes exposée à toute l’éventualité d’un bombardement,
dont, il y a quelques mois, elle a éprouvé tous les désastres. Cette belle et
grande cité, principal entrepôt de votre commerce et de votre industrie, me
paraît bien digne de quelques marques d’intérêt et de bienveillance. Je viens
donc les réclamer de votre part en vous parlant aujourd’hui, je croise remplir
un devoir envers mes commettants. C’est à vos sentiments généreux que j’en
appelle ; mon succès ne peut être douteux.
-
L’amendement est appuyé par plus de cinq membres.
M. le président.
- Il y a encore un amendement présenté par M.
Mary. Il est ainsi conçu :
« Votre Majesté, d’accord sur ce point avec les
chambres, s’opposera à ce que la navigation de l’Escaut et de la Meuse soit
entravée ou soumise à des droits autres que ceux qui existaient au 9 juin 1815
; elle s’opposera également à ce que la portion de la dette, mise à la charge
de la Belgique, soit alimentée d’une partie des passifs du syndicat
d’amortissement. »
M. Pirson.
- Messieurs, relativement à la proposition de M. Ullens, et même relativement à
toutes les propositions sur l’adresse, il me semble que l’amendement que vous
avez adopté hier a prévu tout ce qu’il y avait à dire dans toutes les
circonstances possibles et sur tous les objets possibles, même sur l’armée. Car
que dit la chambre d’après l’amendement de M. Dumont ?
« Au milieu des
circonstances qui nous pressent et dans l’état incomplet des négociations qui
nous ont été communiquées, la chambre des représentants croit, dans l’intérêt
de l’Etat, devoir s’abstenir de se prononcer sur la marche suivie par le
ministère. »
Puisque vous ne voulez pas vous prononcer sur le
système des ministres, que vous vous en rapportez à eux, pourquoi auriez-vous
des prévisions en faveur de la ville d’Anvers, puisque vous ne voulez pas avoir
de prévision en ce qui concerne Venloo.
Je crois que, d’après la décision que vous avez prise,
on peut supprimer le reste de l’adresse et mettre un et cetera. (On rit.)
M. Legrelle. - Il est vrai que l’amendement de M. Dumont comprend
généralement tout ce qui est relatif à notre situation, et qu’il pourrait être
inutile de parler d’une partie du territoire quand on s’abstient de parler des
autres.
Mais, comme nous sommes encore dans le doute si la
ville d’Anvers souffrira ou non des travaux du siège de la citadelle, il est
utile que nous fassions connaître au gouvernement que nous désirons que la
ville soit déclarée dans un état de neutralité. Cette proposition me paraît
raisonnable. L’armée française venant faire le siège de la citadelle, c’est uniquement
contre la citadelle que les hostilités doivent avoir lieu. Le siège peut
traîner en longueur, l’armée française peut en souffrir… Je regrette que les
bancs ministériels soient déserts, j’aurais demandé si le gouvernement n’est
pas déterminé à déclarer Anvers neutre.
M. Lebeau,
assis à la place où il se met ordinairement comme député, se lève et dit. -
Messieurs, il serait peu convenable de laisser la chambre dans le doute sur la
question de savoir s’il y a un ministère, oui ou non, et l’interpellation de
l’honorable membre me fait sentir mieux encore la nécessité de donner quelques
explications à cet égard.
Après le vote qui a eu lieu dans la séance d’hier, les
ministres ont cru qu’il était de leur devoir, de leur dignité, d’offrir leur
démission au Roi ; c’est ce qui a été fait hier soir, et ils ont pensé qu’ils
devaient donner à S. M. le conseil de former immédiatement un nouveau cabinet ;
nous ne siégerons plus ici que comme députés.
La chambre me permettra de
profiter de cette circonstance pour expliquer un vote qui a été interprété
d’une manière plus ou moins injurieuse à notre caractère. Nous déclarons encore
une fois que la question de principes, que la question politique était tout
pour nous ; que la question de portefeuille n’était rien à nos yeux. Si nous
avons voté, c’est que nous sommes députés, c’est que nous étions convaincus que
le système diplomatique que l’on s’efforçait de faire prévaloir devait
entraîner les plus graves dangers pour le pays.
Cette explication suffira pour quiconque voudra
apprécier impartialement notre vote d’hier. Nous ne nous sommes pas abstenus,
parce que nous étions mandataires du pays. Si nous avons voté, ce n’était pas
pour rester ministres ; c’est parce que nous avons cru que de notre vote
pouvait dépendre l’adoption d’un système qui, dans notre conviction, doit être
utile à la Belgique.
M. de Robaulx. - Je demande la parole. On parle d’injures ; je crois devoir répondre.
M. Lebeau.
- J’ai parlé d’interprétations plus ou moins injurieuses ; mais je n’ai pas dit
qu’il fût dans les intentions de l’honorable membre, ou de tout autre,
d’injurier les ministres. Je dis que les suppositions que l’on a faites hier
étaient injurieuses à notre caractère : du reste, je ne scrute pas les
intentions.
M. de Robaulx. - Je dois constater un fait. Je sais bien que les ministres ont voté
comme députés ; mais nous avons dit aussi que sans la voix des ministres,
jugeant dans leur propre cause, ils n’auraient pas eu la majorité.
M. Lebeau. - Nous n’avons pas jugé dans notre propre cause ;
nous avons jugé dans la cause du pays.
M. de Robaulx. - Lors de la délibération de la loi sur l’ordre judiciaire, vous vous
êtes abstenus comme magistrats.
M. Lebeau. - Le cas était bien différent.
M. Legrelle.
- La question d’Anvers n’est pas une question locale, c’est une question qui
intéresse tout le pays…
M. Osy. - Je
demande la parole pour une motion d’ordre.
M. le président.
- Vous aurez la parole quand l’orateur aura terminé.
M. Legrelle. - Je disais donc que la question agitée est une
question qui regarde tout le pays ; car si le siège de la citadelle devient
fatal à la ville d’Anvers, ce sera le pays tout entier qui en souffrira,
puisque les habitants d’Anvers ne seront pas sans être indemnisés. Je voudrais
que le gouvernement se pénétrât bien de l’importance de la question, que les
intérêts d’Anvers sont les intérêts du pays entier, et qu’il faut déclarer la
neutralité de cette ville.
M. Osy. - Mais comme
le ministère que l’on a interpellé ne peut répondre, je demande que M. le
directeur de la guerre soit invité à nous dire ce qui sera fait.
M. de Robaulx. - C’est le ministère français qui fait faire le
siège, ce n’est pas le ministère belge. La question est dans les attributions
du pouvoir exécutif, nous ne pouvons nous immiscer dans des opérations de
siège.
M. Legrelle. - Je demande que la ville d’Anvers soit déclarée en
état de neutralité… (Bruit.) Que la
chambre exprime le vœu qu’il en soit ainsi.
M. Donny.
- Messieurs, l’amendement de M. Ullens commence par des mots qui étaient en
harmonie avec le projet d’adresse tel qu’il avait d’abord été présenté, mais qui
ne sont plus en rapport avec ce qui a été adopté.
M. de Muelenaere. - On peut changer la rédaction de cet amendement ; on peut le
commencer en disant : « Nous avons la confiance que le commencement
d’exécution du traité du 15 novembre ne sera pas funeste à la Belgique, et la
chambre aime à croire… »
M. Ullens. - J’adhère au changement.
- L’amendement mis aux voix est rejeté après deux
épreuves, la première ayant paru douteuse.
La chambre passe à la discussion de l’amendement de M.
Mary.
M. Mary. -
Messieurs, j’ai, dans une séance précédente, développé les motifs de la
proposition que j’ai eu l’honneur de vous soumettre ; le Moniteur belge les a reproduits. La proposition elle-même
contenait, si je puis m’exprimer ainsi, des conclusions motivées, afin que vous
pussiez avoir sous les yeux des articles du traité qui lui servent de base.
Aujourd’hui que vous les connaissez, aujourd’hui que le ministère est instruit
par notre discussion, j’ai cru pouvoir les faire disparaître dans une nouvelle
rédaction.
La bienveillance que la chambre m’a montrée dans la
dernière session en voulant bien m’appeler, à divers reprises, à faire les
rapports de la section centrale sur les projets de loi qui concernaient notre
commerce et notre industrie ; le vif et constant intérêt qui l’anime pour ces
branches importantes de notre prospérité matérielle, me font un devoir de lui
exposer les causes qui m’ont engagé à présenter cette proposition et à la
soutenir de nouveau devant elle.
Et d’abord je dois faire remarquer qu’elle se divise
en deux parties, l’une intéressant la libre navigation de nos fleuves, l’autre
la liquidation du syndicat d’amortissement, ce qui nécessitera la division
lorsqu’on la mettra aux voix.
Inutile est-il, messieurs, de vous rappeler
l’importance de la libre navigation des deux grands fleuves qui traversent
notre territoire, l’Escaut et la Meuse. Certes, si la Hollande attache autant
de prix à leur fermeture indirecte par des droits et des entraves oppressives
qui en neutraliseraient l’usage, nous Belges, qui sommes appelés à jouir des
avantages naturels qu’ils nous offrent, devons réunir tous nos efforts pour
repousser les tentatives que l’on ferait pour nous en dépouiller. La presse
s’est emparée, depuis notre dernière session, de l’examen de ces questions
toutes vitales pour nous, puisque leur solution soulève un fait important, à
savoir si, comme à une autre époque, nous serons livrés aux seules ressources de
notre agriculture, si nous sacrifierons notre position manufacturière et notre
commerce extérieur, ou si, au contraire, continuant à ouvrir nos ports à
l’étranger, nous recevrons ses produits contre des échanges mutuellement
avantageux.
