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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 17 mars
1832
Sommaire
1) Projet de loi portant le budget du
département de la guerre pour l’exercice 1832. Motion d’ordre relative aux
officiers volontaires (Jaminé, de
Theux, d’Elhoungne, Mary, d’Huart, Raikem, H. de Brouckere, d’Huart, Fallon), traitement du ministre (Lebeau,
Brabant, Jullien, Ch. Vilain XIIII) demande d’ajournement par suite de la
démission du ministre (Pirson, Tiecken
de Terhove, de Muelenaere, Pirson,
de Muelenaere)
2) Projet de loi portant le budget de la dette
publique pour l’exercice 1832. Partage de la dette belgo-hollandaise (d’Elhoungne, Coghen, de Muelenaere, d’Elhoungne,
Destouvelles, Leclercq, Fallon, de Muelenaere, Ch. Vilain XIIII), emprunts belges (notamment emprunt
forcé) (Dumortier, Verdussen,
Coghen, Destouvelles, Verdussen, Dumortier, Destouvelles)
(Moniteur belge n°79, du 19 mars 1832)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à midi et demi.
Après l’appel
nominal, le procès-verbal est lu et adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
Quelques pétitions
sont ensuite analysées et renvoyées à la commission.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR
L’EXERCICE 1832
Second vote des articles
L’ordre du jour
appelle le vote sur l’ensemble du budget de la guerre.
M. Jaminé. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Il
me semble, messieurs, que nous ne pouvons voter le budget de la guerre avant
d’avoir pris une décision sur les propositions de MM. Gendebien, Jullien et
Nothomb, relatives aux volontaires ; car il faut savoir si ce sont des
amendements au budget ou des propositions particulières. Si ce sont des
amendements au budget, il faut les discuter avant de passer au vote définitif ;
si au contraire ce sont des propositions à part, elles doivent suivre la
filière du règlement : mais il faut que l’on s’explique à cet égard.
M. le président. - La chambre a déjà décidé la question.
M. le ministre de
l’intérieur (M. de Theux). -
Je vous rappellerai qu’un membre de cette assemblée, M. d’Elhoungne, avait
demandé que l’on suspendît le vote du budget de la guerre, jusqu’à ce que la
commission chargée d’examiner les propositions dont il s’agit eût fait son
rapport. J’ai dit que ces propositions étaient un objet à part et devaient être
renvoyées après le budget du département de la guerre, et j’ai ajouté que cela
était nécessaire pour que le sénat eût le temps d’examiner ce budget. La
chambre s’est prononcée dans ce sens. Il est évident que ce serait contrevenir
au règlement que de revenir sur cette décision.
M. d’Elhoungne. - Je ferai remarquer à M. le ministre que ce n’est
pas moi qui a proposé d’attendre le rapport des propositions avant de voter le budget
; j’ai demandé, au contraire, que ces propositions fussent renvoyées en section
et fussent soumises aux formalités ordinaires.
M. Mary. - La commission nommé pour examiner les propositions
a terminé son travail. Comme cet objet peut donner lieu à une adjonction au
budget, il faut nécessairement entendre son rapport avant le vote définitif.
M.
d’Huart.
- Je crois me rappeler parfaitement que, dans la dernière séance, on a décidé
que ces propositions devaient former un projet de loi à part, qui devait être
discuté séparément.
- On recourt au
procès-verbal ; cette mention y a été omise.
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Dans tous les cas, le procès-verbal porte :
« La chambre décide qu’elle votera après-demain sur l’ensemble du budget
de la guerre ; » et cela suffit.
M. H. de Brouckere. - Cela n’empêche pas de lire le rapport ; nous avons
même l’habitude de commencer nos séances par un rapport.
M. d’Huart. - Je crois que la chambre doit entendre ce rapport,
d’autant plus qu’elle verra bien, d’après la lecture, que la question veut être
mûrement méditée.
- La chambre,
consultée, décide qu’elle entendra immédiatement le rapport.
Rapport de la commission spéciale relatif aux
officiers des corps francs et des bataillons de volontaires
M.
Fallon, rapporteur. - Trois
amendements ont été proposés dans la discussion sur le règlement du budget de
la guerre.
L’un par M.
Jullien, tendant à ajouter au chapitre VII un somme de 20,000 florins, pour
être employée en indemnités au profit des officiers des corps francs qui, ayant
été licenciés, en vertu de l’ordonnance du 19 août dernier, n’ont pas été
replacés, soit dans le militaire, soit dans le civil ; un autre par M.
Gendebien, tendant à ouvrir, au même chapitre, un crédit de quarante mille
florins, pour fournir une solde de non-activité aux officiers des volontaires
qui n’ont pu trouver place dans les cadres, en exécution de l’arrêté du régent
du 30 mars 1831, et jusqu’à ce qu’ils aient été replacés en activité ou
gratifiés de pensions, qui seront jugées leur être dues pour leurs blessures,
leurs services et les sacrifices qu’ils ont faits pour la cause de la liberté ;
un autre, enfin, de M. Nothomb, tendant à ce que le crédit demandé soit
également employé au profit des simples volontaires qui, domiciliés à Maestricht
et à Luxemburg, ont quitté ces villes pour prendre service dans les bataillons
de volontaires, qui, ayant été congédiés, ne peuvent entrer dans leurs foyers.
Les questions
graves que produisent ces amendements ont été longuement et à plusieurs
reprises soulevées et discutées dans la chambre, mais elles n’ont pas été
résolues. En renvoyant ces amendements à l’examen d’une commission, vous avez
imposé à cette commission le devoir de vous faire connaître son opinion sur ces
questions délicates. Elle s’acquitte, par mon organe, de cette tâche pénible,
qu’elle n’a remplie qu’avec une extrême répugnance en présence des conséquences
qui peuvent être la suite de la solution de ces questions.
