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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 18 février 1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi accordant des crédits
provisoires aux budget de l’ensemble des départements pour l’exercice 1832 (d’Elhoungne)
3) Rapports sur des pétitions relatives,
notamment, à la construction d’une route dans le Luxembourg (Zoude,
de Robaulx), à la pension d’un professeur (Zoude), à une exemption en matière de milice (Goethals, Jullien, Dumont, Leclercq, H. de Brouckere), à l’impôt des distilleries (A. Rodenbach, Duvivier, A. Rodenbach, Berger, Helias d’Huddeghem, Duvivier), à
l’organisation de la douane (de Nef, Destouvelles), à l’organisation de l’instruction
primaire (Seron, de Robaulx, H. de Brouckere)
(Moniteur belge n°51, du 20 février 1832)
(Présidence
de M. de Gerlache.)
La
séance est ouverte à une heure et demie.
Après
l’appel nominal, le procès-verbal est adopté.
PROJET DE LOI ACCORDANT
DES CREDITS PROVISOIRES POUR L’EXERCICE 1832
M. le
président. - L’ordre du
jour appelle le rapport de la commission sur les nouveaux crédits provisoires,
demandés par le ministère.
M. d’Elhoungne présente ce rapport, dont la conclusion est que la
commission est d’avis d’accorder les crédits en masse, sans adopter les
sous-répartitions indiquées par le projet de loi.
-
La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport ; la
discussion est fixée à lundi prochain.
RAPPORTS SUR DES
PETITIONS
La
suite de l’ordre du jour est le rapport des pétitions.
M. Poschet, premier
rapporteur. -
« Plusieurs propriétaires des communes de Lomprez et de Neufchâteau
demandent l’achèvement de la route de Falmignoul à Beauraing, par
Lomprez. »
La
commission propose le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au
ministre de l’intérieur.
M. Zoude demande la parole, et présente à l’appui de la
pétition un mémoire, pour prouver que l’achèvement de la route dont il s’agit
est utile et nécessaire. Ce mémoire, ajoute-t-il, est signé par plusieurs
personnes honorables, au nombre desquelles je figure. (Rire général.) Je demande qu’il soit renvoyé avec la pétition à M.
le ministre de l'intérieur.
M. de Robaulx. - Je ne m’oppose pas à ce que
l’on envoie la note, mais il ne faut pas qu’il soit fait mention que la chambre
l’a ordonné ; car, si chaque membre voulait en présenter de semblables sur les
pétitions auxquelles il s’intéresse, il s’ensuivrait que les ministres ne s’y
reconnaîtraient plus.
-
Le double renvoi est ordonné. M. Zoude dépose son mémoire pour être joint à la
pétition.
M. Poschet,
rapporteur. - « Le
sieur P.-J. Waxweiler, à Bastogne, ex-principal du collège de Saint-Hubert,
demande une pension ou une indemnité. »
La
commission propose le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au
ministre de l’intérieur. »
M. Zoude appuie la demande du pétitionnaire.
-
Le double renvoi proposé est adopté.
M.
Olislagers, deuxième rapporteur.
- « La régence de la commune de Leugnies s’adresse à la chambre au nom
d’une veuve de la commune, qui a épuisé toutes les voies légales pour obtenir
l’exemption de son fils unique, qui pourvoit à sa subsistance. »
Le
rapporteur conclut au renvoi à M. le ministre de l'intérieur.
M. Goethals demande que l’on passe à l’ordre du jour, parce qu’il
y a force de chose jugée par les états-députés, qui sont juges compétentes et
qui prononcent en dernier ressort.
M. Jullien. - Je ne pense pas que les
décisions des états députés soient en dernier ressort.
M. Goethals. - Pardon ! la loi sur la milice le dit formellement.
M. Jullien. - Je ne veux point le
contester, puisque notre honorable collègue l’assure ; cependant cela ne peut
être qu’une exception à la règle générale qui est le droit commun, et, dans le
doute, j’appuierai le renvoi.
M. Dumont
fait observer que maintenant encore on s’adresse aux ministres pour faire réformer
un arrêté des députations.
M. Leclercq pense, en effet, que la disposition dont parle M.
Goethals est une exception à la règle commune, et que c’est une garantie
accordée aux citoyens ; car le législateur a voulu qu’ils fussent jugés par des
magistrats élus du peuple, et cela en dernier ressort, pour que leur sort ne
fût pas laissé à l’arbitrage d’un ministre.
