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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 21 avril 1832

(Moniteur belge n°114 et 115, des 23 et 24 avril 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à neuf heures et demie.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

Après l’appel nominal, M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal, qui est adopté.

Pièces adressées à la chambre

Le même analyse quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1832

Second vote des articles

L’ordre du jour est la discussion des amendements introduits au budget de l’intérieur, et le vote sur l’ensemble du budget.

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Personnel. »

Le ministre avait demandé 85,185 fl.

La chambre par son vote a réduit l’allocation à 78,000 fl.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) propose une majoration de 3,000 fl. Sur cet article. Il a été, dit-il, suffisamment démontré dans la discussion que les fonctionnaires du ministère de l’intérieur n’étaient pas convenablement rétribués. D’autre part, dans la loi sur les crédits provisoires, vous avez décidé que les traitements au-dessous de 1,500 fl. ne subiraient pas de réduction, et c’est cependant ce qui aurait lieu si le chiffre que vous avez voté était maintenu. Je demande donc que l’allocation pour le personnel de l’administration soit portée, outre le traitement du ministre, à 71,000 fl.

Pour justifier cette majoration, M. le ministre entre dans des détails sur la composition du personnel et les traitements des employés ; il fait remarquer que le ministère ayant deux hôtels, il faut avoir deux concierges, et que par le même motif un plus grand nombre de gens de service est nécessaire.

- La majoration de 3,000 fl. est mise aux voix et adoptée.

M. Dubus. - Je crois que, pour mettre cet article avec ceux des budgets des autres ministères, il faudrait le diviser et mettre :

« Art. 1er. Traitement du ministre : fl. 10,000. »

« Art. 2. Personnel de l’administration centrale : fl. 71,000. »

- Cette division est adoptée.

Tous les autres articles du chapitre sont maintenus sans discussion, ainsi que ceux du chapitre II intitulé : « Frais d’administration dans les provinces. »

Chapitre III. - Travaux publics

Article 2

« Art. 2. Traitements des ingénieurs et conducteurs. »

Le ministre avait demandé 105,800 fl. La chambre a seulement alloué 95,000 fl.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je demande à la chambre de majorer l’allocation qu’elle a votée jusqu’à concurrence de 100,000 fl., parce que n’ayant pas alors les documents officiels je n’ai pu lui démontrer l’inexactitude des comparaisons qui ont été faites sur cet objet avec ce qui existait sous le gouvernement des Pays-Bas et ce que l’on a payé de ce chef en 1831. Mais aujourd’hui que je suis parvenu à me procurer ces documents officiels, j’espère engager la chambre à revenir sur sa décision.

Un honorable membre a prétendu que sous le royaume des Pays-Bas le personnel était relativement moindre qu’aujourd’hui, et son opinion était basée sur ce qu’il comprenait les conducteurs dans le nombre des employés portés au budget décennal. Mais c’était une erreur manifeste ; car, d’après l’arrêté organique de 1817, ils formaient un corps séparé.

Quant à ce que l’on a dit qu’il résultait des registres de la cour des comptes qu’une somme inférieure à celle demandée avait été dépensée en 1831, je ferai remarquer qu’à l’époque dont a parlé M. Dubus, tous les paiements de la cour des comptes n’étaient pas encore ordonnés. Maintenant que la source de l’erreur est reconnue, je pense que la chambre ne se refusera pas à adopter la majoration de 5,000 fl. que je propose.

M. Leclercq. - Si une assemblée doit se hâter de revenir sur son vote quand on lui démontre qu’elle a commis une erreur, elle doit persister dans ce même vote si on ne lui fournit pas d’autres raisons que celles qui avaient déjà été données. Tel est le cas qui se présente aujourd’hui.

M. le ministre vient nous dire que la chambre a voté une réduction parce que, d’après le dire d’un de ses membres, elle a cru que le personnel de l’administration des ponts et chaussées était moindre, proportion gardée, que sous le royaume des Pays-Bas. Vous devez vous rappeler, messieurs, que M. d'Elhoungne avait proposé de réduire l’allocation à 80,000 fl. par ce motif ; mais M. Serruys a prouvé, au moyen d’une pièce dont il a donné lecture, que M. d'Elhoungne était dans l’erreur. Or, c’est d’après ces explications que la chambre a voté la somme affectée à l’administration dont il s’agit. Il n’y a donc pas eu erreur de sa part, et je crois qu’il n’y a aucun motif pour quelle revienne sur sa décision.

- La majoration de M. le ministre, appuyée par M. d’Huart, et combattue par M. Gendebien et M. d’Elhoungne, est mise aux voix et rejetée. En conséquence, le chiffre primitivement adopté est maintenu.

Motion d'ordre

Ratifications par les grandes puissances du traité des XXIV articles

M. A. Rodenbach. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Les journaux ont annoncé que les ratifications de la Prusse et de l’Autriche… (Murmures et interruption.)

M. le président. - Nous ne pouvons interrompre le budget pour ces explications, qui ne sont pas à l’ordre du jour.

M. A. Rodenbach. (continuant sa phrase.) - Que les ratifications de la Prusse et de l’Autriche étaient arrivées. (Nouveaux murmures.) Messieurs, vous êtes au moment de vous séparer. Je demanderai que M. le ministre des affaires étrangères veuille bien nous faire un rapport à la fin de la séance. (Oui ! à la fin de la séance ! Appuyé !)

M. Dumortier. - Il me semble que le bureau devrait écrire à M. le ministre des finances. (Rire général) Au ministre des affaires étrangères, veux-je dire.

