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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 29 mars
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département des finances). Traitement du personnel (Coghen, d’Elhoungne, Lebeau, Leclercq, Lebeau, H. de Brouckere, Duvivier, Leclercq, A. Rodenbach, Destouvelles,
Ch. de Brouckere, d’Elhoungne,
Ch. de Brouckere, A.
Rodenbach, Leclercq, Duvivier,
Dumortier, de Muelenaere,
H. de Brouckere, Dumortier,
Coghen, d’Elhoungne, d’Elhoungne, Coghen, H. de Brouckere, Coghen, Ch. de Brouckere, Leclercq, Dumortier, H. de Brouckere, d’Elhoungne, Leclercq, Dumortier, Mary, Destouvelles, Ch. de Brouckere,
Coghen, Dumortier)
(Moniteur belge n°91, du
31 mars 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à midi et demi.
Après l’appel
nominal, M.
Dellafaille donne lecture du
procès-verbal ; il est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Lebègue
analyse ensuite quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
L’ordre du jour
est la suite de la discussion du budget du ministère des finances.
Chapitre premier. - Administration centrale
M. le président. - On en est resté hier à l’article 5, relatif à l’administration
centrale des contributions directes, domaines et accises, pour laquelle M. le
ministre des finances demande 46,050 fl. La section centrale propose de réduire
cette allocation à 32,000 fl.
- La discussion
est ouverte sur cet article.
M. le ministre des finances (M. Coghen) déclare qu’il lui est impossible d’admettre la
réduction proposée par la section centrale, parce qu’elle compromettrait le
service.
M. d’Elhoungne. - Je crois que M. le ministre s’oppose à la réduction
; puisqu’il en est ainsi, je crois devoir entrer dans quelques détails.
L’orateur,
examinant la composition du personnel de la section centrale, pense qu’il
serait très facile de réduire le nombre des 8 bureaux qui s’y trouvent à 3
bureaux seulement, en réunissant plusieurs branches ensemble ; d’où résulterait
une grande économie, parce que plusieurs employés, devenant inutiles, seraient
supprimés. La somme proposée par la section centrale est donc plus que
suffisante, selon lui, et il vote pour la réduction, d’autant plus que, d’après
la discussion qui a eu lieu hier, il est
bien évident que 4,000 fl. sont un traitement bien raisonnable pour
l’administrateur.
M. Lebeau. - Comme l’on soutenu d’honorables membres et comme la
chambre l’a décidé hier, des administrateurs dans certains cas sont
indispensables. Je ne conçois donc pas comment on veut toujours faire des
réductions sur les traitements affectés à ces fonctionnaires. M. d’Elhoungne a
cité comme un précédent la réduction adoptée hier ; mais je ne pense qu’il soit
entré dans l’intention de la chambre, ni
dans celle de M. Ch. de Brouckere, dont la proposition est celle qui a
été accueillie, que cette réduction dût porter sur l’administrateur de la
trésorerie. Une fois la nécessité des administrateurs reconnue, messieurs, il
est certain que ce sont eux qui sont les sommités administratives ; car les
ministres sont plutôt des hommes politiques que des administrateurs.
Il n’y a donc rien au-dessus d’eux en fait d’autorité
administrative proprement dite. Eh bien ! je répèterai encore ce que j’ai dit
hier : leurs subordonnés immédiats sont les directeurs des provinces. Or, si
vous réduisez les administrateurs à 3,500 fl. ou à 4,000 fl., il s’ensuivra que
la hiérarchie sera rompue. Je sais fort bien que M. d’Elhoungne va me répondre
encore que, pour la maintenir, on n’a qu’à diminuer également leurs inférieurs.
Mais, messieurs, il faut considérer la position d’un directeur de province,
d’un homme entouré de considération, père de famille, et qui n’est parvenu à ce
poste que de grade en grade, et après de longs travaux. Si vous abaissez les fonctions
administratives de telle manière qu’en les comparant à celles des avocats, des
notaires, etc., on trouve dans ces dernières de bien plus grands avantages, il
en résultera que vous n’aurez plus pour les remplir que e rebut, et, si je puis
m’exprimer ainsi, l’écume de la société. Remarquez, messieurs, qu’on n’arrive
aux fonctions d’administrateur qu’après les plus laborieux services. Si,
d’ailleurs, vous réduisez les traitements de manière à ce qu’il soit impossible
à un homme de faire des économies, vous rendrez impossible l’abolition du
régime des pensions, contre lesquelles plusieurs membres se sont fortement
élevés.
