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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 1 décembre
1831
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Commission d’enquête sur les causes et les
auteurs des revers de la campagne militaire du mois d’août 1831. Moyens de mise
en œuvre des travaux de cette commission, notamment octroi de compétences
judiciaires à la chambre des représentants au moyen d’une loi (de Robaulx, Van Meenen, Jullien, Morel-Danheel, Gendebien, Raikem, Rogier, Helias d’Huddeghem, Lebeau, Duvivier, Rogier, Lebeau, Ch.
Vilain XIIII, H. de Brouckere, Gendebien)
3) Projet de loi portant le budget du
département des finances pour l’exercice 1832
(Moniteur belge n°171, du 3 décembre 1831)
(Présidence de M. de Gerlache.)
La séance est ouverte
à midi moins un quart.
M.
Lebègue fait l’appel nominal.
M. Dellafaille lit le procès-verbal
; il est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
M.
Lebègue fait l’analyse de quelques pétitions, qui sont
renvoyées à la commisison.
COMMISSION D’ENQUETE
SUR SUR LES CAUSES ET LES AUTEURS DES REVERS DE LA CAMPAGNE MILITAIRE DU MOIS
D’AOUT 1831
L’ordre du jours est la
suite de la discussion sur la prise en considéraion du projet de la commission
d’enquête.
MM. Jullien et
Gendebien, qui se trouvaient les premiers sur la liste des oratters inscrits
pour, n’étant pas présents, M. de Robaulx demande la parole et l’obtient.
M.
de Robaulx. - Messieurs, je ne me proposais pas de prendre
la parole, parce que la discussion me semblait déjà avoir été trop longue. Mais
puisque je vois aujourd’hui plusieurs orateurs, qui avaient déjà été entendus,
demander de nouveau la parole, je crois pouvoir aussi présenter à la chambre
quelques brèves observations.
Nous offrons depuis
quelques jours un singulier spectacle, messieurs : nous avions ordonné
l’enquête à l’unanimité, et, lorsqu’il s’agit de procéder à cette enquête, la
majorité de la chambre, je le présume du moins par les objections qu’on
présente, la majorité veut rejeter les moyens nécessaires pour l’enquête. C’est
qu’on ne veut pas d’enquête, je ne tranche pas le mot. Eh bien ! mooi, je
m’expliquerai franchement : je déclare que, si j’avais l’intention de rejeter
l’enquête après l’avoir votée, ce ne pourrait être, quant à moi du moins, que
parce que la commission, telle qu’elle est composée, ne me conviendrait pas ;
que parce que j’y verrais figurer les noms des Blargnies, des Gendebien, des
Leclercq. Je ne sais si ce sont là aussi les motifs de la majorité ; mais,
quant à moi, je le répète, s’il pouvait arriver que je voulusse rejeter
l’enquête après l’avoir votée, je ne saurais en avoir d’autres.
L’orateur
répond aux diverses objections qui ont été faites contre le projet de la
commission. Il réfute l’opinion de M. Lebeau consistant à dire qu’un ministre,
dans le cas où il serait coupable, serait dans la nécessité de se parjurer ou
de donner des armes contre lui. Quant à ce qu’on a dit de la constitution
anglaise, il ne peut en aucune façon l’admettre, parce que, selon lui, il n’y a
véritablement pas de constitution en Angleterre, parce qu’il ne peut y avoir de
constitution là où tout se fait par la législature.
L’orateur, après
plusieurs observations en réponse à celles présentées par divers membres,
termine en disant que, du temps de Guillaume, quand il se présentait une
question de pouvoir, tous les Hollandais qui se trouvaient dans cette enceinte
se levaient pour accueillir les propositions favorables à la royauté et
repousser celles qui étaient dans l’intérêt du peuple. Aujourd’hui il n’y a pas
plus de Hollandais dans cette chambre, et cependant voyez si les intérêts et
l’honneur du peuple y sont mieux conservés.
M. Van Meenen passe en revue tous
les arguments qu’on a invoqués en faveur de la prise en considération ; il les
combat un à un, et termine en rappelant la lutte qu’il a soutenue seule pendant
longtemps contre le roi Guillaume et ses ministres.
Je respecte,
ajoute-t-il, les membres de la commission ; mais ils ne sont pas infaillibles ;
qu’ils s’examinent et se tâtent ! N’y a-t-il pas en eux quelques ressentiments,
quelques rancunes qui les mèneraient bien plus loin qu’ils ne l’auraient voulu
dans le principes ? Car l’expérience nous apprend que souvent des hommes
honorables ont été entraîné fort au-delà de ce qu’ils avaient prévu et voulu.
Et, à ce sujet, je vous citerai un témoignage qui ne sera pas récusé de vous.
