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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 3 avril
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition de loi relative au transit des
farines et des grains (proposition Osy) (Osy, Leclercq, Lebeau, Osy,
de Muelaenaere, Dumortier,
Barthélemy, d’Elhoungne)
3) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département des finances). Frais de bureau et
d’impression (de Muelenaere, Dumortier,
Lebeau, Delehaye, de Muelenaere, Duvivier, d’Elhoungne, Barthélemy),
entretien des locaux (Osy), indemnisation des employés des
territoires cédés par le traité des 24 articles (Osy, Dumortier, Coghen, Delehaye, d’Elhoungne, Destouvelles, Gendebien, Coghen, Barthélemy),
administration de la monnaie (Coghen), traitements du
personnel dans les provinces (Osy, Coghen,
Dumortier, d’Elhoungne, Dumortier), société générale et caissier de l’Etat (d’Elhoungne, Osy, Coghen,
H. Vilain XIIII)
(Moniteur belge n°96, du 5 avril 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à une heure.
Après l’appel
nominal, M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; il est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Lebègue
analyse ensuite quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
PROPOSITION DE LOI RELATIVE AU TRANSIT DES FARINES ET DES GRAINS
(PROPOSITION OSY)
Les sections ayant
autorisé la lecture d’une proposition de M. Osy, il est appelé à la tribune
pour faire cette lecture.
La proposition est
ainsi conçue :
« Léopold, Roi
des Belges,
« A tous
présents et à venir :
« Considérant
que les circonstances qui ont motivé l’arrêté du gouvernement provisoire en
date du 21 octobre 1830 ont cessé d’exister ;
« Considérant
qu’il est de l’intérêt de la Belgique d’encourager autant que possible le
transit par son territoire de toutes espèces de marchandises,
« Nous avons,
d’un commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui suit :
« Art. 1er.
Les dispositions relatives au transit des grains et farines, de l’arrêté du
gouvernement provisoire en date du 21 octobre 1830, sont abrogées par la
présente loi à dater du jour de sa promulgation.
« Art. 2.
Notre ministre des finances est chargé, etc. »
M. Osy demande la
permission à la chambre de développer immédiatement cette proposition ; elle
lui est accordée.
M. Osy. - Messieurs, vous vous rappellerez que c’est au
commencement de la révolution, à la suite des désordres qui eurent lieu dans le
Hainaut, que le gouvernement provisoire défendit, par son arrêté du 21 octobre
1830, l’exportation des grains et des farines, de même que le transit. Les
graves événements qui ont agité le pays depuis 18 mois ne nous ont pas permis
de nous occuper beaucoup des intérêts matériels, et nos négociants étaient si
découragés qu’ils ne songeaient guère à faire de nouvelles entreprises ; mais
dans l’espoir que bientôt le sort de la Belgique sera assuré, c’est notre
devoir de relever notre commerce, industrie et agriculture, et celui du
gouvernement, de s’en occuper sans relâche, et j’espère qu’avant la fin de
l’année, il nous communiquera ses vues pour savoir quelle route il voudra
suivre. J’aurais désiré que depuis longtemps il eût examiné s’il convient encore,
dans les circonstances actuelles, de maintenir toutes les dispositions du 21
octobre ; et, en attendant que nous le lui recommandions de la manière la plus
particulière, je vous dirai, messieurs, que je crois qu’un pays situé comme la
Belgique doit affranchir le commerce des grains, et dans les temps ordinaires,
permettre toujours la libre sortie des grains, sauf à maintenir un petit droit
pour les grains étrangers à la consommation, pour encourager l’agriculture ;
mais, dans aucune circonstance, il ne faut défendre le commerce du transit, ou,
pour mieux dire, celui de l’entrepôt. Situés au centre de l’Europe, les ports
d’Anvers et d’Ostende doivent être, à la longue, les greniers de réserve d’une
partie de l’Europe, et le gouvernement ne peut donc assez encourager ces
affaires. Mais, pour y parvenir, le commerce doit savoir avant tout si c’est
bien là l’opinion du gouvernement et du pays ; car le commerce ne peut vivre
que de stabilité, et, sans la confiance et la certitude qu’il ne sera pas
exposé à des changements de système, on ne pourra pas se remettre franchement
aux affaires, et nos voisins s’empresseront de profiter de toutes nos fautes.
