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Chambre des représentants de Belgique
Séance du vendredi 23 mars
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département des affaires étrangères). Dépenses imprévues
(nouvelles représentations à La Haye, Mayence et Constantinople) (de Muelenaere, Osy)
3) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département de la marine). Personnel de l’administration
centrale de la marine (de Muelenaere, Dumortier, Serruys, H. de Brouckere, d’Elhoungne,
Dumortier, de Muelenaere,
Jamme), droits de pilotage à Ostende et à Anvers (Rogier, Osy), service des ports (de Muelenaere, Delehaye, d’Elhoungne, Gendebien, Serruys), service des cannonières (Gendebien,
Ch. de Brouckere), magasins de la marine (d’Elhoungne, Gendebien, de Muelenaere, Leclercq, Ch. de Brouckere), dépenses éventuelles (Osy), nécessité d’une marine militaire (Gendebien)
(Moniteur belge n°85, du 25 mars 1832)
(Présidence
de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à une heure.
Après l’appel nominal,
le procès-verbal est lu et adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Lebègue
analyse ensuite quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’ETAT POUR L’EXERCICE 1832 (DEPARTEMENT
DES AFFAIRES ETRANGERES)
Discussion des articles
L’ordre du jour
est la suite de la discussion du budget du département des affaires étrangères.
M. d’Elhoungne. - Nous avons proposé, MM. Leclercq, Fallon et moi,
des amendements sur un chapitre déjà voté et relatif à la dette de la Hollande.
D’après le règlement, je demande que ces amendements seront imprimés et
distribués.
- L’impression est
ordonnée.
Chapitre IV. - Frais
de voyage des agents du service extérieur et frais de courriers
Article
unique
« Article
unique. Frais de voyage des agents du service extérieur et frais de courriers :
fl. 30,000. »
Cet article, sur
lequel la section centrale ne propose aucune réduction, est adopté.
Chapitre V. - Frais à
rembourser aux agents du service extérieur
Article
unique
« Article
unique. Frais à rembourser aux agents du service extérieur : fl. 15,000. »
La section
centrale ne propose aucune réduction. Le chiffre est adopté.
Chapitre VI. -
Dépenses imprévues
Article
unique
« Article
unique. Commission de liquidation et de démarcation, et dépenses imprévues :
fl. 50,000. »
La section
centrale propose de n’allouer que 30,000 florins.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, les motifs pour lesquels la commission a
fait cette réduction viennent de ce qu’elle pense que les notifications
pourront être faites par les agents accrédités près des cours. Je suis d’accord
avec elle qu’il ne sera pas besoin d’envoyer des agents extraordinaires, pour
cet objet, dans les lieux où il y en aura déjà ; mais, pour les endroits où
nous n’aurons pas d’envoyés, il sera difficile de le faire faire par ceux des
cours voisines. Mais voici d’autres considérations beaucoup plus puissantes,
qui ne font insister pour l’intégralité de l’allocation. Nous avons senti la
nécessité d’envoyer un agent diplomatique à La Haye après les ratifications. Il
est possible aussi qu’il faille plus tard en envoyer un autre à Mayence. En
outre, d’après les renseignements que j’ai reçus, il sera probablement utile
d’en accréditer un troisième à Constantinople, dans l’intérêt de notre commerce
; car la Porte refuse de reconnaitre l’agent d’une puissance avant qu’on l’ait
accrédité auprès d’elle, et c’est que m’écrit notre consul à Smyrne. Dans le
cas où ce dernier agent ne serait pas jugé nécessaire, il en faudra toujours un
à La Haye et un autre à Mayence pour un espace de temps momentané. Comme les
frais doivent en être pris sur ce chapitre, je crois que la chambre ne refusera
pas de l’accorder. Je ferai remarquer, d’ailleurs, que ce crédit n’est
qu’éventuel pour ces deux derniers agences.
M. Osy. - D’après ce que vient
de dire M. le ministre, je voterai volontiers pour l’allocation entière ; mais
je ferai observer qu’il ne serait peut-être pas très utile d’envoyer un agent à
Constantinople. Quant à Mayence, celui de la diète suffira.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - J’ai eu l’honneur de dire que ces
deux derniers objets n’étaient qu’éventuels.
