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Jamme Louis (1779-1848)

Portrait de Jamme Louis

Jamme Louis, Laurent, Jean indéterminée

né en 1779 à Liège décédé en 1848 à Liège

Représentant entre 1831 et 1832, élu par l'arrondissement de Liège

Biographie

(Extrait de La Meuse du 30 janvier 1897)

La mort de M. Emile Jamme, ancien représentant, rappelle au souvenir de tous les Liégeois le nom de son vénérable père, M. Louis Jamme, qui fut, après 1830, le premier bourgmestre de Liège

M. Alphonse Le Roy , dans son Liber memorialis, avait écrit sur lui des notes qui lui avaient été remises par M. Emile Jamme, une intéressante biographie de l’ancien bourgmestre.

Voici cette notice :

Lambert-Jean-Louis Jamme, né à Liége, le 15 octobre 1779, y mourut le 12 février 1848, après avoir fourni une carrière utile et laborieuse. La mémoire de Jamme est restée chère aux Liégeois ; son nom est synonyme de citoyen, d'administrateur éclairé et dévoué au bien général. Jusqu'en 1830, rien de plus paisible et de plus étranger aux affaires publiques que sa vie. Il faisait le commerce par raison et consacrait ses loisirs à la peinture, qu'il avait apprise sans maître.

C'était chez lui une véritable vocation intime et passionnée; s'il n'avait eu une jeune famille à élever, nul doute qu'il ne s'y fût adonné entièrement et qu'il n'eût pris rang parmi nos premiers paysagistes. Après bien des années d'interruption, la bonne et fructueuse impulsion donnée à ses affaires lui avait cependant permis, au commencement de 1830 , de remettre un tableau sur le chevalet. II s'était construit un atelier dans les combles de sa maison de campagne de Fragnée ; il y passait avec bonheur toutes les heures qu’il pouvait dérober à ses occupations ; la Revolution le trouva le pinceau à la main : c'est dire qu’il ne fut pas, comme on l'a quelquefois prétendu, l'un des auteurs du mouvement. Il ne s’y mêla que dans des vues d'ordre et d’humanité et seulement quand la sécurité publique fut compromise.

Le 27 août 180, il prit le commandement d'une compagnie de garde bourgeoise ; le mois suivant, il conserva le même grade dans la garde urbaine.

Pendant toute la crise, il vécut pour ainsi dire sur la place publique ; partout où il y avait des excès à prévenir, on pouvait être sûr de le rencontrer.

Le 2 septembre, il était au pillage des magasins d'armuriers, tout occupé d'empêcher les actes de violence et de sauvegarder les légitimes intérêts de la propriété.

La foule, qui s'était armée, bivouaque au théâtre. Comme toujours dans les révolutions, cette foule contenait toute espèce d'éléments.

Il fallait apaiser les exaltés. Contenir les mauvais, donner une direction à cette force effrayante. Louis Jamme et Charles Rogier se chargèrent de ces soins. Toute la nuit fut employée à des mesures d’organisation et de discipline ; on régularisa la distribution des armes, on fournit des vivres, aucun malheur ne fut à déplorer.

La nouvelle troupe se donna le nom de garde bourgeoise auxiliaire et reconnut pour chef les deux citoyens qui l'avaient formée : dès le lendemain, cette élection fut ratifiée par le Conseil de régence. Sans attendre un jour de plus, M. Rogier partit pour Bruxelles la tète de son monde ; il était dans son rôle de révolutionnaire convaincu. Jamme jugea que le sien était de rester à Liége et de tirer parti de l'immense popularité qu’il avait acquise en quelques jours, pour assurer le maintien du bon ordre et le respect des personnes.

Le 15 septembre, il fut nommé chef de la légion de l'Ouest de la garde urbaine ; le 11 octobre, membre de la Commission des secours et indemnités. En présence de l'exaltation des esprits, il eut plus d’une fois besoin de déployer toute son énergie.

Nous rappellerons seulement une scène qui la eut lieu dans la cour du Palais, où étaient remisés des canons que le peuple voulut enlever. Le commandant hollandais de la Citadelle avait déclaré que si l'on touchait à ces pièces, il bombarderait la ville. Jamme résista courageusement aux impatiences de la foule imprudente et aveuglée ; la cause de la révolution, à laquelle il était sympathique, ne lui paraissait pas dépendre de ce petit nombre de bouches à feu et il pensait aux habitants paisibles, aux femmes, aux enfants menacés d'un massacre. Un patriote furieux se précipita sur lui le sabre levé. On le retint, on entoura Jamme, on subit son ascendant et les canons restèrent.

Un jour ou deux plus tard, ils furent emmenés pendant la nuit et sans bruit.

Vint la période de réorganisation. Les corps communaux furent choisis par élection. Jamme fut nommé bourgmestre aux acclamations de la ville entière.