M. le président. - Je sais que M. le ministre des affaires étrangères a l’intention de nous faire un rapport aujourd’hui.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1832

Second vote des articles

Chapitres III à VII

Tous les autres articles du chapitre III, ainsi que le chapitre IV relatif aux palais et édifices de l’Etat, le chapitre V sur les mines, le chapitre VI sur l’instruction publique et le chapitre VII intitulé : « Agriculture, industrie et commerce, sciences et arts, service de santé », sont maintenus sans discussion.

Chapitre VIII. Cultes

Article premier

« Art. 1er. Culte catholique. »

Le ministre avait demandé une allocation de 1,581,937 fl. La chambre, sur la proposition de la section centrale, a adopté une majoration de 21,155 fl. pour l’évêché de Bruges.

M. Jamme. - Messieurs, j’ai voté contre la majoration demandée par la section centrale, pour l’érection de l’évêché de Bruges. Je dois aujourd’hui motiver mon vote.

Je ne conteste pas, messieurs, que l’érection de cet évêché ne puisse être utile, mais je n’admets nullement qu’il y ait une extrême urgence à s’en occuper pour le moment. Le siège de Bruges est vacant depuis près de trente ans. Ne peut-il l’être encore pendant un an, sans qu’il en résulte de graves inconvénients pour l’exercice du culte ? Je pense que oui.

Le système qu’a suivi la chambre a été d’écarter du budget toute allocation qui n’était pas indispensable, et d’en réduire beaucoup d’autres, au risque de compromettre le service de l’administration et de devoir retrancher sur le traitement des employés qui n’aient peut-être que le strict nécessaire.

Nous devrions être conséquents, messieurs, et ne pas nous écarter de ce système. Néanmoins, les crédits demandés pour rétribuer le culte catholique ont été votés, presque sans opposition, quoiqu’ils fussent majorés des sommes nécessaires pour rétribuer un vicaire-général de plus, auprès de chaque siège épiscopal. Ainsi, pour tous les services, il y a eu réduction de crédit et réduction de personnel, et pour celui du culte catholique, il y a augmentation de crédit et création de nouveaux titulaires.

Je ne sais, messieurs, si c’est au moment où notre existence politique est à peine assurée, si c’est au moment où des événements probables peuvent faire surgir des besoins pressants, au moment où notre armée sur le pied de guerre coûte énormément à l’Etat ; je ne sais, dis-je, si c’est au moment où le chiffre de notre budget est tellement élevé, qu’il nous donne la certitude, ou peu s’en faut, que la fin de l’exercice courant rendra un nouvel emprunt nécessaire pour subvenir à des besoins incessants, qu’il faille devenir dispensateurs faciles des deniers publics et créer une charge dont l’Etat n’a pas été grevé depuis trente ans, sans qu’il en soit résulté un préjudice notable.

Non, messieurs, je déclare hautement que je croirais trahir mon mandat si je consentais à ce que pareille majoration fût faite.

Je ne crains nullement que l’on se méprenne sur les motifs de mon opposition, il sont trop clairement démontrés et mes principes religieux sont trop connus, ils sont hors de la portée de toute atteinte. Mon opposition est consciencieuse, elle n’a d’autre cause que mon devoir. Au surplus, je déclare que je ne considère l’érection de l’évêché de Bruges que comme inopportune et que ce que je repousse aujourd’hui, je puis très bien le voter en 1833.

J’irai plus loin, messieurs, je déclare que malgré les embarras financiers qui nous pressent de toute part, je voterais encore volontiers pour la majoration qui nous est demandée, si elle était destinée à venir au secours par des suppléments de traitements pour le bas clergé, pour les desservants des annexes dans les campagnes, tout si éminemment utiles et si peu rétribués pour le bien indicible qu’ils procurent aux populations pauvres et incultes des villes et des campagnes.

M. Leclercq. - Permettez-moi d’ajouter quelques mots à ce que vient de vous dire M. Jamme. Je ne répèterai pas ce qu’il vous a dit sur l’inopportunité de cette allocation ; mais il est certain que l’attachement de l’assemblée à la religion catholique a exercé une grande influence sur son vote.

Quant à moi, je crois que les motifs qui ont fait adopter la majoration pour l’érection d’un évêché à Bruges auraient dû au contraire la faire rejeter. Vous n’ignorez pas, messieurs, que bien des gens aujourd’hui s’attaquent au clergé, crient que vous avez fait une révolution de prêtres ; or, si vous votez une somme pour l’évêché de Bruges, dans un moment où nous ne devons dépenser que le strict nécessaire, vous prêterez de la force à leurs paroles. Quoi ! diront-ils, tandis que l’industrie et le commerce souffrent, et que tout le pays s’en ressent, augmenter ainsi les charges des citoyens ! Vous le voyez ce clergé, il ne pense qu’à lui et il demande des majorations considérables au budget. Voilà ce que l’on dira et ces paroles trouveront de l’écho en Belgique, car elles se présenteront sous un air de vérité en apparence.

Votre nationalité, messieurs, vous est aussi chère que votre religion ; vous avez à conserver aussi la considération morale, et cette considération morale vous la perdrez à l’étranger si l’on peut attaquer vos actes avec une apparence de justice. Je ne crois pas voter contre les intérêts de la religion en rejetant la majoration proposée pour l’érection de l’évêché de Bruges.

M. Dubus fait observer que les fonds pour l’érection d’un évêché à Bruges ont été votés en 1830 et que l’on ne peut pas aller moins loin que le roi Guillaume sous ce rapport.

M. Jamme. - En 1830 j’aurais accédé à la demande, mais aujourd’hui je crois que nous devons nous borner à voter les dépenses strictement nécessaires. (La clôture ! la clôture !)