En l’absence des chambres, j’avais cru devoir, dès le
15 septembre dernier, publier mon opinion à cet égard, en l’appuyant du texte
précis des traités qui fixer le droit des gens conventionnel sur la navigation
des fleuves. Le lendemain, j’en avais entretenu M. le général Goblet, qui, à
cette époque, représentait la Belgique près la conférence, et n’avait pas
encore été chargé du portefeuille des affaires étrangères. Ce n’est donc ni
sans surprise, ni, je le répète, sans douleur, que j’ai vu apparaître, sous la
date du 24 septembre, un mémorandum où la conférence, interprétant seule
l’article 9 du traité du 15 novembre, disait que la Belgique, ayant accepté ce
traité, devait en subir les conséquences, et que l’une d’elles, si le roi de
Hollande avait adhéré à ce traité, eût été l’application provisoire du tarif de
Mayence à la navigation de l’Escaut, c’est-à-dire un droit de 9 fr. par tonneau
pour traverser les 18 lieues d’eaux extérieures qui baignent les côtes de la
Zélande.
J’aurais pu garder le silence si le rapport que nous a
fait M. le ministre des affaires étrangères, dans votre séance du 16 de ce
mois, eût contenu un désaveu formel d’une interprétation faite sans que le
gouvernement l’eût demandé, eût été consulté ou y eût consenti ; d’une
interprétation opposé à l’esprit et à la lettre de l’article 9 du traité, comme
aux intentions manifestées si souvent par la conférence et nommément dans ses
notes des 9 janvier 1831 et 11 juin dernier ; d’une interprétation enfin qu’on
n’a dû ni pu prévoir, puisqu’il résulte de tous les débats qu’a soulevés
l’adoption du traité du 15 novembre, que l’on n’a jamais entendu appliquer le
tarif de Mayence qu’à la navigation des eaux intermédiaires entre l’Escaut et
le Rhin, navigation qui nous coûte en outre une rente de six cent mille florins,
comprise dans la partie de la dette mise à la charge de la Belgique. Ce désaveu
était d’autant plus facile que M. le ministre transcrivait dans son rapport une
partie du mémorandum du 24 septembre, partie dans laquelle le passage relatif à
l’interprétation de l’article 9 se trouvait compris, mais qu’il a cru prudent
de supprimer.
Il est vrai qu’il fait précéder cet extrait de ces
mots :
« Voici ce que je lis dans ce document, que l’on
ne peut s’empêcher de considérer, malgré quelques erreurs, comme très important
pour la Belgique. »
L’une de ces erreurs est sans doute l’interprétation
donnée à l’article 9, mais il fallait l’exprimer ; en présence du silence du
ministère, en présence du mémorandum du 24 septembre, dont au contraire il se
fait en quelque sorte un titre, la chambre doit proclamer hautement son
opinion.
Le mémorandum, s’il nous a été notifié officiellement,
doit être restitué ; si le gouvernement n’en a connaissance que par voie
indirecte, la chambre doit protester contre une interprétation contraire aux
principes commerciaux du monde entier, contraire aux sages principes de liberté
de la navigation des fleuves consacrés par le congrès de Vienne, et qui
sanctionnerait en faveur de la Hollande un monopole destructeur de relations de
peuple à peuple. Il ne fait pas que le
gouvernement puisse inférer de notre silence que nous approuvons cette
interprétation. La représentation national doit au contraire énoncer dans quel
sens elle a compris l’article 9 du traité du 15 novembre et repousser toute
interprétation contraire qu’on voudrait y donner, puisque l’article … de notre
constitution déclare que l’interprétation des lois par voie d’autorité
n’appartient qu’au pouvoir législatif. Tel est le but de la proposition que
j’ai l’honneur de vous présenter.
Reste maintenant sa deuxième partie, qui a rapport à
une nouvelle charge d’environ 30 millions que la Hollande, par les prétendues
contenues dans son projet de traité du 30 juin dernier, voudrait faire
supporter par la Belgique, du chef des los-renten, des consignations et des
dépôts judiciaires, suite de la liquidation du syndicat d’amortissement. Je
m’en réfère, à cet égard, aux développements que je vous ai déjà présentés ; je
regarde d’ailleurs cette partie de ma proposition comme moins nécessaire que la
première. Vous-mêmes jugerez peut-être, messieurs, que le traité du 15 novembre
fixant d’une manière certaine notre quote-part dans la dette, on ne pourra,
dans aucun cas, tenter de l’accroître sans votre assentiment, puisque l’article
68 de la constitution porte que les traités qui pourraient grever l’Etat n’ont
d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment des chambres ; qu’ainsi il sera
toujours temps de s’occuper de cet objet, et que pour le moment il suffit que
la présente discussion ait fixé l’attention du ministère. Je laisse donc à
votre sagesse, messieurs, le soin de décider si vous croyez devoir en faire une
mention spéciale dans votre adresse en réponse au discours du trône.
Voici la nouvelle rédaction de
mon amendement.
« Votre majesté, d’accord sur ce point avec les
chambres, s’opposera à ce que la navigation de l’Escaut et de la Meuse soit
entravée ou soumise à des droits autres ni plus élevés que ceux qui existaient
au 9 juin 1815, et à ce que la portion de la dette mise à la charge de la Belgique
soit augmentée d’une partie des passifs du syndicat d’amortissement. »
M. Verdussen. - Je demande la division de la proposition de M.
Mary. Il a déjà senti qu’il fallait attacher plus d’importance à la première
partie de sa proposition qu’à la seconde. Dans la seconde partie, il parle de
la possibilité de mettre à charge de la Belgique la portion de la dette qui
sera le résultat de la liquidation du syndicat d’amortissement. Cette seconde
partie de l’amendement est inutile quand on jette les yeux sur le cinquième
paragraphe de l’article 13 du traité des 24 articles. Je crois même que la
proposition de M. Mary est dangereuse, car elle élèverait un doute sur une
question décidée par un traité.
Quant à la première partie de l’amendement, je crois
qu’elle peut être soutenue ; cependant elle me semble encore inutile.
M. Gendebien. - Messieurs, tout en applaudissant aux intentions de
l’honorable préopinant, je crois qu’il serait dangereux d’admettre son
amendement ; car en appuyant sur certains points du traité, nous avons l’air de
passer condamnation sur les autres, et c’est ce qu’il ne faut pas. J’ai
toujours repoussé en entier le traité du 15 novembre ; mais puisque la majorité
de la chambre pense qu’il est devenu notre loi, conservons-le intact, pour nous
prévaloir de ses termes quand le temps sera venu. Je demande donc que
l’amendement soit écarté, comme dangereux et inutile.
M. Nothomb.
- J’aurai peu de choses à ajouter à ce que viennent de dire les préopinants ;
je partage, quant à la seconde partie de l’amendement, l’opinion de l’honorable
M. Verdussen. Cette partie est inutile, puisque l’article 13 du traité du 15
novembre est formel. Il ne faut donc pas avoir l’air d’élever le moindre doute
à cet égard. Je remarquerai en outre qu’il y a un vice de rédaction dans la
seconde partie de l’amendement. C’est à l’Escaut seulement que l’honorable M.
Mary veut qu’on applique les droits existants au mois de juin 1815, et, selon
sa rédaction, ces droits seraient aussi applicables à la Meuse, ce qui est
impossible. La question de navigation est décidée par l’article 9 du traité. Il
ne serait pas prudent de venir en assemblée publique interpréter le sens de cet
article. Il faut garder le silence à cet égard. Si des doutes existent sur le
sens de l’article, nous ne pouvons d’avance lui donner une solution. Il y a
d’ailleurs une objection péremptoire contre l’amendement.
Les questions de la navigation seront réglées par des
commissions spéciales, et les règlements ne deviendront exécutoires que par une
loi. Si vous approuvez le règlement, vous le sanctionnerez par une loi ; si
vous ne l’approuvez pas, vous le rejetterez, et par-là vous aurez déclaré que
l’interprétation de l’article 9 n’a pas votre assentiment. Dès lors, ce que
vous propose l’honorable M. Mary est au moins inutile.
M. Mary. - Certes,
si nous n’avions pas devant nous le mémorandum du 24 septembre, je n’aurais pas
fait ma proposition ; mais, en présence de ce mémorandum qui envisage la
question sous un aspect si défavorable à la Belgique, j’ai cru qu’il était
utile d’exprimer notre pensée à cet égard. Si le gouvernement pense que
l’interprétation de l’article 9 du traité ne puisse être faite que par une loi,
je n’insisterai pas ; mais malheureusement nous nous trouvons sans ministère,
et personne ne peut me dire quelle est la pensée du gouvernement. Je retirerai
mon amendement jusqu’à ce qu’un nouveau ministère se présente pour donner des
explications que je crois nécessaires.
M. le président.
- Puisque l’amendement est retiré, nous allons passer au paragraphe 6 de
l’adresse qui est ainsi conçu :
« Placée dans la dure nécessité de souffrir
l’intervention étrangères, notre jeune et belle armée, si justement jalouse de
signaler sa valeur, sentira que le premier de ses devoirs est l’obéissance.
Loin de se laisser abattre, elle retrempera son courage, et si, dans le cours
des événements qui se préparent, l’ennemi osait commettre le moindre acte
d’hostilité contre nous, elle montrera à l’Europe ce que peut l’amour de la
patrie. »
M. Pirson.
- Messieurs, je dois faire remarquer à l’assemblée que la destination actuelle de
l’armée est une suite du système ministériel, sur lequel vous avez refusé de
vous prononcer hier. Il serait imprudent, dès lors, de vous prononcer
aujourd’hui, en adoptant ce paragraphe ; car ce serait applaudi au système
ministériel. En conséquence, si M. de Robiano, qui a proposé un amendement sur
ce paragraphe, le retire (il l’a retiré
!), je proposerai la rédaction suivante :
« La destination actuelle de l’armée étant une
suite du système de négociation dont il vient d’être parlé, nous devons avoir la
même réserve pour tout ce qui concerne son emploi et le désarmement. Toutefois
la chambre des représentants partage toute la sollicitude de Votre Majesté pour
les intérêts de nos braves, et elle peut compter sur notre empressement à
accueillir toutes les mesures qui paraîtront propres à assurer leur
sort. »
Je vous ai déjà dit les motifs de mon amendement.
