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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 29 mars 1832

Chambre des représentants de Belgique

Séance du jeudi 29 mars 1832

(Moniteur belge n°91, du 31 mars 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à midi et demi.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

Après l’appel nominal, M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Lebègue analyse ensuite quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l'exercice 1832

L’ordre du jour est la suite de la discussion du budget du ministère des finances.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Article 2, paragraphe 5

M. le président. - On en est resté hier à l’article 5, relatif à l’administration centrale des contributions directes, domaines et accises, pour laquelle M. le ministre des finances demande 46,050 fl. La section centrale propose de réduire cette allocation à 32,000 fl.

- La discussion est ouverte sur cet article.

M. le ministre des finances (M. Coghen) déclare qu’il lui est impossible d’admettre la réduction proposée par la section centrale, parce qu’elle compromettrait le service.

M. d’Elhoungne. - Je crois que M. le ministre s’oppose à la réduction ; puisqu’il en est ainsi, je crois devoir entrer dans quelques détails.

L’orateur, examinant la composition du personnel de l'administration centrale, pense qu’il serait très facile de réduire le nombre des 8 bureaux qui s’y trouvent à 3 bureaux seulement, en réunissant plusieurs branches ensemble ; d’où résulterait une grande économie, parce que plusieurs employés, devenant inutiles, seraient supprimés. La somme proposée par la section centrale est donc plus que suffisante, selon lui, et il vote pour la réduction, d’autant plus que, d’après la discussion qui a eu lieu hier, il est bien évident que 4,000 fl. sont un traitement bien raisonnable pour l’administrateur.

M. Lebeau. - Comme l’on soutenu d’honorables membres et comme la chambre l’a décidé hier, des administrateurs dans certains cas sont indispensables. Je ne conçois donc pas comment on veut toujours faire des réductions sur les traitements affectés à ces fonctionnaires. M. d’Elhoungne a cité comme un précédent la réduction adoptée hier ; mais je ne pense pas qu’il soit entré dans l’intention de la chambre, ni dans celle de M. Ch. de Brouckere, dont la proposition est celle qui a été accueillie, que cette réduction dût porter sur l’administrateur de la trésorerie. Une fois la nécessité des administrateurs reconnue, messieurs, il est certain que ce sont eux qui sont les sommités administratives ; car les ministres sont plutôt des hommes politiques que des administrateurs.

Il n’y a donc rien au-dessus d’eux en fait d’autorité administrative proprement dite. Eh bien ! je répèterai encore ce que j’ai dit hier : leurs subordonnés immédiats sont les directeurs des provinces. Or, si vous réduisez les administrateurs à 3,500 fl. ou à 4,000 fl., il s’ensuivra que la hiérarchie sera rompue. Je sais fort bien que M. d’Elhoungne va me répondre encore que, pour la maintenir, on n’a qu’à diminuer également leurs inférieurs. Mais, messieurs, il faut considérer la position d’un directeur de province, d’un homme entouré de considération, père de famille, et qui n’est parvenu à ce poste que de grade en grade, et après de longs travaux.

Si vous abaissez les fonctions administratives de telle manière qu’en les comparant à celles des avocats, des notaires, etc., on trouve dans ces dernières de bien plus grands avantages, il en résultera que vous n’aurez plus pour les remplir que le rebut, et, si je puis m’exprimer ainsi, l’écume de la société. Remarquez, messieurs, qu’on n’arrive aux fonctions d’administrateur qu’après les plus laborieux services. Si, d’ailleurs, vous réduisez les traitements de manière à ce qu’il soit impossible à un homme de faire des économies, vous rendrez impossible l’abolition du régime des pensions, contre lesquelles plusieurs membres se sont fortement élevés.

M. Leclercq. - L’honorable préopinant a fort habilement rattaché la question au traitement de l’administrateur. Il fallait, pour la traiter sur son véritable terrain, suivre M. d’Elhoungne dans tous les détails qu’il a présentés. Je crois, du reste, que le raisonnement de M. Lebeau n’est pas fondé.