Pour en finir avec les événements de la révolution, nous mentionnerons encore la belle conduite que tint l'honorable magistrat en 1831, lors de la déroute de l’armée de la Meuse. Le général Daine, arrivé à Liège avant la nouvelle de sa défaite, s'était enfermé à l'Hôtel du Pavillon Anglais.

Impossible de parvenir jusqu'à lui. Les bruits les plus sinistres se propageaient ; le mal, bien assez grand déjà, était exagéré par les fuyards ; l'inaction du général, qui ne donnait aucun ordre, autorisait toutes les appréhensions.

Louis Jamme, l'homme de paix, se mit en route à travers les troupes débandées et se rendit au quartier gênerai du Roi vers Diest ou Louvain, pour l'avertir des dangers que couraient Liége et la province.

L'arrivée des Français mit fin cette débâcle. La paix publique une fois rétablie, Jamme consacra tout son temps et toutes ses pensées à l’administration de la ville.

Il rendit d'éminents services à l'instruction publique ; il se préoccupa surtout, comme Rouveroy, d'améliorer les écoles primaires et d'imprimer une vigoureuse impulsion à l'Académie de dessin, dont il comprenait toute l'importance au point de vue de l'émancipation intellectuelle et artistique des classes ouvrières

Rien n'échappait à sa vigilance ; son désintéressement absolu, son affabilité lui gagnaient l’affection générale et réveillaient chez tous ceux qui rapprochaient le sentiment du devoir ; il faisait apprécier l'excellence de nos institutions nationales par la manière dont il les pratiquait lui-même. Son activité était incessante ; il s'épuisait en efforts surhumains pour suffire à la fois à ses obligations de père de famille et aux exigences de sa charge.

Une affection de la moelle épinière, résultat de tant d'inquiétudes et d'insomnies, avait entraîné un commencement de paralysie. Ses affaires commerciales, si prospères avant 1830, commençaient à souffrir de son dévouement à la cite. Sous le coup de pertes importantes, il résolut de renoncer à l'administration comme il avait, dans sa jeunesse, renoncé à la peinture.

II résigna son mandat, mais il lui fallut plus d'un an pour vaincre les instances de ses collègues, celles de la ville et celles du Roi. La démission de Jamme ne fut acceptée que le 19 juin 1838. Il quitta l’hôtel de ville au milieu de témoignages universels de regrets et de sympathie et resta, dès lors, étranger aux affaires publiques, si ce n'est qu'il prit une part active aux élections, aussi longtemps que sa santé le lui permit.

La ville lui vota une pension civique, dont il vécut jusqu'à la gin. li chercha des consolations dans l'affection des siens et dans la culture des arts, la passion de sa jeunesse : ses plus beaux paysages datent de sa retraite.

Jamme avait refusé de faire partie du Congres national ; il fut membre de la première Chambre des représentants (1831), mais il déclina la continuation de ce mandat.

La ville de Liège a érigé un beau monument à Louis Jamme dans le cimetière de Robermont.


(Extrait de : E. DUCHESNE, dans Biographie nationale de Belgique, t. X, 1888-1889, col. 92-95)

JAMME (Lambert-Jean-Louis), bourgmestre de Liège de 1830 à 1838, né dans cette ville, le 15 octobre 1779, y mourut le 12 février 1848. Jusqu'en 1830, rien de plus paisible et de plus étranger à la politique que sa vie. Absorbé par des occupations industrielles, il consacrait à la peinture, pour laquelle il ressentait une véritable vocation intime et qu'il avait apprise sans maître, les rares loisirs que lui laissaient ses affaires. La révolution le trouva le pinceau à la main. Il ne fut pas l'un des auteurs du mouvement, ni dans la presse ni dans la rue ; patriote sincère, mais homme d'ordre avant tout, il ne se mêla à l'agitation populaire que pour la régulariser en quelque sorte, et garantir, au milieu de la tourmente révolutionnaire, le respect des personnes et de la propriété. Dès lors, il se dévoua corps et âme à cette œuvre de civisme, de salut national même, et, du jour au lendemain, il fut l’homme de la situation. Les journaux du temps contiennent de nombreux appels au peuple liégeois contresignés par Jamme, Rogier et plusieurs autres, le suppliant de rester dans la légalité et de se garder de tout acte de violence. Le 27 août 1830, Louis Jamme prit le commandement d’une compagnie de la garde bourgeoise, instituée par la commission de sûreté publique. Pendant toute la durée de la crise, il vécut pour ainsi dire sur les places de Liège. Partout où il y avait des excès à prévenir, on pouvait être sûr de le rencontrer. Le 2 septembre, quand le peuple, qui voulait s’armer, pilla les magasins des armuriers et bivouaqua au théâtre, Jamme s’employa avec Rogier à contenir la multitude composée d’éléments divers, présidant à la distribution des fusils, utilisant la nuit à des mesures d’organisation et de discipline. La nouvelle troupe se donna le nom de « garde bourgeoise auxiliaire », et reconnut pour chef les deux citoyens qui l’avaient formée ; dès le lendemain, le conseil de régence ratifia cette élection. Homme d’action et révolutionnaire ardent, Rogier partit aussitôt pour Bruxelles. Jamme, patriote tout aussi convaincu, travailla au triomphe de la cause nationale par une vois différente et non moins louable. Il songea à tirer parti de l’immense popularité qu’il avait si soudainement acquise, pour assurer le maintien du bon ordre, et si notre révolution fut une des moins troublées dont l’histoire fasse mention, c’est en partie à des citoyens du caractère de Louis Jamme qu’on le doit. Le 15 septembre, il fut nommé chef de la légion de l’Ouest de la garde urbaine, qui remplaça la garde bourgeoise. La garnison hollandaise s’était retirée dans les forts ; ce fut à la garde urbaine à veiller à la sécurité publique et, plus d’une fois encore, le dévouement de Jamme, l’autorité et l’ascendant de sa personne préservèrent la ville de scènes de violence. Des canons avaient été remisés dans la cour du palais ; le peuple voulut s’en saisir. Mais le commandant hollandais avait menacé de bombarder la ville, si l’on touchait à ces pièces. Jamme, au péril de sa vie, sut résister aux exigences aveugles d’une foule ameutée, faire taire les impatiences des plus exaltés, les siennes peut-être, et sauver Liége d’un épouvantable désastre. Le surlendemain, les canons furent enlevés la nuit et sans bruit.