Dans le plan de
son travail, le premier point auquel elle a cru devoir s’arrêter a été, de
quatre contre un, de proposer le rejet des amendements, s’ils n’avaient pour
but que des indemnités ou des gratifications pour services rendus, et de les
appuyer au contraire, s’ils avaient pour objet de remplir des engagements
contractés par le gouvernement, de satisfaire à la dette de l’Etat.
Dans le premier
cas, parce qu’en posant dans le budget un principe d’indemnité aussi flexible,
son application ne tarderait pas à être réclamée par une multitude de cas
semblables, auxquels il serai impossible de pourvoir, et parce qu’avant de se
livrer à des actes de générosité plus ou moins justifiés par l’équité, il
fallait d’abord satisfaire à ce que commande la justice.
Dans le second
cas, parce que la principale destination du budget est de satisfaire aux
obligations du gouvernement, et parce qu’à la veille surtout de réformer le
système financier, il importe, pour en déterminer le chiffre, qu’aucune dette
de l’Etat ne soit omise.
Sa règle de conduite
étant ainsi tracée, votre commission a examiné sérieusement, dans l’ordre
suivant, les diverses questions dont la solution lui a paru indispensable, pour
motiver son avis sur le mérite des amendements proposés.
En ce qui regarde
d’abord les officiers des corps francs, qui, en exécution de l’arrêté du régent
du 30 mars 1831, ont été incorporés dans l’armée régulière, on s’est demandé
s’ils avaient acquis le droit de n’être démissionnés que dans les cas prévus
par la loi du 22 septembre, même année, et suivant les formalités qui y sont
prescrites.
Sur cette
question, votre commission a été unanimement d’avis que l’arrêté du 30 mars
1831 ne laisse pas de doute que les officiers des corps francs, qui, en
exécution de cet arrêté, ont fait partie de l’armée régulière et étaient
brevetés, en cette qualité, à l’époque de l’arrêté organique du 19 août,
avaient incontestablement acquis le droit de n’être privés de leur grade que
dans les cas prévus par la loi du 22 septembre.
Voici les motifs
de cette opinion. L’arrêté du 30 mars indique déjà, dans son texte, que son
objet est d’enrégimenter les divers cops francs. Le régent donne ensuite, pour
motif de la disposition, qu’il veut accorder aux corps francs une récompense
proportionnée aux services éminents qu’ils ont rendus à la patrie, et que la
patrie ne saurait leur accorder une plus honorable récompense que leur
incorporation dans l’armée régulière. Enfin, la disposition porte qu’il en sera
formé trois régiments d’infanterie ; qu’ils seront organisés sur le pied de
ceux qui composent l’armée régulière, et que leur solde sera la même que celle
des troupes de ligne. Il ne semble pas possible d’énoncer plus clairement que,
dès cet instant, les officiers des corps francs ont été assimilés aux officiers
de la ligne, et que ce n’était pas par faveur ni à titre précaire que cet
avantage leur était accordé, mais bien à titre rémunératoire et pour prix de
services rendus. Or, à l’époque de cet arrêté, la constitution était décrétée,
et l’article 124 ne permettait de priver les militaires de leur grade que de la
manière déterminée par la loi. Donc, du moment que les officiers des corps
francs furent incorporés dans l’armée régulière, ils furent investis du droit
de ne pouvoir être privés des avantages de leur grade qu’en conformité d’une
loi. Cette loi spéciale, qui détermine les cas d’inconduite ou d’incapacité
pour lesquels les officiers de l’armée peuvent être démissionnés sans
traitement ni pension, n’a été portée que le 22 septembre.
Ainsi, ceux de ces
officiers qui, lors de la réorganisation de l’armée, opérée en exécution de
l’arrêté du 19 août, n’ont pas été maintenu dans l’armée, ou proposés à tout
autre service, ont conservé le doit à la solde du grade qu’ils occupaient
alors, jusqu’à ce qu’il leur fût fait application de la loi du 22 septembre. Il
résulte de là que ceux de ces officiers qui, pour cause d’inconduite, n’ont pas
été maintenus ou replacés, ont droit à la solde de non-activité, jusqu’au
moment où ils auront été démissionnés par le Roi, sous le rapport du ministre
de la guerre, ou sur un avis du conseil de guerre, et que ceux qui n’ont pas
été replacés pour cause d’incapacité ont également droit à la solde de
retraite, jusqu’à ce que, le délai de 6 mois fixé pour leur examen étant
expiré, la commission d’examen les aura jugés capables. A l’égard de ces
officiers, ce n’est donc pas seulement d’une indemnité pour services rendus
qu’il s’agit dans l’amendement proposé par M. Gendebien ; c’est une véritable
dette qu’il s’agit d’acquitter.
En ce qui concerne
maintenant les officiers de bataillons de volontaires (tirailleurs francs),
organisés par les arrêtés des 8 et 12 avril 1831, la question étant une
question d’interprétation, a paru plus délicate et n’a été résolue qu’à la
majorité de trois contre deux.
