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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 18 juin 1832

(Moniteur belge n°172, du 20 juin 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

A une heure moins un quart ou procède à l’appel nominal.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Jacques fait l’analyse des pétitions adressées à la chambre.

Projet de loi relatif à l'armée de réserve

Mise à l'ordre du jour

M. A. Rodenbach demande la parole pour une motion d’ordre. - Je désirerais, que M. le président voulût bien nous dire si la section centrale s’est réunie aujourd’hui, et si elle est prête à faire son rapport sur la loi relative à l’armée de réserve. Il y a déjà huit jours que M. le ministre de la guerre nous a présenté le projet sur les 50 mille hommes, et nous ne nous en occupons pas encore malgré son urgence.

La loi sur l’organisation judiciaire est importante ; mais la loi sur l’armée de réserve l’est encore davantage : avant de s’organiser intérieurement, il faut auparavant être indépendant.

M. Destouvelles. - Le rapport sur la loi de 50 mille hommes est prêt ; il est actuellement entre les mains du ministre de la guerre ; demain tout sera prêt, et on vous le présentera.

Il y a en effet huit jours que le projet nous a été présenté, mais la section centrale a dû se réunir plusieurs fois ; elle a refait le projet ministériel ; son travail est extrêmement court ; il est préparé ; il vous sera communiqué demain.

Projet de loi portant organisation judiciaire

Discussion des articles

Titre II. Des cours d'appel

Article 32

L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de loi sur l’organisation judiciaire.

La chambre en est restée avant-hier à l’art. 32 ainsi conçu :

« Trois cours d’appel sont établies dans les lieux et pour les provinces ci-après :

« A Bruxelles, pour les provinces d’Anvers, du Brabant et du Hainaut.

« A Gand, pour les provinces de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale.

« A Liège, pour les provinces de Liége, de Namur, du Limbourg et du Luxembourg. »

M. Taintenier a la parole et s’exprime en ces termes. - Messieurs, la parité de position m’engage à faire précéder d’un petit préambule ce que je dois vous dire à l’appui de l’amendement que j’ai déposé sur le bureau à la séance précédente : bourgeois de Mons et avocat, comme notre honorable collègue M. Jullien est bourgeois de Bruges et avocat en cette ville, j’éprouve, ainsi que lui, le besoin d’écarter le soupçon, s’il pouvait naître, que mes opinions auraient jamais été influencées par l’intérêt personnel ou par l’esprit de localité : il y a trop peu de temps que j’ai l’honneur de siéger ici, messieurs, pour que je puisse, ainsi que notre honorable collègue l’a fait à si juste titre, invoquer près de vous des antécédents qui éloignent ce soupçon ; mais appelé, il y a bientôt six ans, comme membre des états généraux, à discuter le projet d’organisation judiciaire, j’ai alors professé des principes, j’ai soutenu une opinion, qui bien loin d’être exclusive et de pouvoir être entachée du reproche de l’égoïsme de localité, avait pour but, au contraire, de restituer à chacun des droits et des institutions dont il avait été violemment dépouillé, sans que ce vice énorme pût être couvert par la raison d’Etat ou par des bienfaits d’un ordre supérieur d’intérêt général et d’utilité publique.

C’est ainsi, messieurs, que lorsqu’une opinion, tellement opiniâtre qu’elle ne voulait entrer dans l’examen d’aucune considération, s’obstinait à ne créer dans tout le royaume des Pays-Bas que trois cours d’appel, savoir à La Haye, à Bruxelles et à Liége, je demandais que les grandes provinces du royaume veuves des sièges de justice, qu’elles tenaient de leurs anciennes constitutions, sièges qui avaient fait le bonheur et la gloire de ces provinces, en y procurant une bonne et brève justice, reçussent du moins en dédommagement l’institution d’une cour d’appel, qui, en permettant de vider chez elle les procès en dernier ressort, leur épargnât dorénavant les lenteurs interminables, les frais énormes et les anxiétés de tout genre, auxquels donnaient nécessairement lieu les appels portés jusque lors devant les cours existantes ; des milliers de voix s’élevaient alors de toute part pour signaler les abus dont ces provinces étaient victimes, et pour implorer le bienfait d’un ordre de choses rapproché, autant que le permettaient nos nouvelles institutions, de l’état antérieur d’ordre et de paix dont on avait joui pendant plusieurs siècles, à l’abri des corps de justice anéantis par le volcan révolutionnaire.

Si ces voix, messieurs, semblent se taire à présent, les motifs du moins existent encore : ce silence est peut-être celui de l’indifférence, ou, j’aime mieux à le croire, il est dû à une plus grande confiance qu’inspire une représentation homogène de la nation ; d’ailleurs, messieurs,, ne paraîtrait-il pas que c’est pour couper court à de semblables instances, pour se débarrasser en un seul mot, d’un ordre supérieur et inflexible, des réclamations des provinces intéressées, que, sans qu’on puisse en donner un motif fondé ou même plausible, sans qu’aucune constitution, que je sache, soit jamais entrée dans des détails de ce genre, il est cependant écrit dans la charte qu’il n’y a que trois cours d’appel en Belgique ?

Et c’est la Belgique, messieurs, cette Belgique si fière, et avec raison, de ses anciennes institutions provinciales, communales et judiciaires, palladium pendant tant de siècles de ses libertés publiques, de la sûreté individuelle de chacun de ses concitoyens, qui est venue proclamer en 1830 qu’elle proscrivait à jamais le retour à des institutions judiciaires, non seulement compatibles avec les libertés qu’elle revendiquait, mais qui y sont même très analogues, et de nature à les protéger invinciblement, ainsi qu’elles l’ont fait par le passé.

Rousseau a écrit quelque part ces mots : « Si le législateur se trompant dans son objet établit des rapports différents de ceux qui dérivent de la nature des choses, l’Etat ne cessera d’être agité jusqu’à ce que ces rapports soient détruits ou changés et que l’invincible nature ait repris son empire. » Je pense, messieurs, qu’on doit considérer cette maxime comme un axiome fondamental en législation, et je conserve l’espoir, pour le bonheur ultérieur de mon pays, que nous saurons y être attentifs.

Vous connaissez, messieurs, ce qui avait été réglé par la loi d’avril 1827 quant au placement des cours supérieures de justice : cette loi a été au-delà de ce que je demandais, et de ce qu’il était raisonnable d’attendre ; non contente de fixer une cour d’appel dans les chefs-lieux des principales provinces, telles que les deux Flandres, le Hainaut, le Brabant, la province de Liège, etc., elle en avait placé partout ; mais cet étrange résultat n’a été dû qu’à l’étonnante opiniâtreté avec laquelle les partisans des trois cours d’appel excluaient celles qui leur étaient proposées pour Gand, Bruges, Mons, Luxembourg, etc. Le nombre trois, injuste, insuffisant, a cédé au nombre dix-huit, exorbitant sans doute, mais qui du moins comprenait en lui-même l’acte de justice exclu par le premier.

Dans cette position d’esprit à l’égard de la nouvelle organisation qui se discute, vous comprendrez que c’est avec un bien haut intérêt que dans une de nos séances précédentes, j’ai entendu un de nos honorables collègues attirer votre attention sur l’opportunité qu’il y avait à placer le siège de la cour de cassation à Malines.

Entre les motifs apportés à l’appui de cette opinion, et qui m’ont paru ressortir de la nature même des choses, il en est un, messieurs, qui avait pour lui ce sentiment de justice, cet instinct d’équité qui n’abandonnent jamais ceux qui souffrent de quelque grief fondé, de quelque privation injuste, principes qui à la longue finissent par triompher, parce qu’il est dans l’essence de l’ordre, qui ne peut cesser d’accompagner toute chose durable, qu’il y ait retour à justice.

Je veux parler, messieurs, de l’aspect sous lequel l’honorable préopinant vous présentait l’établissement de cette cour de cassation de Malines, en vous le désignant comme le dédommagement, et presque la restitution en entier, du grand conseil établi jadis en cette ville, et dont elle a été privée au milieu de la tourmente révolutionnaire, qui a signalé la fin du siècle précédent.

Oui, messieurs, je crois que nonobstant que l’ordre actuel ne permette plus, dans l’intérêt plus concentré de nos institutions, de rendre à chaque localité ce qui peut l’indemniser de ce qu’elle perdit, il faut néanmoins avoir les plus grands égards à ce qui a été, chaque fois que ces égards sont compatibles avec l’ordonnance principale de l’ensemble, avec le but essentiel auquel on veut atteindre.

Or, messieurs, c’est ainsi qu’il était, me semble-t-il, permis d’envisager ce qui vous a été alors proposé, quant au placement de la cour de cassation à Malines.

C’est ainsi que j’ose espérer que vous considérerez et que vous apprécierez dans votre sagesse, et le calme et la réflexion, la proposition que j’ai l’honneur de vous faire, que, par amendement à l’article 32, vous statuiez qu’il y aura une cour d’appel à Mons pour la province du Hainaut, sauf à joindre les provinces de Flandre, au ressort de la cour de Bruxelles.

C’est en cédant à une triste nécessité résultant de l’article 104 de la charte actuelle, que je viens disputer ici, messieurs, aux villes de Gand et de Bruges l’établissement d’une cour d’appel que la grande règle, qui nous prescrit de rapprocher autant que possible la justice des justiciables, appelait dans ces villes, chefs-lieux des deux provinces les plus peuplées du royaume ; mais si le Hainaut doit leur céder sous ce rapport, car il n’a, messieurs, qu’une petite population de 560,000 âmes, il a pour lui d’être seul avec le Brabant, qui puisse vous montrer les vénérables ruines d’une cour haute et souveraine, qui, décidant en dernier ressort, les plus grandes comme les plus minces questions qui lui étaient soumises, n’a jamais connu pendant une longue suite de siècles de pouvoir qui lui fût supérieur, et n’admettait contre ses arrêts que le remède extraordinaire de la grande révision qui avait lieu dans son propre sein.

C’est à ce titre principalement que je m’attache pour réclamer près de vous le seul dédommagement qui puisse être donné à cette belle province pour une perte aussi énorme : je m’appuierai à cet égard de la réclamation que le tribunal de Mons vous a adressée, et dont vous avez inséré, messieurs, le résumé, page 23 du recueil des observations des cours et tribunaux sur le projet d’organisation judiciaire : le langage de ce tribunal, qui a l’honneur de siéger là où fut jadis cette cour souveraine, prêtera de la force à mon dire : je vous ferai remarquer avec lui, messieurs, que cette cour souveraine à Mons a traversé la domination des ducs de Bourgogne, l’empire des maisons d’Espagne et d’Autriche, la conquête de Louis XIV et le bon plaisir de cet impérieux monarque, qui avait pris le soleil pour emblème, sans jamais être ébranlé.

Je vous dirai avec le tribunal de Mons que les procès sont nombreux dans le Hainaut, tant à cause de sa grande population, qu’à raison des charbonnages immenses qui sont en exploitation ; je vous dirai que ces procès offrent presque constamment des points de fait et de droit difficiles à saisir comme à résoudre, parce que, tant à raison des chartes et coutumes de ce pays, que Stockmans qualifiait d’ « abnormia et exotica jura, » qu’à cause des faits compliqués et difficiles que présente l’exploitation des charbonnages, il faut que le juge réunisse à la science de son état des notions toutes spéciales, qui tiennent à une longue pratique et à une connaissance particulière des lieux : de ces deux chefs, messieurs, il est certain qu’une cour d’appel pour le Hainaut seul aurait une tâche presqu’aussi étendue et pas moins difficile qu’aucune des deux autres : aussi la chambre de la cour de Bruxelles, à laquelle les causes du Hainaut fournissent presque tout l’aliment, ne peut suffire au jugement de ces causes ; cette cour ne le dissimule pas et vous le confesse nettement, page 24 du recueil déjà cité.

Déjà l’on vous a fait remarquer, messieurs, que dans la province de la Flandre orientale l’arrondissement de Termonde est terme moyen, plus rapproché de Bruxelles que de Gand ; il en est de même d’une très grande partie de l’arrondissement d’Audenarde, en telle manière que plus de 300,000 âmes de cette province de la Flandre ont plus de facilité de traiter leurs affaires à Bruxelles qu’à Gand. Il est également clair à tous les yeux que la ville de Bruges est placée pour ainsi dire dans le coin septentrional de la province, dont elle est le chef-lieu, et qu’ainsi le placement qui se ferait en cette ville d’une cour d’appel serait loin d’avoir tout l’avantage dont cette cour serait susceptible ailleurs : au contraire, messieurs, et veuillez bien le remarquer, il n’est aucune habitation dans le Hainaut qui ne soit plus rapprochée de Mons que de Bruxelles. Mons est le point tellement central, que, tandis qu’elle n’est éloignée de la frontière ouest du Hainaut que de onze lieues, c’est à dix lieues vers l’est que cette frontière se termine, et que Mons est placé presqu’au milieu du méridien, qui va de la frontière française à celle du Brabant ; qu’ainsi elle offre le point le plus central qu’il eût été possible de rencontrer pour le Hainaut.