M. d’Elhoungne. - Cette question, messieurs, est de la plus haute importance ; il ne faut pas fermer la discussion, car il s’agit de convaincre le public de la nécessité de la majoration proposée, et rien ne produit un plus fâcheux effet que les cris de clôture dans de pareilles délibérations.

M. Bourgeois appuie la motion de M. Leclercq, sans entendre pour cela voter contre l’érection de l’évêché de Bruges, et il pense que cet objet doit être ajournée dans ce moment où l’on a retranché par nécessité des dépenses beaucoup plus urgentes.

M. Dumortier. - Il me semble que l’objection soulevée par M. Leclercq est très grave, mais il est très facile d’y répondre.

On a dit que les catholiques avaient fait la révolution dans leur intérêt. L’honorable M. Rogier a déjà prouvé le contraire, et je ne répèterai pas ce qu’il a dit. Sous le congrès on a fait une réduction sur les sommités catholiques, et aucun membre du clergé n’a fait d’observations. Je dirai même qu’il a fait ce sacrifice avec plaisir sur l’autel de la patrie. Le clergé coûte maintenant 50,000 florins de moins que lors du budget décennal. Ainsi il y aurait absurdité à prétendre que la révolution lui a profité et a été faite dans son intérêt.

Vous avez repoussé l’amendement qui tendait à supprimer l’allocation affectée au culte protestant, et quels sont ceux qui ont voté cette allocation, messieurs, ce sont les catholiques. (Il n’y a pas de catholiques ici.) Vous avez raison, messieurs, il n’y a pas de catholiques dans cette assemblée, il n’y a que des représentants, mais il est toujours constant que ce sont des hommes qui professent l’opinion catholique qui ont voté pour l’intégralité de l’allocation destinée au culte protestant. Or, il s’agit d’une justice pour la ville de Bruges et je pense qu’on ne doit pas la refuser.

M. Gendebien. - Personne n’a répondu à M. Leclercq. Il a fait observer que ce n’était pas le moment de voter une telle dépense. On a dit qu’elle avait déjà été votée en 1830, mais en 1830, on ne payait pas 90 millions d’impôts. L’année prochaine, quand notre dépense sera considérablement diminuée, nous nous montrerons plus faciles du moment que la nécessité de cet objet aura été reconnue ; mais pour le moment rappelez-vous que vous avec à rembourser un emprunt de 24 millions.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

On demande l’appel nominal sur le vote de la majoration. En voici le résultat :

40 membres votent pour et 31 contre.

Ont voté pour la majoration : MM. Taintenier, Coppieters, Delehaye, Dellafaille, de Meer de Moorsel, W. de Mérode, de Nef, de Sécus, Desmet, de Terbecq, Devaux, Dewitte, Domis, Dubus, Dugniolle, Dumortier, Duvivier, Goethals, Hye-Hoys, Lebeau, Lefebvre, Morel-Danheel, Olislagers, Osy, Polfvliet, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Serruys, Ullens, Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Vergauwen, Vuylsteke, Ch. Vilain XIIII, H. Vilain XIIII, de Muelenaere, de Theux, Raikem, de Gerlache.

Ont voté contre : MM. Barthélemy, Berger, Bourgeois, Brabant, Cols, Corbisier, Dautrebande, H. de Brouckere, d’Elhoungne, Desmanet de Biesme, Destouvelles, de Woelmont, d’Hoffschmidt, d’Huart, Fleussu, Fallon, Gendebien, Goblet, Jamme, Jonet, Jullien, Leclercq, Mary, Milcamps, Pirmez, Nothomb, Raymaeckers, Rogier, de Tiecken, Watlet et Zoude.

Chapitre IX. Garde civique

Article premier

« Art. 1er. Frais de voyage et de séjour de l’inspecteur-général et de ses aides-de-camp. »

Le ministre avait demandé 8,000 fl. La chambre n’a alloué que 2,000 fl.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) propose de majorer cette somme jusqu’à concurrence de 6,000 fl.

- Cette proposition, combattue par M. Jullien, est mise aux voix et adoptée.

- Le chiffre de 2,000 fl. est maintenu.

Article 2

« Art. 2. Grand état-major. »

Sur les 7,750 fl. qui avaient été demandé au budget, la chambre a voté seulement 3,000 fl.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) propose une majoration de 1,450 fl., qui est rejetée.

- Le chiffre précédemment voté est maintenu.

Chapitre X. Etablissements de charité

Article 3

« Art. 3. Subside pour l’entretien des enfants trouvés et abandonnés, sans préjudice du concours des communes : fl. 100,000. »

M. Dumortier soutient que la dépense des enfants trouvés est une charge provinciale, d’après la loi de ventôse, an XIII, et il déclare que si l’amendement est admis il se verra forcé de voter contre le budget, et il dit que la province de Namur a d’autant plus mauvaise grâce de se plaindre que tous les enfants trouvés qui s’y trouvent lui appartiennent.

M. Fallon. - S’il s’agissait d’une question de science naturelle, d’industrie ou de commerce, je me garderai bien de discuter de discuter de nouveau avec mon honorable collègue M. Dumortier, mais c’est d’une question d’administration légale qu’il s’agit, et surtout cette matière, je ne pense pas qu’il y ait de la témérité de ma part d’espérer encore de le ramener à mon opinion. Il me suffira pour cela de lui faire remarquer de nouveau qu’il est dans l’erreur, s’il s’arrête davantage à la loi qu’il invoque, celle de ventôse an XIII. Quel a été le régime légal des enfants trouvés depuis la loi du 20 frimaire an V, jusqu’à l’arrêté du 6 novembre 1822, et quel est-il depuis lors ?