Ne perdez pas de vue que Rotterdam va devenir une grande rivale d’Anvers, et,
quoique avant la révolution elle ne pouvait pas suivre notre prospérité, elle
aura soin aujourd’hui de nous imiter, de travailler avec plus d’économie et
d’activité, et les maisons anversoises qui y sont déjà établies la mettront à
même de regagner une grande partie des affaires qu’Anvers avait su attirer, et
qui augmentait si considérablement depuis 15 ans. Pour arrêter donc les
émigrations, et pour gagner au moins une partie de notre ancienne prospérité,
nous ne pouvons assez répéter au gouvernement qu’il n’y a pas de temps à perdre
pour s’occuper des intérêts matériels.
Je ne veux donc
aujourd’hui faire de propositions pour abroger toutes ces dispositions de
l’arrêté du 21 octobre 1830, et j’en laisse le soin au gouvernement, en
considérant les événements politiques, s’il n’y a pas d’inconvénients, dès
cette année, d’introduire et d’affranchir le commerce de grains de toutes
entraves ; mais je me borne à vous proposer de permettre le transit des grains
en entrepôt, qu’ils pourront toujours exporter sans entraves ; et c’est le
rapport du gouvernement français, en présentant la loi des céréales, qui aurait
dû faire ouvrir les yeux à nos ministres, qu’il était temps de revoir l’arrêté
du 21 octobre ; mais, comme il paraît qu’on n’y pense pas, je suis obligé de
prendre l’initiative, et j’espère que ma proposition sera promptement
accueillie par vous, messieurs, et que vous voudrez déclarer qu’il y a urgence
de s’en occuper. Je désire donc que, sans perdre de temps, vous déclariez que
vous la prenez en considération, et que vous permettiez qu’elle soit renvoyée à
une commission pour vous en faire rapport, et que même, avant la fin des
discussion sur tous les budgets, vous fixiez un jour pour discuter mon projet
de loi, qui est vraiment urgent, pour permettre à nos négociants d’attirer les
consignations des arrivages.
Le gouvernement
français a annoncé que les récoltes médiocres des années 1830 et 1831
obligeaient de proposer des changements à la loi des céréales, d’autant plus
qu’il n’y a plus dans tous les entrepôts de France que 300,000 quintaux
métriques, soit la consommation de 2 ou 3 jours. Si donc l’arrêté du 21 octobre
n’avait pas existé pour défendre le transit, nous aurions aujourd’hui dans les
entrepôts du pays de quoi fournir les premiers arrivages de la Baltique et de
la mer Noire. Les entrepôts de l’Angleterre et de la Hollande feront les
premiers envois. Nos négociants doivent rester les bras croisés ou envoyer ce
qu’ils attendent dans les entrepôts de nos voisins, tandis que notre situation
nous permet des envois au nord de la France, par nos rivières et canaux, et à
meilleur compte que les Anglais et les Hollandais. Hâtez-vous donc d’ouvrir vos
entrepôts avec garantie que ce qui entrera pourra être librement exporté. Vous
donnerez par là de l’activité à votre commerce et à votre marine marchande, et
vous ne nuirez pas à l’agriculture ; car notre constitution ne permettait pas
les importations, et si nous avions des besoins comme c’était le cas au mois
d’août de l’année passée lorsque les froments étaient 115, vos entrepôts
pourraient suppléer à nos besoins, sans devoir recourir aux entrepôts
d’Angleterre comme nous avons dû le faire alors.
Je
finirai, messieurs, en vous donnant lecture d’une pétition qui vous a été
adressée par mes amis d’Anvers, et qui sont parfaitement à même de connaître
les besoins de notre commerce et de notre agriculture, et partageant
entièrement leur opinion, je ne puis mieux faire, pour éviter des répétions,
que de vous engager à faire imprimer cette pétition avec mon projet de loi,
avec la prière de vous en occuper de suite.
- L’orateur donne
lecture, à l’appui de sa proposition, d’une pétition des habitants d’Anvers.