Votre commission
s’est attachée d’abord à saisir la véritable signification des termes dans les
articles 3 et 7 de ces arrêtés, et à examiner ensuite si rien, dans l’économie
de ces arrêtés, ne contrariait l’impression qu’elle en recevait. A la lecture
de l’article 7, elle n’a pu se refuser à voir des engagements contractés
réciproquement, d’un côté de la part des volontaires, et de l’autre, de la part
du gouvernement : d’un côté, les volontaires se sont engagés à servir jusqu’à
la fin de la guerre, et de l’autre, le gouvernement s’est engagé à ne les
licencier qu’à la paix, et alors même, qu’en vertu d’un arrêté dont il leur
serait donné connaissance quinze jours au moins avant l’époque du licenciement.
Le mot
« toutefois, » qui lie les deux phrases, n’aurait plus aucun sens
rationnel, s’il ne reportait au même événement, c’est-à-dire à la fin de la
guerre, le licenciement dont il est immédiatement parlé, et dont l’époque
n’avait pas été fixée dans l’article 3.
Telle est
l’impression que les termes ont produire sur la majorité de votre commission,
impression qui s’est fortifiée lorsqu’elle s’est ensuite occupée de mettre les
termes en relation avec l’esprit et le budget de ces arrêtés.
Il fallait
pourvoir aux moyens d’assurer la défense du territoire contre l’invasion
étrangère dont on était menacé, et les moyens militaires ordinaires
paraissaient insuffisants. Pour assurer le succès de la mesure, il fallait
naturellement accompagner l’appel des volontaires de quelque avantage ; il
fallait assurer leur sort, et donner au moins aux officiers la garantie que,
s’ils devaient faire des dépenses d’équipement, ces dépenses ne seraient pas
perdues pour eux au gré du gouvernement ; il était donc conséquent que le
gouvernement prît l’engagement de ne pouvoir les licencier du jour au
lendemain, mais bien à une époque indépendante de sa volonté.
Par ces
considérations, votre commission pense que le licenciement des bataillons des
tirailleurs francs, ordonné par l’article 9 de l’arrêté du 19 août 1831, a été
intempestif ; qu’il n’a pu enlever aux officiers de ces corps le droit d’être
tout au moins soldés, sinon employés jusqu’au terme de l’engagement, et qu’en
conséquence la solde de non-activité leur est due pour tout le temps pendant
lequel le pays sera en état de guerre, sauf toutefois, ce que peut et doit
faire le gouvernement, à leur faire application de la loi du 22 septembre pour
les cas d’inconduite ou d’incapacité ; car il va de soi-même que, quel que soit
l’engagement que le gouvernement a pris envers eux, il est naturellement
subordonné à la condition qu’ils resteront soumis aux lois de discipline, et
qu’ils seront capables de rendre les services que l’on a droit d’attendre de
tout officier instruit.
C’est donc encore
une dette de l’Etat, et non de gratifications ou d’indemnités pour services
rendus, qu’il s’agit dans l’amendement proposé par M. Jullien.
En ce qui
concerne, enfin, les simples volontaires qui appartiennent aux villes de
Maestricht et de Luxembourg, et qui, lors du licenciement du mois d’août, n’ont
pas voulu rentrer dans la ligne sous la condition d’un engagement de deux ans,
et lesquels il s’agit dans l’amendement proposé par M. Nothomb, votre
commission n’avait pu changer la condition primitive de leurs engagements, et
qu’en conséquence ils ont droit d’être payés de la solde jusqu’à la paix, ou
tout au moins (car il semble qu’ils ne demandent rien de plus) jusqu’au moment
où ils pourront rentrer dans leurs foyers.
Après avoir résolu
les questions que soulèvent les amendements, après s’être ainsi formé l’opinion
qu’ils ont pour objet, non de délivrer des gratifications ou de simples
indemnités pour services rendus, mais de satisfaire à une dette de l’Etat, qui
doit naturellement trouver sa place dans le budget qui est en discussion, elle
s’est occupée de la question de chiffre, du point de savoir quelle allocation
serait nécessaire pour parvenir à acquitter cette dette.
Ici elle n’ a pu
et ne pouvait faire un travail exact, les renseignements qui lui étaient
indispensables n’ayant pu lui être fournis qu’en partie par les bureaux du
ministère de la guerre, où l’on ne connaît pas même précisément tous les
officiers qui se trouvent dans l’une ou l’autre catégorie, ni ceux qui ont été
placés dans d’autres branches de service, ni enfin ceux auxquels le gouvernement
a déjà appliqué ou pourra appliquer les dispositions de la loi du 22 septembre.
Votre commission
n’a donc pu se livrer qu’à un calcul approximatif. Elle croit cependant qu’en
portant l’allocation telle qu’elle est demandé, c’est-à-dire, à 60,000 fl., il
n’y aura pas d’exagération, et voici dans quels termes elle propose d’en faire
un article au budget :
« Chapitre
VII. Art. 2. Pour subvenir au paiement de la solde de non-activité des
officiers des corps francs qui, en exécution de l’arrêté du 30 mars 1831, ont
été incorporés dans l’armée régulière, y ont été brevetés en cette qualité, et
qui, depuis l’arrêté du 19 août, n’ont été employés à aucun service et sans
qu’il leur ait été fait application de la loi du 22 septembre, la somme de
40,000 fl.
« Art. 3.
Pour subvenir également au paiement de la solde de non-activité des officiers
des tirailleurs francs qui ont été licenciés par l’arrêté du 19 août, sans
avoir été replacés dans aucun service et sans qu’il leur ait été fait
application de la loi du 22 septembre, et enfin pour subvenir à la solde des
simples volontaires appartenant aux villes de Maestricht et de Luxembourg, pour
tout le temps qu’ils ne pourront rentrer dans leurs foyers, une somme de 20,000
fl.