Il a dit, messieurs, qu’il fallait bien payer les administrateurs, ou bien que l’on ne trouverait plus d’hommes capables pour remplir leurs fonctions. En vérité, on croirait que la réduction proposée sur les administrateurs par la section centrale est telle qu’elle ne leur permettrait plus de vivre. Mais, dans le cas où l’on aurait accueilli cette proposition, les administrateurs jouiraient encore d’un traitement de 4,000 fl., et je crois que cette somme paraîtrait raisonnable même à des hommes qui ont parcourir une longue carrière.

Maintenant, relativement à l’observation faite par M. d’Elhoungne que, pour maintenir la hiérarchie, on pourrait diminuer aussi les directeurs de provinces, on a dit que l’on n’aurait pas à ce poste que l’écume de la société. Mais, messieurs, ces directeurs auraient encore 3,000 fl. d’appointements, et avec cela un père de famille peut bien encore mener une existence honorable. Rappelez-vous que les fonctions de l’ordre judiciaire, qui exigent la probité la plus délicate et des études de toute la vie, sont bien moins rétribuées encore. On pourrait donc trouver ici, comme pour l’ordre judiciaire, des hommes honorables pour remplir les fonctions dont il s’agit.

M. Lebeau. - Messieurs, l’honorable membre a dénaturé la proposition que j’avais émise. Je ne me suis pas attaché à des spécialités ; mais j’ai dit que, si les fonctions administratives étaient trop rabaissées, il s’ensuivrait qu’on ne trouverait plus pour les remplir que l’écume de la société. Le mot est dur peut-être, mais il me semble exact.

Quant à la comparaison qu’on a faite entre les administrateurs et les fonctionnaires de l’ordre judiciaire, elle manque de justesse ; car il aurait fallu prendre les membres de la cour de cassation, qui sont les sommités de l’ordre judiciaire et sont placés au même degré de hiérarchie que les administrateurs. Il y a plus, c’est que les membres de la cour de cassation peuvent avoir en vue des présidences, tandis que les administrateurs sont les plus hautes sommités de leur hiérarchie et ne voient rien au-dessus dans l’ordre administratif, puisque, je le répète, les ministres sont plutôt des hommes politiques que des administrateurs. On ne pouvait, en tout cas, que comparer une sommité à une autre ; et par conséquent l’argumentation de M. Leclercq n’est aucunement fondée.

M. H. de Brouckere. - Vous aurez sans doute remarqué tous, messieurs, que la section centrale propose des réductions assez considérables sur l’administration des contributions directes, douanes et accises. Quant à moi, je crois qu’il y aurait danger à les admettre ; mais cependant je ne serais pas éloigner d’adopter une réduction moins forte.

Je crois en effet que l’allocation demandée par M. le ministre est un peu exagérée, et je me fonde sur l’observation faite par la section centrale, que cette administration a été augmentée depuis l’année dernière de quatre employés. L’honorable M. d’Elhoungne est entré dans des détails, et je déclare, quant à moi, qu’il me serait impossible de me prononcer instantanément sur le système qu’il a exposé ; mais, ainsi que l’a dit M. Lebeau, il a pensé à tort que la réduction opérée hier devait porter sur l’administration de la trésorerie.

On a dit avec raison que la comparaison de M. Leclercq n’était pas juste, car je crois aussi qu’il aurait fallu comparer les sommités de l’ordre judiciaire avec les sommités de l’ordre administratif. J’ajouterai, messieurs, que les fonctionnaires de l’ordre judiciaire ont cet avantage sur les autres qu’ils ne reçoivent chez eux que les personnes qu’ils veulent, et qu’ils jouissent d’une entière indépendance. Mais un autre avantage qui surpasse tous les autres c’est que les magistrats n’ont aucune crainte sur leur avenir. Une fois placés dans cet ordre, on est presque sûr d’y rester la vie entière. D’après ces motifs, je m’opposerai à la réduction de la section centrale ; mais je proposerai une somme intermédiaire entre cette réduction et le chiffre demandé par le ministre.