C’est qu’en disant que notre armée est placée dans la dure nécessité de
souffrir l’intervention, en vous prononçant affirmativement sur ce paragraphe, vous
appuyez le système du ministère. D’ailleurs, ces mots : « Loin de se
laisser abattre, elle retrempera son courage, » ne seraient-ils pas un
persiflage quand l’armée est condamnée au repos ? On retrempe son courage dans
les combats, et non pas dans des évolutions et des parades toutes pacifiques.
Je demanderai aussi la suppression de ces mots.
M. le président. - L’amendement de M. Pirson est-il appuyé ?
- Personne ne se lève ; l’amendement est écarté.
M. Legrelle.
- Je voudrais, messieurs, qu’on élaguât quelques mots de ce paragraphe.
IL me semble qu’en disant tout simple : « notre
armée » au lieu de « notre jeune et belle armée, » notre
expression serait plus convenable.
Je voudrais aussi que l’on supprimât ces mots :
« Loin de se laisser abattre, elle retrempera son courage. » (Appuyé ! appuyé !)
- Le paragraphe 6 avec les retranchements proposés par
M. Legrelle est mis aux voix et adopté.
Paragraphes
7 et 8
Les paragraphes 7 et 8 sont ensuite adoptés en ces
termes, sans discussion ni amendement :
« La chambre des représentants partage, Sire,
votre sollicitude pour les intérêts de l’armée. Votre Majesté peut compter sur
notre empressement à accueillir toutes les mesures qui paraîtront propres à
assurer le sort de nos braves. »
« Nous nous occuperons attentivement des
améliorations administratives et financières que réclame l’intérêt du pays ; de
celles dont sont susceptibles les lois sur la milice et la garde civique, ainsi
que la révision des lois pénales. »
On passe à la discussion du paragraphe 9.
« Déjà l’organisation judiciaire est venue
compléter l’édifice des grands pouvoirs de l’Etat, et nos magistrats jouissent
enfin de cette inamovibilité si longtemps attendue. »
M. Gendebien. - Je demanderai qu’il soit fait une légère
correction à ce paragraphe. D’abord je voudrais que l’on retranchât le mot
« déjà, » parce qu’il semble, par ce mot, que l’organisation a été
précoce, tandis que la constitution en avait prévu et assigné le terme. Je
demande aussi qu’à la fin du paragraphe, il soit fait un changement qui lui
donne un sens, car il n’en a pas tel qu’il est maintenant. Je voudrais qu’au
lieu de ces mots : « si longtemps attendue, » on dît :
« consacré par la constitution. » Il est bon de rappeler que c’est la
constitution qui consacre l’inamovibilité et qu’elle n’est pas due à la loi.
M. Pirmez. - Il faudrait aussi changer le mot
« compléter. »
M. Devaux. - Je ne m’oppose pas à ce qu’on ajoute au paragraphe
les mots : « consacrée par la constitution, » mais je ne vois pas
pourquoi on en retrancherait ceux-ci : « si longtemps attendue. » Ces
mots sont destinés à rappeler que sous l’ancien gouvernement on nous a toujours
refusé l’inamovibilité des juges ; que ce fut un de nos principaux griefs. Il
est donc naturel, il est nécessaire de le rappeler.
M. de Robiano de Borsbeek. - J’appuie et l’amendement de M. Gendebien et les
observations de M. Devaux. Il importe qu’à l’étranger, où on lira nos adresses,
on sache qu’en effet on nous refusa pendant 15 ans l’inamovibilité de la
magistrature.
M. Devaux.
- On pourrait dire : « l’un des bienfaits de la constitution. »
M. Jullien.
- « Consacrée par la constitution et si longtemps attendue. »
M. Dumont. - « Si longtemps attendue » exprime la pensée que l’ancien gouvernement
l’avait refusée.
M. Gendebien.
- Je terminerai le paragraphe ainsi : « cette inamovibilité si longtemps
attendue et consacrée par la constitution. »
M. Devaux.
- La rédaction serait assez claire pour nous, mais elle est loin de l’être pour
tout le monde. Il faut qu’on sache que l’ancien gouvernement a constamment
refusé l’inamovibilité des magistrats. Je crois qu’il faudrait dire « et
l’un des bienfaits de notre constitution. »
M. Lebeau. - Il faut dire : « l’un des bienfaits de notre
révolution. » Ce mot exprime tout. Il ne faut pas avoir peur de le
répéter. (Appuyé ! appuyé !)
M. le président. - Par ce changement, le paragraphe serait ainsi
conçu :
« L’organisation judiciaire est venue compléter
l’édifice des grands pouvoirs de l’Etat, et nos magistrats jouissent enfin de
cette inamovibilité si longtemps attendue et l’un des bienfaits de notre
révolution. » (Aux voix ! aux voix
!)
M. Jullien
dit quelques mots que nous ne pouvons saisir.
M. Lebeau. - Puisque M. Jullien conteste mon amendement, je
demander à le développer. M. Jullien dit que la constitution du royaume des
Pays-Bas consacrait aussi l’inamovibilité. Cela est vrai ; mais on sait que
sous ce rapport et sous beaucoup d’autres, la constitution de 1815 fut toujours
lettre morte. (C’est vrai ! c’est vrai !) Ne
répudions donc pas le fait par lequel nous avons obtenu des juges indépendants,
et osons l’inscrire dans notre adresse, comme l’a fait le sénat, dont
l’expression sous ce rapport a été heureuse.
M. F. de Mérode. - Je suis partisan de la révolution autant que
personne, mais je crois inutile de rappeler ici ses bienfaits, car elle a
produit des maux aussi. (Murmures ;
interruption.)
M. Pirmez.
- C’est précisément parce qu’on lui doit des maux, qu’il faut rappeler ses
bienfaits.
M. Legrelle. - Il est inutile de parler de la révolution. J’ai
toujours été et je serai toujours ennemi des révolutions et des
révolutionnaires. (Violents murmures ;
interruption prolongée.)
Plusieurs voix. - A l’ordre
! à l’ordre !
M. Lebeau. - Messieurs,
je sais autant que tout autre toutes les calamités qu’entraînent après elles
les révolutions : mais aussi je sais qu’il est tels gouvernements qui, par leur
conduite, font d’une révolution l’acte le plus légitime. Tel fut le gouvernement
que nous avons renversé. Quoi ! lorsque tant de voix s’élèvent pour représenter
la révolution comme une boîte de Pandore, nous hésiterions à proclamer ses
bienfaits ! Messieurs, il y a un siècle et demi que l’Angleterre a fait sa
révolution, et il n’y a pas une session parlementaire où l’on ne rappelle avec
orgueil cette révolution. Sachons ne pas répudier la nôtre. J’insiste donc pour
que nous conservions l’amendement tel qu’il est. Ce n’est pas avec la rougeur
sur le front, mais avec la fierté qui convient à un peuple libre, que nous
devons parler de notre régénération nationale. (Bravos prolongés.)
M. Gendebien.
- Messieurs, je ne viens pas appuyer l’ordre du jour…
Plusieurs voix. - C’est
inutile, on n’insiste pas.
M. Gendebien. - Veuillez, messieurs, ne pas m’interrompre. Je ne
viens pas appuyer l’ordre du jour ; je demande seulement à relever une seule
expression, proférée par M. Legrelle. Il a dit qu’il était et qu’il serait
toujours l’ennemi des révolutions et des révolutionnaires ; messieurs, j’ai
pris part, autant qu’il était en moi, à la révolution, et je me suis montré
l’ami de la révolution. Je ne me suis jamais déclaré l’ennemi de ceux qui ne
l’ont pas adoptée, ni de ceux qui s’y sont opposés.
Si M. Legrelle a le malheur de se trouver un jour dans
la position où j’ai été placé pendant la tourmente, je désire qu’il arrive à la
fin de sa carrière sans que sa conscience lui fasse plus de reproches que ne
m’en fait la mienne. Mais je déteste et je méprise souverainement les hommes
qui, toujours à genoux devant tous les pouvoirs existants, montrent tant
d’empressement à saisir toutes les occasions d’accabler des hommes qui ont
quitté le pouvoir sans jamais avoir rien stipulé pour eux.
M. Legrelle. - Je demande la parole pour un fait personnel. Je
dois donner des explications…
M. Gendebien.
- Je n’en ai pas besoin. (Tumulte.)
M. Legrelle. - Messieurs, j’ai le droit de m’expliquer. Je n’ai
fait allusion à personne, je n’ai voulu blesser personne ; j’ai parlé en termes
généraux et nullement de M. Gendebien. Il est d’ailleurs en tout des exceptions
honorables. (Le bruit continue.)
M. Gendebien. - Vous avez dit une sottise enfin ! (Aux voix ! aux voix !)
- Les cris « Aux voix ! » nous empêchent
d’entendre les phrases suivantes, que M. Legrelle prononce au milieu du
tumulte.
M. l’abbé de Haerne. - Si on n’avait pas prononcé le mot révolution, je ne l’aurais pas
proposé moi-même ; je n’y ajoute pas une grande importante ; mais, si vous le
rejetiez maintenant, vous auriez l’air de répudier la révolution, à qui nous
devons tant de bienfaits. (L’appel
nominal ! l’appel nominal !)
M. d’Hoffschmidt. - Ajoutez le mot « glorieuse » avant révolution ! (Non ! non !)
M. le président. - Si l’épreuve était douteuse, on procéderait à
l’appel nominal.
