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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 17 avril 1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département de l’intérieur). (Goblet),
ingénieurs du corps des ponts et chaussées et organisation provinciale (Barthélemy, d’Huart, Osy), retard apporté à l’adjudication des travaux du chemin de
fer de l’Etat en raison du traité des 24 articles (H.
de Brouckere, de Theux, (+polder de Lillo) Osy, d’Elhoungne, (+polder de
Lillo) de Theux, Osy, Gendebien, de Theux, Rogier, d’Huart, Destouvelles, Osy, Nothomb, Jullien, H. de Brouckere, Destouvelles,
Jamme, Van Meenen, Nothomb, Barthélemy, Jullien, de Theux, Leclercq, Pirson, Leclercq, Lebeau, Pirson, de Theux5, Destouvelles, Gendebien, Fallon, Osy, Devaux,
Leclercq, Ch. de Brouckere,
Lardinois, de Theux, Milcamps, Gendebien, de Muelenaere, Osy), entretien
des routes par les villes et produit des barrières (Fallon,
Tiecken de Terhove, de Theux, Fallon, Nothomb, d’Huart,
Fallon, Tiecken de Terhove, Leclercq, Delehaye), recours aux
crédits provisoires (Verdussen, Leclercq,
H. de Brouckere, Tiecken de
Terhove, d’Elhoungne), indemnisation pour
expropriation de routes aux dépens des certaines villes et provinces (Fallon, Milcamps, Nothomb, Milcamps), ingénieurs du
corps des ponts et chaussées (Barthélemy, Brabant)
(Moniteur belge n°109, du 18 avril 1832)
(Présidence
de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à 11 heures.
Après l’appel
nominal, M.
Dellafaille donne lecture du procès-verbal qui est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Liedts analyse quelques pétitions qui sont renvoyées à la
commission.
________________
M. Taintenier, élu
par le district de Mons, et dont l’admission avait été précédemment proclamée,
prête serment.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’ETAT POUR
L’EXERCICE 1832 (DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR)
L’ordre du jour
est la suite de la discussion du budget de l’intérieur.
Chapitre III. - Travaux publics
M. Goblet.
- (Nous donnerons son discours). (Note du
webmaster : ce discours n’a pas été retrouvé).
M. Barthélemy demande la parole et monte à la tribune.
M. d’Huart. - Je prie la chambre de m’entendre pour une motion
d’ordre. Je ferai remarquer que ce n’est pas le moment de traiter la question
de la décentralisation ; on ne devra s’en occuper que lors de la discussion de
la loi provinciale. En conséquence, si M. Barthélemy a l’intention de parler
sur cet objet, il me semble qu’il ferait mieux d’attendre jusqu’à la loi
provinciale. (Appuyé !)
M. Osy demande la parole pour une motion d’ordre. Il fait
observer qu’il est inutile de s’occuper en ce moment des ingénieurs, puisqu’il
n’en est fait mention qu’à l’article 2. En conséquence, il demande qu’on se
borne d’abord à discuter ce qui a rapport à l’article premier, sait à revenir
ensuite sur les ingénieurs, lors de la discussion de l’article 2. (Oui, oui, Appuyé !)
- La chambre ferme
la discussion sur l’ensemble du chapitre, et décide que l’on va procéder à
celle de l’article premier.
M. H. de Brouckere. - Je demande la parole pour faire une interpellation
à M. le ministre de l'intérieur. Il est nécessaire avant tout qu’il s’explique
sur un point important. J’ai vu annoncé dans les journaux et affiché partout
que la route en fer d’Anvers à Cologne devait être adjugée dans le courant du
mois de mai prochain. Je demande à M. le ministre si, dans le cas où le traité
du 15 novembre ne serait pas conclu avant cette époque, et j’espère toujours
qu’il ne le sera pas, cette adjudication aurait également lieu.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je répondrai à l’honorable M. H. de Brouckere que
si le traité n’est pas ratifié et mis à exécution avant l’époque fixée pour
l’adjudication dont il s’agit, les adjudicataires ne se présenteront point.
Dans ma pensée, l’adjudication ne devait avoir lieu qu’après la conclusion du
traité.
M. Osy fait
remarquer qu’il serait bien plus avantageux pour le pays de faire passer le
chemin de fer par Sittard, ainsi que cela est stipulé dans le traité de paix,
parce que la percée serait ainsi bien plus commode et moins frayeuse. D’un
autre côté, il faudrait connaître les intentions de la Prusse sur cette
entreprise ; car sans cela on ne trouvera pas d’adjudicataires. Il pense donc
qu’il est nécessaire d’attendre la conclusion du traité avant de procéder à
l’adjudication.
J’ai maintenant,
ajoute l’orateur, à parler des sommes accordées l’année dernière pour les
travaux des polders Lillo et de la Tête de Flandre. Quand il s’est agi
d’accorder une somme de 60,000 fl. pour les polders de la Tête de Flandre, j’ai
dit que c’était de l’argent inutile, parce que les Hollandais empêcheraient les
travaux, et je ne me suis pas trompé. Quant à ceux de Lillo, je désire savoir
si l’on a mis en adjudication une digue provisoire ou une digne définitive.
Ainsi voilà trois questions que j’adresse au ministre de l’intérieur.
-
M. le ministre de l'intérieur étant sorti pour se procurer des pièces qui lui
manquent, on attend son retour, et quand il a repris sa place, M. Osy répète
ses questions.
M. Jullien. - Il faudrait avant répondre à la demande de M. H. de
Brouckere.
M. d’Elhoungne demande la parole pour présenter la question sous un
autre aspect. Il dit que, le chemin de fer devant traverser un territoire
étranger, il fallait marcher de concert avec le gouvernement prussien, et de
plus, avant d’en tracer le plan, ne pas s’en rapporter seulement aux ponts et
chaussées, mais faire un appel à l’industrie, au commerce et au pays en général.
Il ne conçoit pas la précipitation qu’a mise le gouvernement dans cette
affaire, parce qu’il fallait attendre la conclusion du traité pour faire passer
la route par Sittard, et d’un autre côté se mettre d’accord avec la Prusse.
Sans cela il regarde le projet comme un projet en l’air, et le but lui paraît
entièrement manqué.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J’avais déjà répondu à l’interpellation de M. de
Brouckere, en disant qu’il ne se présenterait pas d’adjudicataires avant la
conclusion de la paix. C’était dire assez que l’adjudication n’aurait pas lieu
avant cette époque.