M. le président. - Aux termes de notre règlement, la prise en
considération doit être mise aux voix quand la proposition est appuyée. Ce
n’est que par exemption que la chambre a ajourné, dans le temps, la question de
prise en considération de celle de MM. de Robaulx et Seron.
M. Leclercq
croit que la chambre n’a pas interprété ainsi le règlement, et il fait
remarquer qu’elle a posé un précédent non pas seulement par rapport à la
proposition de MM. de Robaulx et Seron, mais aussi à l’occasion de celle de MM.
Dubus et Brabant. Il demande que chacun des membres ait le temps d’examiner la
proposition, qui lui paraît très importante.
M. Lebeau. - Je ferai observer que, dans l’article du règlement
invoqué par M. le président, il est dit que la chambre sera consultée sur la
question de savoir si elle prend la proposition en considération ou si elle
l’ajourne. Or, c’est un véritable ajournement que propose M. Leclercq, et
j’appuie sa demande qui est parfaitement régulière.
M. Osy propose de
faire imprimer la pétition dont il a donné lecture, et de fixer à demain à 11
heures la discussion de la prise en considération et de la question de savoir
si la proposition sera renvoyée aux sections ou à une commission spéciale.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere) ne s’oppose pas à ce que la discussion sur la prise
en considération ait lieu immédiatement ; mais, comme l’auteur de la
proposition a soulevé dans ses développements des questions commerciales et
industrielles très graves, et qu’il faut, pour bien faire, concilier les
intérêts de l’agriculture avec ceux du commerce, il demande que la proposition,
dans le cas où elle serait prise en considération, soit renvoyée non à une
commission spéciale, mais aux sections, pour que toute la chambre examine ces
questions qui sont d’un intérêt général. (Appuyé
! appuyé !)
M. Dumortier,
M. Barthélemy et M. d’Elhoungne pensent que
la proposition doit être prise en considération.
- La prise en
considération est mise aux voix et décidée.
Ensuite, la
chambre, consultée sur la question de savoir si elle sera renvoyée aux sections
ou à une commission spéciale, ordonne le renvoi en sections.
On reprend la
discussion du budget des finances.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’ETAT POUR L’EXERCICE 1832
(DEPARTEMENT DES FINANCES)
Discussion des articles
Chapitre premier. - Administration centrale
Article
11
« Art. 11. Frais
de route et de séjour des inspecteurs. »
Le ministre
demande pour ces frais 4,500 fl. La section centrale a proposé une réduction de
1,300 fl.
Cette réduction
est adoptée sans discussion.
« Art. 12.
Frais de bureau et d’impression : fl. 20,000. »
La section
centrale propose sur cet article une réduction de 5,000 fl.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, la section centrale a proposé de réduire
de 5,000 fl. la somme demandée pour les frais de bureau et d’impression. En
1831, la dépense pour cette partie s’est portée à 18,600 fl., et il n’y a pas
de raison pour qu’elle n’atteigne pas ce chiffre en 1832. A cela il faut
ajouter les frais qu’occasionnera la création d’une division pour la
trésorerie, et d’une autre pour les monnaies. Il est à remarquer, d’ailleurs
que, pour les frais d’impression et de reliure, on a adopté au ministère des
finances le mode d’adjudication publique, et qu’ainsi il ne fait pas craindre,
à cet égard, de dépense exagérée. Il est d’une sage et prudente économie
d’allouer au ministre un peu plus que ce qui est nécessaire pour pouvoir faire
des imprimés à un tirage plus considérable, et, par conséquent, moins coûteux ;
parce que, si tous les exemplaires ne sont pas épuisés dans l’année, ils
pourront être utilisés pour l’année suivante, dont la dépense sera diminuée
d’autant.
M. Dumortier. -
Messieurs, la section centrale a été étonné de la demande faite pour les
impressions du ministère des finances. Elles ne s’élèvent pas ensemble à moins
de 122,000 fl. : cette dépense est vraiment scandaleuse, quand surtout on la
rapproche des 15,000 fl. qui ont été trouvés suffisants pour le ministre de la
guerre, et quand on n’a alloué pour le même objet que 5,000 fl. au ministère de
l’intérieur. Les circulaires du ministère des finances, on le sait, ne sont pas
toutes imprimées, et on ne sait vraiment à quoi l’on pourrait dépenser une
aussi forte somme : ces considérations ont déterminé la section centrale dans
l’économie qu’elle vous a proposée, et je persiste à croire que ce n’est pas
trop d’avoir retranché 5,000 fl.