C’est bien là, maintenant, le cercle de la discussion.

En point de fait, il n’y a pas d’incertitude.

Depuis la loi de frimaire an V, jusqu’à l’arrêté de 1822, les enfants trouvés et abandonnés ont reçu un subside de l’Etat, et ce n’est que le complément d’un subside qui a été réparti en raison de la population, sur les départements et les communes.

Depuis l’arrêté de 1822, l’Etat n’a plus fourni de subside et ce sont les communes de l’exposition qui en ont été chargées.

Ces faits sont incontestables.

En droit, j’ai prouvé que le régime de l’arrêté de 1822, établi sur la fiction du lieu de l’exposition pour domicile de secours, était vicieux pour l’avenir et avait introduit un effet rétroactif révoltant pour le passé ; et j’ai prouvé en même temps, ce qui était d’ailleurs évident, que cet arrêté était inconstitutionnel.

Reste donc à se fixer sur le régime légal qui existait avant cet arrêté.

C’est, dit M. Dumortier, celui de la loi de ventôse an XIII. Et pourquoi ? Parce que dans la nomenclature des besoins auxquels les départements ont été appelés à subvenir, il est parlé des enfants trouvés.

C’est là, messieurs, une erreur frappante ; on conçoit que la loi nouvelle déroge à la loi préexistante, mais on ne comprend pas comment une loi précédente peut conserver l’effet de dominer la loi nouvelle. Or, ce n’est pas la loi de ventôse an XIII qui formait le dernier état de la législation sur cette matière à l’époque de l’innovation hollandaise, c’était le décret de janvier 1811 organique de la loi de l’an V.

Je n’ai pas besoin de vous dire que ce décret était légal : M. Dumortier s’est chargé de vous faire observer lui-même que le sénat ne l’ayant pas censuré, il avait conservé toute la puissance d’une loi.

Voyez, messieurs, le développement que j’ai donné à mon amendement dans la séance du 11 de ce mois, et vous verrez que si j’ai invoqué le principe de la loi de l’an V, c’est sur le décret de l’an 1811 que j’ai spécialement attiré votre attention. M. Liedts vous a donné lecture d’un décret, M. Rogier a rappelé ses dispositions, et vous avez dû remarquer qu’en effet les départements n’étaient appelés que concurremment avec l’Etat à fournir le subside.

Rien donc d’étonnant qu’en l’an XIII les départements eussent déjà été appelés à fournir au subside, ce qui ne prouve nullement qu’alors l’Etat avait été déchargé d’y pourvoir également et ce qui le prouverait d’ailleurs inutilement puisque dans tous les cas c’est au décret de 1811 que nous devons obéir et non à la loi précédente de l’an XIII.

La loi et l’humanité nous imposent donc le devoir de maintenir l’amendement et nous serions en contradiction avec nous-mêmes si nous ne le faisions pas, puisque sans qu’une loi ou un arrêté légal nous en fassent un devoir, nous fournissons des subsides à d’autres besoins sociaux, aux arts, à l’industrie, au commerce, aux établissements de bienfaisance et aux villes dont les ressources sont insuffisantes.

- On demande de toutes parts la clôture.

M. Dumortier. - Je demande la parole contre la clôture.

M. Destouvelles. - Il est inutile de renouveler une discussion qui a duré plusieurs séances.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, la question est très importante, il s’agit de grever des provinces qui n’ont pas d’enfants trouvés, et je pense qu’on ne peut se prononcer à la hâte sur ce point.

M. Jullien. - M. Dumortier a le droit de parler contre la clôture ; il est de votre dignité de l’entendre, messieurs.

M. Dumortier insiste pour que la discussion continue, par le motif qu’il s’agit de grever l’Etat d’une somme considérable.

M. Nothomb déclare que, selon lui, il y a matière à controverse, et qu’il persistera à voter contre l’allocation si on ne lui prouve pas que le décret de 1811 est la dernière disposition législative qui régit les enfants trouvés, et si on ne lui démontre pas qu’il n’y aura aucun arbitraire dans la répartition des 100,000 fl. de subside qu’on veut accorder.

M. Dumortier. - M. Fallon a dit que s’il s’agissait d’une question de science naturelle, d’industrie et de commerce, il se garderait bien de discuter avec moi ; mais qu’il n’en était pas de même sur l’objet qui nous occupe. Je ne conteste pas qu’il ait plus de connaissances que moi en matière d’enfants trouvés (Rire général) ; mais je puis bien aussi discuter avec lui sur ce point. On vous a dit, messieurs, qu’il y aurait inhumanité à ne pas maintenir l’allocation ; mais ce n’est pas là la question ; la question est de savoir si le trésor de l’Etat doit être chargé de la dépense des enfants trouvés ; je ne le pense pas, et il me semble qu’il serait impolitique et contraire à votre devoir de le décider. Autrefois, je demandais aussi que cette charge fût supportée par l’Etat, parce que je plaidais la cause de ma province ; mais aujourd’hui, je dois toujours avoir en vue les intérêts de l’Etat.

M. Barthélemy, en réponse à l’observation de M. Nothomb, explique que le subside accordé autrefois par le gouvernement français se répartissait par tête d’enfant trouvé, d’après un tarif qui fixait une somme de … pour layettes et entretien de chaque enfant. Il fait observer, en terminant, qu’il est impossible à la ville de Bruxelles, qui reçoit tous les enfants trouvés du royaume, de payer une somme de 80,000 fl. pour cet objet.

M. Mary insiste pour le maintien de l’allocation.

- L’article additionnel est mis aux voix. L’épreuve étant douteuse, elle est renouvelée.

On demande l’appel nominal.