M. Goethals
donne lecture d’un article de la loi sur la milice, où il est dit que les états
députés jugent en dernier ressort.
M. H. de
Brouckere. - Malgré ces expressions, les décisions des états
députés étaient, sous l’ancien gouvernement, et d’après un article de la
constitution, soumises au roi. Je sais que notre loi fondamentale n’est plus de
même aujourd’hui ; mais je ne pense pas, comme M. Leclercq, que cela ne puisse
avoir lieu. Au surplus, cette question est oiseuse maintenant. Il suffit que la
pétitionnaire déclare qu’elle a épuisé tous les degrés de juridiction pour
passer à l’ordre du jour.
-
L’ordre du jour est mis aux voix et adopté.
M.
Olislagers, rapporteur. - « Le
sieur Cellier-Blumenthal, à Bruxelles, demande le rapport immédiat de la loi de
1822 sur les distilleries, et soumet de nouvelles observations sur cette
branche. »
M. A. Rodenbach. - Le pétitionnaire se
plaint-il de ce que l’on ait fait fermer son établissement de distillerie ? Je
désire le savoir, car un distillateur nous a fait distribuer un imprimé où il
adresse ce reproche à l’administration.
M. Duvivier. - Je demande la parole. Je prie la chambre de me
permettre de lui lire la note suivante :
L’article
premier de la loi sur les distilleries statue que la base de l’impôt est la
capacité des cuves ou celle de l’alambic, multipliée par le nombre de
renouvellement de mise en macération ou de bouillées, selon que l’une ou
l’autre fournît la plus grande quantité imposable de matière.
Dans
les distilleries à alambics ordinaires, l’emploi de l’alambic et le nombre de
bouillées qui s’y effectuent se déterminent par l’opération matérielle du
remplissable et de la décharge de ce vaisseau aux heures indiquées à cet effet.
Mais,
dans les appareils à vapeur dits de Cellier-Blumenthal, la distillation est
continue, c’est-à-dire que les matières y sont passées sans interruption
pendant tout le cours de la distillation ; on n’y peut distinguer les bouillées
; il faut donc en régler l’emploi, non pas chargement ou bouillée, mais par
heure de distillation, et les quantités que ces appareils distillent par heure
sont ordinairement de 10 à 12 hectolitres de matière et plus.
L’article
25 de la loi ne permet l’usage de ces appareils à vapeur que moyennant
l’autorisation de l’administration, qui peut les admetre ou les refuser, et
qui, d’après les termes formels de cet article, peut fixer les conditions
auxquelles elle consent à cette admission.
L’autorisation
qu’elle accorde à cet effet s’établit par un contrat d’abonnement, contenant
les conditions requises : telle que celle de se soumettre à une prise en charge
par heure, proportionnée aux dimensions, etc. ; celle de renoncer à la fraude ;
celle encore de ne point excéder le nombre d’heures de distillation que le
distillateur déclare lui-même pour cette opération, et qui devient ainsi la
base du droit. Enfin, il y est stipulé que, si le distillateur enfreint les
conditions ou se livre à la fraude, il sera privé de l’autorisation de
l’article 25, que l’administraton se réserve de lui retirer dans ce cas, avec
le droit d’y faire apposer les scellés. L’auteur de l’imprimé distribué aux
membres de la chambre cite cette mesure comme un arrêté ; mais ce n’est point
un arrêté, c’est une clause, une stipulation insérée dans un contrat
d’abonnement que l’article 25 aurtorise l’administration à régler par des
conditions et même à refuser.
Eh
bien ! quand on viole ce contrat, elle retire l’autorisation : il n’y a rien en
cela que de très équitable, très légal et très naturel ; et, par suite de ce
retrait, l’usage de l’appareil cesse d’être autorisé.
Il
est de plus à remarquer qu’ici ce n’est plus l’article 30, tolérant une
prolongation de demi-heure pour les bouillées ordinaires, qui est applicable à
l’espèce, mais seulement la convention par heure de distillation continue :
base du droit qui ne peut être excédée sans fraude.
Voilà
ce que l’auteur de l’imprimé appelle le droit de fermer toutes les
distilleries, tandis que ce n’est ici qu’une sanction pénale, une conditions
spéciale, nécessitée par la nature de l’appareil, que l’administration a la
faculté de contracer dans l’acte d’autorisation, et qu’elle ne stipule que pour
les seuls appareils à vapeur à distillation continue.