- Je mets aux voix l’amendement de M. Lebeau.
Toute l’assemblée se lève à l’exception de M.
Legrelle. (On rit.) (La contre-épreuve ! la contre-épreuve !
C’est inutile ! c’est inutile !)
M. Fleussu.
- La contre-épreuve est inutile puisqu’il n’y a qu’un membre qui ne se soit pas
levé.
M. Rogier.
- Et si les journaux rendaient compte de l’incident, on pourrait croire qu’il y
a eu doute.
On passe au dixième paragraphe ainsi conçu :
« L’organisation provinciale et communale à
laquelle la nation a toujours attaché le plus grand prix, ainsi que la
législation de l’enseignement public, seront l’objet d’une sérieuse
attention. »
M. le président.
- M. H. de Brouckere propose de rédiger ainsi ce paragraphe :
« L’organisation provinciale et communale, à
laquelle la nation attache un si grand prix, sera l’objet d’une sérieuse
attention de notre part, et nous désirons instamment que la session ne soit pas
close avant que nous ayons adopté une loi sur l’enseignement public. »
M. H. de Brouckere. - Je pense, messieurs, que mon amendement n’a pas
besoin de développements et que l’assemblée tout entière, quels que soient les
principes qui doivent présider à l’organisation de l’enseignement, est d’accord
sur ce point qu’il faut qu’une loi soit votée le plus tôt possible. Le discours
du Roi s’exprime d’une manière hypothétique à cet égard ; je crois qu’il est
nécessaire que la chambre émette le vœu de ne pas voir clore la session avant
d’avoir voté une loi sur l’instruction, que le pays réclame depuis deux ans.
- Cet amendement est appuyé.
M. d’Elhoungne. - Je suis fâché de ne pouvoir adopter l’avis de l’honorable
préopinant. Quoique je regarde la loi sur l’instruction publique comme urgente,
je pense que c’est une de ces œuvres qui ne peuvent être produites qu’au bout
de quelques années, et je me fonde sur des raisons péremptoires.
D’abord les opinions sont divergentes sur la manière
dont cette loi doit être confectionnée, et il est à craindre que si l’on se
hâte trop d’y mettre la main, on ne dénature pas le vœu de la constitution qui
a voulu faire jouir l’instruction publique d’une liberté entière.
Il y a plus, messieurs, si l’on parlait seulement de
l’enseignement secondaire et primaire, je concevrais qu’il fût peut-être
possible de présenter un projet acceptable dans le cours de cette session ou
d’une session prochaine ; mais, du moment qu’il faut envisager l’enseignement
dans toutes ses branches, cela me semble de toute impossibilité.
Il est certain
que, pour l’enseignement supérieur, la Belgique ne possède pas d’hommes
capables en assez grand nombre pour établir une université telle que la réclame
la civilisation. Dès lors nous serons obligés de recourir aux notabilités
scientifiques des autres pays voudront associer leur sort à celui de la
Belgique, quand le sol tremble sous nos pas.
Il faut attendre que nous puissions leur offrir des
garanties, et que les armées aient montré que les traités ne sont pas une
lettre morte. Vous voyez donc, messieurs, que malgré notre désir à tous
d’organiser définitivement et dans toutes ses parties l’instruction publique,
nous ne pouvons pas presser le gouvernement de nous présenter une loi. Emettre
un pareil vœu, ce serait faire avorter une œuvre importante par une demande
prématurée que rien ne justifie, et dont le danger est évident, pour quiconque
connaît les besoins du pays, notre état actuel, et le défaut de capacités pour
combler le vide qui se fait remarquer dans l’enseignement supérieur.
M. H. de Brouckere. - Je ne répondrai que deux mots à l’honorable préopinant.
Il est bien loin de ma pensée de vouloir attenter en rien à la liberté de
l’enseignement. Cette liberté est consacrée par l’article 17 de la
constitution, de la manière la plus formelle, et dans ma manière de voir celui qui voudrait
gêner cette liberté serait parjure à la constitution. Mais cela n’empêche pas
de demander une loi. On a dit, pour ce qui concerne particulièrement
l’enseignement supérieur, qu’il n’y avait pas, en Belgique, assez d’hommes
éclairés pour remplir les chaires d’une université. Mais, messieurs, il y en a
trois dans le pays, et je sais que nous n’aurons pas besoin de recourir à
l’étranger. D’ailleurs, si nous ne sommes pas prêts à arrêter une loi sur
toutes les parties de l’enseignement, rien n’empêche d’en organiser une ou deux
branches.
M. d’Elhoungne. - Je demande pardon à la chambre de prendre une seconde fois la parole
sur l’amendement, mais je désire répondre à M. de Brouckere sur un point
seulement. Il a dit que trois universités subsistaient aujourd’hui, et il en a
tiré la conclusion que dans ces trois universités on trouverait bien les
éléments nécessaires pour en former une. Pour quiconque connaît la vaste
étendue des sciences humaines, il est évident que le personnel de ces trois universités
réunies est insuffisant pour donner à notre belle jeunesse tous les genres
d’enseignement dont elle a besoin, et que vous ne pourrez fonder une
institution qui soit à la hauteur de la civilisation. En conservant tout ce
personnel, car je ne suis pas ami des suppressions, il vous manquerait encore
des supériorités pour les branches déjà enseignées, et de plus une masse de
professeurs pour les branches qui n’ont jamais été enseignées dans ce pays. Je
persiste donc à appuyer la rédaction de la commission.
- L’amendement de M. de Brouckere est mis aux voix et
adopté.
Le paragraphe est ensuite mis aux voix et adopté.
Paragraphe
additionnel
M. le président.
- M. Levae a proposé un paragraphe additionnel ainsi conçu : « Nous croirions,
Sire, manquer aux devoirs que nos serments nous imposent si nous ne disions à
Votre Majesté que notre pacte social a été violé par la nomination d’étrangers
non naturalisés à des emplois civils auxquels les Belges seuls sont
admissibles. En signalant cet abus à Votre Majesté, c’est donner à la nation
l’assurance qu’il sera réprimé. »
M. Levae a la parole pour développer sa proposition.
M. Levae.
- Messieurs, en entrant dans cette enceinte, nous avons juré d’observer la constitution.
Cette constitution a été à chaque instant violée par
divers ministres, qui ne se sont fait aucun scrupule d’ouvrir leurs bureaux à
une foule d’étrangers non naturalisés.
Cependant, messieurs, l’article 6 de notre nouveau
pacte social porte formellement : « Les Belges seuls sont admissible aux
emplois civils… sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour
des cas particuliers. »
Où est la loi qui a autorisé les ministres à s’écarter
de cette disposition ? Elle n’existe point.
Et qu’on ne dise pas que mon amendement est dicté par
cet esprit national étroit et ombrageux, qui condamne, qui flétrit tous les
étrangers ; lorsque notre gouvernement accueillera bien l’homme de génie,
l’homme de mérite, chacun l’approuvera.
Mais, messieurs, je regrette de le dire, plusieurs des
étrangers non naturalisés, auxquels le ministère a prodigués de belles places
et de bons appointements, ne sont pas tout à fait des hommes de génie ou de
mérite.
Au mois d’octobre de l’année dernière, alors que nous avions
besoin de former promptement une armée capable de résister à l’ennemi, alors
que, découragés par de récents revers nos soldats n’avaient presque aucune
confiance dans les chefs qui les guidèrent, le ministre de la guerre ne se
permit pas de mettre, de son autorité privée, des officiers étrangers à la tête
de nos soldats ; il vint en demander l’autorisation aux chambres, et cette
autorisation lui fut accordée.
Pourquoi dont les ministres se sont-ils permis
d’introduire, sans une autorisation préalable, dans diverses administrations,
des étrangers non naturalisés qui, à peine arrivés en Belgique par la
diligence, ont obtenu des emplois qu’on refusait à des patriotes, à des Belges
qui ont tout sacrifié pour le triomphe de notre indépendance nationale ?
On a beaucoup parlé de la nécessité d’appeler dans nos
administrations des hommes spéciaux.
Je réponds qu’une pareille raison ne motive pas,
n’excuse pas une infraction formelle à la constitution.
Mais, messieurs, sont-ce des hommes spéciaux ces employés
étrangers qui, après avoir été pendant deux mois surnuméraires, ont reçu tout à
coup un traitement de 1,000 florins avec un rappel de solde ?
Certes, messieurs, nul ne croira que de simples
copistes soient des hommes spéciaux, nul ne fera au pays l’outrage de supposer
qu’il ne s’y trouve pas d’hommes capables de copier une missive avec quelque
correction.
Il n’entre nullement dans ma pensée d’attaquer les
employés étrangers qui, dès le principe de notre révolution et avant la
promulgation de la constitution, ont été appelés dans les bureaux du
gouvernement qu’ils ont aidé à organiser : ceux-là ont rendu de grands
services, ils ont des droits acquis. Il n’entre pas non plus dans ma pensée
d’attaquer ces braves qui, nés dans un autre pays, n’ont pas hésité, aux jours
du danger, de combattre dans les rangs de cette immortelle poignée d’hommes qui
sut vaincre l’armée hollandaise : ces étrangers ne le sont plus pour nous ; ils
ont gagné la naturalisation au milieu de la mitraille ennemie : qu’on donne à ceux-là
des places, des récompenses, personne n’en murmurera ; s’en plaindre serait
d’une injustifiable ingratitude ; mais on se rendrait aussi coupable
d’ingratitude, si des étrangers auxquels nous ne devons nulle reconnaissance
obtenaient des emplois, tandis qu’on repousse les sollicitations d’hommes qui
se sont dévoués à notre cause, et qui sont plongés dans la plus profonde
misère.