M. Duvivier. - M. d’Elhoungne a dit qu’il fallait simplifier l’administration. Je ferai remarquer que, pour ce qui regarde la mienne, cela est impossible : le personnel pour 1832 est le même que celui fixé dans le budget de 1831, relativement à cet exercice. Il n’y a donc rien à réduire de ce chef. Quant aux suppléments de traitement qui ont été accordés, la chambre jugera si l’on a bien ou mal agi ; mais l’administration persiste à croire qu’elle a agi avec justice.

L’orateur rappelle quelles sont les occupations des fonctionnaires.

M. Leclercq. - J’avais comparé sur un point seulement l’ordre judiciaire à l’administration des finances ; on a senti toute la force de mon objection et on y a répondu, mais on a déplacé la question : on a dit que c’était aux membres de la cour de cassation que j’aurais dû comparer les administrateurs ; mais ce n’était pas sous ce rapport que j’avais établi une comparaison, c’était entre les membres des cours souveraines et les directeurs des provinces. On avait répondu à M. d’Elhoungne que, si l’on diminuait trop le traitement de ces derniers fonctionnaires, on n’aurait plus d’hommes capables pour remplir leurs fonctions ; et c’est pour cela que j’ai dit : Si l’on trouve pour ces cours souveraines des magistrats distingués, des hommes honorables, et cela moyennant un traitement très modique, on trouvera bien aussi des fonctionnaires capables, des hommes de mérite pour être administrateurs, quand leurs émoluments ne seraient que de 3,000 fl.

Du reste, je ne reculerai pas devant la comparaison des administrateurs avec les membres de la cour de cassation ; car je ne crois pas que le traitement de ces derniers s’élèvera à plus de 4,000 fl. Je ne pense pas toutefois qu’on puisse les placer sur la même ligne que les administrateurs : les administrateurs sont sans doute des hommes honorables, mais il n’y a pas de comparaison à faire entre leurs attributions et la haute considération dont doivent être entourés les membres de la cour de cassation. Quant à ce qu’on a dit de l’indépendance des juges, je repérai que leurs fonctions exigent des études de toute la vie.

M. A. Rodenbach. - Si nous n’avions point un déficit considérable dans la caisse de l’Etat, je voterais 5,000 fl. pour un administrateur-général, vu l’importance de ses hautes fonctions ; mais, attendu que notre budget de dépenses de 1832 s’élève au-delà de 90 millions, je croirais ne pas bien remplir mon mandat si j’allouais plus de 4,000 fl. à un administrateur. Ces appointements ont approximativement un napoléon par jour. Je connais de forts honnêtes gens, très instruits, et des négociants bien respectables, qui risquent dans le commerce leurs capitaux, et qui ne gagnent pas par année 365 napoléons.

M. Destouvelles, s’appuyant sur la composition et la dépense des contributions directes, douanes et accises pendant l’année dernière, croit qu’une allocation de 41,150 fl. suffit, et il fait la proposition de réduire la somme à ce chiffre.

M. Ch. de Brouckere. - Messieurs, dernièrement je contestais l’utilité des administrateurs au département de l’intérieur, et je fais voir la source de leur création. Mais il en est tout autrement de ceux du département des finances, parce que ce département embrasse des matières qui exigent infiniment plus de spécialités que les autres administrations. Dans les autres administrations, la connaissance des lois est à peu près une ; mais l’administration financière exige des études spéciales dans chacune des branches qui la composent.

L’orateur démontre que les pièces et les correspondances du ministère des finances sont si considérables, que le ministre ne suffirait pas même pour les signer ; il faut donc nécessairement un fonctionnaire intermédiaire, c’est-à-dire un administrateur qui suit le chef immédiatement après lui. Or, cet administrateur est le supérieur de cinq mille fonctionnaires ; il ne parvient à sa place qu’après de longs services, et certes son traitement qui est de 5,000 fl. n’est pas trop considérable.