M. Lebeau. - Je ne sais pas si le chiffre proposé par la section
centrale est insuffisant, et si le chiffre proposé par le ministre des finances
est exagéré ; mais j’ai peine à croire que sa demande soit scandaleuse, comme
vient de le dire l’honorable M. Dumortier ; car je ne pense pas que le ministre
vînt nous proposer des dépenses scandaleuses pour enrichir des imprimeurs. Ce
que je sais, c’est qu’il n’y a aucune analogie à établir entre les impressions
du ministère de l’intérieur, qui consistent principalement en circulaires, et
celles du ministère de finances, qui consistent en tableaux et en chiffres.
Pour quiconque à la moindre notion des procédés typographiques, il est démontré
que l’impression des tableaux est beaucoup plus difficile et plus coûteuse. La
cherté du papier à tableaux vient encore augmenter la dépense, et ne permet pas
d’établir la moindre comparaison entre les impressions du ministère des
finances et de toute autre ministère.
M.
Delehaye.
- Je partage l’opinion de M. Lebeau ; mais je ferai remarquer que le mode
d’adjudication doit faire rencontrer au ministre de notables économies, et que
le chiffre de 15,000 fl. est assez élevé pour permettre de penser qu’il sera
suffisant.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Il n’y a pas de comparaison entre les dépenses de l’an dernier et celles de
cette année ; car vous aurez à imprimer en 1832 le grand livre des pensions,
qui n’existait pas l’an dernier.
M. Duvivier. - Il me semble, messieurs, que dans l’espèce la
chambre ne court aucun risque d’allouer ce que le ministre demande, parce que,
si par une prévoyance exagérée, on fait faire trop d’impressions pour l’année,
le surplus restera dans les magasins et sera utilisé l’année suivante.
D’ailleurs, comme on l’a dit, le mode d’adjudication étant établi au ministère
des finances, il n’y a pas à craindre de dépenses discrétionnaires et
exagérées. Venant à ce qu’on a dit des circulaires que l’on a soutenu être
faites en manuscrit, je dois rectifier l’erreur commise à ce sujet par M. le
rapporteur. Toute circulaire qui embrasse l’ordre général de l’administration
est imprimée en nombre suffisant pour être envoyée à tous les employés du
royaume, et de manière à alléger les dépenses des administrateurs des
provinces.
M. d’Elhoungne appuie les réductions de la section centrale.
M. Barthélemy. - Nous faisons une expérience, nous ne savons pas
encore ce que coûteront les impressions ; mais l’expérience de cette année nous
servira à quelque chose, et nous saurons au juste l’année prochaine ce qu’il
faudra dépenser. Par conséquent, si la somme proposée par la section centrale,
et que je crois suffisante, ne l’était pas, nous ne refuserions pas au ministre
de lui allouer un millier de florins de plus, qu’il justifierait avoir
dépensés. Au reste, il ne faut pas se le dissimuler, c’est en matière
d’impressions que les abus sont le plus faciles, et il s’en est commis
d’incroyables sous le gouvernement hollandais. Figurez-vous qu’on portait en
dépense 30,000 fl. pour des imprimés pas plus longs que mon doigt. (Hilarité.)
C’étaient des billets pour envoyer les soldats à l’hôpital ; et on faisait faire
de ces billets pour 30,000 fl. à la fois, pour les envoyer dans les Indes.
C’était une espèce de fidéicommis à un imprimeur de La Haye, à qui par cette
impression on procurait un revenu annuel de 30,000 fl. (Nouvelle hilarité.) C’est le général Daubremé qui me l’ai dit
lui-même. En entrant au ministère, il réforme ce scandaleux abus ; il fit
lithographier ces billets, et il obtint sur cet article comme sur beaucoup
d’autres des économies considérables.