« En cas
d’insuffisance, ces sommes seront réparties proportionnellement au montant de
la créance de chacun. »
En arrivant ainsi
au résultat de ses délibérations, votre commission ne s’est pas dissimulé les
conséquences onéreuses de sa conviction, si cette conviction venait à être
partage par la chambre, et elle ne s’est pas dissimulé non plus la force des
objections que l’on peut opposer à l’opinion qu’elle vient de manifester sur
les diverses questions qu’elle a été appelée à résoudre, et qui sont de nature
à renouveler de longues discussions. Aussi désire-t-elle ardemment que, sans
rien préjuger sur le droit, la chambre se décide de préférence à étouffer tous
débats ultérieurs au moyen d’une espèce de transaction qui, moyennant un
sacrifice une fois fait par l’Etat, le libèrerait entièrement des prétentions
qui ont été ou pourraient être formées par les officiers des corps francs et
des bataillons des tirailleurs francs. Elle a médité longuement et avec soin
quels pourraient être les moyens de parvenir à terminer de cette manière toutes
les difficultés, et voici le seul qui lui a paru praticable :
Ce serait d’ouvrir
au budget un crédit, au moyen duquel le gouvernement serait chargé de négocier
et de procurer le désistement des prétentions dont il s’agit. Les moyens de
conduire cette négociation avec succès ne paraissent pas devoir lui manquer,
puisque d’un côté le droit restera incertain, et que de l’autre, le cas
échéant, il peut faire application de la loi du 22 septembre, outre qu’il peut
également replacer un certain nombre dans les diverses branches de
l’administration publique.
Dans ce cas, voici
dans quels termes votre commission propose de rédiger l’allocation :
« Pour
fournir au gouvernement le moyen de se procurer transactionnellement le
désistement de toutes les prétentions de la part des officiers des corps francs
et des bataillons de volontaires, qui n’ont pas été replacés depuis la
réorganisation de l’armée ordonnée par arrêté du 19 août 1831, de même que des
volontaires appartenant aux villes de Maestricht et de Luxembourg qui ne
peuvent rentrer dans leurs foyers, une somme de 60,000 fl.
Votre commission
vous propose, enfin, de donner la priorité à la discussion de cette deuxième
proposition, et de la mettre la première aux voix.
- Ce rapport sera
imprimé et distribué.
Vote définitif sur les articles
M. le président. - Je vais maintenant, ainsi que le prescrit notre règlement, remettre
aux voix les amendements introduits au budget de la guerre.
M. Lebeau. - Ce sont les
réductions qu’il faut d’abord mettre aux voix.
M. Brabant.
- Ce ne sont pas les diminutions qu’il faut mettre aux voix, mais les
allocations proposées par la commission.
M. Lebeau insiste pour
que M. le président mette d’abord aux voix les réduction, sauf à voter ensuite
sur l’article, ainsi que cela se pratique en France.
- Ce mode est
adopté.
M. le président. - Il y a une réduction de 500 fl. au premier article du chapitre
premier ; je vais la mettre aux voix.
M. Jullien. - Je ferai observer que la réduction ne porte pas sur
le traitement du ministre, mais sur l’indemnité de 1,000 fl. qu’il demandait
pour fourrage ; c’est donc sur l’indemnité seulement qu’il faut voter. (Oui ! oui !)
- La réduction de
500 fl. sur la somme de 1,000 fl., portée au budget du département de la
guerre, à titre d’indemnité au ministre pour fourrages, est remise aux voix.
Une première
épreuve est douteuse, elle est renouvelée.
Un grand nombre de voix. - L’appel nominal ! l’appel nominal !
- Il est procédé à
l’appel nominal, dont voici le résultat :
40 membres votent
pour la réduction et 40 contre ; en conséquence, la réduction est rejetée. (Mouvement de surprise.)
M. le président met ensuite aux voix le chiffre du gouvernement.
- Une majorité
évidente se lève à la première épreuve pour son adoption.
Plusieurs membres demandent encore l’appel nominal.
M. Dumortier.
- Mais il n’y a lieu à passer à l’appel nominal que lorsque le bureau doute.
M. le président. - Nous allons renouveler l’épreuve pour qu’il n’y
ait aucune incertitude.
- Une majorité
plus forte encore se lève.
M. le président. - Deux membres du bureau pensent qu’il y a majorité pour l’adoption,
et un qu’il y a doute. (Oh ! oh ! c’est
impossible.)
M. Ch. Vilain XIIII. - Il ne peut y avoir aucun doute, puisque ceux qui
avaient été d’avis de la réduction s’abstiennent de voter.
- L’article
primitif du gouvernement est adopté.
On remet ensuite
aux voix toutes les diminutions et majorations proposées par la commission, qui
sont maintenue par la chambre.
M. le président. - On va passer à l’appel nominal sur l’ensemble.
M. Pirson demande la parole. Il renouvelle la motion qu’il a
faite hier, et persiste à demander que le vote définitif du budget soit
suspendu jusqu’au 20 de ce mois.
M. Tiecken de Terhove appuie les observations de M. Pirson ; il ne croit
pas pouvoir voter un budget aussi important que celui de la guerre, sans savoir
quel sera le successeur de M. de Brouckere, et il déclare qu’il s’abstiendra si
la chambre passe immédiatement à l’appel nominal.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- Si la proposition de M. Pirson, appuyée par M. Tiecken de Terhove, est
l’expression du regret qu’il éprouve de la retraite du ministre de la guerre,
je la partage ; si c’est un hommage à la probité, au zèle et au patriotisme de
ce ministre, je suis encore du même avis que l’honorable membre, et je le
déclare hautement. Mais, au fond, il me semble que la chambre ne saurait
l’accueillir. D’abord la précaution que veut prendre M. Pirson serait illusoire
et inutile. En supposant que le caractère du nouveau ministre de la guerre
doive exercer une influence sur le vote de la chambre, ce que je ne conteste
pas dans certains cas, il n’en est pas moins vrai que la précaution de M.