M. Leclercq. - L’honorable préopinant a fort habilement rattaché
la question au traitement de l’administrateur. Il fallait, pour la traiter sur
son véritable terrain, suivre M. d’Elhoungne dans tous les détails qu’il a
présentés. Je crois, du reste, que le raisonnement de M. Lebeau n’est pas
fondé. Il a dit, messieurs, qu’il fallait bien payer les administrateurs, ou
bien que l’on ne trouverait plus d’hommes capables pour remplir leurs
fonctions. En vérité, on croirait que la réduction proposée sur les
administrateurs par la section centrale est telle qu’elle ne leur permettrait
plus de vivre. Mais, dans le cas où l’on aurait accueilli cette proposition,
les administrateurs jouiraient encore d’un traitement de 4,000 fl., et je crois
que cette somme paraîtrait raisonnable même à des hommes qui ont parcourir une
longue carrière.
Maintenant,
relativement à l’observation faite par M. d’Elhoungne que, pour maintenir la
hiérarchie, on pourrait diminuer aussi les directeurs de provinces, on a dit que
l’on n’aurait pas à ce poste que l’écume de la société. Mais, messieurs, ces
directeurs auraient encore 3,000 fl. d’appointements, et avec cela un père de
famille peut bien encore mener une existence honorable. Rappelez-vous que les
fonctions de l’ordre judiciaire, qui exigent la probité la plus délicate et des
études de toute la vie, sont bien moins rétribuées encore. On pourrait donc
trouver ici, comme pour l’ordre judiciaire, des hommes honorables pour remplir
les fonctions dont il s’agit.
M. Lebeau. - Messieurs, l’honorable membre a dénaturé la
proposition que j’avais émise. Je ne me suis pas attaché à des spécialités ;
mais j’ai dit que, si les fonctions administratives étaient trop rabaissées, il
s’ensuivrait qu’on ne trouverait plus pour les remplir que l’écume de la
société. Le mot est dur peut-être, mais il me semble exact. Quant à la
comparaison qu’on a faite entre les administrateurs et les fonctionnaires de
l’ordre judiciaire, elle manque de justesse ; car il aurait fallu prendre les
membres de la cour de cassation, qui sont les sommités de l’ordre judiciaire et
sont placés au même degré de hiérarchie que les administrateurs. Il y a plus,
c’est que les membres de la cour de cassation peuvent avoir en vue des
présidences, tandis que les administrateurs sont les plus hautes sommités de
leur hiérarchie et ne voient rien au-dessus dans l’ordre administratif,
puisque, je le répète, les ministres sont plutôt des hommes politiques que des
administrateurs. On ne pouvait, en tout cas, que comparer une sommité à une
autre ; et par conséquent l’argumentation de M. Leclercq n’est aucunement
fondée.
M. H. de Brouckere. - Vous aurez sans doute remarqué tous, messieurs, que
la section centrale propose des réductions assez considérables sur
l’administration des contributions directes, douanes et accises. Quant à moi,
je crois qu’il y aurait danger à les admettre ; mais cependant je ne serais pas
éloigner d’adopter une réduction moins forte. Je crois en effet que
l’allocation demandée par M. le ministre est un peu exagérée, et je me fonde
sur l’observation faite par la section centrale, que cette administration a été
augmentée depuis l’année dernière de quatre employés.
L’honorable M. d’Elhoungne est entré dans des détails, et je déclare, quant à
moi, qu’il me serait impossible de me prononcer instantanément sur le système
qu’il a exposé ; mais, ainsi que l’a dit M. Lebeau, il a pensé à tort que la
réduction opérée hier devait porter sur l’administration de la trésorerie. On a
dit avec raison que la comparaison de M.
Leclercq n’était pas juste, car je crois aussi qu’il aurait fallu comparer les
sommités de l’ordre judiciaire avec les sommités de l’ordre administratif.