40 membres votent pour cet article et 30 contre.

Il est adopté.

M. d’Elhoungne s’est abstenu par le motif qu’on a invoqué une loi sur laquelle il n’a pu former son opinion.

Chapitre XI. Statistique générale

Le chiffre du chapitre XI relatif à la statistique générale, sur lequel la chambre a voté une réduction de 800 fl. sur l’article 2 est maintenu.

Chapitre XII. Journal officiel

Le ministre avait demandé une somme de 17,000 fl. La chambre a adopté une majoration de 8,000 fl. pour frais de rédaction des séances.

M. Jullien. - Je demande que cet article en ce qui concerne la rédaction des séances soit confiée aux questeurs de la chambre, car c’est la chambre elle-même qui doit être juge du compte-rendu de ses délibérations.

M. Dumortier. - La majoration a été votée pour qu’il soit rendu un compte exact des séances des chambres. Il me semble donc convenable de diviser l’article et de faire un deuxième article, intitulé : « Subside, ou plutôt supplément, pour recueillir les séances des chambres. »

M. l’abbé de Haerne. - Vous avez agi à l’égard du Moniteur comme un père envers son enfant. (On rit.) Vous l’avez grondé et vous lui avez donné beaucoup plus qu’auparavant, mais il paraît qu’il n’a pas profité de vos leçons, car j’ai à réclamer contre une omission qu’il a faite en rendant compte de l’opinion que j’ai prononcée dans une séance précédente. J’avais dit que si l’on voulait entrer dans tous les détails sur le culte protestant, on trouverait beaucoup à reprendre, et cela le Moniteur l’a répété ; mais il a oublié d’ajouter la déclaration que j’avais faite, que cela n’était pas un motif pour moi de refuser l’allocation entière. J’ai cru devoir relever cette réticence que d’ailleurs je ne crois pas volontaire.

M. Bourgeois fait observer que la somme qu’on a votée ne peut être répartie sur toute l’année, puisque quatre mois déjà sont écoulé, et il propose de restreindre la majoration à 5,000 fl. seulement.

M. Ch. Vilain XIII, pour plus d’assurance de l’exactitude des séances, propose de supprimer l’allocation de 8,000 fl. de l’article et de charger directement MM. les questeurs de la consacrer à faire rendre compte des délibérations de la chambre.

M. Goethals. - Il faudrait au lieu de ces mots « frais pour recueillir les séances, » mettre : « frais supplémentaires et éventuels. »

M. Destouvelles. - Il me paraît que l’article unique du chapitre est conçu en termes assez précis. En effet, il porte : « Frais d’un journal pour la publication des pièces officielles et recueillir les séances des chambres. » Cette dernière partie regarde les chambres elles-mêmes, de manière qu’elles pourront toujours y revenir si la rédaction n’était pas bien faite. Lorsque j’ai demandé qu’une majoration fût allouée, je n’ai pas entendu qu’elle rétroagît sur les quatre mois déjà écoulés. Je me plaignais de la rédaction pendant ces quatre mois, et je ne voulais certainement pas leur affecter une partie de la somme. Depuis la majoration, le compte rendu présente encore plus d’omission, pour ce qui me regarde personnellement. Il s’agissait d’une question constitutionnelle sur laquelle on n’a pas rendu mon opinion.

M. d’Elhoungne. - J’appuie la proposition faite par M. C. Vilain XIIII. Tous se plaignent de la partialité et de la négligence avec lesquelles sont rédigées nos séances. Eh bien ! pour mettre un terme à ces plaintes, il faut charger MM. les questeurs de faire publier eux-mêmes nos séances, et dès lors il n’y aura plus d’inexactitude et de partialité. L’éditeur du Moniteur ne m’envoie pas d’exemplaire de son journal, bien que son engagement lui prescrive d’en adresser à tous les membres de la chambre, mais un de mes voisins m’assure qu’on a mis dans un amendement que je proposai sur les ingénieurs, le chiffre de 20,000 fl. au lieu de 80,000 fl.

M. Jullien. - Si chacun de nous était obligé de relever les inexactitudes ou omissions commises à son égard, je crois qu’à l’exception de MM. les ministres et de ceux qui ont parlé en leur faveur, il n’y aurait pas un seul membre qui n’eût à se plaindre. Je propose l’amendement suivant : « La rédaction des séances des deux chambres est confiée exclusivement à la questure des chambres. »

M. Lebeau. - Je m’oppose à la motion de M. Vilain XIIII, car je connais la teneur du contrat de l’éditeur du Moniteur, et dans ce contrat est compris l’engagement de rendre compte des séances ; de sorte que si vous supprimez cet objet, vous lui retireriez une partie de ses obligations. Je crois qu’il faudrait plutôt dire, comme le propose M. Jullien, que le compte-rendu des séances sera soumis à la questure. On a beaucoup parlé de la partialité du Moniteur ; mais moi aussi, messieurs, j’ai vu mon opinion défigurée plus de trente fois, non seulement dans le Moniteur, mais dans un journal dont je suis actionnaire.

C’est ainsi qu’avant le Moniteur, on a fait voter pour la république un honorable membre qui s’était prononcé en faveur de la monarchie. Vous voyez donc, messieurs, qu’il n’y a pas de partialité ; c’est l’insuffisance des moyens accordés, l’impossibilité avec ces moyens de se procurer des sténographes habiles et en nombre raisonnable, qui est cause de l’inexactitude dont on se plaint. Mais cela disparaîtra, par suite de la majoration accordée et de l’amendement de M. Jullien. J’ajouterai cependant qu’aux termes du contrat, le Moniteur est à la disposition du ministre et qu’il faut son assentiment pour les insertions qu’on y fait.