D’un autre côté, le conseil du contentieux est utile pour faire disparaître l’odieux de la fiscalité qui pesait autrefois sur les contribuables, qu’on traînait par tous les degrés de juridiction souvent pour une cause injuste.

Quant aux poids et mesures, l’orateur émet le vœu qu’on modifie la législation arbitraire qui permet de réviser chaque année les poids et mesures, et il fera une proposition à cet égard lorsqu’on en viendra à cet article. Du reste, il ne croit pas que l’administration puisse marcher sur le même pied que l’année dernière avec 41,000 fl. par suite de l’augmentation de 1,500 fl. nécessitée par la garantie du personnel.

M. d’Elhoungne. - On a dénaturé ce que j’ai dit au commencement de cette discussion. Je n’ai pas prétendu en effet que, par sa décision, la chambre avait réduit le traitement de l’administrateur de la trésorerie ; mais j’ai dit que, d’après la discussion qui avait eu lieu hier, on avait pu voir que 4,000 fl. étaient plus que suffisant pour un administrateur. En effet, il n’a été répondu rien aux raisonnements si péremptoires des orateurs qui ont soutenu la réduction proposée par la section centrale.

On a dit que l’administrateur était à la tête de 5,000 employés ; mais, messieurs, un colonel commande autant d’hommes, et il agit directement sur tous ses subordonnés, tandis que l’administrateur ne le fait que par des intermédiaires, et cependant un colonel n’a pas un pareil traitement.

Vous voyez donc que tout cela se réduit à rien. Quant à la garantie du personnel, je veux bien passer un inspecteur, mais je n’entends pas qu’on en fasse une division spéciale.

M. Ch. de Brouckere. - Nous sommes d’accord avec M. d’Elhoungne sur la garantie du personnel, mais je dois répondre un mot relativement la comparaison qu’il a faite avec un colonel.

Il a dit que le colonel agissait directement sur ses hommes, tandis que l’administrateur avec une foule d’intermédiaires ; mais en règle de discipline militaire, ne faut-il pas aussi que l’inférieur communique avec son supérieur immédiat, c’est-à-dire, le soldat avec son caporal, celui-ci avec le sergent, et ainsi de suite. De plus, le colonel ne commande qu’à son régiment, et un régiment ne se compose pas de 5,000 hommes. Mais il y a cette autre différence entre un colonel et un administrateur, c’est que l’administrateur est obligé d’exercer un contrôle sur tous ses subordonnés ; des listes de leur conduite doivent être dressées deux fois par an ; il faut que les mutations se fassent. Il n’y a donc aucun rapprochement à faire sous ce rapport.

Vous savez tous, messieurs, que lorsque l’on change de système, il en résulte un redoublement de travail à l’administration centrale pour modifier la perception ; et, si vous prenez les chiffres de l’ancienne administration, vous verrez quels déficits il y avait à chaque changement, parce que les employés n’étaient pas encore habitués à la nouvelle perception. Or, nous sommes à la veille d’une modification, et ce n’est pas ce moment que vous devez choisir pour réduire ces fonctionnaires.

M. A. Rodenbach. - Un orateur vient de nous dire que l’administration centrale a sous ses ordres 5,000 employés. Si j’ai bonne mémoire, ce chef commande une petite armée de 5,312 préposés, qui nous coûtent annuellement plus de 3 millions de florins.

En France, la douane est forte de 25,000 hommes : celle-là ne coûte que 21 millions de francs, ce qui fait approximativement une moyenne de 840 francs ; mais dans ce pays on empêche réellement la fraude, tandis qu’ici la contrebande fait journellement de funestes progrès. Et que l’on ne vienne point nous dire sans cesse que dans nos ministères on est économe. Je n’en crois rien. A l’appui de ce que j’avance, je citerai l’argument irrécusable que voici : les frais de perception ne coûtent en Angleterre que 6 5/12 p. c. en France, 10 p. c., tandis que dans notre royaume ces frais s’élèvent à 18 p. c. J’aime infiniment mieux le raisonnement de M. Ch. de Brouckere, qui soutient à juste titre que la loi du 26 août est monstrueuse. Je pense avec lui que cette loi générale est archi-détestable ; elle a été puisée et copiée des placards hollandais du 14ème siècle. Et c’est en 1832 qu’une pareille loi existe encore en Belgique !