- La réduction de la section centrale
est mise aux voix et rejetée. Le chiffre du gouvernement est adopté.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’ETAT POUR L’EXERCICE 1832 (DEPARTEMENT
DE LA MARINE)
La chambre passe ensuite à la
discussion du budget du ministère de la marine.
Personne ne demandant la parole sur
l’ensemble, la discussion est ouverte sur les articles.
Discussion des articles
Chapitre premier. - Administration centrale
« Art. 1er. Personnel, à
l’exception du ministre et du secrétaire-général : fl. 6,500. »
La commission propose de n’allouer
que 5,000 fl.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. de Muelenaere). - Notre
intention n’est pas d’augmenter les employés actuellement existants ; mais il
est nécessaire d’organiser l’administration de la marine ; et nous n’avons pas
d’homme spécial qui puisse être chargé de la mission de chef de division de ce
département ; c’est pour cela que nous avons demandé l’allocation de 6,500 fl.,
sur lesquels 2,500 fl. seront pris pour le chef de division dont je parle.
M. Dumortier. -
La section centrale a senti, en effet, la nécessité d’un homme spécial pour
être chef de division de la marine ; mais elle a pensé qu’il n’était pas
nécessaire pour cela de majorer le chiffre, car plusieurs officiers de marine
en activité pourraient remplir cette fonction.
M. Serruys.
- Les intentions de la section centrale sont, sans doute, très bonnes ; mais je
puis dire qu’aucun de nos officiers de marine, au mérite desquels je me plais
d’ailleurs à rendre hommage, n’a les connaissances spéciales suffisantes pour
être chef de division de la marine.
M. Dumortier. -
Je ne pense pas, comme M. Serruys, que nos officiers n’aient pas de
connaissances spéciales ; j’en connais qui sont des hommes très distingués.
M.
H. de Brouckere. - Notre honorable collègue M.
Serruys n’a pas dit que nos officiers n’avaient pas de connaissances spéciales,
il en a fait l’éloge au contraire ; mais il croit qu’ils n’ont point toutes les
connaissances spéciales nécessaires pour occuper le poste difficile de chef de
division de la marine.
BQuant à la place de chef de division de ce département, elle
exige trois genres de connaissances spéciales. Il faut, pour que l’on soit
capable de la remplir, avoir une certaine expérience de la navigation, et
connaître la topographie du pays ; il faut ensuite avoir des connaissances de
droit, et enfin savoir écrire. Jusqu’à présent cette place est vacante,
précisément parce que les candidats qui se sont présentés ne réussissaient pas
ces trois qualités. Par ces motifs, je pense que le traitement du chef de
division de la marine ne peut être moindre que celui proposé par le
gouvernement.
M. d’Elhoungne
et M. Dumortier insistent pour l’adoption
du chiffre de la section centrale.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere) répète que le crédit qu’il demande
ne servira pas à augmenter les employés existants, mais à payer un homme
spécial, dont le besoin se fait vivement sentir.
M. Jamme. - Messieurs, je voterai
pour le chiffre ministériel du crédit demandé pour le personnel de
l’administration centrale de la marine.
Soyons assez sage, messieurs, pour ne
pas reculer vis-à-vis d’une dépense que je dirai être insignifiante, comme
celle du traitement d’un chef de division, si on considère de quelle importance
il est pour nous de préparer tous les éléments nécessaires pour faire sortir
notre marine marchande de l’état de nullité complète où elle se trouve par
suite de notre séparation avec la Hollande, et depuis que plusieurs maisons
importantes ont pris la résolution de transporter le centre de leurs affaires
hors du pays.
Le commerce maritime réclame hautement
quelque protection. Considérons les crédits demandés au budget de la marine
comme une avance nécessaire, comme une dépense de premier établissement. Tout
retard apporté dans l’appui que demande le commerce aurait des résultats
funestes.
- La réduction de la section centrale
est mise aux voix et rejetée.
Le chiffre de 6,500 fl. est adopté.
Article
2
« Art. 2. Matériel : fl.
3,100. »
La section centrale propose de
n’allouer que 1,500 fl.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - D’après les calculs qui ont été
faits pour le chauffage, je crois pouvoir consentir à une réduction de 1,000
fl. Je prie la chambre de vouloir bien m’allouer le chiffre de 2,100 fl.