Lorsque,
dans un alambic ordinaire de 5, 8, 10 ou 12 hectolitres, un distillateur fait
une bouillée de plus que celles déclarées, il fraude les droits sur ces
quantités.
Quand,
dans un alambic à vapeur, le distillateur distille une demi-heure, ou une heure
de plus que le nombre d’heures servant de base à l’impôt, qu’il a déclarées, il
commet la même fraude que le premier, puisqu’il distillerie, sans droits, une
quantité de 5 à 12 hectolitres, avec la différence que cette contravention ne
peut pas être constatée comme pour l’autre en quantités, mais seulement en
durée ou excès de temps.
Ces
abonnements et ces conditions sont très légaux, fondés sur les termes exprès de
l’article 25 de la loi ; et l’auteur de l’imprimé exagère sans mesure quand il
prétend que l’on ferme des distilleries, car jamais une seule distillerie n’a
été fermée par l’ordre de l’administration. Il exagère encore quand il prétend
que cette condition de fermeture est imposée pour toutes les distilleries, car
elle ne l’est qu’aux seules distilleries à vapeur, où elle constitue une
condition spéciale indispensable pour empêcher la fraude d’excès de temps de la
distillation continue.
Si l’exécution de cette
condition devait être appliquée, les tribunaux deviendraient juges de la
légalité de cette application, dont le cas ne s’est pas encore présenté. Mais
l’article 25 ne permet pas d’en contester, pour ces appareils, le droit à
l’administration, et le pétitionnaire est le seul qui se soit plaint de cette
disposition, quoique, n’étant pas distillateur, il n’ait sous ce rapport aucun
droit de s’en plaindre. Si des distillateurs, réellement intéressés à contester
à l’administration le droit qui lui est attribué à l’égard des appareils à
vapeur par l’article 25 de la loi, voulaient élever cette contestation, le
recours aux tribunaux leur est ouvert et leur offre un moyen légal et
constitutionnel de faire réformer des mesures administratives, s’il en existait
qui ne fussent point conformes à la loi.
M. A. Rodenbach répond que par voie d’abonnement on en vient à l’arbitraire ; il
soutient qu’un distillateur a vu arrêter ses travaux par l’administration et il
pense, au surplus, que l’ancienne loi sur les distilleries doit cesser de nous
régir.
M. Duvivier. - Mais il y a une loi pourtant ; il faudrait faire
attention à cela, et ne point toujours venir nous faire des reproches
d’illégalité. D’ailleurs, la nouvelle loi est sur le point d’être terminée.
M. Berger. - Messieurs,
en supposant même que le pétitionnaire soit dans l’erreur, relativement aux
faits que M. Duvivier vient d’expliquer, sa pétition n’est pas moins importante,
par rapport aux principes qu’elle exprime. Le pétitionnaire vous entretient de
l’état de détresse de nos distilleries, et propose l’abrogation complète de la
loi du 26 août 1822, en réclamant pour cette industrie la même liberté qui
existe pour tant d’autres. Il est certain, messieurs, qu’aucune autre industrie
ne mérite davantage votre intérêt, votre sollicitude. Indépendamment que, d’un
produit de notre sol, elle crée un objet de commerce, ce n’est qu’au moyen de
son concours que le cultivateur est en état de nourrir le bétail nécessaire à
l’engrais de ses terres et au défrichement des landes couvertes de bruyères.
La
loi du 26 août 1822 sur les distilleries indigènes est si désastreuse ; elle a
porté la ruine dans tant de familles ; il est tellement difficile, sinon
impossible, de faire une bonne loi sur cette matière ; à cet égard, la Belgique
est placée dans une position si fâcheuse, entourées qu’elle est de la Prusse,
de la France et de la Hollande, tous pays où la distillation est dans un état
florissant, que j’ai la conviction que réellement il n’y a qu’une liberté
entière de cette industrie qui puisse nous affranchir une bonne fois du tribut
que nous payons sur ce rapport aux Etats voisins. Il est très vrai, messieurs,
ainsi que le dit le pétitionnaire, que, par suite de cette loi désastreuse sur
les distilleries, le nombre des bestiaux a tellement diminué dans plusieurs de
nos provinces, qu’il suffit à peine à la consommation de ses habitants.