Pirson serait illusoire ; car le ministre peut résigner son portefeuille au
bout de deux jours, ou bien le Roi peut lui retirer sa confiance, et alors le
but serait manqué.
Indépendamment de
cela, la proposition, quoique je sache bien que ce ne soit pas dans l’intention
de l’auteur, porte une atteinte indirecte aux prérogatives de la couronne : car
la couronne a le droit de nommer les ministres, droit qui ne peut être soumis à
aucune restriction quelconque sans le plus grand inconvénient.
Je ne conteste pas
à la chambre le droit qu’elle a de refuser le budget à un ministre qui ne lui
convient pas ; mais je dis qu’elle ne peut toucher en rien à la nomination d’un
ministre, qui appartient tout entière à la couronne. Au surplus j’espère que la
vacature sera incessamment remplie, et que l’homme sur qui tombera le choix de
S. M. aura, autant que cela est possible, l’assentiment générale et de la
chambre et de la nation elle-même. (Aux
voix ! aux voix !)
M. Pirson. - M. le ministre semblerait croire que j’aurais
voulu toucher à une des prérogatives du Roi. (Non ! non !) Je déclare que je suis bien loin d’avoir une telle
intention.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- J’ai commencé par dire que l’honorable membre n’avait pas, pour sûr, cette
intention, mais que telle était la conséquence indirecte de sa proposition.
J’ajouterai encore un mot. L’honorable M. Pirson a dit : « La couronne et
le pays ont le même intérêt. » Cela est très vrai. Le Roi sait mieux que
personne que, dans un pays constitutionnel, la couronne ne peut nommer un homme
qui n’est pas investi de la confiance publique. (Aux voix ! aux voix !)
Vote définitif sur l’ensemble du projet de loi
La chambre, consultée,
décide qu’il sera procédé immédiatement à l’appel nominal. En voici le résultat
: 74 membres votent pour le budget, 1 contre. L’opposant est M. E. Desmet.
MM. Tiecken de
Terhove, Angillis, Verdussen et d’Elhoungne se sont abstenus : M. Tiecken, par
le motif qu’il a fait valoir précédemment, et les trois autres parce qu’ils
n’ont pas été suffisamment éclairés sur la nécessité des augmentations
proposées par la commission.
En conséquence, le
budget du département de la guerre est adopté.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE LA DETTE PUBLIQUE POUR L’EXERCICE
1832
La suite de
l’ordre du jour est la discussion générale de la dette publique.
Personne ne
demandant la parole sur l’ensemble, on passe à la discussion des articles.
Discussion des articles
Chapitre premier
Articles
1 à 3
« Art. 1er.
Intérêts de la dette active à transférer du grand-livre d’Amsterdam, en
exécution des 24 articles de la conférence de Londres : fl. 8,400,000. »
« Art. 2.
Arrérages desdits intérêts, du 1er novembre 1830 au 1er janvier 1832, à payer
par tiers aux 1er janvier, 1er avril et 1 juillet 1832 : fl. 9,800,000
« d’où il
faut déduire les intérêts soldés du livre auxiliaire de Bruxelles, pour 1831 :
fl. 289,120
« Reste : fl.
9,510,880. »
« Art. 3.
Intérêt de ces deux derniers tiers, calculés à 5 p. c. l’an, l’un pour 3 mois,
l’autre pour 6 mois, à partir du 1er janvier 1832 : fl. 118,886. »
M. d’Elhoungne pense que l’on aurait dû porter la dette de la Hollande, pour plus de
régularité, à la colonne des dépenses ordinaires, parce qu’il est impossible de
présenter comme variable et extraordinaire une dépense qui est perpétuelle ; et
il réclame une disposition spéciale sur un deuxième point, c’est-à-dire, pour
ce qui a rapport aux dommages que la Belgique est en droit de demander à cause
des retards que le roi de Hollande apporte à l’exécution du traité. A cet
effet, il rédige une proposition ainsi conçue :
« Néanmoins,
le ministre ne disposera des crédits formant les trois premiers articles de la
dette publique, que jusqu’à concurrence de ce qui sera effectivement dû à la
Hollande, après déduction faite des dédommagements qui reviendront à la
Belgique pour les retards que le roi de Hollande met à l’exécution du traité. »
M.
le ministre des finances (M. Coghen)
et M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere) annoncent que le
gouvernement a fait son profit des observations de M. Osy, et qu’il ne paiera
pas plus qu’il ne sera réellement dû ; mais, tout en rendant justice aux vues
qui ont guidé l’honorable auteur de la proposition, ils pensent qu’il serait
dangereux d’introduire dans le budget une clause spéciale à cet égard.
M. d’Elhoungne. - Mon but était fort simple, c’était pour engager le
gouvernement qui a toujours été humble devant la conférence, à montrer de la
fermeté. Je désirais lui donner un appui dans le vote de la chambre. Il me
semble que MM. les ministres, au lieu de combattre ma proposition, devraient
l’approuver.
M. Destouvelles s’oppose à cette proposition, tout en applaudissant
aux vues de l’honorable M. d’Elhoungne.