J’ajouterai enfin à ces considérations, messieurs, que Gand n’a jamais eu qu’un conseil provincial, que Bruges n’avait que ses magistratures particulières de la ville et du pays du franc, qui y rendaient la justice, et que l’établissement d’un tribunal de première instance, composé de deux chambres, ainsi que la tenue d’une cour criminelle dans chacune de ces deux villes, peuvent être considérés comme l’équivalent de ce qu’elles avaient jadis.

Il serait trop long de vous faire le dénombrement des grands établissements que Gand renferme dans son sein ; Bruges, ville commerçante et qui participe aux avantages maritimes par son canal, a un athénée et est doté d’un évêché. Mons seul n’a rien, et pour me servir de l’expression énergique d’un honorable membre de cette assemblée, est le paria du nouveau royaume. Cependant je crois qu’il a aussi des titres à la bienveillance universelle.

Je terminerai, messieurs, en vous soumettant une réflexion qui a été faite par un des beaux génies de notre époque ; c’est que nous sommes tellement familiarisés avec ce qui est, nous réfléchissons si peu sur ce qui était, qu’à peine ne nous apercevons-nous de quelque changement dans l’état de la société : les révolutions, non contentes de secouer « l’arbre des idées pour savoir celles qui tiennent, » ont coupé l’arbre par le pied.

Gardons-nous d’aller aussi loin, messieurs, ou du moins appliquons-nous soigneusement à réparer le mal lorsqu’il existe ; revenons autant que possible à ces institutions libérales, sanctionnées par les siècles, qui ont fait le bonheur de nos aïeux, tandis que les autres peuples balbutiaient à peine le mot de liberté ; et puisque la Belgique a su jadis trouver en son sein les germes de sa liberté et de la prospérité publique, soyons nous, soyons Belges.

M. le président. - Il a été déposé un autre amendement par M. Dumortier.

M. Delehaye. - L’honorable préopinant s’est basé, pour établir son opinion, sur ce que la ville de Mons a eu dans un temps et sur ce qu’elle n’a plus maintenant ; s’il fallait calculer les pertes pour avoir des droits, il n’y a guère de villes qui ne pussent faire des réclamations à ce titre ; l’honorable membre aurait dû faire attention que ce qu’il fallait considérer avant tout, c’est le grand nombre des justiciables et leurs intérêts. Sa proposition étant contraire à ce principe, je la crois souverainement injuste et je ne m’en occuperai pas davantage, et je passerai à l’examen de la proposition de M. Julien.

Cet orateur nous a dit que la ville de Gand n’avait pas de grands établissements pour recevoir la cour d’appel ; que la ville de Bruges avait des monuments tout prêts pour cet usage ; que la ville de Bruges, par son peu de prospérité commerciale et industrielle, méritait encore sous ce rapport la préférence. S’il suffit de n’avoir pas un commerce très étendu pour obtenir le siège d’une cour, Bruges sans doute a plus de droits que Gand ; mais si on veut bien remarquer que plus une ville est riche par le commerce et plus elle donne lieu à des procès, on conviendra que les juges doivent être là où sont les justiciables.

Non seulement dans l’intérêt de la Flandre orientale, la cour doit siéger à Gand, mais cela doit être dans l’intérêt du royaume lui-même, puisque dans tout le royaume on a plus de relations avec Liége qu’avec Bruges.

Il vous encore a été dit par M. Jullien que les villes de Gand et de Bruges étaient les deux seules villes qui réclamassent le siège de la cour d’appel : je dois vous faire observer que Gand ne fait aucune réclamation ; que c’est la Flandre orientale tout entière qui demande que le siège soit à Gand ; que ce sont les députés de cette province qui font les réclamations. La ville de Gand n’a rien demandé ; elle a laissé agir ses députés ; elle a laissé se manifester les besoins de l’intérêt général.

On a parlé de Furnes qui ne communique avec Gand que par des chemins impraticables ; mais si vous voulez être favorables à Furnes, vous allez être défavorable à Termonde, qui est de l’autre côté ; c’est-à-dire que vous serez favorables à un district de 27 mille habitants, pour être défavorables à 382 mille habitants. Gand n’est sans doute pas un centre parfait ; Bruges n’est pas plus un centre parfait, et quelque ville que l’on prenne dans un ressort, on aura toujours les extrémités inégalement éloignées.

Le centre doit être près de la Flandre orientale, qui a une plus grande population et qui donne lieu à plus de procès.

On demande la justice distributive ; eh bien, vous n’avez accordé que trois districts à la Flandre orientale, tandis que de l’autre côté il y en a quatre : il faut donc lui donner en appel ce que vous lui avez refusé en première instance.

Il y a plus de relations entre Courtray et Gand qu’entre Courtray et Bruges ; Gand est le point central des relations commerciales de la Flandre. Les communications y sont fréquentes et à bas prix ; le député d’Ypres m’a dit aussi que cette ville avait plus de relations avec Gand qu’avec Bruges.

Comme je l’ai déjà dit, il faut non seulement envisager les intérêts des habitants de la Flandre orientale, mais encore les intérêts de toutes les villes du royaume : que diraient les habitants des villes d’Anvers, de Bruxelles, de Liège quand les arrêts de leurs cours d’appel seront cassés, s’il fallait qu’ils allassent à Bruges au lieu d’aller à Gand ?

On a dit, c’est M. Jullien et je ne sais où il a pris la chose, que l’on ne trouverait pas une localité pour recevoir la cour à Gand ; cependant des salles extrêmement étendues ont été préparées pour recevoir cette cour d’appel que l’on attend depuis longtemps.

Dans l’intérêt de la Flandre orientale, dans l’intérêt de l’Etat, il faut que la cour d’appel soit à Gand.

M. C. Rodenbach. - Je ne répéterai pas d’une manière fastidieuse tous les arguments qu’on a fait valoir pour vous engager à placer une cour d’appel dans la ville de Bruges. Je me contenterai de rappeler votre attention sur les considérations importantes présentées par M. Jullien, à l’appui de son amendement, considérations parfaitement justes qui n’ont été réfutées par personne, et qui doivent convaincre tout homme impartial. Je suis persuadé que tous ceux qui connaissent la ville de Bruges sont frappés de la nullité à laquelle on condamne une cité qui fit jadis l’orgueil de la Belgique et que les gouvernements successifs semblent prendre à cœur de pousser vers sa ruine totale. Il me semble qu’une bonne politique devrait chercher à relever une ville depuis si longtemps sevrée de toute institution vivifiante, et qui n’a conservé de son ancienne splendeur, que ses monuments, ses tombeaux et ses souvenirs.

M. A. Rodenbach, à demi-voix. - Et ses jolies femmes ! (Rire sur le banc voisin.)

M. C. Rodenbach. - Nous devons tous désirer que la révolution répande le plus de bien-être possible sur toute la population. (En note de bas de page au Moniteur, on lit cette phrase : Sous ce rapport, les habitants de Bruges forment une véritable tribu de parias.) La perte d’un tribunal d’appel sera très peu sensible pour la ville de Gand ainsi que pour la Flandre orientale, puisque les intérêts des justiciables ne seront pas plus lésés d’un côté que de l’autre. Cette cour deviendra, au contraire, pour la ville de Bruges, une faveur immense par ses résultats. Par cette décision, vous poserez, messieurs, le premier échelon qui fera remonter cette ville vers sa prospérité primitive. Je voterai, messieurs, pour l’amendement de M. Jullien.

M. Helias d’Huddeghem. - Je suis fâché, messieurs, d’être obligé a suivre deux honorables préopinants sur un terrain où ils m’appellent bien malgré moi ; en effet, au lieu de faire du placement de la troisième cour d’appel une question d’intérêt général, ils ont essayé de la changer dans une question d’intérêt local.

Messieurs, le premier orateur qui a porté la parole dans la présente discussion, a suivi l’ordre tracé dans un mémoire qui vous a été distribué, et il s’est attaché à développer la plupart des arguments qui y sont présentés. Pour ne pas abuser de votre attention, je me bornerai à réfuter succinctement les objections qui ont été faites contre le projet de la section centrale, qui a fixé la troisième cour à Gand.

On a en premier lieu tâché d’insinuer qu’il s’agissait d’une question de prééminence, vieux sujet de dispute et de dissension qui, dit-on, divise depuis des siècles deux provinces et les cités de Bruges et de Gand.

J’ai dit et je répète que, parmi les 17 anciennes provinces de la Belgique, il n’a jamais existé qu’une seule province de Flandre dont la ville de Gand a été de tout temps la seule capitale, tant avant que depuis l’érection du conseil de Flandre ; que ces prétendues rivalités n’ont jamais empêché que les magistrats des villes de Bruges, Courtray, Ostende, Nieuport, ainsi que les châtellenies du franc de Bruges, de Courtray et autres, envoyassent leurs députés à l’assemblée générale et à leur tour à la députation permanente des états de Flandre siégeant toujours à Gand ; il est encore de notoriété publique que l’inauguration des souverains, en leur qualité de comtes de Flandre, se faisait uniquement à Gand, et il est prouvé par les registres du conseil qui se trouvent aux archives dudit conseil, aujourd’hui dans le local du tribunal de première instance, que Gand a été en possession de la cour de justice, connue sous le nom de conseil provincial, depuis que le duc de Bourgogne l’avait établi Gand, en 1407, en séparant la chambre des finances de celle de la justice, laissant la première à Lille : ainsi, pendant plus de quatre siècles, le conseil provincial a résidé constamment à Gand.

On a tâché d’insinuer, messieurs, que cette possession aurait été interrompue ; il est vraiment curieux de voir prétendre qu’en 1678 le conseil ait été transféré à Bruges. Voici ce qui arriva : Louis XIV, s’étant rendu maître de la ville de Gand, accorda aux conseillers de Flandre qui voulaient demeurer à son service, de continuer dans leurs mêmes droits, autorités et privilèges dont ils jouissaient par le passé. Le président et un grand nombre de conseillers prêtèrent serment. Le conseil reprit ses séances ordinaires ; quelques conseillers se retirèrent à Bruges et furent regardés comme démissionnaires ; ils y demeurèrent jusqu’à la paix de Nimègue, époque à laquelle ils furent réintégrés dans leurs places au conseil de Flandre à Gand.

Si à d’autres époques les conseillers, pour des commotions politiques, se retirèrent soit à Courtray, en 1440, et non en 1456, comme le dit le mémoire, et à Termonde en 1450, le siège de la cour ne resta pas moins constamment à Gand.

J’arrive, messieurs, à la question qui seule doit trancher le point litigieux : je suis entièrement d’accord avec tous les préopinants que le siège de la nouvelle cour à établir ne peut être déterminé que d’après l’intérêt commun de tous les habitants du ressort. Cet intérêt en effet doit dominer toute la question, abstraction faite des intérêts des deux villes de Bruges et de Gand ; mais je sens le besoin de déclarer que je forme des vœux bien sincères, afin que ces deux belles villes de Flandre reprennent leur ancienne splendeur, dont l’honorable M. de Roo a retracé le tableau.

Mais il ne s’agit pas ici des intérêts de ces deux villes, il s’agit de rapprocher les justiciables de leurs juges ; car à quoi tendrait autrement la création d’une nouvelle cour ? On prétend qu’il faut fixer la cour d’appel au centre des deux provinces. Messieurs, le principe géographique de distribution ne laisse pas de présenter dans la pratique de grandes difficultés ; mais ce principe même peut-il être invoqué en faveur de Bruges ? Si je jette les yeux sur la carte, Bruges n’est pas même au centre de le Flandre occidentale, et si peu au centre, comme vous l’a fait observer M. Van Innis, qu’en traçant un cercle au milieu de la Flandre occidentale même Bruges se trouve en dehors de la circonférence ; tandis que Gand présente très peu d’inégalité dans les distances, bien plus les deux tiers des justiciables de l’arrondissement de Courtray se trouvent plus rapprochés de Gand que de Bruges.