Rappelons-nous, messieurs, que
l’un des principaux griefs de la Belgique contre la Hollande, l’une des
premières causes de la révolution qui nous agite encore, ce fut la préférence
injuste que le gouvernement déchu accordait aux Hollandais au détriment de nos
concitoyens. Eh bien, ne permettons pas au ministère de commettre une injustice
à peu près semblable, et mettons un terme à un abus qui afflige, qui mécontente
nos concitoyens avec d’autant plus de raison, qu’un grand nombre de patriotes
se plaignent depuis deux ans d’avoir été fréquemment repoussés et même
mystifiés.
M. Rogier. - Avant d’exprimer un vœu d’une si haute portée, il
me semble qu’il eût été bon que l’orateur se fût muni de tous les
renseignements nécessaires pour être à même de citer des faits. Or, le seul
auquel il a fait allusion est, je crois, un traitement de mille florins. Eh bien
! j’ai pris des informations à cet égard, et j’ai appris que c’était un employé
du ministère de la guerre. Il paraîtrait que ses fonctions sont celles de
secrétaire particulier. Il y aurait d’abord à examiner jusqu’à quel point cet
employé peut être considéré comme fonctionnaire public, et si un ministre n’est
pas libre de prendre un secrétaire dans un pays étranger. Toujours est-il en
fait que voilà ce qui paraît avoir provoqué l’observation de M. Levae. Si
l’honorable membre a connaissance d’autres faits, qu’il le dise.
M. Verdussen. - Tout député qui a juré le maintien de la
constitution ne peut pas en méconnaître l’article 6, et par conséquent ne peut
pas s’empêcher d’être frappé de ce que vient de dire M. Levae ; mais on ne
s’élève que contre un seul fait. Il serait bon de ne pas mêler dans ces débats
la dignité de la chambre, et si la constitution a été violée sur ce point et
sur d’autres, de le signaler directement au gouvernement.
M. Dubois. - J’ai demandé la parole pour ajouter aux diverses réflexions que vous
ont présentées MM. Rogier et Verdussen, que l’amendement de M. Levae avait un
autre inconvénient en ce que les administrations communales, surtout sur les
frontières belges sont remplies de fonctionnaires français. C’est peut-être
pour ce motif que M. Levae avait proposé son paragraphe additionnel. Mais cet
état de choses me semble résulter de l’arrêté du gouvernement provisoire qui,
en convoquant les communes pour nommer les bourgmestres et les échevins, a dit
que, pour être éligible, il suffisait d’habiter la commune.
M. Lebeau.
- Il me semble, messieurs, que vouloir donner la signification d’emploi à de
simples fonctions de bureau, c’est dénaturer la constitution, c’est en rendre
les dispositions étroites et mesquines ; car n’oubliez pas que dans tous les
ministères, il y a non seulement des employés, mais des boutefeux et des
balayeurs. Or, je vous le demande, ceux qui sont chargés d’allumer le feu et
les lumières, de balayer, devront-ils être tenus de présenter des certificats
pour prouver qu’ils sont Belges ? Si vous ne vous arrêtez pas aux fonctions qui
ont un caractère public, vous faites descendre la constitution dans des détails
mesquins, et il me semble qu’il suffit de vous avoir démontré les conséquences
logiques qui découleraient de l’amendement de M. Levae pour vous engager à le
repousser.
M. Levae.
- Je retire ma proposition. Je crois que les réflexions que j’ai présentées suffiront
pour obtenir le but que j’avais en vue, car je n’ai nullement l’envie de citer
des noms.
La discussion est ouverte sur le onzième paragraphe
dont les termes suivent :
« Nous avons vu avec satisfaction que la deuxième
partie de l’emprunt a été contractée à un taux avantageux, eu égard aux
circonstances, et que les revenus de l’année courante ont dépassé toutes les
prévisions. Votre Majesté peut être persuadée que la chambre procédera avec un
soin scrupuleux à l’examen des budgets et des comptes qui lui seront
présentés. »
M. Gendebien. - Je demande qu’au lieu de ces mots : « nous
avons vu, » on mette : « nous avons appris, » parce que la
rédaction de la commission semblerait indiquer que nous donnons un bill
d’indemnité au ministre qui a contracté l’emprunt. (Appuyé !)
M. Devaux.
- Je ferai une autre observation sur la rédaction. Il me semble qu’il y a dans
le paragraphe une phrase tout au moins singulière. Il est inutile de dire : " Vous
pouvez être persuadé » que nous examinerons avec beaucoup de rigueur les
comptes que le gouvernement nous rendra. (On
rit.) On peut dire : Nous examinerons les budgets avec un soin scrupuleux ;
mais il est inutile d’ajouter ces mots : « Votre Majesté peut être
persuadée. » (Appuyé !)
M. Jullien
propose également de dire, au lieu de « l’examen des budgets et des
comptes, » « l’examen des comptes et des budgets, » parce que
d’après la constitution les comptes doivent précéder les budgets.
- Le paragraphe est adopté avec ces trois
modifications.
Paragraphe
12
Paragraphe 12. « Si maintenant de nouveaux
sacrifices étaient nécessaires dans l’intérêt de la patrie, la nation, Sire, ne
reculera pas devant ceux que pourraient exiger son honneur et son
indépendance. »
M. Gendebien
propose de supprimer le mot « maintenant. »
- Le paragraphe ainsi motivé est mis aux voix et
adopté.
« C’est une circonstance heureuse pour la
Belgique que d’avoir vu se dissiper les craintes exagérées sur l’avenir du
commerce et de l’industrie. Si quelques branches continuent à souffrir encore,
c’est une suite naturelle de l’état de guerre où nous nous trouvons. Déjà les
communications ouvertes à l’intérieur ont rendu les débouchés plus faciles, et
la nation recevra toujours avec reconnaissance toutes les mesures qui tendront
vers ce but. »
M. le président.
- M. Davignon présente un amendement ainsi conçu : « C’est une
circonstance heureuse pour le Belgique que l’événement ait prouvé que les
craintes sur l’avenir du commerce et de l’industrie étaient exagérées. Si
quelques branches continuent à souffrir encore, il y a lieu d’espérer que c’est
une suite naturelle de l’état de guerre où nous nous trouvons. Déjà des
communications plus faciles ont été ouvertes à l’intérieur ; d’autres seront
nécessaires. La nation recevra toujours avec reconnaissance toutes les mesures
qui tendront vers ce but. Elle appelle de tous ses vœux, elle attend avec une
vive impatience, le moment où Votre Majesté pourra réaliser ses projets
bienveillants, d’étendre nos relations commerciales et d’ouvrir aux produits de
l’industrie belge des débouchés à l’étranger. Ces objets, vous le savez, Sire,
sont d’un intérêt vital pour le pays. »
M. Davignon développe ainsi cet amendement. - Messieurs, vous
remarquerez que je n’ai fait qu’un léger changement dans les expressions du
projet ; ce changement a particulièrement pour but de présenter d’une manière
moins positive un fait qui ne l’est pas encore entièrement.
Par l’addition proposée, je ne fais, messieurs, que
remplir une lacune laissée, involontairement sans doute, dans la réponse au
discours du trône sur un sujet qui y a trouvé place, et qui mérite de notre
part, à mon avis, une mention toute spéciale.
Il n’est aucun de nous qui ne soit pénétré de
l’importance de tout ce qui touche au commerce et à l’industrie, bases de la
prospérité, conditions d’existence de l’Etat belge.
Je n’abuserai pas des moments de la chambre en entrant
dans de longs développements pour établir une vérité, toute triviale sans
doute, mais sur laquelle on ne peut trop souvent appeler l’attention du
gouvernement.
M. Meeus développe à
son tour un amendement ainsi conçu :
« C’est une circonstance heureuse pour la
Belgique d’avoir vu se dissiper les craintes exagérées sur l’avenir du commerce
et de l’industrie. Oui, Sire, le commerce et l’industrie avaient déjà triomphé
en partie des obstacles graves, mais exagérés, qui étaient la suite inévitable
de la séparation violente de la Belgique d’avec la Hollande, Si, de nouveau,
l’état de crise actuel abat le commerce et comprime l’industrie, Votre Majesté
se sera assurée sans doute que cet état de crise sera de courte durée et que
l’industrie et le commerce trouveront bientôt dans une paix honorable une juste
compensation des sacrifices nouveaux que vos ministres n’ont pas craint de leur
imposer. »
Le motif de mon amendement est
principalement celui-ci : l’entrée de l’armée française en Belgique a eu pour
but de prendre la citadelle d’Anvers. Nul doute aujourd’hui que cette
intervention étrangère, en paralysant notre commerce, a comprimé notre
industrie. Si, en présence de ce bonheur matériel dont on commençait à jouir,
la nation reçoit en compensation une paix honorable, ce sera bien : le commerce
et l’industrie seront les premiers à souscrire aux sacrifices qui leur sont
imposés. Mais si, à la suite de la prise de la citadelle, l’Escaut nous reste
fermé ; si le ministère ne s’est pas assuré que les forces combinées de la
France et de l’Angleterre prendront Flessingue et rouvriront l’Escaut ; alors, il
faut le dire, les sacrifices immenses que nous aurons faits ne seront pas
compensés, et nous nous trouverons encore dans le même état qu’après la
révolution.
M. Gendebien.
- Je propose l’amendement suivant : « La Belgique verra avec satisfaction
se dissiper les craintes sur l’avenir du commerce et de l’industrie. Si
quelques branches souffrent encore, c’est une suite de l’état de guerre et
d’incertitude où nous nous trouvons.