M. H. de Brouckere. - Si l’on admet l’amendement de M. Jullien, je n’ai rien à dire, je ferai seulement observer que la révision des séances sera un travail fatigant pour les questeurs, et qu’ils ne voudront pas le faire longtemps.

M. Leclercq. - M. Lebeau a dit, qu’aux termes de son contrat, l’éditeur du Moniteur était chargé de rendre compte des séances. J’ai lu hier ce contrat, et il m’a semblé voir le contraire.

Il me semble que la chambre, avant de voter, devrait s’en assurer.

M. Lebeau répète que l’éditeur du Moniteur est chargé de rendre compte des séances. Quant aux nouveaux sténographes, il croit qu’ils devront être, en quelque sorte, agréés par la questure, et pourront être renvoyés si l’on n’est pas content de leur travail. Du reste, il fait observer qu’une fois l’exactitude et l’impartialité des séances bien constatées, il sera inutile de les surveiller, il suffira que les sténographes sachent qu’ils sont exposés à la destitution pour qu’ils continuent ensuite à remplir leurs devoirs.

- L’amendement de M. Bourgeois tendant à n’allouer que 5,000 fl. pour la rédaction des séances est mis aux voix et rejeté.

M. Dumortier propose un article spécial ainsi conçu : « Allocation pour la sténographie des séances des chambres. »

- Cet amendement est également rejeté.

L’article majoré est maintenu avec cette addition de M. Jullien : « La rédaction pour ce qui concerne les séances de la chambre des représentants et du sénat est confiée exclusivement à la questure des deux chambres. »

M. Bourgeois. - Vous venez de décider, messieurs, que la questure sera chargée de surveiller la rédaction de vos séances. Comme questeur je dois déclarer que je désirerais prendre ce service à la chambre, mais ce travail sera difficile et exigera une attention continuelle de notre part. Je voudrais, pour alléger notre besogne, que chacun des membres qui apercevrait une irrégularité en donnât connaissance à la questure. (Oui ! oui ! On le fera.)

Chapitre XII. Archives du royaume

Au chapitre XIII, les chambres retranche une allocation de 3,000 fl. destinée au loyer et appropriation d’un local pour les archives.

Tous les autres amendements sont maintenus.

Vote sur l’ensemble du projet

On passe à l’appel nominal sur l’ensemble du budget. Il est adopté par 66 membres contre 8. Les opposants sont MM. Barthélemy, H. de Brouckere, d’Elhoungne, d’Hoffschmidt, Dumortier, Gendebien, Lebeau, Raymaeckers.

Ratifications par les grandes puissances du traité des XXIV articles

Explications du gouvernement

M. le président. - M. le ministre des affaires étrangères a la parole.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, si la chambre n’était pas sur le point de s’ajourner, j’aurais attendu l’arrivée des pièces mêmes avant de vous faire une communication.

J’avais instruit M. Van de Weyer que la chambre se prorogerait probablement à la veille des fêtes de Pâques, et je l’avais invité à me faire connaître les nouvelles déterminations de la conférence dès qu’elles seraient prises. Un courrier expédié de Londres, le mercredi 18, à minuit, m’apporte la nouvelle que les ratifications de l’Autriche et de la Prusse venaient d’être échangées avec la Belgique, la France et la Grande-Bretagne. M. Van de Weyer m’écrit que l’acte de ratification de la Prusse est pur et simple. L’acte de ratification de l’Autriche renferme la seule réserve des droits de la confédération germanique, relativement à la cession et à l’échange d’une partie du grand-duché de Luxembourg.

Cette réserve n’a pas paru, aux plénipotentiaires de France et de la Grande-Bretagne, de nature à pouvoir modifier en rien le traité du 15 novembre ; elle se rapporte uniquement aux dispositions de l’acte constitutif de la confédération germanique, d’après lesquelles aucune cession ne peut être faite sans le consentement unanime de tous les Etats de la confédération. L’Autriche et la Prusse ayant seules, d’une manière expresse, manifesté, jusqu’à présent, leur consentement, la réserve ne porte que sur les droits des autres Etats, qui doivent également être consultés. Tel paraît le sens de la réserve qu’il ne faut pas entendre d’une manière absolue, mais renfermée dans les limites des dispositions que je viens de citer ; au surplus, il m’est impossible de m’expliquer à cet égard avant d’avoir les pièces sous les yeux.

M. Van de Weyer a répondu à cette réserve qu’il s’en référait dans tous les cas à la garantie donnée à la Belgique par les cinq cours signataires du traité du 15 novembre.

Les P.P. de Russie appelés à la conférence ont déclaré qu’ils n’avaient pas encore les ordres définitifs de leur cour, mais qu’ils s’attendaient à les recevoir d’un jour à l’autre.

J’espère, messieurs, que les pièces officielles me parviendront incessamment ; je m’empresserai de les faire insérer dans le Moniteur.

M. Jullien. - Ainsi, d’après la communication qu’on vient de nous faire, voilà quatre ratifications sur cinq, et encore il y en a une avec des réserves. Cependant on nous disait que toutes devaient être échangées, d’après le 15 janvier, puis le 31 janvier, et enfin le 31 mars, et elles ne l’ont pas été même vers la fin d’avril.

Que conclure de ceci, messieurs ? C’est que les puissances qui ratifient aujourd’hui n’avaient pas voulu jusqu’ici du traité, et que la Russie ne l’a jamais voulu et ne le veut pas encore. Dans le moment où nous nous trouvons, il serait dangereux de ne pas chercher à s’expliquer sa position. Je vais le faire en peu de mots. Voilà quatre puissances qui ratifient, mais si la Russie ne ratifie pas, qu’arrivera-t-il ? Dans le droit commun sur cinq mandataires qui contractent, il suffit qu’un seul mandataire ne ratifie pas pour qu’il n’existe pas d’obligation.