Pendant plusieurs siècles le conseil de justice de toute la Flandre a toujours été établi à Gand ; ceci ne s’est pas fait sans doute sans consulter les intérêts communs de tous les habitants ; s’il en avait été autrement, pensez-vous, messieurs, que durant un si grand espace de temps, on serait resté silencieux ? L’expérience vient donc confirmer mon système. En plaçant la troisième cour d’appel à Bruges, vous feriez, sous le rapport de la distance, regretter à tous les habitants du pays si populeux d’Alost, de Ninove, de Grammont leur séparation de la cour de Bruxelles, puisqu’ils sont deux fois aussi éloignés de Bruges que de Bruxelles. S’il faut consulter l’intérêt commun, c’est plutôt la proximité du plus grand nombre des habitants que celle du plus grand nombre des tribunaux qu’il faut apprécier pour la fixation du siège, comme le soutiennent les deux honorables préopinants.

Or, la population de la Flandre orientale excède de plus d’un cinquième celle de la Flandre occidentale ; dans la première la population s’élève à 741,241 âmes, tandis que celle de la Flandre occidentale ne s’élève qu’à 603,214 âmes. Si l’on compare la distance du point le plus éloigné de chaque province de la ville capitale de l’autre province, l’on verra que s’il y a une différence, elle milite en faveur de Gand ; car ce n’est point Beveren et encore moins Saint-Nicolas qui est le point extrême de la Flandre orientale, mais bien le Doel dont les limites s’étendent au-delà de la tête de Flandres et se trouvent ainsi à près de douze lieues de Gand.

C’est donc une erreur qui est échappée à un honorable préopinant, de prétendre que les cantons de St-Nicolas et de Beveren ne sont de Bruges tout au plus que quinze à seize lieues.

L’auteur du Mémoire a si bien senti que les villages de Calloo, de Zwyndrecht et du Doel, sont plus éloignés de Bruges que la ligne de Haringhe de Gand, qu’il n’a pas trouvé d’autre moyen pour se tirer d’embarras que de proposer de séparer le canton de Beveren de la Flandre orientale pour le joindre à la province d’Anvers, sans s’embarrasser des difficultés que présente le passage d’un grand fleuve, et les affections, et les intérêts d’anciens habitants de la Flandre orientale, province qui se trouverait ainsi mutilée. Je ne crains pas, messieurs, que vous ne donniez la main à un pareil système. Vous consultez, messieurs, l’intérêt personnel des habitants des deux Flandres, la préférence à accorder à la ville de Gand, comme chef-lieu de la Flandre orientale, ne vous paraîtra pas douteuse.

Mais, dit-on, la Flandre occidentale a quatre tribunaux de première instance, la Flandre orientale n’en a que trois, donc pour le motif pour établir la cour d’appel à Bruges… Il est vrai que depuis quelques années, dans cette province dont la population s’élève à 741,241 âmes, au moins, le nombre des tribunaux a été, par économie, réduit de quatre à trois ; c’est par suite de la suppression du tribunal d’Eecloo ; dans la Flandre occidentale qui ne compte tout au plus que 603,214 âmes, le gouvernement n’a pas cru devoir recourir au même genre d’économie ; mais cette circonstance peut-elle autoriser la province privilégiée à s’appuyer sur cette faveur pour obtenir un nouvel avantage ? Non, sans doute… Le nombre des tribunaux ayant été réduit dans la Flandre orientale, on aurait pu, avec plus de justice, en faire autant dans la Flandre occidentale.

Une autre objection a été motivée sur le nombre des causes fiscales qui devront être jugées (multiplicité, d’après les préopinants, qui doit résulter dans la Flandre occidentale de sa position comme triple frontière) ; cette allégation, comme le prouve parfaitement une note qui vous a été remise, prouverait trop et trop peu en faveur de la proposition. Elle prouve trop ; car, à ce compte, la cour d’appel pour les provinces de Liège, Limbourg, Luxembourg et Namur devrait, sans aucun doute, être transférée de Liége à Marche, ou Arlon ; car le Luxembourg aussi forme une triple frontière française, hollandaise et prussienne.

Elle prouve trop peu ; car ce ne sont pas seulement les poursuites en matière de fraude qui doivent servir de base pour apprécier la convenance de l’un ou de l’autre siège ; mais bien plutôt la multiplicité des contestations en matière civile, qui sont toujours plus fréquentes, plus longues et plus frayeuses.

Mais indépendamment de cette double insuffisance, le motif allégué par l’auteur du mémoire pèche encore par sa base. En effet, rien ne prouve que malgré sa triple frontière, la Flandre occidentale doive offrir plus de poursuites de douanes que notre province, puisque la Flandre hollandaise, qui fut toujours pour la Belgique un foyer très actif de fraude (et qui sans aucun doute le redeviendra encore, dès que les troupes qui couvrent les frontières respectives pourront rentrer à l’intérieur), ne longe la Flandre occidentale que sur une ligne très peu étendue, sur laquelle les communications sont rendues très difficiles, puisqu’elles ne peuvent avoir lieu que par la seule route de l’Ecluse à Westcapelle.

La Flandre orientale, d’un autre côté, est bornée sur toute sa longueur au nord par la Flandre hollandaise, qui de ce côté présente un nombre infini de chemins de traverse. Il est donc de toute probabilité que cette facilité de communication, jointe à l’importance des relations commerciales de Gand, y donnera au moins autant d’activité à la fraude que sur la triple frontière de la Flandre occidentale.

Les affaires civiles sont bien plus importantes ; c’est surtout dans de pareilles matières que les procès sont longs et frayeux. C’est donc relativement à de semblables contestations qu’il faut comparer les intérêts des habitants des deux provinces. Il est notoire que dans la Flandre orientale les affaires civiles sont et seront toujours les plus nombreuses ; le morcellement des propriétés contribue infiniment à multiplier ces sortes de causes ; or, on sait combien dans la Flandre orientale les propriétés ont été morcelées ; on n’y rencontre pas de grandes exploitations telles qu’on en trouve de tous côtés dans la Flandre occidentale ; en outre le commerce et l’industrie fleurissent au plus haut point dans notre province, et certes la Flandre occidentale ne fournira pas tant d’appels en matière commerciale que la Flandre orientale ; ce sont cependant le nombre des causes, tant civiles que commerciales, qui doivent fixer l’attention pour décider du placement du siège de la cour d’appel ; en sorte que sous ce rapport la balance penche entièrement en faveur de la Flandre orientale.

Quant à l’objection qui touche la facilité des communications entre tous les points de la Flandre orientale, si la Flandre occidentale a négligé de se procurer les mêmes avantages, qui n’existent cependant pas dans une grande partie du pays d’Alost, est-ce là un motif pour enlever à la Flandre orientale le siège de la cour d’appel, auquel elle a droit sous tous les rapports ? Au reste, les comparutions en personne ne sont nécessaires qu’en matière correctionnelle : le tribunal de Bruges est, en ces sortes d’affaires, le juge compétent pour prononcer en instance d’appel des jugements des autres tribunaux de la Flandre occidentale, de sorte que la considération tirée de la difficulté du transport des personnes vient également de disparaître.

Reste, messieurs, une dernière objection ; Gand est une trop grande ville pour y placer une cour d’appel ; elle est trop bruyante et agitée, on ne trouvera pas de quoi se loger. Quant au logement, qu’on sache qu’une ville qui, vers l’époque dont a parlé M. de Roo, contenant d’après les autorités les plus respectables jusqu’à 200,000 âmes, et n’en contient aujourd’hui que 80,000 : on ne doit pas être embarrassé de trouver de belles maisons et pas plus chères qu’à Bruges. Quant au mouvement trop grand qu’on paraît craindre, prend-t-on donc les conseillers pour des étudiants ? Veut-on les priver de l’agrément d’habiter une grande ville ? Si ce système était admissible, il faudrait que la cour de cassation fût transférée à Malines, la cour d’appel à Nivelles, et la cour de Liège à Tongres. Remarquez d’ailleurs que les plus célèbres publicistes, entre autres Bentham, sont d’accord qu’il faut placer la cour dans la ville la plus populeuse de la province, en sacrifiant même, s’il le faut, la régularité de la distribution géographique ; ils y voient l’avantage d’obtenir un plus grand cercle d’hommes instruits pour former un barreau.

C’est vers ce lieu que convergent les grandes affaires, les grandes transactions, aussi le plus grand nombre de procès. Les partialités privées y ont moins de force. Les partialité locales y sont ignorées ; dans une grande foule on s’occupe moins des affaires de son voisin : de là résulte une opinion plus indépendante et plus forte ; sans être exposés à l’influence des petites coteries, les magistrats sont bien plus considérés dans les grandes villes que dans les petites ; ils y sont moins sujets à la critique des gens oisifs.

Je crois, messieurs, avoir rencontré toutes les objections, et vous avoir suffisamment prouvé que l’intérêt commun de la presque totalité des habitants des Flandres réclame l’établissement du conseil à Gand. J’espère vous avoir suffisamment prouvé que ce n’est pas l’intérêt de Gand ni de Bruges qui doit nous servir de règle, mais l’exacte justice qui veut que chaque justiciable soit à la distance la plus égale de la cour d’appel.

M. Dumortier. - Je vais demander que le siège de la cour d’appel soit à Tournay. Ne croyez pas que ce soit un intérêt purement local qui me fait parler. (On rit beaucoup.) Tournay a été longtemps le siège du parlement des Flandres, et à ce titre elle a droit de demander à continuer d’être ce qu’elle a été.

On discute la question de savoir si c’est à Gand ou à Bruges que la cour d’appel sera érigée. Cette question est mal posée. En Belgique, il existe deux cours d’appel, une à Liége, une à Bruxelles ; mais la cour d’appel de Liége doit-elle conserver son ressort ? En d’autres termes les cinq provinces qui composent le royaume doivent-elles être divisées comme on nous le propose pour établir le siège des cours d’appel ? Voilà la question qu’il faut résoudre.

Si Bruxelles doit avoir une cour d’appel, il suffit de jeter les yeux sur la carte pour savoir que son ressort doit se composer de Bruxelles, d’Anvers et d’une partie de la Flandre orientale. Indépendamment de la position géographique, l’intérêt des justiciables que l’on nous a dit devoir être invoqué, et de 800 mille justiciables, car c’est le nombre des habitants de la Flandre orientale, semble exiger qu’il en soit ainsi : Alost, Termonde, etc. ont toutes plus de rapports avec Bruxelles qu’avec Gand ; ces ville sont plus d’intérêt de ressortir de Bruxelles que de Gand. Il y a véritable intérêt pour qu’une partie de la Flandre orientale se réunisse au Brabant.

La Flandre occidentale et le Hainaut doivent former un autre ressort : chacune de plus de 600 mille habitants, ces provinces forment le tiers de la Belgique ; et il y a raison mathématique pour établir une cour d’appel dans la ville la plus populeuse de ces contrées ; c’est à Tournay.

Des considérations de détail viennent à l’appui de notre opinion. Ypres est plus rapproché de Tournay que de Bruges. Il en est de même d’autres villes. Il faut avouer aussi que quelques villes paraîtront froissées par cette division ; mais de quelque manière que vous établissiez les ressorts, il se trouvera des contrées plus favorisées les unes que les autres ; c’est un inconvénient attaché à toute division de territoire. Il faut principalement avoir égard aux masses des populations ; sous ce rapport ce que je propose est convenable, puisque Termonde et Ostende se trouveront rapprochés du siège de la cour d’appel.

Cependant les intérêts des villes, sur lesquels on s’appuie sans cesse, ne sont pas les considérations qui doivent toucher les gouvernements. Le gouvernement doit vouloir que toutes les villes conservent une certaine opulence ; or, il n’est aucune ville qui ait autant perdu que Tournay.

Cette ville a été le siège d’un parlement et d’une province ; elle n’est plus centre d’une province ; elle n’est plus département, et il n’est pas de cité à laquelle les circonstances aient autant fait perdre. Bruges a gagné un évêché, une province ; par la suite du temps la Belgique aura une marine dont les principaux établissements seront nécessairement à Bruges. Ainsi Bruges aura tous les dédommagements que la nature des choses permettra de lui accorder, tandis que si vous refusez de donner à Tournay le siège d’une cour d’appel, cette ville n’a plus rien à espérer.

On a parlé de parias politiques ; on a appliqué ce mots aux habitants de la ville de Mons ; eh bien, je puis assurer que s’il y a des parias en Belgique, ils sont à Tournay ; nous sommes les véritables ilotes du royaume…

Si vous ne faites pas droit à notre juste réclamation, je vous demandera ce que nous aurons retiré de la révolution ?

M. de Robaulx. - L’amendement est-il appuyé ? Car s’il l’est, je demanderai une cour d’appel pour Merbes-le-Château et Fontaine-le-Château. (On rit.)