Maintenant je
passe aux observations de M. Osy. C’est au mois de septembre que le
gouvernement conçut le projet d’une route en fer d’Anvers à Cologne, et vous
pensez bien, messieurs, que pour un projet aussi important, force a été au
gouvernement d’entrer dans des travaux préparatoires. On dit qu’il ne fallait
pas aller si vite ; mais il y avait extrême urgence, et nous avons dû fixer
pour l’adjudication l’époque où nous croyions que la paix serait conclue. Mais
nous sommes-nous trompés dans nos prévisions ? C’est ce que les événements
prouveront ; mais il était toujours nécessaire de faire faire les plans et
d’indiquer l’époque de l’adjudication. On a dit qu’il fallait avant s’entourer
de renseignements et d’informations. Mais le projet a été fait par des hommes
de mérite qui ont su apprécier tous les avantages et les inconvénients de
l’entreprise. Quant au passage par Sittard, il sera peu avantageux avec les
conditions qui nous sont imposées par le traité du 15 novembre. Maintenant,
pour ce qui est de l’accord avec la Prusse, ce sera l’objet d’une négociation
particulière, et j’ai tout lieu de croire qu’il ne se rencontrera aucune
difficulté, parce que le gouvernement prussien a le même intérêt que nous à
l’entreprise.
Aux
autres questions de M. Osy, je répondrai que la grande digue n’a pu être
adjugée encore, par le motif qu’il a signalé lui-même, mais que des travaux
provisoires ont été faits pour empêcher les inondations ; et j’ai reçu des
renseignements desquels il résulte que ces travaux sont très solides et
résistent aux ouragans.
M. Osy. - Nous avons donné 60,000 fl. pour les travaux de la
Tête de Flandre : j’avais objecté dans le temps qu’ils seraient empêchés par
les Hollandais ; je demande aujourd’hui s’ils ont été adjugés.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) répond négativement.
M. Gendebien.
- M. le ministre n’a pas répondu à la demande de M. H.
de Brouckere. Il est étonnant, quand des questions aussi précises et aussi
pertinentes lui sont faites, qu’il les élude ; on demande si l’adjudication
aura lieu avant la paix, et il répond qu’il ne se présentera pas
d’adjudicataires avant cette époque : d’où je tire la conclusion que, s’il s’en
présentait, l’adjudication aurait lieu. D’un autre côté, on désire que cette
adjudication ne se fasse pas avant que l’on connaisse les intentions de la
Prusse. Il faut, à ces interpellations, non pas des réponses évasives, mais des
explications catégoriques.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J’ai déjà répondu, et d’ailleurs je ferai remarquer
que ce n’est pas un objet sur lequel la chambre soit appelée à délibérer, car
je ne demande pas de crédit à cet égard.
M. Gendebien. - Un de mes collègues m’assure cependant qu’il est
demandé un crédit de 6,000 fl. pour les plans ; d’ailleurs, n’y eût-il aucune
demande de crédit, nous sommes les maîtres de vous refuser votre budget tout
entier, si vous ne nous donnez pas les renseignements dont nous avons besoin.
Aussi longtemps
que vous ne serez pas d’accord avec la Prusse, toutes les mesures que vous
prendrez seront vaines. Comment ! vous allez commencer une route qui coûtera
plusieurs millions, sans vous être concertés avec le gouvernement prussien, et
vous ne voyez pas que, quand ce sera un fait consommé, ce gouvernement tirera
avantage de la position où vous vous serez placés ! Il consentira, mais il vous
prescrira des conditions. Vous auriez dû, avant de rien faire, prendre au moins
la précaution la plus ordinaire qui puisse entrer dans la tête d’un homme qui
jouit de ses cinq sens. (On rit.)
L’orateur ajoute
qu’il ne voit nulle nécessité de procéder aussi rapidement à l’adjudication.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Les difficultés que l’on élève aujourd’hui ont été
longuement discutées au conseil des ponts et chaussées et au conseil des mines,
et la mesure n’a été décidée qu’après de mûres délibérations. La mise en
adjudication du chemin de fer dont il s’agit était une mesure convenable aux
intérêts du pays, et je crois qu’on ne peut y opposer aucune objection
sérieuse. Relativement au traité avec la Prusse par rapport au passage sur son
territoire, je ferai remarquer qu’il n’est question en ce moment que d’adjuger
la première section des travaux. On a dit : En agissant ainsi, vous vous
engagez dans des dépenses énormes. Mais le gouvernement n’a aucunes dépenses,
elles sont à la charge des entrepreneurs.
M. Rogier. - La discussion est prématurée, car le gouvernement
ne demande pas de fonds pour cet objet ; du moins, il n’en demande que pour les
plans. La question de savoir si la route de fer passerait par Sittard a été
longuement débattue par les ingénieurs, qui, permettez-moi de le dire, étaient
plus compétents que vous pour la résoudre, et ils ont décidé qu’elle passerait
par Liége en raison des nombreuses communications de cette ville avec Anvers.
Or, je ne conçois pas comment on veut tourner contre le ministre une tentative
qui lui fait honneur et qui est faite dans l’intérêt du pays, pour l’avantage du peuple. Il fallait bien avant tout dresser les plans
et les soumettre à la Prusse pour lui dire : Voilà la route que nous voulons
suivre. D’ailleurs, ce projet n’est pas si défavorable qu’on veut bien le dire.
Il est parvenu à ma connaissance que des commerçants de Cologne ont écrit à
leurs correspondants qu’ils avaient le plus vif désir de prendre part à
l’adjudication. D’ailleurs le ministre ne se trouve aucunement lié. Si, par
suite du retard de la conclusion du traité, l’adjudication ne peut avoir lieu à
l’époque indiquée, on la reculera ; mais, dans tous les cas, les adjudicataires
ne seront pas dupés, car ils ne se jetteront pas en aveugles dans une
entreprise périlleuse.
M. d’Huart. - Il me semble que la réponse qu’a faite M. le
ministre est suffisante. D’ailleurs, ce n’est qu’à l’article 6 qu’un crédit est
demandé pour les plans du chemin de fer. Il n’y a donc pas lieu de s’occuper de
cet objet à l’occasion de l’article premier.
M. Destouvelles. - Il est une question grave, messieurs, c’est celle
de savoir si l’on adjugera la première section de la route en fer, avant de
s’être concerné avec la Prusse. On a dit que cela serait toujours avantageux au
pays ; mais je ferai remarquer que le but que l’on s’est proposé, c’est de
pousser la route jusqu’à Cologne, et, si l’on ne se met pas d’accord avec le
gouvernement prussien pour le passage sur son territoire, ce but sera
entièrement manqué, et la route ne sera qu’une impasse.