Les Hollandais eux-mêmes, au moment que je vous parle, sont occupés à la modifier. Au surplus, ce n’est pas en ne réunissant que tous les trois ou quatre mois la commission de révision de nos impôts, que nous aurons un bon système financier en 1833.

M. Leclercq persiste à dire qu’on n’a pas combattu les objections de M. d’Elhoungne. D’ailleurs, le contrôle, selon lui, est une opération toute matérielle ; ensuite les listes de conduite sont tenues et les instructions faites par les directeurs de provinces. Quant au conseil du contentieux, il le croit inutile et même nuisible.

M. Duvivier soutient que le système proposé par M. d’Elhoungne n’est point praticable, puisqu’il ne met à la comptabilité que deux employés tandis qu’il y en a actuellement huit, et qu’avec les poids et mesures il en faut au moins douze ; leur besogne est d’ailleurs si compliquée qu’il est impossible de les charger des travaux des autres branches de l’administration.

M. Dumortier insiste pour que le système de l’administration soit simplifié, et il fait remarquer que d’après la déclaration de M. le ministre des affaires étrangères, il y a trop d’employés au ministère des finances, puisqu’il en a emprunté à son collègue. Quant à la comparaison des administrateurs et des membres de la cour de cassation, il veut bien l’admettre, mais en fixant les traitements de ces derniers au même taux que ceux des présidents de chambre et de l’avocat-général qui ne dépassent pas 2,900 fl. Personne, selon lui, n’aura à se plaindre, et de cette somme à celle de 4,000 fl. Il y a une grande différence. Il maintient donc la réduction de la section centrale ; mais si on la trouve trop forte, il en propose une autre de 10,000 fl. seulement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’aime à croire que les paroles que vient de prononcer l’honorable orateur ne sont qu’une espèce de plaisanterie dont il ne veut tirer aucune induction contre le personnel de l’administration des finances. En effet, messieurs, j’ai dit que dans des circonstances graves j’avais été forcé de m’adresser à l’obligeance de mon collègue M. le ministre des finances, qui m’avait prêté plusieurs de ses employés ; mais vous savez, messieurs, que le travail n’est pas toujours aussi pressé ; il est des cas où l’on peut se passer de quelques employés pendant deux ou trois jours, mais en tirer la conséquence qu’ils sont inutiles, c’est une grave erreur ; car à d’autres époques leur besogne est très compliquée, et c’est à peine s’ils peuvent y suffire. Cet argument n’est donc d’aucun poids, et d’ailleurs je crois que les employés qui ont été mis à ma disposition par mon collègue ont travaillé de nuit à mon ministère.

M. H. de Brouckere dit qu’il ne faut avoir aucune idée de la magistrature pour comparer les conseillers de la cour de cassation aux présidents de chambre et à l’avocat-général ; car en France la cour de cassation est peuplée par tout ce qu’il y a de plus distingué dans la magistrature. Il propose une diminution de 2,700 fl. sur l’allocation, pour la rendre égale à celle de l’année dernière.

M. Dumortier fait observer que la somme demandée l’année dernière montait bien à 43,150 fl., mais que cette dépensée est seulement de 41,150. Du reste, il persiste à croire que, tant qu’il y aura un administrateur, l’économie est impossible.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, si vous ne donnez pas aux ministres les moyens nécessaires, il leur sera impossible d'administrer avec ordre et régularité. On vous a suffisamment démontré la nécessité de l’administrateur et des inspecteurs. Avec les lois qui nous régissent, il est impossible de s’en passer. Quand la législation sera révisée, il sera possible d’introduire des modifications ; mais dans l’état de choses actuel, il faut laisser l’administration telle qu’elle est, sous peine de compromettre le service.