M. Coppieters. - Messieurs, je viens aussi appuyer l’amendement fait par l’honorable M. Jullien.

Et après le développement fait par deux des préopinants des motifs de convenances et de localité qui militent en faveur de la ville de Bruges, je me bornerai à examiner la question de préférence sous le rapport de la justice distributive et de la situation ; et j’essaierai de démontrer que sous ce double rapport, Bruges doit être préféré à Gand pour l’établissement de la cour d’appel des Flandres.

En effet, messieurs, la justice distributive ne semble-t-elle pas d’abord vouloir que l’une des deux villes en concurrence n’accumule pas tous les avantages ? Or, la ville de Gand jouit déjà de tant d’avantages dont Bruges est privé.

N’a-t-elle pas déjà une université, un grand commandement militaire, une maison générale de détention, etc. ? Je ne ferai pas l’énumération de tous ces avantages, vous les trouvez dans le mémoire de la régence de Bruges qui vous a été distribué ; mais je dois vous faire remarquer avec ladite régence, que tous ces établissements dont la ville de Gand se trouve dotée, sont institués pour les habitants des deux Flandres, et sont donnés à Gand, tandis que Bruges, chef-lieu de l’autre Flandre, ne possède rien de semblable ou d’équivalent.

La justice distributive ne semble-t-elle pas exiger aussi que, sous un gouvernement juste et équitable comme le nôtre, les avantages soient répartis entre les villes en raison de leur importance ?

Or, la ville de Bruges, qui est la cinquième du royaume dans l’ordre de la population, n’a d’autre établissement qui puisse aider à la vivifier que son athénée, dont l’entretien lui coûte annuellement une somme énorme.

Je pense donc, messieurs, que l’équité exige que la cour d’appel soit donnée à Bruges, le seul établissement disponible qui puisse rétablir tant soit peu en sa faveur la balance de la répartition des avantages.

Il n’existe d’ailleurs aucune nécessité de préférer Gand à Bruges pour cet établissement.

On dira peut-être que la Flandre orientale, dont Gand est le chef-lieu, est plus importante que la Flandre occidentale sous le rapport de sa population et de la richesse de ses habitants.

Mais la Flandre occidentale l’emporte de son côté par sa situation comme province frontière de la France, de la Hollande et de la mer, comme province maritime ayant plusieurs ports de mer, tels que Nieuport, Ostende et Bruges, et comme réunissant beaucoup de places fortes, telles que Ostende, Nieuport, Ypres et Menin.

C’est surtout du chef de cette situation avantageuse que la Flandre occidentale présente les diverses causes majeures indiquées dans le mémoire de la régence de Bruges, qui ne se produisent pas dans la Flandre orientale, savoir les affaires maritimes et les affaires fiscales, auxquelles donneront lieu le commerce de ses trois ports de mer, et le trafic de la fraude exercée sur la ligne très étendue de ses frontières.

Mais dans le mémoire du comité de conservation de la Flandre orientale, qui a été distribué aux membres de la chambre, on prétend que la fraude s’exerce au moins autant dans la province de la Flandre orientale que dans la Flandre occidentale, et on y donne pour motif que la Flandre orientale est bornée sur toute sa longueur au nord par la Flandre hollandaise, tandis que cette Flandre ne longe la Flandre occidentale que sur une ligne peu étendue.

En répondant à cette assertion, je ferai remarquer qu’outre cette ligne, sur la frontière de Hollande qui est encore d’une étendue de plusieurs lieues, la Flandre occidentale a encore une ligne de frontières du côté de la mer de plus de 10 lieues, et une autre du côté de la France de plus de 20 lieues, sur lesquelles la fraude se fait avec bien plus d’activité que sur la frontière de l’autre Flandre.

Il reste donc vrai de dire que la Flandre occidentale présentera plus d’affaires fiscales, résultant du trafic de la fraude, que la Flandre orientale.

J’aborde à présent la question de préférence, sous le rapport de la situation respective des deux villes en concurrence et ici, messieurs, je dois réclamer votre attention particulière, attendu que c’est le point principal qui doit être examiné dans l’intérêt commun des habitants du ressort.

Et je pense qu’il ne me sera pas difficile aussi de démontrer que sous ce rapport Bruges doit encore avoir la préférence.

En effet, la ville de Bruges, quoique n’occupant pas le centre des deux provinces, formant le nouveau ressort, de même que Gand, est cependant plus rapproché que Gand de tous les points du ressort.

On s’en convaincra aisément en jetant les yeux sur la carte des deux Flandres, en et mesurant les distances.

On y aperçoit d’abord que l’arrondissement judiciaire de Courtrai est à peu près à une égale distance de Gand et de Bruges.

Ensuite que l’arrondissement judiciaire de Gand, l’arrondissement d’Audenaerde, à l’exception de son extrémité méridionale, et celui de Termonde à l’exception de son extrémité septentrionale, d’une part et l’arrondissement judiciaire de Bruges, et la partie orientale de l’arrondissement d’Ypres d’autre part sont situés respectivement à la même distance de Bruges et de Gand.

Il ne s’agit donc plus que de comparer la distance de l’extrémité méridionale de l’arrondissement d’Audenaerde et de l’extrémité septentrionale de l’arrondissement de Termonde, de Bruges, avec la distance de l’extrémité occidentale de l’arrondissement d’Ypres et de tout l’arrondissement de Furnes, de Gand.

Et, à cet effet, il sera indispensable de prendre les cantons de justice de paix compris dans lesdits arrondissements et parties d’arrondissement.

Ces cantons sont d’une part : Beveren, qui est à la distance de 13 lieues de Bruges, St-Gillis-Waes 14, St-Nicolas 13, Tamise 14, Hamme 12,Termonde 12, Alost 13, Herzeele 11, Ninove 13, Nederbrakel 11, Grammont 13 et Renaix 11.

Et vous remarquerez, messieurs, que je ne prends que les cantons qui sont à une distance de plus de dix lieues de Bruges, j’en ferai de même pour les autres cantons dans leur distance de Gand,

Et d’autre part ; Ghistelles qui est à la distance de 11 lieues de Gand, Ostende 12, Nieuport 14, Dixmude 13, Furnes 16, Passchendale 11, Haringhe 16, Elverdinghe 14, Ypres 14, Poperinghe 15 et demie, Moorzeele 11, Menin 11 et demie, Wervicq 16 et Messines 16.

Vous voyez, messieurs, par ce tableau que les cantons situés sur les points extrêmes de la province de la Flandre occidentale sont beaucoup plus éloignés de la ville de Gand, que les cantons situés sur l’extrémité de la Flandre orientale sont éloignés de la ville de Bruges, et qu’ainsi Bruges se trouve plus rapproché des habitants de ces derniers cantons, que Gand des habitant de ces premiers.

Or, comme il doit être indifférent aux habitants restant des deux provinces, quant à la distance, dans laquelle des deux villes, de Bruges ou de Gand, siégera la cour d’appel, attendu qu’ils sont respectivement également éloignés de l’une et de l’autre ville, ainsi que je viens de la démontrer, c’est l’intérêt des habitants de l’arrondissement de Furnes, et de l’extrémité occidentale de l’arrondissement d’Ypres qui doit décider la question, et cet intérêt exige naturellement la fixation de la cour d’appel à Bruges.

Il est de plus à remarquer, messieurs, que tous les calculs susdits sont faits à vol d’oiseau, et que dès lors il faudrait ajouter à chaque distance indiquée de Gand des cantons de l’arrondissement de Furnes, trois lieues au moins au cause d’un détour de 3 et même de 4 lieues qu’on est obligé de faire pour arriver aux routes qui conduisent dudit arrondissement à Gand, tandis qu’une fois arrivés à la ville de Furnes (et cela présente moins de difficultés) les justiciables trouvent une communication facile avec Bruges par un bon pavé et un canal, sur lequel se trouve établi une barque.

Je ne répondrai pas à l’auteur du précis des institutions judiciaires de la Belgique, qui prétend que le pays d’Alost offre en hiver des routes moins praticables que le plat pays de la Flandre occidentale ; la régence de Bruges dans son mémoire dont j’ai déjà eu l’honneur de parler a victorieusement réfuté cette assertion erronée.

L’honorable M. Helias d’Huddeghem vient de dire qu’en plaçant la cour d’appel à Bruges, on ferait, sous le rapport de la distance, regretter à une partie des habitants de la Flandre orientale leur séparation de la cour de Bruxelles ; car dans cette dernière hypothèse, cette partie des habitants se trouverait beaucoup plus éloignée de Bruges que de Bruxelles.

Cela est vrai, mais, outre que c’est là l’effet de toute nouvelle circonscription ou division de ressort, la constitution n’a pas voulu l’établissement d’une troisième cour d’appel dans l’intérêt particulier des habitants d’une partie d’une province, mais dans l’intérêt commun de la masse des habitants des deux provinces formant le nouveau ressort ; d’ailleurs, la majeure partie des mêmes habitants de la Flandre orientale, et entre autres ceux du canton de Grammont, de Ninove et d’une partie des cantons de Herzeele, Termonde et Alost, devraient éprouver le même regret dans l’hypothèse contraire, c’est-à-dire si la cour d’appel fût établie à Gand, car ils se trouveraient également plus éloignés de Gand, qu’ils sont actuellement de Bruxelles.

En terminant, je répondrai aux membres de la section centrale à qui il a paru que Gand offre aux justiciables des communications plus faciles, qu’il est de notoriété publique, qu’il existe dans la Flandre occidentale, beaucoup de grandes routes, qui ont des embranchements dans toutes les directions, et différents canaux sur lesquels se trouvent établies des barques ; et par ces moyens Bruges offre aux habitants des deux Flandres les mêmes facilités que Gand. Bruges offre de plus, une communication facile avec les Furnes-Ambacqt, que Gand n’a pas ; les habitants de ce pays ne pourraient pendant la majeure partie de l’année, se rendre à Gand que très difficilement et au moyen de grands détours, ou bien ils doivent passer par Bruges, ce qui augmenterait beaucoup la distance de Gand.

D’après ces considérations, je pense que, de même que les convenances et les localités, la justice distributive aussi et surtout la situation réclament l’établissement de la cour d’appel à Bruges ; et en conséquence, je voterai pour l’amendement.

M. Van Innis. - Je demande la parole.

- Plusieurs membres. - Mais vous avez déjà parlé dans cette discussion.

M. Van Innis. - C’est seulement pour rétablir les arguments que j’ai fait valoir dans la séance précédente.

M. le président. - Vous parlerez après.

M. Barthélemy. - Je demande la clôture.

M. Devaux. - Je demande la parole.

M. Barthélemy. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Tous les moyens ont été présentés de part et d’autre ; nous savons à quoi nous en tenir, nous savons la géographie ou la topographie de notre pays, nous avons les cartes sous les yeux ; je demande que la discussion soit close.

M. Fleussu. - La clôture ! la clôture !

M. Dubus. - L’honorable M. Barthélemy, en demandant la clôture, croit qu’il ne s’agit que de décider la question agitée dans la séance de samedi, c’est-à-dire la question de savoir si la cour d’appel siégera à Gand ou à Bruges ; mais M. Dumortier a placé la discussion sur un autre terrain : il s’agit de savoir si un ressort ne serait pas formé des deux Flandres, si la division de la Belgique ne devrait pas être modifiée pour établir un siège à Tournay.

M. Barthélemy. - On peut toujours prononcer la clôture sur la première question et ne continuer le débat que sur la seconde.

M. Gendebien. - Les questions de localité sont infinies ; on peut proposer toutes sortes de combinaisons pour la composition des ressorts. On pourrait proposer de n’établir qu’une seule cour d’appel à Bruxelles ; ce serait la proposition la plus économique, la moins onéreuse pour le trésor. (C’est vrai ! c’est vrai !) Vidons la question de localité entre Gand et Bruges, avant de passer à autre chose.

M. Devaux. - Ce mode de discussion serait contraire à celui que nous suivons toujours. Quand des amendements sont présentés, on ne clôt pas le débat sur un seul, la clôture a lieu pour tous. Discutons les nouveaux amendements présentés ; d’ailleurs, la question ne paraît pas épuisée entre Bruges et Gand, et je demanderai la parole sur cet objet.

M. Dumortier. - Il ne s’agit pas actuellement de savoir si ce sera Gand ou Bruges qui aura le siège de la cour d’appel, il faut savoir si l’on fera trois cours, et comment elles seront formées. Ces questions sont connexes avec la première, et celles que je propose doivent être mises en délibération avant les autres.

M. Barthélemy. - Nous avons entendu M. Dumortier ; et personne ne prend la parole sur le même objet.

M. le président. - Je vais mettre la clôture aux voix.

- Une première épreuve est douteuse ; à la seconde épreuve la clôture de la discussion sur l’article 32 est prononcée.