J’ajouterai, messieurs, que les fonctionnaires de l’ordre judiciaire ont cet
avantage sur les autres qu’ils ne reçoivent chez eux que les personnes qu’ils
veulent, et qu’ils jouissent d’une entière indépendance. Mais un autre avantage
qui surpasse tous les autres c’est que les magistrats n’ont aucune crainte sur
leur avenir. Une fois placés dans cet ordre, on est presque sûr d’y rester la
vie entière. D’après ces motifs, je m’opposerai à la réduction de la section
centrale ; mais je proposerai une somme intermédiaire entre cette réduction et
le chiffre demandé par le ministre.
M. Duvivier. - M. d’Elhoungne a dit qu’il fallait simplifier
l’administration. Je ferai remarquer que, pour ce qui regarde la mienne, cela
est impossible : le personnel pour 1832 est le même que celui fixé dans le
budget de 1831, relativement à cet exercice. Il n’y a donc rien à réduire de ce
chef. Quant aux suppléments de traitement qui ont été accordés, la chambre
jugera si l’on a bien ou mal agi ; mais l’administration persiste à croire
qu’elle a agi avec justice.
L’orateur rappelle
quelles sont les occupations des fonctionnaires.
M. Leclercq. - J’avais comparé sur un point seulement l’ordre
judiciaire à l’administration des finances ; on a senti toute la force de mon
objection et on y a répondu, mais on a déplacé la question : on a dit que
c’était aux membres de la cour de cassation que j’aurais dû comparer les
administrateurs ; mais ce n’était pas sous ce rapport que j’avais établi une comparaison,
c’était entre les membres des cours souveraines et les directeurs des
provinces. On avait répondu à M. d’Elhoungne que, si l’on diminuait trop le
traitement de ces derniers fonctionnaires, on n’aurait plus d’hommes capables
pour remplir leurs fonctions ; et c’est pour cela que j’ai dit : Si l’on trouve
pour ces cours souveraines des magistrats distingués, des hommes honorables, et
cela moyennant un traitement très modique, on trouvera bien aussi des
fonctionnaires capables, des hommes de mérite pour être administrateurs, quand
leurs émoluments ne seraient que de 3,000 fl.
Du
reste, je ne reculerai pas devant la comparaison des administrateurs avec les
membres de la cour de cassation ; car je ne crois pas que le traitement de ces
derniers s’élèvera à plus de 4,000 fl. Je ne pense pas toutefois qu’on puisse
les placer sur la même ligne que les administrateurs : les administrateurs sont
sans doute des hommes honorables, mais il n’y a pas de comparaison à faire
entre leurs attributions et la haute considération dont doivent être entourés
les membres de la cour de cassation. Quant à ce qu’on a dit de l’indépendance
des juges, je repérai que leurs fonctions exigent des études de toute la vie.
M.
A. Rodenbach.
- Si nous n’avions point un déficit considérable dans la caisse de l’Etat, je
voterais 5,000 fl. pour un administrateur-général, vu l’importance de ses
hautes fonctions ; mais, attendu que notre budget de dépenses de 1832 s’élève
au-delà de 90 millions, je croirais ne pas bien remplir mon mandat si
j’allouais plus de 4,000 fl. à un administrateur. Ces appointements ont
approximativement un napoléon par jour. Je connais de forts honnêtes gens, très
instruits, et des négociants bien respectables, qui risquent dans le commerce
leurs capitaux, et qui ne gagnent pas par année 365 napoléons.
M. Destouvelles, s’appuyant sur la composition et la dépense des contributions
directes, douanes et accises pendant l’année dernière, croit qu’une allocation
de 41,150 fl. suffit, et il fait la proposition de réduire la somme à ce
chiffre.
M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, dernièrement je contestais l’utilité
des administrateurs au département de l’intérieur, et je fais voir la source de
leur création. Mais il en est tout autrement de ceux du département des
finances, parce que ce département embrasse des matières qui exigent infiniment
plus de spécialités que les autres administrations. Dans les autres
administrations, la connaissance des lois est à peu près une ; mais
l’administration financière exige des études spéciales dans chacune des
branches qui la composent.
