Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 30 décembre 1831

(Moniteur belge n°200, du 1er janvier 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à une heure.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Jacques fait l’appel nominal.

M. Dellafaille lit le procès-verbal ; il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. Jacques fait l’analyse de quelques pétitions, qui sont renvoyée à la commission.

Motion d'ordre

Applicabilité de l'article 36 de la Constitution aux députés chargés de la négociation de l'emprunt de 48 millions de florins

M. Brabant. - M. le président, M. le ministre des finances étant présent et désirant se retirer immédiatement, je vous prie de m’accorder la parole pour que je lui adresse les interpellations que j’ai annoncées dans la séance d’hier.

M. le président. - Vous avez la parole. En place ! messieurs. (En place ! en place !)

M. Brabant. - Je prie M. le ministre des finances de nous dire quelles sont les personnes qui ont été chargées par le gouvernement de la négociation de l’emprunt, et si ces personnes ont reçu un salaire pour prix de leurs soins.

M. le ministre des finances (M. Coghen). - Messieurs, le gouvernement a demandé un acte de dévouement à la chose publique à M. Osy, qui s’est rendu une première fois à Londres, dans le mois d’octobre, pour voir s’il ne nous serait pas possible de négocier un emprunt. Ce premier voyage n’eut aucun succès. Il s’y rendit plus tard une seconde fois avec M. Rittweger et ces deux messieurs ont enfin accompagné M. le ministre de la guerre à Calais, et à ces personnes-là nous n’aurions jamais osé offrir un sou.

M. Brabant. - Je me déclare satisfait de la réponse de M. le ministre des finances.

Projet de loi fixant le contingent de l'armée pour l'année 1832

Vote sur l'ensemble du projet

M. Dellafaille donne lecture du projet, et M. Jacques fait l’appel nominal, dont voici le résultat :

Membres présents, 67. Oui, 63 ; non, 1, Trois membres s’abstiennent ; ce sont : MM. Coghen, Jonet et Lardinois.

M. le ministre des finances (M. Coghen) dit qu’il s’est abstenu parce qu’il ne savait pas sur quoi on votait.

M. Jonet et M. Lardinois se sont abstenus parce qu’ils étaient absents lors de la discussion.

C’est M. Goethals qui a donné son vote négatif.

Proposition de nommer une commission pour examiner les conditions de passation et la possibilité de résilier le marché Hambrouck

Dépôt

M. Jullien. - Je demande la parole. Messieurs, dans une des dernières séances, à propos du budget de la guerre, mon honorable ami M. Delehaye vous a parlé du marché Hambrouck et vous a rappelé la demande que j’avais faite pour que ce marché fût déposé sur le bureau ; comme mon intention n’était pas, en faisant cette proposition, d’obtenir une vaine formalité, j’aurai l’honneur de déposer sur le bureau une proposition ainsi conçue :

- Plusieurs voix. - Vous ne pouvez pas la lire, c’est contraire au règlement.

M. Jullien. - Il faut bien que la proposition soit lue.

- Plusieurs voix. - Non ! non ! Mais il faut d’abord le renvoi en sections pour en autoriser la lecture.

M. Jullien. - Je ne peux pas lire ma proposition ? (Non !) Eh bien ! messieurs, c’est fini !... (Hilarité.) Je la dépose.

- Un huissier prend la proposition des mains de l’honorable membre, et la remet à M. le président.

- Une voix. - Le renvoi immédiat en sections !

M. le président. - La chambre veut-elle se réunir immédiatement dans les sections ? (Oui ! oui !) On va en faire six copies, et les sections se réuniront.

La séance est suspendue pour une demi-heure.

- La séance est reprise à deux heures.

Lecture

M. le président. - Toutes les sections ayant autorisé la lecture de la proposition, je vais vous en faire connaître la teneur : « J’ai l’honneur de proposer à la chambre qu’il soit nommé une commission chargée d’examiner : 1° si, et jusqu’à quel point, le marché Hambrouck est onéreux au pays ;

« 2° Si on serait fondé à en provoquer la résiliation par les voies légales, pour, sur le rapport de la commission, en être décidé par la chambre comme elle avisera. »

- La chambre décide qu’elle entendra le développement de cette proposition le 16 janvier prochain.

Etat des négociations diplomatiques

M. Dumortier. - Quelle que soit la durée de l’ajournement de la chambre, je demande qu’en cas de guerre nous nous réunissions immédiatement. (Hilarité générale.)

M. Jacques donne lecture d’un arrêté du Roi qui nomme M. de Theux ministre de l’intérieur.

M. Destouvelles. - Je demande la parole. Messieurs, l’observation que vient de nous faire le très honorable M. Dumortier me donne lieu de croire qu’il a des renseignements particuliers, qui le déterminent à faire une semblable proposition. (Hilarité). Si ma présomption est fondée, comme ces renseignements seraient de nature à nous intéresser très vivement, je le prierai de les faire connaître à la chambre. (Nouvelle hilarité.)