Ici, l’orateur lit un passage des mémoires de M. le comte de Lavalette, ainsi
conçu :
« De toutes les
leçons que présente l’histoire des passions humaines, il en est une surtout sur
laquelle le moraliste doit insister avec force : c’est l’impossibilité ou
seront toujours, même les plus honnêtes gens, de s’arrêter dans la route de
l’erreur, une fois que les passions les y auront entraînés. Certes, si, peu
d’années avant l’époque de tant de crimes, on eût présenté à tous ces hommes,
devenus si barbares, le tableau de tous ce dont ils se sont rendus coupables,
il n’en est pas un, Robespierre lui-même, qui n’eût reculé d’épouvante. On
caresse d’abord des théories, l’imagination échauffée les présente sous un
aspect utile et d’une exécution facile ; on les met à l’œuvre, on avance, sans
s’en apercevoir, d’erreurs en fautes, de fautes en crimes : bientôt l’esprit
empoisonné gâte et dessèche toute sensibilité, et finit par décorer du nom de
raison d’Etat les plus horribles excès. »
Je
voterai, continue l’orateur, contre la prise en considération ; et si, malgré
mes efforts et ceux de mes honorables amis, le projet est pris en considération
et par suite adopté et converti en loi, je déclare dès à présent devant les
membres de la représentation nationale, j’en prends devant tous l’engagement
solennel (et je le dis tout haut pour que personne n’en prétende cause
d’ignorance), dès ce moment la commission peut exercer contre moi ses
investigations, et elle peut être sûr que tout ce qui me reste d’énergie et de
moyens sera employé pour renverser une aussi odieuse tyrannie.
M. Jullien. - A cette discussion
si longue, si compliquée, si passionnée même, et dans laquelle nous avons
entendu des objections si surprenantes, il ne manquait plus que l’incident plus
bizarre encore dont nous avons été témoins, c’est-à-dire, la discussion sur la
question de savoir si la chambre a le droit d’enquête, après qu’elle a fait
cette délégation à la commission qu’elle a nommée.
Après
cet exorde, l’honorable membre entre dans la discussion des principes ; il
s’attache à réfuter les principales objections qui ont été présentées dans les
séances précédentes, et finit en renouvelant la proposition qu’il a fait lors
de son premier discours, de donner à la commission d’enquête, ainsi qu’on l’a
fait en France, les pouvoirs déférés aux juges d’instruction, ce qui lui
suffira pour remplir sa mission.
M. Morel-Danheel présente de courtes
considérations pour motiver son vote, qui sera contraire à la prise en
considération.
M.
Gendebien parle une seconde fois en faveur de la prise en
considération.
- Après le discours
de M. Gendebien, plusieurs membres demandent la clôture.
M.
le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande la
parole. (Non ! non ! La clôture ! la clôture !)
M. Destouvelles, vice-président, à qui M. de
Gerlache a cédé le fauteuil. - Messieurs, quand un ministre demande la parole,
vous savez qu’il doit l’obtenir. (La
clôture !)
M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Si l’on persiste à
demander la clôture, je renoncerai volontiers à la parole, d’autant plus que je
n’entendais pas parler, en ce moment, comme ministre, mais comme député. (La clôture ! la clôture !)
M. le président. - Il y a encore plusieurs orateurs inscrits.
M.
Rogier. - On n’a jamais empêché les orateurs de motiver
leur vote dans une discussion aussi importante.
M. Helias
d’Huddeghem. - Messieurs, je n’ai pas encore été entendu ; cependant,
comme membre de la commission, je crois qu’il est de mon devoir de motiver mon
vote. Je demande que la discussion soit continuée.
M.
Lebeau. - Je ne m’oppose pas à ce que, par un motif de
convenance, on entende M. Helias d’Huddeghem ; mais je ne veux pas qu’il vienne
réclamer comme un droit à la faveur d’être entendu, parce qu’il est membre de
la commission. Les membres d’une commission sont comme tous les autres députés
: ils sont nos égaux, et ne peuvent obtenir la parole qu’à leur tour et quand
ils trouvent bon de parler. Ce droit n’est accordé qu’aux ministres. Je le
répète, je ne m’oppose pas à ce que M. Helias soit entendu, mais je ne veux pas
qu’il se considère comme ayant le droit de l’être.
M. Helias
d’Huddeghem. - M. Lebeau m’a mal compris. Je n’ai pas dit que
j’avais le droit d’être entendu, mais que je croyais de mon devoir de motiver
mon vote.
- Les cris : La clôture ! se renouvellent ; elle est mise
aux voix et adoptée.
On procède ensuite à
l’appel nominal sur la prise en considération. En voici le résultat : votants,
82 ; pour, 31 ; contre, 48.
Trois membres se sont
abstenus.
La prise en
considération du projet de la commission est rejetée.
Ont voté pour : MM.