Maintenant je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères si les quatre puissances qui ont ratifié le traité se proposent de l’exécuter malgré le retard et le refus de la Russie, si elle s’approprient ce traité et le regardent comme obligatoire pour elles. Je tiens d’autant plus à avoir cette explication, que l’honorable lord Palmerston a établi une distinction entre la caution et la garantie, de laquelle il résulterait que la garantie donnée par les puissances les oblige seulement à employer leurs bons offices.

Si l’on doit donner une pareille interprétation au traité, il n’a jamais été qu’une longue déception. C’est comme si l’on nous disait : Je vous garantis l’exécution envers la Hollande, à moins que mes bons offices ne réussissent pas. Il est nécessaire de savoir à quoi nous en tenir sur ce point dans un moment surtout où M. Thorn a été enlevé, et quand il est dit dans l’arrêté qui concerne cet enlèvement, que c’est un « soi-disant » sénateur et gouverneur de la province du Luxembourg, pour le gouvernement « de fait » établi en Belgique, par suite de « la révolte » qui a eu lieu.

Ainsi, messieurs, M. Thorn est un rebelle, nous sommes tous aussi des rebelles. Mon collègue M. Goblet, à qui je parlai de cet arrêté, m’a dit qu’il avait été pris en 1830, et que c’est en 1832 qu’il est exécuté, lorsque notre indépendance est reconnue, garantie par les puissances ; c’est alors que l’on dit « soi-disant sénateur, » comme l’on dit de nous, de soi-disant représentants. Eh bien ! ministres du Roi, je vous adjure de demander aux puissances comment elles supporteront cet infâme attentat, injurieux pour elles et pour le Roi ; car exécuter un pareil acte en disant que nous sommes un gouvernement de fait, quand il a été reconnu que nous sommes un gouvernement de droit, c’est prétendre que le Roi est un usurpateur.

Je demande donc à M. le ministre des affaires étrangères s’il considère le traité comme complet, en ce sens que la Russie ratifiant ou non, on l’exécutera envers la Hollande, et si on l’interprète comme lord Palmerston.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Dans une autre circonstance, j’ai eu l’honneur de faire connaître à la chambre quelle était aux yeux des cabinets français et anglais l’étendue des obligations qu’ils avaient contractées en ratifiant. Je n’ai pas hésité à dire que les membres de ces cabinets soit seuls, soit avec leurs alliés, se considéraient comme obligés à l’exécution du traité. Les nouvelles que j’ai reçues de Londres ne me permettent pas de dire jusqu’à quel point l’Autriche et la Prusse se regardent comme engagées. Toutefois, en droit, je ne fais aucun doute qu’elles ne se considèrent comme liées par leurs ratifications à l’égard des autres puissances.

Quant à la distinction dont on a parlé sur la garantie et la caution, lord Palmerston l’avait puisée dans Vatel, qui dit que la garantie oblige à faire exécuter un contrat, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, tandis que la caution ne peut être donnée que quand une obligation peut être prestée par une autre. Ainsi, par exemple, pour la dette hollandaise, s’il y avait caution de la part de l’Angleterre, à défaut de nous payer, elle serait tenue de le faire en notre place. Mais, par la garantie, pour ce qui concerne l’évacuation d’Anvers, par exemple, celui qui a donné cette garantie s’est obligé à employer tous les moyens en son pouvoir pour parvenir à l’évacuation.

Je pense que ces explications suffiront en ce moment à l’assemblée. Quand j’aurai reçu les pièces, je pourrai m’expliquer ultérieurement sur les interpellations qui me seront faites.

M. l’abbé de Haerne. - Avant de demander de nouvelles explications, je dois déclarer que je désirerais voir arriver la fin des protocoles. Quelque onéreux que soit pour nous le traité du 15 novembre, je le regarde comme un fait accompli. Mais, tant que le protocole ne sera pas fermé, nous ne pouvons nous faire illusion sur notre situation, et nous devons nous préparer en conséquence.

On nous avait d’abord annoncé que les ratifications de la Prusse et de l’Autriche seraient faites sans réserve, et cependant voilà que l’Autriche ne ratifie que sous la réserve du consentement de la confédération germanique. Or, savez-vous ce qui résulte de là ? C’est qu’il faudra l’assentiment du roi de Hollande, car il fait aussi partie de la confédération.

J’ai déjà demandé dans une précédente séance si le traité était définitif, si l’Angleterre et la France se considéraient comme liées envers le gouvernement belge, et si le gouvernement belge à son tour se trouvait lié envers elles. Je répète encore aujourd’hui cette question à M. le ministre.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je crois avoir déjà répondu suffisamment à cette question : l’honorable membre ne m’aura probablement pas compris.

M. Dumortier. - Ce que viens de faire observer M. l’abbé de Haerne est parfaitement juste. Le consentement de la diète germanique doit être donné à l’unanimité des voix, et si la Hollande refuse, il s’en suivra que la ratification de l’Autriche ne produira aucun effet. Cette ratification, messieurs, n’en est pas une. Je l’ai déjà dit, il ne faut pas se bercer d’illusions. Le roi de Hollande veut encore recourir à la voie des armes. S’il parvient à nous battre, il viendra dire aux puissances : Voilà deux fois que vous m’empêcher de remonter sur mon trône. Si, au contraire, il est vaincu, comme je l’espère, et comme je le crois, alors il signera le traité. Ainsi la reprise des hostilités est imminente, il faut donc s’y préparer avec énergie.