« Des communications à l’intérieur ont enfin
procuré des débouchés plus faciles, et la nation recevra toujours avec
reconnaissance toutes les mesures qui tendront à faire disparaître toutes les
entraves qui gênent le commerce et l’industrie, à l’intérieur et à
l’extérieur. »
Messieurs, dans le moment où nous sommes menacés de
voir tarir toutes les sources de notre prospérité par la fermeture de la Meuse
et de l’Escaut, ou par des droits aussi désastreux que la fermeture même ; dans
le moment où les armées de nos amis et de nos ennemis menacent le commerce et
la prospérité de la Belgique, nous ne devons pas endormir le pouvoir par
l’expression d’une fausse sécurité. Il faut dire franchement notre pensée et la
vérité par-dessus tout. Je demande si mon amendement ne se rapproche pas plus
de la vérité que celui de la commission. Je ne veux, en aucune manière
méconnaître les bonnes intentions de la commission ; mais il me semble que j’ai
été plus heureux qu’elle pour exprimer la pensée de la chambre.
Je pense que nous ne devons pas regarder comme
suffisantes les communications à l’intérieur qui ont été ouvertes récemment. Je
n’en connais qu’une seule, c’est celle du canal de Charleroy à Bruxelles. Il y
a 15 mois que nous l’aurions eue, si le ministère avait mis tout le zèle
nécessaire pour donner ce débouché aux exploitations des provinces du Hainaut
et de Namur.
Eh bien, il n’y a que trois mois que cette
communication a été ouverte, et cependant elle a déjà été entravée deux fois
par défaut de surveillance et de soin de la part de l’administration. Le canal
n’était pas ouvert de huit jours qu’on a laissé baissé les eaux de la Sambre,
sans aucune nécessité. Le pouvoir avait été instruit à temps, il avait reconnu
tout l’absurdité de cette entrave et pourtant il n’a rien fait, ni pour la
prévenir ni pour la faire cesser ; il s’est contenté de dire à ceux qui
faisaient des réclamations : « Que voulez-vous ? C’est une animosité entre
deux sociétés concessionnaires, » comme si les ministres n’étaient pas
placés au pouvoir précisément pour empêcher que l’intérêt général ne souffrît
du conflit des intérêts privés.
Mais il y a eu une autre entrave. Des meuniers de la
ville de Charleroy ont fait agir jour et nuit les moulins, prétendant qu’ils
avaient le droit d’absorber tout entière l’eau de la Sambre, sans égard à la
navigation ; et il en est résulté un obstacle pour les bâtiments qui venaient à
Bruxelles et qui couraient même le danger de se rompre. Eh bien, on a insisté à
plusieurs reprises pour faire cesser cet état de choses. Des procès-verbaux ont
été dressés. On n’a rien obtenu. Cependant, il y avait une mesure bien simple à
prendre.
La Sambre est une rivière flottable et navigable.
C’est donc un objet de domaine public, et par conséquent inaliénable par sa
nature ; des particuliers ne pouvaient donc invoquer, pour continuer à faire
marcher leurs usines par l’action de ses eaux au préjudice de la navigation,
qu’une exception légale et octroyée, et en prouver toute l’étendue. Il
suffisait de dire aux meuniers obstinés : Justifiez des titres qui vous donnent
droit à l’exception à laquelle vous prétendez. Mais, pas du tout ; on s’est
laissé endormir par cette idée qu’ils étaient en possession des eaux de la
Sambre ; et voilà comme le commerce a fait des pertes considérables.
Il suffisait, pour faire
exécuter les lois et faire respecter les décisions de l’autorité, de mettre à
chaque écluse un gendarme et de dire aux meuniers : Tant que vous ne
justifierez pas de vos titres, vous ne pourrez vous servir des eaux au-dessous
de la ligne de flottaison. Ces meuniers auraient peut-être subi une perte de 12
à 15 fr. par jour, et dans tous les cas le gouvernement n’aurait été condamné
qu’à la réparation de ces dommages, tandis que les concessionnaires du canal de
Charleroy perdaient 5 à 600 florins par jour ; les industriels, de leur côté,
faisaient aussi une perte considérable, parce qu’ils ne pouvaient plus arriver
au marché de Bruxelles et éviter qu’il ne s’y établît une concurrence fâcheuse
et difficile à vaincre, lorsqu’elle s’est établie.
Il y a encore un autre point sur lequel je désire
appeler l’attention du gouvernement, je veux parler de ces impôts de toute
espèce que l’on prélève sous prétexte de droits d’entrée et de droits
municipaux. Que les administrateurs de bonne foi ouvrent les yeux, que les
ministres sachent qu’ils n’ont pas le portefeuille de l’intérieur simplement
pour signer des arrêtés, mais pour veiller aux intérêts publics et pour éviter
le préjudice qui pourrait résulter du choc des intérêts particuliers.
M. de Theux. - Je n’aurai que très peu de mots à répondre aux
allusions que M. Gendebien a faites quant au canal de Charleroy. Il vous a dit
que l’administration avait négligé les travaux nécessaires. Quant à moi, je
déclare dans cette enceinte, sans crainte d’être démenti, que ces travaux ont
été l’objet de la plus constante sollicitude de l’administration ; mais il est
certain que des obstacles presque insurmontables, survenus par suite de
l’infiltration des eaux, ont retardé l’ouverture du canal. C’est ainsi que bien
des fois, au moment de faire cette ouverture, on s’est vu dans la nécessité de
l’ajourner.
On a dit qu’à peine l’ouverture de ce canal opérée, on
avait laissé baisser les eaux de la Sambre. Je déclare que ce n’est que bien
postérieurement à l’ouverture que les concessionnaires ont demandé
l’abaissement des eaux de la Sambre pour faire des travaux indispensables, et
il était de toute impossibilité de prévenir ce fait.
M. Rogier. - L’honorable M. Gendebien a parlé d’un fait qui pourrait me
concerner, puisqu’il s’est passé sous mon administration. Il a dit que
l’administration n’avait rien fait pour conserver aux propriétaires de
houillères les avantages du transport par le canal de Charleroy. Ce transport
s’est trouvé, dit-il, arrêté par le jeu des moulins sur le canal de la Sambre.
L’honorable M. Gendebien ignore, sans doute, qu’un arrêté a été rendu par les
états-députés du Hainaut, qui enjoint aux meuniers de cesser leurs travaux, en
tant que ces travaux pourraient occasionner une baisse des eaux et cet arrêté n’a été rendu ni sans
difficulté, ni sans opposition de la part des meuniers, qui sont même en
instance devant les tribunaux pour obtenir réparation d’une mesure dont ils
prétendent être grevés. C’est donc à tort que l’on reprocherait à
l’administration de n’avoir pas agi avec assez de vigueur ; le reproche
contraire serait peut-être mieux fondé.
M. Mary. - M. Gendebien propose de parler au futur, tandis
que le paragraphe s’exprime au présent. Je proposerais de rédiger la première
phrase ainsi :
« C’est une circonstance heureuse pour la
Belgique que d’avoir vu se dissiper en partie les craintes sur l’avenir du
commerce et de l’industrie. »
M. Gendebien. - Après les deux honorables membres qui ont parlé
relativement au canal de Charleroy, je n’ai rien à dire, sinon que je persiste
dans ce que j’ai avancé. Quant aux expressions au futur qu’on voudrait voir au
présent, je crois que si la chambre veut agir avec prudence, elle ne doit pas
agir autrement. Je le demande en effet, quels sont les faits qui peuvent faire
juger de l’état réel de l’industrie ? Au lieu de voir dissiper nos craintes sur
le sort de l’industrie, je vois qu’elles augmentent tous les jours et qu’elles
ne diminueront pas tant que le traité des 24 articles ne sera pas exécuté. Les
articles du traité par lesquels doit fleurir ou succomber notre industrie, font
l’objet des réserves de la Russie, et vous ne les obtiendrez pas bientôt,
soyez-en certains, surtout si vous consentez à mettre les Prussiens en
possession de la rive droite de la Meuse.
M. le président. - Il s’agit maintenant de savoir lequel des trois
amendements doit avoir la priorité.
M. Davignon.
- La seconde rédaction de mon amendement est comme la première ; j’en ai
seulement retranché le mot « débouchés, » qui s’y trouvait répété
deux fois.
M. Gendebien. - Si M. Davignon voulait y réfléchir un peu, il
verrait que la fin de mon amendement dit tout ce qu’il veut dire lui-même par
le sien. Car j’entends en parlant des entraves, le commerce intérieur aussi
bien que le commerce à l’étranger.
M. Davignon.
- Il ne s’agit pas seulement de lever les entraves au commerce, il faut encore
lui trouver des débouchés. C’est pourquoi je tiens à ma rédaction.
M. Mary. - Je demande la division de l’amendement de M.
Gendebien ; mais j’insiste en même temps pour qu’on dise que nous avons vu se
dissiper en partie les craintes sur l’avenir du commerce. En effet, partie de
ces craintes s’est dissipée. On ne peut le nier en voyant les nombreux
arrivages à Anvers dans les 9 premiers mois de l’année, la fabrication des
draps à Verviers rester active aussi bien que celle des armes à Liège, et les
manufactures de Gand continuer d’occuper de nombreux ouvriers. Certes, ce sont
là des faits qui prouvent que l’industrie n’est pas périclitante en Belgique.
M. Gendebien.
- Je n’ai pas dit que l’industrie fût périclitante ; je serais fâché d’indiquer
sous un jour aussi faux l’état réel des choses.
M. le président.
- Il m’a paru que l’amendement de Meeus était celui qui s’éloignait le plus du
paragraphe de l’adresse ; je vais le mettre aux voix.
- M. Osy se lève seul avec M. Meeus ; l’amendement est rejeté.
M. Gendebien. - Je viens d’ajouter deux mots à mon amendement qui
satisferont, peut-être, M. Davignon. Le paragraphe se terminerait par ces mots
: « Les mesures tendant à faire disparaître les entraves qui gênent le commerce
et l’industrie tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. »
- La première partie de l’amendement est mise aux voix
et adoptée.