On a parlé des employés que j’ai prêtés à mon collègue M. le ministre des affaires étrangères. Eh bien ! messieurs, cela fait honneur au courage des employés qui se trouvent sous ma direction, car ils ont bien voulu travailler la nuit.

M. d’Elhoungne propose de restreindre la réduction à 11,00 fl.

- La discussion est close.

La réduction de 14,050 fl. proposée par la section centrale est mise aux voix et rejetée.

Celle de M. d’Elhoungne de 11,000 fl. est également rejetée.

On met ensuite aux voix celle de 10,000 fl. proposée par M. Dumortier. L’épreuve est douteuse, on passe à l’appel nominal : 43 membres votent pour et 30 contre.

En conséquence, cette réduction est adoptée.

Article 2, paragraphe 6

La discussion s’ouvre ensuite sur l’article 6 relatif à l’administration centrale de l’enregistrement et des domaines, et pour laquelle le gouvernement demande une allocation de 60,566 fl.

La section centrale propose d’allouer seulement 30,000 fl.

M. d’Elhoungne. - Je désire savoir si M. le ministre s’oppose à cette réduction.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Je m’y oppose de la manière la plus formelle ; car, si l’on continue à faire des réductions, on désorganisera toute l’économie de l’administration.

M. dElhoungne craint qu’il y a exagération dans la fixation du chiffre de l’enregistrement, puisqu’on l’avait d’abord porté à 10 millions, et qu’on a dit ensuite qu’il ne s’élevait plus qu’à 8 millions. Il soutient que l’adjonction des bois domaniaux n’est pas une raison d’augmenter le personnel ni les traitements, parce que plus les ventes de bois produisent, moins il y a frais pour l’administration centrale. Toutefois il propose, au lieu du chiffre de la section centrale, une allocation de 43,000 fl. Taux qu’il établit d’après une comparaison avec l’administration de France, et en augmentant les droits proportionnels de 41 p. c.

M. H. de Brouckere. - La section centrale n’a été nulle part aussi sévère que pour l’enregistrement, et à l’appui de cette vérité, je citerai la proposition de notre collègue M. d’Elhoungne lui-même, que certes l’on n’accusera pas d’être ennemi des économies.

L’orateur s’attache à démontrer que les réductions trop considérables proposées par la commission proviennent de plusieurs erreurs, par exemple de ce qu’elle a pensé que sous le précédent gouvernement la dépense de l’administration centrale de l’enregistrement ne s’élevait qu’à la somme de 37,450 fl., tandis qu’elle coûtait plus de 70,000 fl., et de ce qu’en outre elle n’a pas compté la réunion de l’administration des eaux et forêts qui était autrefois régie par le syndicat. Il cite ensuite des faits qui prouvent combien les traitements des directeurs sont minimes, et combien leurs fonctions exigent de discrétion. Il ne croit donc pas que l’on puisse admettre la réduction énorme de la section centrale ; il pense toutefois qu’une diminution bien moins forte serait peut-être possible.

M. le ministre des finances (M. Coghen) fait remarquer que M. d’Elhoungne a pris pour base de ses calculs la somme évaluée en 1831, tandis que le produit réel est de 11 millions, et qu’en outre il a compté pour rien l’adjonction au ministère des finances de l’administration des eaux et forêts.

M. Ch. de Brouckere explique que la réduction faite dans un budget présenté, du chiffre de l’enregistrement qu’il avait fixé d’abord à 10 millions, provient de ce que pour les matières domaniales il y a des arriérés qu’il faut faire rentrer, par exemple, ce qu’on appelle vulgairement le million Merlin ; et qu’on ne peut fixer précisément le produit. Mais il faut remarquer, du reste, que tous ces chiffres ne font rien à l’allocation de l’administration centrale, puisque les employés touchent 3/4 de la recette. Il ajoute que l’administrateur et les chefs ont plus d’intérêt que personne à avoir le moins grand nombre d’employés possible, puisque leur profit en serait d’autant plus grand.