L’orateur, pour
faire sentir la nécessité de prendre toutes les précautions auprès du
gouvernement prussien, dit qu’il a vu lui-même, comme membre des états du
Limbourg, l’embarras où l’on s’est trouvé par suite du refus de la Prusse pour
la continuation de la route de Maestricht à Aix-la-Chapelle, et qu’il a fallu
deux ans de négociation avant d’obtenir aucun résultat.
M. Osy persiste à dire que le ministre de l’intérieur a agi
avec trop de précipitation dans cette affaire, et il pense qu’il aurait fallu
faire aussi un plan de la route par Sittard.
M. Nothomb.
- Si le gouvernement, en mettant en adjudication le chemin de fer, avait dit :
Je m’engage à faire continuer la route par la Prusse, je concevrais les
scrupules des honorables membres ; mais il n’en est rien, et j’avoue que je ne
comprends pas cet intérêt si grand que l’on prend tout à coup pour les
entrepreneurs. Le gouvernement met seulement en adjudication la première section
de la route, et je regarde cela comme un véritable contrat
aléatoire. Si la Prusse consent à continuer la route, l’entreprise sera
extrêmement avantageuse ; si elle ne la continue pas, il y aura moins de
chances pour les entrepreneurs. A ce propos un fait se présente à mon esprit.
Le canal de Roubaix a été creusé sur le territoire français ; s’il était
continué sur le nôtre, les chances deviendraient bien plus avantageuses, c’est
un cas parfaitement analogue à celui nous occupe. Mais, dit-on, vous auriez dû
avant tout négocier avec la Prusse. Eh ! croyez-vous donc, messieurs, que la
France aurait consenti de prime abord à une entreprise qui doit amener la ruine
de sa plus ancienne alliée ? Non certainement : que ce soit un fait consommé,
et le gouvernement prussien se hâtera d’en profiter ; mais, si on lui avait
demandé son concours avant d’avoir rien fait, il s’y serait refusé.
M. Jullien. - Je répondrai d’abord à ceux qui croient que ce
n’est pas le moment de s’occuper du chemin de fer d’Anvers et Cologne, qu’on
peut adresser toutes les questions et demander tous les renseignements que l’on
veut à un ministre, du moins pour ce qui a rapport à son département.
Je
pense aussi que le passage par Liége offrira peut-être des difficultés
insurmontables, à cause des accidents de terrain, tandis qu’il eût été bien
plus facile et moins coûteux par Sittard. Mais, dit-on, pourquoi vous
intéresser autant aux entrepreneurs ? Pourquoi, messieurs ? C’est que l’intérêt
des entrepreneurs touche à ceux de la nation elle-même ; car souvent il arrive
qu’ils font banqueroute, et c’est le gouvernement qui supporte les dommages.
Remarquez bien qu’il faudra autoriser des expropriations de terrains ; et par
qui devront-elles être payées si les entrepreneurs faillissent ? Par le
gouvernement. Vous voyez donc qu’il est utile de prendre en considération les
intérêts des entrepreneurs Mais il est une autre question bien plus grave selon
moi, c’est celle de savoir si le gouvernement a le droit de faire des concessions
à perpétuité. Je ne le pense pas.
L’orateur invoque
l’article 78 de la constitution, pour démontrer qu’une loi est nécessaire et
qu’il n’y en a pas qui permette au gouvernement de faire des concessions à
perpétuité.
M. H. de Brouckere. - La question du chemin de fer est de la plus haute
importance, et elle trouve parfaitement sa place ici ; car, quand
l’adjudication sera faite, il n’y aurait plus rien à faire. Les explications
qui viennent d’avoir lieu prouvent que M. le ministre n’a pas fait preuve de
prudence et de précaution en cette circonstance.
Comme M. Nothomb,
je me soucie fort peu des intérêts des adjudicataires ; mais ceux de la nation
m’importent beaucoup. Or, avant de commencer la route d’Anvers à Cologne, il
faut s’assurer des intentions de la Prusse. Sans cela qu’arrivera-t-il ? Le
gouvernement prussien dira qu’il aurait voulu telle autre direction.
Qu’a ajouté M. Nothomb ? Croyez-vous que le gouvernement prussien
continuera une route qui serait la ruine de son ancienne alliée ? Eh bien ! si
la Prusse ne la continuera pas, pourquoi la commencez-vous ? Qu’on fasse le
plan du passage par Sittard, et alors la chambre verra si elle doit vous
accorder son vote ; je dis son vote parce que je pense, comme M. Jullien, que
le gouvernement ne peut faire des concessions à perpétuité, sans une loi
spéciale rendue en vertu de la constitution.
M. Destouvelles fait remarquer qu’il faut veiller aux intérêts des
entrepreneurs en ce sens, que moins la route sera coûteuse, moins il y aura de
difficultés de terrains à surmonter, plus le droit de péage sera modique pour
les particuliers. Il insiste pour que l’on s’assure des intentions de la
Prusse, et, quand à la question constitutionnelle soulevée par M. Jullien, il
est tout à fait de son avis ; et il cite à l’appui l’article 113 de la
constitution, parce que le droit de péage lui semble une contribution sur les
particuliers, et qu’il faut une loi pour autoriser cette contribution.
M. Jamme. - Messieurs, je suis aussi d’opinion qu’avant
d’annoncer la mise en adjudication de la route, il convenait de s’être assuré des
intentions de la Prusse à l’égard de cette route, et surtout si cette puissance
consentira à modifier son tarif de transit, dont le maintien serait à lui seul
l’obstacle le plus insurmontable au succès de l’entreprise ; car, messieurs, de
la connaissance bien constatée des intentions de la Prusse ou d’une négociation
terminée au sujet de cette route avec cette puissance, il résultera des
conditions pour l’entreprise beaucoup plus favorables pour le commerce.
Je ferai néanmoins
observer qu’il ne m’est pas démontré que ce ne serait pas un avantage suffisant
pour déterminer la construction de cette route, lors même qu’elle viendrait se
terminer à la Meuse et de à se prolonger jusqu’à Liége.
On
a beaucoup parlé de la différence de dépenses qu’occasionnerait cette route
aboutissant à la Meuse près de Sittard ou près de Liége, comme si la différence
en moins pour aboutir près de Sittard devait seule amener la solution de la
question ; mais, messieurs, je pense que, sans être accusé de parler en faveur
des intérêts de la province que j’ai l’honneur de représenter, je puis
cependant faire remarquer que Liége est une des villes les plus populeuses du
royaume, qu’elle est placée au centre de la province la plus éminemment
industrieuse du pays, qu’elle est traversée par un fleuve qui communique avec
toutes les eaux de la Hollande, et dans les rivières affluentes établissement
des communications faciles avec quatre de nos provinces, le Luxembourg et la
France. Je pense, messieurs, que Liége, qui déjà tient un si beau rang parmi
les villes manufacturières de la Belgique par l’importance et l’universalité de
son industrie, mériterait bien quelques avantages, avantages qui, bien jugés,
devraient être considérés comme étant d’intérêt général.