L’orateur démontre
que les pièces et les correspondances du ministère des finances sont si
considérables, que le ministre ne suffirait pas même
pour les signer ; il faut donc nécessairement un fonctionnaire intermédiaire,
c’est-à-dire un administrateur qui suit le chef immédiatement après lui. Or,
cet administrateur est le supérieur de cinq mille fonctionnaires ; il ne
parvient à sa place qu’après de longs services, et certes son traitement qui
est de 5,000 fl. n’est pas trop considérable. D’un autre côté, le conseil du
contentieux est utile pour faire disparaître l’odieux de la fiscalité qui
pesait autrefois sur les contribuables, qu’on traînait par tous les degrés de
juridiction souvent pour une cause injuste. Quant aux poids et mesures,
l’orateur émet le vœu qu’on modifie la législation arbitraire qui permet de
réviser chaque année les poids et mesures, et il fera une proposition à cet
égard lorsqu’on en viendra à cet article. Du reste, il ne croit pas que
l’administration puisse marcher sur le même pied que l’année dernière avec
41,000 fl. par suite de l’augmentation de 1,500fl. nécessitée par la garantie
du personnel.
M. d’Elhoungne. - On a dénaturé ce que j’ai dit au commencement de
cette discussion. Je n’ai pas prétendu en effet que, par sa décision, la
chambre avait réduit le traitement de l’administrateur de la trésorerie ; mais
j’ai dit que, d’après la discussion qui avait eu lieu hier, on avait pu voir
que 4,000 fl. étaient plus que suffisant pour un administrateur. En effet, il
n’a été répondu rien aux raisonnements si péremptoires des orateurs qui ont
soutenu la réduction proposée par la section centrale.
On a dit que
l’administrateur était à la tête de 5,000 employés ; mais, messieurs, un
colonel commande autant d’hommes, et il agit directement sur tous ses
subordonnés, tandis que l’administrateur ne le fait que par des intermédiaires,
et cependant un colonel n’a pas un pareil traitement.
Vous voyez donc
que tout cela se réduit à rien. Quant à la garantie du personnel, je veux bien
passer un inspecteur, mais je n’entends pas qu’on en fasse une division
spéciale.
M. Ch. de Brouckere. - Nous sommes d’accord avec M. d’Elhoungne sur la
garantie du personnel, mais je dois répondre un mot relativement la comparaison qu’il a faite avec un colonel.
Il a dit que le colonel agissait directement sur ses hommes, tandis que l’administrateur avec une foule d’intermédiaires ; mais en règle
de discipline militaire, ne faut-il pas aussi que l’inférieur communique avec
son supérieur immédiat, c’est-à-dire, le soldat avec son caporal, celui-ci avec
le sergent, et ainsi de suite. De plus, le colonel ne commande qu’à son
régiment, et un régiment ne se compose pas de 5,000 hommes. Mais il y a cette
autre différence entre un colonel et un administrateur, c’est que
l’administrateur est obligé d’exercer un contrôle sur tous ses subordonnés ;
des listes de leur conduite doivent être dressées deux fois par an ; il faut
que les mutations se fassent. Il n’y a donc aucun rapprochement à faire sous ce
rapport. Vous savez tous, messieurs, que lorsque l’on change de système, il en
résulte un redoublement de travail à l’administration centrale pour modifier la
perception ; et, si vous prenez les chiffres de l’ancienne administration, vous
verrez quels déficits il y avait à chaque changement, parce que les employés
n’étaient pas encore habitués à la nouvelle perception. Or, nous sommes à la
veille d’une modification, et ce n’est pas ce moment que vous devez choisir
pour réduire ces fonctionnaires.
M. A. Rodenbach. - Un orateur vient de nous dire que l’administration
centrale a sous ses ordres 5,000 employés. Si j’ai bonne mémoire, ce chef
commande une petite armée de 5,312 préposés, qui nous coûtent annuellement plus
de 3 millions de florins.