Les distinctions qu’on fait entre la caution et la garantie sont pour moi choses futiles. Il est un fait constant, c’est que jamais on ne forcera la Hollande à accéder au traité. Eh bien ! que notre gouvernement montre de la fermeté, de la vigueur, qu’il se prévale de la ratification de Prusse pour exiger l’exécution du traité ; mais s’il se laisse aller à la mollesse, il n’obtiendra aucun résultat.

Ce que le gouvernement devrait faire, messieurs, ce serait de signifier à la Hollande qu’il est temps d’en finir, car cet état nous tue, et nous avons pour cela une excellente occasion, c’est l’enlèvement de M. Thorn, fait au mépris de la bonne foi et du droit des gens, cet enlèvement qui, comme on l’a dit, est un cas de guerre. Remarquez, messieurs, que cet attentat a été consommé sous les yeux de l’autorité prussienne. Quelle est donc la valeur de cette signature de la Prusse quand elle permet de pareils actes ? Je le répète, messieurs, il n’est qu’un moyen pour nous de sortir de cet embarras, c’est que le gouvernement déploie une énergie digne de la nation.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - On vient de dire que la ratification de l’Autriche n’en est pas une. Je crois, messieurs, que c’est un jugement trop sévère, et qu’il faudrait attendre au moins l’arrivée des pièces avant de se prononcer d’une manière aussi positive. Toutefois quel que soit l’avis des préopinants, je n’ai pas les pièces, et je ne puis rien y répondre de définitif, mais je ferai remarquer que dans le traité du 15 novembre lui-même, on trouve aussi ces mots : « sous réserve du consentement de la confédération germanique. » Peut-être l’empereur d’Autriche, comme président de la diète germanique, a-t-il cru qu’il était de son devoir d’user de ces déférence envers la confédération.

M. Gendebien. - Il est inutile, d’après ce qu’on vient de dire, d’insister sur les illusions dont on nous berce.

Je demanderai seulement quand sera évacuée la citadelle d’Anvers, et si l’on emploiera en cas de refus les moyens coercitifs. Je ne crois pas, quant à moi, à la diplomatie ; je n’y croirai que quand j’irai à Anvers et que je pourrai voir de mes yeux la citadelle évacuée. Rappelez-vous, messieurs, qu’après les 18 articles on disait que nous n’aurions pas la guerre, et cependant les Hollandais ont envahi notre territoire, et c’est la partie de mauvaise foi qui ensuite a été le mieux partagée. J’accepte les 24 articles contre lesquels je me félicite chaque jour d’avoir voté, comme un fait consommé ; mais après ce que nous avons vu, il ne faut compter sur rien et nous tenir sur nos gardes.

Si je suis bien informé, les ratifications de la Prusse et de l’Autriche n’auraient eu lieu que par suite de la décision arrêtée entre les plénipotentiaires des puissances, qu’il ne serait fait aucune insistance pour contraindre en rien le roi Guillaume. Le fait est qu’il y aurait eu une longue négociation, où il se serait agi d’appliquer le principe de la non-intervention, et dans laquelle on engageait la France à renoncer à Alger et la Russie à la réunion de la Pologne. La Russie a refusé.

Si l’on considère la marche de la diplomatie on verra qu’elle a été de déception en déception. D’abord elle a parlé le miel à la bouche ; puis, quand elle a vu que l’esprit révolutionnaire s’était calmé, elle a pris un ton plus haut. Prenons-y garde ! car bientôt nous arriverons à une restauration.

Aussi longtemps qu’Anvers ne sera pas évacué, je ne croirai à rien. Il n’y a pas à tergiverser, nous savons à quoi nous en tenir ; et même ce que je redoute par-dessus tout, c’est que l’Angleterre ne vienne pour faire évacuer la citadelle, car ce serait pour s’y placer. (On rit.) Je pense donc que le gouvernement ne doit pas se reposer sur les puissances, mais je l’engage à faire son devoir. Nous avons des ressources immenses ; nous pourrions, à un jour donné, mettre 150,000 hommes sous les armes. Il faut nous préparer à la guerre, car si elle ne vient pas contre la France, elle nous viendra de la part du roi Guillaume. Je désire que mes paroles ne soient pas mal interprétées ; je ne les ai pas prononcées pour jeter l’alarme, mais pour que le gouvernement ne se trouve pas pris au dépourvu.

M. Jullien. - Je ne veux pas augmenter les embarras de mon honorable ami, M. de Muelenaere. (On rit>.) Il a cru, comme tant d’autres, que l’échange des ratifications n’était qu’une affaire de chancellerie ; il doit être détrompé aujourd’hui. Il a dit que la distinction de lord Palmerston ne s’appliquait qu’à la partie de la dette, tandis qu’elle s’étend à tout le traité. Ainsi, il a foi dans la diplomatie ; quant à moi, permettez-moi de ne pas y croire.

- Cette discussion est close.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président demande jusqu’à quand la chambre veut s’ajourner. (A quinze jours.)

M. d’Huart demande que ce soit jusqu’au 15 mai.

M. l’abbé de Haerne. - Je ferai observer qu’il est un motif pour abréger nos vacances, c’est que le sénat peut introduire des changements au budget.

M. le président. - Dans ce cas, MM. Destouvelles et Barthélemy, qui demeurent à Bruxelles, pourront convoquer la chambre avant le jour que nous aurons fixé.

Sur la demande de M. Destouvelles, qui rappelle à la chambre tous les projets qu’elle aura à discuter après les vacances, elle s’ajourne au 10 mai prochain.

- La séance est levée à deux heures et demie.