- La réduction de la section centrale
est rejetée, et ce dernier chiffre est adopté.
Chapitre II. - Service des ports et des côtes
M. Rogier. - Au moment de voter
des dépenses pour la marine, comme il doit s’agir surtout de marine
commerciale, je crois utile de soumettre au gouvernement et à la chambre, sur
quelques points de notre marine commerciale, des observations que ma position
particulière m’a mis à même de recueillir, et me fait en quelque sorte un
devoir de reproduire.
Depuis que notre patrie a brisé le
joug d’une nation jalouse, pour devenir nation indépendante et rivale, le
commerce d’Anvers, avec un zèle bien louable, et qui atteste sa foi dans
l’avenir, n’a cessé, par l’organe des membres qui composent la chambre,
d’adresser au gouvernement des mémoires pleins de précision, de lucidité et
d’intérêt, sur les moyens d’assurer au commerce de la Belgique, et de la place
d’Anvers en particulier, la prospérité qu’il
a droit d’attendre, et que la position si heureuse du pays rend pour
ainsi dire inévitable.
J’ai remarqué avec plaisir que la
section centrale avait en quelque sorte devancé les vœux du commerce de nos
villes maritimes, en soulevant une question qui l’intéresse à un haut degré, je
veux parler du pilotage.
On sait, messieurs, que le pilotage
est un genre d’industrie qui consiste à fournir aux navires en destination pour
un port des guides ou pilotes qui vont les précéder à une certaine distance de
ce port, pour leur en faciliter l’entrée, et éviter les écueils ou passes
difficiles qui pourraient être ignorées des marins de l’équipage.
Pour cette assistance donnée aux
navires, il y a des droits établis : dans certains ports, l’industrie du
pilotage est exercée librement par entreprise particulière ; dans d’autres
ports, cette industrie est entre les mains d’une administration qui a ses
pilotes agrégés et sa caisse particulière.
Ici, messieurs, j’ai à jeter les yeux
en arrière et à vous signaler quelques faits qui montreront jusqu’où allait la
sollicitude du gouvernement hollandais pour le commerce belge ; et, s’il est
encore quelque chose qui doive surprendre, aujourd’hui que ces griefs osent se
produire au grand jour, c’est qu’il se trouve encore des hommes rendus assez
aveugles par une crise passagère, je ne dirai pas pour regretter, mais pour
exalter ce régime aussi partial contre les intérêts matériels de la Belgique,
qui ont triomphé malgré la Hollande, que contre ses intérêts moraux si
outrageusement méconnus.
En jetant les yeux sur le tableau
comparatif des différents droits de pilotage payés pour les ports de la
Belgique et de la Hollande, on est frappé des injustices vraiment révoltantes
(le mot n’est pas trop fort) qui étaient stipulées en faveur des ports de la
Hollande.
Je citerai quelques exemples : tandis
que la direction du pilotage du Texel était laissée à de simples particuliers,
et pouvait par là se faire à moins de frais, celui d’Ostende avait été retiré à
la direction de la ville pour être remis à deux anciens officiers de la marine
hollandaise. Mais c'était peu encore : il fallait fermer toute navigation à ce
port, lui interdire toute concurrence avec ceux de la Hollande ; et vous savez,
messieurs, si on y était malheureusement parvenu.
Pour navires ayant un tirant d’eau
peu considérable, les seuls que le port d’Ostende pût recevoir, on payait pour
ce port 10 fl. ; et pour Hellevoet, on ne payait que 5 fl. 3/4.
A la vérité, pour les gros navires,
la différence était en faveur d’Ostende ; mais voyez la perfidie !
Le droit était ici inférieur pour
Ostende ; mais à quoi bon ? puisque ce même gouvernement, qui accordait une
sorte de privilège aux gros navires allant à Ostende, leur interdisait de fait
l’entrée de ce port en prohibant, sous le plus ridicule prétexte, le jeu des
écluses, qui devait, en déblayant le port, lui donner une profondeur propre à
supporter les navires d’un tirant d’eau considérable.
Il a fallu la révolution pour faire
cesser cet abus commercial, auquel on aurait peine à croire si celui qui a
l’honneur de vous parler en ce moment n’avait été mis à même de le faire cesser
par suite d’une mission de ses collègues du gouvernement provisoire.