Messieurs, on cherche des encouragements pour l’agriculture dans des traités de
commerce avec les pays limitrophes ; mais il est des encouragements plus
efficaces que tous les traité de commerce, et pour lesquels nous n’avons pas
besoin du consentement d’autrui ; ils consistent dans l’abrogation des mauvaises
lois de finances et industrielles, que la Hollande nous a léguées.
Chose étrange ! c’est l’oppression et le despotisme
insultants de ces lois qui ont fait prendre aux masses une part si vive à la
révolution ; et, maintenant que les Hollandais sont chassés, nous manquons de
courage pour nous débarrasser de leur triste héritage !
J’ajouterai encore une observation : c’est en vain que
vous aurez écrit le mot de liberté dans votre charte, si le despotisme règne
dans vos lois de finances et industrielles ; quand il n’y aura pas de liberté
pour l’industriel, le distillateur, le cultivateur, à qui s’appliquera en
définitive ce mot magique, tracé en si beaux caractères dans le pacte
fondamental !
Comme
le ministre des finances s’occupe en ce moment d’une nouvelle loi sur les
distilleries, je demande que la pétition lui soit renvoyée, et je souhaite
vivement que les principes de liberté que le pétitionnaire professe soient
adoptés par le gouvernement comme l’unique moyen de guérir l’une des plaies les
plus profondes dont le gouvernement précédent ait frappé la Belgique agricole.
M. Helias
d’Huddeghem. - le ministère
devrait bien nous présenter la nouvelle loi sur les distilleries, pour faire
cesser ces réclamations sans nombre et les discussions fréquentes qu’elles
soulèvent.
M. Duvivier. - je répèterai ce que je viens de dire tout à
l’heure. Le projet de loi est terminé ; seulement M. d’Elhoungne, qui est
rapporteur de la commission, a désiré le revoir avant qu’il fût soumis à la
chambre.
-
Le dépôt au bureau des renseignements et le renvoi au ministre des finances,
proposés par M. Berger, sont ordonnés.
M.
Olislagers, rapporteur. - « Le
sieur Van Hal, négociant à Turnhout, réclame contre l’établissement de la
nouvelle ligne de douanes, qui comprend dans ses limites un établissement
de blanchisserie de fils et toiles qui alimente un grand nombre de
familles. »
La
commission propose le renvoi au ministre des finances.
M. de Nef. - Messieurs, je crois, à
l’occasion de cette pétition, devoir vous soumettre quelques observations
essentielles.
Le
pétitionnaire exprime le vœu que la loi sur la ligne des douanes, dont le
projet a été présenté dans la séance du 20 janvier dernier, détermine elle-même
le rayon et ne l’abandonne pas au libre arbitre du pouvoir exécutif, comme fait
le projet.
Les
opérations préliminaires, que les employés ont déjà commencé à faire, m’ont
aussi convaincu de la justice de cette demande, et je pense qu’il serait à
désirer que M. le ministre des finances ajoutât au projet de loi la
détermination précise du rayon qu’il se propose d’établir : de cette manière,
on calmerait les justes inquiétudes de plusieurs populations considérables, qui
se voient à la veille d’une ruine presque totale, et parmi lesquelles je puis
citer la ville de Turnhout, qui se trouve précisément dans ce cas, et dont je
connais spécialement les localités.
Cette
ville, qui débitait jadis en France le produit de ses nombreuses fabriques, a
vu en 1814 tarir les sources de sa prospérité, et ce n’est que très
difficilement qu’un certain nombre d’ouvriers parvient encore à s’y procurer
par le travail des moyens de subsistance, tandis qu’un plus grand nombre s’en
trouve même absolument privé et sans ressources. Aujourd’hui, la manière dont
on veut y tracer la ligne de douanes vient la menacer d’une nouvelle calamité,
et lui porterait le dernier coup.
La
ligne, telle qu’elle y est projetée, viendrait aboutir jusqu’au commencement
des rues habitées par la population agglomérée, et renfermerait ainsi dans son
sein plusieurs hameaux ou dépendances de la ville, et qui contiennent une
population de 3 à 4,000 habitants.