Plusieurs orateurs prennent encore part à la discussion ; enfin la
réduction proposée par la section centrale est mise aux voix et adoptée.
Article
13
« Art ; 13.
Eclairage et chauffage du ministère des finances : fl. 6,000. »
La section
centrale propose, et la chambre adopte sans discussion, une réduction de 2,000
florins.
« Art. 14.
Entretien des locaux et achat de mobilier : fl. 4,000. »
La section
centrale propose une économie de 2,500 fl.
M. Osy propose, au
contraire, de ne réduire la somme demandée que de 1,500 fl.
- Cette
proposition est adoptée sans discussion notable.
« Art. 15.
Dépenses imprévues de l’administration centrale : fl. 22,000. »
La section
centrale propose de n’allouer que 5,000 fl.
M. Osy. - J’appuie la proposition de la section centrale ; si
nous votions la somme énorme de 22,000 fl., on pourrait s’en servir pour des
dépenses que nous avons déjà votées et sur lesquelles nous avons opéré des
réductions.
M. Dumortier.
- Pour justifier sa demande de 22,000 fl., M. le ministre dit qu’il destinait
ces fonds, en partie, à indemniser les employés du Limbourg et du Luxembourg,
pour les portions qui seront cédées à la Hollande. Mais une proposition a été
faite par M. Nothomb en faveur de ces employés, et ce n’est que quand elle sera
discutée qu’il y aura lieu à s’occuper de cette dépense ; il est donc inutile,
et c’est ce qu’a pensé la section centrale, de la porter au budget.
M. le ministre des finances (M.
Coghen).
- J’ai placé dans les dépenses imprévues les fonds destinés à indemniser les
employés du Limbourg et du Luxembourg qui viendront en Belgique après la
cession des territoires qu’ils occupent, parce que cette dépense n’avait été
prévue dans aucun article du budget. Si, au lieu de l’allouer aux dépenses
imprévues, on veut l’allouer à chaque division de l’administration une somme
pour ce service, il m’importe peu.
M. Delehaye. - Mais, d’après les propres paroles de M. le
ministre, il n’est pas possible d’allouer cette somme comme dépenses imprévues.
Si vous voulez qu’elle serve aux employés, dites-le, et faites un article
exprès avec ce titre.
M. d’Elhoungne. - J’appuie
l’observation de M. Delehaye, et j’y ajoute celle-ci : nous votons un article
pour le matériel de l’administration et la dépense nécessaire pour indemniser
les employés dont il est question, qui ne peut être placé qu’au personnel.
M. Destouvelles croit que c’est à tort que l’on a porté cette dépense au budget, et que
ce n’est que lors de la discussion de la proposition de M. Nothomb qu’il faudra
y songer. La somme demandée serait, d’ailleurs, tout à fait insuffisante pour
indemniser tous les employés des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg.
M.
Gendebien.
- Je trouve la dépense tout à fait inutile, et, de plus, très impolitique. Vous
savez les motifs pour lesquels nous avons cru devoir ajourner la proposition de
notre honorable collègue M. Nothomb ; ces mêmes motifs subsistent aujourd’hui.
Il est impolitique, je le répète, de prévoir la cession de partie du Limbourg
et du Luxembourg ; ensuite j’espère bien que nous n’en serons pas réduits là,
et que, si le sort de la nation est livré à ceux qui l’ont su défendre, et qui
la défendent encore, nous ne nous séparerons jamais de nos frères.
- Après une
discussion dans laquelle plusieurs
orateurs entendus ne font entendre que les arguments déjà connus, M.
le ministre des finances (M. Coghen)
déclare adhérer à la proposition de la section centrale.
M. Barthélemy. Propose de n’allouer que 3,000 fl. pour dépenses
imprévues.
- Cette
proposition est adoptée.
L’article entier,
réduit à 27,700 fl., et dont tous les articles sus-énoncés ne sont que des
subdivisions, est ensuite mis aux voix et adopté.
On passe à la
troisième section (service de la monnaie).
Article
16
« Art. 16.
Entretien du bâtiment de l’hôtel de la monnaie : fl. 1,500. »
- La section
centrale propose de réduire la somme demandée à 500 fl. »
La réduction de la
section centrale est rejetée.