Aussi, ce fut aux acclamations de la ville entière que, le 2 novembre, il fut élu bourgmestre. Dans la rue, il avait discipliné l’ardeur populaire, à l’hôtel de ville, la période de réorganisation venue, il fut à la hauteur de son nouveau rôle, et l’exercice du pouvoir, qui est le dissolvant des popularités trop soudaines, ne fit qu’affermir la sienne.

Il avait refusé l’honneur de faire partie du Congrès national ; mais il siégea l’année suivante à la première chambre des représentants. Il y pris une place active aux discussions budgétaires et, à une époque vouée au protectionnisme, il soutint la théorie de la liberté du commerce ; il combattit encore le projet de réduction des crédits accordés aux universités de l’Etat.

En juin 1832, il déclina la continuation de son mandat, résolu à, se donner entièrement à l'exercice de ses fonctions municipales. Sous son impulsion, Liège vit créer ou développer la plupart de ses institutions libérales. L’instruction publique, l'enseignement populaire surtout, lui durent une nouvelle organisation et de précieux encouragements. Comme curateur et comme bourgmestre, il prit en mains à diverses reprises la cause de l'université. Les arts, qu'il cultivait lui-même avec amour, restèrent toujours l'objet de sa plus vive sollicitude, et l'académie de dessin le compta parmi ses plus zélés protecteurs. Aussi, une médaille d'or lui fut-elle offerte le 25 août 1834, par un. grand nombre d'amis de l'instruction publique, comme expression de leur gratitude. Sur un autre terrain, il se montra le défenseur énergique des prérogatives communales vis-à-vis même du gouvernement, lors d'une affaire qui eut un certain retentissement et qu’avait provoquée la majorité du conseil de Liège en votant la publicité de ses séances.

A une austère probité, la moindre vertu du magistrat, Louis Jamme joignait le mérité d’un désintéressement qui était poussé chez lui jusqu’à l’oubli de ses affaires personnels et jusqu’au sacrifice de ses préoccupations de chef de famille. Résultat de son dévouement exclusif à la chose publique, des revers de fortune le frappèrent en même temps que se déclarait un, commencement de paralysie ; il lui fallut se résoudre à résigner son mandat et quitter l'administration communale le 19 juin 1838.

Les dix dernières années de sa vie se passèrent dans une retraite respectée. Il n'en sortait que pour soutenir de son vote, dans les luttes politiques, le parti libéral qu'il avait si souvent lui-même conduit à la victoire. Sa ville natale lui avait voté une pension civile ; elle lui fit ériger, au lendemain de ses funérailles, un monument de reconnaissance dans le cimetière de Robermont. La Société d'Emulation mit son éloge au concours ,sous le patronage de l'administration communale, et sa mémoire est restée chère aux Liégeois comme la personnification du. type le plus pur et le plus sympathique du bourgmestre.

Ses tableaux : des paysages et des fleurs, sont disséminés dans sa famille. Sa femme, qui cultivait les lettres, comme lui s'était adonné à la peinture, a laissé trois ouvrages : Le Christianisme réformateur du monde, suivi de pensées religieuses et morales, Liège, Desoer, 1849 ; De la nécessité du culte religieux, suivi de fragments sur l’éducation, idem., 1851 ; Abrégé de l’histoire sainte, idem, 1854.