M. le président. - Il y a plusieurs amendements, il y a l’amendement de M. Jullien.

M. Liedts. - Avant l’amendement de M. Jullien, il y a une question à décider : il faut savoir si les ressorts des cours seront composés commue il est indiqué dans l’article 32.

M. Delehaye. - On doit mettre aux voix la proposition qui s’éloigne le plus de la proposition de la section centrale, c’est alors l’amendement de M. Taintenier.

M. le président. - Voici l’amendement de M. Jullien : « J’ai l’honneur de proposer à la chambre de substituer le mot Bruges au mot Gand. »

M. Taintenier demande que le siège de cette cour soit à Mons.

M. Dumortier propose une division des Flandres, du Brabant, Anvers et de Bruxelles, de manière que le siège d’une cour d’appel soit à Tournay.

- L’amendement de M. Taintenier mis aux voix est rejeté à la presque unanimité.

M. de Robaulx. - C’était bien la peine de tant parler pour aboutir à un pareil résultat.

- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix. Quatre membres se sont levés pour l’adoption ; le reste de l’assemblée contre. Il est rejeté.

M. de Robaulx. - L’orateur de l’amendement a de l’esprit comme quatre. (On rit.)

- On demande l’appel nominal pour l’amendement de M. Julien,

L’appel nominal a lieu et donne le résultat suivant :

45 membres ont répondu non.

20 membres ont répondu oui.

2 membres, MM. Taintenier et Dautrebande se sont abstenus.

Ont voté contre : MM. Berger, Bourgeois, Coppens, Corbisier, Davignon, Ch. de Brouckere, Delehaye, Dellafaille, Desmanet de Biesme, Desmet, Destouvelles, de Terbecq, Dewitte, de Woelmont, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus, Dumortier, Fleussu, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Hye-Hoys, Jacques, Jonet, Lebègue, Leclercq, Lefebvre, Liedts, Mesdach, Milcamps, Olislagers, Polfvliet, Poschet, Raikem, Ullens, Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Verdussen, Vergauwen, H. Vilain XIIII, Zoude, de Gerlache, C. Vilain XIIII et de Sécus.

Ont voté pour : MM. Barthélemy, Boucqueau, Coppieters, Dams, H. de Brouckere, de Foere, de Muelenaere, de Robaulx, de Roo, Devaux, Domis, Goethals, Julien, Morel-Danheel, Osy, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Seron, Vuylsteke et de Haerne.

M. Taintenier. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pas pu me former une opinion sur l’option entre ces villes.

M. Dautrebande. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pas assisté à la discussion sur cette question spéciale.

- L’article 32 est mis aux voix et adopté.

Article 33

« Art. 33. Ces cours sont composées d’un premier président, de deux présidents de chambre et de 22 conseillers.

M. le président. - M. Raikem a proposé l’amendement suivant :

« La cour d’appel est composée d’un premier président, de deux présidents de chambre et de 18 conseillers. »

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - L’amendement que je soumets à l’assemblée revient à l’article du projet primitif moins quatre conseillers.

Vous avez décidé que les arrêts en matière civile, comme en matière criminelle, seraient rendus par cinq conseillers ; c’est pour ce motif que nous réduisons le nombre des conseillers à 18, et il nous semble que de cette manière l’article s’accorde avec ce que vous avez précédemment adopté ; il en est la conséquence nécessaire.

M. Barthélemy. - Je trouve que la proposition primitive, celle de composer les cours d’appel de 22 conseillers, était excessive ; la seconde, par laquelle on ne demande que 18 conseillers me paraît encore onéreuse. Avant d’établir le chiffre des conseillers, il faudrait savoir ce que les cours ont à faire.

Si vous maintenez ce qui existe actuellement et provisoirement, nous avons dans une cour d’appel de 5 conseillers pour le civil, de 5 conseillers pour les appels de police correctionnelle et des mise en accusation ; vous avez besoin de conseillers pour envoyer présider les assises et puis vous en avez besoin pour former la cour d’assises du chef-lieu.

Mais si plus tard, vous changez l’organisation judiciaire,si vous changez l’ordre des attributions, vous aurez nécessairement besoin d’un nombre moindre de conseillers que celui qui est demandé par l’amendement en délibération.

Il me semble qu’il faudrait dès à présent fixer ses idées sur ce point. La question a d’ailleurs été si souvent entamée qu’il ne peut y avoir de doute dans l’esprit de personne. Vous savez de plus quelle disparité existe dans les besoins des divers services des cours d’appel ; là le travail peut être fait avec moins de conseillers qu’ici. Ne dépensez pas de l’argent inutilement : diminuez quand vous pouvez diminuer. Les économies doivent appeler toute votre sollicitude, toute votre attention ; n’en laissez échapper aucune.

Si vous décidiez que les cours d’assises se tiendront dans toutes les provinces avec les juges de première instance, vous auriez cinq juges de trop dans les cours d’appel. A Liége il ne faudra plus cinq conseillers pour le chef-lieu et 3 conseillers pour envoyer aux assises qui se tiennent dans les tribunaux du ressort.

C’est actuellement le moment de fixer les attributions des cours.

Si vous conservez le nombre des conseillers jugé nécessaire pour le service actuel, quand vous changerez les attributions, vous ne pourrez plus diminuer ce nombre, parce que les places sont inamovibles. Il faudra attendre des décès pour ramener les choses à l’état où elles devront être.

En ne statuant rien sur les attributions des cours et des tribunaux vous allez voter aujourd’hui d’une manière excessivement onéreuse pour le trésor.

Dans l’état des choses, vous n’avez besoin que de 15 conseillers, d’un premier président et de deux présidents de chambre. Donnez 18 membres aux cours d’appel, c’en est bien assez pour le service et pour parer aux accidents. Il faut réduire le nombre des conseillers à 18 pour toutes les cours. C’est à quoi je réduis mon opposition à l’amendement proposé par le ministre.

Faites mieux encore, décidez des attributions judiciaires ; vous êtes assez éclairés maintenant pour résoudre convenablement la question.

M. de Robaulx. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Il me paraît convenu que les amendements admis subiront une révision, et entre autres, l’amendement qui fixe le nombre des conseillers à 5 dans chaque chambre pour rendre arrêt.

Si nous faisons actuellement des modifications au nombre des conseillers qui composeront les cours, nous ne ferons rien de stable, puisque ce que nous adopterons pourra être modifié par un vote différent. Il faudrait savoir définitivement combien de conseillers sont nécessaires dans chaque chambre pour prononcer arrêt ; car, alors vous pourrez déterminer le nombre total des membres de chaque cour d’appel. Si cette disposition demeure en suspens, je ne vois pas comment vous pouvez rien établir.

Je demanderai donc que l’amendement relatif au nombre des membres de chaque chambre subisse sa revue définitive.

- Plusieurs membres. - Cela ne se peut pas ! C’est contraire au règlement.

M. Destouvelles. - Il serait à désirer que la proposition de M. de Robaulx pût être accueillie ; mais l’article 45 du règlement ne permet pas de s’occuper de l’amendement relatif au nombre des conseillers pour chaque chambre. Cet article a déterminé l’époque où il est permis à la chambre de revenir sur les amendements adoptés et les dispositions rejetées.

Le but du règlement a été que l’on peut réfléchir sur ce qui a été fait, afin de prononcer en dernier lieu avec maturité.

Dans cette situation je ne combattrai pas l’amendement proposé par M. le ministre de la justice ; mais je crois que très certainement le personnel proposé n’est pas en harmonie avec les besoins des cours ; avec 21 conseillers on ne pourra pas donner à la justice la célérité qui est dans l’intérêt des plaideurs.

M. de Robaulx. - Alors ce que nous faisons n’est que pour rire, et je m’en vais.

- L’honorable membre se lève, donne une poignée de mains à M. Seron, à côté duquel il est assis, et se retire.

M. H. de Brouckere. - La section centrale demande 22 conseillers, un premier président, deux présidents de chambres ; ce nombre ne me parait pas exagéré : Cependant on propose deux amendements : par celui de M. le ministre de la justice il n’y aurait plus que 18 conseillers plus les présidents ; par celui de M. Barthélemy il n’y aurait que 15 conseillers.

Ce dernier amendement est tellement inadmissible que je livre à lui-même et n’y répondrai pas.

Je conçois le raisonnement que M. le ministre de la justice présentera à l’appui de son amendement. Quand la section centrale, dira-t-il, proposait le nombre de 22 conseillers, c’était dans la pensée que chaque chambre civile siègerait à 7 membres ; maintenant qu’il est décidé qu’elles pourraient siéger à cinq, il en résulte la possibilité de diminuer le nombre des membres de la cour de quatre.

Je suis loin, messieurs, de voir cette possibilité,et je crois qu’il me sera facile de vous prouver qu’à Bruxelles toute diminution sur le nombre proposé par la section centrale aurait pour résultat inévitable d’entraver le service.

De tout temps, une chambre a été exclusivement occupée par les affaires du Hainaut, et elle parvient à peine à les expédier.

Supposez que l’autre chambre civile suffise pour les affaires du Brabant et de la province d’Anvers ; il faut encore une chambre des appels correctionnels et une chambre des mises en accusation : voilà au moins 15 conseillers complètement occupés. Il en faut maintenant 5 pour composer la cour d’assises du Brabant qui siège une grande partie de l’année, et 2 pour présider les assises dans les provinces d’Anvers et du Hainaut, ce qui fait un total indispensable de 22 conseillers, dont la plupart auront tous leurs instants pris.

Qu’il y en ait maintenant quelques-uns empêchés soit par une disposition soit par toute autre cause, que quelques autres soient appelés à faire partie de la législature, car les fonctions législatives ne sont point incompatibles avec celles de membre des cours d’appel, et le service sera entravé, et les affaires s’accumuleront sans pouvoir être terminées. Mes craintes sont d’autant plus fondées à cet égard, qu’il y a actuellement dans les chambres sept membres de la seule cour de Bruxelles.

D’après ces considérations vous comprendrez qu’il est impossible de faire marcher la cour de Bruxelles avec moins de 25 membres, et je pense que la chambre n’accueillera pas l’amendement de M. le ministre de la justice. Je doute même qu’il persiste à le soutenir car tous les membres de la cour pourront affirmer la vérité de ce que j’ai dit.

M. Devaux. - On aura beau prouver qu’il y a actuellement trop ou trop peu de conseillers dans les cours l’appel, il me sera impossible d’avoir une opinion sur le nombre des conseillers véritablement nécessaire. Tout homme qui raisonne sera dans la même impossibilité. Le nombre des conseillers doit se régler d’après les fonctions, d’après les attributions ; or, qu’elles seront les attributions des cours d’appel ? Personne ne peut répondre à cette question. On est tellement dans le doute à cet égard, qu’il n’est pas décidé si les conseillers formeront une cour d’assises dans le chef-lieu, et si les conseillers seront envoyés en province pour présider les assises.

A Liège il y a actuellement une cour d’assises de 5 conseillers et 3 conseillers délégués ; il n’est pas certain que ce système prévaudra. On peut décider que dorénavant les assises seront formées de juges de première instance.

Dans le doute vous pouvez prendre un nombre total de conseillers trop grand ou trop petit.

La différence dans le nombre des conseillers nécessaires à Liége, sera par exemple, de 8, selon le système que l’on adoptera. Les éléments manquent pour décider exactement du personnel des cours ; on ne peut décider qu’en aveugles.

Sur la chambre des mises en accusation on a soulevé des questions très graves. On a demandé que cette chambre ne pût prononcer que dans le cas d’appel sur une décision prise en première instance.

Quoiqu’il en soit de cette question et de bien d’autres, comme il y a incertitude, je vote pour le nombre de conseillers le moins élevé.

M. Barthélemy. - M. de Brouckere pense que mon amendement ne mérite pas les honneurs de la discussion ; moi je crois que le trésor mérite cet honneur. On a bien discuté pour enlever quelques florins à de misérables employés ; il s’agit ici de plusieurs milliers de florins !

Vous m’avez cité la cour la plus occupée ; eh bien !, s’il faut plus de conseillers pour Bruxelles, il en faut moins pour Gand ; car les deux Flandres ne donnent que les deux cinquièmes du travail de Bruxelles.

Si vous aviez autant de conseillers à Gand que vous vouliez en établir, vous auriez moins de chambres à Gand sous les délégations ; au lieu d’améliorer vous grèveriez le trésor. Calculez donc le nombre des causes fournies par les provinces, et vous avez ce nombre pour deux années ; M. le ministre peut vous en présenter les tableaux.