Article
17 à 19
Les paragraphes 17
et 18 sont ensuite adoptés sans discussion et sans réduction, la section
centrale n’en ayant pas proposé.
Le paragraphe 17
porte pour fournitures et main-d’œuvre concernant la monnaie et les essais 500
fl., et le paragraphe 18 pour les dépenses variables des poinçons de garantie
3,000 fl.
Le paragraphe 19,
portant pour des meubles à acheter pour l’hôtel de la monnaie 1,500 fl., est
adopté sans égard à la demande de la section centrale qui avait été d’avis de
n’allouer que 500 fl.
Article
20
« Art. 20.
Confection des modèles et matrices : fl. 40,000. »
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, quand je présentai le budget, nous
avions pensé que 40,000 fl. seraient nécessaires pour cette dépense. Dans
l’intérêt du gouvernement ; j’ai fait prendre des informations à l’étranger, et
je me suis convaincu que 16,000 fl. nous suffiraient. Je réduire donc ma
demande à ce chiffre, au lieu de 40,000 et de 18,000 qu’avait proposé la
section centrale. Ceci vous prouvera, messieurs, que, quand les économies sont
possibles, nous n’hésitons pas à les faire et à aller même au-delà de ce que
veut la section centrale.
- La réduction est
adoptée.
L’article entier
se trouve réduit à 22,700.
Chapitre premier. - Administration du trésor
dans les provinces
« Art. 1er.
Traitement des administrateurs du trésor dans les provinces : fl.
33,750. »
La section
centrale propose une réduction de 2,250 fl.
M. Osy. - Il y a des employés du trésor qui ont des
traitements d’attente et dont, à cause de cela, on a réduit le traitement. Je
demande s’ils ne touchent pas un supplément de traitement ; car, dans le cas de
la négative, il y a des administrateurs du trésor dont les appointements
seraient par trop réduits.
M. le ministre des finances (M.
Coghen).
- On a jugé à propos d’attendre que la loi des pensions et des traitements
d’attente fût révisée, pour régler le traitement des administrateurs du trésor
d’une manière définitive. En attendant, la somme demandée est loin d’être
exagérée, vu les dépenses auxquelles sont obligés les administrateurs du
trésor. Ils sont obligés de payer 2 ou 3 commis, le feu, l’éclairage, le loyer
de leurs bureaux ; une immense responsabilité pèse sur eux ; tous leurs biens
sont ensuite frappés par le privilège du trésor ; ce sont autant de
considérations qui doivent empêcher la chambre de réduire leur traitement. Si
le pays était dans un état plus prospère, loin de les diminuer, je demanderais
pour eux une majoration.
M. Dumortier
est d’avis personnellement que les administrateurs du trésor sont peu
rétribués, vu les dépenses qu’ils sont obligés de faire et la responsabilité
qui pèse sur eux. Il propose de majorer la somme demandée, et de la porter à 36,000
fl. Je rappellerai en terminant, dit-il, ce que nous disait M. Mary il y a peu
de jours, sur ce que le système de comptabilité actuel a de vicieux. Ce n’est
pas pour un million que les administrateurs du trésor ont la faculté de tirer
sur le banque, c’est pour 4 et 5 millions ; ils peuvent toucher cette somme sur
leur simple signature. Sans doute, les administrateurs du trésor sont dignes de
toute la confiance du gouvernement ; mais un exemple récent en France nous
apprend à quels périls n’est pas exposé le trésor public de la part des
personnes les plus dignes, en apparence, de la confiance publique. Il me semble
que l’on préviendrait tout danger, en exigeant que la cour des comptes envoyât
un double de chacun des mandants à la banque.
M. le ministre des finances (M.
Coghen) explique la
manière dont se font les paiements à la banque. Il justifie le système en
vigueur, tout en convenant qu’il y aurait peut-être des mesures à prendre pour
diminuer les risques du trésor.