Si
ce projet recevait son exécution, la ville se trouverait réellement séparée en
deux. Les habitants de la partie comprise dans l’intérieur de la ligne seraient
véritablement anéantis ; les nombreux tisserands qui se lasseraient d’être
constamment soumis à la formalité des permis ou passavants, engageraient
souvent des rixes avec les douaniers, dont le personnel devrait par suite être
augmenté à grand frais : enfin, la ruine de plusieurs établissements viendrait
encore diminuer le travail et ajouter à la misère de la classe ouvrière.
S’il
y avait nécessité absolue, si le service des douanes exigeait indispensablement
ce résultat, je serais le premier à déclarer qu’il faudrait se soumettre et se
résigner ; mais il n’en est pas ainsi : il suffit de retracer la ligne entre
Turnhout et Bar-le-Duc d’un quart de myriamètre, et dès lors tous les
inconvénients disparaissent, en même temps que le service des douanes, loin d’en
souffrir, ne fera au contraire qu’y gagner. L’espace, qui formera alors la
ligne ou territoire réservé, se composera presque entièrement d’une bruyère
plate, où il n’est pas possible de circuler sans être de suite aperçu à une
grande distance ; cet espace sera donc extrêmement facile à surveiller ; il ne
faudra plus délivrer une masse de permis ou passavants, dont la complication
enfanterait le désordre et favoriserait la fraude ; enfin, la surveillance
étant ainsi plus simple et plus facile, le personnel pourra être moins
nombreux, et, par suite, moins onéreux pour l’Etat.
D’ailleurs,
ce que je demande pour la ville de Turnhout, et toute autre qui se trouve dans
le même cas, est entièrement conforme à l’esprit de la loi antérieure du 26
août 1822, et à ce que M. le ministre des finances disait lui-même dans son
rapport ou discours prononcé dans la séance du 20 janvier dernier.
« Au
surplus, dit M. le ministre, en déterminant le cours du nouveau rayon, le
gouvernement fera tout ce qui sera possible pour concilier les intérêts du
commerce et des populations des frontières, avec les garanties et la protection
dues à l’industrie nationale et au trésor : si, par exemple, une rivière ou
canal, une route, une population considérable se trouve à peu près à la distance
d’un myriamètre de la frontière, on les laissera, autant que possible,
au-dehors de la ligne. »
J’ajouterai
encore que, si la ligne de douanes a été portée aussi loin dans la ville de
Turnhout, c’est parce que l’on a mesuré la ligne en partant de l’extrémité
d’une langue de bruyère, qui avant dans le territoire belge et qu’il ne fallait
pas considérer seule comme formant la séparation des deux pays. En opérant
ainsi, on a fait diamétralement le contraire de ce que nous a dit M. le
ministre des finances, au sujet des communes considérables se trouvant à peu
près à la distance d’un myriamètre de la frontière ; et, par conséquent, les
craintes que l’on conçoit sur l’arbitraire laissé au pouvoir exécutif sont
entièrement fondées.
Je demande donc le renvoi de la pétition à M. le
ministre des finances, qui, de plus, sera prié de faire connaître à la chambre
le projet du rayon qu’il se propose de tracer, afin que, pour toutes les
populations considérables qui se trouvent dans le même cas que Turnhout, la loi
elle-même réduise la profondeur du rayon à un demi ou à trois quatre de
myriamètre. De cette manière, tout sera concilié : les intérêts de plusieurs
milliers d’habitants ne seront pas sacrifiés ; et, d’autre part, avec un bon
système de douanes, des droits modérés, des fortes amendes, et un personnel
composé de bons employés, le trésor n’aura rien à craindre de la fraude,
surtout quand il s’agit d’un terrain aussi facile à surveiller.
M.
Destouvelles. - les explications que demandent M. de Nef sont
inutiles, car elles se trouveront dans le projet de loi que présentera le
gouvernement sur cet objet.
M. de Nef. - Mais il ne sera plus temps
alors, car la ligne de douanes sera tracée.
M.
Destouvelles. - Eh bien ! vous présenterez un amendement, si elle
ne l’est pas de la manière que vous l’entendez.
M. de Nef. - Je demande que la pétition
soit renvoyée, avec prière au gouvernement de réduire, pour toutes les
populations qui se trouvent dans le même cas que la ville de Turnhout, la
profondeur du rayon à 1/2 ou 3/4 de myriamètre.
M. le
président. - Le ministère
lira votre demande.
M. de Nef. - Alors c’est bon.
M.
le président. Met aux voix le renvoi pur et simple, et déclare qu’il est
ordonné.