Berger, Blargnies, Bourgeois, Ch. Coppens, Corbisier, Dams, de Haerne,
Dellafaille, de Meer de Moorsel, de Robaulx, Desmet, d’Hoffschmidt, d’Huart,
Dubus, Fleussu, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Jullien, Lardinois, Lebègue,
Leclercq, Liedts, Pirmez, Pirson, Raymaeckers, A. Rodenbach, Seron, Tiecken de
Terhove, Vergauwen, Watlet, Zoude.
Ont voté contre : MM.
Barthélemy, Boucqueau de Villeraie, Coghen, Coppieters, Dautrebande, H. de
Brouckere, Delehaye, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Roo, de Sécus,
Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Woelmont, Dugniolle,
Dumont, Goethals, Lebeau, Lefebvre, Legrelle, Le Hon, Mary, Milcamps,
Morel-Danheel, Nothomb, Olislagers, Polfvliet, Poschet, Raikem, Serruys,
Thienpont, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Verdussen,
Verhagen, Ch. Vilain XIIII, H. Vilain XIIII, Vuylsteke, Destouvelles, F. de
Mérode.
MM. Davignon,
Duvivier et Rogier se sont abstenus.
M. le président, invite, conformément au règlement, les trois
honorables membres à expliquer les motifs de leur abstention.
M. Davignon donne pour motif
qu’ayant été absent pendant quelques jours, il n’a pas assisté à la discussion.
M. Duvivier. - Messieurs, ayant
eu l’honneur de faire partie du conseil de M. le régent, comme chargé ad
interim du portefeuille du ministère des finances, à l’époque où l’on paraît
vouloir porter plus particulièrement les investigations et les recherches de
l’enquête, je me vois par là « partie intéressée. » Dès lors,
messieurs, ma conduite ne pouvait être autre que celle que commande cette
position, c’est-à-dire que je devais m’abstenir de prendre part au vote sur le
projet soumis à votre délibération. Je ne doute pas, messieurs, que cette
détermination, que j’ai prise après mûre réflexion, n’obtienne l’approbation de
la chambre. (Bravo ! bravo !)
M. de Robaulx. - Bravo ! C’est une
leçon pour les autres.
M. Rogier. - Messieurs, une
absence de deux jours, que j’ai été obligé de faire pour un service urgent, m’a
empêché d’assister à la discussion. D’un autre côté, la chambre a ordonné la
clôture avant que j’eusse été entendu. Je demande donc encore un peu de
patience à l’assemblée pour lui donner lecture du discours que je me proposais
de prononcer. (Non ! non ! Réclamations
générales. Agitation prolongée.) Mon discours n’est pas long. (Nouvelles et vives réclamations.)
Voix nombreuses. - La discussion est close. Expliquez seulement
les motifs de votre abstention.
M. Lebeau. - Permettez à M.
Rogier de prononcer son discours, ce serait rouvrir la discussion générale ;
c’est là un précédent fâcheux que nous ne devons pas établir.
M.
Rogier. - Tout orateur qui prend la parole désire se
faire écouter, vous avez, dans ce désir naturel à tous, une garantie qu’on
n’abusera pas de ce précédent.
M. Ch. Vilain XIIII et M.
H. de Brouckere demandent à la fois la parole pour un rappel au
règlement.
M. le président. - Voici ce que dit l’article 20 en discussion
: « Tout membre qui, présent dans la chambre lorsque la question est mise
aux voix, s’abstient de voter, sera invité par le président, après l’appel
nominal, à faire connaître les motifs qui l’engagent à ne pas prendre part au
vote. »
M.
H. de Brouckere, s’étayant du texte de cet article, soutient que
l’orateur ne peut être entendu sur le fond de la question que la chambre a décidée,
mais seulement sur les raisons qui l’ont empêché de voter.
M.
Rogier. - Je dirai alors que je n’ai pas pu voter parce
qu’on a prononcé la clôture avant que j’eusse pu parler.
M.
Gendebien. - Je ne pense pas qu’on puisse empêcher M.
Rogier, de prendre la parole, sauf à la chambre à le rappeler à la question
s’il s’en écarte. (Appuyé ! appuyé !)
M.
Rogier. - La manière dont on m’enferme dans le
règlement m’interdira de m’expliquer comme je l’aurais fait ; cependant je dois
dire que le projet de la commission…
M. le président. - Vous ne pouvez pas parler sur le fond. (Agitation.)
M.
Rogier. - Enfin, messieurs, j’aurais voté contre la
prise en considération, tout en insistant pour que l’enquête eût lieu, mais en
y procédant par des moyens plus constitutionnels.
PROJET DE LOI PORTANT
LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES FINANCES POUR L’EXERCICE 1832
M.
le ministre des finances (M. Coghen) présente le budget de son département pour
l’année 1832. Le chiffre du crédit demandé par le gouvernement pour cet
exercice s’élève à la somme de 53,556,000 fl.
- La séance est levée
à trois heures et demie.