M. Dumortier. - Je n’ai aucune espèce de donnée là-dessus mais, dans l’état actuel des choses, il ne serait pas impossible que les hostilités fussent reprises. Dans tous les cas, mon vif désir est que le gouvernement les reprenne, si le roi Guillaume persiste dans son refus d’accepter les 24 articles.

Et je désire, soit que la Hollande recommence la guerre, soit que nous la recommencions nous-mêmes, que la chambre soit réunie dès les premières hostilités.

M. Gendebien. - Je ne sais si la proposition de M. Dumortier peut avoir un côté plaisant, mais elle pourrait bien avoir aussi son côté sérieux, surtout s’il est vrai, car le bruit en court, qu’un courrier est arrivé hier, portant au gouvernement de nouvelles propositions de la conférence, propositions qui seraient de nature à imposer à la Belgique de nouveaux sacrifices, comme de renoncer à la navigation des eaux intérieures de la Hollande, et de remettre la dette en discussion. Dans ce cas, je suis certain que la chambre ne serait pas plus disposée que la nation à accepter cette humiliation nouvelle, et dès lors la guerre serait inévitable ; c’est, au surplus, un résultat que j’appelle de tous mes vœux. Je demande donc à M. le ministre des affaires étrangères si le bruit dont on vient de parler est fondé.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Non. Le gouvernement n’a reçu aucune proposition semblable et il n’est pas vrai qu’un courrier soit arrivé hier au soir.

M. Gendebien. - Ni avant-hier ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Ni avant-hier.

M. Gendebien. - Ce qui me faisait croire que ce bruit pouvait bien avoir quelque fondement, ce sont les nouvelles de la Russie qui montrent l’empereur Nicolas peu disposé à ratifier le traité.

M. Lebeau. - Je crois que, s’il y avait reprise des hostilités, chacun des membres de la chambre connaît trop bien ses devoirs pour avoir besoin qu’on insère dans la proposition d’ajournement une clause qui pourrait semer de l’inquiétude dans la nation.

M. Gendebien. - Je ne sais si la proposition de M. Dumortier a été faite sérieusement mais, comme j’ai vu la chambre en joie, j’ai dû le croire ainsi, et en faire voir le côté sérieux. Cependant, je crois, nous ferions bien de nous engager à nous rendre ici si les hostilités recommençaient.

M. Dumortier. - Quand j’ai fait ma proposition, c’était dans la préoccupation que donnent naturellement les nouvelles de la Hollande. Il ne faut pas se le dissimuler, nous sommes en hostilité avec la Hollande, et, quand j’ai proposé de nous réunir au premier signal, c’était un appel que je faisais au zèle des membres de la chambre.

M. Lebeau. - Ce serait nous faire injure à nous-mêmes que de prendre l’engagement de nous rendre ici dans le cas où la guerre recommencerait : pour moi, je le déclare, je ne prendrais pas un tel engagement ; car c’est laisser supposer que j’ai pu oublier un seul instant toute l’étendue de mes devoirs. Messieurs, par l’espoir bien ou mal fondé de la paix, l’industrie reprend chez nous un nouvel essor ; ce n’est pas dans un pareil moment que nous devons l’arrêter dans sa marche, en jetant l’inquiétude dans les esprits. Il n’y a aucun engagement à prendre, et pour moi, je le répète, je n’en prendrai aucun.

M. Gendebien. - Si c’est à M. Dumortier que M. Lebeau a entendu répondre, je n’ai rien à dire. Si c’était à moi, je lui ferais observer que je n’ai pas proposé de faire mention de l’engagement à prendre, dans le procès-verbal, ni de le constater de toute autre manière.

M. Van Meenen fait observer que l’ajournement de la chambre n’est qu’un ajournement de fait, mais non un ajournement de droit. Il en tire les conséquences qu’elle n’est pas censée séparée. (Assez ! assez !)

Rapport sur une pétition

Explications du gouvernement

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux) a la parole pour faire le rapport suivant. - Par résolution du 23 décembre, vous m’avez renvoyé une pétition de quatre conseillers de la régence de Berchem, province d’Anvers ; je viens vous donner quelques explications sur cette question.

Dès le 22 septembre dernier, une plainte pseudonyme, ayant pour objet de provoquer la destitution du secrétaire de la régence de Berchem, fut adressée au département de l’intérieur.

Cette plainte, renvoyée au gouverneur de la province, devint l’objet d’une information. Le résultat de cette information fut tel, que M. le gouverneur ne put se dispenser de le communiquer à la députation des états de la province : par décision du 8 octobre, la députation des états suspendit le secrétaire de ses fonctions.

Cette décision fut communiquée au conseil de régence, le 9 novembre, en séance extraordinaire ; celui-ci nomma immédiatement un secrétaire provisoire. Le 10 novembre, eut lieu l’élection du bourgmestre actuel, qui obtint une grande majorité de voix.

Le conseil adressa une lettre au gouverneur de la province, à l’effet de connaître les motifs de la suspension. Un ami du secrétaire écrivit à un membre de cette chambre, pour qu’il employât ses bons offices en faveur du secrétaire, qui avait été favorable à la candidature de M. Werbroeck-Peeters, ancien membre du congrès, lequel désirait être élu bourgmestre de la commune.