M. de Nef. - Avec la prière… (Rire général.)
M. Olislagers,
rapporteur. - « Quatre
habitants de la commune de Tarciennes réclament contre la proposition de MM. de
Robaulx et Seron, relative à l’instruction. »
La
commission conclut à l’ordre du jour.
M. Seron. - Messieurs, il me sera
permis sans doute de dire un mot au sujet de la pétition attribuée à quelques
habitants de la commune de Tarciennes, et dans laquelle il est parlé uniquement
de moi, et nullement de mon honorable collègue et ami M. de Robaulx. En
développant, à la séance du 20 janvier dernier, notre proposition sur
l’enseignement primaire, j’ai cité des faits, mais à l’exception des hommes de
la révolution de 1789 et 1790 qui appartiennent à l’histoire : je n’ai nommé ni
les personnes, ni leur domicile, ni leur canton, ni leur province. Cette
réticence, dont la tribune française offre fréquemment des exemples, m’a paru
sage et parlementaire. Cependant il est des hommes qui se sont écriés :
« Ce que vous avancez est faux ; c’est de nous que vous avez voulu parler. »
Mais, si mes assertions sont inexactes, comment donc ont-ils pu s’en faire
l’application ? Comment n’ont-ils pas craint que le public se rappelât la
maxime triviale : qui se sent rogneux se gratte, et leur dît :
« Messieurs, c’est vous-mêmes qui vous êtes nommés. »
Notre proposition
a été attaquée avec violence dans un grand nombre de journaux, non pas, ainsi
qu’on a bien voulu le dire, à cause des développements qui l’ont suivie, mais
visiblement parce qu’elle contrariait les vues d’un parti. Effectivement, n’est-il
pas vrai qu’à son apparition, isolée, nue, dépouillée de toute explication, de
tout commentaire, on lui reproche de porter atteinte à la liberté, et qu’elle
nous valût les épithètes de « ministériels » et
d’« intolérants » ?
Depuis, et tout
récemment encore, on a imprimé que nous voulions rompre l’union, nous dont, au
contraire, le vœu le plus ardent est que les citoyens restent unis pour être
forts. On nous a peints, tant les passions raisonnent juste, comme des ennemis
de la révolution de 1830. Est-ce parce que nous croyons que, pour avoir un but
raisonnable, elle doit améliorer la condition des classes nécessiteuses et
tourner au profit de la nation entière, au lieu d’être exploitée par quelques
hommes dans leur intérêt particulier ?
Mais
nos adversaires, disons mieux nos ennemis, ne se bornent pas à nous calomnier
dans les feuilles publiques : mécontents, peut-être, de ce que nous ne leur
avons pas fait l’honneur de leur répondre, ils distillent aujourd’hui leur
venin dans de prétendues pétitions qu’ils n’ont pas le courage de signer. La
pièce, messieurs, dont vous venez d’entendre une courte analyse, messieurs,
dont vous venez d’entendre une courte analyse, est pseudonyme ; j’en tiens la
preuve, que je suis prête à déposer sur le bureau de la chambre. C’est une
déclaration de M. le bourgmestre de la commune de Tarcienne lui-même, de
laquelle il résulte que les noms des pétitionnaires sont supposés. Voici cette
déclaration : « Le soussigné, bourgmestre de la commune de Tarciennes,
province de Namur, certifie qu’il n’existe pas d’individus dans sa commune
portant les noms de J.-N. Bridart, F.-M. Dorange, T. Minaux, Fait à Tarciennes,
le 13 février 1832. Signé, Piret. »
Ces courtes explications, messieurs, vous donneront une idée de la candeur,
de la franchise et de la bonne foi des âmes charitables qui essaient de me
dénigrer. Elles vous prouveront que leur haine, je dirai leur rage, est capable
de tout, puisqu’elle ne craint ni d’abuser du droit sacré de pétition, ni de
commettre un faux.
M. de Robaulx. - Vous voyez que les
individus qui nous calomnient se sont cachés sous l’anonyme. Je demande,
d’après le règlement, que la pétition soit écartée, c’est-à-dire, que la
chambre ne prenne aucune décision.
M. H. de Brouckere. - La commission, n’ayant
point été informée de cette circonstance, avait conclu à l’ordre du jour ; mais
maintenant que nous le savons, j’appuie la proposition de M. de Robaulx.
- La pétition est
écartée comme pseudonyme.