Je borne à ce peu
de mots mes observations, me réservant de les développer en temps opportun.
M. Van Meenen pense aussi qu’il s’agit ici de créer une cause
majeure d’expropriation et une véritable contribution, ce qui sort des
attributions de l’administration ordinaire, et exige le concours de la
législature.
M. Nothomb soutient, en réponse à ce qui a été dit contre son
opinion, ou que les adjudicataires, si l’entreprise n’offre aucune chance, ne
se présenteront pas, et qu’alors la mesure prise par le ministre n’aura été
qu’une espèce de passe-temps administratif, ou qu’ils trouveront l’entreprise
avantageuse et se rendront adjudicataires à leurs risques et périls. Quant au
droit de péage sur les particuliers, l’intérêt étant le mobile des actions
humaines, il a l’assurance que les entrepreneurs le fixeront à un tel taux que
les citoyens y trouveront de l’avantage.
On
a trouvé étonnant, ajoute-t-il, que j’aie dit que le gouvernement prussien ne
donnerait pas de prime abord son assentiment. Mais cela se conçoit
parfaitement, messieurs ; car il faut une bien plus grande énergie d’esprit
pour se décider sur un fait encore à consommer que sur un fait déjà consommé.
Je persiste à croire que le gouvernement prussien, qui éprouve peut-être, en ce
moment, quelques répugnances en considération de son alliée, ne les éprouvera
plus quand le fait sera consommé, et il voudra en profiter en faveur des
provinces rhénanes, pour lesquelles il a montré tant de sollicitude pendant
tant d’autres.
M. Barthélemy trouve qu’il y a cinq raisons pour ne pas procéder à
l’adjudication. (On rit.) La première
et la plus importante de toutes, c’est que la loi de 1810 exige un décret
délibéré en conseil d’Etat pour les expropriations, et qu’il n’existe plus de
conseil d’Etat en Belgique ; la deuxième, que la route passant par Liége
coûterait plus cher à construire que le canal de Charleroy ; la troisième, que
l’on ne saurait la commencer sans être d’accord auparavant avec la Prusse ; et
les deux autres, que le ministre commettrait une double inconstitutionnalité,
ainsi qu’on vient de le dire.
M. Jullien. - Je répondrai à l’honorable M. Nothomb que les
passe-temps administratifs coûtent trop cher pour qu’on s’en donne souvent le
plaisir. Le marché Hambrouk a été aussi un passe-temps administratif, et nous
devons veiller à ce que l’on n’en fasse point de semblable. (L’orateur,
s’appuyant de l’article 41 du cahier des charges, où il est dit que les
concessionnaires percevront à perpétuité un droit de péage sur les marchandises
et les particuliers, soutient qu’une telle concession ne peut être accordée que
par une loi.)
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J’aurai l’honneur de répéter à la chambre que la
question de savoir si la route passerait par Sittard a été mûrement examinée
par l’administration, et qu’il en est résulté la conviction qu’il y avait plus
d’avantage à la faire passer entièrement sur le territoire belge. Je ne crains
pas d’ajouter que le gouvernement prussien partage cette opinion, et qu’il
préférera voir aller le chemin directement d’Anvers à Cologne, sans toucher au
territoire hollandais.
M. Leclercq. - L’honorable M. Jullien a soulevé une question
extrêmement grave en ce qu’elle se rattache à la constitution. Il vous a dit
que le tarif de péage était une contribution qui ne pouvait être créé qu’en
vertu d’une loi, et sans loi, il est impossible de procéder à l’adjudication.
Or le ministre n’a rien répondu sur ce point, et il est pourtant nécessaire
qu’il s’explique catégoriquement car, sans cela, je déclare que pour ma part je
me verrais forcé de lui refuser son budget.
L’orateur
s’attache ensuite à prouver par de nouvelles observations
l’inconstitutionnalité signalée par M. Jullien.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Si on pense qu’il est besoin d’un projet de loi, je
ferai observer que la chambre ayant l’initiative, il dépend de chacun de ses
membres d’en présenter un, s’il le juge à propos, pour interpréter la
constitution. Quant à moi, je ne crois pas qu’une loi soit nécessaire pour que
le gouvernement puisse concéder un droit de péage. J’ajouterai, du reste, que
la discussion actuelle est tout à fait imprévue pour moi, et par conséquent je
ne m’y étais pas préparé.
M. Pirson. - Le projet de M. le ministre de l'intérieur tranche
sur ce que le roi des Pays-Bas a jamais fait de plus odieux, car jamais il ne
s’est imaginé qu’il pouvait aliéner à sa volonté une partie du territoire, et
établir une contribution sans une autorisation de la législature. L’orateur
annonce que si personne ne présente de projet de loi à cet égard, il en
présentera un.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je répondrai à l’honorable M. Pirson que sous le
gouvernement précédent, plusieurs concessions avec droit de péage ont été
faites par simple arrêté.
M. Leclercq. - Ce n’est pas un antécédent dont on puisse
s’autoriser ; car telle chose a pu être permise à l’ancien gouvernement, qui
serait totalement contraire à l’esprit de la constitution.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Aussi, n’est-ce pas comme antécédent que je cite
ces faits, mais seulement pour répondre à l’allégation mal fondée de M. Pirson.
M.
Lebeau.
- Je crois qu’il est indispensable de mener cette question à un solution ; car
si le ministre persiste dans son opinion qu’il peut procéder à l’adjudication
sans le concours de la législature, alors que plusieurs membres sont d’avis de
refuser son budget pour ce motif, il est nécessaire dans son intérêt, et aussi
dans l’intérêt de tous, de prendre une décision. Je crois qu’il y aurait un
terme moyen : ce serait, puisque M. le ministre de l'intérieur est prévenu que
M. Pirson doit présenter un projet de loi, qu’il nous déclarât qui surseoira à
la concession définitive jusqu’à ce que le sort de ce budget soit fixé. Sans
cela, je me verrai aussi forcé de refuser son budget. (Appuyé ! appuyé !)
M. Pirson
déclare se rallier à cette proposition de M. Lebeau.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux).
- Ce que dit M. Lebeau ne s’éloigne pas de ce que j’ai eu l’honneur de dire
moi-même : seulement, si une proposition est faite, je désire qu’elle soit
discutée le plus tôt possible.
M. Destouvelles et M. Gendebien
insistent pour avoir une explication de M. le ministre de l'intérieur.
M. Fallon et M. Osy déclarent
également qu’ils voteront contre le budget, si le ministre ne fait pas une
déclaration positive.