Nous venons d’établir des
comparaisons avec Ostende ; comparons maintenant avec Anvers : nous trouverons
d’autres injustices.
Le droit de pilotage de la mer à
Flessingue, malgré l’infériorité du personnel et du matériel de
l’administration, était de 42 p. c. au-dessus de celui de la mer au Texel (pour
Amsterdam) et à Hellevoet (pour Rotterdam).
Les droits qui, calculés sur les
distances à parcourir et les tirants d’eau des navires, n’auraient dû être,
entre Anvers et Flessignue, que de 45 fl., étaient fixés à 62.
Etait-ce le commerce qui demandait,
qui admettait cette augmentation ? Loin de là : pendant six années, il n’a
cessé de réclamer une diminution de 20 p. c. sur les droits de pilotage, sans
avoir jamais pu l’obtenir ; car le gouvernement hollandais savait où porter ses
faveurs ; et se serait gardé, en accordant cette diminution, de porter
préjudice à ses ports privilégiés.
« C’est, disait la commission,
un devoir bien pénible pour nous, et qu’une partie de votre commission remplit
pour la seconde fois, que d’avoir encore à vous signaler une disproportion
frappante entre les différentes taxes, disproportion que rien ne justifie à nos
yeux, et qu’on maintient cependant avec une persévérance qui semble devoir
triompher des plus légitimes réclamations. »
Je le demande aussi, aurait-on traité
d’autre manière une nation étrangère, une nation ennemie ?
Je pourrais multiplier les citations
; une seule encore :
Le pilotage de la mer à Flessingue et
de Flessingue à Anvers se faisait par et pour l’administration hollandaise.
Le commerce d’Anvers était et est
encore malheureusement forcé de payer les pilotes hollandais qui conduisent les
navires, non seulement de la mer à Flessingue, mais de cette dernière à Anvers,
tandis que le pilotage n’était permis par pilote belge que d’Anvers à
Flessingue.
Il est arrivé de là que la caisse de
l’administration du pilotage avait, à la fin de l’année 1829, une épargne de
600,000 fl., faite tout entière sur le commerce d’Anvers.
Savoir où passait cette somme, c’est
ce que j’ignore et ce qui ne peut nous occuper en ce moment.
Malgré cet état de choses vraiment
déplorable, il y avait à Anvers une grande prospérité commerciale.
En 1829, époque la plus prospère, le
nombre des navires entrés dans le port a été de 1090.
Je parle d’après les documents
fournis par la chambre de commerce.
En 1831, il n’y est entré que 398. La
différence en moins est de près d’un tiers ; mais il faut remarquer que, sur
les 1,090 navires entrés en 1829, 473, ou près de la moitié, étaient
néerlandais, tandis que, sur les 398 entrés en 1831, 85 seulement étaient
belges.
La guerre entre les deux pays devait
nécessairement éloigner les navires hollandais ; la paix nous les ramènera. Et,
quant aux navires étrangers, si l’on compare les arrivages de 1829 et 1831, la
différence n’est que de 235 ; et, si l’on retranchait de ce dernier chiffre le
nombre en plus de navires qu’a reçu le port d’Ostende en 1831, on trouverait
que le décroissement de la navigation commerciale de toute la Belgique est loin
d’être aussi déplorable qu’on le répète.
Notez, d’ailleurs, que j’ai pris ici
pour point de comparaison l’année la plus prospère, et que si, sans remonter à
quinze ans en arrière, on s’arrêtait seulement à 1827, on ne trouverait que 831
arrivages, dont 400 navires étrangers, et, par conséquent, une différence
seulement de 87 entre les arrivages de 1827, époque qui ne passe pas pour avoir
été peu prospère, et ceux de 1831, époque de toutes la moins prospère.