________________
La chambre ordonne
le dépôt au bureau des renseignements des pétitions :
« 1° Du sieur
Egide Verbist, médecin à Gheel, qui demande le rapport de la disposition de la
loi qui assimile les chevaux et voitures des médecins aux chevaux et voitures
de luxe. »
« 2° Du sieur
Destaville, à Liége, qui demande la promulgation d’une loi ayant pour objet de
déclarer que toute démission ou révocation de fonctions publiques, soit
honorifiques ou rétribuées, sera motivée, et une expédition entière de la
décision sera notifiée à l’éliminé, etc. »
« 3° Du sieur
Henry, avocat à Furnes, qui demande la promulgation d’une loi d’après laquelle
le Roi puisse conférer les ordres militaires, conformément à l’article 76 de la
constitution. »
« 4° Du sieur
F. Nollet, à Ath, qui demande la suppression d’une des trois universités du
royaume, qui serait remplacée par une école centrale d’industrie. »
« 5° De huit
entrepreneurs de roulage et voituriers de Bruxelles et Liége, qui prient la
chambre d’adopter le projet de loi relatif aux barrières et ponts à bascule,
présenté par M. Incalle. »
Cette dernière
pétition est, en outre, renvoyée au ministre de l’intérieur.
________________
Le renvoi au
ministre de la justice et le dépôt au bureau des renseignements de celles :
« 1° Des
administrations communales de Nassogne, qui demandent, lors de la nouvelle
organisation judiciaire, la conservation de la justice de paix de leur
canton. »
« 2° Des
régences des communes de Beveren, Zwyndrecht, etc., qui demandent un tribunal
civil à Saint-Nicolas. »
« 3° Et de la
régence de Saint-Nicolas, qui demande, pour le district de ce nom, le
rétablissement du tribunal de première instance, qui y était sous le
gouvernement français. »
________________
Le renvoi à la
commission d’industrie et au ministre des finances :
« De celle du
sieur Nollet, qui propose à la chambre d’adopter, lors de la discussion du
projet de loi sur les distilleries, un nouvel instrument, connu sous le nom
d’alcoomètre centésimal. »
________________
Le renvoi à la
commission des mines de celles :
« 1° Du
comité des houillères des environs de Charleroi, qui adresse des observations
tendant au maintien de la loi du 21 avril 1810 sur les mines. »
« 2° de
l’administration de Morcalmé, qui adresse des observations relatives au projet
sur les mines. »
« 3° D’un
grand nombre d’habitants des communes de Roux, Lodelinsart et Châteelmeau
(Hainaut), qui demandent que l’ancienne législation, qui permettait au
propriétaire du sol d’exploiter le fond, soit remis en vigueur. »
« 4° De la
régence de la commune de Fraire-Fairoul (Namur), qui adresse des observations
relatives au projet de loi sur les mines. »
________________
Le renvoi au
ministre de la guerre :
« De celle du
sieur Alleman, à Diest, ex-lieutenant-adjudant au deuxième bataillon de
tirailleurs-francs, qui demande, en indemnité de la perte de son grade, un
emploi civil pour subvenir à la subsistance d’une nombreuse famille. »
________________
Le renvoi au
ministre de l’intérieur :
« De celle
des sieurs Lowette et Knapen, à Horpmael, qui demandent la révocation du
bourgmestre de leur commune et du sous-secrétaire, résidant tous deux à plus
d’une lieue de distance. »
________________
Le dépôt au bureau
des renseignements pour la première partie, et le renvoi au ministre de
l’intérieur pour la seconde partie :
« De celle du
sieur Daubreby, maçon à Bruxelles, qui réclame : 1° le paiement du reste de
l’indemnité qui lui a été alloué du chef des pertes éprouvées dans les journées
de septembre ; 2° et à être rémunéré jusqu’à concurrence de la somme de 1,000
fl., comme membre de la commission chargée de visiter les lieux
dévastés. »
________________
Enfin, la chambre
passe à l’ordre du jour sur celles :
« 1° Du sieur
Oakes, baronnet anglais, résidant à Tournai, qui demande, comme étranger, à
être exempté du paiement des emprunts.
« 2° Et de
quatre habitants de Renaix, qui réclament contre des dépenses du conseil
cantonal relatives au premier ban de la garde civique, et demandent l’interprétation
de la législation.
- La séance est
levée à 4 heures moins un quart.