M. Leclercq dit qu’il ne faut pas mesurer le mérité et l’honneur des employés à l’argent qu’on leur donne ; il s’élève contre les trois inspecteurs-généraux qu’il regarde comme inutiles, et il y a douze employés de plus que l’année dernière. Par tous ces motifs, il croit que l’allocation proposée par M. d’Elhoungne est bien suffisante.

M. Destouvelles. - Messieurs, l’administration de l’enregistrement et des domaines a traversé toutes les révolutions ; son mécanisme est le même aujourd’hui qu’il y a 40 ans, et certes cette longue épreuve prouve en sa faveur. Il est donc permis de s’étonner des attaques dirigées contre elle.

L’orateur, après ce début, fait ressortir l’importance des services que rendent et l’administrateur et les inspecteurs-généraux : il n’est pas, dit-il, d’administration qui exige des connaissances plus spéciales, et, par les rapports nombreux que j’ai eus avec elle, je puis en parler avec connaissance de cause. J’avais l’honneur de présider la section centrale, lorsque la question dont il s’agit maintenant y fut discutée, et ce ne fut pas sans étonnement que j’entendis comparer les directeurs de provinces à de simples percepteur des contributions. C’est cette idée qui paraît avoir dominé la section dans les réductions proposées, et qui sont telles, selon moi, que si elles étaient adoptées, je ne doute pas que l’administration centrale ne fût dès demain complètement désorganisée.

M. Dumortier réfute les diverses objections faites contre la proposition de la section centrale ; il n’est pas d’avis qu’on alloue aux employés un traitement proportionnel, mais des appointements fixes.

Il compare les dépenses diverses de cette administration sous le régime hollandais avec ce qu’elle est aujourd’hui d’après le budget, et persiste à soutenir que la dépense actuelle est hors de toute proportion avec ce qu’elle devait être. Sous le rapport de la probité et de la discrétion que demandent les fonctions de l’enregistrement, il trouve mal choisi l’exemple relatif aux testaments, cités par M. de Brouckere, puisque les testaments ne sont soumis à la formalité de l’enregistrement qu’après la mort du testateur, et il est certain qu’alors le secret importe peu. Je conviens, dit-il en finissant, que la réduction proposée par la section centrale est peut-être un peu trop forte ; mais, avec la somme proposée par M. d’Elhoungne, je suis certain qu’il y aura possibilité d’assurer le service ; en conséquence je me rallie à son amendement.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, un honorable membre, insistant sur la nécessité de réduire le personnel de l’administration centrale, a fait remarquer qu’il y avait trois inspecteurs-généraux, et il est d’avis qu’on doit les supprimer. D’abord, messieurs, il n’y a pas trois inspecteurs-généraux, car il n’y en a que deux, dont M. Destouvelles vous a démontré l’utilité. Les deux autres employés qui portent le titre d’inspecteurs, ne sont réellement que des chefs de bureau ayant rang d’inspecteurs. Mais, dit-on, il y a, indépendamment de cela, 19 directeurs dans les provinces ; quand nous serons à l’administration des provinces, ce sera le lieu d’examiner si là les inspecteurs sont trop nombreux, et je suis assez de cette opinion ; mais cela ne fait rien pour l’administration centrale.

- On entend encore pour la réduction proposée M. d’Elhoungne, M. Leclercq et M. Dumortier, et contre M. Mary, M. Destouvelles, M. Ch. de Brouckere et M. le ministre des finances (M. Coghen).

Au moment de passer aux voix, M. Dumortier propose de réduire la dépense à 40,000 fl.

La clôture est réclamée de toutes parts et prononcée.

M. le président met aux voix la réduction de la section centrale ; elle est rejetée aussi bien que celle de M. Dumortier.

- Le chiffre de 43,000 fl., proposé par M. d’Elhoungne, est adopté.

La séance est levée à 4 heures et demie.