En France, la
douane est forte de 25,000 hommes : celle-là ne coûte que 21 millions de
francs, ce qui fait approximativement une moyenne de 840 francs ; mais dans ce
pays on empêche réellement la fraude, tandis qu’ici la contrebande fait
journellement de funestes progrès. Et que l’on ne vienne point nous dire sans
cesse que dans nos ministères on est économe. Je n’en crois rien. A l’appui de
ce que j’avance, je citerai l’argument irrécusable que voici : les frais de perception
ne coûtent en Angleterre que 6 5/12 p. c. en France, 10 p. c., tandis que dans
notre royaume ces frais s’élèvent à 18 p. c. J’aime infiniment mieux le
raisonnement de M. Ch. de Brouckere, qui soutient à juste titre que la loi du
26 août est monstrueuse. Je pense avec lui que cette loi générale est
archi-détestable ; elle a été puisée et copiée des placards hollandais du 14ème
siècle. Et c’est en 1832 qu’une pareille loi existe encore en Belgique !
Les Hollandais
eux-mêmes, au moment que je vous parle, sont occupés à la modifier Au surplus,
ce n’est pas en ne réunissant que tous les trois ou quatre mois la commission
de révision de nos impôts, que nous aurons un bon système financier en 1833.
M.
Leclercq persiste à dire qu’on
n’a pas combattu les objections de M. d’Elhoungne. D’ailleurs, le contrôle,
selon lui, est une opération toute matérielle ; ensuite les listes de conduite
sont tenues et les instructions faites par les directeurs de provinces. Quant
au conseil du contentieux, il le croit inutile et même nuisible.
M. Duvivier soutient que le système proposé par M. d’Elhoungne
n’est point praticable, puisqu’il ne met à la comptabilité que deux employés
tandis qu’il y en a actuellement huit, et qu’avec les poids et mesures il en
faut au moins douze ; leur besogne est d’ailleurs si compliquée qu’il est
impossible de les charger des travaux des autres branches de l’administration.
M. Dumortier
insiste pour que le système de l’administration soit simplifié, et il fait
remarquer que d’après la déclaration de M. le ministre des affaires étrangères,
il y a trop d’employés au ministère des finances, puisqu’il en a emprunté à son
collègue. Quant à la comparaison des administrateurs et des membres de la cour
de cassation, il veut bien l’admettre, mais en fixant les traitements de ces
derniers au même taux que ceux des présidents de chambre et de l’avocat-général
qui ne dépassent pas 2,900 fl. Personne, selon lui, n’aura à se plaindre, et de
cette somme à celle de 4,000 fl. Il y a une grande différence. Il maintient
donc la réduction de la section centrale ; mais si on la trouve trop forte, il
en propose une autre de 10,000 fl. seulement.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’aime à croire que les paroles que vient de
prononcer l’honorable orateur ne sont qu’une espèce de plaisanterie dont il ne
veut tirer aucune induction contre le personnel de l’administration des
finances. En effet, messieurs, j’ai dit que dans des circonstances graves
j’avais été forcé de m’adresser à l’obligeance de mon collègue M. le ministre
des finances, qui m’avait prêté plusieurs de ses employés ; mais vous savez,
messieurs, que le travail n’est pas toujours aussi pressé ; il est des cas où
l’on peut se passer de quelques employés pendant deux ou trois jours, mais en
tirer la conséquence qu’ils sont inutiles, c’est une grave erreur ; car à
d’autres époques leur besogne est très compliquée, et c’est à peine s’ils
peuvent y suffire. Cet argument n’est donc d’aucun poids, et d’ailleurs je
crois que les employés qui ont été mis à ma disposition par mon collègue ont
travaillé de nuit à mon ministère.
M.
H. de Brouckere dit qu’il ne faut
avoir aucune idée de la magistrature pour comparer les conseillers de la cour
de cassation aux présidents de chambre et à l’avocat-général ; car en France la
cour de cassation est peuplée par tout ce qu’il y a de plus distingué dans la
magistrature. Il propose une diminution de 2,700 fl. sur l’allocation, pour la
rendre égale à celle de l’année dernière.
M. Dumortier
fait observer que la somme demandée l’année dernière montait bien à 43,150 fl.,
mais que celle dépensée est seulement de 41,150. Du reste, il persiste à croire
que, tant qu’il y aura un administrateur, l’économie est impossible.
M. le ministre des finances (M.
Coghen).