Remarquons, en outre, la position
toute particulière de la ville d’Anvers, occupée par un ennemi auquel les
moyens de destruction ne répugnent pas, menacée incessamment de désastres dont
le retentissement a dû porter l’alarme dans tout commerce, toujours craintif de
sa nature. Voyez l’Escaut, à demi bloqué par des vaisseaux de guerre et des
canonnières ; joignez-y l’état de siège de la place (que j’approuve
d’ailleurs, pour le dire en passant, comme mesure de circonstance utile),
l’armement des bords du fleuve, d’une partie du port et de l’intérieur même de
la ville ; ajoutez encore les mesures de précaution que l’appréhension du
choléra a forcé de prendre, et reconnaissez après cela que, pour attirer à lui
autant de navires que l’année 1831, toute mauvaise qu’elle a pu être, il faut
que le port d’Anvers soit nécessaire, soit, pour ainsi dire, indispensable au
commerce étranger : une fois donc toutes ces entraves momentanées disparues,
qui peut douter qu’il ne retrouve rapidement sa prospérité première ? Car je ne
suis pas de ceux qui pensent que la révolution ait frappé d’un coup mortel
notre commerce maritime. Si le débouché de Java est fermé à nos produits, si la
Hollande les repousse momentanément, d’autres débouchés encore restent ouverts.
Et, pour en faciliter l’accès, l’on verra le gouvernement, je n’en fait aucun
doute, seconder avec énergie les vœux du commerce : un pilotage affranchi
d’entraves et de droits élevés ; un entrepôt général où pourront être déposés,
manipulés, échangés, les produits de toutes les nations ; le libre transit vers
l’Allemagne, et de grandes communications joignant l’Escaut à la Meuse et ce
dernier fleuve au Rhin. Et qu’on ne dise pas qu’une pareille œuvre
est au-dessus des forces du pays. Pour être resserrée en d’étroites limites, la
Belgique ne serait-elle plus capable de grandes entreprises ? Mais, sans
remonter bien haut dans son histoire, sans appeler en témoignage ses
magnifiques monuments du moyen-âge, n’est-ce pas en Belgique que l’étranger
surpris vient admirer deux des établissements industriels les plus grandioses
qui se soient élevés en Europe ? Messieurs, je ne m’éblouis pas sur la
situation fâcheuse où se trouve momentanément notre commerce maritime ; mais je
suis loin aussi de désespérer de notre avenir commercial. J’ai signalé les
griefs du commerce belge contre la Hollande, griefs encore debout, qui, pour ne
pas avoir figuré dans les pétitions, n’en sont pas moins réels, et doivent
disparaître comme toutes les autres. J’ai en même temps exprimé quelques vœux
généraux du commerce ; je ne doute pas que le gouvernement et les chambres
n’ont plus que des intérêts communs avec le pays, dont on ne verra plus la
meilleure moitié sans réserve et sans cesse sacrifiée à l’autre.
M. Osy répond aux observations
de M. Rogier ; il soutient que ce n’est pas par le nombre des bâtiments, mais
par celui des tonneaux qu’il faut calculer la quantité des marchandises
arrivées dans le port d’Anvers. En prenant cette base, il en résulte qu’il est
arrivé, dans l’année 1831, la moitié moins de marchandises que les années
précédentes.
- On fait remarquer que cette
discussion est étrangère à la partie du budget en délibération ; en
conséquence, la clôture sur l’ensemble est prononcée.
Article
premier
Après quelques observations de M. Osy sur le
pilotage, l’article premier est mis aux voix et adopté.
Article
2
« Art. 2. Matériel : fr.
3,678. »
La section centrale propose une
réduction de 800 fl.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere) ne s’oppose pas à cette réduction.
- Elle est adoptée.
« Art. 3. Frais éventuels pour
le service des ports et des côtes : fl. 12,900. »
La section centrale propose que l’on
alloue seulement 10,900 fl.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere)
dit qu’au lieu de consentir à la diminution de ce chapitre, il se voit obligé
de demander une augmentation de 13,000 fl. our deux nouvelles barques
supplémentaires dans l’Escaut, qui sont réclamées par l’intérêt de commerce,
et, en outre, s’il en est besoin, pour Ostende et Newport.
M. Delehaye
et M.
dElhoungne proposent d’ajourner cet amendement, pour avoir le temps de
l’examiner.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere) propose de la renvoyer à la section
centrale.
M. Gendebien croit qu’il
vaudrait mieux faire faire le service par les canonnières que par les barques.
M. Serruys appuie cette
observation.
- En conséquence, l’article est
renvoyé à la section centrale, qui présentera un rapport sur ce point.