M. Leclercq propose cette autre rédaction :
« Les sommes
comprises aux trois articles précédents ne sont allouées qu’à la charge, par le
gouvernement, de faire valoir les droits de la Belgique à la réparation des
dommages que lui occasionne la continuation de l’état de guerre, par suite des
retards apportés par la Hollande à la signature du traité de paix. »
M. Fallon propose également la rédaction suivante :
« Les sommes
mentionnées aux trois articles qui précèdent ne sont allouées que sous réserve
des droits du gouvernement à des dédommagements du chef des retards que le roi
de Hollande apporte à la ratification du traité, et sans qu’on puisse tirer de
ces allocations aucune conséquence préjudiciable. »
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere) persiste à dire
que ces propositions, quoiqu’ayant un but utile, peuvent avoir de graves
inconvénients. Il demande le temps d’y réfléchir.
Après un léger
débat et sur l’observation de M. Ch. Vilain XIIII, qui fait observer que le nouvel article dont ces
propositions seront l’objet ne peut venir qu’à la fin de la loi, la chambre
décide qu’elles resteront déposées sur le bureau et que la discussion continue.
- Les articles 1,
2 et 3 sont successivement mis aux voix et adoptés.
« Art. 4.
Remboursement de l’emprunt de 12,000,000 (décret du 8 avril 1831, art. 2) et
recettes effectives : fl. 11,600,000. »
Cet article est
adopté sans discussion ainsi que l’article 5, ainsi conçu :
« Art. 5.
Intérêts dudit emprunt à 5 p. c., du 1er juillet 1831 au 1er janvier 1833, 18
mois (décret du 8 avril 1831, art. 9) : fl. 870,000. »
« Art. 6.
Remboursement par admission des obligations de l’emprunt du 21 octobre 1831, en
paiement d’impôt (loi du 21 octobre 1831, art. 16) : fl. 10,000,000.
M. Dumortier
propose de mettre : remboursement « par achat ou par admission. »
- Ce changement
est consenti par M. le ministre des finances.
M. Verdussen. - Messieurs, vos moments sont précieux, non seulement
pour vous-mêmes, mais encore pour la nation à qui vous les consacrez. Je n’en
abuserai pas, et, sans préparation oratoire, j’aborde un article de notre dette
publique, où se trouve portée la somme de dix millions pour le remboursement de
l’emprunt imposé par la loi du 21 octobre dernier ; c’est à ce chiffre,
messieurs, que je vous prie de vous arrêter un instant.
En portant à 10
millions cette partie de la dette publique pour l’année 1832, le gouvernement a
voulu indubitablement indiquer le remboursement intégral de l’emprunt
susmentionné. Je dis intégral, messieurs, et je le dis avec intention, parce
que je suis persuadé qu’à aucun de vous, pas plus qu’à moi, l’idée n’est venue
de porter atteinte à la restitution religieuse d’un emprunt que vous n’avez
imposé qu’avec une louable répugnance, en cédant à l’impérieuse loi de
l’urgence, comme l’indique suffisamment le premier paragraphe de l’article
premier de cette loi.
Ce n’est donc
point sans étonnement que j’ai vu paraître une décision ministérielle, qui fait
entrevoir, pour le trésor public, la possibilité d’un bénéfice sur le
remboursement de cet emprunt, bénéfice qui, s’il existait, amènerait une
réduction sur le total des dix millions portées en dépense pour le
remboursement présumé.
Déjà vous avez
deviné, messieurs, que je veux parler de la circulaire de M. le ministre des
finances, datée du 25 janvier 1832 et insérée dans le Moniteur belge du 2 février. Mais, que dis-je ? non, vous ne
m’aurez pas deviné ; car, après avoir jeté un coup d’œil sur les considérations
de cet acte ministériel, vous avez cru pouvoir vous dispenser de le lire en
entier, persuadés qu’il ne contenait que des dispositions de bienveillance pour
les contribuables, d’autant plus qu’un honorable précédent pouvait vous
tranquilliser sur l’intention favorable de M. le ministre, lorsque, sur sa
proposition, vous avez adopté la loi du 26 décembre 1831, dont toutes les
dispositions portent l’empreinte d’une noble sollicitude pour la nation, pour
laquelle des sacrifices étaient devenus inévitables.
Malheureusement,
il n’en est pas de même, messieurs, par rapport à la circulaire du 25 janvier,
et, en dépit de la stipulation expresse de l’article 16 de la loi du 21 octobre
qui assimile les bons de l’emprunt au numéraire, M. le ministre, dans son
troisième article, déclare formellement que les récépissés ou les bons
présentés par les contribuables sont si loin d’être envisagés comme numéraire,
qu’aucune restitution ne sera faite sur leur montant et que, dans certains cas,
l’excédant sur la somme due est entièrement perdu pour le débiteur et confisqué
au profit de l’Etat.
J’ai hésité, je
vous l’avoue, messieurs, à en croire mes yeux et mon intelligence ; il me
répugnait d’admettre que, sous un gouvernement libéral, un acte émané de son
ministère consacrât la possibilité d’un gain aussi ignoble que celui d’une
retenue sur le remboursement de sommes empruntées, et empruntées sans intérêt,
quelque modique qu’on puisse supposer cette retenue et malgré qu’on indique
quelques moyens de s’y soustraire : j’ai été jusqu’à chercher dans la rédaction
peu claire de la décision ministérielle un double sens qui me permît de croire
que j’avais tort ; mais toutes mes recherches ont été vaines, et les
renseignements dont je me suis entouré ne m’ont que trop prouvé que j’avais
bien lu et bien entendu.