L’amendement de M. Davignon est ensuite adopté ; il
formera la seconde partie du paragraphe.
M. Devaux. - Je demande maintenant que la chambre vote sur le
paragraphe en entier et qu’il soit rejeté. Je suis convaincu qu’il y a eu
malentendu et que la chambre n’a pas compris la portée de l’amendement, au
moins pour la première partie. Le discours du trône dit : « L’événement a
prouvé que les craintes conçues sur l’avenir du commerce et de l’industrie
étaient exagérées, » et la réponse dit que la Belgique « verra »
avec satisfaction. C’est dire tout le contraire de ce qu’a dit le discours du
trône, c’est lui donner un démenti formel, et je crois qu’il n’entre dans
l’idée de personne de donner un démenti au discours du trône. D’ailleurs, ce
serait ici tout à fait contraire à la vérité. En effet, il est avéré, il est
incontestable, et M. Meeus en convient lui-même, qu’une grande partie des
craintes conçues sur le commerce et l’industrie étaient exagérées. Pourquoi ne
pas en convenir ? Pourquoi surtout donner un démenti au
discours du trône ?
M. Gendebien.
- S’il s’agissait de donner un démenti au discours du trône, on pourrait se
trouver embarrassé ; mais le discours du trône n’est en réalité que l’œuvre du
ministère.
M. Lebeau
et M. Devaux.
- C’est juste !
M. Gendebien. - Et si le démenti était nécessaire, on le
donnerait.
M. Devaux.
- Mais faudrait-il qu’il fût fondé.
M. Gendebien. - Mais ce n’est pas un démenti que nous donnons ;
c’est un vœu que nous exprimons. Maintenant qu’on me dise ce que c’est que ces
craintes exagérées dont parlait le projet. Qui les a exprimées ces craintes ?
La législature en a-t-elle dit quelque chose ? Non. A qui répondez-vous donc et
pourquoi parler de craintes qui ne résultent de rien ?
M. Legrelle.
- Je ne veux pas non plus donner un démenti au discours du trône ; mais tant
que la question de l’Escaut n’est pas décidée, toutes les craintes sur l’avenir
de notre commerce sont légitimes. Si je partage l’avis de M. Gendebien, c’est
pour que le ministère ne s’endorme pas sur cette question ; sans la liberté la
plus entière de l’Escaut, toute prospérité commerciale est détruite en
Belgique. La prospérité dont nous avons joui est toute de circonstance ; mais
la fermeture de l’Escaut la ferait cesser sans retour.
M. Devaux. - Je ne nie pas que l’on puisse avoir des craintes tant que la libre
navigation de l’Escaut n’est pas consignée dans un traité signé et ratifié.
Mais il ne s’agit pas de ces craintes ; il ne s’agit que de celles que l’on
avait conçues dès le commencement de la révolution et qui étaient indépendantes
de la question de l’Escaut. Je demande maintenant, de bonne foi, s’il n’est pas
vrai que ces craintes étaient exagérées. Gand, Anvers, Verviers, Liége,
Charleroy ont vu prospérer leurs industries respectives. Est-il possible de le
contester ?
On demande ce que signifient
ces craintes et où sont les rapports qui les ont constatées ? Où sont les
craintes ? Mais toute la Belgique en a retenti. Pétitions aux chambres,
discours, articles de journaux, ont été remplis de plaintes, de cris de
détresse et de misère. Il ne s’agissait pas là de la question de l’Escaut,
comme je le disais tout à l’heure, mais de la séparation de la Belgique d’avec
la Hollande, de la réunion à la France. Il fallait, disait-on, que le pays fût
absorbé par l’une ou l’autre de ces puissances, pour qu’elle pût prospérer.
Seule, la Belgique n’avait pas d’avenir. Voilà ce qu’on disait, ce qu’on
craignait, et voilà ce que l’expérience a démenti ; et personne, pas même les
industriels, ne peuvent le nier.
M. Meeus. - Je ne
comprends pas les observations faites par M. Gendebien. Il n’est pas nécessaire
que l’on fasse un rapport sur chaque fait. Il est un fait certain, connu de tout
le monde, c’est que les craintes exprimées généralement sur l’industrie ne se
sont pas réalisées ; le commerce et l’industrie ont repris de l’activité. Ils
ont souffert bien moins qu’on ne l’a dit.
M. d’Elhoungne. - Je pense que les deux honorables préopinants n’ont pas bien compris
le sens de l’amendement de M. Gendebien. S’il s’agissait des craintes exprimées
depuis le commencement de la révolution, il faudrait changer la rédaction de
l’amendement ; mais de quoi s’agit-il ? Des craintes conçues depuis la clôture
de la dernière session ; ce qui précède est un fait consommé sur lequel nous
n’avons plus rien à dire. Si on ne peut pas adopter l’amendement tel qu’il est,
il faut le modifier.
M. le président
donne lecture de l’amendement de M. Gendebien avec le sous-amendement présenté
par M. Davignon.
- L’amendement mis aux voix
est rejeté.
M. le président.
- Vient l’amendement de M. Mary, ainsi conçu :
« C’est une circonstance heureuse pour la
Belgique que d’avoir vu se dissiper en partie les craintes sur l’avenir du
commerce et de l’industrie. Si quelques branches continuent à souffrir, c’est
une suite naturelle de l’état de guerre où nous nous trouvons. »
M. Davignon. - Ici je demanderai encore une addition ; je
demanderai que l’on ajoute à l’amendement de M. Mary la partie suivante de mon
amendement :
« Déjà
des communications plus faciles ont été ouvertes à l’intérieur ; d’autres
seront nécessaires. La nation recevra toujours avec reconnaissance toutes les
mesures qui tendront vers ce but.
« Elle appelle de tous ses vœux, elle attend avec
une vive impatience, le moment où Votre Majesté pourra réaliser ses projets
bienveillants, d’étendre nos relations commerciales et d’ouvrir aux produits de
l’industrie belge des débouchés à l’étranger. Ces objets, vous le savez, Sire,
sont d’un intérêt vital pour le pays. »
M. Mary. - Je me rallie à l’amendement de M. Davignon.
M. F. de Mérode. - Il me semble que la rédaction devrait être modifiée ; il y a des
locutions vicieuses.
M. Dumortier.
- On peut toujours adopter les amendements, sauf rédaction.
M. Davignon.
- J’ai supprimé la partie de ma proposition qui ne se liait pas avec la
proposition de M. Mary.
- L’amendement de M. Mary et le sous-amendement de M.
Davignon, mis aux voix, sont adoptés et forment le treizième paragraphe.
« Nous
nous plaignons à reconnaître que les soins apportés par l’autorité
administrative ont puissamment contribué à atténuer chez nous les effets du
fléau qui a ravagé toute l’Europe. A cet égard la Belgique s’est trouvée plus ménagée
qu’aucune autre nation. »
M. le président. - Voici comment M. de Robiano de Borsbeek propose de
rédiger ce paragraphe :
« Nous rendons de nouvelles actions de grâces à
la divine Providence, qui nous a tirés de tant de périls deux années, de ce que
le terrible fléau qui a sévi dans beaucoup d’autres contrées ait exercé
beaucoup moins de ravages parmi nous. La prévoyance et les soins de l’autorité
administrative, dans ces circonstances alarmantes, méritent des éloges et ont contribué
à cet heureux résultat. »
M. de Robiano de Borsbeek. - Messieurs, je crois que cet amendement exprime les
vrais sentiments de la nation, et nous représentons la nation. L’un des administrateurs
qui s’est le plus distingué par son zèle dans ces circonstances malheureuses,
est M. Rouppe ; je regrette qu’il ne soit pas présent pour lui témoigner la
reconnaissance due à son zèle.
M. F. de Mérode. - Messieurs, s’il s’agissait de parler sur des propositions relatives
à nos affaires politiques, je n’attendrais pas la proposition de M. de Robiano
pour vous en entretenir.
Il s’agit d’un fléau, et la Providence aurait pu nous
l’éviter ; mais le roi de Hollande, qui est extrêmement pieux, ainsi que les
états-généraux, ont accaparé la Providence… (On rit.) Le choléra a frappé partout ; la Providence répartit les
maux et les biens sur tout le monde… J’appuie cependant l’amendement de M.
Robiano.
M. Donny.
- Si je pouvais considérer l’amendement qu’on vous propose au paragraphe 14
comme un simple compliment fait par la chambre à l’ancien ministre de
l’intérieur, je laisserais passer le paragraphe ou l’amendement sans
observation ; je me dirais qu’en adressant à un fonctionnaire qui n’est plus au
pouvoir un pareil compliment, cela ne peut tirer à conséquence ; qu’on peut le
ranger dans la classe des choses qui font tant de plaisir et qui coûtent si
peu.
Mais la disposition ne se
présente pas à mes yeux de cette manière. Ce n’est pas un simple compliment que
nous allons faire : en donnant, sans aucune restriction, au ministre précédent,
des éloges sur sa conduite dans le régime sanitaire, nous traçons en quelque
sorte à son successeur une ligne de conduite ; or, la marche qu’a suivie
jusqu’ici le ministre dans cette matière excellente pour ce qui regarde
l’intérieur du royaume, excellente pour la frontière, a souvent et inutilement
froissé les intérêts du commerce maritime. Je ne puis donc, par un vote
approbatif, encourager le nouveau ministre à suivre la même marche.
Je voterai centre le
paragraphe, mais je ne ferai aucun effort pour le faire écarter. Il me suffit
d’avoir fait observer à la chambre que le régime sanitaire suivi peut être
vicieux dans une de ses branches principales.
Si le banc des ministres ne se trouvait pas dégarni,
j’aurais encore quelques mots à dire pour éclairer la religion de l’assemblée
et attirer son attention sur une matière aussi importante. Dans les constances
actuelles, ce serait parler dans le désert.