M. Devaux pense que cette déclaration ne servirait à rien,
puisque M. le ministre, comme on l’a dit hier, ne serait aucune ment lié, et
que d’ailleurs il pourrait être remplacé.
M. Leclercq et M. Ch. de Brouckere insistent pour obtenir du
ministre la déclaration dont il s’agit.
M. Lardinois. - Je ferai remarquer que M. le ministre de
l'intérieur a déjà accordé des concessions avec droit de péage, et entre autres
le pont de Verviers et le chemin d’Audimont.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Les faits cités par le préopinant sont exacts, et
je lui ferai observer que c’est lui-même qui a sollicité ces concessions ; du reste,
je le répète, le moyen de sortir de cette discussion, c’est de présenter un
projet de loi interprétatif de la constitution, et je désire qu’il soit discuté
le plus tôt possible.
M. Milcamps. - Il me paraît que dans cette discussion nous ne
procédons pas régulièrement. Le gouvernement demande un crédit de 6,000 florins
pour faire les frais des plans et devis d’une route en fer. Nous avons avis que
la construction de cette route va être mise en adjudication, et que les conditions
stipulent des péages. On dit au ministre : C’est inconstitutionnel ; nous
refuserons le budget, si vous ne déclarez pas que vous ne procéderez à
l’adjudication qu’en vertu d’une loi. Le ministre dit qu’il n’est point préparé
à répondre à une question d’une si haute importance ; que, dans son opinion,
ces sortes de péages peuvent être établis sans une loi. On insiste, et on lui
demande e se prononcer. Mais, messieurs, il me semble que ce n’est pas ici le
cas ni de refuser le budget (je n’ai pas besoin de vous faire sentir les
conséquences du refus d’un budget), ni d’insister ; je pense aussi que les
péages ne peuvent être établis qu’en vertu de la loi. J’ai déjà eu occasion de
m’expliquer à cet égard, en invoquant les usages de l’Angleterre, et je suis
porté à penser que d’après cette discussion le ministre n’y procédera pas. S’il
y procédait, et que vous regardassiez la stipulation des péages comme
inconstitutionnelle, il vous resterait à accuser les ministres. C’est là,
messieurs, le droit que vous devriez exercer et non celui du refus des
subsides.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Si l’on pense qu’il est besoin d’un projet
interprétatif, j’aurai l’honneur d’en présenter un à la chambre.
M. Gendebien. - Mais nous n’avons pas le droit d’interpréter la
constitution.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Les uns prétendent que la constitution s’oppose aux
concessions, les autres soutiennent le contraire ; il faut nécessairement qu’un
projet de loi tranche le différend. Si l’on pense qu’un tel projet est
inconstitutionnel, il sera rejeté ; dans le cas contraire, on l’adoptera et
tout sera dit.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
-Après avoir lu la constitution, je doute beaucoup qu’on puisse astreindre le
gouvernement à n’agir comme il l’a fait qu’en vertu d’une loi. Tout ce qu’on
peut exiger du ministre, c’est la déclaration qu’il a faite que la concession
ne serait pas accordée avant la solution de la question constitutionnelle qui
vient d’être soulevée aujourd’hui.
Plusieurs membres. - Mais il ne l’a pas dit.
M. le ministre
des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Pardon, il le dit maintenant.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) incline la tête en signe d’assentiment.
M. Osy. - Je demande que cette déclaration soit mentionnée au
procès-verbal.
De toutes parts. - Non ! non ! il faut s’en rapporter à la loyauté de
M. le ministre.
- La discussion
sur cet incident est close.
Article
premier
On passe à celle de
l’article premier, s’élevant à 481,161 fl., pour l’entretien des routes, ponts
et chaussées.
M.
Fallon. - Messieurs, avant de s’occuper du chiffre nécessaire
au crédit pour l’entretien et la réparation des routes, il est indispensable de
s’entendre d’abord sur les véritables besoins auxquels il importe de pourvoir,
et sur les obligations que l’Etat doit remplir dans cette branche
d’administration.
Les routes sur
lesquelles le gouvernement perçoit le produit des barrières, doivent être
entretenues et réparées aux frais du trésor.
Ce principe n’est
évidemment pas susceptible de controverse, puisqu’il dérive de cette règle
invariable de justice, que celui qui perçoit les fruits de la chose doit
naturellement pourvoir aux frais de sa conservation.
Cependant le
gouvernement hollandais, fertile en expédients, avait trouvé le moyen de dévier
à ce principe à son profit, en imposant à certaines localités, par simple
arrêté, l’obligation d’entretenir la chose, tandis qu’il en percevait le produit.
Je veux parler,
messieurs, des arrêtés de Guillaume, qui, tout en conservant à sa disposition
le produit des barrières sur les traverses des routes dans les villes, était
parvenu, au moyen d’une véritable déception, à charger ces villes de l’entretien
et de la réparation de ces traverses, sans aucune indemnité.
L’article 10 d’un
premier arrêté du 17 décembre 1819 était ainsi conçu :
« La partie
des grandes routes traversant les différentes villes du royaume, ainsi que les
ponts y situés, seront entretenus par lesdites villes, lesquelles auront la
faculté d’établir des péages à l’entrée de leurs communes, à l’effet de
percevoir les fonds nécessaires. (…) A cet effet, le placement des barrières
actuelles sera changé tel qu’il sera jugé utile, après que les régences des
villes auront été entendues. »
Au premier aperçu,
cette disposition semblait raisonnable ; mais elle n’en était pas moins
irréfléchie et inexécutable, et dès lors on pouvait déjà présager qu’elle
masquait une tout autre conception.
Mettre à la charge
des villes, sans distinction des localités, l’entretien des traverses et des
ponts, c’était une absurdité, notamment en ce qui regardait la ville de Namur
qui, à coup sûr, n’eût pu, même au moyen de péages, pourvoir à la conservation
des ponts qui traversent la Sambre et la Meuse. C’était d’ailleurs multiplier
les péages à l’infini et prendre une mesure inexécutable pour le moment,
puisqu’alors les barrières, étant affermées, ne pouvaient être déplacées
pendant toute la durée des baux.
J’ignore ce qui se
passa ailleurs, mais je sais que, lorsque MM. les ingénieurs s’opiniâtrèrent à
réclamer à la charge de la ville de Namur le paiement de son contingent dans
les entretiens et réparations des traverses, cette ville leur opposa avec
raison qu’il fallait d’abord reculer à distance légale les barrières du
gouvernement qui étaient presque aux portes de la ville, et qu’il fallait avant
tout établir les nouveaux péages, ce qui ne pouvait se faire que sur un tarif
qu’il fallait commencer par octroyer.