Loin de moi la
pensée, messieurs, que M. le ministre se soit servi avec préméditation
d’expressions, sinon équivoques, du moins obscures, dans la circulaire que je
signale à votre attention. Cependant je dois avouer que la réticence, dans le
considérant, d’une expression favorable qui se trouve dans la loi, et la
rédaction de l’article 3 pourraient nous porter à le croire. Ce considérant est
ainsi conçu :
« Vu
l’article 6 de la loi du 21 octobre 1831, n°260, portant que les bons et
récépissés de l’emprunt établi par cette loi seront admis en paiement de droits
et contributions, dont l’échéance et l’exigibilité seront postérieures au 30
juin 1832 ; voulant régler, etc. »
Vous voyez,
messieurs, qu’il n’est pas dit un mot, dans ce considérant, de l’assimilation
des bons et récépissés au numéraire, tandis que l’article 16 de la loi dit
littéralement : « Les bons de l’emprunt seront admis comme numéraire dans
les caisses publiques pour droits et contributions, dont l’échéance et
l’exigibilité seront postérieurement au 30 juin 1832. »
Pourquoi cette
suppression du mot « comme numéraire » ? Pourquoi copier servilement
l’article 16 et en retrancher cette seule phrase ? Pourquoi, si ce n’est pas,
comme j’aime à le croire, pour appuyer sur une apparence rationnelle la
disposition spoliatrice de l’article 3 de la circulaire ?
Le voici cet article
:
« Il ne sera
fait aucune restitution en argent ou en récépissés quelconques pour l’excédant
qu’un bon ou récépissé pourrait présenter sur le montant des impôts, en acquit
desquels on veut les donner.
« Le porteur
d’un tel bon ou récépissé aura la faculté de faire valoir la différence en
acquit d’impôt dus par d’autres contribuables. S’il n’use pas de cette faculté
(je vous prie, messieurs, de prendre attention à ceci), s’il n’use pas de cette
faculté, le bon ou récépissé sera réduit à la somme nécessaire pour acquitter
ou compléter celle dont il est redevable. »
C’est cette
dernière stipulation que j’attaque comme impolitique, peut-être même
inconstitutionnelle, et par conséquent inadmissible. Le bon sera réduit à la
somme nécessaire pour acquitter le montant de l’impôt, c’est-à-dire que si le
contribuable dépourvu d’argent comptant doit payer 30 fl., et qu’il n’a à
présenter qu’un bon de 50, les 20 autres fl. seront admis comme numéraire, dit
la loi. Le percepteur ne remboursera-t-il donc pas, sur une pièce de 10 fl.,
l’excédant de ce que le contribuable doit payer ? Et, s’il le fait sur une
pièce d’or, pourquoi ne le ferait-il pas sur un bon assimilé au numéraire,
devenu numéraire lui-même ? Je vous le demande, messieurs, le législateur, qui
a cherché par tous les moyens possibles d’alléger le fardeau qu’il était forcé
de faire peser sur le peuple, a-t-il eu, a-t-il pu avoir l’intention d’ajouter
à cette charge accablante ? A-t-il désiré retenir sur l’avance forcée, faite
par le contribuable, une portion de la somme que celui-ci a été obligé de
prêter aux besoins urgents de l’Etat ? A-t-il voulu enrichir le fisc des
dépouilles des individus les moins aisés parmi ceux que l’emprunt a dû
atteindre, tandis que l’esprit qui domine la rédaction de la loi du 21 octobre
tend souverainement à ménager cette partie des contribuables, qui, comme je le
dirai plus tard, souffrira cependant le plus de l’exécution des mesures
ministérielles qui n’ont pu encore soulever l’indignation générale, parce que
leur application a été extrêmement rare jusqu’à présent ?
Remarquer, en
outre, messieurs, que le changement d’un mot bien petit ôterait à cette phrase
tout ce que renferme d’odieux ; et, si la particule « de » était
substituée à la particule « à », la disposition deviendrait généreuse
et bienveillante, d’avide et sévère qu’elle se montre maintenant. Et, en effet,
il ne faudrait que dire : « Le bon ou récépissé sera réduit de la somme
nécessaire pour l’acquittement, » au lieu de dire, comme le porte
l’article : « Le bon ou récépissé sera réduit à la somme
nécessaire. » Si cette rédaction était faite sans arrière-pensée, c’est un
bien fâcheux hasard qui a présidé à sa contexture.
Vous n’attendez
pas de moi, messieurs, que je vienne par de longs raisonnements légitimer le
reproche que j’ai fait à la circulaire du 25 janvier d’être impolitique. Quand
cette mesure ne serait que vexatoire pour les infortunés qui n’auront à offrir
d’autres valeurs pour l’acquittement des contributions que leurs bons de
l’emprunt, elle tendrait encore trop à faire déconsidérer le gouvernement, à
attirer l’animadversion du peuple sur ses agents et ses percepteurs, et à le
faire accuser de mauvaise foi et d’une affreuse fiscalité.
Elle est
impolitique encore, en ce qu’elle frappera, non sur les riches, non sur les
commerçants ou sur les habitants des grandes villes, qui tous sont à même de
tirer parti des bons de l’emprunt par leurs relations mutuelles ou les maisons
de banque dont ils sont entourés, mais parce qu’elle frappera sur le simple
habitant de la campagne, sur les gens peu entendus aux affaires, ou sur le
semi-nécessiteux qui, après avoir obtenu un seul bon pour le montant de sa
contribution foncière et personnelle de toute une année, aura nécessairement un
excédant de valeur pour l’acquittement du dernier semestre de 1832.