M. de Robiano de Borsbeek. - Il me semble qu’il ne faut pas dans ce moment être
si rigoureux pour l’administration ; il a pu y avoir des négligences commises
dans le régime sanitaire, mais généralement tout a été bien. (Oui ! oui !)
M. Legrelle.
- Je dois rendre hommage à toute la sollicitude du ministère pour détourner le
fléau du pays, et je crois qu’il peut se glorifier aujourd’hui des succès qu’il
a obtenus. Quant aux entraves dont on a parlé, je dois dire qu’elles ont été
levées à Anvers aussitôt que les circonstances l’ont permis, et qu’elles ont
même été levées contre l’avis des médecins. (Aux voix ! aux voix !)
- L’amendement de M. de Robiano mis aux voix est
adopté.
Paragraphe
15
« Les
habitants des parties de la Belgique dont le sort a été si douloureusement
séparé du nôtre, et qui continuent à exciter les plus vifs et les plus justes
regrets, ne nous feront pas le reproche de méconnaître les services qu’ils ont
rendus avec tant de dévouement à la cause commune. Nous sommes convaincus,
Sire, qu’ils n’ont pas cessé d’occuper votre pensée, que la chambre peut
compter sur le concours du gouvernement aux mesures que l’équité réclame en
leur faveur, et qu’avant d’abandonner ces portions de territoire, Votre Majesté
aura pris soin de mettre leurs habitants sous la protection des garanties que
le traité assure à leurs personnes et à leurs propriétés. »
- Ce paragraphe est lu, mis aux voix et adopté sans
discussion.
« Dans les
circonstances critiques où la patrie se trouve placée, la chambre des
représentants a cru de son devoir d’exprimer toute sa pensée à Votre Majesté.
Rien, Sire, ne contribue d’avantage à l’harmonie entre les grands pouvoirs de
l’Etat, que l’expression franche et entière du vœu du pays.
« Votre Majesté trouvera dans cette conduite une
preuve nouvelle de la confiance que la nation a placée en son Roi et qui ne se
démentira jamais. »
M. Dumortier.
- On ne peut adopter ce paragraphe, qui se rapporte au paragraphe 5 proposé par
la commission, lequel a été retranché.
M. H. de Brouckere. - Lors du vote de l’adresse, vous savez que notre
honorable collègue, M. de Robiano, a présenté un amendement qui nécessitait des
changements dans la rédaction du paragraphe 16.
Ensuite
le paragraphe supposait que nous nous serions exprimés d’une manière positive
sur la conduite du ministère, ce que nous n’avons pas fait.
L’amendement de M. Dumont, que vous avez adopté, est
un ajournement ; c’est un moyen échappatoire. (Bruit.) M. Legrelle dit : Oh ! oh ! Mais cela n’empêche pas que ce
ne soit vrai.
On a dit qu’il y avait danger à exprimer son opinion
formelle ; nous ne pouvons plus venir dire que la chambre a cru de son devoir
d’exprimer toute sa pensée.
M. F. de Mérode. - L’observation est juste, c’est vrai ; on n’a pas
exprimé toute la pensée de la chambre, puisqu’on n’a pas jugé à propos d’attendre.
M. Deleeuw.
- Mais on ne peut pas terminer l’adresse aussi brusquement que par le
paragraphe précédent ; les réflexions de M. de Brouckere sont pourtant fort
justes : ne pourrait-on pas transporter la seconde partie de l’amendement de M.
Dumont à la fin de l’adresse, et dire en terminant :
« Au milieu des circonstances qui nous pressent
et dans l’état incomplet des négociations qui nous ont été communiquées, la
chambre des représentants croit, dans l’intérêt de l’Etat, devoir s’abstenir de
se prononcer sur la marche suivie par le ministère. »
M. H. de Brouckere. - Cette proposition est inadmissible. L’amendement
de M Dumont se rapporte aux affaires extérieures, et nous ne pouvons pas
séparer les deux parties de cet amendement.
M. Deleeuw. - Je retire ma proposition.
M. Verdussen.
- Je pense qu’il est impossible de faire des amendements séance tenante ; je
crois qu’il vaudrait mieux les renvoyer à la commission de l’adresse. (Non ! non !)
M. de Robiano de Borsbeek. - On n’a pas dit un mot de M. Thorn qui est rendu à
la liberté ; il est membre de l’assemblée ; il me semble qu’il serait
convenable d’en parler.
M. H. de Brouckere. - S’il y a, à cet égard, des remerciements à faire,
il faut les adresser, non à l’administration, mais à M. d’Huart. C’est un fait
énergique qu’on lui doit. Si le gouvernement n’a pas blâmé ouvertement ce fait,
on voit que c’est parce qu’il n’a pas osé.
On fait des reproches aux hommes énergiques, aux
fiers-à-bras, comme on dit. Cependant un fait énergique, œuvre de ces
fiers-à-bras, à produit plus d’effet que toutes les voies de négociation : sans
ce fait M. Thorn serait encore dans les prisons de Luxembourg.
M. Pirson. - Je veux appuyer l’opinion de M. de Brouckere. Je
ferai observer à la chambre que le ministère qui n’a pas souvent l’occasion de
nous présenter de bonnes nouvelles, n’a pas dit un mot de la délivrance de M.
Thorn. Il l’a fait annoncer dans le Moniteur
qui, comme on sait, contient souvent de fausses nouvelles.
M. F. de Mérode. - Il me semble que le ministère n’a pu faire un acte semblable à celui
de l’arrestation de M. Pescatore ; M. d’Huart s’est trouvé dans le cas de le
faire, et il l’a fait.
Des voix. - Et
l’arrestation des officiers d’artillerie !
M. Gendebien.
- Je trouve dans une pièce émanée du ministre, émanée de M. Goblet, la preuve
que le ministère ne voulait pas d’actes énergiques.
Cette pièce parle d’une occasion ou l’on pourrait user
de représailles et dont on n’a pas voulu profiter.
M. de Muelenaere nous a dit,
lui, que si les négociations ne finissaient pas bien vite, on agirait
autrement. Celui qui a fait un acte digne d’un peuple régénéré, c’est M.
d’Huart et non le ministère.
Plusieurs voix. - Finissons l’adresse ! Finissons !
M. Gendebien.
- Voilà un moyen de terminer l’adresse :
« La chambre désire et espère que l’harmonie ne
cessera pas de régner entre les grands pouvoirs de l’Etat, et que la patrie
continuera de trouver sa force dans l’union de ses enfants. »
M. le président.
- Voici un amendement de M. Dumortier.
« En présence des grands événements qui se
préparent, la chambre des représentants croit devoir protester de son
attachement au trône constitutionnel et de la confiance que la nation a placée
dans le roi de son choix. »
M. Dumortier.
- Je retire mon amendement.
M. Legrelle.
- Dans la proposition de M. Gendebien, au lieu de : « la chambre désire et
espère, » il faut mettre : « la chambre a l’assurance... »
M. Dumont.
- Le mot « espère » renferme le mot « désire. »
M. Gendebien.
- Il n’y a personne qui tienne moins que moi aux mots ; je tiens aux choses.
M. de Robiano de Borsbeek. - Mettez : « La chambre a la
conviction... »
M. Legrelle.
- Ou bien : « La chambre a la ferme confiance… »
M. Gendebien.
- Mettez : « La chambre a la conviction intime... » (On rit.)
M. Pirson
en riant. - Je me permettrai aussi de présenter une finale. La voici :
« Il ne peut entrer dans les intentions d’aucun Belge
de troubler l’ordre dans l’Etat et l’harmonie entre tous les pouvoirs… »
- Cet amendement n’est pas appuyé.
L’amendement de M. Gendebien, en effaçant le mot
« désire, » est mis aux voix et adopté.
Vote sur l’ensemble
M. le président.
- Messieurs, il ne reste plus qu’à voter sur l’ensemble de l’adresse.
- On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de
l’adresse. En voici le résultat :
Sur 82 membres présents, 44 ont voté pour l’adresse et
38 contre.
En conséquence, elle est adoptée.
Ont voté pour : MM. de Bousies, Boucqueau de
Villeraie, Fortamps, Coghen, Cols, Coppieters, Davignon, de Foere, Deleeuw, F.
de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Sécus, de Terbecq, de Theux,
Devaux, Dewitte, Dugniolle, Dumont, Jacques, Lebeau, J. Vanderbelen, Legrelle,
Mary, Dubois, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Pirmez, Polfvliet,
Poschet, Rogier, Donny, Thienpont, Ullens, Vandenhove, M. Vanderbelen, de
Robiano, Verdussen, H. Vilain XIIII, Vuylsteke et Raikem.
Ont voté contre : MM. Angillis, Coppens, Corbisier,
Dautrebande, Meeus, H. de Brouckere, de Haerne, Desmaisières, d’Elhoungne,
Dellafaille, de Meer de Moorsel, Desmanet de Biesme, Desmet, de Renesse,
d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus, Dumortier, Fallon, Gendebien, Levae, Helias
d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jaminé, Jonet, Jullien, Van Hoobrouck, Liedts, Osy,
Pirson, Raymaeckers, C. Rodenbach, de Tiecken de Terhove, Speelman, Vergauwen,
Watlet, Zoude et Dams.
- On procède, d’après l’article 66, au tirage au sort
de la députation chargée de présenter au Roi l’adresse ; elle se compose de MM.
Ullens, de Terbecq, Desmanet de Biesme, H. de Brouckere, Nothomb, Dautrebande,
de Theux, Coppens, Verdussen, Dellafaille, plus le président de la chambre.
La séance est
levée à 4 heures et remise à après-demain pour la discussion du projet de loi
sur les budgets provinciaux.