Chapitre III. - Traitements effectifs des
officiers de marine
Le chapitre III, relatif aux
traitements des officiers de marine, auquel M. de Muelenaere propose aussi une
augmentation, est également renvoyé à la section centrale.
Chapitre IV. - Armement et équipement des
bâtiments de guerre
Articles
1 et 2
« Art. 1er. Personnel des deux
brigantins : fl. 21,540. »
La réduction de 800 fl. proposée par
la section centrale, consentie par M. le ministre, est adoptée.
______________
« Art. 2. Matériel des deux
brigantins : fl. 38,997. »
Adopté.
« Art. 3. Frais d’entretien et
des gardiens des canonnières : fl. 3,200. »
La commission propose une réduction
de 2,400 fl.
M. Gendebien demande la
suppression de cet article.
M. Ch. de Brouckere.
- La chambre vient de renvoyer à la section centrale l’amendement de M. le
ministre des affaires étrangères, pour voir s’il ne vaudrait pas mieux
organiser le service des canonnières. Il me semble que cet article devrait
également être renvoyé. (Appuyé.)
- La chambre adopte cette motion
d’ordre, et, revenant sur son vote en ce qui concerne les deux premiers
articles du chapitre IV, le renvoie tout entier à la section centrale.
Chapitre V. - Service des magasins de la marine
Articles
1 et 2
« Art. 1er. Personnel : fl.
1,700.é
La section centrale propose de
n’allouer que 1,500 fl.
Cette réduction est adoptée.
« Art. 2. Matériel : fl.
2,575. »
La commission propose une réduction
de 1,000 fl. qui est également adoptée.
« Art. 3. Fonds de magasin : fl.
10,800. »
M. d’Elhoungne.
- Si le séjour des fonds de magasin se prolonge, les frais de garde s’élèveront
à plus de 90 p. c. Il me semble qu’il vaudrait mieux acheter les objets à
mesure qu’on en aurait besoin.
M. Gendebien.
- On ne sait vraiment que voter. On croirait que c’est l’inventaire d’un
épicier en état de faillite. (On rit.)
On devrait au moins nous donner des indications plus précises.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. de Muelenaere).
- Je ferai remarquer à l’honorable membre qu’il faut des agrès, des cordages,
des gréements. Tous ceux qui habitent dans un port de mer savent combien ces
objets sont sujets à s’avarier. De là, la nécessité de les tenir en magasin.
M. Leclercq. - Je crois que
cet article devrait être aussi renvoyé à la section centrale.
M. Ch. de Brouckere.
- A chaque chapitre on divise l’allocation en personnel et en matériel ; avec
toutes ces spécialités le gouvernement ne pourra marcher, car aucune somme ne
pourrait au besoin être transférée d’un article à un autre. Il vaudrait
beaucoup mieux laisser au ministre le soin de faire la répartition, et accorder
une somme globale pour le personnel, le matériel et l’armement. (Appuyé ! appuyé !)
Le renvoi du chapitre V tout entier
est ordonné par la chambre.
Chapitre VI. - Dépenses éventuelles de la marine
M. Osy propose de renvoyer
également ce chapitre à la section centrale.
M. Gendebien. - J’appuie le
renvoi proposé ; mais je demande que la section centrale et M. le ministre
s’entendent pour nous proposer une dépense qui puisse rendre notre marine, non
pas dominatrice des mers, mais digne de la nation. Nous n’avons rien en fait de
marine, et depuis 15 mois nous n’avons rien fait pour en établir une.
Cependant, si nous avions eu quelques bateaux à vapeur, nous aurions pu
inquiéter la flotte hollandaise devant Anvers. Pour avoir une marine, rien ne
nous manque. Nous avons du bois de construction. Au moment où notre fer manque
de débouchés, il eût été facile d’obtenir à un bas prix tout celui qui nous est
nécessaire ; cela eût donné des mouvements à quelques capitaux, procuré du
travail à un grand nombre d’ouvriers ; en un mot, nous y aurions trouvé
d’immenses avantages. Je le répète, donnez-nous une marine qui puisse défendre
notre commerce ; que nous ayons au moins un simulacre de défense. Je suis prêt
à voter toutes les sommes que l’on jugera nécessaires pour commencer à nous former
un noyau de marine.
- Le chapitre VI est également
renvoyé à la section centrale.
La séance est levée à 3 heures et
demie.