Cette objection
était sans réplique, et elle arrivait sans doute dans un bon moment, car un
arrêté déchargea la ville de l’entretien qui avait été exécuté, en la chargeant
seulement de soumettre à l’approbation royale, et sans plus de retard, son
projet de tarif de péages.
L’administration
de la ville, qui n’était pas encore alors familiarisée avec les déceptions
hollandaises, s’empressa tout bonnement d’envoyer ce tarif.
Savez-vous,
messieurs, ce qui en advint ?
On lui envoya,
pour toute réponse, un nouvel arrêté du 25 décembre 1823, par lequel Sa
Majesté, considérant que les villes jouissaient de grandes communications,
avait trouvé bon de modifier son arrêté précédent du 17 décembre 1819, et de
charger les villes d’entretenir les traverses sur les fonds communaux sans
indemnités.
Cette nouvelle
mesure était révoltante.
En effet, si les
villes jouissaient de ces grandes communications, il en était de même de toutes
les communes agglomérées sur les routes, et dès lors la mesure, pour être
juste, devait être au moins générale.
Si les villes
jouissaient de ces grandes communications, le service de l’Etat, l’industrie,
le commerce et la généralité des habitants du royaume n’en jouissaient pas
moins, et par conséquent la dépense ne pouvait être exclusivement en en
totalité à la charge des villes.
Enfin, si dans
tous les cas, les villes devaient se charger de la dépense, le gouvernement
devait tout au moins s’abstenir de percevoir, par une véritable exaction, le
droit de barrière sur ces traverses, et prendre pour point de départ le
placement de ses barrières, non le centre, mais la limite de la commune.
Cependant il n’en
fut rien. Les barrières restèrent à leur place ; le gouvernement continua à
percevoir le produit des traverses et les villes durent se courber sous le
joug, parce qu’à défaut par elles de s’exécuter de bonne ou de mauvaise grâce,
les ingénieurs étaient là pour faire exécuter d’office, comme les gouverneurs
étaient également là pour faire porter d’office les dépenses aux budgets
communaux.
Les choses étaient
dans cet état lors des événements de septembre 1830. Je pensais que notre
révolution avait balayé du sol de la Belgique tous ces arrêtés exceptionnels et
arbitraires ; mais je me trompais, puisque je viens d’apprendre que notre
ministère roule encore dans la même ornière.
Le ministre de
l’intérieur ne doit pas ignorer cependant que nous ne sommes plus dans la même
situation, et que s’il s’opiniâtre à vouloir rouler de la sorte, il ne tardera
pas à verser.
Je l’ai déjà dit,
on finit par se révolter contre ce que l’on croit injuste, et on a beau jeu de
se rendre justice à soi-même, lorsque, pour cela faire, il suffit d’employer la
force d’inertie.
Or, si (comme cela
ne peut pas manquer d’arriver dans quelque localité, et j’en ai l’assurance)
certaines villes n’entretiennent plus les traverses, que fera-t-il ?... Il
commencera sans doute par mettre sa responsabilité à couvert, et, pour ne pas
laisser interrompre les communications, il fera exécuter les réparations
d’office.
Il poursuivra ensuite
le remboursement des dépenses à la charge des administrations locales. Pour
cela faire, deux voies lui seront ouvertes, la voie administrative et la voie
judiciaire ; mais il n’obtiendra pas plus de sursis d’un côté que de l’autre.
Administrativement,
on le repoussera en lui disant : Commencez par reculer vos barrières, et ne
prenez pas pour point de départ de la perception le centre, mais la limite de
la commune, ou bien faites-nous compte de ce que vous percevez dans l’intérieur
de cette commune. On pourrait même se borner à lui faire observer qu’à défaut
d’une loi spéciale, la constitution lui dénie le droit et le moyen de faire
porter d’office la dépense au budget communal.
Judiciairement, on
ne se donnera pas même la peine d’examiner le mérité de l’arrêté du 25 décembre
1823 ; on se bornera à lui répondre que cet arrêté n’est pas une loi ; qu’il
n’a pu imposer d’obligation valable aux communes ; et cet argument sera sans
réplique.
D’un
autre côté, si même le ministère avait les moyens de forcer l’exécution
ultérieure de cet arrêté, il devrait, dans l’intérêt d’une bonne
administration, ne pas laisser soulever toutes ces difficultés, car il ne doit
pas ignorer que ce qui est fait de mauvaise grâce est ordinairement mal fait,
et qu’en faisant l’entretien des traverses à la charge de certaines villes qui
n’ont pas les ressources suffisantes pour subvenir à tous leurs besoins, ces
traverses seront toujours fort mal entretenues ; et c’est précisément ce qui a
lieu en ce moment dans la ville de Namur, que l’on ne pourra bientôt plus
traverser sans danger.
Dans
cet état de choses, j’ai besoin de savoir, pour déterminer mon vote, si le
crédit demandé sera employé à l’entretien des routes, sans en excepter les
traverses ; et je prie, en conséquence, M. le ministre de faire connaitre ses
intentions sur ce point.
M. Tiecken van
Terhove demande si
l’arrêté qui met l’entretien des grandes routes de traverse à la charge des
villes est encore en vigueur.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je conviens, messieurs, qu’il y aurait lieu de la
part de l’administration de concourir pour certaine somme à l’entretien des routes
de traverse ; il s’agit de savoir si la chambre veut voter la majoration
nécessaire à cet effet.
M.
Fallon. - Le gouvernement perçoit un droit de traverse ; il me
semble qu’il est de toute justice que l’entretien soit mis à sa charge.
M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) fait observer que dorénavant les provinces percevront
le droit des routes de deuxième classe.
M.
Nothomb propose comme
intermédiaire entre la législation précédente à 1825, qui mettait cet entretien
à la charge du gouvernement, et l’arrêté de 1825 qui l’a mis à la charge des
villes, de consacrer en principe qu’un tiers sera supporté par les villes, et
les deux autres tiers par l’Etat.
Après une légère
discussion et sur la motion de M. d’Huart,
la proposition de M. Fallon est ajournée jusqu’à la discussion de la loi sur
les barrières.
M.
Fallon propose une majoration pour
parer à cette dépense.