M. d’Elhoungne s’oppose à l’augmentation proposée par M. Dumortier.
Il critique, en passant, la manière dont se fait le recouvrement des impôts, et
conseille de substituer aux administrateurs du trésor, des receveurs
particuliers. Selon l’orateur, ces derniers fonctionnaires feraient le
recouvrement de l’impôt moyennant 3 fl. ; par mille, tandis que ce recouvrement
coûte aujourd’hui 4 fl. 50.
M. le ministre des finances (M. Coghen) s’oppose à l’amendement de M. Dumortier, qui
préjugerait, selon lui, la question du suppléent des traitements.
M. Dumortier.
- Je retire mon amendement.
- La réduction de
la section centrale est mise aux voix et rejetée ; le chiffre ministériel est
adopté.
On passe à la
deuxième section.
« Frais
remboursés à la banque, du chef de ses fonctions de caissier-général : fl.
110,000. »
M. d’Elhoungne. - Messieurs, autrefois la banque recouvrait les impôt
du royaume moyennant une remise d’un huitième ; aujourd’hui c’est un quart
qu’on lui alloue : ce simple rapprochement suffit pour vous prouver combien sa
position s’est améliorée, et combien au contraire la nôtre s’est empirée. Pour 155,000 fl., elle faisait le recouvrement de 84 millions
d’impôts ; aujourd’hui elle reçoit 110,000 fl. pour en recouvrer 31 millions.
Le système français serait beaucoup plus économique que le nôtre, attendu que
nous pourrions nous passer des receveurs-généraux, nécessaires en France, parce
qu’il est impossible d’ouvrir au trésor une comptabilité directe avec 400
receveurs particuliers. Mais ce qui est impossible en France serait facile chez
nous, vu les limites rétrécies du royaume et la facilité des communications.
Vous n’auriez pas ainsi cette comptabilité de papier si compliquée, qu’on ne
peut établir la balance d’un administrateur du trésor que dans un jour et demi
de temps, tandis qu’en France la balance d’un receveur particulier peut être
faite en deux heures. Il y aurait dans ce système un autre avantage : les
pensionnaires du gouvernement peuvent toucher chez le receveur particulier le
montant de leur pension, tandis qu’ici ils sont obligés de venir au trésor, où
on ne les paie pas, mais où on leur délivre du papier, dont, pour toucher le
montant, ils doivent retourner dans leur province. J’appelle là-dessus
l’attention du ministre, pour qu’il opère dans ce système vicieux les réformes
nécessaires.
M. Osy soutient que, quoique la banque reçoive un quart au
lieu d’un huitième qu’elle recevait autrefois pour le recouvrement de l’impôt,
son bénéfice se réduit à rien, parce qu’il n’y a jamais que peu de fonds en
caisse, tandis qu’autrefois l’encaisse était considérable, et qu’elle faisait,
en se servant de ces fonds, des bénéfices considérables.
M. le ministre des finances (M.
Coghen) confirme ce que
vient de dire M. Osy. M. Ch. de Brouckere reconnut, pendant qu’il était
ministre des finances, que la remise d’un huitième était insuffisante ; et
d’ailleurs, sous l’ancien gouvernement il y avait une clause tacite dans le
contrat fait avec la banque, portant que l’encaisse serait toujours de 10 à 12
millions : aujourd’hui nous ne sommes pas assez riches pour cela. Quant au
système français dont on a parlé, le nôtre lui est tellement supérieur qu’on
parle de l’introduire en France : un agent français est venu dans mon ministre
pour l’étudier. Je conçois toutefois qu’on pût le perfectionner, mais ce n’est
pas dans les circonstances où nous nous sommes trouvés que la chose était
possible.
M. H. Vilain XIIII. - Je demanderai à M. le ministre des finances si la
banque encaisse aussi les fonds que nous prête M. Rothschild.
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Je suis charmé que l’honorable préopinant m’ai mis
à même de m’expliquer à cet égard. Oui, la banque encaisse ces fonds ; mais,
comme elle ne fait que cela et qu’elle ne recouvre pas ces fonds par ses
agents, j’ai trouvé trop forte la remise qui lui est faite pour les impôts, et
j’ai fait là-dessus une économie de plus de 50,000 fl. (Bien ! bien !)
- Le chiffre de
l’article est adopté.
La séance est
levée à 4 heures et demie.