- Messieurs, si vous ne donnez pas aux ministres les moyens nécessaires, il
leur sera impossible d'administrer avec ordre et régularité. On vous a
suffisamment démontré la nécessité de l’administrateur et des inspecteurs. Avec
les lois qui nous régissent, il est impossible de s’en passer. Quand la
législation sera révisée, il sera impossible d’introduire des modifications ;
mais dans l’état de choses actuel, il faut laisser l’administration telle
qu’elle est, sous peine de compromettre le service.
On a parlé des
employés que j’ai prêtés à mon collègue M. le ministre des affaires étrangères.
Eh bien ! messieurs, cela fait honneur au courage des employés qui se trouvent
sous ma direction, car ils ont bien voulu travailler la nuit.
M. d’Elhoungne propose de restreindre la réduction à 11,00 fl.
- La discussion
est close.
La réduction de
14,050 fl. proposée par la section centrale est mise aux voix et rejetée.
Celle de M.
d’Elhoungne de 11,000 fl. est également rejetée.
On met ensuite aux
voix celle de 10,000 fl. proposée par M. Dumortier. L’épreuve est douteuse, on
passe à l’appel nominal : 43 membres votent pour et 30 contre.
En conséquence,
cette réduction est adoptée.
La discussion
s’ouvre ensuite sur l’article 6 relatif à l’administration centrale de
l’enregistrement et des domaines, et pour laquelle le gouvernement demande une
allocation de 60,566 fl.
La section
centrale propose d’allouer seulement 30,000 fl.
M. d’Elhoungne. - Je désire savoir si M. le ministre s’oppose à cette
réduction.
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Je m’y oppose de la manière la plus formelle ; car,
si l’on continue à faire des réductions, on désorganisera toute l’économie de
l’administration.
M. dElhoungne craint qu’il y a exagération dans la fixation du
chiffre de l’enregistrement, puisqu’on l’avait d’abord porté à 10 millions, et
qu’on a dit ensuite qu’il ne s’élevait plus qu’à 8 millions. Il soutient que
l’adjonction des bois domaniaux n’est pas une raison d’augmenter le personnel
ni les traitements, parce que plus les ventes de bois produisent, moins il y a
frais pour l’administration centrale. Toutefois il propose, au lieu du chiffre
de la section centrale, une allocation de 43,000 fl. Taux qu’il établit d’après
une comparaison avec l’administration de France, et en augmentant les droits
proportionnels de 41 p. c.
M. H. de Brouckere. - La section centrale n’a été nulle part aussi sévère
que pour l’enregistrement, et à l’appui de cette vérité, je citerai la
proposition de notre collègue M. d’Elhoungne lui-même, que certes l’on
n’accusera pas d’être ennemi des économies.
L’orateur
s’attache à démontrer que les réductions trop considérables proposées par la
commission proviennent de plusieurs erreurs, par exemple de ce qu’elle a pensé
que sous le précédent gouvernement la dépense de l’administration centrale de
l’enregistrement ne s’élevait qu’à la somme de 37,450 fl., tandis qu’elle
coûtait plus de 70,000 fl., et de ce qu’en outre elle n’a pas compté la réunion
de l’administration des eaux et forêts qui était autrefois régie par le
syndicat. Il cite ensuite des faits qui prouvent combien les traitements des
directeurs sont minimes, et combien leurs fonctions exigent de discrétion. Il
ne croit donc pas que l’on puisse admettre la réduction énorme de la section
centrale ; il pense toutefois qu’une diminution bien moins forte serait
peut-être possible.
M. le ministre des finances (M.
Coghen) fait remarquer
que M. d’Elhoungne a pris pour base de ses calculs la somme évaluée en 1831,
tandis que le produit réel est de 11 millions, et qu’en outre il a compté pour
rien l’adjonction au ministère des finances de l’administration des eaux et
forêts.
M. Ch. de Brouckere explique que la réduction faite dans un budget
présenté, du chiffre de l’enregistrement qu’il avait fixé d’abord à 10
millions, provient de ce que pour les matières domaniales il y a des arriérés
qu’il faut faire rentrer, par exemple, ce qu’on appelle vulgairement le million
Merlin ; et qu’on ne peut fixer précisément le produit. Mais il faut remarquer,
du reste, que tous ces chiffres ne font rien à l’allocation de l’administration
centrale, puisque les employés touchent 3/4 de la recette. Il ajoute que
l’administrateur et les chefs ont plus d’intérêt que personne à avoir le moins
grand nombre d’employés possible, puisque leur profit en serait d’autant plus
grand.