Je reconnais que pour Bruxelles, il faut deux sections civiles, une section criminelle, une section de mise en accusation et d’appel de police correctionnelle qui n’est pourtant occupée qu’une fois par semaine.

Vous avez des conseillers délégués qui souvent sont occupés quelques jours et vous les payez toute l’année. Quand ils rentrent ils peuvent être employés au civil.

On a parlé de la possibilité de la nomination des conseillers aux fonctions législatives : autrefois, en France, un membre des corps législatif qui occupait une place était obligé d’opter entre les deux traitements ; les magistrats donnaient la préférence au traitement de dix mille francs affecté à la législation ; il nous faut faire une économie semblable, nous devons sans cesse songer aux sacrifices exigés des contribuables et ne point faire d’existences aux dépens du trésor.

M. Jullien. - Messieurs, j’aurai peu d’observations à ajouter à celles qui vous ont été déjà présentées.

Lorsque par anticipation on a discuté l’article 40 du projet, j’ai partagé l’avis de la section centrale qui voulait que l’on fixât à 7 le nombre des conseillers siégeant dans chaque chambre. La majorité en a pensé autrement, elle s’est décidée pour le nombre de cinq qu’elle a cru suffisant. Maintenant il me paraît que vous devez, pour être conséquents avec cette décision, diminuer proportionnellement le nombre porté dans l’article en discussion, tout au moins jusqu’à ce qu’on y revienne, ainsi qu’on en a exprimé le dessein, lors du vote définitif de la loi. La section centrale avait calculé que 22 conseillers étaient nécessaires, dans la supposition que les dispositions de l’article 40 seraient maintenues, c’est-à-dire dans la supposition que les cours ne pourraient rendre arrêt qu’au nombre de 7 conseillers.

Je ne vois donc pas quant à présent d’inconvénient à diminuer le nombre porté en l’article 33. J’ajouterai cette réflexion, que, si vous adoptiez purement et simplement cet article, il serait possible que le nombre de conseillers fût exagéré, et vous ne pourriez, cependant, y rien changer lors du vote définitif, parce qu’il n’y aurait pas eu d’amendement.

Tandis que, en adoptant la proposition de M. le ministre de la justice, vous vous ouvrez une voie pour y revenir, si, quand sera venu le vote définitif, on adopte le nombre de sept conseillers. Que si au contraire on maintient le nombre de cinq, en adoptant aujourd’hui l’article 33 vous risqueriez de composer la cour d’un trop grand nombre de membres.

Je ne sais pas trop cependant jusqu’à quel point, même avec cinq conseillers pour chaque chambre, le nombre de 22 serait exagéré. L’honorable M. Destouvelles, qui a demandé la parole, nous expliquera sans doute, en sa qualité de rapporteur, les motifs qui ont guidé la section centrale ; mais en attendant, je suis d’avis qu’on amende l’article, afin d’y pouvoir revenir quand nous voterons définitivement la loi.

M. Destouvelles. - Messieurs, les calculs de l’honorable M. Barthélemy ne sont nullement fondés. Il vous a prêché l’économie ; depuis longtemps l’ordre judiciaire est victime de l’économie. Mais lorsqu’il s’agit des intérêts les plus chers des citoyens, de la bonne administration de la justice, il ne s’agit pas de compter les conseillers, mais d’en instituer le nombre nécessaire pour satisfaire aux besoins des justiciables.

Il vous a dit : Si vous avez trois chambres à Bruxelles, il vous en faudra trois à Gand ; cela vous fera six chambres. Il est certain, messieurs, qu’en séparant la cour de Bruxelles en deux, vous augmentez le nombre des chambres. Ainsi à Bruxelles il nous faudra une chambre des mises en accusation, ce qui ne vous dispensera pas d’en avoir une à Gand. Je crois, messieurs, et la section centrale a pensé comme moi, que 25 conseillers étaient nécessaires pour bien rendre la justice et pour la rendre avec célérité. Aujourd’hui à Liége il y a 28 conseillers, et ils ne suffisent pas au travail, quoique, et je puis en parler savamment, ayant suivi les audiences de cette cour, quoique, dis-je, il n’en soit pas dont les membres puissent rivaliser de zèle avec ceux dont elle se compose, et le léger retranchement que subira son ressort, par la distraction des portions du Limbourg et du Luxembourg cédées à la Hollande, ne mettra pas encore à même de se tenir au courant des affaires.

N’allons donc pas lésiner sur le traitement de trois ou quatre conseillers de plus, quand il y va de l’intérêt des justiciables. Quel est l’intérêt des justiciables ? D’être jugés bien et promptement. Ils ne peuvent l’être avec 28 conseillers à Liége, quoique les chambres ne siègent qu’à 5 juges.

- Plusieurs voix. - A sept ! à sept !

M. Destouvelles. - Oui, quand on peut ; à Bruxelles pareillement, la cour ne siège qu’au nombre de 5 conseillers.

M. H. de Brouckere. - C’est une erreur ; elle siège à sept.

M. Gendebien. - Je pense, messieurs, que pour Bruxelles, 22 conseillers seront à peine suffisants, et qu’à Gand ce nombre excèderait d’un tiers le nombre nécessaire. Voici des calculs très simples qui prouveront ce que j’ai l’honneur d’avancer.

Comme l’a dit un des honorables préopinants, trois chambres à la cour de Bruxelles suffiront à peine à l’exécution des affaires. La première chambre civile ne pourra jamais venir à bout des affaires de la seule province du Hainaut. Les affaires du Brabant et de la province d’Anvers feront plus qu’occuper la seconde chambre. Ces deux chambre et la chambre d’accusation occuperont 15 conseillers. Cinq pour les assises du Brabant, deux pour les assises d’Anvers et de Mons, et vous savez que d’après notre législation actuelle, il faut que les accises s’ouvrent simultanément partout dans le ressort. Sept plus quinze, voilà donc vingt-deux conseillers.

Il est impossible de faire le service avec un nombre moindre. Supposez que l’on puisse dévier de la règle actuelle, et que les cours d’assises ne s’ouvrent pas en même temps, vous aurez deux conseillers disponibles ; mais il faudrait pour diminuer le nombre de 22 supposer qu’il n’y aura jamais parmi les membres de la cour ni malades, ni récusations. il faudrait aussi que les conseillers,qui seraient en même temps députés ou sénateurs, s’abstinssent de venir aux chambres. Je crois donc, messieurs, qu’en admettant 21 conseillers, vous ne faites.

Quand à ce qui concerne la cour de Gand, un nombre beaucoup moindre sera suffisant. D’après le relevé des causes fournies par les deux Flandres, par les provinces du Hainaut, d’Anvers et du Brabant, on trouve que les Flandres ont fourni à la cour de Bruxelles 1,836 causes, tandis que le Hainaut, le Brabant et Anvers en ont fourni 3,427 ; ainsi les dernières provinces se trouvant réunies pour former le ressort de la cour de Bruxelles fourniront 1,591 causes de plus que n’en aura à juger la cour de Gand. Maintenant je suppose, qu’en rapprochant la justice des justiciables, il y ait augmentation de procès, il faudrait que le montant s’en élevât, eu égard au nombre de juges, à 2,284, c’est-à-dire que les tribunaux de première instance des deux Flandres fournissent 693 appels de plus qu’aujourd’hui. Dans cette supposition, les deux chambres de la cour de Gand n’auraient ni plus ni moins de besogne que la cour de Bruxelles.

Il y a une autre remarque à faire ; c’est que les appels qui viennent d’Anvers, du Brabant ou des deux Flandres, ne présentent guère que des questions de droit à juger, tandis que les causes du Hainaut présentent des questions de fait très compliquées, qui exigent quelquefois 10 et 12 audiences, après lesquelles ordinairement il faut rendre un arrêt interlocutoire, qui, après son exécution, nécessite un nouvel exposé des faits, aussi j’ose dire qu’un tiers seulement des causes du Hainaut, demandera plus de temps que les causes des deux provinces des Flandres ensemble, en sorte que si vous voulez avoir une balance égale, il faut réduire à deux les chambres de la cour de Gand.

Je dis qu’avec seize conseillers y compris le président et le vice-président, cette cour aura un personnel suffisant. Chaque chambre sera composée de cinq conseillers, la cour d’assises de cinq, cela fait quinze, il vous restera un conseiller pour aller présider les assises à Bruges. Faites attention, messieurs, que je donne ainsi un conseiller de plus à la cour de Gand qu’à celle de Bruxelles, car d’après mon calcul, si les assises des trois provinces de son ressort siégeaient simultanément, il manquerait un conseiller, Je crois donc qu’en admettant vingt-deux conseillers pour Bruxelles et seize pour les Flandres, vous ferez une chose juste, et vous vous convaincrez par l’expérience que vous ne deviez pas faire davantage.

M. H. de Brouckere. - Je ne nie pas messieurs que la cour de Gand ne doive être composée d’un nombre inférieur de conseillers, mais je persiste à dire que 22 conseillers ne pourront suffire pour la cour de Bruxelles et qu’il en faudrait au moins 25, 20 seront occupés toute l’année soit aux chambres civiles, soit aux assises, soit à la chambre des mises en accusation, il en faut deux pour aller présider les assises du Hainaut et d’Anvers, et si vous n’admettez que le nombre de 22, il n’y aura jamais un seul conseiller de disponible pour parer aux cas de maladie ou d’empêchement. Songez, messieurs, que dans ce moment, il y a dans cette chambre 7 membres de la cour ; il faudra donc qu’une chambre de la cour chôme la plus grande partie de l’année.

L’honorable M. Barthélemy a trouvé un moyen tout simple pour parer à cet inconvénient : les membres de la cour n’auront, dit-il, qu’à opter entre le traitement de conseiller et celui de représentant, comme cela s’est fait dans le temps en France. D’abord je ne crois pas, quoiqu’en ait dit l’honorable membre, que les choses se soient jamais passées ainsi en France, et j’ose affirmer que les membres des tribunaux qui feraient partie du corps législatif, tiraient en même temps les appointements affectés à ces deux fonctions ; voilà ce que j’affirme à M. Barthélemy.

Maintenant je lui demanderai comment on opterait en Belgique entre les appointements de conseillers et de représentants, puisqu’en cette dernière qualité ceux de Bruxelles n’en ont pas. D’ailleurs quand ils opteraient, il n’en est des conseillers d’une cour comme des juges d’un tribunal, ceux-ci ont des suppléants qui peuvent siéger en leur absence, mais les membres d’une cour d’appel n’en ont pas, et quand l’option pour le traitement serait possible, ça ne donnerait pas à la cour un conseiller de plus.

Je m’oppose donc et à l’amendement de M. Barthélemy et à celui de M. le ministre de la justice.

Avant de terminer je ferai remarquer que le projet primitif, présenté par M. le ministre de la justice, prouve qu’il est d’opinion qu’un plus grand nombre de conseillers est plus nécessaire à Liége et à Bruxelles qu’à Gand.

Je remarque aussi dans ce projet qu’il suppose qu’en général une chambre civile suffira, laissant à un règlement le soin d’en établir une seconde si le service l’exige.

Je dis que deux chambres civiles ne suffiront pas et que par le règlement on sera obligé de charger de certaines affaires.

Je ne sais si ceux qui distribueront le travail seront de mon avis, mais moi, si j’avais à le distribuer, je chargerais une chambre des affaires du Hainaut, une autre de celles d’Anvers et du Brabant ; une troisième ferait le service de chambre des mises en accusation et jugerait les affaires sommaires ; enfin, les conseillers siégeant aux assises connaîtraient en même temps des appels correctionnels, et ainsi ils seraient tous occupés l’année entière.

M. Helias d’Huddeghem. - Je ferai une simple observation. Il me paraît, messieurs, que le ressort de la cour de Gand qui comptera une population de 1,300,000 âmes, ce qui excède le tiers de la population de tout le royaume, exige que cette cour soit composée d’un nombre de membres égal si non supérieur à la cour de Bruxelles. La population, le nombre de causes, et la division des propriétés sont trois choses qui doivent entrer en balance pour fixer avec équité le nombre de conseillers.

On a parlé d’un tableau contenant le nombre des causes fournies par les Flandres, Messieurs, à cet égard je trouve, dans les observations des cours et tribunaux sur le projet, des chiffres qui ne sont pas d’accord avec ceux de M. Gendebien. Voici ce que je lis : « relevé fait en 1826 des causes annuellement introduites à la cour de Bruxelles, porte 725 à 740 causes par an, et sur ce nombre la Flandre orientale en fournit 144, la Flandre occidentale 138, ensemble 282 ; le Brabant 127, le Hainaut 126, la province d’Anvers 87 ; ensemble 340 : différence au préjudice des Flandres 68. » De manière que calcul fait du nombre total des causes portées à la cour de Bruxelles, les Flandres en fournissent trois sur cinq.