M. le président se dispose à mettre aux voix le chiffre de 481,161 fl.
M. Tiecken van
Terhove.- J’appellerai un
moment l’attention de M. le ministre sur les ponts à bascule. Ces ponts ont été
établis dans la vue de conserver les routes, et par leur moyen constater et
empêcher les surcharges, qui causent leurs dégradations ; mais, au lieu d’atteindre
ce but, ces ponts sont devenus, dans les mains de la plupart des basculeurs, un
véritable instrument de vexation et un moyen scandaleux pour extorquer de
l’argent aux charretiers et fermiers ; pas un charretier ne passe avec sa
charge sans être mis à contribution. S’il la paie bénévolement, il passe telle
sorte que puisse être la surcharge ; s’il est récalcitrant, et qu’il ne veut
pas se soumettre aux exigences des basculeurs, vite on le fait monter sur la
bascule, et, malgré que le charretier est assuré que sa charge ne dépasse pas
le poids voulu, on le chicane, on le vexe, on le menace de procès-verbaux, et
si on ne parvient à lui extorquer de l’argent tout au
moins, on l’arrête, on le retarde dans sa course et on lui fait perdre ainsi un
temps précieux. Ce que je dis est l’exacte vérité. Maints charretiers de
profession, maints fermiers m’ont fait souvent des plaintes. Vous voyez qu’au
moyen de ces ponts on n’atteint pas le but qu’on se propose. Ces ponts coûtent
à l’Etat pour leur entretien et le salaire des basculeurs, et l’Etat n’en
retire aucun avantage ; les basculeurs seuls les exploitent à leur profit. Il
serait temps qu’on fît cesser cet abus scandaleux et qu’on avisât au moyen de
substituer aux pont à bascule un régime qui obtiendrait les
résultats qu’on se propose, sans être en même temps un instrument de vexation
et d’extorsion. Je recommande cet objet à l’attention à l’attention de M. le
ministre, parce que l’abus qu’on en fait est très préjudiciable à l’Etat, aussi
bien qu’aux charretiers et fermiers.
M. Leclercq
propose une réduction de 16,400 fl. pour les travaux qui ne sont pas
nécessaires cette année, c’est-à-dire le redressement de la route de Gand, dont
il ne conteste pas d’ailleurs l’utilité.
M. Delehaye s’oppose à cette réduction, par le motif que la ville
de Gand à le plus grand besoin de ce redressement, et que si l’on ajournait les
travaux à l’année prochaine, ils coûteraient une somme beaucoup plus
considérable.
M. Leclercq
retire son amendement.
M. Verdussen
demande la parole pour une motion d’ordre. Il fait remarquer qu’il est
impossible de terminer aujourd’hui le budget, pour voter sur l’ensemble
mercredi prochain, et il propose en conséquence de voter de nouveaux crédits
provisoires. (Non ! non !), à moins
que M. le ministre de l'intérieur ne déclare que celui qu’on lui a accordé lui
suffira.
M. Leclercq et M. H. de Brouckere font observer qu’il n’y a pas nécessité pour la
chambre de se séparer mercredi prochain.
M. Tiecken de Terhove propose de fixer deux séances par jour, l’une de 10
heures du matin à 2 heures après-midi, et l’autre de 6 à 9 heures.
M. d’Elhoungne s’y oppose et dit qu’il faut au moins avoir le temps, après avoir vaqué
à ses affaires, et avoir terminé les travaux de la séance de respirer le grand
air. (On rit.)
Après
un léger débat, la proposition de M. Tiecken de Terhove est adoptée après une
double épreuve.
On
continue la discussion de l’article premier.
M.
Fallon, après s’être plaint de l’injustice
commise envers les provinces en leur enlevant les routes, propose un amendement
qui précéderait l’article premier, et qui tendrait à porter au budget une somme
de 500,000 fl. pour expropriation de routes dont les provinces étaient en
possession.
M. Milcamps. - Messieurs, un honorable membre de cette assemblée,
M. Fallon, a proposé au chapitre III, article 2, du budget de 1832, un
amendement ayant pour objet d’allouer une somme de 500,000 fl. à titre
d’indemnités, pour expropriation des routes dont l’Etat est en possession.
Je viens appuyer
cet amendement si, comme je le suppose, le but de son auteur est de destiner
cette somme à payer les intérêts à échoir des capitaux levés par les villes ou
communes pour la construction des routes.
Voici mes motifs :
Par octroi du 2
août 1751 et 31 octobre 1764, la ville de Nivelles a été autorisée à construire
différentes bras de chaussées et à emprunter, à cet effet, les capitaux
nécessaires.
Ces octobres
contiennent deux clauses remarquables :
L’article premier
porte autorisation « de lever successivement, et à mesure qu’il sera
nécessaire, les argents dont la ville aura besoin pour ces constructions, au
moindre intérêt qu’il se pourra, en rentes viagères ou héritables, sur le pied
personnel ou réel, déclarant que l’enregistrement de ces rentes au registre des
rentes de la ville, tiendra lieu de réalisation à l’égard de celle qu’on voudra
avoir réelles. »
L’article 26 porte
: « Le gouvernement autrichien se retient le pouvoir d’unir lesdites
chaussées à ses domaines, parmi (ce qui signifie ici moyennant) remboursement à
ladite ville des capitaux à lever, et d’acquitter les charges à son
indemnité. »
En suite de ces
octrois, le magistrat a fait construire des bras de chaussées, savoir : de
Nivelles à Mont-St-Jean, de Nivelles à Brai, près de Binche, et de Nivelles à
Quatre-Bras. »
Pour ces
constructions, la ville a employé de ses deniers une somme de 75,054 fl., et
elle a levé sur particuliers des capitaux pour lesquels elle a consenti des
rentes annuelles et perpétuelles jusqu’à concurrence de 7 à 8,000 fl., et des
rentes viagères jusqu’à concurrence à peu près de la même somme, qu’elle a
hypothéquées non seulement sur les chaussées, mais sur ses biens ordinaires.
Les actes de
constitution de ces rentes reposent dans deux registres qui se trouvent aux
archives de la régence.
Le produit des
barrières a constamment été employé à l’entretien des chaussées et à
l’acquittement des charges ; mais, ce produit étant insuffisant, elle devait y suppléer
au moyen de ses revenus ordinaires qui étaient l’objet d’une comptabilité
séparée. Pendant tout le temps que la ville de Nivelles a été en possession de
ces routes, elle a payé exactement les canons des rentes.
En 1795, le
gouvernement français a réuni ces bras de chaussée au domaine de l’Etat. Dès ce
moment la ville a cessé de posséder et administrer ces parties de route, mais
aussi dès ce moment elle a cessé de payer les rentes hypothéquées sur ces
parties de route.
Des octrois et des
actes de constitution de rentes, il résulte que les crédirentiers avaient, tant
contre la ville que contre le gouvernement, pour se faire payer, non seulement
une action personnelle, mais aussi une action réelle. Vous me pardonnerez,
messieurs, ce langage qui tient plutôt du genre judiciaire que du genre
délibératif ; car enfin, il s’agit ici de questions de droit.