M. Leclercq dit qu’il ne faut pas mesurer le mérité et l’honneur
des employés à l’argent qu’on leur donne ; il s’élève contre les trois inspecteurs-généraux
qu’il regarde comme inutiles, et il y a douze employés de plus que l’année
dernière. Par tous ces motifs, il croit que l’allocation proposée par M.
d’Elhoungne est bien suffisante.
M. Dumortier. -
Messieurs, l’administration de l’enregistrement et des domaines a traversé
toutes les révolutions ; son mécanisme est le même aujourd’hui qu’il y a 40
ans, et certes cette longue épreuve prouve en sa faveur. Il est donc permis de
s’étonner des attaques dirigées contre elle. L’orateur, après ce début, fait
ressortir l’importance des services que rendent et l’administrateur et les
inspecteurs-généraux : il n’est pas, dit-il, d’administration qui exige des
connaissances plus spéciales, et, par les rapports nombreux que j’ai eus avec
elle, je puis en parler avec connaissance de cause. J’avais l’honneur de
présider la section centrale, lorsque la question dont il s’agit maintenant y
fut discutée, et ce ne fut pas sans étonnement que j’entendis comparer les
directeurs de provinces à de simples percepteur des contributions. C’est cette
idée qui paraît avoir dominé la section dans les réductions proposées, et qui
sont telles, selon moi, que si elles étaient adoptées, je ne doute pas que
l’administration centrale ne fût dès demain complètement désorganisée.
M. Dumortier
réfute les diverses objections faites contre la proposition de la section
centrale ; il n’est pas d’avis qu’on alloue aux employés un traitement
proportionnel, mais des appointements fixes. Il compare les dépenses diverses
de cette administration sous le régime hollandais avec ce qu’elle est
aujourd’hui d’après le budget, et persiste à soutenir que la dépense actuelle
est hors de toute proportion avec ce qu’elle devait être. Sous le rapport de la
probité et de la discrétion que demandent les fonctions de l’enregistrement, il
trouve mal choisi l’exemple relatif aux testaments, cités par M. de Brouckere,
puisque les testaments ne sont soumis à la formalité de l’enregistrement
qu’après la mort du testateur, et il est certain qu’alors le secret importe
peu. Je conviens, dit-il en finissant, que la réduction proposée par la section
centrale est peut-être un peu trop forte ; mais, avec la somme proposée par M.
d’Elhoungne, je suis certain qu’il y aura possibilité d’assurer le service ; en
conséquence je me rallie à son amendement.
M. H. de Brouckere. - Messieurs, un honorable membre, insistant sur la
nécessité de réduire le personnel de l’administration centrale, a fait
remarquer qu’il y avait trois inspecteurs-généraux, et il est d’avis qu’on doit
les supprimer. D’abord, messieurs, il n’y a pas trois inspecteurs-généraux, car
il n’y en a que deux, dont M. Destouvelles vous a démontré l’utilité. Les deux
autres employés qui portent le titre d’inspecteurs, ne sont réellement que des
chefs de bureau ayant rang d’inspecteurs. Mais, dit-on, il y a, indépendamment
de cela, 19 directeurs dans les provinces ; quand nous serons à
l’administration des provinces, ce sera le lieu d’examiner si là les
inspecteurs sont trop nombreux, et je suis assez de cette opinion ; mais cela
ne fait rien pour l’administration centrale.
On entend encore pour la
réduction proposée M. d’Elhoungne, M. Leclercq
et M. Dumortier, et contre M. Mary, M. Destouvelles, M.
Ch. de Brouckere et M. le ministre des finances (M. Coghen).
Au
moment de passer aux voix, M. Dumortier
propose de réduire la dépense à 40,000 fl.
La clôture est
réclamée de toutes parts et prononcée.
M. le président met aux voix la réduction de la section centrale ; elle est rejetée
aussi bien que celle de M. Dumortier.
- Le chiffre de
43,000 fl., proposé par M. d’Elhoungne, est adopté.
La séance est
levée à 4 heures et demie.