M. Jullien. - J’ai demandé la parole pour prier M. Gendebien de nous dire, où il avait pris la base des calculs d’après lesquels il pense qu’il y a lieu de diminuer le personnel de la cour de Flandres de cinq ou six conseillers. D’après les calculs que vient de lui opposer M. Helias, et qu’il a puisés dans les observations des cours et tribunaux, on trouve un résultat bien opposé. Ainsi en 1826, les Flandres ont fourni à la cour de Bruxelles 282 procès, et les autres provinces 340, différence 68. Je vous demande si cette différence est assez grande pour ne pas être comblée par le rapprochement de la cour. Il n’est pas permis d’en douter, car il est incontestable que plus on rapproche la justice des justiciables, plus les procès augmentent, en raison du rapprochement.

Je suis certain d’ailleurs que le nombre des causes fiscales auxquelles la triple frontière de la Flandre occidentale donnera naissance porteront au moins l’équilibre dans le nombre de procès de l’une et l’autre cour ; je ne vois donc aucune espèce de raison pour admettre un plus grand nombre de conseillers dans l’une que dans l’autre cour, à moins que M. Gendebien ne nous démontre que M. Helias s’est trompé, car des deux honorables membres, il faut de toute nécessité qu’il y en ait un qui se trompe.

M. Bourgeois. - Deux honorables préopinants ont parlé de ce qui se faisait en France pour les magistrats membres en même temps du corps législatif ; ils ont varié sur la manière dont se passaient les choses, je vais le leur dire.

Un arrêté des consuls du 9 pluviôse an IX avait pourvu au cas de ces élections ; mais alors les membres du corps législatif étaient rétribués. Il porte :

« Art. 1er. Lorsqu’un juge institué à vie acceptera des fonctions législatives, l’autorité qui l’avait nommé pourvoira à son remplacement pour le temps pendant lequel il remplira ces fonctions. »

« Art. 2. Le remplaçant jouira du traitement annexé à la place de juge. »

Sous l’empire de cet arrêté, les élections au corps législatif ne faisaient aucun obstacle au service des cours et tribunaux, puisqu’on pourvoyait au remplacement des magistrats, puisqu’on pourvoyait temporairement à leur remplacement nommés et que d’ailleurs ils étaient rétribués comme députés. Mais depuis et quand on ne leur accorda plus de rétribution.

Un avis du conseil d’Etat du 6 mai 1811, porte qu’il n’y a pas loin de remplacer pour l’exercice de leurs fonctions au corps législatif des membres des cours et tribunaux ou de leurs parquets qui y ont été ou qui seront nommés députés, qu’ils doivent être suppléées pour leurs services judiciaires, comme en cas de maladie ou absence par congé, et qu’ils doivent reprendre leurs fonctions à la fin de chaque session du corps législatif.

Le même avis porte qu’ils continueront à jouir de leur traitement, comme s’ils avaient toujours été présent. Ainsi ici comme en France, et en France comme ici, dans ce moment, les membres des cours élus aux chambres sont dispensés de leur service. C’est cette difficulté la plus sérieuse à vaincre, qui m’embarrasse ; sans cela je crois qu’à la rigueur le nombre de 22 magistrats y compris les présidents suffirait pour la cour de Bruxelles, parce que le travail divisé entre les chambres, comme l’a dit M. de Brouckere, je crois que les choses pourraient marcher ; mais la chambre des mises en accusation ne peut être chargée du service des appels correctionnels, comme on l’a dit, car il y a des cas dans lesquels elle devrait se récuser dans ce dernier service pour avoir déjà préjugé en quelque sorte la culpabilité du prévenu : par exemple la chambre du conseil d’un tribunal de première instance aura décrété un prévenu de prise de corps, comme inculpé d’un fait emportant peine afflictive et infamante, tandis que la chambre de mises en accusation, n’envisageant le fait que comme passible des peines correctionnelles, casse l’ordonnance de prise de corps et renvoie le prévenu devant un tribunal correctionnel ; si après le jugement de ce tribunal cette affaire revient sur appel à la cour, la chambre de mises en accusation devra se récuser comme ayant déjà préjugé qu’il existait contre le prévenu des indices suffisants de culpabilité d’un délit correctionnel.

Mais les deux chambres civiles peuvent alternativement être chargées pendant six derniers mois du service de mises en accusation, il en restera cinq pour les appels correctionnels et cinq pour la cour d’assises. Alors il faudra supposer, répondra-t-on, qu’il n’y aura jamais ni maladie, ni récusation, ni empêchement. Messieurs, à cet égard, l’expérience pourra prouver si le nombre fixé sera suffisant ou non, et je crois plus prudent de ne pas créer assez de conseillers que d’en créer trop, parce que étant nommés à vie, il sera plus facile d’en augmenter le nombre que de le diminuer. Le même raisonnement s’applique à la cour de Liége.

Reste à voir ce qu’il faut faire pour la cour des deux Flandres. Celle-ci ne devra envoyer à l’extérieur qu’un seul conseiller, pour présider les assises de Bruges ; trois chambres composées de cinq conseillers chacune lui suffiront, d’après ce que nous savons du nombre de procès à juger.

On a dit et on a répété que plus la justice se rapprochait des justiciables, plus les procès augmentaient. S’il fallait tenir la chose pour vraie, la constitution en décrétant trois cours, n’aurait pas rendu un grand service au pays, car l’augmentation des procès n’est pas une chose dont on doive se réjouir. Heureusement je pense que l’observation n’est pas exacte, et qu’elle n’a été avancée par quelques députés des Flandres que pour obtenir un plus grand nombre de conseiller à Gand. Je pense donc qu’avec 17 membres, y compris les présidents, cette cour pourra suffire à l’expédition des affaires, de manière que je me rallie à l’amendement de M. Gendebien, avec cette différence que je demande un conseiller de plus que lui,

M. le président. - Voici comment est conçu l’amendement de M. Gendebien :

« Je propose

« 1° pour la cour de Bruxelles un premier président, deux présidents de chambre et 22 conseillers ;

« 2° Pour la cour de Liége, un premier président, deux présidents de chambre et 19 conseillers ;

« 3° Pour la cour des Flandres, un président, un président de chambre et 16 conseillers. »

M. Gendebien. - Messieurs, l’amendement que je propose est fondé sur des calculs. On m’a demandé où je les avais pris. Où ? Au greffe de la cour de Bruxelles. C’est un tableau dressé en 1825, lors de la réorganisation de l’ordre judiciaire dont devait s’occuper les états-généraux à La Haye. M. Barthelemy m’a prié à cette époque de vérifier le nombre de causes fourni par chaque province, je l’ai fait, et j’ai demandé, non pas une fois, mais dix fois au greffe si le tableau était exact, et l’on m’a affirmé qu’il l’était ; et ce n’était pas au greffier en chef que je m’adressais, mais au commis-greffier, chargé spécialement de l’inscription des affaires. Il n’était pas intéressé à m’induire en erreur, en sorte, que je suis certain de l’exactitude du tableau.

Il a été fait, en 1825, sur les dix années antérieures. Il résulte de ce tableau que la cour de Bruxelles a à juger 692 causes de plus que la cour de Liége. De ce chef il y aura, à Liége, trois conseillers de moins.

A Gand il y a en a 1,836 causes en dix ans, à Bruxelles 3,427, c’est-à-dire, les deux cinquièmes en sus au moins, et je propose de donner à la cour des Flandres les deux tiers du nombre des conseillers fixe pour Bruxelles, et deux conseillers en plus. Il me semble que mon calcul étant fondé sur des calculs positifs, et c’est, messieurs sur des calculs positifs qu’il faut s’appuyer en pareille matière ; il me semble, dis-je, que mon calcul étant positif, il vaut mieux s’en rapporter à lui qu’à de vagues présomptions qui ne reposent sur rien de certain. Si plus tard l’expérience prouve que nous nous sommes trompés, nous pourrons y revenir, mais je crois prudent d’attendre qu’elle nous ait éclairés.

M. Devaux. - Messieurs, dans mon opinion, l’incertitude vient de ce que nous ne savons pas quelles fonctions les conseillers seront appelés à remplir ; dans cette incertitude il vaut mieux en restreindre le nombre, parce que plus tard, s’il faut y revenir, il sera plus aisé de l’augmenter que de le diminuer.

Il est probable que les fonctions des juges seront diminuées de beaucoup. D’abord si on établit des tribunaux criminels, une partie de la tâche actuelle des cours en sera notablement réduite ; mais je suppose que les cours criminelles ne soient pas admises, il est probable que les cours d’appel n’auront plus à s’occuper des affaires soumises aux cours d’assises parce qu’on ne voudra pas, sans doute, que la cour d’assise de Bruxelles soit composée de conseillers, tandis que les cours d’assises des autres chefs-lieux du ressort ne seront composées que de juges ; c’est une bigarrure qu’on voudra faire disparaître, et l’uniformité qui lui succédera sera encore une diminution de travail pour les cours.

Rejettera-t-on encore cette amélioration ? Dans ce cas, continuera-t-on d’envoyer un conseiller dans les provinces pour présider les assises ? Je ne le crois pas, car ce mode est absurde, il n’amène que des retards pour les accusés sans utilité réelle pour personne. Je conçois, messieurs, qu’en Angleterre, où 12 juges éminents président seuls à la tenue des assises, on les envoie dans les comtés, où leur influence est grande ; mais ici, pourquoi envoyer un conseiller noyer sa voix dans les voix de quatre autres juges ? Je concevrais encore ce mode dans les gouvernements despotiques, ou le mot d’ordre est donné au juge ; mais dans un gouvernement constitutionnel, cela est inutile, si non dangereux. Voilà donc une chance de diminution de plus.

Je vais plus loin, et supposant que l’on maintiendra cet usage, je pense, que quand en France, on a jugé quatre conseillers inutiles pour assister le président aux assises, on réduira aussi en Belgique le nombre des juges à trois. Il y a une autre cause de diminution. De même que nous avons supprimé la section des requêtes à la cour de cassation, suppression pour laquelle j’ai voté, de même je pense qu’il faudra supprimer les chambres de mises en accusation. Le tribunal de Maestricht fait à ce sujet les réflexions que voici :

« Les procédures, dit-il, y sont souvent moins bien approfondies que dans les chambres de conseil.

« Les mises en accusation n’ont, dans beaucoup de cas, que l’effet de retarder inutilement le jugement des affaires et de prolonger la détention des prévenus ; c’est une garantie qu’on a voulu donner aux prévenus, afin de n’être pas trop légèrement mis en jugement, sous le poids d’une accusation criminelle. On peut donc avancer que cette garantie est principalement dans l’intérêt privé des prévenus. Ne satisferait-on pas à cet intérêt, et à toutes les exigences, en statuant que la mise en jugement, pour les affaires criminelles, serait la suite immédiate de la décision de la chambre de conseil ? En réservant toutefois au ministère public et au prévenu le droit de se pourvoir contre la décision de cette chambre, s’ils le jugent convenable. Par là la chambre du conseil examinerait les affaires avec encore plus d’attention. Toutefois, il faudrait statuer en même temps, par dérogation à l’article 241 du code d’instruction criminelle, que toute décision de renvoi serait prise à la majorité des voix. »

Je ne vois pas, messieurs, que l’on puisse dire rien de plus raisonnable. La chambre d’accusation a été introduite au bénéfice de l’accusé, mais quand un accusé veut s’en passer et s’en tenir à la décision de la chambre du conseil, je ne sais pas pourquoi on l’en empêcherait, et pourquoi on le forcerait à subir les retards d’une double procédure.

Voilà donc de compte fait cinq ou six chances de diminution des fonctions. J’ajouterai que je ne vois pas trop pourquoi des magistrats qui ne siègent que trois fois par semaine ont encore besoin de trois mois de vacance. Je sais que c’est un ancien usage, et l’usage est quelque chose, mais moi qui suis accoutumé à chercher la raison qui se cache sous l’usage, il me semble qu’ici, il n’y en a aucune, et qu’un mois de vacance suffirait bien pour des hommes qui ne siègent que trois fois par semaine.

Quant à ce qui concerne la cour des Flandres, on vous a fait remarquer que la différence des causes entre les Flandres et Bruxelles, n’est que de 62 par an, différence que le rapprochement de la cour peut facilement combler : il n’y a donc pas de raison pour établir une si grande différence dans le personnel des deux cours.