Elle est enfin
impolitique en ouvrant la porte à de nombreux abus que les percepteurs pourront
en faire, quoi qu’on en dise, en s’appropriant les bons et les récépissés, si
ce n’est par une transaction directe, qui leur est interdite, au moins par un
rachat indirect, en indiquant aux contribuables tel ou tel gent d’affaires qui
lui donnerait de son bon un prix plus élevé que celui auquel, en qualité de
percepteur, il peut les recevoir légalement à son bureau.
Je n’ai pas hésité,
messieurs, à soupçonner d’inconstitutionnalité la décision contre laquelle je
m’élève, parce que je me persuade que, lorsqu’une disposition législative
attache une valeur quelconque à un bon ou à un récépissé ; en d’autres termes,
quand la loi pour un cas spécial a créé un papier-monnaie à valoir comme
numéraire dans les bureaux du gouvernement, je me persuade, dis-je, qu’une
disposition du ministère n’a pas le pouvoir de limiter cette valeur, ou de
l’annuler en tout ou en partie, dans les mains du détenteur.
Je m’arrête,
messieurs, et je crois en avoir assez dit pour vous prouver que les mesures
prescrites par la circulaire de M. le ministre des finances sont inadmissibles
et tout à fait opposées à l’esprit de la loi du 21 octobre et de celle du 26
décembre, qui en est la suite. Ce n’est ici le moment d’entrer dans de plus
grands développements, qui trouveraient mieux leur place s’il s’agissait de
substituer à la disposition ministérielle une loi explicative de celle du 21
octobre, et je ne suis pas éloigné de croire qu’elle en a besoin.
Indépendamment
de l’intention que je viens de manifester d’attirer la désapprobation de la
chambre sur la circulaire du 25 janvier, mon but, en prenant la parole, a été
de prouver que le ministère est plus ou moins en contradiction avec lui-même,
lorsque d’un côté, il maintient au budget des dépenses la totalité d’un
remboursement sur lequel, d’un autre côté, malgré toute la pureté de son
intention, il établit de fait une économie répréhensible. Je crois l’avoir
démontré. Toutefois, si par suite de mes observations et de l’opinion de la
chambre, le ministère consentait à réduire le chiffre de 10 millions, je m’y
opposerais, parce que je suis convaincu qu’il est de la dignité de la
représentation nationale de consacrer le principe du remboursement intégral de
l’emprunt forcé dont le peuple a été frappé, sans faire sur les malheureux,
qu’un inévitable fardeau accable, un bénéfice qui outrage à la fois l’humanité
et la justice.
Je me réserve,
s’il y a lieu, de faire ultérieurement à la chambre telle proposition que la
marche du ministère ou de la discussion pourra m’indiquer.
M. le ministre des finances (M.
Coghen) donne lecture de
l’article 16 de la loi du 21 octobre, qui porte que les bons de l’emprunt
seront admis en paiement des impositions, et d’un passage de sa circulaire du
mois de janvier qui n’a fait que rappeler textuellement cette loi. Il ajoute
que, s’il est allé plus loin, ce n’a été que pour donner plus de facilité aux
contribuables. Il combat le système de M. Verdussen qui tendrait à faire donner
des bons supplémentaires par les comptables, et demande si le gouvernement doit
s’en remettre aux percepteurs pour des créations aussi importantes. Il termine
en disant que le paiement facultatif des contributions en bons de l’emprunt,
qui a autorisé par sa circulaire, est tout dans l’intérêt du contribuable, et
que cette mesure n’a été prise qu’après avoir été débattue avec les percepteurs
et les inspecteurs généraux.
M. Destouvelles. - Il m’a été rapporté que certains individus qui ne
doivent que 25 fl. de contributions, se présentant pour les payer avec un bon
de 50 ou de 60 fl., ont été forcés par
les comptables de mettre au dos de ce bon qu’ils renonçaient à l’excédant.
C’est un fait qu’on m’a certifié exact, et l’on m’a même dit que des
protestations avaient été signifiées par huissier à l’administration de
l’enregistrement. Je sais qu’il est difficile de donner un contre-bon, mais il
me semble qu’il n’y aurait pas d’inconvénient si le porteur signait de concert
avec le comptable.
M. le ministre des finances (M. Coghen). - Je remercie le préopinant de m’avoir signalé un abus,
parce que je m’appliquerai à le réprimer ; mais le système qu’il indique ne me
paraît pas possible, parce que tous les bons doivent rester aux mains des
percepteurs, pour en justifier à l’administration. Et je le répète, est-il
quelqu’un ici qui veuille accorder aux comptables le droit de créer des bons
supplémentaires ? Cela ne me semble pas praticable.
M.
Verdussen, pour combattre
le ministre, revient sur les observations qu’il vient de faire valoir, et dit
qu’il suffirait de faire attester par le receveur qu’un bon de 100 fl., sur
lequel il aurait été prélevé pour contribution 20 fl., n’en vaudrait plus de
80.
M. le ministre des finances (M. Coghen) déclare de nouveau qu’il ne peut pas admettre ce
mode.
M. Dumortier.
- Les observations de M. Verdussen ne sont pas aussi fortes qu’il le croit. En
effet, c’est un principe reconnu qu’on ne peut forcer un comptable à recevoir
une somme supérieure à celle qui est due, et il en est de même pour le
commerce.
M. Destouvelles. - Il est constant que le mal existe, et qu’il est
nécessaire d’y apporter un remède ; mais ce remède ne peut être improvisé. Il
suffit que M. le ministre des finances soit averti des abus pour qu’il
s’attache à les faire disparaître. Remettons-nous en donc à lui. (Appuyé ! appuyé !)
- L’article 6 est
mis aux voix et adopté.
La discussion est
continuée à lundi à midi.