En suite des démarches de ce représentant, il fut pris des informations sur cette affaire auprès de M. le gouverneur. Ce fonctionnaire, dans une lettre du 28 novembre, exposa les motifs de la décision des états qui avait été précédée de plaintes continuelles à charge du secrétaire depuis plus de six mois. Le secrétaire provisoire, ayant donné sa démission, le conseil fut convoqué pour le 20 novembre, à l’effet de « nommer un nouveau secrétaire ad interim, pièces n° 6 bis, et 6 ter ».

Les conseillers, convoqués, résolurent de réintégrer dans ses fonctions le secrétaire suspendu ; mais M. le bourgmestre, averti de la résolution ainsi concertée, prit le parti de ne pas assister à la séance.

Le conseil, accomplissant cette résolution, déclara réintégrer et nommer itérativement le secrétaire pour autant que de besoin.

Le bourgmestre, considérant cet acte comme nul et illégal, crut devoir protester et ne plus pouvoir agir de concert, ni avec le conseil qui s’était mis en opposition ouverte avec la décision de l’autorité supérieure, ni avec le secrétaire réintégré auquel il ne reconnaissait aucun caractère public.

Le bourgmestre porta cette circonstance à la connaissance des états-députés ; les conseillers de régence en firent de même.

Dès le 25 novembre, deux pétitions, couvertes chacune d’un grand nombre de signatures furent adressées à la députation des états, à l’effet de demander de pouvoir procéder à une nouvelle élection de conseillers municipaux.

Le 29 novembre, la députation des états, vu le refus du conseil de nommer un secrétaire ad interim , usant de l’attribution lui déférée par l’article 93 du règlement du plat pays, y pourvut elle-même.

D’autre part, les conseillers de régence m’adressèrent deux pétitions , sous les dates des 2 et 7 de ce mois ; ils joignirent à la dernière divers certificats en faveur du secrétaire, dont un signé par un grand nombre d’habitants de Berchem.

Après avoir mûrement examiné les divers actes ci-dessus mentionnés, je fis connaître à M. le gouverneur de la province que je ne pouvais accueillir la pétition des conseillers, et que je n’avais aucun motif d’annuler la décision prise par la députation des états.

Depuis lors, aucune nouvelle pièce ne m’a été adressée relativement à cette affaire ; le temps de la suspension du secrétaire étant expiré, je présume qu’il aura repris ses fonctions.

Je ferai seulement remarquer, en terminant, que deux conseillers de régence, signataires de la délibération en faveur du secrétaire suspendu, ayant donné leur démission, il a été procédé à une nouvelle élection, dont le résultat a été en faveur de deux habitants qui n’avaient point soutenu le parti du secrétaire. Cette circonstance est signalée par M. le bourgmestre comme étant propre à constater l’opinion de la commune, qui a ainsi ratifié, quant au fait, la décision des états.

M. Osy. - D’après les explications de M. le ministre, il paraît que les règlements du roi Guillaume sur le plat pays sont toujours en vigueur , malgré la constitution qui , selon moi, les a abolis. Je demande que cette question, à laquelle toutes les communes sont intéressées, soit mûrement examinée. Un secrétaire de commune , élu par le peuple, a été suspendu de ses fonctions sans qu’on lui ait dit aucune raison. Maintenant le délai de la suspension est expiré, et les deux communes dont il est le secrétaire l’ont réélu ; ainsi, vous voyez de quelle injustice il avait été victime. Je crois que les états-députés ont été beaucoup trop loin, mais que cela ne se reproduira plus.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je n’ai rien à ajouter sur la question de fait. Quant à la question de droit, s’il était le moment de la discuter, j’établirais facilement que la députation des états n’a fait que ce qu’elle était en droit de faire.

M. Milcamps donne des explications sur la question, mais d’une voix si faible que les paroles de l’honorable membre ne peuvent arriver jusqu’à nous.

M. Ch. Vilain XIIII fait remarquer que cette discussion ne peut amener à rien, car la chambre n’est saisie de rien. Une pétition lui a été adressée, elle a entendu le rapport de M. le ministre : il ne lui reste plus rien à faire. Tout ce qu’il serait possible de faire, ce serait, ou de proposer une loi pour que la difficulté ne se renouvelât pas, ou de proposer de mettre le ministre en accusation.

M. Osy. - Je demande le dépôt du rapport au bureau des renseignements.

- Le dépôt est ordonné.

Nomination d'une délégation chargée de complimenter le Roi

Sur la proposition de M. Ullens, la chambre décide qu’une députation de dix membres ira, avec M. le président de la chambre, complimenter le Roi à l’occasion du nouvel an.

On tire la députation au sort, qui désigne MM. l’abbé de Haerne, Lefèvre , Jacques, Rouppe, Bourgeois, Lebeau, Charles Vilain XIIII, Vandenhove, Pirmez et Werner de Mérode.

La séance est levée à deux heures et demie.