M. de Brouckere a parlé de la présence des membres des cours aux chambres législatives. Je ne sais pas jusqu’à quel point cela doit être pris en considération. Je ne crois pas que les électeurs pensent en donnant leurs voix à des magistrats de la cour de Bruxelles, les détacher tout à fait de leurs sièges. Que dans cette session et dans la prochaine, il en soit ainsi à cause des travaux importants qui s’y feront, je le conçois, mais dans les sessions suivantes, je crois que les électeurs entendent bien que les membres des cours ne viennent voter ici que dans les occasions solennelles, et qu’ainsi, ils pourront siéger à la cour la plupart du temps. Je crois, d’ailleurs, qu’un simple changement dans l’heure de l’audience suffirait en la fixant de dix à deux heures, par exemple. C’est ainsi qu’en Angleterre, le lord chancelier Brougham maintenant préside toutes les séances de la chambre haute, ce qui ne l’empêche de présider tous les jours aussi la cour de la chancellerie. Voilà toutes les observations que j’avais à faire. Je voterai, en conséquence, pour le nombre le plus restreint.

M. Destouvelles. - Messieurs, s’il s’agissait de réviser actuellement les codes, les observations de l’honorable préopinant devraient être prises en très haute considération. Mais nous savons tous qu’il ne peut être question de cela, nous n’avons plus le temps de nous occuper actuellement de cette révision. Je m’abstiendrai donc d’entrer dans aucun détail au sujet de ces observations.

Quant au nombre des conseillers à fixer, j’ai vu qu’on avait compulsé les greffes pour voir combien d’affaires elles avaient à juger, je crois qu’on aurait fait un travail ou autant plus utile en compulsant le nombre de causes arriérées. C’est là qu’il fallait savoir ; car enfin, messieurs, voulez-vous que les justiciables attendent trois ou quatre ans le jugement d’un procès ? Vous devez admettre la restriction qu’on nous propose. Mais voulez-vous que le travail marche vite et bien, admettez un nombre suffisant de juges, et ne souffrez pas un ordre de choses qui laisse trois ou quatre cents causes arriérées par an devant chaque cour. (Oh ! oh !) J’entends d’honorables membres qui se récrient contre l’exagération de ce nombre de causes arriérées. Eh bien ! je leur dirai qu’il y a en ce moment à la cour de Bruxelles 1,500 à 2,000 causes arriérées et à Liége un nombre proportionné. Voulez-vous que les procès soient interminables, qu’il faille une génération tout entière pour en voir l’issue, restreignez le nombre de juges. Mais si vous voulez que la justice soit bien rendue, n’allez pas porter la lésinerie jusqu’à refuser aux cours le personnel nécessaire, non pas pour juger tant de causes par an, mais pour juger toutes les causes.

M. Fleussu. - Messieurs, un honorable membre a dit qu’avant de fixer le nombre de conseillers, il fallait fixer les attributions des cours. Il voudrait savoir, avant de dire de combien de conseillers chaque cour sera composée, s’il y aura ou non des cours criminelles, si les cours d’assises ne seront pas exclusivement composées de juges, si des conseillers continueront d’être délégués pour présider les assises des chefs-lieux de provinces, enfin si les chambres d’accusation ne seront pas supprimées, si l’on continuera d’accorder des vacances aux cours et tribunaux. Pour ce qui concerne les chambres de mise en accusation, c’est la premier fois contre leur établissement, tout en faveur des accusés, et dont on ne peut les dépouiller sans injustice ou sans inhumanité, car malgré mon peu d’expérience dans les affaires criminelles j’ai souvent vu des chambres d’accusation renvoyer absous des accusés que les chambres de conseil avaient déclarés coupables.

Pour ce qui est des vacances, ce n’est pas seulement dans l’intérêt des magistrats qu’elles sont établies, mais aussi dans celui des avocats, qui après dix mois de travaux et de veilles, car messieurs, les avocats occupés ne passent pas toutes les nuits dans leur lits (sourire et chuchotements), que dis-je, après dix mois de travaux et de veilles pénibles ont besoin de prendre quelques repos. Et du reste on me fait observer que pour l’expédition des affaires urgentes il y a la chambre des vacations.

Quant à ce qui est de la composition des cours d’assises et des autres questions, soulevées par l’honorable membre, il n’est possible de s’en occuper qu’après la révision des codes. C’est ainsi quelque étrange que l’organisation judiciaire de 1810 en France a suivi la confection des codes, c’est ainsi qu’on trouve l’emploi d’un semblable argument dans cette enceinte, que M. Van Meenen avait proposé son organisation judiciaire après la révision du code, (on rit) les lois existantes actuellement restant en vigueur ; jusqu’à cette révision, nous resterons sous leur empire pendant 5 ou 6 mois peut-être, jusque-là les questions soulevées ne pourront être résolues.

J’aurai l’honneur, puisque j’ai en ce moment la parole, de dire qu’à la cour de Liège il y a des causes tellement retardées qu’on y plaide en ce moment des causes de deux ans et demi d’ancienneté. Un de nos honorables collègues qui siège au-dessus de moi a fait un relevé des causes qui se jugent à Liège et à Bruxelles ; mais dans ce relevé il n’est question que des affaires civiles. Or les affaires correctionnelles seront beaucoup plus nombreuses à Liège, qu’à Bruxelles qui perd les Flandres, Mons et Anvers, tandis que Liège conserve tout son ressort moins les parties de Limbourg et du Luxembourg cédés à la Hollande ; d’après ces considérations, je crois qu’il convient d’adopter pour Liège l’article de la section centrale.

M. Barthélemy. - On a parlé de l’arriéré. Lorsqu’on nous étions occupé du travail préparatoire sur l’organisation judiciaire, j’ai reçu des renseignements pour m’expliquer les causes de l’arriéré.

D’après les déclarations de la chambre des avoués, les arriérés provenaient de plusieurs causes : premièrement de ce que parmi les conseillers il y en avait cinq ou six frappés de plusieurs infirmités. Ils ont été remplacés par des conseillers très capables, savoir sans les président des chambres : telle chambre a expédié 250 arrêts motivés tandis que l’autre, pendant le même temps, n’en expédiait pas 50. Pourquoi cette différence ? Parce que le président ne sachant s’y prendre on argumentait toute la matinée pour savoir comment on rendrait l’arrêt. (Hilarité.)

A Liége, en jugeant avec 5 conseillers, on éprouvera d’autant moins d’embarras que la cour ne jugera plus les pourvois en cassation.

Il y a 38 conseillers à Bruxelles et 28 à Liége ; en tout 66 conseillers qui prononcent sur tous les appels en matière civile et en matière correctionnelle et commerciale, qui prononcent sur les mises en accusation, et qui remplissent en même temps les fonctions de la cour de cassation, 66 conseillers suffisent à tout ; il rendent la justice pour le pays tout entier. D’après votre loi et les amendements que l’on soutient, vous aurez 19 membres à la cour de cassation, trois cours d’appel de 25 membres chacune, en tout 94 conseillers pour faire le même travail, qui se fait par 66 maintenant. Voilà, messieurs, les économies qu’on vous propose. Je vous le demande, ne vaudrait-il pas mieux rester sous le régime ancien et valait-il la peine de faire une révolution comme celle que nous avons faite pour avoir un gouvernement à bon marché ? Messieurs, si vous continuez ainsi, vous ferez regretter l’ancien ordre des choses et vous dégoûterez les peuples du régime constitutionnel ! (Bien ! Très bien !)

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je crois que la question est assez examinée.

On a parlé de la distribution des travaux, dans la cour de Bruxelles ; je présenterai la distribution des affaires à Liége.

A Liége il y a deux chambres civiles. L’une d’elles s’occupe de mises en accusation. Ainsi il y a trois chambres pour lesquelles il faut quinze conseillers. Quand la cour d’assise siège, la chambre des affaires correctionnelles ne siège pas ; donc ces trois chambres suffisent pour l’expédition des affaires. Ces trois chambres ne demandent la présence que de quinze conseillers ; d’après la proposition que j’ai l’honneur de vous faire, il y a vingt-un conseillers, y compris les présidents. Ainsi, il y en aurait six dont on pourrait disposer pour les assises.

Quand à Gand, je crois qu’avec un moindre nombre de conseillers on pourra examiner les affaires qui seront soumises à cette cour.

J’avais cru que vingt-un conseillers suffiraient à Bruxelles ; mais dans la section centrale, où se trouvaient trois magistrats de cette ville, on en a jugé autrement. Ils étaient mieux informés que je ne pouvais l’être.

Relativement à l’arriéré, on sait que l’expédition des affaires tient autant à l’habileté des présidents qu’au nombre des juges qui composent un corps.

Je ferai observer à la chambre que les deux cours de Liège et de Bruxelles connaissent aujourd’hui des pourvois en cassation ; et qu’elles prononcent sur les pourvois civils avec 11 membres et sur les pourvois criminels avec 7 membres ; voilà une occupation qu’elles n’auront plus. Par conséquent les magistrats des cours d’appel pourront s’occuper davantage de juger les causes qui leur seront déléguées ; et je persiste à croire que le nombre que j’ai proposé sera suffisant. (Aux voix ! aux voix !)

- La clôture de la discussion est prononcée.

M. le président. - Voici l’amendement de M. Gendebien :

« J’ai l’honneur de proposer composer ainsi les cours :

« Celle de Bruxelles, d’un premier président, de deux présidents de chambre et de 22 conseillers.

« Celle de Liège, d’un premier président, de deux présidents de chambre et de dix-neuf conseillers.

« Celle de Gand, d’un premier président, d’un président de chambre et de seize conseillers. »

Plusieurs voix. - La division.

M. Devaux. - Il me semble qu’il serait plus simple que les cours aient le même nombre de conseillers.

M. Ch. de Brouckere. - Mais il y a d’autres amendements ? Celui du ministre propose moins de conseillers, et M. Barthélemy un nombre encore inférieur.

M. le président. - M. Barthélemy n’a pas déposé d’amendement.

M. Barthélemy. - Je ne l’ai pas écrit parce qu’on vous a dit qu’il ne valait pas seulement la peine de le discuter, je proposais de composer chaque cour de 15 conseillers et de 3 présidents.

M. le président. - Veuillez l’écrire et me l’envoyer.

M. Devaux. - Ne faut-il pas d’abord savoir si les cours auront le même nombre de conseillers ?

M. H. de Brouckere. - La proposition de l’honorable préopinant est inutile, il est bien plus naturel de diviser les amendements et de voter séparément pour chaque cour.

M. Gendebien. - La première partie de mon amendement est semblable à l’article de la section centrale.

M. le président. - Je dois commencer par mettre aux voix l’amendement qui s’éloigne le plus de l’article du projet, c’est celui de M. Barthelemy ; il propose de composer chaque cour d’un premier président, de deux présidents de chambre et de quinze conseillers ; je vais donc le mettre aux voix. (Non ! non ! Il faut commencer par Bruxelles.)

M. Barthélemy consent-il à la division ?

M. H. de Brouckere. - M. Barthélemy n’a aucun motif pour s’y opposer.

M. le président. - Que ceux qui adoptent l’amendement de M. Barthélemy pour la composition de la cour de Bruxelles veuillent bien se lever ?

- L’amendement est rejeté.

M. le président. - Maintenant pour Liége. (Non ! non ! Il faut continuer pour Bruxelles.)

M. le ministre propose un premier président, deux présidents de chambre et 18 conseillers.

- L’amendement est adopté. Celui de M. Gendebien se trouve par cela seul rejeté.

M. le président. - Maintenant, nous passons à la cour de Liège.

- L’amendement de M. Barthélemy est rejeté, celui du ministre adopté. Ce dernier est semblable à la proposition de M. Gendebien.

M. le président. - A présent pour Gand.

- L’amendement de M. Barthélemy est mis aux voix et adopté. (Interruption).

M. Jaminé. - C’est adopté pour six mois.

M. le président. - Il reste à voter sur l’article qui se trouve ainsi conçu :

« Les cours de Bruxelles et de Liége sont composées d’un premier président, de deux présidents de chambre et de 18 conseillers.

« La cour de Gand est composée d’un premier président, de deux présidents de chambre et de 15 conseillers. »

- Adopté.

Dépôt d'une proposition de loi

M. le président. - Messieurs, un projet de loi vient d’être déposé sur le bureau par M. H. de Brouckere ; j’invite les sections à se réunir demain à onze heures pour voir s’il y a lieu à en autoriser la lecture.

- La séance est levée à 4 heures. Séance demain à midi.


Noms des membres absents à la séance du 18 : MM. Angillis, Cols, d’Elhoungne, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Fallon, Gelders, Nothomb, Pirmez Pirson, Thienpont, Vandenhove et Verhagen.