Mais il ne suffit
pas d’avoir l’action, il faut pouvoir l’exercer, et le mode d’exercice de
l’action doit résulter de la loi.
Les lois
françaises de l’époque (1795) déclarèrent à la charge de la nation les dettes
des communes à cause de l’abandon de leurs biens ; mais ces lois n’étaient pas
encore publiées en Belgique ; elles ne le furent que par la loi du 5 prairial
an VI (1798). Je m’abstiens d’en rappeler les dispositions, et me borne à
renvoyer aux questions de droit de Merlin au mot « dettes des
communes, » où l’on trouve un arrêt de la cour de cassation de France à
cet égard, rendue le 4 fructidor, au profit de la commune de Theux, province de
Liége, lequel casse et annuel le jugement du tribunal d’appel du département de
Sambre-et-Meuse du 22 prairial an VII.
Ainsi, en l’an
VII, les créanciers des communes n’avaient d’autre moyen que de faire liquider
leurs créances par l’Etat.
Un arrêté du
gouvernement français, du 9 thermidor an XI, a voulu, article 4, que « les
communes des neuf départements réunis conservassent tous leurs biens, » à
la charge de payer leurs dettes.
Cette disposition,
quant aux créanciers des rentes affectées sur les chaussées, ne résolvait pas
explicitement la question, puisqu’on ne restituait pas des routes aux villes ou
communes.
Vous connaissez le
décret du 21 août 1810, relatif à la liquidation des dettes des communes.
La plupart des
créanciers s’étaient adressés et continuaient à s’adresser au gouvernement
français, soit pour être liquidés de leurs créances à charge de l’Etat, soit
pour en être payés par les villes et communes. Le gouvernement prenait l’avis
des administrations. Celle de Nivelles répondait que les créances, d’après
l’article 26 des octrois, étaient une charge du pays ; qu’en contractant, les
créanciers avaient eu connaissance de ces octrois ; elle invoquait, puisque
l’Etat retenait la possession et la jouissance des routes, la règle que celui
qui jouit des avantages d’une chose doit en supporter les charges. Que faisait
alors le gouvernement ? Ou il ne répondait pas aux créanciers, ou il leur
donnait l’espérance qu’on s’occuperait de cet objet.
Advint le traité
de Paris du 30 mai 1814, portant : « Art. 21. Les dettes spécialement
hypothéquées dans leur origine sur les pays qui cessent d’appartenir à la
France, ou contractés pour leur administration intérieure, resteront à la
charge de ces mêmes pays. » Je le cite à cause du principe général qu’il
établit.
Vous pressentez
bien, messieurs, qu’après la séparation de la France des provinces belges, et
leur réunion à la Hollande, les créanciers des rentes affectées sur les
chaussées s’adressèrent au gouvernement du ci-devant royaume des Pays-Bas, à
l’effet d’être liquidés de leurs créances à charge de l’Etat, ou d’être payés
par les villes ou les communes ; mais les mêmes difficultés qui s’étaient
élevées sous le gouvernement français, se renouvelèrent, avec cette différence
pourtant que, à ce qu’il paraît, quelques villes, Namur et Bruxelles entre
autres, payèrent les intérêts des capitaux levés pour la construction des
rentes affectées sur les chaussées, tandis que la ville, qui ne s’y croyait pas
obligée, et qui d’ailleurs manquait de ressources, n’en fit rien.
Il n’est pas à ma
connaissance qu’il ait été pris, sous le gouvernement précédent, des
dispositions législatives formelles pour déterminer si les créances qui nous
occupent sont une charge de l’Etat ou des communes ; mais les arrêtés
particuliers, cités dans le discours de l’auteur de l’amendement, prouvent que
le gouvernement n’osait nier le principe que ces sortes de créances sont une
charge de l’Etat.
Cependant,
messieurs, depuis 1795, et ainsi depuis 37 ans, les créanciers des rentes
affectées sur les chaussées construites par la ville de Nivelles n’ont plus été
payés. Sous les régimes précédents, cette ville n’a été l’objet d’aucune action
judiciaire ; et avant-hier, j’ai reçu l’avis qu’elle était assignée devant le
tribunal de Nivelles, à la requête du sieur Takoon de Mons, en paiement d’un
rente annuelle affectées sur les chaussées. Devant l’autorité judiciaire
s’élèvera la question si la ville est, malgré les lois intervenues depuis la
constitution de la rente, demeurée obligée ex contracta. Si l’affirmative était
décidée, que de nombreux procès surgiraient !
Je m’émettrai pas,
ainsi que je me le proposais, d’opinion sur la question, par cela seul qu’elle
est soulevée devant les tribunaux. Mais je crois en avoir dit assez pour
provoquer un acte de justice nationale. J’ajouterai que, parmi ces créanciers,
il est des misères qu’il faut se presser de soulager. J’en connais que le refus
du paiement des rentes a mis à l’aumône ; oui, messieurs, à l’aumône, et c’est
particulièrement dans l’intérêt de cette classe que je désirerais voir
introduire dans le budget de cette année un crédit destiné à payer les intérêts
des rentes affectées sur les chaussées.
L’honorable
membre propose par amendement la même somme que M. Fallon pour intérêts de
routes à achever sur les chaussées, à payer au fut et à mesure de leur
liquidation.
M.
Nothomb fait remarquer
que ces deux amendements ne sont que le renouvellement de la proposition de M. Barthélemy
et qu’avant d’accorder des indemnités, il faut décider si l’on adoptera le
principe de l’indemnité. En conséquence, il demande la question préalable.
- Après une longue
discussion sur la question préalable, on demande de toutes parts la clôture.
M. Milcamps demande la parole contre la clôture et se plaint avec
vivacité de ce qu’on ne veuille pas entendre les orateurs quand il s’agit de
l’intérêt du peuple. Comme il rentre dans le fond de la question, il est
interrompu par les cris « aux voix ! »
- La clôture est
prononcée.
La chambre,
consultée sur les deux amendements, les ajourne jusqu’à la proposition de M.
Barthélemy.
Le chiffre proposé
par le gouvernement est adopté.
Article
2
« Art. 2.
Traitement des ingénieurs et contrôleurs : fl. 105,800. »
La section
centrale propose de n’allouer que 95,000 fl.
M. Barthélemy propose de réduire l’allocation à 50,000.
M. Brabant appuie
l’allocation demandée par la section centrale, et comparant l’état de choses
actuel de la Belgique avec ce qui existait sous le gouvernement français, il la
trouve encore de 51,000 fr. plus forte, proportion gardée. En conséquence, il
vote pour l’adoption de cette allocation.
La discussion est
remise à demain 10 heures.
La séance est
levée à 4 heures 1/2.